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[rp fermé] Hiver 1460-61. Je voudrais mourrir par curiosité

Cornelius.de.leffe
" Je voudrais mourrir par curiosité." George Sand

[Un matin d'hiver 1460, galeries lafayottes.]

Bien emmitouflée dans sa pelisse, la rouquine flâne d'un pas lent d'échoppe en échoppe, un sourire de petite fille en train de faire une bêtise sur ses lèvres carmin. Sans ce fard coutumier des filles de joie, on pourrait presque la prendre pour une bourgeoise banale faisant ses emplettes.

Elle a désobéi, la jeune roussette. Elle a profité que tous dormaient encore pour s'échapper en douce de la chambre sous les combles où elle est enfermée depuis plusieurs semaines, sous la surveillance constante de Marceau, qui s'est improvisé garde malade pour l'occasion. Non qu'elle n'apprécie pas qu'on prenne si grand soin d'elle, mais... Rester enfermée si longtemps commençait à la rendre folle.

Ne pas retourner au salon en soirée, pour ne pas imposer aux clients ses ponctuelles quintes de toux, elle le comprend et l'accepte. Mais rester enfermée dans sa chambrine, tout le jour et toute la nuit ? C'est cruelle punition pour une jeune fille de son âge, et ce matin elle a décidé, sans permission ni escorte, de s'offrir une petite échappée.

Quoi ? Elle est presque remise ! Et plus du tout contagieuse, si on en croit le médicastre. Sans compter que le temps est plutôt doux pour la saison, ce jour. Et la petite catin de se chercher maintes excuses pour ses cachotteries, tout en caressant de jolies étoffes qu'elle n'achètera certainement pas, car elle compte bien faire croire à ses collègues, non pas qu'elle n'est pas sortie.. mais du moins qu'elle ne s'est pas aventurée plus loin que la boulangerie.

Le sourire malicieux revient. Désobéir a du bon, parfois !

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Alphonse_tabouret

Alphonse était d’humeur particulièrement joyeuse.
Sa prime d’engagement auprès de Sa Grace avait été assez conséquente pour assurer ses arrières un temps et s’octroyer une escapade et l’escale qu’il convoitait depuis qu’il avait posé un pied dans la capitale, se trouverait plus loin, dans la soirée, sous la lanterne rouge qui décorait si harmonieusement le mur sombre auquel elle était apposée.

Pour l’heure, emmitouflé dans un manteau épais d’une étoffe sobre mais de qualité, les mains enfoncées dans les larges poches à ses cuisses, il avançait, vivement, croisant tous types de badauds, et leur adressant à chacun, un sourire épanoui d’un bout à l’autre du visage. Car le jeune Tabouret avait en effet une idée derrière la tête, et la bourse remplie d’écus qui s’encastrait au fond de sa poche allait pouvoir l’exaucer.

Depuis qu’il avait été recueilli quelques jours durant au creux des cuisses chaudes d’une mère maquerelle bretonne, une idée n’avait cessé de lui hanter l’esprit : Si on payait une catin pour la faire devenir un temps, cliente de l’autre, que ferait-elle?
La bretonne avait passé toutes ses soirées libres à l’assommer de son corps et du gazouillis de sa voix jusqu’à l’enivrer, mais la donne était faussée, parce que quand elle l’avait trouvé, il était à la dérive. Désormais remis à flot, au service de sa blonde duchesse, un but nouveau en tête, il était décidé à tenter l’expérience sans que rien ne vienne changer les règles. Il ne la connaitrait pas, elle ne le connaitrait pas. Pas d’affectif, pas de souvenirs pour enrayer le processus. Deux inconnus, voilà ce qu’il voulait. Il lui offrirait l’intégralité du contenu de la bourse pour faire ce que bon lui semblerait.
Le chasserait-elle pour passer à un autre client et en femme d’affaire accomplie, faire un bénéfice substantiel ? Se confierait elle, à la langueur d’une conversation sur le parcours qui l‘avait jetée là ? Inverserait-elle les rôles pour jouer à la cliente et assouvir des désirs que les hommes pressés de se vider ne choisissaient pas de chérir ?
Alphonse développait chaque scénario pour se préparer au désir de sa proie, avec une tendre préférence pour le dernier… satisfaire pleinement, dans la moindre de ses envies, une femme dont le sexe était un commerce journalier lui semblait une jolie quête à explorer. Y avait-il au moins un seul client qui avait l’optique d’une jouissance partagée ? Cet orgasme recherché n’était il pas au fond, d’un égoïsme total ? On venait assouvir son plaisir par l’autre, en aucun cas avec lui. Lui-même en passant les portes de nombreux bordels était très souvent venu y chercher un oubli dans le spectre de la chair, quelque chose de rapide, d’efficace, où l’on sombre vite, engourdi, un shoot de sexe, quand on n’avait pas le temps ou l’envie de chasser, quand on avait des envies précises que seuls les professionnels accepteraient de satisfaire sans en passer par une phase de séduction.
Mais aujourd’hui, les règles changeraient.

Passant devant la porte du Boudoir encore clôt vu l’heure, il ne s’arrêta pas devant, au fait des coutumes de l’endroit, ses pas l’entrainant vers un lieu de vie plus animé, juste ce qu’il fallait pour le mettre d’humeur et accomplir une seconde mission, plus personnelle. Il voulait un ruban, long jusqu’à faire un serpentin, à laisser, à tresser, à nouer selon les envies, un qui tomberait dans une cascade de cheveux, et qu’on aurait envie d’enlever, d’un geste fatidique… Il s’arrêta devant quelques boutiques, se fiant aux femmes aux jolies tenues pour repérer le bon artisan, car c’est à ses clientes qu’on reconnaissait la qualité du commerçant, lui avait appris son père dés lors qu’il avait pu prêter main forte à la boutique.
Son regard fut attiré par sa voisine, dont la masse ardente de cheveux roux profita d’un vague soleil d’hiver à découvert pour le charmer, et le laissant se repaitre du visage souriant de petite fille en goguette qu’affichait la donzelle devant l’étal de tissus, finit par se fixer sur le fard de ses joues.
Son intérêt se décupla instantanément. Livrée au monde extérieur, la putain, splendide, ne portait aucun autre stigmate que celui que lui demandaient les bonnes gens. A croquer, radieuse quoiqu’un peu pâlotte, elle aurait pu tout être à cet instant ci, tant elle ressemblait à n’importe quelle jeune fille rêvassant à de jolies choses.
Sentant sur ses lèvres s’étirer un sourire charmé de fauve qui se réveille, qui vient de trouver sa proie, il fit glisser à ses doigts le ruban vert et le ruban noir qu’il examinait jusqu’alors pour s’adresser à la jeune femme, se tournant vers elle pour lui confier le plus simplement du monde :

-Ne pensez vous pas qu’il est prétentieux de vouloir acheter à une femme ce qu’elle possède déjà, dans le seul but de lui donner un gout d’unique tout égoïste ?

Les pupilles sombres rencontrèrent les claires et profondes de la jeune femme s’y arrimèrent, la laissant lire si elle le pouvait une lueur à la fois espiègle et très sérieuse.

-Vous par exemple
le ton était toujours badin, comme si la question n’était que curiosité… Arriveriez vous à chiffrer l’unique ? demanda-t-il, d’une voix légèrement absorbée par quelque chose, comme s’il réfléchissait lui aussi, en amenant lentement mais sans hésitation, ses doigts emmêlés de rubans aux cheveux soyeux de la rouquine pour juger de l’effet des couleurs.
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Cornelius.de.leffe
-Ne pensez vous pas qu’il est prétentieux de vouloir acheter à une femme ce qu’elle possède déjà, dans le seul but de lui donner un gout d’unique tout égoïste ?

Euh ? La voix venait de son voisin, et tout d'abord elle crut qu'il s'adressait à quelqu'un d'autre. Curieuse de la réponse qui serait faite à si bizarre question, car enfin si l'on offre à une femme ce qu'elle possède déjà, ça ne peut pas être unique, elle tendit l'oreille... Mais aucune réponse ne fut donnée. Et quelle ne fut pas la surprise de Roxanne en découvrant qu'en lieu et place d'un couple de badeaux, il n'y avait là qu'un jeune homme, et qui la regardait, elle. De belle stature sans être imposant, il avait joli minois, et beaux habits. Clignant des yeux, surprise qu'un gentilhomme adresse si librement la parole à une catin en plein jour, elle allait ouvrir la bouche lorsqu'il reprit.

-Vous par exemple… Arriveriez vous à chiffrer l’unique ?

Il avait levé ses doigts enrubannés vers ses cheveux, ce qui arracha à la rousse un sourire. Aucune réaction de recul ; n'etait il pas normal qu'il se sente le droit de l'approcher de plus près que les honnêtes femmes ? Sans doute sa compagne, sa soeur ou sa mère, était-elle rousse, et cherchait-il à vérifier quel ruban lui offrir. Elle ne songea pas un instant que le ruban fût pour elle. Qu'il lui parle en pleine rue déjà la surprenait.

Moi...? Oh, moi monsieur, je n'ai que moi-même à ..chiffrer, et je n'ai pas la prétention d'être unique... Alors je laisse mes clients chiffrer seuls ce que je leur offre. C'est là le meilleur moyen d'obtenir ce que je vaux. Vous excuserez mes pensées simplettes, mais j'estime que tout varie selon qui le contemple, et que ce que vous trouvez unique, un autre le trouvera peut-être commun.

L'idée qu'il puisse ignorer ce qu'elle était ne lui avait pas traversé l'esprit, aussi parla-t-elle sans détour. Seul un campagnard tout juste sorti de sa cambrousse pourrait faillir à reconnaitre un catin en plein Paris, après tout.

Ce qu'il avait dit précédemment la titillait, et le plaisir tout particulier de converser légèrement avec des inconnus lui avait manqué depuis plusieurs semaines qu'elle ne voyait que ses confrères. Sans compter que peut-être, si elle le divertissait quelques instants dans ses questions étranges, ferait-il la faveur de sa clientèle au Boudoir. Le jeu en valait la chandelle.

Levant ses yeux bleu sur lui, elle plissa le nez.


Je ne suis point sûre d'avoir compris votre prime question... En quoi offrir à une femme ce qu'elle possède déjà peut lui donner... comment disiez-vous déjà ? Une sensation... non, un goût d'unique...puisqu'elle le possède déjà...? Et alors.. où serait la prétention...?

Et tout en attendant sa réponse, la jeune catin se mit à caresser un ruban aussi bleu que ses yeux. Car si le noir et le vert seyaient à merveille à ses cheveux, le bleu faisait d'une pierre deux coups.
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Alphonse_tabouret

Il aima de suite la façon qu’elle avait de ne pas reculer quand on s’approchait sans prévenir, habituée, certainement, aux gestes de sa clientèle, mais aussi plus simplement, juste confiante. Cela se lisait sur les traits du visage qu’il découvrait mieux maintenant qu’elle s’adressait à lui. Elle répondait, honnête, sincère, presqu’émouvante, dans sa facilité à parler de son métier comme on parle au boulanger en prenant sa monnaie. Un sourire conquis se dessina sur ses lèvres au rythme des taches de rousseur qui parlaient en même temps qu’elle, se demandant fugacement, et complètement hors sujet, s’il pourrait compter toutes celles jalonnant son corps, jusque dans l’intimité de ses cuisses.
Ce serait elle, oh oui, elle. Elle, ce serait un bonheur que de voir ce qui la contenterait quand juste quelques mots éveillaient ses grands yeux d’une lueur de plaisir. Ce serait un moment délicieux sous le joug d’une telle catin, fraiche, simple, curieuse…


Je ne suis point sûre d'avoir compris votre prime question... En quoi offrir à une femme ce qu'elle possède déjà peut lui donner... comment disiez-vous déjà ? Une sensation... non, un goût d'unique...puisqu'elle le possède déjà...? Et alors.. où serait la prétention...?


-C’est une question d’égoïsme, ça, lui répondit il, léger, en la regardant caresser le ruban bleu. Il le lui prit des doigts, familier mais délicat, et vint le poser à ses cheveux pour voir l’effet sur son mannequin improvisé. Décidément, les femmes avaient le chic pour trouver ce qu’il leur allait le mieux. Par exemple, vous…

Il enfouit le ruban dans les mèches rousses, penchant doucement le buste et commençant un mouvement des doigts visant à en tresser entre elles, geste frappant d’une intimité fraternelle et d’une certaine audace visiblement maitrisée. Cette distance réduite l’air de rien, il fit glisser ses yeux sur la peau laiteuse de la jeune femme, le nez tout aux effluves douces qu’elle embaumait, et frémit d'un imperceptible bien être, dans les possibilités qu'offraient cette compagnie inattendue.

-… vous avez certainement beaucoup de rubans, peut être même plusieurs qui sont bleus… mais si je vous offrais celui là, serait il unique parmi les autres par son histoire, ou son heureux légataire ? Serait il unique entre tous ?, demanda-t-il en exécutant un nœud étrangement féminin, signe distinctif de ceux habitués à lacer et délacer les atours personnels, et recula à peine pour admirer le résultat, visiblement ravi vu le sourire qu’il affichait.
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Cornelius.de.leffe
Question d'égoïsme...? La jeune rousse plissa le front, un peu paumée. Alors d'après lui, c'était égoïste de faire un cadeau...? Décidément, ce jeune philosophe posait des questions bien compliquées, et qui ne lui semblaient pas assez importantes pour qu'on s'y penchât trop longtemps. Il n'avait pas du connaître la faim ou le malheur, pour s'interroger ainsi sur des choses si futiles à ses yeux. Mais elle réprima le soupir qui lui venait aux lèvres, surtout qu'il parlait à présent de lui offrir un bien joli ruban, qu'il lui serait aisé de dissimuler dans ses jupes de façon à ne pas se trahir de retour au Boudoir.

Bon... que demandait-il...? Si ce ruban lui serait unique.. à elle...? Il eut été très aisé de lui répondre que oui, et d'ainsi l'obtenir. Trop aisé. Visiblement ce jeune homme cherchait une répartie plus pétillante que "oh oui, messire, il serait unique à mes yeux, offrez le moi donc !"... Les yeux fixés sur le ruban, elle se força donc à réfléchir posément à la question. Levant les yeux sur lui, elle se mordit la lèvre. Allez, va pour la franchise. S'il ne voulait pas entendre son avis, il n'aurait pas du demander, après tout.


Sauf votre respect, messire, si vous m'offriez ce ruban, il serait pour moi attaché au souvenir d'une agréable converse, mais j'oublierais peut-être, à force de le porter, de quel gentilhomme il me vient... Toutefois, vous avez raison, si ce ruban me venait de...

Baudouin....

....de ma mère, par exemple, il deviendrait alors unique et plus précieux que mille écus à mes yeux. Alors...Hum. Je crois comprendre. Vous me dites que la personne qui offre le cadeau le rend unique. Ou... pas. C'est comme je disais, ça dépend des gens. Le ruban serait unique si vous l'offriez à votre promise. Unique pour elle...

Alors qu'elle commençait tout juste à s'amuser, un badeau la bouscula, et elle lui jeta un regard agacé. Cela lui rappela que l'heure tournait, et que bientôt la maisonnée serait eveillée. Bonjour les reproches en rentrant... Mais elle n'osait pas prendre congé si rudement du jeune homme, et le cadeau qu'il lui faisait miroiter la gardait plantée là, encore un peu... Juste encore un peu.
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Alphonse_tabouret
Le jeune homme ouvrit la bourse pleine, discrètement, mais volontairement devant elle, glissa quelques écus dans la main du commerçant, laissant le ruban bleu aux cheveux de Rouquine, délaissant le noir au profit du vert, car s’il devait orner la chevelure à laquelle il pensait, il voulait qu’il la tranche, équivoque, contestataire dans la masse suave.

Ma promise, pensa-t-il amusé. Mais que les filles sont fleur bleues, quelles que soient leurs conditions… car Rouquine ne cherchait pas à savoir si elle pouvait alpaguer un client, il en était sûr, elle badinait juste gaiement, encore une fois comme n’importe quelle jeune fille de son âge.

Remarquant qu’elle commençait à trépigner, rattrapée par il ne savait quoi, il posa civilement une main à son dos, l’enveloppant de sa présence pour fendre les badauds et retrouver un peu de quiétude dans la largeur de la rue. Si la main se posa dans le dos de la catin, elle ne fut en aucun cas intrusive, ou déplacée. C’était un geste simple, courtois bien que familier, visant à la protéger d’un nouveau passant trop pressé. Il se planta face à elle, la surplombant tranquillement, prenant le temps de la détailler un peu plus sans la foule autour d’elle, un sourire chaleureux aux lèvres.

-Vous avez complètement raison, lui dit il en lui en jetant à son tour un coup d’œil à l’heure. S’il n’est pas empreint d’une histoire forte, ou d’un être cher, le poids du petit lion anglais pendu à son cou irradia doucement sa peau, lui arrachant un sourire doucement fébrile, un présent finit par perdre de sa valeur. A l’heure qu’il est donc, ce ruban ne vaut rien, mais... et si je vous proposais de lui offrir une histoire assez unique pour rester à votre mémoire?

Il prit une inspiration, avant de lui demander :

- Que diriez-vous si je vous donnais l’intégralité de ma bourse pour vous offrir mes services aujourd’hui, ce soir, peut être même les deux si vous jugez ma prestation satisfaisante ? Sachant la demande plutôt inattendue et inappropriée, il laissa passer un temps de silence avant de reprendre. J’aurais l’exquis loisir de vous offrir ma présence, mes bras, et toute mon attention, comme vous le feriez si je venais d’aventure frapper à la porte de votre bordel.

Si elle connaissait son métier, elle saurait ce que cela impliquait, car une chambre dans une maison close, ce n’était pas que les épanchements du corps, c’était aussi parfois ceux de l’âme. Ce n’était pas son corps qu’il lui louait, bien qu’il le fasse avec plaisir si elle le souhaitait, Rouquine ayant pour elles des courbes prononcées qui lui allaient comme un gant et qui savaient éveiller ses appétits, mais une compagnie, quelle qu’elle fut.

Son regard continuait de la scruter, sincère sous le sourire espiègle.


-Ne serait ce pas une histoire forte à propos pour vous aider à vous souvenir de ce ruban?
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Cornelius.de.leffe
Après le discours qu'il venait de lui tenir, la jeune catin ne fut plus surprise qu'il lui offrât le ruban, et le remercia du regard après avoir échangé avec le marchand un petit sourire de connivance, comme le font les gens de peu lorsqu'un homme de bien dépense son or à leur profit.

Et c'est évidemment sans résistance qu'elle se laissa entraîner à l'écart de la foule, bien contente qu'il fisse si froid et que sa pelisse, par dessus le corset, l'empechât de sentir la large paume plaquée contre ses reins. Non qu'elle fut pudique, ou, comme son amie Désirée, qu'elle n'aimat pas le contact. Au contraire elle l'aimait trop, surtout à cet endroit là, et préférait conserver toute sa tête pour suivre les idées compliquées du jeune homme. Elle se laissa détailler sans gêne ni fausse pudeur, habituée à des regards bien plus osés, et sourit de plus belle en l'entendant lui donner raison. Ainsi ses réponses n'étaient elles pas complètement naïves ou déplacées.


A l’heure qu’il est donc, ce ruban ne vaut rien, mais... et si je vous proposais de lui offrir une histoire assez unique pour rester à votre mémoire?

Elle dut se mordre la joue pour ne pas rire, persuadée qu'elle avait en face d'elle un futur client d'une espèce tout compte fait assez répandue : un jeune coq en mal de prouver sa virilité, et pour qui les ribaudes étaient le défi ultime. Il allait certainement lui offrir "la plus belle nuit de sa carrière", songea-t-elle, amusée.

Que diriez-vous si je vous donnais l’intégralité de ma bourse pour vous offrir ...

Nous y voilà, songea-t-elle.

- mes services aujourd’hui, ce soir, peut être même les deux si vous jugez ma prestation satisfaisante ?

Voilà bien un jeune coq orgeuilleux, à prétendre tenir si longtemps, songea-t-elle. Drôle de façon tout de même qu'il avait de présenter la chose comme si elle devait juger de sa prestation et non le contraire, mais après tout, cela lui était souvent arrivé qu'un puceau en passe de prendre femme lui demande s'il saurait satisfaire la jeune épousée... La suite, toutefois, la laissa totalement abasourdie.

J’aurais l’exquis loisir de vous offrir ma présence, mes bras, et toute mon attention, comme vous le feriez si je venais d’aventure frapper à la porte de votre bordel.

Hein ? Quoi ? "Comme vous le feriez.." Immédiatement les sourcils roux de la jeune fille se levèrent et sa bouche tomba ouverte. Se pouvait-il que tout cela ne soit pas juste une façon de parler...? Parlait-il vraiment d'inverser les rôles... tout en la payant ?

Il se moquait, assurément ! Si de nature elle était trop confiante, elle en avait suffisamment payé le prix par le passé pour avoir appris la méfiance, surtout avec les hommes. Plus jeunes et bien nés ils étaient, plus cruels et capables de mauvaises plaisanteries... Les yeux bleus se plissèrent, et elle dut se retenir de détacher le ruban qui pendait encore à l'une de ses boucles rousses pour le lui rendre derechef.


-Ne serait ce pas une histoire forte à propos pour vous aider à vous souvenir de ce ruban?

Si fait, mon sieur...répondit-elle avec précaution. Mais il me semble que vous vous moquez, car enfin... Quel intérêt y pourriez vous bien trouver...?

Le regard bleu ne quittait pas le beau visage. Soit il se moquait, et la gorge lui serra, elle qui supportait mal la cruauté humaine. Soit il était de ces hommes qui aiment se soumettre aux ordres, et cela ne l'inspirait guère... Soit il était fol... ou accablé d'ennui, ne sachant pas quoi inventer pour se distraire.. Au quel cas.. s'il n'était ni assez vieux ni assez rugueux à son goût, il n'en était pas moins bien fait de sa personne, et la jeune rousse se prit à imaginer... Mais non, il se moquait.
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Alphonse_tabouret
Tout à ses explications, il observa le visage changer d’expression, de l’air narquois à perplexe pour finir méfiant, voilé d’un certain mépris qui suscita en lui un vague amusement, qu’il prit grand soin de cacher.

Si fait, mon sieur... Mais il me semble que vous vous moquez, car enfin... Quel intérêt y pourriez-vous bien trouver...?

Il s’était attendu à ce que sa proie, quelle qu’elle fut, s’étonne au moins de la proposition. Une qui aurait dit oui de suite l’aurait certainement quitté sitôt sa bourse empochée ou préposé au gardiennage de sa marmaille le temps qu’elle travaille… Ce qui, en soit, ne l’aurait pas dérangé, puisqu’il n’attendait rien de l’exercice. En quête d’une réponse qu’il aurait fallu proposer à chacune des catins de Paris, il avait décidé d’une seule et unique expérience pour aiguiser sa soif de réponse.
Serait elle maline, roublarde, légère, empotée, douce, profiteuse, attentive, discourtoise, truande, vibrante, revancharde, dominatrice, curieuse… ah si seulement elle pouvait être curieuse, juste assez pour hésiter un peu et finalement dire oui , songea-t-il rêveusement en subissant le regard qui le jaugeait avec cette pointe de douleur au fond des azurs. Il resta à distance, sentant couver le feu sous le minois pourtant frais de la jolie rousse.

-L’intérêt ? reprit il d’une voix qu’il velouta, sans effet de charme, mais avec l’accent de la confidence. Épancher ma curiosité… Je mourrais par curiosité (*), lui livra-t-il avec une pointe de tendresse dans ses yeux sombres, car le jeune homme était motivé par l’envie de savoir, de connaitre, de prendre, curieux de tout, parfois séduit, rarement fasciné, uniquement possédé. Pouvons nous, ou pas, à tous les deux, créer un souvenir assez chaleureux pour que vous puissiez le reconnaitre ? Comprenez que pour son jumeau… il sortit le ruban vert de sa poche, emberlificoté à son index… c’est une question de taille concernant son avenir… Sur son visage on pouvait discerner une semi vérité, une presque sincérité, mais rien de cruel, plutôt un caprice bienveillant. Après tout, n’avait on pas tous ses petits secrets ? Les cacher, ce n’était pas mentir. Considérez que l’argent de ma bourse servira à vous dédommager du temps perdu à n’en rien faire avec moi.

Le sourire reprit son indolence bonhomme.

-Alors, que diriez vous de ne rien faire d’autre que ce qui vous plairait? Et j’insiste, ce qu’il vous plaira… deux sœurs cadettes m’ont sauvagement entrainé durant de longues heures, et je crois bien pouvoir vous affirmer que je suis particulièrement doué pour pousser quelqu’un sur une balançoire, fit il d’un air volontairement pétri d’orgueil à cet aveu. Je vous fais une démonstration dès que vous le souhaiterez, acheva-t-il d’un air digne en coulant sur elle un regard souriant.


(* George Sand)
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Cornelius.de.leffe
La curiosité.... Hum, songea la jeune fille, ça correspond à peu près à ma théorie de l'ennui extrême. Il faut vraiment être bien loti dans la vie pour n'avoir d'autre préoccupation que de savoir ce que ferait une catin si on lui payait une après midi à faire ce qui lui chante...

Elle jeta un regard circonspect au ruban vert qu'il balançait sous son nez, curieuse soudain de savoir a qui appartenait la chevelure qu'ornerait ce ruban, et pourquoi sa réponse à elle avait tant d'influence sur son sort. Pourtant elle n'en montra rien. Le respect de l'intimité des autres était si bien ancrée en elle depuis qu'elle faisait ce métier, qu'il surpassait de loin sa curiosité naturelle.

Alors qu'elle hésitait, contemplant ces yeux sombres, se demandant si elle ne s'apprêtait pas à conclure un marché avec un tueur sanguinaire ou un fol à lier...


-Alors, que diriez vous de ne rien faire d’autre que ce qui vous plairait? Et j’insiste, ce qu’il vous plaira…

C'était trop beau pour être vrai... Mais que risquait-elle à le ramener au Boudoir, où Jules et Marceau sauraient bien la protéger ? Il faisait grand jour, en plus... Après tout, pourquoi pas ?

Soit, c'est votre or après tout...Allons chez moi, alors. Je suis en retard...

La quinte de toux qu'elle avait réussi à réprimer jusque là pour ne point déranger son interlocuteur choisit cet instant précis pour sortir... La pauvre rouquine rougit un peu, se détournant de lui et se couvrant la bouche.

Pardonnez moi, je me remets doucement d'un mal de poitrine...fit-elle d'un ton d'excuse quand la toux fut passée. Je ne suis point danger pour les autres, mais si cela vous dérange, vous pouvez vous dédire, je comprendrai.

Passant son bras sous celui du jeune homme, elle lui glissa un regard par en dessous. S'il cachait derrière ses belles paroles l'intention de la culbuter tout l'après midi, cela ne la dérangeait pas outre mesure. Après tout, ça ne la changerait pas beaucoup du travail habituel.... mais lui tousser au visage sans l'avoir prévenu relevait de la faute professionnelle, et c'est bien pour cela qu'elle ne s'etait pas encore remise au travail avec les autres.

Elle attendit donc sa réponse, tournée vers le chemin du retour, mais sans pour autant entamer son chemin.

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Alphonse_tabouret
Perplexe visiblement, la rouquine hésitait en le dévisageant, et puis, petit à petit, se laissant convaincre par une somme de détails qu’elle semblait comptabiliser, elle finit par trancher en faveur de sa lubie. Juste quand elle eut fini sa phrase, elle fut saisie d’une quinte de toux la secouant et se détourna, le temps qu’elle passe.

Pardonnez moi, je me remets doucement d'un mal de poitrine. Je ne suis point danger pour les autres, mais si cela vous dérange, vous pouvez vous dédire, je comprendrai.

Il laissa le bras saisir le sien, étonné de ses propos. La curiosité et certaines précautions l’avaient poussée à accepter le marché mais elle restait visiblement méfiante sur ce qu’il attendait vraiment d’elle, sur ses ambitions.
Ne comprenait elle pas que lui aussi prenait un risque? Qui lui promettait qu'elle ne l’amènerait pas au fin fond d'une ruelle où on le dépouillerait avant de le balancer dans un caniveau en attendant qu'une bonne âme le ramasse? L'entente devait être cordiale, c'était nécessaire. Il attarda son regard dans celui qu’elle lui adressait, attentive à sa réponse. La suspicion était naturelle, mais leur temps était irrémédiablement chiffré, puisqu’aussitôt que la nuit tomberait, l’accord serait consommé, chacun regagnant son monde. Il prit le temps de poser sa main sur la sienne, serrant doucement son bras au sien comme pour nouer le pacte, avant de répondre :


-Ma fois très chère, je ne vois pas là une raison suffisante à vous fausser compagnie. Je vous ai promis de vous accompagner au long de la journée, si celle-ci se résume à vous faire la lecture tandis que vous vous reposez, je n’y vois pas d’inconvénient, si vous souhaitez que nous en profitions pour revoir l’agencement de votre chambre, mes mains sont à vous…

Toujours attablé à ses yeux, souhaitant les garder dans les siens pour qu’elle comprenne bien que tout ne dépendait que d’elle, de ses envies, de ses extravagances, de ses petits souhaits, de son imagination, il observa un temps de silence durant lequel son sourire reprit plus d’ampleur pour conclure :

-Et s’il s’agit de vous aider à trier vos dessous par ordre de préférence, je me sacrifierais également cela va sans dire…

Il l’entraina d’un pas nonchalant dans la direction vers laquelle elle s’était tournée, volontairement assez galant pour ne pas se coller à elle, juste assez léger pour frôler ses hanches à chaque pas effectué, décidant, comme il était de coutume lorsque l’on s’associait, de signer l’accord de son nom.

- Laissez-moi donc me présenter, Alphonse Tabouret, fit-il en inclinant la tête vers elle. A qui ai-je l’honneur ?
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Cornelius.de.leffe
La main qu'il posa sur la sienne lui parut chaude et rassurante, et un peu de sa méfiance s'effrita à mesure qu'il parlait de lui faire la lecture, de réaménager sa ch... Sa chambre ! Grands Dieux, elle n'allait tout de même pas l'emmener dans la mansarde... Marceau avait déployé des trésors d'ingéniosité pour l'aménager de façon agréable, mais rien de comparable aux chambres luxueuses du bas. Un petit rire vint à la gorge de la rouquine, qu'elle camoufla vite en toux. L'idée même d'emmener cet homme de bien dans son univers, le vrai, celui de la journée, lui semblait comique. Il la fixait, comme si ses yeux seuls pouvaient la convaincre de ses bonnes intentions, et ce n'était pas désagréable.

-Et s’il s’agit de vous aider à trier vos dessous par ordre de préférence, je me sacrifierais également cela va sans dire…

Cette fois la rouquine ne retint pas son rire, qui fut si spontané et généreux qu'elle faillit ne pas entendre son nom.

Par Dieu Monsieur, me croyez vous donc Reyne pour vous imaginer que j'ai assez de dessous pour avoir à les trier ?!

Puis, réalisant qu'il se présentait, elle rosit légèrement d'avoir ri si fort et répondit d'une voix essoufflée de l'effort de réprimer à présent son hilarité.

Enchantée, messire Alphonse... Moi on m'appelle Rouquine, tout simplement.

Elle ne lui confierait pas de suite son vrai prénom, réservé aux gens de confiance. Peut-être, s'il le demandait, lui raconterait elle que c'était sa première maquerelle qui l'avait surnommée ainsi, petit clin d'oeil à l'ordonnance de Saint Louis qui, deux siècles plus tôt, avait ordonné que les prostituées soient toutes teintes en rousse pour les distinguer des femmes honnêtes. "Toi tu es née pour ça, on dirait", lui avait lancé la maquerelle... A ce souvenir, une moue se dessina sur le joli visage de la jeune catin, puis elle se recomposa un sourire.

Allons chez moi, alors. C'est juste à quelques rues... Le Boudoir des Sens, ajouta-t-elle non sans fierté.
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Alphonse_tabouret
Le rire était léger, agréable, et surtout sincère, ce qui rassura le jeune homme qui raffermit son bras alors au sien, défiant d’une prunelle souriante et ravie quiconque l’aurait regardé de travers de s’afficher aussi ouvertement avec une catin, profitant de devoir se serrer en laissant le passage, pour respirer la cascade de cheveux roux. Il se délecta de cette voix modulée de retenue, ne demandant qu’à jaillir un peu plus fort, et accueillit le prénom dans un sourire amusé.
Rouquine n’était pas son vrai nom, il en était à peu prés sur, mais cela n’avait aucune importance. Les secrets des uns n’étaient pas forcément ceux des autres. Elle partagerait peut être cette confidence plus tard. Au fond peut être était elle là, l’envie, de voir qui se cachait derrière Rouquine. Qui était la jeune fille que cette journée ne revêtait d’aucun artifice ?


Allons chez moi, alors. C'est juste à quelques rues... Le Boudoir des Sens

Le nom lui arracha une moue de surprise avant qu’il ne parte d’un rire léger, attendri par cette pointe de fierté dont elle avait si joliment saupoudré sa phrase.

-Et bien figurez vous que c’est exactement là où je comptais me rendre ce soir à l’affut d’une courtisane à qui passer le pacte au doigt, plaisanta-t-il en lui souriant. Mais vous êtes apparue, et avez chamboulé tous mes plans...

Et au fond, mieux valait qu’il n’ait pas à passer la porte du Boudoir des Sens au moment où les courtisans descendraient au salon pour divertir leur clientèle, car Alphonse ignorait encore que Quentin était revenu y officier, et la tentation de rejoindre ses bras au profit de sa lubie aurait été tout simplement irrésistible.
Sachant donc où ils se rendaient, les pas étaient assurés, et Alphonse zigzaguait lentement mais surement dans la foule, les menant à leur but.


-Et si nous ne trions pas vos dessous, nous trierons vos bas fit il d’un ton magnanime, Et s’il vous plait, laissez moi au moins quelques illusions et ne parlez pas de suite de chaussettes…, la taquina-t-il d’un sourire implorant.

A quelques pas déjà, la lanterne, silencieuse dans son extinction, apparaissait néanmoins comme un phare dans la petite rue.

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Cornelius.de.leffe
Rouquine observait cet homme étrange qui, au lieu de froncer les sourcils qu'elle rie si fort, au lieu de s'écarter d'elle, craignant d'être reconnu au bras d'une catin hilare en pleine rue - le pire cliché de vulgarité qui soit- resserrait son étreinte et s'affichait, un sourire au visage. Les yeux légèrement écarquillés de surprise, elle se promit, pour le remercier, de reprendre le maintien qu'on lui avait appris en présence de gens de bien, et s'efforça de se comporter plus dignement et surtout, plus discrètement.

Apprendre qu'il avait choisi le Boudoir pour son projet parmi tous les bordels de Paris acheva d'endormir sa méfiance. Petit avec ses deux chambres et ses quatres travailleurs, peu connu en dehors de certains cercles, le Boudoir avait pour réputation d'acceuillir la noblesse, et de coûter plus cher qu'un simple bordiau à soldat. Riche ou non, s'il connaissait son bordel, alors il était à coup sûr bien éduqué et bien introduit dans la société. L'humeur à plaisanter lui revint tout à fait
.

Ah, monsieur, je vous dois grand merci alors... Au moins pourrais-je dire qu'on m'a passé quelque chose au doigt, une fois dans ma vie ! sourit-elle.

Une lourde clef fut sortie du repli de ses jupes, et la porte du bas qui donnait sur la rue, prestement déverrouillée. Avec un sourire, elle l'invita à monter l'escalier qui débutait immédiatement après la porte, le temps de refermer derrière eux.


Cette porte doit rester close tant qu'on n'a pas ouvert, offrit-elle en guise d'explication. Nos hommes peuvent dormir tranquilles comme ça.

Le frôlant de ses jupes, elle le dépassa dans l'escalier d'un pas leste, quoique légèrement plus essoufflé que d'ordinaire, et ouvrit la seconde porte, celle qui le soir, demeurait fermée, et à laquelle les clients frappaient jusqu'à ce que le judas s'ouvre.

[Fin de matinée. Le Boudoir des Sens, dans le Salon]

Elle s'écarta immédiatement pour lui laisser appréhender le grand salon dans lequel on entrait de plein pied. La cheminée du fond flambait déjà, sans doute allumée par Jutta, et jetait sur les meubles précieux une lueur orangée qui remplaçait le soleil trop rare. De part et d'autres de l'âtre, les portes des alcôves étaient fermées, signe que les garçons dormaient encore. A droite, le comptoir était rangé de la veille, alignant ses bouteilles comme des soldats prêts à la bataille à venir. A gauche, une simple porte à deux battants donnait sur les chambres et les cuisines. C'est par là qu'elle se dirigea après avoir lancé d'une voix presque chuchotée pour n'éveiller personne...

Servez-vous à boire si le coeur vous en dit, je m'en vais juste prévenir qu'un gentilhomme est présent en nos murs...

Elle doutait en effet que ses amis et collègues apprécient fort de tomber nez à nez avec un client alors qu'il sortaient du lit, échevelés, pas encore baignés, la parole haute et la garde baissée. Une fois dans le couloir, elle fit un rapide tour d'horizon. La chambre de Désirée était fermée. Elle l'entrebaîlla juste assez pour apercevoir une tête blonde dépasser des couvertures, avant de la refermer. Fonçant à la seconde chambre, elle soupira de soulagement en constatant qu'elle était bien vide à présent que Marceau et elle dormaient à l'étage, et que Jules ou Conan n'en avaient pas pris possession. En revanche, elle n'avait pas encore été faite. Le lit défait, aux draps froissés, portait encore le témoignage des ébats de la veille. Sans prendre la peine de refermer la porte, elle fila aux cuisines. Jutta, comme elle s'y attendait, préparait le dé-jeuner, penchée sur ses fourneaux.

Bonjour, ma bonne Jutta, dit-elle pour que la jeune fille se retourne. Je ramène un visiteur, et pour ne pas réveiller les autres, je dois l'emmener dans la chambre vide. Îl faut que tu en changes les draps et y fasse du feu.. et hâte-toi, je t'en prie !

De peur de voir dans les yeux de Jutta de la surprise ou même de la réprobation de la voir ainsi levée, habillée, et le nez rougi par le froid du dehors, la jeune rousse tourna les talons sans attendre de signe de la jeune servante, et se hâta de retrouver son invité.

Me revoici, chuchota-t-elle une fois à ses côtés. Mes collègues dorment, et je ne veux point qu'on les réveille ou je me ferais gronder d'être sortie dans le froid, ajouta-t-elle d'un ton d'excuse. Mais d'un coup le souvenir du marché qu'il lui avait mis entre les mains lui revint, et elle leva le menton. Elle n'avait pas à s'excuser, puisque c'etait à lui d'obéir, et à elle de réclamer ! C'est là mon premier souhait de l'après midi. Ma servante va nous préparer une chambre, d'ici là il nous faudra parler bas.

L'instant de vérité était arrivé. Aurait-il le verbe haut, ou se soucierait-il de sa requête ?
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Alphonse_tabouret
Le visage de Rouquine s’anima d’une espièglerie nouvelle, assumée qui le contenta pleinement. Il ne s’était pas trompé. Il avait eu raison de se fier au flamboiement de ses cheveux dans le soleil tiède d’hiver, de contrarier l’idée de sévir plutôt de nuit. Alors certes, cela variait considérablement le temps qu’il avait cru passer à épancher sa curiosité mais ça n’en était que meilleur car les choses se feraient sans heurt du temps ou de la précipitation. Elles couleraient, lentement, juste excitées par l’étrangeté de la situation, d’elles mêmes, entrelaçant ou délassant les fils qu’ils y tendraient.

Il la suivit au travers du premier passage, séduit définitivement par la rencontre et le privilège de pénétrer en plein jour dans un lieu qui ne vivait que de nuit et la laissa passer dans les escaliers, les yeux s’accrochant avec gourmandise à la croupe froufroutante qu’elle agitait devant lui tout en atteignant la seconde porte, l’oreille tout au bruit des tissus tressautant.
Il la précéda lorsqu’elle s’effaça pour le laisser passer dans le salon, le laissant tout à sa contemplation en chuchotant à son attention :

Servez-vous à boire si le coeur vous en dit, je m'en vais juste prévenir qu'un gentilhomme est présent en nos murs...

Il hocha la tête dans un sourire, sans mot dire, la regardant disparaitre, devinant un air à la fois mutin d’avoir transgressé une règle mineure et soucieux de ne point déranger ses collègues. Il fit un pas de plus pour être tout à fait au centre de la pièce et laissa son regard dériver dans cette atmosphère étrangement décalée.
Le feu ronronnait et perpétrait l’ambiance douce qu’on trouverait plus étouffante le soir venu, quand les souffles et les parfums multiples se mélangeraient. Les meubles, de riches factures, aux reflets flamboyants dans le jeu des flammes, comblaient les quelques vides entre deux portes discrètes et ouvragées. Les bouteilles alignées attirèrent son attention, et il alla jeter un coup d’œil aux étiquettes dont elles se paraient, dans une moue approbatrice de connaisseur, en saisissant une pour y faire jouer la liqueur qu’il contenait au travers du verre fumé. Le Boudoir n’usurpait pas sa réputation. Tout y était de bonne facture et de qualité pour satisfaire les appétits du palais comme de la chair.

Il tourna la tête en entendant le bruit discret des doubles battants que l’on poussait et regarda, non sans un sourire gourmand, Rouquine revenir vers lui, l’attitude toute dédiée à la discrétion


Me revoici. fit-elle en venant à nouveau prés de lui, lui offrir son visage constellé de taches de rousseur dont le nombre le taraudait définitivement. Mes collègues dorment, et je ne veux point qu'on les réveille ou je me ferais gronder d'être sortie dans le froid

Elle délaissa soudain le ton d’excuse qu’elle avait jusque là emprunté en lui imposant cette contrainte, pour relever vers lui une réflexion neuve et usa d’un ton ferme , gentiment autoritaire

C'est là mon premier souhait de l'après midi. Ma servante va nous préparer une chambre, d'ici là il nous faudra parler bas.

Un sourire plus ample vint allonger sa bouche et il hocha la tête avant de chuchoter comme elle le lui avait demandé, penchant le buste vers elle :

-J’ai appris à me déplacer le plus silencieusement du monde lors de ces dernière années, lui assura-t-il. Je vous promets de ne réveiller personne de cette maisonnée, le charme y est trop envoutant pour qu’on ait envie de le lever…

Il y avait quelque chose de doucement tendre à l’idée de chuchoter à l’oreille d’une catin dans un salon aux couleurs d’une matinée parisienne qui l’amusa d’un frémissement presque naïf. Il détailla le ruban bleu encore accroché aux cheveux, avant de reprendre, avec l’envie de la voir s’abandonner un peu plus à ce rôle de maitre du jeu.

-Et pour ne point faire de bruit, le mieux c’est encore de se déchausser, lui confia-t-il en lui prenant une main dans la sienne pour l’amener à s’assoir sur l’un des fauteuils du salon, les doigts liés plus intimement qu’ils ne se l’étaient permis dans la rue, mais en aucun cas résolus à l’y enchevêtrer. Il s’accroupit, posant un genou au sol, et venant chercher la cheville de Rouquine à ses mains, en défit les attaches avec une lenteur calculée. De cette perspective là, naissait une nouvelle femme. Vue d’en dessous, elles avaient quelque chose de délicieusement royal qui allaient à chacune d’elle.

Les yeux rivés à sa tache, ses doigts délacèrent, jusqu’à libérer la cheville et tirèrent sur le talon pour dégager le pied qu’il se permit de saisir dans sa paume pour l’affranchir définitivement. Il ne la regarda toujours pas tandis qu’il faisait subir le même sort au second, attaché à ce qu’elle se sente si peu observée qu’elle laisse à son visage la réelle expression de ce que ce geste anodin amenait. Enfin, quand il eut les deux bottes de la jeune femme à ses mains, il lui jeta un coup d’œil léger en se relevant.

-Vous voilà aussi silencieuse que possible, lui dit-il à mi voix, se délectant du regard bleu qu’elle lui adressait.

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Cornelius.de.leffe
Décidément, il semblait bien décidé à jouer le jeu et ne semblait pas avoir d'idées moins avouables en tête, songea la jeune fille en lui rendant son sourire. Et en plus, il trouvait sa "maison" charmante, ce qui ne manqua pas de flatter Rouquine bien plus que n'importe quel compliment sur son apparence, à elle.

Mais voilà qu'il lui prenait la main et l'emmenait s'asseoir... Elle suivit sans hésitation, plus par habitude de suivre ses clients où ils le voulaient que par curiosité. Reprenait-il si vite les rennes du jeu...? Alors qu'elle le regardait délacer ses bottines d'hiver, elle s'offrit le luxe de le mieux observer. Quel étrange garçon, qui choississait de payer une catin pour la traiter en reyne... Les sourcils légèrement froncés, elle se posa pour la premiere fois des questions bien inhabituelles pour une catin.

"Est-ce donc comme cela que les hommes mariés se comportent avec leurs légitimes, ou les amoureux avec leur amantes ? D'ailleurs, ai-je envie qu'il me déchausse ? Après tout, n'est-il pas censé faire ce que je veux, moi ? Est-ce une manière détournée de faire ce qu'il veut, tout en ayant l'air de vouloir me servir ? D'un autre côté, il a raison, comme ça je ferai moins de bruit... Mais bon, l'air de rien il en profite pour me toucher les chevilles... ou pas. Que veut-il, à la fin ? Ah non, je ne suis pas censée me demander ce que lui, veut... puisque ce qu'il veut c'est que je fasse ce que moi je veux... Quel casse tête !"

Oui, décidément, cette situation la perturbait la petite catin habituée à toujours calquer sa conduite sur les envies d'autrui. Et lorsqu'il releva les yeux, il trouva posé sur lui un regard perplexe, songeur.


-Vous voilà aussi silencieuse que possible

Un sourire un peu gêné lui répondit. Comment se comporte-t-on avec un homme quand on est pas censée le charmer ? Quand rien ne vous oblige à rien...? Avisant un petit trou dans son bas, juste sur le gros orteil du pied gauche, elle lui enleva ses pieds prestement, mais sans brusquerie, pour les replier sous elle. Si elle avait cru un seconde travailler aujourd'hui, elle se serait habillée avec plus de soin.. Mais ses vêtures les plus belles étaient bien à l'abri dans un coffre, et réservées à la clientèle du soir... Cachant son embarras sous un sourire, elle se mit à jouer avec le ruban qu'il venait de lui offrir, l'entortillant entre ses doigts. En attendant que Jutta revienne, que faire ? S'il n'avait pas été là, elle serait remontée dans ses combles, se serait recouchée au chaud. Aurait sans doute rêvassé à sa sortie, à ce ruban qu'elle tripotait maintenant... Mais il était là, les combles étaient hors de question. De quoi avait-elle envie ?

Que faites vous dans la vie, monsieur Alphonse ?

Envie d'en savoir plus sur ce client inhabituel, visiblement. Et pourquoi pas, après tout ?
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