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[RP] Confidence sous le regard de Dieu

Martin.cv
Tout du long du trajet, je me suis remémoré ce que nous avions vécu. Notre rencontre dans mon édifice, ma froideur face aux étrangers venus piller notre Comté, puis elle. Elle qui avait su dès le départ briser la glace de par sa présence. J’avais été intrigué par cette peau noire, j’avais touché, sentit, analysé la chose et ça avait eu le don de l’amuser plus que de la fâcher. Habituée sans doute à ce que les gens lui demandent si elle était sale ou si elle était brûlée comme le charbon. Nous avions échangé sur son Pays et j’avais été intrigué par toutes ces histoires dont elle me parlait au point d’en oublier le pourquoi de sa présence sur nos terres. Au point d’oublier qu’elle était de ceux qui venaient nous piller. Peu de temps après, elle avait vécu reclus à Clarens avant de partir sous les ordres Comtaux. Puis une nouvelle fois elle était venue s’installer chez moi mais cette fois à Saint Giron. Je l’avais prise comme maîtresse, je l’avais placé à un rang qui aurait pu être le sien dans un moment de folie et je l’avais chassé.

Tout cela me parait si lointain et pourtant tout est si proche. La blessure de sa dernière lettre avait été celle de trop et tout ce que j’avais pu imaginer avec elle était devenu un poison. Dès que je pensais à cet amour naissant je la voyais rire de ma naïveté. Dès que je pensais à elle et à ce que j’avais pu penser vivre cela me foutait une boule au ventre. Tigist avait du bien rire de me voir foncer tête baisser dans la toile qu’elle avait tissé. Elle avait dû raconter cela à tous ses amis. « Regardez comme Couserans est manipulable. »

Repensez à tout cela me glace et me prend à l’estomac. Rapidement la bile me monte aux lèvres et du poing je tente de faire passer l’aigreur. La colère gronde et menace d’exploser à tout instant. Je dois pourtant me contenir, je n’ai pas demandé à la voir pour avoir des explications. Je n’en veux pas. Je ne veux pas la voir se justifier d’un mariage qu’elle a eu raison d’accepter quand moi je ne lui promettais que la place de seconde. Aujourd’hui, j’avais prévu de la voir pour exiger qu’elle me rende service, elle me devait bien ça. Sa réponse n’avait pas tardé et je lui avais donné rendez-vous à Notre Dame. Lieu saint où je pouvais venir sans craindre pour ma vie, ni pour la sienne. Un endroit neutre ou nous pourrons échanger sans crainte d’être écouté.

Je n’y avais encore jamais mis les pieds et je me sens ridiculement petit devant. Je lève les yeux jusqu’à son sommet et j’inspire longuement en ayant une impression d’être insignifiant. A l’entrée je me signe et je me dirige vers une rangée tout en observant les vitraux qui décorent l’endroit. J’en ai le souffle coupé devant tant de beauté. Il faut reconnaitre que la cathédrale d’Auch n’a pas tout à fait la même splendeur. Légèrement en avance, j’en profite pour m’agenouiller et joindre mes mains pour prier. Il y a des semaines que je n’ai pas vu un confesseur et ça n’allait pas être Bella qui allait pouvoir m’aider au vu de nos relations. Alors je ferme les yeux, je récite mes crédos en espérant que mes prières seront entendues par Dieu. J’ai commis tellement de péchés ces derniers temps que je commence à douter sur l’avenir de mon âme. Il serait bon d’envisager de me reprendre en main mais je n’en suis pas encore capable. Les dérives sont multiples, l’alcool coule à flot, l’orgueil est présent, la gourmandise et l’envie sont mon quotidien. En gros, je suis un péché ambulant et le diable est en train de pervertir mon âme.

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Tigist

    Des siècles plus tard, la route pour gagner Paris depuis l’Anjou sera facilitée par des transports et des voies rapides, tant et si bien qu’Angers ne sera plus que la banlieue campagnarde de la capitale. Mais cette année-là, celle qui nous intéresse nous amène sur une route couverte de neige. Ce n’est pas la voie romaine qu’on connaît de l’autre côté de Paris vers la Bourgogne et la Champagne, non. La route est à chier, les chevaux peinent à l’emprunter et lorsque l’on croise un convoi, il faut se décaler sur le côté, soit pour ne pas être remarqué, soit pour ne pas être éclaboussé par la boue mêlée à la neige fondue.

    La neige.
    Celle du Ras Dashan, celle qu’elle a découvert la première fois, à l’époque où elle n’avait rien de mieux à faire que de regarder les geladas et leurs fourrures épaisses se disputer allégrement un morceau de mousse ou un caillou.
    Celle de Genève, qu’elle n’a pas eu le temps d’apprécier à sa juste valeur, puisqu’elle était occupée en contrebas à accoucher de Menelik.
    Celle du Couserans, silencieuse, ouatée, comme une enclave dans la folie ambiante. Saint Girons, l’empire blanc de la paix où tous les sons étaient étouffés et décuplés à la fois, comme les sentiments.

    Un flocon tombe sur sa joue alors qu’elle lève la tête pour considérer les portes de Paris. Un flocon, ce n’est rien d’autre qu’une goutte de pluie plus froide, une larme qu’on aurait laissé se refroidir.
    Son corps lui fait mal et si Martin souffre de sa rancœur et de sa colère, c’est une autre affection qui l’a poussé à s’arrêter certaines fois pour rendre la bile contenue par l’estomac vide.

    Il a fallu quelques jours pour gagner Paris, quelques jours qu’elle aurait pu consacrer à se remettre de la fièvre qui l’a prise en prison, due aux conditions de détention qu’on ne vante plus et à la compagnie de certaines vermines. L’incarcération laisse des traces que le temps peut effacer. Des fois.

    A une marchande, elle cède quelques pièces pour un voile de dentelle noire. Toute étrangère qu’elle soit, l’éthiopienne vient d’un pays pieux au point qu’on y tue les infidèles et ceux qui refusent d’embrasser le culte du Très-Haut. On n’entre pas tête nue dans une église, et moins encore quand on a une tête mise à prix.

    Noir, le voile. Comme sa face, comme son humeur, comme le deuil qu’elle porte déjà, comme le reste de sa tenue qu’elle a acheté deux jours après son mariage, qu’importe son prix, puisqu’elle peut dorénavant y mettre le prix.
    Il y a eu les noces pourpres, le deuil sombre et maintenant cette confession dorée, à l’image de la couronne d’or que font les mèches de Martin sur la tête qu’elle voit au loin quand elle entre dans Notre-Dame.

    Est-ce que tu joues encore Tigist ? Est-il roi, fou ou cavalier ou bien, n’est-ce qu’un pion sur l’échiquier de ton Destin ?
    On ne joue pas avec la confession.

    Lentement, elle ploie le genou à côté de lui et est-ce pour Martin, pour Dieu qu’elle révère autant que l’Amour même, puisque Dieu est Amour, et que l’Amour est divin, toujours est-il que les lèvres se descellent sous le voile quand les mains s’emmêlent.


    « Confìteor Deo omnipotènti et vobis, fratres, quia peccàvi nimis cogitatiòne, verbo, òpere et omissiòne.. »


    Le reste se perd dans le voile. Il ne neige pas dans Notre-Dame, et la neige contrairement à la pluie ne fait pas de bruit en tombant.
    Auras-tu l’audace de vérifier si le regard de Martin a toujours la couleur du ciel pluvieux ou s’il a maintenant celui de la neige souillée par la boue ?

    Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.

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Martin.cv
L'aveu des péchés se poursuit tout bas, seul Dieu peut entendre, comprendre et pardonner. Mes yeux restent clos, je n'entends rien au tour de moi. Je me suis perdu corps et âme dans ces prières. Le lieu Saint me poussant un peu plus à dévoiler mes colères, mes rancœurs et mes pensées assassines. Combien de fois ai je maudit Bella et sa future descendance ? Trop de fois, je lui avais promis multitude de malheurs et j'avais prié pour cela. L'horreur de mes mots me venant après et me laissant une culpabilité amer quand cette dernière vivait comme si rien n'avait jamais existé. Ce sentiment d'abandon était présent, j'avais perdu mon père quand je n'étais qu'enfant, je m'étais raccroché à une mère adoptive pour être rejeté quelques années plus tard. Mère qui c'est réjouit de mon malheur. Mère qui se réjouit encore de m'avoir touché et cette victoire, je l'a lui laisse. Si elle pouvait se réjouir de ses actes c'est bien que sa propre âme était perfide.

A la présence à mon côté, je sens mon cœur s'emballer. Je n'ose pas ouvrir les yeux pour m'assurer que c'est elle, craignant de perdre toutes mes colères et rancœurs. Elle avait cet effet sur moi Tigist, elle m’apaisait. Elle trouvait toujours les mots et c'est ce qui la rendait redoutable, elle savait comment me prendre pour m'amadouer. Il était hors de question qu'elle y parvienne cette fois encore. Je dois être certain qu'au moment ou je croiserais ses ambres je ne fléchirais pas. Ma respiration c'est ralentit, je guette la sienne. Je cherche à sentir son parfum, son état d'esprit et je prie intérieurement pour ne pas céder au désir que j'ai pour elle. Lentement je tourne mon visage vers le sien, je la découvre voilé et habillé en noir. La curiosité me prend mais je ne dois pas oublier notre venue ici. J'ai un service à lui demander. J'ai besoin d'elle pour une affaire des plus importantes et rien d'autre. Elle n'était rien d'autre aujourd’hui qu'une source d'informations. Voilà, je dois penser à ça. Tigist est une source d'informations, point.

Je finis par rompre le silence, tête basse, main jointe dans un semblant de prière. Ne pas être remarqué et murmurer sont mes seules demandes.


    Merci d'être venue.


Salut ça va ? Ménelik ? La dernière ? Et la prison c'était comment ?

Voilà les questions que des gens normaux se seraient posées. Des banalités dont nous n'avons jamais eu besoin et dont nous n'avons jamais usées. Quel intérêt ? Nous savons tous les deux ce que nous voulons même si nous ne savons pas ce que l'autre veut. Je sais qu'elle est là, belle et désirable. Les pensées qui me viennent parfois à l'esprit ne devraient même pas exister dans un tel lieu mais c'est plus fort que moi. Quand je la sens prêt de moi, je repense à ces derniers mois. Je repense à ce qu'on a vécu et une fois encore ça ébranle toute ma volonté. La colère est déjà aux abonnés absent alors que j'aurais aimer la garder encore pour lui montrer à quel point elle m'a blessé. J'aurais aimé pouvoir garder ce masque froid qui me caractérise mais c'est impossible. Tout fond comme neige au soleil. Quand nos regards se croiseront, je sais qu'elle pourra le lire en mois. Qu'elle lira qu'elle m'a blessé.

Je ne lui laisse pas vraiment le temps de parler. Je ne veux pas entendre ses justifications, son bonheur ou toute chose approchant.


    Tu vas me trouver des informations sur une femme. J'ai besoin de tout savoir mais avant de t'en dire plus, j'ai besoin d'une garantie. Celle que tu ne révèleras pas ma demande,


La situation est cocasse. Je demande une garantie à celle qui ne sait que trahir. A celle qui n'agit que par intérêt. L'espoir fait vivre à ce qu'il parait. Peut être aura t'elle à cœur de ne pas me décevoir une fois de plus. La encore ce n'est qu'un espoir vain. Pourquoi ne voudrait elle pas me décevoir ? Il n'y a aucune raison, je ne suis qu'un pion qui tente de se retourner contre sa reine pour devenir roi. C'est la première fois que je tente ce genre de manœuvre et je commence directement dans la cours des grands. Je commence avec celle qui à l'habitude de manigancer, manipuler et survivre. Qui sortira vainqueur de cet échange ? La reine ou le pion?
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Tigist


    Les vitraux de Notre-Dame laissent passer la lumière et illuminent d’un chatoiement coloré les piliers qui soutiennent la voute. Et tandis que Martin murmure, même si l’oreille écoute, l’ambre se perd dans les rosaces déformées qui s’étalent sur les pierres qui n’ont pas encore été vieillies par le temps.
    A-t-elle vraiment eu le choix de venir ? Le Castel-Vilar considère qu’elle lui doit ce service, mais c’est autre chose qui a poussé Tigist à venir. Autre chose de plus prégnant.

    La tête se tourne à peine pour le voir du coin de l’œil. Il a changé, les gens changent, c’est inévitable. Il faudrait les faire empailler pour que cela n’arrive pas. Martin a changé, donc. Il y a au fond de la pupille cette lueur qu’elle connaît pour l’avoir éprouvé tant de fois auparavant, et maintenant, qu’éprouve-t-elle ?
    Si l’ambre quand la Lumière passe à travers, offre au regard une quantité de reflets, à plat dans l’ombre, il n’y a rien de plus qu’un caillou végétal à peine remarquable.
    Tigist a perdu ses enfants, elle n’a plus de nouvelles d’eux depuis plusieurs semaines. Elle l’a voulu, pourtant la couleuvre est dure à avaler, on s’attendrait à ce que l’ambre s’éteigne tout à fait, alors pourquoi le regard qui se pose sur le jeune comte brille-t-il encore un peu ?

    La mémoire.
    Les mains de Martin, sur sa peau, autour d’elle, plus douces parce que plus jeunes que celle d’Eikorc ou Gabriele.
    Les lèvres de Martin qui ont dispensé tant de baisers et de mots destinés à l’apaiser.
    Plus que tout. Les yeux de Martin. Loin du sinople passionné de l’italien ou de l’azur meurtrier du Nerra. Martin est un ciel tantôt chargé d’orage, tantôt gorgé d’une pluie apaisante.
    La mémoire et le présent.


    « Tu m’as offert le plus beau cadeau, tu as ta garantie. Dis-moi ce que tu veux savoir et sur qui. »

    De quoi parles-tu Tigist ?
    Du bonheur que vous avez connu à Saint-Giron ? De la paix qu’il vous a offerte à tes enfants et toi ? De la main sur ta panse qui repose, sereine alors même que tu repousses la bile qui monte aux lèvres ?

    Loin d’être une vierge, Tigist a connu trois hommes.
    Alors pourquoi ce regard sur Martin ? Pourquoi alors qu’elle voulait le faire fuir, l’écarter d’elle et de sa vie dangereuse, pourquoi est-elle venue quand il le lui a demandé ?
    Pour Gabriele, elle était l’épouse, le soutien, la Reine. Elle a payé sa dette à Gabriele, lui a rendu l’usage de son cœur en lui offrant la vie de leurs enfants et la possibilité d’une nouvelle vie auprès de Neijin et son fils.
    Pour Eikorc, elle était l’esclave abolie, la jeunesse, l’Elève. Au Colosse aussi, elle a payé son dû, rédigée à l’encre carmine sur le testament du Nerra. Sa liberté et sa vie sauve en échange de la dignité et la Mort.
    Martin. Elle a séduit un jeune homme, elle lui a appris sinon les arcanes de la Passion, au moins celles de l’Amour. Paisible, doux, pas celui qui laisse les amants épuisés sur une couche quand vient l’aube. Celui qui les fait se tenir l’un et l’autre à côté en silence, dans une cathédrale imposante, en sachant pertinemment que l’autre revoit les mêmes instants.
    Inlassablement. Et qu’en dépit des rancœurs et de la colère, ces instants-là n’appartiennent qu’à eux, car ils sont si empreints de bonheur et de sérénité, que personne et même pas eux, ne pourrait les salir. Et elle est partie.
    Elle est partie pour rejoindre celui qui était son époux et qu’elle avait fui.
    Elle est partie pour rejoindre celui qui était son mentor et qu’elle a épousé.
    Elle est partie mais elle est là alors qu’elle s’était jurée de ne plus voir Martin pour que Martin puisse fuir et épouser.


      « Quoi qu’il arrive, je veux que tu te souviennes de ça, uniquement de ça.
      […] – Le bonheur. »


    Sa dette était payée.
    Elle avait séduit Martin, mais lui avait rendu sa liberté. C’était ce qui était noté. Mais Tigist, ce qui rend les femmes si douées aux échecs, ce qui fait tant défaut aux mâles joueurs, c’est l’instinct qui s’ajoute à la logique et au calcul.
    Et toi, tu as manqué d’instinct sur ce coup. Parce que Martin ne t’a pas installé sur un piédestal d’où tu pouvais tomber, il ne t’a pas protégé de son ombre gigantesque au point de t’éclipser. Martin t’a regardé comme une femme. Tu n’es pas reine ou folle, tu es extérieure à l’échiquier. Tu en oublierais presque d’être joueuse tant l’enjeu est de taille.

    La tête se tourne tout à fait pour délaisser les piles de pierre, elle renvoie la nausée loin dans son corps, essayant de faire abstraction de l’encens que l’on sent dans la maison du Très-Haut.
    Au coin des lèvres, un sourire. Tigist attend que vienne la requête, les siennes viendront en leur temps.

    Elle n’est pas vierge, mais sereine comme elle l’est, alors que tout est parti en poussières entre ses mains, les mains sur son ventre, n’a-t-elle pas l’air d’une madone ?
    Ils n’ont pas été prudents, ni à ce jeu, ni tout court.

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Martin.cv
Je garde le regard fixe droit devant moi. La croix devant moi semble tout à coup des plus intéressante. Son murmure me remplit d'un frisson. Un nouveau souvenir me vient à l'esprit, ses murmures, ses suppliques quand nous nous retrouvions tous les deux dans une étreinte des plus tendres. Mes yeux se ferment, mon souffle se fait plus court et je tente par tous les moyens de ne pas céder aux tentations que m'offrent la Noire sans même le savoir. Tout mon être est attiré, toutes mes pensées vont pour elle. Quand pendant des jours et des semaines je m'étais répété que je n'avais été qu'un pion, qu'elle s'était bien amusée avec moi, je n'avais fait que me protéger. Je n'avais fait que me mentir pour ne pas sombrer. Comment avouer ses sentiments naissants ? Comment avouer avoir été blessé alors qu'on a toujours jurer haut et fort ne plus vouloir aimer. Au plus profond de moi, je le sais. Je sais que tout ce qu'elle a fait, elle l'a fait pour elle, pour se protéger. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle a pu vivre à Limoges. De la blessure irréparable qu'elle s'est causée en se séparant de ses enfants, en se rendant en Anjou, le procès qui n'en était pas un, les Angevins et son mariage. Dans ma tour doré, dans mon monde de richesse et de luxe tout est paisible. Je suis à des années lumières de pouvoir imaginer ou comprendre tout ce que cette femme avait pu vivre et vit encore aujourd'hui.

La garantie dont elle me parle est des plus mystérieuse pourtant je vais me livrer une fois de plus. Je vais lui offrir mon souhait tout en me disant que si la Lisreux sait, il n'y aura qu'une personne qui aura pu parler.


    Je veux tout savoir sur Shirine.


J'ai tourné mon regard vers elle au moment où j'ai énoncé ma requête. Je la dévisage prêt à lire toutes les réactions qui vont se dessiner sur son visage. Je sais qu'elle sait. Mon intuition ne me trompe que rarement et je sais qu'elle connaît le passé de Zoé. Je ne le connais pas et j'ai besoin d'avoir toutes les informations qu'il m'est possible de connaître sur cette femme. Femme que j'ai courtisé. Femme que j'ai possédé. Femme qui a été ma Vice-Comtesse et en qui j'ai eu toute confiance. Confiance que j'ai cru inébranlable et qui a volé en éclat le jour où elle m'a écarté. La encore une blessure est présente, les disputes, la rancœur et les coups bas ont été notre lot durant des mois. Aujourd'hui notre relation était saine pourtant, il n'avait fallu qu'une soirée pour que tout un tas de questions m'envahissent. Si seulement ma vassale avait su garder sa langue, je ne serais pas là. Je n'aurais pas demandé à l’Éthiopienne de me retrouver. J'aurais pu poursuivre ma route avec toutes ma colère dirigé vers elle. J'aurais pu poursuivre ma vie de jeune homme de bonne famille qui courtise une Princesse de sang. J'aurais pu poursuivre ma route vers une vie simple. Il n'avait pas fallu grand chose pour que j'écrive.

Il n'avait pas fallu grand chose pour que je sois ici agenouillé les mains jointes dans une position des plus pieuses. Toute personne entrant ne verrait en nous que deux âmes en recherche de sérénité. Deux âmes qui se laissent guider par la voix de Dieu. Un couple de ce qu'il y a des plus banales et inoffensif. Qui pourrait voir en nous deux personnes qui se retrouvent après des semaines de séparation et de silence ? Moi même j'ai encore du mal à croire que je suis à Paris. Qu'elle est là et que malgré sa mine de déterré elle garde toute sa force de caractère. Je ne suis pas aveugle, j'ai vu son visage tiré, j'ai vu sa mine déconfite et sa main sur son estomac. La encore, ma méconnaissance ne me fera douter de rien. La encore je ne vois en elle qu'une femme en souffrance sans en connaître les maux. Tout ce que je cherche à lire sur son visage ce sont des réponses à ma requête. Je ne veux pas rater le moment où elle me mentira en disant ne rien savoir. Je veux pouvoir voir de mes propres yeux qu'il y a bien un secret que je dois percer à jour. Souvenir avait parlé de la réforme. Sa filleule semblait aussi connaître Shirine et n'avait pas tiqué au fait qu'il s'agisse de Zoé. Je voulais savoir ce qu'elle cachait et je le trouverais.

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Tigist

    Les yeux s’écarquillent, la surprise n’est pas feinte.
    Aussi sûrement qu’il a tourné la tête pour la regarder, elle fait de même et le dévisage tout à fait. Qui est-il ce gamin de quinze ans qui croit entrer dans le monde des grands ? Il ne s’agit pas de bouliers ou de diplomatie. On ne saute pas à pieds joints dans les flaques d’immondices sans se soucier du résultat.
    On ne le fait pas, non.


    « Tu me demandes de trahir quelqu’un qui m’a aidé. »
     
    C’est un constat plus qu’un reproche. Quel que soit son nom, elle l’a aidé quand les Corleone sont revenus en Armagnac, ou plutôt, elle a détourné les yeux et lui a offert une sécurité plus tangible que celle que Martin proposait.
     
    Tigist n’a pas rencontré Shirine. Jamais.
    Elle est noire et silencieuse – certains diraient taciturne et asociale – et il n’est pas rare qu’elle se mure dans ses pensées tandis que les gens parlent, échangent entre eux de vieux souvenirs au sujet de vieilles connaissances.
    Tigist n’a pas rencontré Shirine, mais elles ont côtoyé les mêmes personnes, les mêmes cercles.

     
    « Pourquoi veux-tu le savoir ? N’as-tu pas compris ? »

    Qu'elles l'aiment à leur façon, mal très certainement, autant que peuvent aimer des femmes qui ont souffert, qui ont appris à se méfier, qui connaissent ce dont elles veulent le protéger.
    Martin n'est ni cavalier, ni roi, ni pion, il est la Tour. D'ivoire ou d'or, qu'importe. Et dans ses murs, il a été bien souvent épargné de tant d'épreuves qu'il a fallu le protéger à son insu même, car il se défiait de ce qu'il ne connaissait pas et ne s'en défiait pas de la bonne façon.


    « Ce monde n'est pas pour toi, et tu y perdrais la vie et bien plus. »

    Peut-on perdre plus que la vie ? Bien sûr. La mort est un passage obligatoire, et pour l'éthiopienne, ce n'est pas si grave, pas si important. Mais Martin, si jeune, si protégé, pourrait y perdre la raison.
    Et parce qu'une douairière engoncée dans sa robe dégueulant de luxe souffle ostensiblement dans leur direction pour leur faire comprendre que le silence est de mise, parce que les têtes se tournent vers eux lentement, elle se lève, et tourne à peine la tête vers lui.


    « Viens, allons déposer un cierge pour l'âme de mon défunt époux. Nous parlerons après. »

    C'est ce que l'on attend des veuves et c'est ce qu'elle est.
    Mais il y a fort à parier que Dieu n'appréciera pas la blague qu'elle lui sert, comme si Eikorc de Nerra pouvait encore attirer les grâces du Très-Haut qu'importe où il se trouve..
    La tête se tourne encore un peu, attendant qu'il l'accompagne, espérant qu'il le fera même si cela inclue d'avoir cette discussion à un moment ou un autre, même cela veut dire trouver un endroit qui soit plus discret encore que Notre-Dame, mais moins miséricordieux.

    La vérité ? Tigist que tous considèrent comme une traîtresse, ne veut pas trahir la mémoire de Shirine sous la voûte de la grande Dame. Il y a encore des choses qui sont sacrées.
    Et devant les cierges, alors même qu'un enfant de choeur les rejoint et qu'elle sort quelques écus de l'aumônière à sa ceinture pour l'obole attendue, elle s'agace de céder si facilement à l'avance, alors même que les mots n'ont pas encore été prononcés.

    Mais dire Non au Couserans, est une chose difficilement envisageable.
    L'enjeu est de taille, nous l'avons déjà dit
    .

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Martin.cv
Un ricanement m’échappe quand elle s’offusque de pouvoir trahir la Lisreux. Dans un murmure, je lui réponds qu’elle y est pourtant coutumière et que ça ne l’a pas toujours gêné. La pique est lancée et placée là où ça peut blesser. Les mots ont été choisis, le ton aussi et je savoure l’effet qu’ils ont sur elle. Je ne quitte pas une seule seconde son visage tout du long de ce bref échange. Je la laisse se démêler avec ses doutes, ses craintes et ce qu’elle juge possible de me dire. Je la détaille tout du long ou elle s’interroge. J’observe les lèvres charnues se pincer sous l’indécision, le pli du front se former sous les questions qui doivent lui embrouiller l’esprit. Je m’amuse à l’observer se débattre avec sa conscience. Puis deux questions se posent dont une qui me semble apparaître comme une affirmation. Nos regards ne se quittent pas, je suis un homme curieux, je suis un homme qui aime savoir à quoi s’en tenir et si je n’ai pas mes réponses, le lien se rompra tout bonnement. Je me détournerais de la Lisreux sans un mot, sans une explication et sans un regard. Je la laisserais dans son bonheur naissant, dans sa folie amoureuse et je ne répondrais plus présent à ses appels. Le silence sera les seules réponses que je lui offrirais.

A l’évocation d’un monde qui n’est pas le mien, mes sourcils se froncent. Mon regard se durcit et je prends sur moi pour ne pas l’envoyer paître. Sa manière de me couver, de me protéger de l’inconnu a le don de m’agacer au plus haut point. Je ne suis plus un enfant, je vis comme un homme, je suis indépendant et il y a bien longtemps que j’ai quitté le monde de l’innocence. Il est temps que j’apprenne ce qu’est ce monde remplit de ténèbres. Je dois comprendre ce qui m’attend quand je rencontre une âme en perdition. Je dois être armée face à cela. Il est temps que la Noire le comprenne et le fasse rentrer dans sa tête. Je n’aime pas maîtriser les choses et si je n’ai pas mes réponses avec elle, j’irais les trouver ailleurs.

Je garde le silence, je ne veux pas détourner mon regard d’elle. Je veux tout savoir, j’attends et au raclement de gorge de la douairière, je ne peux que relever les yeux vers elle. D’un hochement de tête, je confirme ses attentes. Le silence sera de mise quelques instants. Mes lèvres sont closes et elles le resteront du moins c’est ce que j’avais prévu. Tigist se relève en annonçant être veuve. J’entrouvre la bouche pour dire quelque chose mais qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Désolé pour toi ? Ce serait un mensonge et s’il y a bien un lieu où je ne souhaite pas mentir c’est bien dans la maison de Dieu. Le silence sera ma seule réponse, je m’appuie pour me redresser et je la suis toujours aussi silencieusement. Je n’oublie pas le but de ma venue, sa vie ne doit pas m’intéresser et je ne dois pas poser de question. Du bout des doigts, je sors moi aussi quelques pièces et j’allume un cierge. Non pas pour l’homme qui est mort mais pour une Rose qui a fané bien trop tôt me laissant un vide dans ma vie.

Alors que l’enfant repart avec ses pièces, je m’approche de Tigist, assez prêt pour pouvoir sentir son parfum et je me penche doucement prêt de son oreille.


    Je ne t’ai pas demandé ton avis, je t’ai demandé des réponses.


Tigist ne m’a jamais connu incisif et teigneux. Avec elle, j’ai toujours été tendre et protecteur mais cela me semble d’un autre temps, d’une autre époque comme si ça n’avait jamais existé. Lentement je me recule d’elle, mon regard gris est froid et quand je le pose sur elle, il indique bien que je n’attends rien d’autre que ce que j’ai demandé. Tout est question d’attitude et de ton. Tigist s’en rendra vite compte, elle n’a pas un enfant face à elle mais un adulte.
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Tigist

    Comme il est froid, comme il est dur.
    Elle qui n'a connu de Martin que sa curiosité et sa tendresse, la voilà qui s'étonne, et le ton plus que les mots la gifle en plein vol. Une femme blessée attaquerait et rendrait la pareille à l'homme qui tente son va-tout pour l'atteindre. C'est ce qu'on attendrait d'elle, des cris, des pleurs, des menaces.
    Pourtant, si le Castel Vilar l'a déjà vu pleurer, hormis à son accouchement, il l'a rarement entendu hurler, et elle ne le fera pas ici.

    Ses pensées vont vers Eikorc un temps. Pas de quoi s'en émouvoir, assez pour se rappeler de bons mots, à Toulouse, à une autre époque.


      « Ne fonce pas tête baissée. T'es pas un carreau. T'es la main qui le guide. »


    Alors quand Martin recule de quelques pas, au risque de faire jaser qui les observe, l'éthiopienne avance, quant à elle, d'autant de pas. Assez pour être à portée de voix si l'on murmure, assez pour que les mots autant que le souffle atteignent leur destinataire, assez pour qu'un sein frôle le bras.
    Assez.


    « Tu veux tes réponses ? Alors suis-moi. »

    Mais qu'il ne compte pas sur elle s'il se noie dans la fange. Voilà ce qu'elle aimerait lui dire, ce qu'elle aimerait croire elle-même, tout en sachant pertinemment qu'elle tendra la main à l'instant même où Martin mettra le pied dans les marais de la vilenie.
    Le bas côté est remonté, et dans les chapelles latérales l'ont entend quelques confessions ou messes basses. Les lieux de culte représentent l'endroit parfait pour fomenter complot, adultère et autres tromperies de tout acabit.
    Mais pas eux, non. Eux sont pieux.

    Sur le parvis, la neige tombe s'accrochant au voile et au mantel de Martin. Là, un flocon sur une mèche blonde et la main s'élève pour l'en ôter avant de s'arrêter dans l'air et de revenir se poser sur son ventre, tandis que de l'autre main, elle rabat la capuche sur sa tête et resserre l'épaisse mante fourrée qui la recouvre.


    « La neige de Saint-Giron me manque parfois. »

    Le valet du Nerra l'a attendu, la main sur le ceinturon et la dague non loin. Quelques mots à l'oreille pour lui dire qu'une chambre a été réservée dans une auberge des environs. Le bras se tend, arrondi vers Martin avec un sourire.

    « Un verre me ferait le plus grand bien, et j'ai faim. Si tu veux tes réponses, il faudra faire un effort. »


    Faire un effort.. Quand leurs têtes à têtes avant n'étaient que plaisirs et conversations les menant partout et nulle part à la fois. Ca latte un peu de demander à son ancien amant de faire un effort pour supporter d'être en votre présence. Mais il faut bien y passer, et puisque c'est lui qui a demandé à la voir, il faudra bien qu'il le fasse cet effort.

    Et sans plus attendre de savoir s'il le veut ou non, le bras de l'éthiopienne se glisse dans celui du blond comte, et dans l'ambre, il y a du défi.
    Tu veux être un homme et plus un gamin ? Bien.


    « Tu détestes cela, n'est-ce pas.. Que l'on essaie de t'épargner. Mais tu n'aimes pas souffrir non plus, Edele,
    le ton est celui du badinage, ne dirait-on pas de bons amis, un peu plus que des amis car la voix est tendre quand elle prononce le dernier mot. Ne lui a-t-elle pas dit que cela ne changerait pas ? Alors je ne t'épargnerai pas, puisque c'est ce que tu veux. Mais il faudra me rappeler encore que tu es un homme et plus un garçon. Encore. »

    A la guerre comme en amour, tous les coups sont permis.
    Et comme les rois et les reines aiment se faire la guerre et guerroient en se faisant l'amour.

    Dans un souffle, comme une supplique.


    « Et encore. »

    Car tu n'as pas oublié Tigist.
    Ni la dernière fois qu'un homme t'a touché et comment cela a fini, ni l'extase et la paix que tu as connu avec Martin.

    Et lui, l'a-t-il oublié ?

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Martin.cv
Au murmure chaud proche de mon oreille, une onde électrique me parcours le corps et me coupe le souffle. Je la détaille alors qu'elle me tourne le dos en direction du parvis. Je ne tarde pas à la rejoindre et le froid de Paris vient me mordre la peau. D'un geste je referme le col de mon mantel de fourrure et je perds mon regard sur la seine qui passe non loin. L'eau trouble a un côté paisible, les bruits sont étouffés par la neige et seul le renaclement des chevaux se fait entendre. Je ne suis pas venu pour jouer ou du moins par pour des enfantillages, je suis las de devoir me faire prier pour obtenir ce que je veux. Las qu'elle reste aussi calme face à moi. Les femmes sont un mystères à mes yeux. Au geste de sa main qui ne viendra plus jusqu'à moi, je ne réagis pas. Je camoufle au mieux tout ce qui peut se passer en mon fort intérieur. Ne rien montrer de mes faiblesses ni de mes désirs est ce qu'il y a de plus dur.

Je ne réponds pas pour Saint Giron. Je retrouverais mes terres dès mon retour et le vide que l’Éthiopienne y a laissé. Ses appartements n'ont pas été utilisé depuis son départ, seulement nettoyé pour en garder tout le confort et le luxe que je peux y proposer. Ils n'ont pas bougé comme dans l'espoir qu'un jour le rire de Menelik y raisonne de nouveau. Comme dans l'espoir que les gémissements de la mère retentisse en écho aux miens.


    Je te suis....


Son bras glisse sous le mien et je la suis bon gré mal gré. La rue n'est pas le meilleur des endroits pour parler de sujet délicat. Les oreilles indiscrètes si font nombreuses et les murmures des petits oiseaux vont bien plus vite que l'on ne pense. Mon pas suis le sien, je parcours les ruelles en l'écoutant me mettre en garde sur ce que je vais apprendre et le peu qu'elle me dit suffit à me convaincre qu'il n'y a aucune raison que je recule. Si Shirine a changé de nom ce n'est pas pour le plaisir. Si elle fait tout pour ne plus être celle qu'elle a pu être, c'est qu'elle a bien des choses à cacher.

    Tu ne sais pas ce que j'aime ou non. Tu ne me connais pas et tu ne pourras jamais le savoir...


Une nouvelles fois le ton est sec, les mots durs et le but est bien de mettre une distance. Croit elle vraiment que je fermerais les yeux sur ce qu'elle a fait ? Que docilement je me plierais à sa volonté et ses désirs ? Si tel avait été ses attentes, je la détromperais jusqu'au bout.

    Je n'ai pas non plus besoin de te montrer que je suis un homme...


Un soupir m'échappe et je m'arrête au milieu de la rue pour la dévisager. Je tente de mémoriser chaque détail de son visage pour ne jamais les oublier. A la fin de cette journée éprouvante, je la quitterais. Je quitterais Paris et je ne la reverrais plus. Il est terminé le temps de Saint Giron. Terminé le temps où dans mon dos elle faisait tout pour garder un contact avec Gabriele. Terminé le temps ou je fermais les yeux et ou je pardonnais trop facilement. J'avais prit la décision de lui demander de partir, j'avais souffert de la voir partir mais il était hors de question qu'elle gagne mon cœur une nouvelle fois.

    Cesse de jouer avec mes nerfs. Amènes moi boire ce verre que l'on en finisse.

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Tigist


    Comme le cheval prend le mors aux dents, Martin tente d’arracher les liens sans se soucier de blesser ou de piétiner sur son passage.
    Tigist l’écoute déverser son fiel et cette journée qui n’était pas prévue comme étant la plus reposante, s’avère être un véritable calvaire. Cheminant à la suite du valet, ils déambulent dans les rues de Paris. Et l’esprit de l’éthiopienne s’égare quand Couserans l’arrête près d’une venelle où sont attroupées des écrouelles.

    Elle ne le connaît pas, vraiment ?
    L’éthiopienne lui rend son regard, cherchant derrière l’air contrarié à revoir la personne aux côtés de qui elle dormait. Le sourcil se hausse, et elle déglutit.
    Elle ne sait pas ce qu’il aime ou pas, vraiment ?
    Combien de femmes peuvent prétendre avoir partagé l’intimité du Castel-Vilar chaque nuit pendant des mois, jusqu’à connaître par cœur le tracés des jeunes muscles aguerris par l’entraînement à l’épée ? Combien seraient présentes pour raconter l’air ensommeillé de Martin et le soin tout particulier qu’il porte à sa tenue, autant qu’au bien-être de ses serfs, à peine sorti de la couche ?
    Où sont-elles ces femmes qui le connaissent mieux qu’elle, qui savent qu’en dépit de son âge, Martin a assuré bien plus de responsabilités que certains hommes qu’elle a fréquentés au cours des années ?

    La neige tombe et elle pense à Saint-Giron, à l’air émerveillé de Menelik devant la chiennerie, à sa joie quand il a été hissé sur une pouliche alors même qu’il est incapable d’y tenir seul. A la main de Martin dans les cheveux crépus de son fils pour le féliciter d’être si peu ce qu’il aurait dû être en restant près des Corleone et bien plus ce qu’il aurait pu être en restant au Couserans.

    Les écrouelles et le bruit caractéristique de leurs grelots. L’odeur pestilentielle qui les accompagne dans les rues déjà puantes de Paris. Le souvenir d’un temps heureux que Martin s’applique à écraser sous sa botte alors qu’elle a de son côté essayait de le conserver dans un coffre inviolable. Le manque de son fils, de sa fille.. Tigist s’écarte des deux hommes et s’appuie au mur, pliée en deux pour vomir cette bile qui n’en finit plus d’être là, faute d’être capable d’avaler quelque chose.

    Un instant. Juste un instant, cesser d’être forte et être juste humaine.
    Le corps tremble violemment et même si le froid lui arrache un frisson, l’effort lui fait naître des gouttes de sueur sur le front. L’homme du Nerra s’approche, tendant ce qui s’apparente à un mouchoir qu’elle saisit pour s’essuyer la bouche, remerciant vaguement, écoutant tout aussi vaguement le murmure à son oreille qui lui reproche d’être venue au lieu de se reposer comme elle l’aurait dû dans cet état.

    L’air et l’homme sont balayés de la main, et déjà, il n’y a plus d’humaine. Une inspiration profonde, une expiration et l’éthiopienne se tourne vers le comte, avec un air las.


    « Ne dirait-on pas que c’est moi qui t’aie chassé.. »

    Car enfin, elle a des défauts, il faut bien en convenir mais c’est lui qui a ouvert la porte par laquelle elle est sortie. Et sans reprendre le bras qu’elle tenait auparavant, Tigist reprend la route pour rejoindre enfin cette foutue auberge où faute de nourriture, il y aura du vin et elle n’aspire rien tant qu’à boire en ce moment.

    Enfin arrivés et parce que l’or qu’il vienne d’un brigand notoire qui s’est sédentarisé ou d’un comte qui a eu le bon goût d’être bien né, les voilà bien logés dans une chambre qui a l’avantage de n’être occupée que par eux, et non pas à partager avec d’autres visiteurs de Paris. Le tenancier se plie en courbettes, habitué à voir des têtes couronnées autant que des têtes mises à prix, habitué à se taire comme souvent les tenanciers de ce genre d’établissements, il va jusqu’à décoller une taloche à la servante qui ouvre une bouche gigantesque en voyant la face sombre de la Nerra et jure ses grands dieux qu’on ne les dérangera pas son époux et elle, qu’il est bien aise de les voir là et que son établissement en est honoré.


    « Ce n’est pas mon époux. Nous prendrons du vin, bon de préférence, pas de la bière et de la tarte aux pommes si vous en avez. »

    N’oublie pas Martin, qu’avant d’être esclave, qu’avant d’être l’épouse de mercenaires, et qu’avant même d’être ta maîtresse, cette femme-là valait autant que celle que tu convoites actuellement. Et ce qui lui fait tenir la tête si haut, c’est tout simplement que Tigist est lasse d’être princesse exilée de son royaume, elle a un plus grand dessein.
    Et tant pis si ce n’est pas la saison des pommes. Tigist veut des pommes. Dieu fasse que Gabriele ne l’apprenne jamais car alors cette envie-là signerait le début d’un fantastique chaos.

    Dans la chambre qu’elle considère posément, elle ôte la cape et attend que la servante ait fini de rajouter du charbon dans les braseros pour la réchauffer tout à fait. Au valet qui l’accompagne, elle tend un papier, quelques courses à réaliser pour elle, et enfin, quand le vin est monté et qu’elle tient une timbale en main, qu’elle a bu la première gorgée d’une longue série à venir, elle se laisse tomber sur le coin de la couche.


    « Connais-tu la famille des Lisreux ? Bien, s’entend. Tu sais qu’Ombeline est affiliée aux Corleone, n’est-ce pas ? »

    Ombeline. Umbra. La très sombre Lisreux. Mais est-ce elle qui détient la plus grande part d’ombres de cette famille ? Voilà le fin mot de cette confidence.

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Martin.cv
Odieux, méchant et puéril voilà ce que je suis depuis le début de notre rencontre. Les mots sont prononcés dans le but de blesser. Je manie la langue avec dextérité quant il s'agit de blesser et de faire mal. Toute ma colère prend alors possession de moi et je savoure chaque blessure que je cause. Je me nourris de la souffrance que je découvre sur les traits de mes victimes et j'en jouis sans honte. Ma dernière victime avait été ma propre mère. Je ne lui avais laissé aucun répit jusqu'à la voir s'affaiblir et partir dans ce qu'elle avait cru être de la dignité. J'avais appuyé sur ses blessures tout juste cicatrisé, j'en avais ouvert d'autres et glissé ma lame pour tourner dedans. Elle avait riposté avec le peu de force qu'elle avait et j'avais mit fin à ce jeu avec une indifférence sans nom. Les terres avaient été rendues et je n'avais plus reprit contact avec elle. Juste avant elle, Zoé avait fait les frais de ma rancœur et de mes mots qui lui avaient causé bien des maux. Je n'avais arrêté que lorsqu'elle avait capitulé.

J'avais attendu beaucoup de réaction de l’Éthiopienne mais pas de la voir s'affaiblir aussi vite devant moi. La bile qu'elle rend et la faiblesse qu'elle m'offre me laisse pantois. Je la dévisage, je veux faire un mouvement mais il s'avorte avant même qu'il ait prit naissance, déjà son homme de main est présent pour la seconder. Déjà elle reprend contenance et sa flamboyance. Les mots sont prononcés avec une froideur que je ne lui ai pas encore connue. Je dois reconnaître que cela me coupe la chique. Ma main droite vient glisser contre ma nuque dans un geste maladroit. Elle a réussit son coup, j'ai baissé les armes en une fraction de seconde. Je suis là face à elle et je me sens bête. Je garde le regard fier et j’emboîte une nouvelle fois son pas silencieusement.

Je la laisse prendre les choses en main à l'auberge. Je ne parle plus, mes mains sont dans mon dos l'une contre l'autre pour contenir la colère qui me ronge. Une colère sourde dirigé contre moi même. Combien de temps vais je encore agir de la sorte ? Combien de femme vais je prendre et réduire au chaos pour mon bon plaisir ? C'est à se demander si le Diable ne m'habite pas. Il semble jouer avec moi à tout instant, me faisant arborer plusieurs visages qui déconcerteront amis et ennemis. Tigist pourra désormais se targuer de mieux me connaitre. Elle connait mon autre moi. Elle connait ce que je suis au plus profond et la méchanceté qui m'habite. La colère est un sentiment puissant qui n'a de cesse que de me provoquer et de me rendre fou sous son aveuglement.

Je laisse partir l'aubergiste et sa domestique bien trop curieuse à mon gout. Je ne relève pas la remarque sur notre union et a vrai dire si ça n'avait tenu qu'à moi je ne l'aurais même pas corrigé. Après tout, dans un moment de folie nous avions parlé de nous marier et maintenant... Maintenant je détruis ce qu'on avait pu construire et vivre.

Je m'avance vers la fenêtre, la commande est passée et nous ne pourrons être en paix qu'une fois qu'elle aura été servit. Mon regard glisse sur Paris, mes mains sont dans mon dos et mes doigts se triturent sans relâche. Du bout de l'ongle je gratte la peau de mon index comme si je pouvais la décoller et l'arracher. Au mouvement de la porte, je me retourne et je remercie la jeune femme du service. Je me tourne tout à fait vers Tigist et je l'observe. Je regarde ce visage fatigué qui me rappel son retour de Montpellier quand elle portait encore son enfant, quand elle avait passé des jours dans le froid avec Menelik à lutter pour survivre.

Je m'approche d'elle en écoutant sa questions mais à cet instant je m'en moque des Lisreux. Je me moque de savoir qui est Ombeline, qui est Shirine. Je m'approche d'elle pour lui prendre sa timbale des mains et la poser sur la table non loin. Je m'approche assez d'elle pour venir embrasser ses lèvres avec force. Un baiser remplit de remord et du manque de l'autre. Il est aussi soudain que passionné. Je prends son visage en coupe entre mes mains et j'abandonne toute forme d'agressivité. Seule l'envie de la posséder une nouvelle fois m'habite. Je suis incapable de la blesser plus longtemps. Incapable de refouler plus longuement tout ce qui peut m'habiter. Ne dit on pas qu'il n'y a pas d'haine sans amour ? Je me recule légèrement d'elle pour murmure un pardon. Je ne me suis jamais excusé devant personne. Je n'ai jamais baissé les armes devant personne et il n'aura pas fallu longtemps à la Noire pour me faire plier. En aura t'elle conscience ? Je n'en suis pas certain mais moi je le sais et cela me suffit.

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Tigist

    Il s'approche et Tigist l'observe, s'attendant à ce qu'il vienne se servir un verre, pourtant c'est le sien qu'il ôte.
    Ses lèvres s'entrouvrent de surprise et pourtant, le baiser est rendu à son insu, son corps ne lui appartient pas vraiment, il est dans les mains de Martin. C'est violent et doux à la fois, c'est inespéré autant que le pardon qui s'immisce entre eux.

    L'éthiopienne n'est pas rancunière, et les excuses n'auraient pas été prononcées qu'elle n'y aurait rien trouvé à redire. Et puis d'ailleurs, pardon pour quoi ? Pour l'avoir chassée ? Pour lui avoir battu froid alors qu'elle voulait le protéger ? Pour avoir été odieux depuis le début de leurs retrouvailles ?
    Tigist s'en fout. Les pieds se lèvent et enserrent le bassin de Couserans pour l'attirer à elle qui s'allonge sur la couche.
    Martin a demandé pardon et ce n'est pas tant la raison que la chose qui mérite qu'on s'y arrête. Il y a un sourire qui joue sur les lèvres pleines. Ce n'est pas du calcul, ce n'est pas du sarcasme. Martin, tu sais ce que c'est, n'est-ce pas ?
    Le Bonheur.

    A l'esprit lui vient l'envie de lui dire que pour faire pénitence, il faut être à genoux ou à plat ventre. Et d'imaginer Martin à genoux devant elle, un frisson court dans le dos, mais est-il déjà l'heure pour ce genre de pratiques bien trop rares et osées pour l'époque ? Oserait-elle le proposer au jeune comte ? Elle pourrait.
    Les jeux s'inversent, et là où quelques instants avant, il y avait deux personnes éloignées en train de voir qui blessera l'autre le premier, il y a un entrelacs de corps, et l'éthiopienne glisse telle l'anguille pour s'asseoir à califourchon sur le comte. Car même s'il y a fort à parier qu'en force brute, Martin aura toujours le dessus, au jeu de l'amour, Tigist a quelques atouts dans sa poche.

    Reine et cavalière, elle le considère avec hauteur, retroussant les épaisseurs de jupes pour être à son aise, et tant pis si les draps sont souillés par les poulaines, tant pis si ainsi, au dessus des bas, il voit les marques de morsure des rats des geôles angevines.

    Parce que c'est ainsi. Leur relation est ainsi. Martin réfléchit, se fait du mal à en vouloir à tous et à lui, et Tigist protège à sa manière, réconforte. Mais que plus que cela, il y a l'envie de l'autre, prégnante qui les dépasse et qui les consume à l'instant même où l'autre entre dans la pièce.
    Il parle et elle aspire à des murmures à son oreille.
    Il marche dans la pièce et elle s'attend à le voir la rejoindre.
    Il l'embrasse et son corps s'enflamme à désirer plus.


    « Tu me dois toujours une danse. »

    L'éthiopienne a passé les dernières semaines à souffrir le martyr d'être séparée de ses enfants, de sa chair, mais là, c'est un instant qu'elle vole au Destin cruel. La dextre glisse sur le torse taillé sur le terrain de quintaine et la senestre saisit la main chérie pour la porter à ses lèvres qu'elle embrasse avant d'y poser sa joue.

    Comment en vouloir à Martin pour sa méchanceté quand la sérénité qui l'entoure à son approche est si douce ?

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Martin.cv
Le baisé rendu suffit à enflammer mes sens et mes lèvres en demandent toujours plus. Je bascule avec elle, je me fonds contre son corps musclé et je savoure l’instant de la retrouver. Le sentiment de ne pas l’avoir quitté m’envahit, tout semble soudain si simple et habituelle. Ses jambes enserrant ma taille contre son bassin, ses bras qui glissent au tour de ma nuque me replongent à Saint Giron il y a quelques semaines. Ces moments d’intimités étaient notre lot quotidien. Le matin je regardais la Noire allongé non loin de moi. Je l’observais dormir, je savourais sa chaleur et j’appréciais sa présence dans mon lit. Mes fantômes me quittaient alors et je retrouvais en moi une certaine forme de sérénité.

Je la laisse basculer sur moi, mes mains glissent avec tendresse sur ses cuisses et je lui souris à sa remarque. Comment oublier que je lui dois une danse ? Comment oublier que je voulais lui montrer mes roses au printemps ? Ce n’était pas des paroles en l’air, je le ferais mais le timing n’a jamais été bon et il risque de l’être encore moins dans l’avenir. Il n’y a plus juste Tigist et moi, il y a moi et Mélusine. Mélusine et Tigist, deux princesses, deux vies différentes et deux sentiments distincts. L’affection pour l’une et l’envie de bien faire pour ne pas reproduire mes erreurs passés et des sentiments pour l’autre avec l’envie de la garder précieusement. L’Ethiopienne a du s’en rendre compte lorsqu’on parlait de Gabriel, une certaine forme de possessivité me gagné alors. L’envie que cet homme disparaisse totalement de sa vie pour être le seul et unique à occuper son esprit. Comme le petit homme orgueilleux que je suis, j’aime l’idée d’être le centre du monde d’une femme. J’aime qu’elle me désire et réclame ma couche ou ma présence à son côté.

Je me redresse pour venir embrasser ses lèvres, puis sa joue avant de glisser contre son oreille dans un souffle chaud.


    J’ai une autre danse qui me vient à l’esprit là maintenant.


Je me laisse retomber sur la couche, le regard amusé, le sourire en coin. Mes doigts glissent le long de son poignet dans une caresse lente. Mon autre main est dirigée sournoisement le long de sa cuisse, glissant vers son intérieur. Mais est-ce vraiment l’heure de se laisser aller à la luxure ? Je n’en ai aucune idée et je n’ai pas trop envie de me poser de question. Pour une fois, j’ai envie d’agir sans réfléchir et aviser plus tard sur les conséquences. Je ne suis pas encore totalement fiancé, je ne suis pas encore totalement lié à la Malemort et je n’ai pas vraiment de compte à lui rendre mais l’idée de la blesser me déplaît. Ma main s’arrête, je lève les yeux au plafond pour l’observer prit d’un doute. Agir sans réfléchir peut avoir de graves conséquences et ici, elles seraient dramatiques pour moi, pour elle.

La promesse de ne pas la blesser a été faite. La promesse de rester fidèle sous-entendu et la réponse princière n’avait pas laissé de doute sur ses réactions. Jalouse et possessive, elle ne dirait rien mais souffrirait en silence. Je connais ce sentiment, je sais quel dégât il peut causer et ça a pour effet de stopper net toute idée lubrique en moi. Dans un long soupir, je reporte mon attention sur Tigist qui n’a pas du rater une miette de ce tourment qui a pris possession de moi. Je sais qu’à l’ instant où j’ouvrirais la bouche je la blesserais elle. J’ai déjà préféré Mélusine à elle une fois et je vais recommencer. Ma main rebrousse chemin, un sourire lui est offert et je suis prêt à parier qu’elle sait déjà ce que je vais dire.


    Mais nous avons à parler.


Je prends un chemin dérivé dans un manque de courage flagrant. Je n’arrive pas à prononcer les mots pour expliquer pourquoi je me ravise. Je n’ai pas envie de la blesser alors que l’instant d’avant je n’aurais pas hésité. Du pouce je caresse la peau noire, je savoure le contact chaud contre la pulpe de mon doigt, la douceur de celle qui était prête à s’offrir à moi. Alors pour détourner nos esprits je change de sujet de conversation, je pose LA question qui refroidit toute personne normalement constitué.

    Depuis quand es-tu veuve ?

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Tigist

    La dernière fois qu’un homme l’a touché, le monde était écarlate.
    Et dans cette chambre, il y a un rayon de soleil qui illumine la chevelure de Martin quand il se redresse pour lui prendre un baiser. Martin est Apollon, l’éthiopienne le lui a déjà dit. Avidement, elle aspire aux caresses qui vont suivre le murmure à son oreille, parce qu’avec elles, un peu de la peine partira, un peu des souvenirs reviendront pour laver les évènements plus récents. La vie de Martin remplacera la mort d’Eikorc.

    Par Dieu, cette main sur sa peau qui glisse sournoisement. Les paupières se ferment à moitié, le regard est voilé par le désir, c’est l’évidence même. On en oublierait presque pourquoi ils sont là tous les deux à se retrouver comme des amants adultérins dans une auberge parisienne. Mais ce n’est pas le cas n’est-ce pas ? Il n’est pas encore vraiment promis à une autre, et elle est veuve. Ils ont le droit.

    Martin, vous avez le droit, sais-tu ?
    Pourtant cette main recule, laissant derrière elle l’empreinte brûlante de son propriétaire puis le froid. Sur cette face chérie, elle voit le front se plisser sous la réflexion et le doute, et Tigist devine ce qu’il ne dit pas, puisqu’elle le connaît car Couserans pourrait bien décider de la chasser de sa couche, mais cela n’enlèverait rien à ce qu’ils ont appris à être, et dont ils ont toujours tu le mot.
    Amis.
    Il ne l’a pas épousé, mais il lui en a donné le statut un temps sans que personne n’y trouve rien à redire à Saint-Giron. Il pourrait aussi bien lui refuser le titre d’amante, qu’elle conserverait celui de confidente tant elle sait de choses sur lui. Et pour cette raison, quand la main recule, elle ne se vexe pas, et dissimule même la frustration derrière un haussement d’épaules de façade.

    Juste avant que ..

    La cuisse passe par-dessus celles de l’homme pour gagner en liberté de mouvements et l’éthiopienne rejoint la table pour remplir son verre et lui en servir un qu’elle ramène en venant s’allonger à ses côtés.


    « Une douzaine d’heures après avoir été reconnue comme sa femme. »

    Est-ce que cette voix rauque vient d’elle ? Ceux qui savent et ils sont peu, ils sont trois avec Martin dorénavant, l’ont vu prendre la chose avec un détachement exceptionnel, puisqu’elle n’a jusqu’à présent dit que l’essentiel : Eikorc de Nerra est mort.

    Le verre est vidé d’un trait, et la tête contre le torse de Martin, Tigist raconte sans se soucier de savoir s’il veut écouter et si la chose l’intéresse, comment Eikorc l’a trouvé des années auparavant sur une estrade aux esclaves, comment il l’a sorti de Saintes clandestinement, et la vie à Toulouse à apprendre à n’être plus l’adolescente protégée de Debre-Berhan mais les prémices de celle que les Assay et les Corleone continueraient à façonner pendant des années. Le goût des armes, la curiosité en toute chose, tant que cela servait cet art obscur, que l’ibère avait voulu transmettre à sa dernière élève et de loin, la plus réussie. L’héritage enfin qu’il avait fallu aller chercher à Saumur, avec les conditions qui en ont découlé et les conséquences que l’on connaît.
    Eikorc l’inébranlable, le Colosse, la Montagne est mort dans son lit à cinquante-cinq ans passés, quand les combats, l’âge, les excès, la vie et la mort l’ont rattrapé et l’ont mis à terre plus sûrement que dix coups d’épée.
    Et tu sais le pire, Martin ?


    « C’est moi qui l’ai tué, parce qu’il me l’a demandé. »

    Putain de toi, Eikorc.

    La petite voleuse d’Abyssinie qui n’a de dangereux que son arbalète qui lui sert à dissuader ou blesser, cette femme-là qui avait déjà sur les mains le sang de sa fille, a tué l’homme qui lui faisait office de père. Parce qu’Eikorc lui a inculqué la plus dure leçon peut-être de sa vie : La dignité.
    Et alors, la tête se relève vers Martin et il lui semble qu’elle a vécu cent vies avant celle-ci, cent vies épuisantes.


    « Ce ne sont pas les armes qui sont dangereuses, Edele. Ce sont l’amour et la haine. »

    Par amour pour Gabriele, elle l’a suivi et a perdu leur enfant.
    Par amour pour Eikorc, elle a ôté une vie trop douloureuse.
    Par amour pour ses enfants, elle a provoqué la mort sans assurance d’en réchapper.

    Et par amour pour Martin ? Elle plonge en eaux troubles, celles du regard de Couserans.


    « Lui as-tu juré l’exclusivité de tes attentions et de ta tendresse ? »

    Il n’est pas question de coucheries, et même pas d’amour, vois Martin comme elle te laisse la bride lâche l’éthiopienne. C’est qu’en matière de négociations les orientaux ont toujours su mener leur barque plus habilement que les occidentaux et que le bonheur de son jeune amant pèse sur la balance.
    Oui mais face à quoi, Tigist ?

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Martin.cv
La question a l’effet escompté, d’un mouvement félin l’Éthiopienne se redresse et me laisse sur la couche. L’empreinte de son corps reste marquée sur mes cuisses et l’envie de l’avoir de nouveau contre moi me prend comme une morsure. Je ne la quitte pas des yeux tandis qu’elle se sert un godet de vin. Je m’appuie sur mon coude la laissant choisir si oui ou non elle me répondra. Je ne brusque pas les choses et surtout je n’exige rien d’elle. J’attends avec patience, je la laisse revenir contre moi, prenant dans ma main le godet, le posant sur le lit tandis que de l’autre je prends l’une de ses nombreuses tresses entre mes doigts.

J’écoute son histoire et je n’arrive pas à imaginer tout ce qu’elle a pu vivre. Certains points vont éclaircir ma vision de Tigist, je comprends mieux certaines choses, certaines attitudes. Sa vie est remplit d’embuche et le calme ne sera jamais présent ou presque. La côtoyer c’est être dans l’incertitude. Vivre avec elle c’est accepter de voir des brigands venir à ses portes. La protéger ce n’est pas seulement de son père mais aussi d’elle-même et de sa tendance à vouloir tout gérer seule. Tout cela je le sais, j’en prends juste un peu plus conscience et étrangement, ça ne me fait pas peur.

Ma main poursuit sa caresse sur la tête noire et je ne l’interromps pas une seule fois. J’accepte d’entendre ses confidences, ses tourments et je ne la jugerais pas. Les choix qu’elle a faits sont les siens et j’aurais sans doute agis comme elle.


    Je suis désolé qu’il t’ait demandé cela.


La compassion ce n’est pas mon fort alors réconforter quelqu’un l’est encore moins. Simplement, je viens baiser le haut de sa tête dans un mouvement tendre et qui se veut réconfortant. Elle n’est pas seule, je suis présent pour elle et cela depuis le premier jour où je l’ai rencontré. J’avais été charrié pour cela. On m’avait dit aimer jouer au chevalier servant mais ils n’avaient aucune idée de ce qui pouvait me motiver avec Tigist. A vrai dire moi non plus, je n’avais jamais vraiment compris ce qui me poussait à elle et à lui offrir tout ce qu’elle pouvait espérer de moi. Notre relation avait vu le jour dès le premier soir de notre rencontre et depuis elle n’avait jamais cessé d’exister. Une certaine affection nous lie et nous unit et j’aime cela.

Son regard glisse dans le mien et je me perds dans son ambre. Le soleil joue avec les reflets de son iris et me laisse contemplateur de ce dernier. Sa question ne laisse aucun doute sur le sujet et je souris amusé avant de lui répondre.


    Elle a accepté de devenir ma femme mais je n’ai pas encore rencontré son tuteur ou sa cheffe de famille pour officialiser la chose.


Je me penche vers elle et je dépose un baiser sur ses lèvres comme pour me faire pardonner de cet aveu. L’avoir elle en épouse avait été une idée folle. Je savais que mon patriarche ne l’aurait jamais accepté et pour éviter toute souffrance j’avais fait avorter l’idée. Mes doigts glissent le long de la joue pour dessiner la pommette haute et les traits fins de l’éthiopienne. Traits si peu commun chez nous et qui avait le don d’éveiller mes sens et mon corps.

    Je ne lui ai rien promis... Tu sais comme j’ai le don de me faire aimer des gens.


Le sourire se fait en coin en disant ça. Il était évident que j’avais plus d’ennemis que d’amis. Tigist le sait très bien et même si elle accepte beaucoup de chose de moi, je ne suis pas à l’abri de la voir tourner les talons par mon attitude de petit con.

    Je lui ai même dit ne pas être certain de savoir l’aimer un jour.


J’avais le chic pour ça, je disais d’abord une saloperie et ensuite je passais la pommade. Mélusine n’avait pas été épargné, elle m’avait voulu franc je l’avais été et je n’avais pas hésité à mettre mes conditions avant qu’elle n’ait l’idée de me répondre qu’elle acceptait d’être ma femme. Le seul point où j’avais cédé été sur les maîtresses mais je n’arrive pas à l’avouer ni à le dire à Tigist. Au fond je sais qu’il me sera difficile de rester fidèle et égoïstement j’aimerais posséder les deux femmes. Je suis de ceux qui veulent le beurre, l’argent du beurre et la crémière. Un bon gros con en gros.
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