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[RP] Brouille-onde

Alphonse_tabouret
Immergé, le nez frôlant la surface de l’onde, Alphonse s’était laissé enivrer par les vapeurs tièdes du bain et tâtonnait aux lisières d’une réalité qu’avaient altérée les encens et l’engourdissement de la chair. Les chiffres, habituels compagnons, vers insatiables remplissant l’horizon des heures durant, s’estompaient, au profit d’une humeur vagabonde qu’il entretenait peu, animal à l’esprit calibré pour ne jamais attarder l’oisiveté de la réflexion si elle ne servait pas les intérêts listés.
Les travaux de la salle d’eau avaient mis des mois à s’achever et avaient nécessité plus de main d’œuvre qu’il ne saurait le quantifier tant les artisans les plus divers étaient passés par les couloirs discrets réservés au personnel, venant mettre au service du bordel leurs talents les plus pointus, mais seul, le corps délassé et étendu sans rencontrer d’autre rebord que celui contre lequel s’était appuyée sa tête brune, Alphonse jugeait dans un sourire repu que chaque écu dépensé l’avait été fort adroitement. L’inauguration aurait lieu dans la soirée et le chat, insolent solitaire, avait choisi d’en être le premier invité, profitant que l’on s’assure qu’elle soit parfaite sitôt les premiers coups de butoir retentissant pour la voir prête bien des heures avant l’ouverture des portes.
Pour la première fois depuis des mois, le comptable goutait à la sensation d’une véritable détente, loin de l’ennui suggéré par sa convalescence, esclave avant d’être forçat volontaire et capable de la dévotion la plus vénéneuse, consumant ses forces jusqu’à l’épuisement sous l’apparat indolent du flegme qui poinçonnait chacun de ses mouvements ne naissant pas de ses réflexes. Nu, immobile, statue lovée dans la profondeur moyenne du bassin dont ne dépassait qu’une tête aux cheveux humides d’une récente plongée, n’ayant pour seul écho compagnon, de temps à autre, que le clapotis flottant d’une goutte d’eau, le chat s’émerveillait de cette sensation d’ailleurs au sein même du bordel.

Si la décoration d’inspiration Maure l’avait intéressé au début du bain, spectateur gourmand des arts étrangers, savourant les détails façonnés et mis en scène dans les divers recoins de la salle, à l’instant, les mosaïques éclatantes du hammam fraichement rattaché à la maison haute avaient vu son intérêt s’éroder au fur et à mesure de son immersion. le chat s'était déshabillé avec une lenteur savourée au calme ouaté et typique des lieux préservés de la houle loquace , prenant un temps infini à desserrer le col de la chemise, les attaches boutonnées à ses poignets, et même ses chausses, sentant chaque pièce du costume tomber une à une sur l’un des bancs de l’entrée, roi temporaire en ce domaine encore vierge mais souverain dont le règne n’avait de charme qu’en sachant son temps compté. Bientôt, ici aussi, l’endroit ne serait plus à lui, à eux, aux mains ouvrières mais à celles qui dépensent avec assez d’ampleur pour ne rien se voir refuser, fastes, avides de nouveautés, et incapables de savourer la tranquille bienveillance du vide. Subjugué par la torpeur volontaire du silence et de ses révélations, ramenant chez l’animal, le plaisir inhérent à la solitude, première des plaies à l’avoir apprivoisé quand il n’était encore qu’un enfant, un sourire de satiété avait étiré ses lèvres paisiblement, le corps meurtri en son sein s’égarant aux sensations salvatrices de l’eau, et ses yeux déjà mi-clos achevèrent de voiler le visage serein du jeune homme d’une expression de bien être rarement entraperçue.

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Riesling
Voyons voir…

Le Goupil travaillait, désormais. Elle considérait avec une sérénité assumée la nouvelle stabilité de sa condition, dans ce qu’elle avait de plus moralement répréhensible. Non pas que la rousse se fût jamais véritablement soucié de ce qui pourrait ou non être moralement répréhensible. Elle faisait. Elle était. Elle se débrouillait toujours pour ne jamais s'abaisser à rien d’autre que ce qui traversait subrepticement sa caboche et l’emplissait d’une volonté hermétique à toute tentative de résistance.

Un bain. Elle voulait un bain. L’Aphrodite était belle, mais en son ventre elle se sentait souvent alourdie de bien des manières des poids cumulés de la fatigue, des jours, des sueurs et des parfums. Depuis combien de temps ne s’était-elle pas accordé cette intime faveur, offert quelque chose d’autre qu’une toilette rudimentaire exécutée de mauvaise grâce avec ce qu’elle pouvait trouver. Riesling connaissait l’existence nouvellement annoncée de la salle d’eau – bon dieu, c’est qu’elle était attendue, celle-là. Riesling n’eut pas besoin de chercher plus. On était en journée, et ces heures-là lui appartenaient entièrement. Elle voulait. Elle irait.

La main fine poussa tranquillement la porte qui la séparait encore de la salle convoitée, offrant à ses sens la vue et les odeurs de la nouvelle-née du bordel. Plus récente qu’elle encore, au moins une chose dont elle pouvait se réjouir. Riesling sourit. Vraiment. Sincèrement. Enveloppée soudain dans les vapeurs entêtantes du hamam, réchauffée peu à peu jusqu’au plus profond de ses veines ; elle qu’on prétendait être de glace. Les racines alsaciennes et la crinière flamboyante tranchaient volontiers avec le decorum exotique, plus encore qu'une poupée de chine affublée d'un poncho, mais qu’importe. Elle bouillait évidemment d’envie de se sentir enfin immergée. La senestre agile défaisait déjà son corsage avec la nonchalance leste de l’habitude tandis qu’elle entrait, refermant la porte derrière elle.

Il fallut que s’égrènent quelques longues secondes avant que les opales bleutées n'identifient la silhouette d’un homme dans le bassin central. Le Goupil n’interrompit pas son geste, quoiqu’une moue moqueuse était venue conquérir son museau diaphane au tacheté rouquin. « Oh. Salut. » Et ce fut tout. Elle n’avait pas interrompu son geste, pas marqué d’hésitation, énoncé l’évidence avec sa nonchalance rauque ; l’étoffe rigide délaissa la peau courtisane pour rejoindre le tas existant de vêtements sur un banc de l'entrée, dévoilant aux regards le buste dans son entier; de l’ombre de la clavicule saillante au ventre musclé s’échappant du lourd jupon bleu. Riesling contourna le bassin d'un pas tranquille, une moue sérieuse accrochée à sa bouille brouillone. Elle était à la recherche des fameuses alcôves un peu en retrait dans lesquelles elle escomptait bien procéder à quelques ablutions ; étant attendu qu’on ne pouvait se baigner entièrement qu’une fois proprement préparé à l’exercice. Les deux mains durent s’y mettre pour remonter ses épaisses boucles rouges sur son crâne et les y maintenir en un chignon débrayé, étirant ainsi à l’extrême le ventre et les seins adolescents insolemment dressés, à l’aide d’un lacet de cuir savamment entrelacé précédemment enroulé à son poignet puis coincé entre ses lèvres. Le pauvre peinait malgré tout à contenir la plupart des mèches folles revenant gaiement ruisseler sur le visage brouillonesque.

Libérée de ses entraves, la rousse avisa enfin un baquet propice à achever ses ablutions ; onguents et saponaires, sans doute à la disposition des clients, vinrent à la rencontre de sa peau avec une délicatesse qu’on ne lui soupçonnait guère volontiers; comme si elle craignait d’effacer par un excès de zèle les taches brunes qui pailletaient sa peau fragile. Ce faisant, elle daigna enfin tourner la tête vers le bassin afin d’en dévisager et reconnaitre l’occupant. « Monsieur le comptable ! » L’accent était moqueur, avec un léger quelque chose de l’ordre du jeu en arrière-plan. « C’est du beau travail, dites-moi. Cet endroit. Enfin, c’est ...joli ».

Ca au moins, c’était vrai, et lâché avec la même honnêteté abrupte que la plupart des paroles qu'elle ne cherchait pas à maîtriser. Du reste, qu’elle fût en train de faire la conversation à un homme nu interrompu en pleine baignade ne semblait pas gêner le Goupil outre mesure, qui s’attacha à terminer la partie supérieure de sa toilette avec autant de soin que si elle eût été seule. L’Aphrodite était un bordel, bordel. Elle reporta enfin un œil vraisemblablement intéressé au bassin dans lequel il barbotait. « Elle est bonne ? »
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Alphonse_tabouret
Saurien exceptionnellement, il garda les yeux clos, enveloppé dans son immobilisme, espérant qu’il ne s’agissait que d’un domestique curieux qui aurait passé la tête pour voir le joyau sans plus s’attarder de peur d’être surpris, mais retint un soupir à sa gorge en percevant le bruit définitif de la porte s’entrouvrant assez pour laisser passer l’indésirable convive. Résolu à rester maitre en ce domaine, souverain qui n’aurait rendu d’autre compte à Etienne que celui de fourvoyer leurs corps dans les eaux claires, Alphonse s’attarda à la pose marbrée adoptée plus tôt, quand bien même la voix râpeuse de la catin éventra le paisible silence dans lequel il se délassait, sentant, sans en saisir le sens, les prémices d’un agacement involontaire se scinder à ses veines en même temps qu’il cueillait d’un regard vaporeux, la silhouette dénudée de la donzelle passant sur le côté du bassin . La senestre remonta des mosaïques englouties pour crever l’onde et la saluer d’un geste à moitié enseveli par l’aquatique chaleur, avare des mots, flirtant avec l’insolence des instants où l’on mesure l’effort à leur prix le plus brut, et contempla les lignes blanches dénudées sans la moindre pudeur avec plus d’intérêt qu’il ne l’aurait pensé, l’œil s’accrochant au balancement des hanches, aux rondeurs entêtantes des seins encore jeunes, aux constellations dessinées par les taches de son venant çà et là, peindre leur course sur le derme laiteux, et de la danse maladroite et pourtant savante du harnachement de la masse solaire qu’elle tentait de maitriser, laissant luire dans l’œil du chat, l’appétit contradictoire du plaisir et de l’ennui.
Les prunelles noires dévièrent de leur errance solitaire, délaissant le point de mire de la réflexion pour longer, avec curiosité, la délicatesse des gestes accompagnant la toilette, appréciant le soin étonnant porté à la peau quand l’attitude si rêche de la catin lui donnait des envies d’austérité


« Monsieur le comptable !». La dextre encore au fond de l’eau s’agaça brusquement d’un remous au ton moqueur de la voix, sollicitant aussi immédiatement que méthodiquement, l’attention première de l’animal à cette nouveauté, laissant dans une volute de temps à peine perceptible, l’empreinte de la contrariété s’esquisser à ses lèvres, peu habitué à être trahi par des réflexes qu’il maitrisait pourtant depuis ses premiers pas, indubitablement crispé par cette spontanéité dérangeante. Flegmatique jusqu’à l’outrage, il en avait fait le venin de sa signature, révoltant tant par l’apathie volontaire que par le sarcasme policé, chacun de ceux qui s’était tenté à déloger le monstre de sa tanière, et s’irrita brusquement, sans la moindre raison, de sa propre précipitation au ressenti. Le velours des onyx se durcirent sur le profil adolescent tandis qu’il chassait, dédaigneux, ce simulacre de sensation agitant ses doigts « C’est du beau travail, dites-moi. Cet endroit. Enfin, c’est ...joli » Il s’accorda le silence en guise de réponse, l’attention froncée par les écarts qu’il percevait aux frondaisons rousses, alternant l’éclat d’une sincérité débonnaire au mépris d’une bouche tentatrice.
« Elle est bonne ? »

Dans une inspiration née d’un besoin de maitrise, il se redressa, délivrant la bouche du mutisme de l’eau, remontant un main ruisselante à son front et l’y passant pour délivrer la vue des quelques mèches humides collées à son visage, penchant la tête pour s’octroyer sans plus de délicatesse, le droit de profiter du spectacle offert par la courtisane, écorné, plus encore de l’être que la présence intrusive, et mené irrépressiblement par une envie latente de faire subir le même sort à son hôte du moment. Déliant les épaules, les coudes vinrent prendre appui sur le rebord, relevant le chat dans les mêmes hauteurs qu’une assise, les gouttes d’eau perlant le long de sa peau, n’en laissant que quelques rares, prisonnières çà et là, près de la clavicule, ou à la pointe d’une mèche

Cela dépend comment vous l’aimez… Froide j’imagine ?, demanda-t-il en relevant les babines dans la provocation ourlée d’un sourire narguant les manières rogues de la catin sans la quitter des yeux, malmené par la quiétude brisée de son royaume et choisissant, rare, les armes pour manifester l’onde trouble qu’elle faisait naitre en lui
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Riesling
    Elle est bonne.
    Oui ben, comme moi quoi.
    Arr arr.


Un bruissement d’étoffe résonna avec insolence dans l’atmosphère suintante de la salle d’eau, prenant un malin plaisir à s’attarder dans les vapeurs aquatiques. Les plis bleus du jupon glissèrent le long des jambes d’albâtres comme animés d’une volonté propre, et Riesling acheva de s’en débarrasser d’un simple mouvement du pied. Elle était nue. Et, tranquille, elle reprit son manège avec un pain de savon, souplement repliée sur elle-même comme un animal soigneux. Pieds, chevilles, jambes, cuisses, jusqu’à la légère toison rousse fleurissant sous son ventre, tout y passa avec une délicatesse si scrupuleuse qu’elle en devenait criminelle. Elle ne cherchait pas à se cacher. Ni à s’exhiber, d’ailleurs. De la même manière qu'elle serait allée au lavoir ou à la rivière, n'eût-elle été profondément citadine. Alphonse aurait tout aussi bien pu ne pas être là. Le Goupil était courtisan. Si le comptable n’avait encore jamais vu de fille nue, alors elle était prête à se faire nonne et à le rester. Et encore, avec plaisir – le comble pour une nonne.

Un détail cependant attira son attention et éveilla son intérêt, dans cet ordre précis. La voix jaillissant de l’eau, réveillant dans les opales glacées un soupçon de moquerie. « Cela dépend comment vous l’aimez… Froide j’imagine ? »

Ce n’étaient pas tant les mots que le ton. L’étincelle de jeu qu’elle distingua dans le coin du sourire félin, et le regard inquisiteur. Elle rendit le sien en retour, surprenant toujours dans sa franchise frontale et ribaude. La rousse n’était pas encore dans le personnage. Elle n’adoptait pas encore la démarche ourlée des femmes cherchant à séduire, de langage fleuri ou de mielleuses œillades tentatrices, quoi que l’effort fût à sa portée. C’était le genre de bonus qu’elle réservait à ceux qui payaient en retour. La version premium, en somme. Mais la démarche, dans sa nonchalance, en devenait presque lascive ; Riesling s’aventura jusqu’aux abords du bassin, le contournant précautionneusement pour ne pas glisser, dardant sur l’homme une moue dramatiquement pensive. Trop pour être crédible, quoique ce fût l'objectif poursuivi. « Ah ». Tu veux jouer. « Et qu’est-ce qui vous f’rait penser ça ? »

Non pas qu’elle l’ignorait. Elle ignorait beaucoup de choses, certes. Mais pas ça. Dans les choses qu’elle ignorait d’ailleurs se rangeait volontiers tout ce qu’on pouvait bien imaginer sur ce bonhomme –là. Qui il était, outre la belle gueule suintant l’assurance de cette race qui éveillait chez la veuve aussi bien l’intérêt qu’une pointe d’agacement, lorsqu’elles se heurtaient à sa propre fierté. La balade continuait imperturbablement, contournant le marbre avec l'aisance de la souplesse voleuse et laissant dans son sillage le tracé de ses pieds nus sur le sol humide, jusqu’à ce que la silhouette courtisane se retrouvât derrière la féline encore immergée. Immobile, une, deux, trois, en attente d'une réponse, avant que la pointe du pied droit ne vînt prendre appui sur l'épaule correspondante du comptable, prête à le repousser dans l’eau d’une simple pression. « Je sais faire montre de grandes capacités d’adaptation, quand je veux. » Son ton lancinant singeait celui des canons d’élégance, n’aurait-ce été pour l’accent narquois et quasi menaçant qui teintait son murmure. « La préfèreriez-vous chaude ? »

Elle trônait en épée de Damoclès en semi-équilibre, considérant le tout comme un jeu particulièrement divertissant aussi bien que comme une réponse à ce qu'elle considérait comme une invitation lancée tantôt. Elle avait toujours une idée nichée quelque part, derrière la tête ou ailleurs. Riesling ne plaisantait pas avec la fierté. C’aurait fait mauvais genre.
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Alphonse_tabouret
Les prunelles se ferrèrent, noires dans leurs desseins, claires dans leurs bravades, laissant leur confrontation se diluer aux quelques instants de la ballade courtisane le long du bassin et de la voix femelle, amenant le chat à contempler la démarche adverse jusqu’à ce qu’elle disparaisse de sa vue sans qu’il ne consente à pivoter la tête pour la suivre plus longtemps, insolent gourmand se délectant autant de ce qu’il regardait que des promesses diluées, les reins de Riesling soulignant encore de leurs courbes délicates, la lisière de ses rétines.

« Ah. Et qu’est-ce qui vous f’rait penser ça ? »

La fermeté de vos seins, répondit-il sans se départir d’un soupçon de morgue en sentant la présence de la rousse se figer dans son dos, menace effrontée amenant à l’altercation le loisir de profiter de l’ampleur de la proximité, délimitant par l’impulsion du pied, les nouvelles frontières acceptées, étirant sur le visage du jeune homme un sourire de duelliste aguerri à ce genre de batailles. Toucher, effleurer, griffer, tout était désormais à portée de ses envies par la simple présence de ce pied blanc venant s’apposer à son épaule droite, défiant d’une potentielle pression l’équilibre vacillant jeté entre eux dans la salle d’eau, nervurant chez le chat, une joie curieuse à redéfinir le champ des possibles de son aigreur. Il y avait chez Riesling, quelque chose de dur, d’incorruptible qui aiguisait autant l’intérêt que la répulsion, et si le profil n’avait rien d’inhabituel, l’animal se retrouvait froissé d’y être aussi sensible sans en percevoir la raison, résolu à mettre en pratique la moindre parcelle expérimentée au travers de ses errances les plus troubles comme les plus virulentes et de ne sombrer qu’en noyant l’intruse en même temps que lui.
Dans une lenteur volontaire, il bascula la tête, renversant en arrière la ligne de sa gorge, pour s’offrir le spectacle de la contre plongée, la forçant, si elle voulait le regarder, à baisser le minois pour cueillir l’insolence de son sourire dans l’optique tronquée de ses cuisses galbées, nullement gêné lui non plus, d’une quelconque pudeur, délayant sans rien en cacher son propre corps à l’eau claire du hammam.


« Je sais faire montre de grandes capacités d’adaptation, quand je veux. » , commença-t-elle tandis qu’il soupesait la légèreté de l’imprimé à sa peau, le contact moelleux des chairs se vernissant d’une étincelle guerrière dans l’affront tout autant que l’attente de la réponse qui venait, pour l’heure muette, amorcée néanmoins par le bras droit se repliant pour se rapprocher du point de contact. « La préfèreriez-vous chaude ? » conclut elle, orgueilleuse arrogante, quand la dextre mâle venait à hauteur de la cheville en l’enserrant, la pulpe des doigts échauffant les ramifications les plus impertinentes de ses nerfs, et doucement en décalait le pied pour donner en spectacle à son regard félin, la rousseur audacieuse du ventre et les seins dardés aux hauteurs du buste, provocation du male à la femelle, de l’outrage à la délicatesse sans pour autant s’enchainer à la vulgarité du geste, perpétuel funambule que les manières incivilement calibrées laissait souvent aux horizons de la bienséance sans jamais le perdre dans la tempête

Il éternisa un silence, avant d’arrondir l’expression de son visage en un trouble sur-joué, répondant à la comédie de la rousse par un jeu théâtral du même acabit, visible, scélérat dans son contentement à en montrer les faux semblants, avant de répondre, délaissant les frondaisons du buisson pour croiser le regard franc de la donzelle, , accordant à l’énigme qu’elle était, la souveraineté des mystères qui fascinent tout autant qu’ils exaspèrent


Pardonnez-moi, je ne vous écoutais pas, s’excusa-t-il, mufle indélicat quand la légèreté de son sourire dévoilait une finesse carnassière jusqu’aux reflets de ses yeux. Comment je la préfère, me demandiez-vous ?... Les doigts de la senestre se détachèrent un à un de leur proie sans encore en quitter la courbe, quand la tête restait renversée, la nonchalance de la pause reprenant ses droits maintenant qu’il en trouvait l’horizon convenable, une moue satisfaite éclairant son visage quand il poursuivait : Serait-ce une tentative pour vous essayer à l’amabilité ? , la provoqua-t-il, désagréable, en dévoilant les crocs à son sourire, définitivement pris malgré lui par cette lancinante envie de guerre qui pulsait à ses tempes embrumées des vapeurs du bain et par la pernicieuse excitation qui le gangrenait au contact goupil. J’en connais des bien plus efficaces, conclut-il à mi-voix en délaissant définitivement la cheville pour remonter sa main à hauteur de la sienne, odieux gentleman dont la politesse servait d’arme tout autant que d’attentions, proposant par le geste, la descente au bain et les retrouvailles acides qu’elle promettait.

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Riesling
Réfléchir. Ecouter. Analyser. Comparer. Démystifier. Interpréter.

Ou juste réagir à l’envi et à l’instinct, animale.

La menace n’était pas grande, ni sévère, ni magistrale. Le seul risque réel consistant en une éventualité de tasse bue de manière forcée, peut-être une petite frayeur si le Goupil devait se découvrir des velléités de noyeuse intempestive d’une simple pression du pied. Mais pour elle, le jeu se trouvait plus volontiers dans sa position surplombante en dépit de son évidente nudité. Dans sa tête, elle agissait. Et il subissait. Pour l’instant. Quant à savoir pourquoi l’état de fait lui procurait un tel sentiment de ferme tranquillité, la déduction était moins élémentaire. Objectivement, elle n’était que peu de choses quand lui-même avait bien plus de pouvoir sur les lieux.

Cela étant, si la Rousse était véritablement de nature à se soucier de ce genre de détails, elle ne se serait pas retrouvée dans un bordel en premiers lieux.

Mais lorsqu’Alphonse renversa la tête et qu’elle croisa de son rictus sauvage l’insolent regard qu’il lui destinait, la tentation fut sévère, exacerbée aussi bien qu’enrayée par le contact brûlant de la main masculine à sa cheville droite. Un grondement rauque s’éleva de la gorge diaphane, d’une part de se voir ainsi privée de son mouvement, de l’autre de la sensation particulière d’un contact étranger et affirmé sur une articulation qu’on négligeait d’habitude de toucher, exceptée dans certaines conditions traditionnellement horizontales. L’association d’idée tenait de l’automatisme. Si la provocation n’était pas un outrage aux yeux du corps courtisan nonchalamment offert, elle restait suffisamment narquoise pour mériter en retour un châtiment aussi équivalent que gorgé de mauvaise foi. Riesling ne récoltait pas ce qu’elle semait. Elle prenait sans se soucier du reste, avec l’arrogance des éternels impunis.

« Moi qui m’suis toujours trouvée particulièrement adorable », siffla-t-elle, teintant sa voix grave d’une fausse déception digne du brigand plaidant sa cause devant un auditoire convaincu de sa culpabilité. Sa répartie tenait souvent de celle du sale gosse de rue. Aussi bien verbalement que physiquement.

Ou juste réagir à l’envi et à l’instinct.

Le pied sournois fit enfin peser sa force subtile, plus sur l’omoplate que l’épaule, obligeant avec fermeté le comptable à s’écarter du bord ; de sorte qu’elle eut la place de se laisser glisser en souplesse dans le bassin. Coincée entre lui et le rebord, la peau adolescente frissonnant temporairement au contact de l’eau inquisitrice l’enveloppant toute entière ; quoiqu’atténuée par l’humidité garantie par la toilette dernière. Riesling le toisait désormais, quoique sans doute plus petite en stature. Le détail n’avait jamais empêché son visage matois de parer ses traits aléatoires d’étincelles moqueuses, arrogantes, chasseresses. La dextre blanche remplaça sur l’épaule le pied précédemment soutiré, dont l’absence avait dû causer sur la peau humide une sensation de froid certaine. L’eau aidant, la courtisane se redressa en souplesse, nichant ses formes insolentes et la pointe des seins brûlants contre le dos d’Alphonse et hissa avec une lenteur mesurée sa bouche narquoise jusqu’au creux de l’oreille. La senestre, serpent agile, se glissa au même rythme le long du torse mâle sans jamais y asseoir vraiment son emprise, jouant la légèreté suggestive. Elle prit une inspiration. Elle allait parler. Instiller une fois encore d’une pique insidieuse quelque menace arrogante. Mais le souffle chaud dévia sur la peau du cou, suivit le tracé de la nuque en l’effleurant avec une parcimonie cruelle, imitant la morsure vorace sans jamais porter la menace à exécution. Et enfin, abandonna tout à fait et se dégagea de l’étreinte dont elle était l’instigatrice, refrénant à son tour la curieuse sensation du manque tandis que l’eau reprenait ses droits autour d’elle.

La Goupil suivit le rebord du bassin, allant se réfugier plus loin, avec la moue satisfaite aussi horripilante que possible de qui pense avoir posé ses marques, drapée d'une fierté toute féminine. « C’est assez aimable ? » Elle inclina la tête de côté, dardant les opales glacées sur le chat sans pour autant qu’aucun sourire ne vînt étirer ses lèvres, uniquement un air de défi. « Ou vous pensez connaître plus efficace encore ? » Manifestement, elle en doutait.
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Alphonse_tabouret
Le pied glissa, froid, sur quelques centimètres, chaque orteil prenant appui à l’os avant d’exercer la poussée le chassant du rebord, surenchère vindicative qui fit naitre à la gorge féline une irritation qu’il marqua d’un regard épais sur le mur face à lui, accaparé tant par l’atmosphère entêtante que par le défi laissant place à un jeu plus net, plus direct, beaucoup moins bon enfant mais tout aussi ludique. Si l’oreille percevait l’eau fendue à la jambe dans son dos, son esprit, aigri d’une noirceur qui s’amplifiait, le laissait face à une interrogation nouvelle, loin des ressentis femelles mais uniquement tourné sur lui, sur cet agacement qui ne démordait pas de ses tempes et qui le froissait à une vitesse vertigineuse.
Placide, calculateur, distant, Alphonse ne devait sa survie qu’à une nature lointaine, dont il ne se cachait aucune faiblesse, conscient que c’était en n’en niant aucune qu’il pourrait bâtir le meilleur chemin au travers des autres et de leurs failles. La servilité employée par sa famille ses dix-sept premières années lui avait appris à n’être qu’une ombre, tantôt disparue, fondue aux meubles environnants, tantôt enveloppant et engourdissant par une lascive affabilité, les possibles réticences. Sa Fugue l’avait écartelé, le faisant double, façade et monstre, découvrant que c’était grâce à l’apprentissage paternel et ses tortures qu’il était en mesure de survivre même l’échine libérée, quand ses sept ans d’errance avaient assis l’autorité de ses réflexes, les aiguisant dans cette réminiscence des temps premiers et si désormais la chat ajoutait à sa panoplie, la morsure, il n’en restait pas moins, plus à l’aise à la table des stratégistes que sur le champ de bataille. Il n’y avait plus jouissive récompense que de voir l’ennemi ployer sous les assauts les plus divers, rarement frontaux, toujours à propos, jusque dans la latence de leur venin, et assister au naufrage de l’autre avait toujours été une jubilation intense nourrissant autant son âme mutilée que le monstre qui en était né, soudant cette délicate association au terreau des clairs obscurs. Et pourtant… Et pourtant s’il sentait bien le fiel dispensé gangrener la moue adolescente, lézarder jusqu’à sa voix pour la teinter d’un peu plus d’agacement à chaque mot sous le couvert d’une assurance pétrie d’orgueil, il ne pouvait que constater les terres limitrophes de sa patience s’émousser à la même vitesse, comme si, dans cette voix où s’ourlait le mépris de la donzelle, une tonalité personnelle arrivait à en faire bourdonner ses tempes, agaçante, incompréhensible, acariâtre.
D’habitude simplement curieux, le chat venait de rentrer en guerre en constatant son intérêt piqué, et, obnubilé par l’exaspérante incompréhension de s’intéresser à quelqu’un qu’il n’avait pas choisi, s’en gorgea plutôt que de l’étouffer sagement. Aucun amalgame possible avec cette colère qui l’avait saisi dès ses premiers heurts avec le Griffé, définitivement, pas même dans l’étincelle de cette rancœur aussi subite qu’insondable, à jamais conquis, une seule et unique fois, chemin de croix qui l’avait mené à endurer la rage inquiète d’Étienne, à jamais voué à cet autre qui avait émietté lui aussi sa patience et avait su, au crépuscule de sa colère la plus blême, capturer à tout jamais le battement de cœur félidé. Non, définitivement, la rousse n‘éveillait pas les affres mais laissait pourtant en bouche, ce gout d’unicité commune. Avec le temps, peut être comprendrait-il que c’était cette franchise insolente, cette incompatibilité naturelle entre eux qui les défait l’un l’autre, bien au-delà du jeu qu’ils s’adressaient aux bordures de mosaïque du hammam, qui avait été la première pierre d’un chemin commun, d’une évidence et certainement alors, cesserait il de considérer Riesling comme une contrariété ferrant ses nerfs mais comme une frontière ouverte, un miroir en parfait négatif dont il aurait à apprendre et à s’inquiéter, mais pour l’heure, incapable de ces projections, il accusait, la gorge retenant le grognement né du mouvement, l’envie d’outrepasser les règles qu’il s’était lui-même fixé en laissant à son visage l’expression de la contrariété poindre jusqu’à l’embrasement.

La peau laiteuse de Riesling épousa la ligne blanche de son dos, y imprimant l’audacieuse pointe de ses seins, glace faisant naitre la brulure, caressant son ventre d’un frisson indicible à l’écho de cette main aventureuse sur son torse et de ce souffle à son cou, perceptible peut être plus à sa mâchoire brièvement contractée, achevant de puiser dans ses dernières ressources pour se prendre à un immobilisme parfait et lui opposer le fil d’un sourire narquois quand elle le délaissa.


« C’est assez aimable ? Ou vous pensez connaître plus efficace encore ? »

Mesurer les propos pour les faire jouer d’ombres et de lumières, laisser à l’autre l’interprétation des choses, seuls face aux double sens… telles étaient les armes du comptable et pourtant à cet instant ci, il n’en choisit aucune, premier faux pas, mais l’emportement, le cynisme le plus abrupt, le gout du sang.
Un ricanement mauvais résonna dans le silence ouaté de la salle d’eau, secouant les épaules d’Alphonse dans un mépris ouvert, dardant sur la silhouette pâle un regard dont le feu signalait l’égarement et la fin des politesses. Le chat se releva, déployant son mètre quatre-vingt ruisselant, lent, mesuré, sans la quitter des yeux, offrant aux siens, la vue. Objet de plaisir aux muscles saillants sans pourtant tenir de la masse, corps que la profusion des envies espérées ou exaucées avait empreint d’une évanescente lascivité, beau, le sachant, et en jouant sans pudeur lui non plus, il avança vers elle, jusqu’à la surplomber, se penchant, appuyant la senestre à l’aube de l’épaule d’albâtre, et lui offrit le poignard dans l’odieuse légèreté du badinage agressif, tendant la dextre plus loin derrière l’épaule adolescente, réduisant dans le mouvement, à peau de chagrin, la distance les séparant:

Ce qu’il y a de plus efficace avec une femme, pour qu’elle soit aimable, c’est encore qu'elle se taise. Je vous propose le silence… A moins que vous ne préfériez avoir la bouche pleine… Quelle que soit la solution pour laquelle vous optiez, voilà ce que serait possiblement, une preuve de votre obligeance, conclut-il quand, lentement, sans se départir du sourire qu’il lui proposait, il ramenait le verre de vin déposé à son entrée solitaire à portée de main à l’ombre d’une colonnade, et en but une gorgée en attardant la promiscuité avant de se rassoir volontairement si proche d’elle que le moindre remous amenait les peaux à se frôler.

Sors tes griffes, renarde, que je t‘offre mes crocs, que je te renvoie au silence, que j’exhale enfin l’insupportable grincement dont tu fais naitre la mélodie.

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Riesling
La première pensée venue envahir l’esprit goupil devait demeurer en modèle de péremptoire. « Mords-le ». « Crache- lui son verre à la figure ». Siffler. Griffer. Faire quelque chose, laisser court à l’impulsif et au sauvage, montrer qu’en aucun cas elle n’allait le laisser dicter les règles. Le chat croirait-il que la rousse s’abaisserait à jouer selon son jeu ? Elle était prise de court, certes. Déstabilisée par son ricanement et l’apparente absence de réaction à ses tentatives sournoises. N’importe qui aurait pu discerner sans peine l’égarement rageur flottant dans son regard bleu ; Alphonse n’avait pas eu le comportement qu’elle escomptait. Et Riesling avait par trop l’habitude d’apposer sa patte intrusive sur toute chose et sur tout être pour tolérer qu'on pût se soustraire aux desseins qu’elle avait soigneusement ébauchés. La fin des politesses, exactement. Quand bien même sa position ne fût que précaire. A défaut de quoi, elle peignit sur son visage moqueur les traits disgracieux de la raillerie et de l’insolence tandis qu’il s’approchait.

Le Goupil ne baissa pas le museau, affrontait au contraire le regard félin avec une condescendance absolue, une fois revenues dans sa main les cartes du jeu. Le prochain tour. Et bien qu’elle se trouvât soudain ridiculement délicate au vu de la haute stature masculine, elle se redressait de toute sa taille, moqueuse. Leur nudité partagée n’en gênait aucun ; elle en avait une conscience aléatoire dont elle était loin de se formaliser. Il lui semblait au contraire que leurs hargnes respectives les drapaient chacun dans un voile particulier qui exacerbait la fièvre et l’animalité. Riesling redressa la tête. Montra les dents, l’œil luisant de l’éclat malsain de la provocation. « J’aime pas vos méthodes ». Ou une façon plus ou moins délicate d’envoyer chier tous ses petits mots d’esprit. De faire valser la table et tout ce qui se trouvait dessus. La senestre vint nonchalamment le priver de son verre pour souligner l’évidence prononcée abruptement, comme si le lui expliquer relevait de la faveur obligeamment prodiguée. Elle le reposa plus loin, tandis que le corps courtisan s’appliquait à nouveau à profiter de l’onde pour se replacer souplement face à lui. « Et rendre un homme aimable, vous devez connaître aussi ? » Le rictus se fit narquois, carnassier. L’eau faussait les règles de la pesanteur et de la bienséance ; elle la mit à profit pour glisser un genou inquisiteur entre les jambes mâles, frôlant la peau, remonter le long du derme tandis que la dextre suivait le tracé de la cuisse du bout des ongles de l’index et du majeur, griffant en toute légèreté la courbe de l’aine avec une lenteur implacable et remontait enfin jusqu’à l’épaule. Cherchant le frisson. Cette fois, elle étudiait le visage du comptable avec un intérêt sournois, carnassier. « On rend un homme aimable en l’rendant faible. » C’était au moins une chose qu’elle avait comprise, et qu’elle comptait bien mettre en application à l’Aphrodite. Mais le ton de voix n’était ni lascif, ni aguicheur, ni même neutre. Elle se surprit à le sentir aigre. Et maintenant qu’elle avait commencé à dévaler la pente, la rousse ne put que s’y laisser sombrer. Mais c'étaient ses armes, ses armes à elle, son bouclier et sa lame, son terrain de jeu.

« J’veux pas d’amabilité ». Elle assura sa prise, presque au point douloureux. L’amabilité, c’était l’argent qui changeait de main. Le sourire qu’on vendait pour un baiser. C’était ses vœux de mariage. « L’amabilité, ça vous couche par terre et ça vous baise sans ménagement. » Des paroles de veuves. Des paroles d’aigries. Brûlantes. Insolentes. Ecrasantes d’une vérité crue. De l’épaule, la dextre passa au menton masculin sur lequel elle arrima sa prise, achevant sa tirade d’une risette profondément moqueuse, qui se voulait sans doute plus douloureuse encore que la poigne ferme dont on pouvait ne pas la soupçonner au premier abord, n’eût été la force de son regard glacé. Et la moue terriblement satisfaite qui étirait son horripilant masque de supériorité pour la sentence finale. « Allez-vous faire mettre. Aimablement. »
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Alphonse_tabouret
« J’aime pas vos méthodes », commença-t-elle en lui ôtant le verre des doigts, félin dédaigneux de chacun de ses gestes jusqu’à ne pas s’en contrarier, narguant d’un regard impertinent le visage froncé qu’elle lui opposait quand son corps blanc s’approchait du sien jusqu’à l’emboiter dans l’indécence de la distance, l’attention due au genou savamment placé entre ses jambes se faisant supplanter par la main à sa cuisse. « Et rendre un homme aimable, vous devez connaître aussi ? » égrena la voix aigre quand elle muait la caresse qui égayait, malgré lui, les prémices d’un intérêt encore indistinct, en une griffe ondoyant encore à la lisière de la chair, ravivant en un battement de cœur, les doigts crochus de sa geôlière et leur rituel ensanglantant sa peau avec application , finissant d’éradiquer toute trace de civilité chez l’animal dont la gorge souffrait encore du collier qu’on lui avait fait porter sept interminables journées.
Était-ce la silhouette aux délicieuses formes adolescentes lui faisant face qui le troublait jusqu’à l’aube d’une excitation mauvaise irriguant les tempes comme le ventre, son insolence à se poser inaccessible, offerte, et à n’en être que plus provocante, sa morgue à être lascive en diable quand c’était la guerre que l’on se déclarait jusqu’à la laideur, ou les lamentables réflexes mâles s’acheminant lentement vers la seule issue qu’ils pouvaient envisager pour éviter au jeune homme de se souvenir de cette cave sordide et du temps qui s’y était éternisé… Peut-être était-ce cette colère lovée à chaque syllabe qui avait transpercé les règles admises d’un duel d’égos pour déchirer le voile d’une vérité sous-jacente, intrinsèque, enchainée au passé de Riesling qui tout en restant invisible, laissait son ombre planer dans le regard céruléen ou tout simplement, savait-il déjà sans pourtant y songer, qu’ils avaient besoin tous les deux d’en passer par là…
La main femelle s’arrima à l’épaule, acheva la ligne que les ongles avait tracé, amenant le frisson escompté à le sortir de l’immobilité dans laquelle il se retranchait dès que la menace se faisait proche, étudiant chaque possible avant d’annoncer son choix, amateur méthodique des issues prévisibles… Mais la Goupil ne lui donnait aucune envie de prédictions, animal aveuglé attachant aux attentats de la catin, un passif auquel elle n’avait pourtant aucun lien, et qui, pire, en troublait l’onde jusqu’à laisser le monstre aux abois de son langage.

« On rend un homme aimable en l’rendant faible. J’veux pas d’amabilité ». La douleur effleura l’épaule, tordant définitivement le sourire d’Alphonse en un rictus crispé sans pourtant qu’il eut mal à l’en manifester, mais au prise d’une morsure si profondément ancrée à l’inertie de sa convalescence, qu’elle transperça, inévitablement, le feu de ses prunelles jusqu’à les irradier.
« L’amabilité, ça vous couche par terre et ça vous baise sans ménagement. » Les doigts se refermèrent sur le menton pour assurer l’amarrage des prunelles, inutile attention quand le chat enfin nettement piqué dans son orgueil n’aurait délaissé les azurs pour rien au monde, laissant en lecture, le résultat de cette promiscuité, promesses louvoyantes d’animalité ne tenant plus de la domestication mais de l’instinct. « Allez-vous faire mettre. Aimablement. »

Le rictus s’élargit quand la dextre fendait l’eau, traitresse dans sa fluidité, et empoignait pleinement la hanche féminine, les doigts ferrant implacablement la peau sans ménagement mais sans encore faire preuve d’une quelconque autorité par la force, glissant le genou entre les cuisses d’albâtre et rabattant d’un coup sec que l’eau dilua à peine, le bassin de la rousse tout du long jusqu’à ce que leurs ventres se frôlent aux remous tièdes du bassin.

L’amabilité, ça n’a pas besoin de vous coucher au sol pour vous baiser sans ménagement, rectifia-t-il en imprimant sa main au creux des reins pour appuyer l’inévitable caresse de sa cuisse au buisson sans quitter ses yeux, y détaillant la moindre brume pouvant y apparaitre quand son membre s’éveillait lentement de la familiarité des corps, jouant de l’insupportable nonchalance de l’homme à ce genre de démonstration. La senestre ruisselante ferra la nuque pour la maintenir, laissant perler dans le dos encore sec de frémissantes rigoles, animal se permettant à son tour de bafouer les règles qu’elle avait d’abord piétiné, puis agrippé, et qu’il dépassait maintenant sans plus se soucier de la moindre frontière, insensible au bons sens dont il aurait dû faire preuve, à vif, définitivement.
Faut-il vous en faire la démonstration pour enfin vous faire taire ?, gronda-t-il lentement au seuil de ses lèvres, sans plus prendre le temps d’enrober ses mots d’un flegme, faune devenu fauve aussi orgueilleux que cruel et dont la volupté se teintait d’une entêtante folie en écho à celle de la courtisane.
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Riesling
Le museau roux dardé en avant avec arrogance, exhibant les crocs menaçants, redressé juste assez pour souligner un regard mauvais, moqueur, confondant dans les morceaux de glace deux portraits masculins qui n’avaient rien à voir, nonobstant unis par le hasard et hargneusement mélangés par le Goupil quand bien même elle était la première à dénoncer d’ordinaire l’amalgame. A refuser d’éclabousser des fautes des uns le mérite des autres. Et pourtant.

Je pourrais te faire beaucoup de mal. Mais ils croient tous que n’être pas gentil, c’est être méchant. J’ai choisi autre chose. J’ai choisi d’arracher des petits morceaux et de ne rendre que ce qu’on était disposé à me prendre.

Ce n’étaient plus les paroles qui intéressaient la courtisane, enfermée désormais dans le maëlstrom brûlant de l’envie, la colère, le dégoût et le désir. Elle avait senti sous la pulpe de ses doigts, sous le contact inquisiteur de son derme blanc s’éveiller la faim masculine, elle s’était souplement soumise à la pression de la main d’Alphonse contre elle, optant à défaut pour l’insolence plutôt qu’une incertaine dérobade. L’eau enlevait pour rajouter, exacerbait la chaleur des corps soudainement rapprochés, empêchait la lourdeur, le contact pur, favorisant la fuite, étouffant les frissons où son emprise était complète et les laissait naître là où elle n’était pas maitresse encore. Quelques gouttes fraiches le long de la nuque, de l’échine, du dos, suffisamment pour faire frémir le Goupil et se dresser naturellement les seins juvéniles. Elle avait une conscience aigüe du genou entre ses cuisses, rappelant à son esprit ses dernières étreintes forcées, appelant à son corps rebelle les velléités revanchardes qui devaient lui revenir de droit.

« C’est quand on en a pas b’soin justement, que ça devient intéressant ».

Le besoin. On connait, le besoin, quand on vit dans la rue. Quand on devient veuve. Quand on finit dans un bordel. Quand on pourrait étouffer le monde entier d’une seule main simplement parce qu’on en a pas besoin. Parce qu’on le veut. Parce qu’on a ses raisons. Peut-être même la vraie beauté aux yeux de la rousse qui étira un rictus mauvais aux lèvres carmins. Faire ce qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de faire. Jouer. Se moquer, tester l’autre jusqu’aux limites du supportable par curiosité seule de l’âme humaine, curiosité maladive dont elle jouait quotidiennement, continuellement, intriguée sans cesse par ses semblables et ses compagnons d’infortunes. Elle gronda, rauque, trop fière, trop orgueilleuse pour lui laisser croire qu’il serait en mesure d’avoir sur son caractère le moindre ascendant. Et en réponse à la pression du genou félin contre son ventre, quoi qu’elle fût de bonne guerre, elle fit glisser le sien le long de l’aine masculine, réservant une insidieuse caresse à l’objet du désir ; l’eau du bassin aidant à conserver le mouvement souple, délicat, impérieux. Le regard restait moqueur. Riesling savait. Riesling jouait, sans aucune bonne foi, sans aucune bienveillance, mais avec cette vulgarité lascive de qui ne craint aucun châtiment. Elle appuya sur le menton du comptable d’un index recourbé, l’amenant à son niveau, et vint cueillir de ses dents sa lèvre inférieure. Animale. La douleur n’était ni l’objectif ni d’actualité. Mais elle voulait expliquer à cet agaçant adversaire comme il n’avait aucune idée de l’étendue des cartes dans sa manche. Comme cette fois, cette fois, elle ne serait pas la victime, surplombant Alphonse d'une assise à califourchon.

Faut-il vous en faire la démonstration pour enfin vous faire taire ?
« C'est pas moi qui parle trop. »


Essaye, pour voir.
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Alphonse_tabouret
Jeu de fauves, la chorégraphie orchestrée par les corps accentua ses accents les plus fébriles, laissant les animaux assujettis autant au dédain qu’à la naissance d’une perspective tronqué par un désir mauvais, salvateur, qui sous ses allures guerrières avait pourtant tout de la salvation, archange des pulsions, ténèbres de la raison, affutant aux dermes réceptifs, les lames d’une bataille dans laquelle on les répudiait l’humain au profit de leurs essences. A la caresse soufflant aux braises jusqu’à les nourrir, il n’opposa ni masque, ni résistance, pas plus qu’à la silhouette outrageant la provocation en s’offrant, dédaigneuse d’un possible dont il ne discernait pas encore la finalité dans le regard ancré au sien, tempétueux d’un amalgame de désirs contradictoires, de souffrances rancunières et d’attentes, morcelées d’interrogations muettes. Il accorda ses gestes aux siens, fluide, félin, insolent, déterminé à ne rien laisser paraitre d’autre que cette arrogance animale qu’elle insufflait à ses veines obscurcies d’une épidermique déraison, le membre errant aux frondaisons rousses dans la traitresse apesanteur de l’eau, effleurant sans jamais prendre mais insidieux d’une raideur déterminée, caresse concupiscente d’une proximité lascive que chaque mouvement aussi infime soit-il, amenait fatalement, murmurant aux ventres des chemins plus concrets, des désirs plus indicibles.
La lèvre emprisonnée par la morsure fut relâchée à l’orée d’un baiser qui aurait pu les faire taire tous les deux, mais qui, profitant de la liberté aux frontières ennemies, pavana encore une fois à portée des crocs, irradiant autant les tempes que le ventre, allongeant le désir d’un coup de sang et d'exaspération, diluant les frondaisons au céleste d’une guerre pétries de vices.
La main toujours aux reins s’attardait, sycophante, à marquer sa mesure quand la senestre à la nuque, se tissait, implacable, aux cheveux relevés pour devenir coupole à la base ronde du crane, choisissant d’opposer les visages dans l’inexorable approche de la curée, spectateur retranché, fasciné par la fièvre qui les contaminait de nausées, d’orgueil et d’envies. Dressé à l’orée des cuisses si joliment offertes, il se figea, prunelles à prunelles pour en discerner chaque éclat, la bête déchirant les limbes de sa prison pour s’assurer que ce qui naitrait de cet instant ne serait jamais soumis à la moindre civilité, qu’il n’apparaitrait de la courbe des minutes à suivre que la conclusion logique de la férocité des opposants, que l’un comme l’autre devraient accepter la trêve des sens avant de s’entredévorer de nouveau à coups de mots et de froissements.

« C'est pas moi qui parle trop. »

Un instant, le temps suspendit sa course, posant dans une légèreté surréaliste, le point final aux derniers grammes de discernement, noyant les prunelles fauves dans les entrelacs d’une joie nébuleuse contaminant la tête, le cœur, les costumes, pour ne laisser entre les cuisses blanches, que le désir d’un faune dont on avait soigneusement ôté chaque parcelle d’Homme.
Il gronda sourdement au fil d’un sourire moqueur relevant les babines quand dextre et senestre jumelaient leurs efforts pour achever la danse encore vertueuse au profit des damnés, la verge tendue vers une offrande abandonnée de la lucidité imbécile des autres pour ne révéler son indéniable utilité qu’au crépuscule de la logique.

La pression exercée sur la silhouette femelle fut sans équivoque, et dans le filigrane d’un grognement à sa gorge tendue, l’empala de lui-même d’un geste, un seul, sans aucun ménagement, à l’obélisque qu’elle narguait, esthète, démon, candide, l’iris se compactant de plaisir à s’insinuer sans plus aucune retenue dans la gangue moelleuse des cuisses d’albâtre. Pas de préliminaires dans ce duel là, pas de badinages, pas de pitié, mais l’exquise sensation d’un défouloir commun, d’une puissance née pour se fracasser sur des remparts érigées pour le carnage, aussi, implacable, ce fut jusqu’à visser les bassins qu’il amena son mouvement, enflant dans le ventre renard d’un bien être extatique aux clapotis soudain brusques de l’eau, frémissant, résistant sournoisement à l’immédiate envie de cadencer ses gestes pour s’approprier chaque parcelle, chaque gémissement, chaque muscle de ce corps sculpté à même les intempéries, choisissant d’encourager la rage autant que la chair d’une dernière griffe :


Chuuuuuut, murmura-t-il à portée de ses lèvres narquoises, dans l’insupportable condescendance de celui qui a choisi ses armes, les figeant dans la disparition des secondes à la cohésion aussi délicieuse qu’incongrue de leurs corps emmêlés.
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Riesling
    He had it coming.
    He had it coming.
    He had it coming all along.



A bien y penser, le hasard était décidément un amant des plus capricieux; la Rousse pourtant comme tant d’autres saisissait ce qu’il lui tendait avec la reconnaissance toute filiale de qui a compris qu’il valait mieux parfois ne pas poser la question. On lui offrait une occasion et un défouloir ; comme une excuse de la part de cet amant-là. Mais là. Par quel enchainement, quelles influences étranges fallait-il que les choses se déroulassent ainsi ?

Qui t’a parlé, le Chat ? Qui t’a demandé quoi que ce soit ? Fallait-il que ce fût-ce, du seul fait de ta présence, l’enfant chéri de la chance et d’un destin facétieux, ta présence, ton arrogance, et ton combat ? Ce serait lui. Aujourd’hui, cette fois, maintenant, tout de suite, ce serait lui. Pour la veuve, peu importaient ses raisons. Dans le fond, peu lui importait ce qu’il pouvait venir chercher dans l’étreinte des corps et des hargnes.

L’eau serait la perte et l’absolution du Goupil, le bouclier tentateur permettant d’affronter la violence des assauts si soudains sans aucun heurt ; et plus encore, d’y répondre avec une agressivité lascive ; de trouver dans la rencontre des reins et des vagues un exutoire aussi nécessaire qu’impitoyable. Elle se tut ; à peine un glapissement de surprise, un gémissement étouffé sous l’intrusion première du membre inquisiteur, mué aussitôt en un grondement primitif. Des griffes elle maintenant la tête féline sous la sienne, affrontait les œillades grisées de plaisir et de hargne avec la satisfaction de qui surplombe d’un rictus animal ; mais elle se perdit bientôt. Les mouvements mâles appelaient les siens qui leur répondaient avec férocité, refusant de s’y soumettre tout à fait mais incapable eux-mêmes bientôt de maintenir l’indifférence qu’elle s’était si rigoureusement imposée. Le regard bleu s’évadait au plafond, disparaissait derrière les paupières closes, offrant la gorge à son adversaire ; mais pour chaque soupir s’égarant dans les vapeurs du hamam qu’il gagnait de la faiblesse de sa chair courtisane elle revenait plus hardie, fâchée de la lâcheté du corps et capable de toutes les souplesses, toutes les bassesses, tous les assauts des jambes, du ventre et des mains pour assouvir sa soif brûlante avant qu’il ne vînt à bout de ses résolutions.

Et dans mon paradoxe, je ne sais rien, mais je veux tout. J’ai besoin. Un besoin d’une pureté absolue, drapé d’une fierté toute malsaine.

Ne rien savoir de l’issue, du but, du reste ; guidée uniquement par l’instinct ancestral qui dictait de ne pouvoir trouver repos qu’une fois vainqueuse, ou vaincue. La trêve viendrait vite ; la flamme dans son ventre était dévorante, la chaleur, l’eau, tout contribuait à l’épuisement des corps et la recherche absolue d’une conclusion partagée, déferlante et salvatrice. Riesling refusait ses lèvres à l’amant ; mais venait tant que possible malgré son esprit embrumé cueillir de son souffle les échos du sien, bouche entrouverte, pour se résoudre à haleter la sentence d’un ton qui trahissait l’imminence de sa détresse ; « maintenant je veux t’entendre » ; maintenant j’aimerais crier, mais pas en première, pas en aveu de faiblesse : en triomphe pur. Que toi le premier tu succombes et sombres.


    It was a murder, but not a crime.



*Il l'a bien cherché
Il ne peut s'en prendre qu'à lui même
---
C'était un meurtre, mais pas un crime.
(Cell Block Tango - Chicago)

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