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[RP]Et les "fantômes" demeurent...

Alaynna
[L'esprit se plie volontiers à la discipline qu'il a lui-même imaginé.]
- Lindsey Stirling - Dracula


C'est affaire de volonté tout simplement.

Je venais de refermer la porte de la bibliothèque derrière moi. Depuis mon enlèvement, et que j'avais découvert l'existence de cette pièce, c'est ici que je passais la majeure partie de mon temps, avec Anna-Gabriella. L'endroit me rappelait une autre pièce dans laquelle j'avais passé toute une partie de mon enfance, même si l'architecture en était complètement différente, les trésors littéraires qui s'y trouvaient, eux, m'étaient familiers.
L'odeur qui émanait de ces lieux-ci me rassurait et m'attirait à la fois. Après la mort de ma mère, je m'étais réfugiée dans la bibliothèque maternelle. Depuis la mort de Loras, les évènements avaient fait que la grande bibliothèque du manoir Von Znieski était devenu en quelque sorte notre refuge à Anna-Gabriella et moi.
Même elle semblait se plaire dans ces lieux. Il faut dire que j'y avais trouvé de nouvelles inspirations pour nos petites histoires du soir, rituel de son coucher depuis dix mois.

Depuis mon arrivée dans ce manoir et cette fameuse première nuit, durant laquelle j'avais entendu ce sinistre cri qui m'avait glacé le sang, je restais persuadée que l'endroit recelait des âmes égarées. D'autant plus que de manière récurrente, j'entendais indépendamment du jour ou de la nuit des bruits étouffés de chaines qui, par moment, se faisait plus distincts lorsque des courants d'air se faisaient sentir parmi les vieilles pierres des murs du manoir.
Et si lorsque nous étions partis en Franche-Comté, j'avais commencé à donner quelques recommandations en douce à Eugène, loin des oreilles et du regard de Gabriel, il était temps de passer aux choses plus sérieuses.
C'est que depuis quelques semaines je m'étais penchée sur des ouvrages qui avaient retenu tout mon intérêt.
J'en avais déjà lu des similaires dans mon adolescence, la bibliothèque maternelle recelait quelques ouvrages relatant le même sujet mais en Italie.
Or là, je venais de découvrir un fait troublant : les pays Slaves avaient eux aussi leurs mystères et leurs us et coutumes sur les mêmes faits.
Ce qui ne manquait pas de me troubler. Surtout, lors d'un nouveau chapitre que j'avais lu et qui venait de marquer mon esprit. Terriblement.

Il était indéniable que j'étais marqué à vie par la disparition de Loras. Il m'avait été arraché à l'aube d'une nouvelle histoire de ma vie. Les jours, les semaines, les mois passaient depuis, mais rien ne pouvait effacer ce manque de Lui. Accentué par le fait que Gabriel m'ait faite enlevé et que je considérais avoir abandonné le Serbe qui dormait désormais seul, dans ce lit où je l'avais moi-même bordé.
Ce putain de sentiment qui continuait de m'étreindre. La mort me l'avait arraché mais l'enlèvement de Gabriel m'en avait démunie une seconde fois.
Mais le plus terrible dans cette histoire, c'est que mon esprit lui, voyait des similitudes entre le Polonais et le Serbe. Je me souvenais encore de cet étrange sentiment qui m'avait saisi à Marseille, lorsque les deux Slaves s'étaient rencontrés pour la première fois, sous mon regard. Chacun causant à l'autre dans leur propre langue maternelle, s'observant comme deux chiens de faïence et finalement les regards Slaves s'était absorbé sur l'Italienne que j'étais, venant perforer un peu plus mon âme, et distiller cet émoi au tréfonds de ma conscience. La disparition de Gabriel que je n'avais ensuite pas revu pendant deux semaines.

Et ma conscience, en cet instant n'en menait pas large alors que je venais de faire une découverte littéraire.

Selon une croyance Slave, après la mort, l'âme persiste et peut évoluer sur la terre pendant quarante jours avant de rejoindre l'au-delà. Dans les morts violentes, l'âme refuse de se détacher du corps. Alors le corps peut être possédé par une autre âme en peine, cherchant à se venger des vivants.

Le Serbe est mort d'une mort violente et sans aucun doutes, atroce.

Depuis, ces mots martelaient ma tête et venaient de plus se mélanger aux conseils prodigués par Diego et Eliance sur le sujet.

Loras. Gabriel. Un Serbe. Un Polonais. Vinguette ! Comme dirait ma soeur de coeur, Eliance.
Un que j'ai imaginé castré et qui ne l'était pas. L'autre que je savais castré mais que j'imaginais tout autrement que ça ne l'est en réalité.

Putana. Je suis dans la m.ierda. Et l'ombre de Niallan qui s'en plane au milieu de tout ça.
C'est à s'en arracher les cheveux et cela me fait immanquablement penser à ce jour où Gabriel a tailladé avec art dans ma chevelure pour la coiffer en chignon. Quand Niallan m'a abandonné.
Et me voilà à pâlir davantage et à avoir des sueurs froides en me remémorant ce jour sur Marseille, où le Serbe m'a fait asseoir sur ses genoux, me sculptant un chignon, après que j'ai mis à mort ce putain de mariage factice entre Niallan et moi, que je ne lui ai toujours pas pardonné d'ailleurs. Ce chignon qui veut tant dire dans la culture du Serbe, qui m'avait précisé que chez lui, les femmes portant chignon appartenaient à un homme. Ajoutant que maintenant j'étais sienne.

Depuis, bien qu'il soit mort, je porte toujours chignon et la fibule qu'il y a fiché. Gabriel d'ailleurs lui-même, n'a pas touché à mon chignon pour me le refaire à sa sauce, bien que parfois, je ne sois pas dupe du regard qu'il y pose dessus.
Et une horrible idée, suite à mes dernières lectures, vient de me traverser l'esprit.

Aussi, Anna-Gabriella entre les bras, je vais rejoindre la galerie des portraits de la famille Znieski.
L'un des portraits qui s'y trouve, est salué tous les jours et Anna-Gabriella lui parle, dans son language bien à elle, lui tendant même les bras et ses petites mains. Si sur le moment j'ai été un brin choquée parce que le portrait de Niallan figure sur les murs du manoir, la galerie est devenue la visite rituelle de la journée. Deux fois par jour. Le matin, Anna vient dire bonjour à son père, et le soir, lui souhaiter une bonne nuit.
Quant à moi, j'aime à regarder ces portraits et à les scruter, traquant dans chacuns d'eux, les traits dont Gabriel a pu hériter.
Mon portrait préféré, excepté celui de Niallan qui est hors-jeu bien entendu, c'est celui du Patriarche. Il y a une lueur dans le regard peint, qu'il m'est arrivé de surprendre plusieurs fois dans les yeux de Gabriel. Bien entendu, je me suis bien gardé de le lui dire, ne sachant pas comment cela serait perçu.

Plantée dans la galerie des portraits, j'attends Eugène, que j'ai fait discrètement mandé. Car je sais que l'endroit le plus tranquille pour lui parler sans que des oreilles trainent, c'est celui-ci. Parce que la plupart des gens n'aiment pas venir en cet endroit glacial. Ce qui n'est pas mon cas.

Je surveille donc, patiente et déterminée, l'arrivée du majordome de la Maison Von Znieski.

_________________
--Loras.
La galerie des portraits est une pièce intrigante. Même pour les fantômes. Car de fait, lorsque l'enveloppe charnelle n'existe pas mais qu'elle que l'âme persiste... L'on peut parler de spectre. Un résidu de quelque chose, que l'on ne se sait s'il perdure par les tourments de ceux qui restent à le pleurer. Une existence immatérielle. Qui continue de percer de son omniprésence les âmes matérielles...

Ainsi donc. Loras restait. Sa mot violente n'avait été qu'une suite logique à sa vie de violence. Et le spectre était une âme contrariée. Coincé entre le no man's land de ceux qui ne peuvent pas s'en aller aussi naturellement. Aussi paisiblement.

Les doigts vinrent défaire une mèche de ce chignon qui signifiait tant, avant. De quelque chose qu'on ne lui avait pas laissé le temps d'affermir. Loras s'applique à la faire frémir, dans cette galerie des tourments.

Au secret de sa condition, il louvoie contre les reins de l'italienne. Prendrait n'importe quel corps, pour les faire réagir de nouveau. Puisse-t-il être Polonais. Puisse-t-il vraiment encore, se sentir les aimer. Et un courant d'air glacial s'en vient les effleurer.

Voilà ce qu'était le lot des âmes tourmentées.
Eugene_
La longue cape à capuche est étendue sur la couche. Pan après pan, rebord après rebord, un pli après l’autre se dessine en des parallélismes parfaits. La main aux doigts noueux glisse sous l’étoffe pour la soulever et la faire rejoindre le placard. La porte de ce dernier est refermée avec soin. Retour au lit dont le drap est lissé aussi longtemps qu’il est nécessaire pour satisfaire l’œil de l’Austère. Et l’inspection commence, étage après étage, pièce après pièce. Chacun de ses gestes sont si familiers et son attitude comme ses traits sont d’une telle constance que l’on pourrait croire que tous les jours de tous les ans se ressemblent. Pourtant, il en a vu passer des Znieski, des tables et des invités. Il les a suivis, royaume après royaume, duché après duché, demeure après demeure. Eugène est sans conteste le détenteur des plus lourds secrets de la mesnie. Il a assisté à certains, en a couvert d’autres, quand il n’y participait pas. L’élimination des nuisibles, il le connaissait sous toutes ses formes. Des noyés, des empoisonnés, des égorgés, des torturés … Ces dernières années avaient évolué vers une forme de sensibilité qui n’existait pas auparavant. Désormais, l’on tuait moins facilement.

Depuis 1463, la « mode » dérivait vers l’emprisonnement. De même, on ne noyait plus les nouveaux nés infirmes, ni les bâtards. On n’éloignait plus les rescapés non plus. La Maison devait cet élan de générosité au Vicomte Pierraleif, premier nain Znieski devant son salut à sa naissance en pleine guerre. Mais aussi premier difforme à hériter de la tête de la famille après avoir offert à son Père de succomber à un officiel accident de chasse. 1465 voyait une énième nouveauté : l’enlèvement suivi de projets matrimoniaux. Personne n’aurait pu se douter que derrière son impassibilité, le Valet désapprouvait les choix, les valeurs et les méthodes de Gawel Ludwik. Pourtant, il lui trouvait des souplesses s’apparentant à autant de faiblesses. Son jeune maître cumulait les erreurs depuis qu’il avait pris ses fonctions de chef de famille. Tout d’abord, il consultait les autres membres pour conforter ses décisions. Il écoutait leurs attentes. Il avait aussi la particularité de se porter en protecteur des enfants.

Non content de cela, il restait patient avec les sodomites, même si les négligences publiques jetaient l’opprobre sur le nom de la famille. Il avait également recruté une misérable maraudeuse parfaitement incapable pour entrer à son service, plutôt que de la laisser être pendue pour avoir osé le voler. Ainsi nous en arrivions actuellement au choix de ce parti assez improbable pour une future union. Elle était assurément partie pour être la première femme à mener un Znieski par le bout du nez. Pour autant, l’Austère ne déviait pas de sa place, du moins pas ouvertement. Toujours fidèle à son rôle, il s’exécutait sans se plaindre, et ne conseillait jamais qu’à demi-mot. Ce jour-là, il se rendit auprès d’Alaynna, ainsi qu’elle l’avait souhaité. Et comme il en avait la fâcheuse habitude, il se trouva bientôt planté dans son dos.


Madame m’a fait demander.

Mais le regard de l’homme restait irrésistiblement attiré par le bord inférieur d’un cadre à proximité, sur lequel il avait repéré une tâche sombre. Il était conscient qu’il ne parviendrait à lui offrir sa pleine attention tant qu’il n’aurait pas remédié à cette horreur insupportable.

Permettez un instant.

Il dégaina le chiffon immaculé de sa poche et le déploya dans un majestueux mouvement de poignet dont lui seul avait le secret. Un geste dont la grâce jurait avec la rigidité du reste de son être. Lorsque l’étoffe fut proche de la cible, la main resta subitement suspendue dans les airs. Plus personne ne s’étonnait depuis longtemps de voir l’homme frotter une poussière qui serait absente pour l’œil du commun. Cependant, cette fois, c’est lui-même qui se trouvait chipé. Il était pourtant certain d’avoir vu cette zone sombre ternissant les dorures. C’était forcément là, quelque part. S’il l’avait perdue, c’était sans doute dû à l’angle de la lumière. Il eut beau se pencher, s’incliner plus à droite, puis plus à gauche, et même reculer pour retracer ses derniers pas, il n’y avait plus rien. C’était à se demander s’il n’était pas en train de perdre son implacable acuité. Impossible. Inacceptable. Inadmissible. Il en vint à décrocher le tableau du mur pour s’éloigner de quelques pas avec afin de l’examiner dans des angles plus lumineux, puis plus sombres, rien à faire. On aurait dit que ça avait disparu. Coûte que coûte, il allait bien finir par trouver, il le fallait. Réalisant qu’il en avait jusqu’à oublié la présence de l’Italienne, il s’excusa une nouvelle fois auprès d’elle, et pour reporter le sujet, en appela aux petites mains.

Wiktoria !

Quelques instants plus tard, des petits bruits de talons pressés arrivèrent en leur direction.

Tak, proszę pana?*
Portez ceci dans ma chambre, et ne touchez à rien.
Tak … Oui, Monsieur.


Après seulement quelques pas, elle échappa non seulement un petit cri suraigu, mais surtout le portrait de Gabriel qui se fissura et dont le cadre explosa contre le parquet. Les deux mains plaquées contre sa bouche, la jeunette resta pétrifiée un moment face à son désastre et se mit à pleurer en monologuant en polonais à un rythme effréné. Eugène, quant à lui, n’exprima aucune réaction. Rien ne pouvait se lire sur son visage.

Vous chercherez des excuses plus tard, Wiktoria. Pour le moment ramassez et portez dans ma chambre.

Larmoyante, elle s’agenouilla pour s’exécuter, peinant d’autant plus à parler entre ses sanglots.

Je jure. C’était glacé. Pitié, ne me renvoyez pas là-bas !

Toujours impassible en apparence, tant bien même cela ne faisait que confirmer son idée que toute cette influence et ces histoires n’avaient pas fini d’avoir des répercussions néfastes sur le quotidien de tous, le Valet en était déjà retourné à son travail. Ici, à Alaynna, donc.

Je suis confus pour cette petite distraction. Que puis-je pour Madame ?

*Oui Monsieur ?

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"Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ?"
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Alaynna
[Où es tu ?] - Faded - Alan Walker -


Tu étais l'ombre de ma lumière
Nous sentais-tu
Un nouveau départ
Tu disparais
Peur que notre but soit hors d'atteinte
Je voudrais nous voir
En vie
Où es-tu à présent, où es-tu maintenant ?
Où es-tu maintenant ?
Est-ce que tout n'était que dans mes rêveries
Où es-tu à présent ?
N'étais-tu qu'imaginaire...
Où es-tu à présent
Sous la clarté - mais les lumières se sont estompées
Tu as mis le feu à mon cœur
Où es-tu à présent ?...


Dans mes bras, Anna-Gabriella tend ses petites mains en direction du portrait de son père et dans son langage à elle, lui raconte ses petites histoires. Ce qui donne approximativement quelque chose comme [ça]


Et moi. J'attends.

Mais ne croyez pas pour autant que tout est calme dans ma caboche. Régulièrement, senestre s'en porte à mon front, alors que je me tape un monologue intérieur que je tente d'apaiser.
Evidemment. Je le sais qu'Elle est là. Elle est revenue depuis la mort de Loras. Mais jusqu'à ce jour, je refusais de lui adresser la parole. Mais là en l'occurrence, elle est en train de forcer mes défenses, et ça risque, à terme, de faire mal. Très mal. Mais ça, je n'en ai pas vraiment conscience. Pourtant je sais ce qu'elle est capable de faire. J'ignore encore jusqu'où elle peut aller, mais très loin. Je n'en doute pas.


- Allora mia bella, hai pensato solamente quando l'abbia seppellito, ad incollargli una pietra nella bocca? Sai ciò che è non essere-questo-non? Certo lo sai, questa città di cui ti ha parlato e che ti aveva promesso di farti visitare un giorno, quella dove la terra e l'acqua sono rosse.


Pas de réponse de ma part, je tente de me concentrer sur les babillages de ma fille. Mais Elle continue de venir me causer.

- Tutte queste correnti di aria, questi rumori che senti, queste voci slave chi esce dei condotti di camino, li senti non è questo? E tu diffidi di lui questo non è non? Lo cerchi, lo bracchi. Parli di fantasmi ma in fondo a te sospetti di bene di chi si tratta non è questo? Non smetti di pensare a lui ogni giorno, lo vedi anche in Gabriele, è per ciò che vuoi sposarlo. Confessi. Ma te ne impedirò. Lo ucciderò .

Et je finis par craquer et lui répondre.

" - Taciti, non ci sei, non sei ritornata, non esisti."

- Ho scritto al tuo amico che ti è così caro. Sai, quello che è italiano, come noi.

Je m'apprête à lui répondre mais il se passe alors quelques petites choses qui me tétanisent sur place. D'abord, cette mèche de cheveux que je sens dans ma nuque, alors qu'il y a quelques secondes, elle était solidement empêtrée dans mon chignon. Instantanément j'en frissonne, j'en ai la chair de poule. Et puis au même instant, j'ai la sensation d'une présence derrière moi et je sens un courant d'air glacé m'étreindre les reins. J'en ai le souffle coupé et le coeur qui s'emballe. Et quand je fais volte face c'est pour me retrouver Eugène, planté derrière mon dos. Stupéfaite, j'ouvre la bouche, puis la referme, car j'ai une sensation étrange qui m'étreint.

Aussi je reste coite, à observer son manège. J'aurai presque trouvé cela normal chez lui, si je n'avais pas ensuite vu Wiktoria échapper le portrait de Gabriel qui s'explose au sol et entendu ses paroles.


Je jure. C’était glacé. Pitié, ne me renvoyez pas là-bas !

Immobile, toujours sous le coup de cette émotion subite qui s'est emparée de moi, je garde longuement mes bleus rivés sur l'oeuvre au sol, avant que les jeunes mains Polonaises ne s'en viennent le ramasser, ainsi que les débris autour. Mon regard fait alors le tour de la pièce, lentement, et tout aussi doucement, je glisse une main dans la poche de ma vesture qui garde soigneusement la pipe Serbe. Mes doigts caressent le bois et les sculptures, avant que mes bleus ne reviennent se poser sur Eugène qui s'enquiert enfin de ce que je lui veux.

- Je vous ai demandé de me rejoindre ici pour deux raisons. L'une, c'est que je voudrais que vous me fassiez un bilan de vos recherches actuelles sur le..enfin vous savez...le petit travail que je vous ai confié avant que nous nous absentions en Franche-Comté avec le Baron. Depuis notre retour, nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter, j'aimerai donc savoir où en sont nos recherches. Et ensuite, je souhaiterai évoquer un autre sujet avec vous. Vous n'êtes en effet pas sans savoir que dès la fin de ce mois, le Baron et moi-même seront unis. J'aurais donc, outre les festivités d'usage à préparer, une autre tâche à vous confier. Je voudrais que dans la chambre nuptiale de ce manoir, c'est à dire dans la chambre du Baron, soit déposées dans des vases, nombre de branches d'aubépine. Ainsi que des fleurs d'ail. Soyez généreux sur les branches d'aubépines.
Vous en disposerez également un vase dans chacunes des chambres du manoir ainsi que dans le petit salon."


Jette un oeil sur les tableaux de la galerie, me passe une main sur le front, hésite un instant puis conclut ma demande.

" - Et vous ferez en sorte de glisser un rameau d'aubépine sous chacun des portraits ici présents. A la réflexion, sous celui de Niallan Ozera Von Znieski, vous en glisserez deux."

Je pensais en avoir terminé, quand une pensée me traverse l'esprit. Bouchant les oreilles d'Anna-Gabriella afin que la petite n'entende pas les propos qui vont suivre, je marquais un temps d'arrêt avant de poser ma question.

" - Dites moi Eugène, vous qui vivez dans cette famille depuis des lustres, sauriez-vous me dire si les morts portant le nom Von Znieski, sont enterrés avec une pierre dans la bouche ? D'ailleurs, y'aurait-il une crypte au sein de ces lieux ?"

- Alors ma jolie, as tu seulement pensé quand tu l'as enterré, à lui coller une pierre dans la bouche ? Tu sais ce qu'il est n'est-ce-pas ? Bien sûr que tu le sais, cette ville dont il t'a parlé et qu'il t'avait promis de te faire visiter un jour, celle où la terre et l'eau sont rouge.
-Tous ces courants d'air, ces bruits que tu entends, ces voix slaves qui sortent des conduits de cheminée...Tu parles de fantômes mais au fond de toi tu te doutes bien de qui il s'agit n'est-ce pas ? Tu le cherche, tu le traques. Tu ne cesses de penser à lui chaque jour, tu le vois même en Gabriel, c'est pour ça que tu veux l'épouser. Avoues. Mais je t'en empêcherai. Je le tuerai ton Gabriel.
"- Tais toi, tu n'es pas là, tu n'es pas revenue, tu n'existes pas."
- J'ai écrit à ton ami qui t'es si cher. Tu sais, celui qui est italien, comme nous.

_________________
Eugene_
Buste droit, menton haut, regard baissé sur l’Italienne, aucun des plis ornant le faciès de l’Austère ne révélait de mouvement. Si le visage laissait rarement transparaître ses pensées, en cet instant, il ne pensait pas : il mémorisait. Sans ciller et sans que le regard ne dévie de l’italien, ses doigts secs réalisaient leur étrange coutume à l’angle du chiffon, le flanquant d’un nœud.

De ces nœuds-là dont l’homme pouvait se targuer de plusieurs décennies d’expertise, aucun autre que lui n’aurait pu comprendre ce qu’ils racontaient. Car oui, les nœuds du Valet avaient chacun leur mot, leur récit, leur histoire. En un sens, ils lui parlaient. Celui-ci, plus tard, lui dirait « Branches d’aubépine, fleurs d’ail, chambres et petit salon. ».

Bien sûr que non, le nœud n’articulerait aucun son, pas plus qu’il ne prononcerait les mots exacts. Un peu de sérieux, ce n’était jamais qu’un chiffon à poussière qu’Eugène étrennait partout pour dépoussiérer sans jamais qu’il fut sale ni jamais qu’il ne s’abîme, et les chiffons ne sont pas des êtres doués de paroles, comme les nœuds ne tiennent pas de caractères équivalents à un quelconque langage écrit. Bien sûr que non, il n’était pas magique, auto-nettoyant, hyper résistant ou que sais-je.

Toutes ces étrangetés tenaient des secrets Eugénesques, car en sus de ses manies, Eugène avait ses secrets qui pouvaient en défriser plus d’un. Comme de la même façon, tout était toujours propre, sans jamais qu’on le voit réellement frotter autre chose que des endroits déjà immaculés ; ou encore, quand on le cherchait, c’était toujours lui qui trouvait, comme surgissant de nulle part, presque toujours dans le dos de celui qui le mandait, et ce, sans qu’il l’ait vu ou entendu venir. Ce n’est pas parce que certains croyaient aux fantômes-vampires-revenants ou autres qu’il fallait se mettre à croire à tout et n’importe quoi. D’ailleurs, dans la demeure des Znieski, tout avait une explication raisonnable. Le seul hic étant qu’il fallait savoir laquelle.

Mais revenons-en aux nœuds. Le deuxième, plus petit et accolé au premier, rappelait « aubépine » et signifiait « portraits » et « deux pour Niallan ».


" - Dites moi Eugène, vous qui vivez dans cette famille depuis des lustres, sauriez-vous me dire si les morts portant le nom Von Znieski, sont enterrés avec une pierre dans la bouche ? D'ailleurs, y'aurait-il une crypte au sein de ces lieux ?"

Pas de crypte, Madame. Les défunts Znieski sont enterrés dans la ville même de leur trépas. Les innocents et les tourmentés reposent avec la mâchoire pierrée et sont liés à la terre, ainsi que le veut la tradition. Je félicite Madame pour sa culture et l’intérêt qu’elle porte aux us de la famille du Baron.

Il n’était bien entendu pas si idiot, et avait parfaitement fait le lien entre les récentes demandes plus qu’étranges d’Alaynna, et sa présente question. Mais son petit laïus avait surtout pour objectif de l’encourager à approfondir ses connaissances autour de la mesnie et surtout de ses coutumes. L’Austère qui veillait en sous-main au bien-être de la lignée, appréciait que les femmes se liant aux chefs de famille se succédant, soient en mesure de s’intégrer parfaitement en tant que représentantes consort du Nom. Il était évident pour lui que son travail auprès de l’Italienne serait de longue haleine, mais il lui avait déjà décelé nombre des qualités requises et ne s’en inquiétait donc pas davantage. Quant à ce qu’il pourrait encore lui manquer de froideur et d’intransigeance, il resterait en retrait, comme toujours, pour y pourvoir ou amener.

Pendant l’absence de Madame et du Baron, tous les chandeliers ont été allumés comme demandé, exception faite de la chambre et du bureau du Baron. Toutes les pièces ont été visitées simultanément par l’ensemble du personnel, ne laissant place à aucun doute possible. J’ai par ailleurs vérifié et fait chasse avec ail et crucifix par trois fois quotidiennement. Il va sans dire que les lieux sont apparus parfaitement sains depuis les combles jusqu’aux caves. Pas de rat. Pas de vermine. Pas d’étranger. Pas d’apparition. Rien qui ne sorte de l’ordinaire.
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"Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ?"
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Alaynna
Toujours austère, toujours fidèle à lui-même, que ça en deviendrait presque flippant pour une personne de bon aloi. Mais l'Italienne que je suis, est d'une toute autre engeance que le commun des mortels. Et ça, Gabriel s'en est rendu compte. Alors que n'importe quel quidam préfèrerait la compagnie de son couillon de garde à celle d'Eugène, moi, c'est tout le contraire. Je fraye avec Eugène. Accessoirement, parce qu'il est le majordome de la maison Znieski, maison à laquelle je vais devoir m'acclimater puisque j'épouse le chef de famille. Idéalement, Eugène me facilite la vie, je sais que je peux me reposer sur lui, si, dans l'urgence, je dois confier Anna-Gabriella à l'un des membres de la maisonnée. Bien évidemment, je ne suis pas la dernière des cruches, et je me doute bien que Gabriel a du l'assigner, comme tous les autres membres du personnel, à mon bien-être, et encore au delà de ça, je me dis que si cet empaffé de Ludry répète tout à Gabriel, Eugène lui, n'en fait rien et m'accorde une loyauté, relative certes, mais le majordome ne m'a encore fait aucuns coups en douce. Du moins en suis-je persuadée.
Et surtout, j'ai bien compris que l'âme de la maisonnée, c'est lui. Parce qu'il en a vu passer des Znieski et il connait tout, jusqu'aux moindres petits secrets, j'en mettrai ma main au feu sans hésiter, de cette famille.
Alors si je veux pouvoir m'intégrer pleinement dans mon rôle d'épouse de chef de famille, j'ai bien compris que cela doit passer par Eugène. D'ailleurs je ne suis pas sourde au compliment qui tombe, et je compte bien rebondir dessus par la suite, histoire d'arriver à mes fins.
J'ai du mal à le croire quand il m'affirme que les lieux sont parfaitement sains. No parce que les voix slaves entendues dans les conduits de cheminée, je ne les ai pas inventées. J'ai beau avoir ma face potentiellement givrée de temps à autre quand l'Envahisseuse décide de s'en venir me perturber, mais je sais que ce que j'ai entendu il y a quelques jours était bel et bien réel. Tout comme je n'ai pas rêvé ce courant d'air glacial dans le creux de mes reins tout à l'heure.
Et alors que je l'écoute, mes bleus se figent subitement sur les doigts noueux qui n'ont rien trouvé de mieux à faire que des noeuds sur le chiffon. Des noeuds ! A ce moment précis, ce n'est pas le chiffon que je vois, mais les collets entre les mains de Loras. Je l'entends encore m'expliquer comment faire des noeuds et j'ai dans ma mémoire, chacun de ses gestes d'alors imprimés. Je reste coite et immobile, les bleuets toujours fixés sur les mains du majordome. Le visage blême.
Le fait-il exprès pour me torturer ? Je l'ignore mais je finis par me défiger en sentant son regard sur moi. Et je capte qu'il est en train de me parler tradition. Et là. Je n'en blêmis que davantage. Réalisant que si j'ai bien pierré la mâchoire de Loras, je ne l'ai nullement lié à la terre. Et je roule des yeux en sentant une nouvelle vague glaciale me traverser de part en part. Superstitieuse je suis. Si. Et je déglutis à la sauvage, en me passant une main sur la tempe, redescendant jusqu'à l'une de mes pommettes.
Puis je m'efforce de reprendre contenance. D'autant qu'ayant fait part de certains de mes doutes à Gabriel, il m'a interdit d'en parler à quiconque.
Pourtant, je ne suis pas rassurée pour autant. Je reste persuadée que des choses pas normales se passent dans ce manoir. Et je le crois toujours hanté. Je fixe Eugène longuement, tout en l'écoutant.


" - Attendez. Vous me dites que vous les enterrez dans la ville même de leur trépas. Cela signifie t'il qu'à leur mort, les époux se retrouvent enterrés loin l'un de l'autre ?"

Je fronce les sourcils un instant et me voilà déjà à annoter dans un coin de ma caboche, qu'il va me falloir parler de la chose à Gabriel. Parce que si je meurs, je refuse catégoriquement d'être enterrée. Déjà et d'une.
Et ensuite, j'ai déjà été arrachée à la tombe de Loras, je n'aimerai pas, dans ma mort, me retrouver séparée de Gabriel. Même s'il parait qu'on s'épouse jusqu'à ce que la mort nous sépare, moi je n'y crois pas à ces balivernes là. La mort est odieuse, elle ne devrait pas séparer d'abord !
Et dans un léger soupir, je lâche finalement :


" - Bene. Y'a t'il d'autres coutumes de la famille du Baron, dont je doive être informée ? Oh, et vous continuerez de laisser tous les chandeliers allumés. Excepté ceux de la chambre et du bureau. Je suppose que cela aussi est une tradition familiale ? Pas de rat, pas de vermine dites-vous. Et des chauve-souris ? Avez-vous pensé à les dénicher ? Et avez vous vérifié les conduits des cheminées ? Dernièrement j'y ai entendu des bruits étranges. Comme des plaintes assourdies, mais les quelques sons perçus n'avaient rien de françoys. C'était du Slave."


J'étais prête à le faire. Si. Je finirai bien par retourner le manoir, discrètement, de fond en comble, pour trouver cette fichue présence. A moins que ce ne soit plusieurs voix que j'ai entendu, je devrai encore traquer dans les conduits de cheminée, histoire de m'assurer de la chose.
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