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[RP] Mais les hommes viennent de Mars

L_aconit


Bretagne derrière, Paris devant, Faust Nicolas observait les lieues défiler à une lenteur presque rassurante.

Qui avait-il en avant? L'Hostel Dieu. Pied à terre secret encore, où il s'échouerait par quinzaine. Le faisait-il pour Lui? Pour se trouver un alibi?

Caillou fait cahoter la chariote. Chahuter les pensées. Les bleus avaient tout pris de son retour aux sources, les mains n'avaient rien su donner. De la fratrie. Des marées. Des retrouvailles inattendues. Des rencontres. Des situations cocasses. Lettres étaient restées mortes par asthénie. Février avait tout pris. L'avait vidé de toute son inspiration, substituant la poésie par les questions. Bienheureux, Mars était là. Sur sa route Nicolas. Gonflé d'un espoir fou. Là, voilà que s'en revenait le redoux.

    Paris. Rue Ste Opportune.


La porte résiste un peu. Cède dans un chuintement discret. La nuit tombe. La chambre est vide. Il n'est pas là. Un léger sourire vient dépeindre les traits porcelains de celui qui, aux portes de Paris a revêtu l'habit. L'air est empli de son odeur. C'est fou. C'est culpabilisant. Il l'a laissé quelques semaines sans donner signe. Et là, cette odeur, terrible odeur ravive ... Tout. Pousse tendron qui n'a pas été arrosée, résiste-t-elle à la sécheresse?

Les doigts déposent la clef propriétaire sur le bureau, viennent repousser le boulier et les carnets pour saisir une esquisse aux traits noirs et décousus. Un enfant. Culpabilité. Il ne faut pas beaucoup de temps aux bleus pour comprendre, et aux doigts pour rendre au bois le croquis et à l'obscurité naissante son cynisme. Comment s'appelle-t-il, ce fils qui lui a repris ses mots? Et qui est sa mère? Comment l'a-t-il aimée... Combien? Il se détourne de l'écritoire. Senestre vient agripper le front soucieux, en chasser les mèches blondes qui disparaissent dans la poigne fébrile.

Cobalts viennent trouver la chaloupe d'une lampe à huile. Le briquet s'en charge, après quelques minutes ravivant la vision de l'appartement au confort des plus spartiate d'une lueur diffuse. Tout est à son image. Ce n'est pas aussi vide qu'une cellule, mais c'est d'une sobriété monacale. C'est une invitation à réchauffer. Le cou fin s'étire jusqu'à un fenestron haut, juste au dessous un objet recouvert par un drap, appuyé contre le mur dont les arrêtes piquent le blond de curiosité. Pourtant il s'assied sur la couche. Reste là un moment. Il est à Paris. Le printemps est arrivé. Et avec lui le renouveau. Son palpitant s'emballe à cette seule pensée.

D'un mouvement bref, il se redresse. Découvre le drapé qui recouvre une toile. Grande toile. Prunelles en absorbent le moindre détail. Alors lui aussi sait. Le bleu sans le noir n'est pas beau à voir. L'iris dépeint le mélange des couleurs. Emaux viennent se planter dans la lippe qui rougit. Sensible, il garde en ligne de mire cette vision lorsque les ongles viennent froisser l'emplacement ré-habité depuis quelques mois. Dieu! Qu'il est fatigué... Que cette torture de l'esprit doit cesser. Il faut qu'il rentre. Il faut qu'il sache combien autant que les mots, son corps lui a manqué. Combien le bleu s'affadit sans lui. La soutane choit au sol. Le dos offre ses zébrures presque guéries. Il est douloureux de partager l'amour entre deux personnes qui ne veulent pas l'une de l'autre.

Faust, épuisé du voyage, s'étend sur le lit en gardant la toile en vue, ce noir qui absorbe. Qui dévore. Aigle qui enveloppe, doucement. Berce. Rassure. Le noir est toujours mieux que le vide blanc d'une cellule. Il se recroqueville jusqu'à n'être qu'une boule empaquetée du drap à l'odeur magistrale de son propriétaire; jusqu'à fermer les yeux usés. Chien dans son panier.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
La soirée s’était étirée, ponctuée de recomptes, de vins qu’il s’était appliqué à gouter plus qu’à boire sans pour autant oublier de faire enfler la voix et les manières à l’unisson du maitre artisan convoqué, jusqu’à pencher le dos au-dessus du vélin et le doter d’une signature dont Dénée serait sans nul doute satisfaite.
Pas battant la neige brunie de la journée, Alphonse traversait le quartier des Halles distraitement, à la manière du chat livré à la ville, museau oscillant d’une antre à l’autre sans parvenir à choisir où il finirait par aller chercher la chaleur tronquée des caresses absentéistes de février. Il avait délayé l’irritation de ses temps libres, de ces temps secs, à s’approprier le quartier auquel il avait été abandonné et lui reconnaissait, après quelques mois d’arpentage, l’avantage des animations diversifiées et des oublis faciles ; la journée voyait les boutiquiers s’enrichir au son des commandes et les nuits promettaient aux ouvriers achevant leur labeur, comptoirs jalonnés aux détours de rues entrecroisées où trouver pitance et alcool pour quelques deniers seulement. Sa préférence, si elle allait à la plus lointaine Strada Verde (*), trouvait facilement substitution à quelques pas de sa porte lorsque minuit approchait, et si ce n’avait été son empressement à annoncer d’un courrier à Denée l’avantageuse conclusion de sa journée, il aurait sans doute pris le temps de d’abord broder ses tempes avant de faire halte.
Mains dans les poches de son manteau, sourire flottant aux lèvres, Tabouret, leurré ces derniers jours par l’envolée des heures consacrées à ses taches, se voulait en rémission et en avait l’arrogance plénière. Après l’apitoiement colérique de la solitude, étaient venues les froides résolutions, cadres sans concessions aux lignes maintes fois éprouvées, aux rassurants plafonds voutés de douleurs expérimentées ; Faust était un mirage, une maison-leurre, une tendresse qui n’avait sa place qu’au présent conjugué.

La porte d’entrée fut franchie en silence, l’attention comptant machinalement à sa traversée les faisceaux molletonnés émanant des chambres dans le couloir voilé d’opacités, quand, lentement, le pas fut ralenti jusqu’à s’immobiliser, le faisant ombre jetée au travers de la coursive abimée, suspendu à l’encre d’un courroux écorché ; la lueur diffuse d’une lampe à huile auréolait l’interstice de sa propre alcôve. S’il n’avait jamais eu le gout de la possession, Alphonse avait celui des frontières ; sa chambre était son seul territoire, et l’idée de le voir profané sans son consentement chahutait le sourire jusque-là affiché d’un pli comminatoire. La dextre effleura la poignée pour se l’approprier quand Senestre s’appuyait au panneau de bois, en faisant jouer le défaut pour l’ouvrir en silence et surprendre la contrariante anomalie en son royaume envahi.



Au milieu de la pièce, git la ligne d’une bure quand dans le lit, dort l’averse d’une fleur.



A la gorge, le temps enrayé a sauté, agrippé le souffle surpris et déchiré d’une respiration Passé et Imparfait pour ne plus comprendre que l’instant, mâtiné d’échardes, tissé de plumes, grossièrement cousu de notes dissonantes. Rafales noires et blanches inondent ses tempes de non-dits ravagés, d’espoirs mutilés à la rigueur d’un salutaire empirisme et, à la houle le submergeant, elles s’acharnent, les paumes à plat dans la tourbe qui le nourrit, à masser le cœur avec férocité pour le relancer. Au vide déséquilibré, Senestre a refermé la porte derrière lui dans un automatisme qu’il ne prend pas la peine d’inscrire, s’y adossant, nauséeux, sans quitter des yeux la pousse de son lit ; la violence de l’élan saccage les lambeaux de pensées, les cotrets de logique, les reliquats des impératifs, piétinant d’une plante enjouée ses plus cyniques attachements; aux fondations qui se découvrent de paille, Alphonse s’incendie.
Faust est là, marbre ensoleillé gisant aux draps délaissés. Faust est là, et sans même encore l’engloutir du miroir de ses yeux, assassine déjà de l’épi blanc de ses cheveux les favorables mensonges qu’il lui a préféré.


Pars.
Pars.
Maintenant.



Il s’exhorte, il s’encourage; le gout de la bile est un souvenir dont le palais a encore la mémoire, le désossement sanglant de ses croyances neuves, un calvaire auquel il a fallu se sacrifier jusqu’à la dernière honte, jusqu’au dernier mépris. Cruel destin aux doigts enchevêtrés des païennes trinités, farce lyrique dont il est l’impensable dindon, Tabouret se raisonne, s’asphyxie, tache d’étouffer la calcination et d’imposer la tendre impartialité des nerfs en guise de couronne.
Faust est là d’être mort. Rien de plus.


Rien de plus.


Il ne se souvient pas avoir dissous la distance jusqu’au lit, ni de s’être assis à son rebord, de même qu’il n’a pas vu encore le drap dévoilé du tableau aux aplats binaires, leur précieux équilibre et leur aveux bichromes. Comètes aux lésions phlyctènes, les noirs d’Alphonse s’abiment au profil noyé dans l’oreiller, redécouvre avec une impitoyable émotion l’insoutenable plaisir de la présence bleue, assistant, impuissant, aux ecchymoses heureuses que le tendron impose à ses draconiennes litanies.


Rien de plus.


Sur une épaule dévoilée d’un remous plus lâche que les autres, le rose boursouflé d’un tentacule lèche l’omoplate d’une langue longiligne et si les doigts découvrent avec une prudente curiosité la continuité prolongée des lianes, il n’en a pas besoin pour associer les sangles du martinet au dessin ainsi tracé. Marchandise trop estimable pour être officiellement dénaturée, l’esclavagisme d’Alphonse n’avait jamais gouté à la douleur des autorités punitives, voué à celles plus absconses des anesthésies sous cutanées, mais en avait vu les leçons s’abattre sur son frère et parfois même ses sœurs.
Le dos s’éprend d’un frisson partagé ; quelque part dans sa chair, à celle striée de Faust, une souffrance écho se propage inexplicablement.
Pouce, léger, sillonne la nuque engourdie de rêves, s’enfonce au crin raccourci avant d’épouser avec une délicatesse attentive l’arrondi du crâne, y égrenant les caresses lentes de ses retrouvailles solitaires ; au secret du sommeil qui les sépare, involontaire, un sourire troublé se fiche. La paupière cadette frémit, et Alphonse reste là, main ensevelie dans le parfum blanc, retenant pudiquement l’envie d’y enfouir le nez pour enfin respirer.


Ne te réveille pas.
Si tu te réveilles, tout cela deviendra vrai.





Au cœur et ses difformités, promesses muselées tintent en guise de mobiles, chassant les soleils pâles des horizons d’hiver.
Printemps germe sous les toits de Paris, empoisonne de bleu le confortable noir et ravive à l’entrelacs des denses primaires, les pourpres d’une tristesse craintive.





(* La route Verte)
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L_aconit
Au fil des caresses, tel un chat que l'on tire de sa torpeur étendue de soleil aux premières chaleurs du printemps, Faust s'est éveillé, résistant à l'envie d'ouvrir les yeux et de trahir d'une respiration trop soutenue l'état nouveau.

Il est là.

Il est là d'être vivant.
Lentement, trop lentement pour être la simple caresse que l'on donne machinalement à l'animal de la maison, les doigts d'Alphonse reconnectent les besoins et avec eux, un à un, la liste tacite des devoirs. Car s'il lui a manqué comme l'eau manque aux pousses encore fragiles, bouture qu'il est encore mutilée et cherchant racine dans le corps même de son terreau, il n'a pas écrit. Bile reprochable, coupable d'être incapable de justifications sans perdre mots et termes, s'étire à l'estomac qui soudain semble sortir d'une longue hibernation. Une chair de poule s'étiolera bien pour le trahir, de l'état d'âme ou de conscience, Alphonse la regardera s'étirer jusque sur les épaules fatiguées peut-être de s'être trop chargées. L'envie primaire, humaine et pulsionnelle taille dans l’atterrissage son ombre hégémonique, poussant le corps à se mouvoir un peu, dextre s'emparant avec lenteur, par dessus le dos, de celle qui trop curieuse l'effeuille d'hésitations. Oui, ce n'est pas beau à voir. Mais c'est là le juste prix, la rançon et la récompense à la fois d'aimer la vie en toutes dimensions, d'un antipode à l'autre, et au milieu Alphonse, trop ancré désormais pour en être extrait sans douleurs. A cette essence entichée, nulle autre utilité que d'abreuver. Tourmenter et séduire, par ses mots et ses doigts, l'aorte fraîche de Nicolas. Il est là.


- Si tu savais.

Jeune gueule, froissée encore de l’édredon, s'offre à cet anti prince de contes, venu sans oser le réveiller. Les mains, plus fébriles que celles d'un fervent qui vient prier avec désespoir sa madone, viennent envahir le torse, en froisser la chemise, l'attirer à lui pour en vérifier la réalité.


- Alphonse...

Le nez vient chercher l'odeur, aveugle comme celle de l'enfançon, toute humaine pour se reconnaître dans celle de l'orbe nourricier. Ici une épaule... Et quand l'on s'appelle Montfort Toxandrie, une épaule vaut une côte, c'est en elle qu'Alphonse se fait Adam, architecte de la vie brûlante qui se remettait à circuler follement dans le cœur envahi. Printemps est venu et avec lui, le précieux moment de leurs retrouvailles.


- Si tu savais comme j'ai manqué de toi.

    Si tu savais comme la route a été longue. Pour revenir jusqu'à toi.


Il se souvient d'une lettre où promettait à Faune l'oubli, quand lui , offrait la mémoire. Et dans le pli embué de ses yeux, toutes les nuances de bleu sont éveillées quand la bouche sèche devient aphone. Le serrant là, diablement contre lui, éthéromane fulgurant, il se condamne à reléguer à l'oubli les petits arrangements dont l'absence a fait germer les perspectives. Là contre lui, enfoui dans sa panacée, il se maudit d'avoir hésité à l'accepter entier. Père, amant, humain à en devenir inhumain de beauté. Il comprend que mettre à jour des responsabilités ne sait que rendre les problèmes passionnants.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Le souffle ivoirin a changé, imperceptible et pourtant messager ; il est là et avec lui, la crainte qui attise, qui prouve que l’on n’est pas soigné, que la beauté est encore possible malgré le vitriol. L’inexplicable est une hérésie ; tout, toujours se doit de trouver une place précise dans les cloisonnements d’Alphonse, et ce qui y échappe, qui se déplace, volatile, a eu le temps d’être étudié, canalisé avant d’être admis comme irrégularité. Mais Faust ne respecte aucune règle ; Tendron abolit la bureaucratie en usant d’ardeurs reniées, les livrant en pâture à ses attachés avec une telle simplicité qu’il dissout le monde hermétique bâti pierres après pierres sur les cadavres des années.


Manne de Mars à la taille, c’est Bellone qui prie ; ce soir, elle chasse, arme d’hast à la main. Nul besoin des cohortes et de leurs témoignages, elle connait sa proie, son pelage blanc et ses encrines bleus.
A l’aube du mois amant, ce sera elle ou lui.



Les mains bavardes qui s’agrippent à lui le déchirent, le murmure si bas de son nom le recoud, maléfice aux milliers d’hématomes dont les syllabes associées n’ont pourtant jamais eu autant de gout qu’à cette langue-là. L’attraction des corps le compacte et il s’y laisse aller par inertie, fétu d’osmium, avant que de plein fouet, ne le cueille l’arôme ; sous les paupières closes, c’est une collision, la rencontre imminente des mondes antipodes, l’instant où l’on va enfin savoir si, au fond du précipice, l'on s’écrasera ou l'on traversera.
La chaleur de Nicolas palpite, s’étend, au-delà des maux, cristallise les aiguilles qui tapissent l’engourdissement jusqu’à en dénaturer les parois effilées ; les mains d’Alphonse aux ailes cassées de février, restent encore paralysées. Il attend la fin de l’accident, le soulagement du crash, que le calvaire finisse, qu’il y triomphe ou qu’il en meurt, mais qu’enfin, il diagnostique.

- Si tu savais comme j'ai manqué de toi.


Ooh, stop
With your feet in the air and your head on the ground
Avec tes pieds en l'air et ta tête sur le sol
Try this trick and spin it, yeah
Essaye ce tour et fais-le tourner, ouais
Your head will collapse
Ta tête s'effondrera
But there's nothing in it
Mais il n'y a rien dedans
And you'll ask yourself
Et tu te demanderas
Where is my mind ?
Où ai-je la tête ?
Where is my mind, The Pixies



Au sol, le front d’airain s’est fendu.
Le poignet est brisé en un angle contre-nature, et au cœur de l’œil sombre, un vaisseau éclaté rougit le regard fixe ; le nez à l’arrête improbable dénature le visage aux brulures tiédies quand, dans un dernier sursaut, s’étouffe un serpent juste derrière l’oreille. La roue voilée du char achève lentement le grincement de son chant.
Rien n’a su traverser; les bras de Faust ont capturé leur proie.



Les doigts s’animent, se fondent, empoignent la porcelaine émaillée et serre sans plus de retenue le Printemps éveillé ; batailles perdues aux pieds, conscience fracturée, au milieu des bouquets qui fleurissent jusqu’à l’ensevelir, il ne reste plus que la vérité. Dans les bras de Faust, le cœur bat plus vite, et puisqu’il est sorti de ses tranquilles limbes, puisqu’il est ranimé malgré son apathie, que l’absence fut souffrance, en Bretagne ou à Paris, alors…

Alors, à Dieu vat…

S’il se détache de l’étreinte, c’est pour mieux posséder. A la mêlée des doigts blancs qui chassent le manteau, Dextre quitte le dos pour moissonner la nuque quand Senestre s’enfonce aux épis clairs; ventre rempli d’odeurs, le cou et ses parfums sont un temps quittés pour venir narguer les lèvres d’un baiser qu’il ne donne pas, attardant l’insupportable suspension de l’envie, se dérobant même aux esquisses bleues, sermonnant, insolent, les pupilles qu’il croise à chacune de ses terribles défausses, des ludiques cruautés des amours délaissées.
Il a perdu Février, il emportera Mars.


Dix-huit jours.
C’est ridicule, tellement ridicule. Je le sais, je te le jure, je le sais mais cela m’a semblé le double, le triple... M’aurais- tu dit que tes derniers mots avaient six mois passés, que j’aurais pu te croire…
Pourquoi cela a-t-il pesé comme une éternité ?


Dix-huit jours, murmure-t-il alors, outrageant son orgueil d’un chiffre officiellement décompté, d’une absence pesée et dument observée ; aveu livré momentanément à la place d’un baiser, il guette dans les pupilles amantes l’accueil de cette pathétique confession.
Si je t’ai manqué, prouve le moi… L’élan écrase aux lèvres la coupe d’un souffle fauve, et l’air de nouveau, a le gout de la pluie, ozone irisée aux bouches qui ne se démêlent plus; la chair bourdonne et vibre, froissant le temps d’un délai empoigné, écartant des fronts soucieux, le vide terrible dont ils étaient témoins pour ne laisser aux silhouettes qui se scindent à regret, que l’odeur bleue et noire des amants retrouvés. Raconte-moi.


A voix basse si le verbe est trop lourd, à l’envers si l’endroit te déplait, mais plus jamais, Faust, plus jamais le silence…

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L_aconit
Comptable, sais tu compter?

- Oui.

La tête, bien faite, s'arque un peu tandis qu'il effleure du bout des yeux, à portée de lèvres la réalité bien là d'Alphonse. Cruelle car terrassante dans ses vérités, serrant fétichiste, le shibari de son coeur masochiste.
Le retrouver projetait Faust malgré lui dans une angoisse post partum, accouchée dans un souffle à l'haleine unique et morte-née dans l'oblique d'un regard jais, bien que les trois remparts du Tartare ou les sabots de la biche de Cérynie pâliraient de l'airain de cette main qui, force tranquille, avait su pourfendre ses hésitations.
Avait-il manqué, lui? Avait-il compensé? Décompensé?
Il le considère gravement. Et comme avait dit l'Autre de son aéroplane... "Quand le mystère est trop impressionnant on n'ose pas désobéir".


- Oui je vais te raconter.

    Mais laisse-moi te regarder. Oh, laisse-moi te toucher. Laisse-moi ne plus jamais te laisser.


De concert avec la pensée, les gestes se personnifient, tirant enfin ce corps qu'il veut à lui pour en désarticuler un peu l'austérité, le démembrer, libérer les jointures grinçantes de cette patience que l'on n'a pas le temps d'attendre à dix huit ans... En chasser la poussière, quitte à le dégonder pour le garder. Les mains saisissent les joues de part en part, les lèvres s'écrasent de baisers délicats, parsemés chauds, distillés mordants, libérés de la lourdeur de l'attente et du silence.

Virtuose inspiré, conteur né, Nicolas lui raconte. Puisque sa langue a le goût de sa vertu, Puisqu'Alphonse a le gout de de son honneur perdu... Le coeur mis à nu ne sait plus rien cacher, avoue mieux que parole prononcée. N'y a plus ici âme qui soit revêtue de pudeur et de prudence, si la porte est restée ouverte, au diable l'offense des yeux. Ils sont Printemps à deux. Mieux qu'une hirondelle, et mieux que quelques mots dispendieux. Mars est revenu, emportant dans sa crue les contrastes. Puisque rien ne dure au dessus de la ceinture et qu'il faut vivre à cru pour sentir mieux, Faust défait avec impatience les tissus trop pesants de son amant dans une application décousue. Lèvres s'offusquent un peu, entre deux boutons récalcitrants.


- Dix huit jours, c'est dix huit ans à manger du pain gris. A qui crois tu le dire?

Sans revers, ni refus, il faut se rendre à l'évidence... Tout est cuisant d'avance. Puisque le bonheur est entre le sol et le ventre. Entre le sol et le vent. C'est qu'à cette heure ci l'oiseau du paradis joue plutôt aux jeux interdits. Virtuose inspiré, conteur né, Nicolas lui raconte. Sans souffrir une seconde de plus de ce vide à combler, les mains viennent tirer follement sur l'ourlet trop propre des braies. Les dents s'impriment, voraces, tempêtes aux desseins loquaces dans la peau féline. S'il est d'une timidité avérée en société, le Montfort Toxandrie est un amant passionné qui a su par deux fois déjà placer ses intérêts. La nuit est tombée et avec elle, le rempart pudique de l'arrondi des fesses. Elle est loin la sidération d'un moment de confesse... Ou peut-être pas tant.


- Laisse-moi te raconter... Après. Laisse-moi t'aimer, d'abord.

Faune dépecé n'aura pas l'envie de riposter, quand deux blanches mains viendront se rouler à ses reins, s'étendre à son ventre, que baiser aura délaissé les lèvres pour venir envahir la tendre virilité sous l'oeil quiet d'un rapace de pigments.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Faune dépecé ne riposte pas ; noué au lit, le langage de leurs gestes épelle les métamorphoses du verbe commun, voyelles plantées à l’émail, consonnes dispensées d’un baiser, bouches en coupe d’un cycéon d’accents semés de leurs mains. Ponctuation, conjugaison, exceptions, rien n’échappe à la construction, et tout, limpide, lisible, s’assemble à la première phrase qu’Octobre a entamé.
Les choses sérieuses ne sont plus graves ; elles apprennent sans plus de retenue les frontières nouvelles du nid et de ses plumes, où tout se dit d’abord sans les lettres, et se conforte d’une impulsion ou d’un écho.
La bouche de Faust fait naitre le duvet foisonnant à la peau en esquisses aviennes, les mains qui dessinent percent la chair des rémiges antiques et à la gorge qui se tend des blanches dévotions, c’est la respiration lestée du ramage qui délivre ses premières notes. Les doigts fouillent les cheveux blonds, les empoignent, les caressent, accompagnent l’eucharistie sylvaine à l’arrondi du crâne, et muent en serres inoffensives aux vertiges des sommets effleurés; rapace et échanson s’étreignent d’interdits, étourdissant l’instant de pennes suppliciées, et lorsque l’aile avisée veut chasser l’attention, les doigts blancs la repoussent sans même s’appesantir d’éventualités.


Printemps au front, Tendron n’existe plus ; il a crû, racines enfoncées, branches déployées, et perforé chaque plexus pour trouver la substance.
Il n’y a plus de pousse ; il y a l’Arbre-Monde aux fleurs céruléennes, aux charbonneuses feuilles, isthme végétal des âmes exaltées célèbrant, jumelles, leurs douces tyrannies.



La tête est renversée, le souffle corrompu laisse l’agonie se diluer aux secondes ravies et s’éprend d’involontaires dessins nés des baisers délayés au-dessus du nombril, des doigts chauds remontant ses côtes ventilées, des dents rayant la clavicule saillante; Saint-Front est devenu un autre monde, portant à ses nimbes de pierres l’écueil et la surprise du premier rendez-vous.
Quelque chose a changé. Assis, à cheval sur son ventre, silhouette étirée au contrejour de l’unique flamme de la chambre, sibylline créature fière de sa gourmandise, ce n’est pas le jeune clerc désespéré, pontife solitaire aux parfums oubliés, qui le regarde si densément, mais Lui, Lui aux mille tempêtes, aux mille éclats d’hiver.


Mémoire !
Rassemble dans la salle du cerveau
les rangs innombrables des biens-aimées
verse le rire d’yeux en yeux
que de noces passées la nuit se pare
de corps et corps versez la joie
que nul ne puisse oublier cette nuit
Aujourd’hui je jouerai de la flûte sur
ma propre colonne vertébrale
"La flûte des vertèbres", Vladimir Maïakovski


Il est beau, presque trop, délit au coin des lèvres, passion ceinte au front clair, recouvrant de son ombre d’homme, l’amant terrassé. La lippe brune, tissée de torpeur, s’étire irrésistiblement à la coupe bleuie et c’est un de ces rires, ténu et fragile, aux sérotonines rondeurs, aux souhaits repus, que délivre laconiquement la gorge d’Alphonse pour la première fois depuis sa renaissance ; les regards télescopés étirent leurs antennes jusqu’à les emmêler, jusqu’à les diluer, et au silence nouveau des contes révélés, subjuguent et le temps et l’effet d’un sourire communié.
Assouvi d’une première fringale, à l’ivresse de l’ébauche nacrée, Faune retrouve l’arrogance de ses parures et l’élan de ses attributs ; senestre s’amarre à la cuisse albe, et dextre capturant le poignet, ramène les bouches à l’union. Bientôt, le lit n‘a plus de sens, autel d’une joute mâle où l’on maintient, l’on prend, l’on conquiert jusqu’à l‘exaltation ; Mars, veuf au champ de bataille, reste à la nuit consacrée, le nœud de leurs féroce prières, de leurs férals cadences. Cadres effacés, Paris oublié, il n’existe que l’étreinte et ses accords vernaux où, vivants, les corps se joignent et se délient, incitent et apaisent ; Au travers des draps, on danse, tendres sauvages, on s’emporte pour mieux sacrifier l’autre, et on brule, dans l’entrelacs du plaisir satisfait, hanches et reins mélangés, mains et lignes épousées.
Jouir d’amour n’a rien d’habituel.

Poids lové au dos moite de sa proie fraichement achevée, main encore déployée à sa gorge palpitante pour en cerner la saccade en guise d’hydromel, Alphonse cajole la nuque embuée d’une dernière morsure, d’un dernier baiser et se laisse rouler sur le dos, dédoublé ; le corps est à peine perceptible quand l’âme, exaltée, convole aux cieux du Dieu qui les condamne.
A la chambre qui se redessine, les yeux s’égarent sur les murs pour en redécouvrir l’espace, balbutiants, et lorsqu’ils cueillent au hasard, l’angle du tableau dévoilé, ils s’y fixent quelques longues secondes avant de percevoir la mue dont il a été l’objet.



Prunelles au vif de la compréhension se rétractent et s’abiment ; les larges ailes noires sont révélées au blanc et inondent la chambre d’un secret jalousement nié.
L’Évidence s’étire, pudique délaissée, et s’assoit, en tailleur, sur le cœur étrenné.



Suspendu, désorienté de cet aveu involontaire, de ce cadeau que février avait gardé à la clandestinité de l’absence et de ses manques, à l’abri des vérités pour mieux les répudier, nu plus que jamais, plus qu’aux mots, plus qu’à la chair, il plante des doigts décomposés à son front humide, à l’honneur, toujours, de sa langue maternelle quand l’importance stupéfaite des détails viennent réclamer leurs hommages
:

En stront * ...




* Et merde
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L_aconit
A l'ombre de sylvestre s'étendent les ramifications humaines. De doigts, de bouches, de langues, respirations communicantes et d'ancrages aux pénétrantes fantasmagories.

    Quand il fut orné des oiseaux cérulés qui laissaient pendre leurs ailes,
    ses fruits parurent d'une pourpre éclatante,
    tandis que de l'arbre semblait avoir poussé tout à coup un feuillage d'azur.

    - Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe. -


Barque bretonne fendant de son éméraldine le marc de son amant, sablonneux mouvant dont on ne peut distinguer la profondeur, lutte un peu. Contrit de son absence de marin, Faust s'est jeté à l'amer jusqu'à passer à gué, sur le corps-pont d'Alphonse. Alphonse liant, sans le savoir le ciel et la terre, d'où, entre les deux Nicolas se perd, se fouette jusqu'au sang de ne plus savoir comment les concilier et réconcilier. Queues ne sont-elles belles, à se croiser comme on croise le fer, et à se disputer l'ultime bouffée? Et son rire qui le saisit, cueille toute son attention. Alphonse est donc capable de mieux que cet air si sérieux, et ce sourire séduisant mais taiseux...

Ancre est jetée.

Paris qui jusque là n'avait été qu'un fade lieu de récolte, où denier par denier, le Breton récupérait peu à peu ses économies, était devenue par la simple présence de Tabouret
un fantastique diorama où chaque nuance de gris diluait son ennui jusqu'à le transcender. S'ennuyer de quelqu'un. Voilà qui était nouveau pour celui qui n'avait jamais été que seul ou toujours accompagné, nuit et jour, sans discontinuer.

La pulpe dilue sa guède au fil du grain de peau, plus mat que le sien. Jouissance n'est rien face au pouvoir qu'ont les amants à retenir la précipitation du sablier, distordre sa dimension et l'étirer dans un trouble infini, que personne ne saurait violer. Aconit, d'une lippe frôlant le derme bavard murmure à peine, curieux et lascif, titillé par une des idiomes qu'il connait pour n'être qu'un éternel étudiant.


- Que dis tu en flamand, ampart daouarn ? ... Brav c'hazh. *


Les yeux suivent la course des siens, s'égarant à la toile pour chercher sa réponse. L'épaule s'affale un peu pour souffrir du poids de l'accalmie où toutes voiles en berne, naufragés se laissent dériver, doigts fendant la douce écume née de leur union. La réflexion germe, d'une désarmante simplicité.

- Tu as tort de le cacher. C'est une merveille. Un savant mariage.

    Comme nous. Non. Pas même.




Habiles mains. Beau chat.*
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Bretagne sale les lèvres d’un baiser aux motifs iodés, écrins qu’il répète à mi-voix, mal très certainement, mais tendrement séduit par leurs indéchiffrables arcanes:

Ampart daouarn… Brav c'hazh.

Sous les paupières brièvement closes, aux réconfortantes berceuses des langues maternelles, Alphonse se réfugie aux parfums de leurs vallons anciens. Elles l’attendrissent toujours ; reliquat d’un avant aux bouches déportées, d’un trait d’union à ceux qu’on a laissé, il leur trouve le goût des sensations perdues, la douceur des secrets de grand-mère. Personnelle, hématome de spontanéité à la parfaite toile des convenances, verbe fondateur, la langue nordique est le fil premier de tout ce qui l’a jamais constitué, et de devoir commencer par en traduire un juron échappé achève de mêler un sourire au trouble des vérités.

Rien qui ne doive se retenir, promet-il, la voix adoucie de blanc quand à la gorge reste, doigts émaciés plantés au larynx, l’angoisse inéluctable de la préméditation ; l’aveu et ses preuves ont toujours été trop fragiles pour être laissés aux mains des funambules et l’ombre lourde des échecs constatés ont cultivé chez le jeune homme, le gout des non-dits et de leurs contours indistincts. Ce qui n’a pas de corps, fatalement, s'estompe.
Je t’en apprendrai d’autres, des plus beaux.

- Tu as tort de le cacher. C'est une merveille. Un savant mariage.

Le regard s’entrouvre lentement pour couler sur le profil blanc, attentif autant qu’étonné ; il n’a pas compris.
Les nerfs frissonnent d’une fomentation nouvelle, caressant l’orgueil rancunier dont les frasques ont pourtant étaient pansées avec application, léchées une à une jusqu’à en dissoudre la bile et baisées si longuement qu’elles en portent encore, à leurs membres élancés, les stigmates printaniers ; la défausse est possible, la fuite précautionneuse un chemin inespéré qui après tant d’obstacles s’ouvre finalement devant Tabouret.
Muet, Faune observe l’amant dont l’estompe lente des fraiches brûlures au bras qui le borde témoigne encore des chants de leur versants, et s’en entiche si brutalement, si violemment, qu’il en ressent le vertige tonitruant d’un battement de cœur lui crevant la poitrine ; aux hautes futaies, entre ciel et terre, le vide a des allures de boucles infinies.
Mentir a toujours été une hérésie, se taire, une appréciable solution où il a plus souvent que de raison, tissé ses égoïstes volontés et leurs suffisances en guise de mots ; rien n’est simple quand tout est limpide.
Viendrait-il de là, le silence de Faust ? Des mêmes utopies blessées, des mêmes cicatrices ?
La main cueille le cou et en suit le tracé, délicat, sans altérer l’élan consacré aux aplats qui étalent indécemment leur envergure noire au milieu d’un mur vide.



Pudique Colère désignée par ses pairs se musèle ; les vérités ne sont-elles pas trop rares pour être tues à même leur premier souffle ?



Il n’est pas à moi, délivre-t-il enfin, quittant les miroirs bleus absorbés de pigments pour rejoindre la toile et ses homochromies, pulpe des doigts embrassant la nuque étirée.
L’œil éduqué par Axelle avant d’être exilé aux maitres Florentins l’a vue de suite, égarée parmi la multitude, étouffant à l’ombre d’une vierge exaltée et d’un panier de fruits aux reflets de bougies, fragments contraires dont les nuances simples et définitives ont relégué le motif de sa visite à d’autres priorités ; il l’avait voulu, sans d’autres explications, pour Faust, pour sa mémoire, pour vaincre les nuits blanches, contredire la solitude.
L’impulsion alors encouragée par les ardeurs solaires de janvier ne s’était pas étonnée de cet inhabituel serment et aurait dû pourtant ; jamais encore, Alphonse n’a présenté quoique ce soit d’autre que lui et ses heures à l’un de ses amants. La consistance de l’offrande est de ces ancres dont les tangibles multiplicités le terrifient, et c’est Février qui le lui a rappelé. Février aux maux bleus, Février et ses intransigeantes aphonies.


Roule, Hasard.
Tychée et Némésis ont mêlés leurs destins, leurs souffles et leurs mains ; elles ne regardent pas, Sapho battant au cœur, les errances tétrapodes.
S’il faut mourir de Lui un jour, autant que ce soit maintenant à l’aube de leurs heures, sans leurs clartés témoins.



Il est à toi.
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L_aconit
- A moi?

Prunelles avides regardent sous un angle nouveau, celui de la surprise, celui de la propriété, se fixent, saisies, sur les nuances du tableau. A la lueur de la bougie après que l'aube ait définitivement quitté le lit de Paris, c'est encore une autre histoire. Racontée par les pigments bien choisis, tolérant qu'on les dénature à force d'imagination, la toile a changé de visage. Est-ce un aigle? Est-ce une invasion? Une éruption ou une implosion? Est-ce que là, serré contre lui, c'est Alphonse qui tremble d'offrir ou c'est lui qui tressaille d'aimer se voir offrir?

Nicolas déserte. Pieds foulant le sol, dans sa nudité la plus totale il laisse un pan de courtepointe décoiffée lécher le carreau. Et la silhouette des plus gracieuse, androgyne jusque dans l'arrondi de ses reins vient saisir en poids l'oeuvre au bel encadrement pour la porter à ses yeux sous une meilleure lumière. Incrédule, le sourire séduit la face pétrie d'évasives craintes, quand la nuque se tord un peu pour venir cueillir les réactions d'Alphonse, en comparer les traits.

Son visage s'il n'était pas carré se parait d'angles admirables, et s'accrochait d'une bouche au dessin généreux dont la saveur addictive s'apparentait à celle des dragées de son enfance. Ces lèvres délicatement rosées cachaient pourtant deux rangées d'émaux blancs assez mordants pour les apprécier lorsqu'ils se posaient sur la finesse de son cou de cygne. Pour sûr, Alphonse était bien fait, et quand bien même d'un autre bois que lui, dans une nature si différente qu'elle ne pouvait qu'être complémentaire... Il était fait pour lui.

Son menton admirable semblait avoir été moulé dans le plâtre et ne souffrait pas l'ombre d'une imperfection, figure de proue donnant aux joues assez de consistance pour ne pas se creuser de si peu de nuits, et à l'ensemble pas assez de force pour l'en faire paraître robuste. Ses cheveux, opulents noirs de jais aux arabesques décoiffées supplantaient en jardin suspendu le charme équilibré de ce visage au regard si parlant. Si l'on pouvait lui trouver un regard parfois trop franc, moins avare d'expression que ses lèvres de géhenne, ses yeux étaient les plus beaux du monde. Sur sa tempe, un accroche-cœur formé comme un pied de nez entendu à cette trogne souffrant de trop d'ordre s'était invité par hasard, au fil de leurs ébats, achevant comme un oxymore d'une beauté paisible la perfection de ses traits délicieux.

Alphonse vu par les yeux de Nicolas avait l'apparence captivante de n'être jamais inégale. Le Parisien, ce chat sans paresse ni félonie voyait toute sa physionomie souple et spirituelle inspirer de l'esprit à qui savait ne pas se fier son affiché détachement. Mieux, si l'on se risquait, hardi, à l'audace de l'alléger de ses atours, l'on pouvait en premier courir quelques doigts sur un ventre plat au hâle léger, vers un nombril qu'il ne regardait jamais et qu'il ne se soupçonnait pas avoir si beau. Torse que les doigts blancs de ses amants avaient du mal à délivrer accueillait deux tâches plus sombres, en équilibre, érectiles à souhait au moindre toucher avisé. De ce buste gracieux émergeaient rondes épaules assez fières, et bras dont les tracés raisonnables dépeignaient une courbe timide jusqu'aux poignets meurtris. Ceux-là, honteux de leurs stigmates, compensaient de deux mains douces de n'avoir pas souffert de la terre, et d'avoir su aimer sans doute déjà par trop de fois pour tout retenir.

Par delà ces horizons s'étendait discrète, l'orée d'un sous bois où Nicolas aimait à s'égarer pour en récolter le fruit. Doux et dur à la fois, salé et interdit, précautionneux d'y goûter comme le premier homme dans son déni. Comme son corps en entier, Alphonse Tabouret était un jeune homme que l'on ne pouvait que trouver enviable, aimable à souhait dans sa stabilité de façade, infinie. Sensible, tantôt Faune, Chat ou rapace, il était de ces animaux attachants, attachant jusqu'à l'os celui qui s'y laissait corrompre. En deux phrases soupesées il vous offrait toutes les grâces du monde, et ses serments suggérés, même les plus vils, même ceux qu'il ne disait prennaient l'allure des promesses nobles aux quêtes infinies. Le timbre de sa voix qui s'embourbait un peu dans un protectorat frileux offrait son haleine tendre et ne s'autorisait à éclore que pour exposer de faits qui, lapaliciens , révélaient malgré eux quelques craintes nébuleuses. Modéré, il l'était jusque dans ses bons mots dont il avait pourtant le gout passionné, trahi en écriture. Ainsi, diplomate jusque dans l'impudeur du lit, Tabouret aimait mieux qu'il ne parlait. Et cela n'était pas sans déplaire.

    Bleus se figent, gelés de leur mutique contemplation arrachant un hoquet silencieux au torse semé.

La comparaison est sans appel. Si elle n'apporte pas sa réponse d'Alphonse au tableau, elle révèle que les yeux Aconits souffrent d'un mal terrible, que l'on croit incurable quand on n'estime pas le temps qu'il lui faut à passer: Faust Nicolas est amoureux.

L'échanson délicat aux tendresses assumées verse les récoltes de ses treilles printanières dans une corne d'abondance. Il faut dire que quand il aime, c'est à jamais, et il se laisse volontiers décevoir ou accepte de tout céder si la situation l'exige pour préserver. Fleur naïve, il demeure un innocent à toujours. Bouton de vie, il garde cœur pur et l'instinct trop grégaire pour être coupable des vices qui l'effleurent et qui parfois le font rêver. L'écuyer eut la malice communicante, le prêtre , le drame tendre. De ce qu'il restait de Nicolas, jeune breton aux sang bleu royal qui s'ignorait alors, traître à son sang aussi charmant que son père ne l'était pas, on retiendrait sa combativité quand il fait l'amour avec une application qu'il ne met pas à affronter les viles personnes qu'il rencontre. Sa frilosité, qu'il étendait dans sa beauté pour mieux l'offrir, et qui le pardonnait tout entier d'être si jeune et dilettante. Si maintenu dans ses silences, quand ils s'avéraient nécessaires à estimer ceux qui s'y cassaient les dents. Mordu au hasard d'un malentendu par la religion, au fond, le garçon aux cheveux trop blonds fait homme par l'apparence n'en a pas besoin quand Alphonse, posé là, se fait for de lui en être une.

    Le sourire se délaye à la fausse question, couvant déjà quelques espoirs en inquiètes constatations.


- Vraiment?


Il repose le cadre avec précaution. Passant faussement pensif l'index sur la gravure du bois. D'une voix au ton plus neutre qu'en vérité, il demande, ou espère, ou déclare peut-être simplement:


- Alors tu ne m'en veux pas...

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La rondeur de la question laisse un silence en guise de réponse. Il se passe à l’instant quelque chose que l’on ne peut troubler d’un mot, qui doit s’étendre et éprendre jusqu’à la dernière ombre ; les yeux fixes de Faust ont un accent nouveau, le pli d’un plasma bleu, pupilles dilatées en éclipses de midi.
Les silhouettes se détachent, et le flanc jusqu’alors tiédi de l’autre conteste le déséquilibre qui ranime involontairement la chair ; chat délaissé se rassemble et se redresse jusqu’à l’assise, curieux, orteils trouvant le plancher, noirs dévoués à l’amant et sa croisade nouvelle. L’étincelle a trahi, chassé l’angoisse blême des images avouées et conquis l’attention au détriment du doute; devant la toile, la silhouette sylvestre, nuée mise à nue, s’abime à l’émotion de la possession, et Faune aux caprines errances en est captivé, découvrant, à la dénonciation surprise d’un sourire réfléchi, l’incroyable consistance de ce type de mets. S’il étrenne la tendre avidité du ventre ému au spectacle séraphique, de ces lignes dont Ingres percerait bien plus tard l'inénarrable érotisme des albes alanguis, il s’amourache surtout ce visage éclairé d’une épice infinie, de ce sourire si parfaitement dessiné qu’il restera gravé aux pupilles comme un soleil trop longtemps contemplé ; Faust le chavire en continu.

Lippe contaminée, amadouée, craintes délaissées, il s’amuse de la comparaison étudiée, s’en statufie, rompu aux heures immobiles des ateliers de peinture où seul le fusain bruisse pour ne s’adoucir que du doigt qui le dilue, où le modèle n’existe que dans la perspective, novice appliqué à déchiffrer les émotions primaires qui fleurissent aux cieux ; Nicolas est une page vierge qui sans cesse s’anime des moindres courants d’âme et simplifie, tout autant que complique, la lecture des remous. Pour en percer le sens, il faut s’en passionner.


- Alors tu ne m'en veux pas...


Quelque part, étouffée, une fracture sonore accouche d’un silence qui s’étend à la terre, souffle retenu des morts et des vivants.
On a cessé de siffler à l’enchevêtrement des cimes ; aux souches Yggdrasils , Racines-contreforts ont trouvé un trésor.



Les noirs se divisent brièvement au fil des expertises froides qu’a délivrées l’absence, se corrompent au choix des mots, à la neutralité d’un ton qui contrarie les miroirs aux opacités vertes ; qu’elle est jolie, cette culpabilité dans l’idée de la rancune, qu’elle se dévoue, fautive délicate, qu’elle sonne gaiement sous ses airs égarés, presque pas adressés.

Lui en veut-il ?
Si les mots ont été promis, ils sont toujours attendus, engourdis quelque part aux résonances si peu repues de ce langage binôme, mais que leur restent-ils à ces tendres amas de syllabes quand on s’est consumé si intensément, quand on a transcendé et l’espace et le temps jusqu’à n’être plus que monstres d’infinis appétits, créatures décomplexées de leurs dogmes martiaux, arbres et firmaments, qu’il n’y a plus de défense, plus aucune barrière, juste l’Évidence et ses ironies tendres ?
Faust se trompe de mot.
Il ne lui en veut pas.

Dextre se tend vers lui, filin aux doigts étirés quémandant les siens en guise d’amarres et s’y attache, les froissant d’une tendresse mâle lorsqu’il les trouve ; les lèvres se posent au poignet, remontant l’avant-bras d’une lente semaison, les laissant rejoindre sa nuque tandis qu’il ramène à son museau l’ivoire et son improbable chaleur. Le souffle chaud ricoche en respiration lente au nombril, ovale par miracle taillé pour juste convenir à la pointe de sa langue et dont il boude les plaisirs, la pulpe des doigts attentive ayant retrouvé au bas du dos, les premières traces inavouées de leurs stigmates amoureux. Il en explore délicatement le tracé, les hait d’un mouvement de tête dont Nicolas accuse le lent ressac avant de les laisser à l’aube d’un présent dont ils n’ont plus qu’à composer les règles.


Alors je ne t’en veux plus, nuance-t-il en quittant la berceuse du souffle pour cueillir le regard bleu et ses alcôves secrètes, ses cicatrices plus indécentes encore que celles qu’il arbore, ses faiblesses venteuses et leurs incertitudes; leurs gestes ont effacé les maux, dilué la rancune, ne laissant à la terre que la faiblesse d'une pulsion récidiviste. Aux jais qui le sondent, pieux conquérants, se discerne le voile d’un émoi chaviré offrant l'absolution; c’est un courage nouveau, pour Alphonse, que celui du pardon.
Et toi, t’en es-tu voulu ?
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L_aconit
Citation:
Paris, Février 1466



Faust,

Bretagne doit être belle et les charges nombreuses pour t’astreindre au silence.
Les miennes m’ont ramené à Paris plus tôt que je ne le pensais. J’ai trouvé un travail, quelque chose qui me plait malgré mes écueils et leurs protestations ; élevé au milieu des parfums, j’en retrouve le chemin sous peu. Le projet est neuf, nécessitera sans nul doute quelques déplacements pour trouver les matières premières dont Denée aura besoin, mais pour l’heure, c’est la capitale que je sillonne, réveillant de vieux contacts perdus de vue et sollicitant au travers de la Méditerranée ceux que je me suis fait à Florence.
Mes journées ont encore raccourci et je ne m’en plains pas ; les teintes neutres de mes rigoureuses occupations ont un quelque chose d’anesthésiant, salutaire, qui, à ton absence, ne me déplait pas.


Hiver en bandoulière, je guette le printemps,
Ni ne t’oublie, ni ne t’abandonne,

Alphonse.


Baise-main se cueille dans l'oeil du cyclone, contemplé muettement avant que nuque ne soit attirée, attitrée. Alphonse. Chat malin aux mots équarrisseurs, qui savent prendre jusqu'à la lie. Si le langage du corps a su s'imposer entre ceux qui, par leur nature discrète en sont économes, Nicolas se fait violence pour ne pas le laisser triompher. Il l'a privé de réponse, par deux fois. N'en a rien oublié. Ni la pesanteur lestant son estomac, ni la culpabilité s'arrogeant le berceau coronaire, embolie précieuse du manque qu'elle a exacerbé, par contraste faite embellie machiavélique. Amour sans mal ne s'éprouve pas, sans joie souffrantes, quelle passion mérite son titre? Faust s'épanche un peu, tandis que se penche à saisir les lèvres Faunes.


- Un peu.


Timide, d'abord. C'est que l'amorce est toujours la plus difficile.


- Je ne suis qu'un couard.


Là, galet pesant est lâché. Curé a compris les bienfaits de la confesse, à force de la prodiguer. Les yeux se détournent un peu, palliant à ces mots qui eux s'interposent en ligne droite.

- J'ai pensé à toi, dans les bras de cette femme. Dans tes bras cet enfant.


Les mains se joignent, une lutte délicieuse forçant le chat à s'étendre, saillant un peu les veines de ses avant-bras Adonis. Dieu, qu'on est léger... A s'avouer. A se vouer, bel exercice, à grignoter l'avarice par les mots secrets, intimes, mettant plus nu que nu celui qui s'en déleste.

- Sais-tu, j'ai assez d'expérience pour connaitre les faiblesses des hommes qui aiment les filles, et même les femmes, ces créatures ensorceleuses...


Les lèvres suivent le chemin des dames, c'est aussi incongru qu'indécent, surtout lorsqu'en se pressant leur faux airs mutins rencontrent l'ardeur adorée renaît de cendres. Tout est cycle. De la pointe du coeur à la hampe, tout fait sens. Les Aconits alors s'élèvent sur leurs rangées de blé jusqu'au visage d'Alphonse, lascifs, vertiges, tandis que la gorge se flatte jusqu'à la garde, jusqu'à souhaiter l'entendre crier. Cambré ainsi, il se fait Callipyge, catin, provoquant nuancé. Et quand rompant l'annexion d'un léger trait de salive, la bouche s'anime encore, ce n'est que pour lâcher:


- Quand il les baisent, c'est inéluctablement jusqu'à en oublier tout le reste.

    J'ai perdu mes mots, comme s'ils se nouaient dans ma gorge pour m'empêcher de respirer, de réfléchir, j'ai perdu l'inspiration, toute mon imagination m'a coupé les mains pour t'écrire.
    Mais j'ai tout gardé. Oui, Alphonse, j'ai tout gardé pour toi.


Dévoué et tendre, féroce et appétant, Faust se fait épatant de plaisir affiché à lui arder la tâche: l'écoute active est forcément moins aisée.


- Beau Chat. Je te comblerai mieux que n'importe quelle femme...

    Moi, tu sais, j'ai été voleur pour savoir voler, j'ai été acteur pour être écuyer, maintenant je ne suis qu'un pauvre prêtre défroqué ... Défroqué de savoir si bien t'aimer.


Bouche-écrin reprend son ballet, doigts envahissent de concert, infernaux d'être Maîtres en la matière. Garçons ont encore bien des secrets.

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Elles viennent, les syllabes, continents dérivants, étirant leurs détroits comme s’étire le corps; pudeur et impudeur s’éprennent du même champ, de ses mêmes labours, et s’indexent sans complexe, au même thesaurus.

- Je ne suis qu'un couard. J'ai pensé à toi, dans les bras de cette femme. Dans tes bras cet enfant.

La silhouette d’Axelle et les boucles d’Antoine s’invitent à la bouche happée, fugitifs coupables dont la fuite s’assure au chemin de croix qu’emprunte la confession. Les lèvres pâles le déchiffrent, volatiles roses dont les précises envolées étourdissent la raison qui pourtant s’agite, plumes gréées d’une note nouvelle, consumant sans pitié le verbe s’agitant à la gorge ; la langue de Nicolas a le goût désaltérant des grenades d’hiver.
Marié de convenances à sa complice gitane, ils avaient conspiré, et acheté à Notre Dame le costume de la paire en guise de carnaval, nourri d’un éphémère noyau leur si précieux bâtard pour, quelques mois plus tard, laisser ses dérives en détruire la sage façade, abandonnant l’un et l’autre au silence du vide jusqu’à s’effacer du livret de famille.
Est ce père-là, ce masque d’époux dissous au terme de l’absence, que Nicolas a tant redouté lorsqu’il s’est confié?

A la lutte tendre qui s’éprend de leurs mains, l’aorte convole à de terrestres cymbales; bouche donnée à la sienne tendue, blanc au surplomb du noir, Faust et ses cheveux blonds, Faust et ses panse-mots.

- Sais-tu, j'ai assez d'expérience pour connaitre les faiblesses des hommes qui aiment les filles, et même les femmes, ces créatures ensorceleuses...

Fleur posée en boutonnière, bouquet égayant la pièce d’un parfum fugitif, d’une essence trop claire pour entêter et la chair et l’esprit, les femmes et leurs jupons avaient pour charme certain, l’inimitable bruissement de leurs parures remontant à leurs cuisses, mais c’était bien là, à la conscience caprine, le seul avantage qu’attachaient leurs silhouettes. Jamais l’une d’elle n’avait endimanché le cœur de ses agrafes au-delà de ses conventionnelles fringales et s’il en était de rares, aux parfums indivisibles, qui s’étaient arrogées une place au privilège de l‘intérêt, aucune n’avait jamais éveillé les épiques collisions des chorales jumelles.
La chair était multiple, le cœur, indivisible.

Échouées aux plis des draps, les mains restent étonnamment muettes, amadouées d’un éclat attaché aux lèvres qui l’encensent quand les yeux buvards, posés sur le marbre mouvant, s’imprègnent avidement de chaque variation qui joue à ses surfaces. Ainsi sont-ils là, les fantômes de Faust, ces écueils, ces escarres du cœur qui ont chassé de la corolle l’Anteros lépidoptère ; ainsi est-il là, ce fil d’épines retrouvé au Saint Front qui a cousu des mots qui n’appartenaient qu’à lui.

A moi.

L’on y distinguerait presque, aux lointains horizons des miroirs, les silhouettes encore fulgurantes de ces despotes anciens.



Traitres et beaux amants, Hommes Aimés jusqu’à la cicatrice, qu’avez-vous donc créé, bouche et cœur à vos défauts scellés ?
S’il faut vous haïr d’avoir condamné l'âme à de tristes errances, les bras replets de Nyx, à vos pieds égarés ont déposé l’offrande ; ce sont vos tristes délits, vos rendez-vous ratés, qui, aujourd’hui, façonnent leur histoire.



L’attention s’effrite, et les mots qui composent se fêlent à la trachée d’un soupir habillé ; bouche a capturé sa proie et crispé les phalanges au tissu qui l’accueille. Au voyeurisme assumé des amours passionnées, les regards s’enroulent, s’enveloppent et s’épousent d’une anthroposophie nouvelle : l’iris troublé, s’arrondit de remous quand une braise arborescente en dévore le pétale et étend jusqu’à la capture bleue, la soie de sa corolle-flamme ; il luit dans les yeux de Nicolas, l’indécent appétit d’une concupiscence plénière, une étincelle qui lit jusqu’aux moindres échos, jusqu’au moindre crime, dans les noirs enlacés.

Quand il les baisent, c'est inéluctablement jusqu'à en oublier tout le reste

Couleurs aux turbulences mâles s’agrippent, se noient d’inavouables rites, défiés de prunelles incendiaires aux démentes volontés ; reins cambrés les vouant à l’inaccessibilité, bacchanales bleues contaminant les jais envenimés, Faust, créature élégante aux maitres exigences, aux distances maitrisées, se dérobe, arrogant, et plaide sans souffrir d’interruptions le poids de sa démonstration.

-Beau Chat. Je te comblerai mieux que n'importe quelle femme...


Les mots s’embuent, l’oreille défaille ; murmures ensevelis à la respiration marquée s’engourdissent et migrent à d’autres horizons ; Faust et sa couronne-nuage ont emporté l’esprit.
Aux veines, ne reste que la lave.



Nog. Murmure à la gorge éraillée, aux reflets Aconits et à leurs scandaleuses brûlures. Le ventre se tend, le dos s’arque d’un trait plus perfide qu’un autre, et entrave un instant la voix et ses accents, pour la retrouver, arrondie d’un vertige surmonté, étrennée d’un sourire carnassier. Encore, répète-t-il, souffle aux lèvres asséchées, Raison consumée à la faveur du mot premier.


Ailes noires, blanche couronne, absorbées à l’écorce dessinent aux branches mères, l’émoi de leur feuillage.
Foudre et cognées n’y feront rien. Entaillez, entaillez et vous l’y verrez ; il palpite aux fibres, l’amorce d’un soleil.

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L_aconit
Nog, alors.

Plus que des mots. Les lippes ont aimé jusqu'à l'épanchement, jusqu'aux exaucements des appétits cannibales. Les amants, qu'ils soient jeunes, ou moins, beaux ou moins, égaux ou moins, ont toujours leurs rites, cabalistiques. Défendus. Leurs jardins secrets. Réceptacles des joies simples d'Alphonse, Faust se délite à ses mains qui fauchent ses crins, écrin de vendanges fébriles. Prêtre, il ne sera plus jusqu'à demain. le jeu a changé de main. Tapis. La réserve de l'écuyer sans histoire, l'échanson migratoire s'est muée en transcendance danse, quand il s'agrippe à lui, cet Alphonse qui le bouleverse et le chavire, remontant jusqu'à sa gorge pour partager leur cène au gout des salins bleuets.


WHISPERED SOMETHING IN YOUR EAR
    J'ai murmuré quelque chose à ton oreille


Au creux du secret se chuchotent les confessions ardentes. Aconit éclos sans pudeur, délivre en foulant des rameaux de sa langue sa catharsis. D'un réceptacle à l'autre, d'une bouche à une esgourde embrumée, les contours du rêve ou de la réalité se délitent là où commence l'homélie licencieuse.


IT WAS A PERVERTED THING TO SAY
    C'étaient quelques paroles perverses


Furieux de l'aimer, de l'aimer si tôt et avec trop d'évidence, blondin combat ses fatalités d'une senestre emportée. Langue qui trop souvent garde ses maux a rendu ses armes à César, les transformant en baisers courts, entrecoupés. Parsemés au gré de l'épaule fugitive. Nicolas y sème un champ de blé en la frôlant d'une canine vive. Mais douce. Mains douces, d'autorité, entaillent la chair meuble de ce territoire laissé en jachère. Corps à corps se scinde, momentanément, pour qu'après l'endroit se confesse l'envers. Faites monter les enchères. Alphonse ce soir sera le jouet, payant au centuple la passion trop envahissante qu'il a jetée, éparpillée, démultipliée. Torse opalescent se colle à son revers. L'arachnide des doigts flirte avec les outrageuses boucles brunes, condamnant la nuque à sa poigne féroce d'appétit. Les reins récoltent leurs tribut, dans un murmure condamné à mourir au poumon, dans la brûlure gutturale d'un geignement primitif.


BUT I SAID ANYWAY
    Mais je les ai dites quand même


Il le possède, sans joutes et sans combat. Il le pique, comme un beau territoire que l'on aurait envie de fouler du drapeau. Possession au fil de l'eau se dilue dans une larme au front de lait qui s'écrase, là en contrebas. Sur les vallées d'obsidienne, que la sueur a fait miroiter. Bien mâle acquis profite entier. Et quand le nez a quitté ses brunes nuées, c'est à deux mains qu'il assoit son autorité sur les contours flous des hanches discrètement taillées. Dix huit ans, c'est être fou et pardonné de trop rêver à des territoires interdits. A sa soif d'ailleurs. C'est avoir bien des idées que l'on garde, confinées, jusqu'aux évasions intimes. Puis de port en port; grandir en leur ouvrant la porte.


MADE YOU SMILE & LOOK AWAY
    Ça t'a fait sourire et regarder ailleurs


Les draps s'échappent aux enlacements faussement contraints, quêtant fuyards les superpositions mâles. Nicolas brûle à cœur, buisson ardent. Quand il le pourfend, il ne se sent plus pénitent. Il n'y a plus qu'eux, dans cette chambre vide. Il n'y a plus de contraintes d'espace temps, plus de défaut de dimensions. Plus d'attente, de tableau, de lettres mortes. Plus d'homme qui aime femme et enfant. De flagellations auto-correctrices. Poussé par son vice, Nicolas rafle tout, tout prend. Il n'y a plus que le bien et il est au fond, tapi comme l'espoir dans sa boite de Pandore. Les mains pétrissent la chair, ongles y fendent leurs sillons . La nuit s'étire et s'étend. Jusqu'à la déchirure névralgique. Jusqu'à s'éclairer d'un cri limpide et troublant. Amants entre eux se rient un peu, ou pleurent autant d'apprendre à ne pas faire d'enfant.


NOTHING'S GONNA HURT YOU BABY
    Rien ne te fera du mal, bébé


S'il en était un, il ne serait que ferveur, pluie et tourment. Il serait comme un Paris d'octobre. Accouché de l’opprobre dans le carillon d'une voiture. Comme un Alphonse sans Nicolas. Triste et beau à la fois; dans son clair obscur. Amants ont cédé l'un à l'autre l'apogée de leurs amours stériles.

Et tout se tait enfin.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Il n’y a plus d’ordre ; les âmes ont fondu, en même temps que les heures, en même temps que la laisse. Le ventre délivré de son exclamation dans un chœur partagé est un champ de coton où, à la paresseuse surface, ondulent des carpes grandes comme des nuages.
A la gorge d’Alphonse, les doigts perpétuels entravant la trachée ont desserré leurs lianes ; l’air jusque-là raréfié serpente jusqu’aux poumons en torrents de montagne, et éclaire la graine plantée aux houles automnales. Il ne sait plus rien mais pourrait épeler dans n’importe quelle langue le goût des mains de Faust à l’annexion des hanches, la musique écho des corps qui se capturent, l’indescriptible brûlure d’être à celui que l’on aime.



I'm strange man
Je suis quelqu'un d'étrange
Like a ranger
Comme un garde
I'm invisible
Je suis invisible
Like monster
Comme un monstre
But someday you understand
Mais un jour tu comprendras
Meaning of my worlds
Le sens de mes mots.
But someday you understand
Mais un jour tu comprendras
Meaning of your life.
Le sens de ta vie



Chat aux rêves d’eau et de poissons saisit à deux mains le pelage, et, griffes à la chair enfoncées, écarte les pans du poitrail, découvrant en son sein les tocades orfèvres d’un cœur aux marées bleues.



Il s’est redressé, étourdi d’équilibres, agenouillé à l’angle des draps, où Faust, Alexandre allongé, s’offre au regard éclairé de ses propres secrets; les traits faunes ont brodés leur taille d’un sourire repu, vainqueur et vaincu. A l’éclosion de Mars, Alphonse ne le sait pas, mais il est amoureux.
Des hommes, il a toujours préféré les épaules marquées des muscles et de leurs nœuds, les gorges mal rasées et les manières tranchées : mâles, ils ont traversé la vie d’Alphonse jusqu’à en déchirer la trame, bâtissant au vide exploré des temples organiques décorés de souvenirs et de leurs cicatrices. Pourtant, à ces heures enfuies où Paris frémit de ses premiers réveils, le trône au large dos est vide de ses bourreaux ; on les entend gémir, quelque part, colériques souvenances aux douleurs prénommées, mais à cette aube vernale, à ce soleil qui luit dans les grands océans, on ne retient que l’assise sereine d’un nouveau souverain.
De celui-là, chimérique blancheur, il s’est entiché de tout, incompréhensiblement, obscurément, contaminé jusqu’à avoir faim; des poignets menus aux doigts élancés, du cou fragile aux hanches androgynes, de la taille esquissée aux omoplates ailés, et cette bouche, cette bouche qui dit et qui réclame, ses mots qui jurent et qui donnent…


A toi.


Le pied ivoirin est saisi, précautionneusement, et mené à la bouche où les émaux miment en croquer un orteil, canines dévoilées d’un hélianthe de nuit semé au regard bleu. Le corps s’enroule, ruisseau, et offre au pli chaud du genou, l’application d’un baiser dévoué qui s’étend, en pluie à l’intérieur d’une plaine marbrée jusqu’à trouver la hanche, récompenses pieuses au guerrier que l’on honore d’avoir si bien aimé.


Faust a pris et la tête et le cœur, stériles comètes aux orbites antipodes, et ses danses en ont tissé les traines jusqu’à les modeler aux clartés de ses yeux.
Tout est si simple quand cesse la fracture.



Parce que c’est toi.


Les côtes aux fleuves des mains qui les frôlent s’éprennent d’un frisson qui ricoche en un rire léger qu’il vient dévorer d’un baiser capiteux tout autant qu’étiré. Tout s’est tu, mais le silence est fait d’un alphabet nouveau ; aux yeux qui s’abiment, aux lèvres qui s’apprennent, ils assemblent des mots n’appartenant qu’à eux, fait d’instants et de sons, de calmes giboulées fascinées des reflets.



I'm a speaker
Je suis le porte-parole
Of the silence
Du silence
I'm the question now
Maintenant je suis la question
To your answer
À ta réponse
But someday you'll understand
Mais un jour tu comprendras
The meaning of my life
Le sens de ma vie
But someday you'll understand
Mais un jour tu comprendras
The meaning of these words
Le sens de ces mots
Meaning, Cascadeur



Peaux mêlées, chaleurs accordées, bleus et noirs au fil d’un premier pacte Alfaustien.


Ta voix contre mes femmes, énonce-t-il à ses lèvres conquises, syllabes échouées au souffle dichromatique, marchand cédant le baume aux fautes qu’elles ont piquées du cœur jusqu’à la gorge.
Que sont-elles, les femmes, quand on est dévoré si parfaitement, quand on se consume de vivre, qu’on incendie la grésille grisaille jusqu’à ne plus laisser que soi en matière première? Quantités négligeables, parfums aux teintes saccharines, elles ne sont pas de taille, ne l’ont jamais été, mais souffrent désormais d’une insondable envie d’ajouter aux mots blancs, la tacite contagion des insensées passions ; givre de sel aux lippes pourléchées, minéral, aquatique, Faust partout à sa bouche profane, est devenu l’Unami.

Promets-moi tes mots, tous, même ceux que je ne connais pas, et je n’en toucherai plus une… Les corps sont enroulés à la vague d’une étreinte qui les berce, mythes platoniciens, antiques créatures aux jambes quatuor, aux fronts noués d’épis défiant de leurs complémentaires polarités les Dieux et leurs frontières. Aux yeux qui s’accordent, monstres magnifiques pétris par les étoiles, sous forme alinéaire s’étirent les prémices d’une provocation vouée à taquiner la gueule convoitée ; l’inattentif lecteur la confondra peut-être avec une simple semonce, mais Faust, éternel étudiant en comprendra la vertueuse vérité, les mots d’amour tissés dans l’insolence et ses ombres. … mais, nourris moi encore de dix-huit ans de pain gris, allonges seulement ton silence d’un dix-neuvième jour et je trousserai en ton nom tous les jupons de Paris…

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L_aconit
I'm the question now
Maintenant je suis la question
To your answer
À ta réponse *


Alfaustien. La jolie tournure. All fault** tiens. à quelques encablures près.


Tout s'est tari. Tout s'est feutré. Jusqu'aux doigts des baisers. Ils se sont faits Ichtus, disciples de leurs propres dieux. Ils se sont faits silencieux, observateurs de leurs propres monstres. Tapis là. Quelque part en eux. Tentaculaires et magnifiques, deux corps d'hommes ont cessé de danser. Dénombrant la pêche providentielle de cette nuit ramenée aux filets leurs incertitudes.

Aux déclarations fauves s'étire le sourire blanc. Sourdement, la maladie s'étend. Oui. Il lui a manqué. Et même avec un peu de patience, voyez-vous ça... Ses interrogations sont contentées. Quelques éclats heureux et étouffés se font écho dans le drap, contre les cheveux jais. Chatouilleux jusqu'à l'os dans son ultrasensibilité, Nicolas ourle son œil d'une tendresse inéluctable. Le jour va bientôt se lever. Et Nicolas avec. Mais le corps a du mal à saisir les messages de la pondération, évaporée. Alors il traîne un peu dans le parfum de cette héllébore, poussée en Octobre, fleurie en janvier, et qui étire ses rhizomes aux moindres de ses fissures blondes. S'alanguit mollement à récolter les passions murmurées, une à une, et pour une fois enfin sans chercher à les trier. Regard s'égare quelque part, revenant à la raison. Il répète, automate, dans la courbure d'une moue naissante:


- Ma voix contre tes femmes... C'est promis.


Mais quelque chose sonne faux. Quelque chose a changé. Il se retourne, posant ventre, coudes et mains soutenant le bel édifice de ce minois adamantin . Le scrute. Le sonde, et dans la contracture absconse qui étreint soudain sa poitrine, hésite.

Bien sur, le breton avait souffert d'illettrisme passionnel. Avait refait ses armes. Était désormais un jeune homme nouveau. Un adulte - passons les déconvenues de l'état pour nous concentrer sur ses avantages... - . L'amour, Aconit l'avait appris aux heures voleuses. Parfait aux matins ducaux. Consacré aux nuits fauves. Face à lui, qu'espérait-il? Reprendre ses peurs ancestrales? Se le garder pour lui, en bouteille, en confiote, posé joli sur son écritoire? Rien n'est plus affreux qu'une promesse qui restreint. Il l'avait compris, à force d'années. A force d'apnées. Si ce chat là avait l'habitude de flâner sur les toits de Paris, il n'était personne pour lui faire un collier. Une chatière, tout au mieux, pour quand il voudrait rentrer... Terre semée, Faust connait désormais les secrets d'une meilleure récolte. Il dévisage doucement son vis à vis. On ne pourrait oublier qu'il est un peu grec, et l'histoire d'iceux nous l'a conté... Là où poussent les fleurs, le sang a coulé.


- Mieux que n'importe quelle, j'ai dit. Sens-toi libre, plus qu'avec n'importe quelle, alors.
    Mais épargne moi un peu.


Le corps se redresse. La chandelle est morte. Il ferait des efforts. Des efforts par milliers pour ne pas enfermer la liberté du faune dans ses propres peurs. Car retenir quelqu'un, là contre son torse de peur qu'il n'en vienne à s'échapper, n'est-ce pas l'étouffer un peu? Et que fait l'aorte lorsqu'elle est mal oxygénée? Elle se nécrose. Il n'avait pas réussi avec Ansoald. Pas réussi avec Lestat. Se murant dans l'épaisseur moite de son éternel silence, en guise de cris et de lamentations. Il se fit fort de réussir avec Alphonse. Quitte à goûter encore un peu du fouet. A force de le tanner, le cuir s’endurcit. Un baiser est déposé sur la tempe brune, avant de partir à la conquête d'un frileux mensonge. L'envie de prendre le large.


- Moi aussi j'ai quelque chose pour toi. Deux, à vrai dire.


Il rallume à l'incandescence neuve une chandelle, coulant un oeil spectateur à son amant. Il devrait lui parler de l'Hostel Dieu... Mais la coquille est encore frêle. Et le rouge ceignant son poignet lui rappelle combien il est tôt de se jeter ainsi dans ces bras tentateurs et de s'y croire perçu sous le même prisme. Peureux, Nicolas gardera encore un peu ses secrets, leur préférant la poétique mesure de ses dettes.
récupérant ça et là, quelques affaires égarées, il s'empare de la soutane pour l'heure encore honnie. Demain, il avait dit. Et bien qu'ils soit déjà demain, c'est au jour qu'il reprendrait son aura religieux. Reprenant l'échange où il en était resté, Montfort Toxandrie récite, cherchant d'une main le reste de sa mise.


- Alphonse.

Si tel oriflamme te plait, c'est que sans le savoir, tu te fais chevalier de causes perdues. Il faut bien cela pour aimer ma peau, mes yeux, ma voix, pour s'en protéger du froid... Chaque lettre que tu me fais est un précieux et inextinguible drame, de par ses beautés inédites et ses saveurs défendues. Tu me plais et je voudrais que cela s’arrête là ; il y a quelque chose en moi à l’écho de tes mots que tu assassines, je le sens, je le sais ; je l’entends au silence, s’exaspérer de toi, de tes terres fertiles et de tes attentions.

Vois, je me fais l'écho de tout toi, dans le constat de nos obligations complémentaires. A toi le vin qui occupe, moi, celui qui bénit. Dire que je pense mes mots est un euphémisme lourd. En vérité à ton absence, je panse mes maux. Bientôt je reviendrai à Paris, et te ferai aimer aux nuits de Mars mes doigts dans tes cheveux, je m'en fais le devoir. Ta main ne sera plus égoïste pour me nourrir jusqu'au dernier soupir et briser le jeûne dont tu es à l'origine. Et mes baisers, d'abord tendres, s’enorgueilliront d'être la trêve de cette asthénie qui ne saurait guérir que de Toi.



Une main rencontra une chausse. Qu'il ramena dans son giron, sans cesser de réparer l'offense, semé à son silence breton et meurtrier.


- Toi, tu te vantes de m'offrir la mémoire, laisse-moi me vanter de t'offrir à l'oubli. L'oubli sélectif qui soufflera tout ce qui entourera nos étreintes; ne subsistera que ton corps et le mien, comme figés à jamais dans leurs imbrications complètes. Pour l'avoir caressé, le vide a cela d’accommodant qu'il n'a pas d'arrêtes. Pas de contour piquant pour qu'on puisse le regretter. Si tu conjures le doute et le vide, n'oublie jamais que ce sont eux qui m'ont fait tel que je suis. Aussi aime-y moi un peu.

A l'eau de la pluie n'en tenons pas rigueur. C'est par son baptême que mes yeux se sont accrochés à un Passant. Si quelques mots ont disparu, je t'en offrirais, sans rature ni sous entendus. Je t'en offrirai de ma bouche à la tienne. Je t'en fais le serment.

Bretagne est là. Et avec elle, l'infâme et poétique mouvance du temps, changeant comme la marée. Si tu étais là, tu marcherais pieds-nus oui, là où se cachent les coques, là où gondolent des reliefs sablonneux et glisseraient dans mes pas les tiens, pour mieux laisser les vagues les emporter. La pluie? Elle ne vaut pas celle de Paris, Alphonse. Le sais-tu? Sais-tu que ce que tu dis ne rien valoir, vaut loti contre ton corps, mille fois plus que tu ne pourrais le croire?



Les bas rejoignirent le petit tas de vêtements, soigneusement ratissés. Et les bleus se perdirent à la contemplation de la toile qui les surveillait. La voix ne trembla pas, tandis qu'il continua d'égrener son courrier, envoyé dématérialisé.


- La route m'a épuisé, au sortir du Poitou j'ai trouvé l'hospitalité d'une jeune femme à la difformité unique. Elle était naine. Elle nous a offert le gîte et le couvert, et j'ai bu ce soir là plus que de raison. J'ai peiné à trouver le chemin de son lit, qu'elle m'a généreusement cédé. Dans la taverne ce soir là, j'ai croisé le regard d'un jeune homme. Il était beau, assez distingué malgré sa barbe légère et mal taillée. Je l'ai regardé jusqu'à disparaître à la porte, comme s'il ne pouvait pas le remarquer. Je l'ai trouvé désirable. Tant désirable... Et pour cela je l'ai méprisé. Ah, Alphonse, c'était bien là mon drame. Cet Octave de malheur d'un regard m'a affligé jusqu'au cœur. Car en le dévisageant, il battait bien doucement une évidence: le supplice me tourmentait; Il n'était pas Toi.

Et comme si Dieu avait décidé d'éprouver la nature de mes sentiments, il envoya Ansoald pour s'assurer qu'avant de me vanter de pouvoir t'enseigner l'oubli, j'avais la mémoire en bonne place... Comme un fléau, redouté malgré lui, mon premier amour se dressait là, sur ma route. De cette rencontre, Alphonse, ne m'en veux pas de cultiver le secret à mon jardin. Si je m'exerce à te parler, la prouesse m'est compliquée. Et te raconter l'histoire du tout passé l'est sans commune mesure. J'ai dans la poitrine quelques morsures, dont la tienne, que ne je saurais vendre à personne pour mieux en garder la préciosité. Je peux te dire seulement sans en souffrir qu'il trousse une des plus belles rousses de Bretagne, et que si elle a la beauté des Vestales, elle ne peut qu'en avoir le masque. Ovate, elle a officié au sacre, et je le conçois ne m'a pas beaucoup aimé. Ma mère étant mariée à son frère au jour de ma naissance, je lui apparus comme la preuve trop vivante d'un mariage infidèle...

Ma route a continué. Jusqu'à la ville où j'ai rencontré ma seconde sœur. Caillou dans son écrin. Elle était aussi pudique de moi, mais je crois qu'elle m'attendait un peu. Avait préparé à mon insu mon inscription aux joutes du sacre de notre père. Je me suis embarqué dans un lancer de menhir fraternel, où mon frère nous a rejoints. Était-ce parce qu'il était homme, je n'ai pas su aller vers lui. Ferai mieux en d'autres temps. J'avais avalé jusque là trop de lieues et d'émotions pour pouvoir les digérer toutes. Et si mon père a été chaleureux et a souhaité aux yeux de toute la Bretagne reconnaître le lien filial qui me rattachait à lui, je n'ai pas su festoyer dignement. Pressé peut-être de retrouver le calme auquel je suis habitué.

Bien. "Tu aimes les femmes comme tu aimes le vin" . Alors sache que je les aime comme j'aime la morsure des chiens. Loin, bien loin de moi. Et muselées mieux qu'en liberté. Entiche-toi, Alphonse, mais n'oublie pas de m'épargner. Loin des yeux, loin du cœur. Il en va aussi des douleurs que l'on sait déjà vaines pour en avoir déjà éprouvé les profondes improductivités. Bien malgré, rassure-toi quand même, celle qui sera ta sœur sera la mienne, veuille-t-elle au moins de moi... Je ne saurais repousser trop fermement ce qui plait à ton cœur, eut-il comblé mieux que quiconque le vide de six années de ta vie...

Tu me conteras tes affaires. Tu me conteras Denée. Un soir, un autre où l’attente du sommeil ne te sera pas un supplice. Faille-t-il que là aussi, je vienne te prendre à l'amnésie, t'apprendre l'anesthésie...? Je m'y emploierai. C'est promis.

Toi qui voulais mes mots les voici, Alphonse, je reviendrai bientôt Rue Sainte Opportune me glisser comme une ombre dans le trou de serrure de ton logis, et refaire de ton lit un immense champ d'oubli où nous ferons nos vendanges.

Faust.


Il se tourna alors un peu vers Alphonse, et masqua de l'enfilage de sa soutane le pourpre qui lui était monté aux joues. Lettres mortes n'étaient plus. Ecrites de la main ou de la langue, qu'importe? Dans son ballet maniaque, écrevisse avait rassemblé sa carapace, et avec elle délogé de l'escarcelle une écharpe de laine claire, achetée aux étals de Breizh.


- Pour ne plus avoir froid, en mon absence...


* Meaning, Cascadeur
** Tout défaut

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