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[RP] Vente privée

Alphonse_tabouret
(Ce RP peut comporter des scènes choquantes pour un jeune public)






Depuis le premier jour, le rituel était immuable, qu’importait l’heure choisie car elle n’influait nullement dans l’orchestration de ce ballet, rassurant dans la mise en scène choisie, tocade à laquelle s’accrochait l’animal sorti du gouffre depuis trop peu pour ne pas sentir dans son dos, le vide de l’abime.
Assis sur le rebord du lit, les mains enfouies dans le moelleux de la couette, il écouta les sons alentours, félin aux aguets des bruits qu’il connaissait parfaitement jusqu’à être certain que l’activité des uns et des autres ne se situait pas dans la proximité de l’escalier menant à son territoire, choisissant la fin d’une inspiration pour se lever. Le chemin ne subissait aucun détour, et les pieds dépouillés du chat l’amenaient silencieusement, le museau baissé au sol, devant le miroir rectangulaire qui surplombait une commode patinée d’une patience esthète par la main d’un maitre artisan. Installé, prêt à s’offrir en pâture à son propre regard, il prit le temps de rassembler ses pensées, concentration rigoureuse à ne laisser filtrer aucune émotion à ce qu’il verrait, l’image de ses traits saisis de stupéfaction devant ce qu’il avait perçu lorsqu’il avait subi son propre examen au lendemain de sa libération, infligeant à ses tempes une nausée de détresse qu’il ne supportait plus, nourri par une rancune lancinante qui croissait jour à près jour.
Leozan avait laissé les traces de ses lubies de si nombreuses façons que chaque inspection s’attardait, méthodique à recenser les évolutions des sutures, des contusions et des marques disséminées à sa peau pale. Au neuvième jour il restait çà et là quelques traces encore distinctes quand les autres s’effaçaient, laissant en ultime témoignage conséquent de ce séjour aux limbes la senestre étroitement bandée pour tenir les attelles mises en place, et pourtant il pouvait encore localiser chacune d’elle avec une précision redoutable, ressentant parfois la morsure de la chair avec une telle netteté qu’il en perdait le fil de ses pensées les plus immédiates, confronté l’espace d’un instant aux souvenirs bileux qui s’apparentaient à cette parenthèse.
Bientôt, ne resterait que le pire : la mémoire.


Des premières heures de son retour, il ne se souvenait de rien si ce n’était, immatériel, l’instant où dans la fraicheur retrouvée de ses draps, le parfum d’Etienne avait envahi ses tempes, le souffle chaste du courtisan soudainement perceptible à sa nuque, baume foudroyant écartant définitivement le gouffre pour ne laisser que le plomb, envoyant en une seconde l’animal à l’oubli définitif du sommeil d’où il n’avait émergé que douze heures plus tard et s’il avait délayé les premières heures de son éveil à retrouver cette famille à peine connue-à peine quittée, la fin de la journée s’était égrenée au rapport détaillé d’Hubert sur chaque heure qui s’était écoulée sans lui, attentif à cette vie qui s’était poursuivie hors de sa tutelle.
En s’acquittant du fardeau de son héritage, il avait gardé en tête, l’utopique vision d’un Lion anglais et s’était appliqué jusqu’à l’enchainement, à mettre en place ces bribes aux première heures d’une aube où le monde achevait de se refaire dans les joies délictueuses du vin et de l’amour. Il n’avait travaillé que pour voir cet enfant-là capable de se relever et de marcher seul, et s’il n’avait pas prévu l’expérimentation au travers de l’abime, il percevait depuis son retour, les bienfaits nés de l’horreur. L’Aphrodite avait vacillé mais tenait droite par la seule volonté de ses courtisans et du patron qu’ils avaient choisi eux-mêmes pour la première fois, achevant de prendre l’indépendance à laquelle l’animal aspirait avec un dévouement morbide. Étienne avait tenu les rênes du bordel avec une maestria dont il ne s’était pas douté et si les soins qu’il apportait étaient encore nécessaires, le faune savait que le lupanar avait passé l’épreuve à laquelle il l’avait préparé.

L’inspection finie, il quitta son reflet pour s’habiller, passant chemise et braies, avant de descendre les escaliers menant à la maison basse, saluant d’un sourire les regards où louvoyait le trouble d’une inquiétude qui n’avait pas fini de consumer, rejoignant l’une des portes de son bureau entrouverte, hésitant une seconde à frapper pour s’annoncer avant finalement, d’en pousser le battant sans bruit, trouvant Etienne attablé devant une paperasse conséquente, vision qui ne manqua pas d’étirer à ses lèvres un trait se partageant la tendresse et l’insolence devant l’application évidente.
De Ligny l’avait surpris, non pas par son sens des responsabilités, chat s’étant fracassé sur les écueils des devoirs jumeaux avant d’entrapercevoir la complexité de leurs attaches, mais par son application à ne pas laisser un seul jour de cette convalescence forcée sans passer à son chevet et par la désobéissance affichée face aux recommandations de l’herboriste en venant chercher le sommeil à ses flancs dès les portes du bordel refermées, présence qui avait chassé de son seul parfum les angoisses brusques qui saisissaient encore l’animal délogé de sa cave. Hubert avait parlé de beaucoup d’argent dépensé, des recherches, de la traque, du molosse ayant brièvement séjourné dans la cave pour conclure, une fois l’histoire déroulée, par l’inquiétude d’Étienne. « Il n’était pas tranquille » avait dit l’homme de main avec une telle foi dans sa perspicacité qu’Alphonse en avait ri jusqu’à ce que la douleur de sa cote fracturée ne l’achève en le pliant aux draps. De tous les avantages que lui procurait son travail, c’était finalement peut être la présence d’Hubert qu’il regretterait le plus.


Comment vont les affaires ?, demanda-t-il enfin en passant le seuil de la porte, les onyx cueillant avec félicité la surprise de son arrivée sur le visage de son amant, un sourire habillant ses lèvres d’un dessin amusé.
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Etienne_de_ligny
L’Aphrodite savoure le calme.

Depuis la disparition du comptable, les murmures inquiets avaient envahis les couloirs du bordel, entachant les traits des courtisans d’une inquiétude visible. Les tensions étaient là mais tous s’appliquaient pour ne rien laisser paraître et les angoisses furent ainsi muselées. Des ordres avaient été donnés à Hubert et Adryan, des écus cédés pour retrouver le Félin, le plancher de la Maison Basse s’était entaché de marques aux teintes de pourpres et de carmin et son goût pour les responsabilités avait guidé les pas du Griffé jusqu’au bureau du comptable.
Malgré son absence, l’Aphrodite devait perdurer et tout les courtisans s'étaient investis pour que malgré le trouble, le luxe et la luxure demeurent.
Toutefois, une fois l’Amant retrouvé, les nuits du Griffé s’étaient écourtées. Impossible pour lui de travailler jusqu’à l’aube alors que sa présence était requise et obligatoire à ses côtés. Le sommeil en avait pâti alors que les cauchemars et l’état du Félin contraignaient le Griffé à le veiller pour le rassurer. Peu à peu, les angoisses s’étaient effacées alors que dans la Maison Basse, la coupable gisait, tourmentée et enchainée dans cette même salle où son protecteur avait enduré milles maux. Quant aux courtisans, la mésaventure avait su resserrer leur liens jusqu’à prouver la solidité de leur cohésion au-delà des inquiétudes. Et Etienne, les traits tirés avait sur marquer le fauteuil du comptable par sa présence et sa dévotion.

Maintenant, Alphonse allait mieux et même si les nuits étaient désormais plus complètes, il restait en place, les iris vairons rivés sur la paperasse et les comptes. Mais la porte s’ouvre et le menton se relève pour observer l’Amant. Un sourire se dessine sur ses lèvres alors qu’il referme le livre de compte pour s’approcher du Félin. Assumé, il vient glisser sa main contre sa joue et attirer son visage au sien pour saisir ses lèvres avec envie. Ne t'en fais pas. Les affaires vont bien. Le courtisan avait veillé pour qu’il en soit ainsi et si Adryan et Hubert se doutaient désormais de la fortune et de la noblesse du Griffé, il tenait à garder pour lui, la somme d’écus qu’il avait investi pour les recherches, les soins et le bordel. Cette formalité n’avait pas à être ébruitée. Le Griffé avait depuis sa jeunesse brillé par son sens des responsabilités et son honneur et ce malgré son penchant prononcé pour la chair et la luxure et si Aliénor n’était plus désormais sa préoccupation première, Alphonse s’était enlisé au cœur même de ses pensées.

Tu ne devrais pas rester là Alphonse. Il te faut encore du repos….
Les doigts du courtisan se perdent sur la nuque de l’Amant, effleurant sa peau de la pulpe jusqu’à les poser, envieux contre ses hanches. Et il n’est pas prudent de me donner envie alors que je n’ai pas encore finit mon travail. Repose-toi donc que je puisse te prendre comme autrefois…Entier et envieux contre ce bureau qui est tien.

Dans l’esprit du courtisan, tout est limpide et malgré son investissement, ce bureau et ce bordel sont à Lui et il ne pouvait le concevoir autrement. Lorsqu’Etienne cherchait à comprendre comment Alphonse avait hérité du Bordel ou quelle était la signification du lion anglais qui servait de butoir et d’emblème pour les courtisans, les iris de l’Amant semblaient briller d’une lueur nostalgique et ancienne. Il y avait dans l’Histoire de ce bordel une dimension, une sincérité qui lui échappait et c’est par respect envers les souvenirs d’Alphonse que le Griffé s’était appliqué. Tous avaient leur secret, leur caractère et tous avaient su poser une empreinte indélébile sur les murs du lupanar. Le Bordel se devait de résister à l’absence du comptable et plus encore, il devait prouver sa robustesse. Bien plus qu'un simple lupanar, l'Aphrodite est avant tout une famille où se mêle secret, fourberie et chair.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Étienne suspendait le temps, conscient ou pas, peu importait finalement quand c’était l’être entier qui se consumait à chaque jour que s’appropriait le couple, égrenant dans cette satisfaction soulagée à s’être retrouvé quand l’un et l’autre avait eu en bouche le gout de la séparation, la ferveur d’une union qui avait la simplicité de ses aveux.
Le corps comptable portait encore les marques étrangères et si chacune nourrissait un feu dont l’appétit finirait par le surprendre, pour l’heure, dans l’odeur proche du nobliau, ce que Leozan avait fait germer se trouvait anesthésié, engourdi par un besoin tout aussi animal mais porté par l’écho salvateur de celui du Griffé. Eux qui battaient les heures blêmes de la nuit jusqu’à la délivrance la plus extatique se voyaient priver de la lave nourrissant leurs veines lorsqu’ils étaient enfin assouvis l’un à l’autre, confinés à une convalescence que l’herboriste tachait tant bien que mal d’imposer par les baumes, les potions et qui tendait entre eux une impatience de plus en plus frustratoire à contenir, au creux des draps dans lesquels ils se retrouvaient le soir, comme à la croisée de leurs chemins dans les heures journalières. Difficile maitrise de soi que de se détacher de l’autre, délicat exercice auquel les insolents amants rechignaient de plus en plus souvent ces derniers jours, jouant plus fréquemment de leurs envies comme les enfants avec le feu, conscients que la morsure de la flamme n’attendait qu’une seconde alanguie pour embraser l’air. Les doigts d’Alphonse s’emparèrent d’une courbe à la taille, avec une lenteur indécente, pour en suivre le tracé jusqu’aux reins, chevillant les corps l’un à l’autre avec impertinence pour gagner les lèvres avec plus d’emphase et accorder les souffles jusqu’à la badinerie d’une morsure légère.

Les jours commencent à me sembler longs, répondit-il au fil d’un sourire carnassier en savourant le bruissement de ses nerfs frissonnant à la peau quand les doigts d’Etienne glissaient jusqu’à ses hanches, empreints d’une délicatesse encore inquiète mais définitivement propriétaires, prenant sur une frustration aussi douloureuse qu’exaltante de scinder les corps jusqu’à les séparer, jeu terrible aiguisant la lueur dans les yeux de son Autre et qui rassasiait l’égoïsme narcissique du chat à être seul détenteur des secrets pouvant éveiller et repaitre Sa faim pour en connaitre la divine cruauté dès que le sourire lascif d’Etienne éveillait ses sens.

Orphelin, il longea son bureau, une main distraite effleurant le bois avant d’aviser le fauteuil délaissé et de s’y assoir avec la lenteur inhérente au cisaillement qui se répercutait encore dans ses cotes, retrouvant non sans une certaine nostalgie précoce, le moelleux de l’objet et le geste acquis de s’approprier l’accoudoir de gauche, geste entravé par les attelles qui structuraient la senestre.
Etienne ne savait rien des circonstances de son héritage, et Alphonse n’avait jamais jugé indispensable d’en dévoiler les dessous, de révéler les liens qui avaient fait taire les appétits mercantiles qu’il aurait pu développer au profit d’une utopie qu’il avait porté à bout de bras et qui, aujourd’hui avait du sens pour d’autres, mais comment appréhender le tout sans rien savoir des bases même qui avaient construit le bordel, comment faire comprendre à son amant qu’il n’était pas question d’une possession changeant de mains mais d’un rêve à entretenir, sans commencer par le début ?


J’ai hérité ce bordel d’un humaniste, commença-t-il dans un sourire dont la courbe taquine ne manquerait pas d’exaspérer le fantôme léonin de Quentin dans la simplicité volontairement tronquée de la description mais néanmoins indéniable. Son idée était d’en faire une maison, sans plus d’étage pour les différencier une fois les portes closes… Il se pencha pour attraper du bout des doigts un vélin vierge, abandonnant un instant la silhouette mâle pour parcourir son bureau d’un regard à la recherche d’une plume… un lieu où l’argent circulerait mais jamais au détriment de la famille y vivant… un endroit où les talents de chacun auraient leur place et leur importance… Les miens m’ont donc tout naturellement conduit dans ce bureau quand il a fallu que je prenne mes responsabilités… Un silence s’attarda volontairement pour souligner le dernier mot prononcé quand le chat relevait brièvement sur Etienne un regard plein, nervuré d’une gravité sous-jacente qu’il savait partagée à la lisères des devoirs incombant à certains, abandonnant un instant la ligne d’écriture qu’il avait entamé. … mais je ne suis que comptable, poursuivit il en baissant à nouveaux les prunelles vers la table, laissant affleurer un sourire d’excuse à ses lèvres, étonnamment sincère sans pourtant se départir d’un trait où apparaissait une légèreté neuve, certain désormais de ses choix passés et présents, entrapercevant enfin les hasards audacieux qui avaient jalonné l’année jusqu’à les réunir dans cette pièce.
Il suspendit la plume au-dessus du vélin pour demander, abruptement, accrochant les fractales aux onyx, passant du coq à l’âne sans la moindre logique apparente quand il laissait aussi peu de place que possible aux inconstants soubresauts du destin dès qu’il s’agissait des fondations premières.

Combien as-tu sur toi ?
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Etienne_de_ligny
"Les jours commencent à me sembler longs"
A qui le dis-tu.

Mais apparemment, le Félin est déjà ailleurs. Il s’avance jusqu’à son bureau et l’ambiance semble autre alors qu’il reprend sa place. L’animal fait ses griffes sur le bois et les vélins et alors que le Griffé le regarde avec curiosité, Alphonse se confie à sa manière. Depuis le début de leur relation, Etienne n’avait jamais questionné l’amant quant à l’Aphrodite et à ce lien étroit qui semblait le lier à l’établissement et à son histoire. Mais voilà qu’il se lance pour une raison qu’il ignore. Ainsi donc le bordel fût construit par un humaniste ? Cet homme avait-il partagé la couche d’Alphonse ou bien plus encore ? Connaissant l’appétit du Chat, il n’y pas un homme dont les attraits le laissent indifférents et dont la volonté est assez solide pour résister à sa détermination féline. Pourtant, Etienne ne relève pas et la taquinerie est glissée dans un coin de son esprit, prête à être ressortie en temps voulu. L’heure semble être au sérieux et à la nostalgie, combinaison qui avec la fatigue accumulée ne semble pas lui réussir et d’ailleurs Alphonse ne facilite pas la concentration du Griffé en sautant ainsi du coq à l’âne.

Combien j’ai ?...Heu là tout de suite, je ne sais pas.

Le Griffé le rejoint et s’installe sur le bureau, non loin du comptable. Par politesse, il ne regarde pas les parchemins ainsi que les mots posés à même le vélin par la dextre habile de l’Amant. Pourquoi lui posait-il une-t-elle question à ce moment précis ? La question le surpris, tant par son arrivée hors contexte que par son indiscrétion. Le comptable était au courant pour l’appartement parisien d’Etienne, pour sa condition de noble, son goût pour la qualité des étoffes et de l’hygiène de vie mais c’est la première fois qu’il osait lui poser une telle question. Toutefois, Etienne ne s’attarde pas sur l’usage même de l’argent qu’il s’apprête à lui céder. Concernant l’Amant, il était prêt à vider sa bourse pour le plaisir de le savoir entier et serein. Avait-il besoin d’autres soins ?

Tu veux combien ? Si c’est une grande somme laisse-moi le temps de revenir à l’appartement hein.


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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
La silhouette d’Etienne s’était déplacée à sa suite pour se poser sur l’angle voisin à son assise, rapprochant les hommes, étirant l’envie d’Alphonse à attarder la dextre sur la cuisse à portée de mouvement, sachant pertinemment qu’il ne saurait pas s’empêcher de dériver à l’aine pour le plaisir de lire l’appétit envahir le regard fracturé dans l’indécence de la brulure qu’il ne manquerait pas de dispenser, éternel funambule dont l’excitation la plus pure se délayait dans les sens qu’il éveillait chez l’autre. Un instant les images indécentes de leurs étreintes figèrent à ses tempes la morsure de leur empreinte, suffisant à éveiller le faune tapi à son ventre, le muselant en sachant que ce n’était pas cette heure-ci qui verrait la réunion de leurs corps lunaires, mais peut être la suivante…
Un sourire s’attarda sur ses traits en posant ses prunelles dans celles de Ligny, détaillant, avide, les expressions se succédant sur le visage jumeau, théâtre qui ne se fardait plus du voile de la contenance et affichait les moindres esquisses, suffisamment en paix pour délaisser entre eux les retenues réservées au monde et à la sauvegarde de leur propres univers.

Tu ne m’as jamais trahi.
Tu ne m’as jamais abandonné.
Tu as traversé l’enfer, le tien, le mien pour forger le nôtre à mesure.
Tu es celui dont j’ai besoin et l’ironie du sort veut que je te partage avec eux, parce qu’eux aussi ont besoin de toi.


Dans tes poches, insista-t-il, Combien as-tu dans tes poches, à l’instant ? précisa-t-il en l’encourageant à vérifier sur le moment, conscient qu’il était difficile de le suivre quand le chemin lui semblait limpide mais parsemé de troubles dont Etienne ne pouvait mesurer que l’ampleur sans en effleurer le sens, ses doigts indiquant d’un tapotement l’emplacement sur lequel il voulait voir s’empiler les pièces nobiliaires jusqu’à ce qu’elles apparaissent, prenant le temps de les compter avec une insolente lenteur.
Sept écus, dix-huit deniers, annonça-t-il en jouant de l’index pour achever le fil de son addition en se repenchant sur le vélin pour poursuivre son paragraphe tout en reprenant le fil de la conversation où il l’avait arrêtée.
Tu as su me remplacer au pied levé sans que rien n’en pâtisse, ni le bordel, ni les affaires les plus délicates et pour ça, je n’ai pas encore eu l’occasion de te remercier. Je sais aussi que tu as engagé beaucoup de fonds pour me retrouver… Si Etienne n’en avait rien dit, certainement plus pudique que soucieux de préserver sa fortune aux yeux du chat qui en avait eu un aperçu au travers de l’appartement dans lequel leurs chemins s’étaient croisé à la faveur d’un hasard parfumé, Hubert avait étoffé son rapport d’assez de précisions pour qu’Alphonse recoupe les informations jusqu’à les éclaircir et dispose du tableau d’ensemble qui s’était peint durant ses sept jours de captivité. …Je sais également que tu l’as fait sans rien attendre en retour et je saurais m’en souvenir.
Il releva un regard portant en lui l’allégeance à cette promesse, conscient qu’il tenait en lui la même flamme qui avait brulé son amant jusqu’aux limbes et qu’il saurait, s’il le fallait, braver chacun des maux qui entraveraient leur chemin.
Il tourna le vélin vers l’attention du Griffé sans quitter son regard en lui demandant :

Qu’en penses-tu ?




Je, soussigné, Alphonse Tabouret,

Déclare céder l’Aphrodite, ses affaires en cours et le livre de ses fournisseurs pour la somme de sept écus et dix-huit deniers au Sieur Etienne de Ligny.
Le Sieur de Ligny s’engage en contrepartie à respecter les lois en vigueur au sein du commerce en ne ponctionnant aucun pourcentage aux employés de la maison Haute et Basse, condition, qui si elle n’était respectée se verrait sanctionnée par la perte immédiate du bien au profit de son ancien propriétaire pour la somme exacte de sept écus et dix-huit deniers.

Fait à Paris le 21 avril 1462

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Etienne_de_ligny
Etaient-ils sérieux ? Lui et son parchemin ? Sous la lecture de ces mots apposés sur le vélin le Griffé hausse un sourcil. Dubitatif et réticent, il inspire doucement et jauge le Félin de ses iris dépareillés. Comme dit, il n’avait agît de la sorte sans espérer de retour, sans espérer que l’Aphrodite lui soit remis pour une somme si insignifiante et dérisoire. Ce bordel est bien plus qu’un lupanar, il est un vestige du passé, un idéal, un refuge familial…Son refuge. C’est entre ses murs que le Griffé avait assumé son addiction aux courbes du comptable, c’est sur ce bureau que tout avait commencé. Son entretien où il avait su briser les entrailles d’Alphonse par mépris et couardise. Ce jour-là, le Griffé n’avait rien assumé, de son plaisir jusqu’à son attirance. Les couloirs il avait appris à les connaître au rythme de son désir et de ses regards posés, ci et là, sur le corps du Félin. Passer outre son déni fut un apprentissage de longue haleine où la patience et l’appétit d’Alphonse furent soumis aux caprices et au tempérament lunatique de l’animal et leur passion houleuse avait raisonné au cœur du bordel. L’Aphrodite était l’histoire d’un humaniste, le passé d’Alphonse mais également son présent à ses côtés. L’héritage est trop lourd en signification, trop lié à l’histoire de Son Amant pour en être l’héritier. Etienne avait veillé sur sa survie non dans l’espoir d’en obtenir les clefs mais uniquement car c’était son devoir d’amant et d’homme fidèle aux investissements. Tous avaient laissés leur empreinte, ils ne pouvaient pas laisser l’établissement livré à lui-même et si les talents du Félin l’avaient poussé à épouser les livres de compte, la pertinence d’Etienne l’avait conduit à devenir un meneur provisoire.

Alphonse...Je suis touché mais…Je n’ai pas fait cela pour ça.D’un geste il replie le parchemin et le remet entre les mains du comptable.L’Aphrodite c’est ton Histoire, bien plus que la mienne. Si tu n’avais pas eu cette mésaventure, tu en serais encore le Gardien….Je crois sincèrement que tout cela s’enchaine trop vite et que tu te sens encore redevable pour quelque chose qui pourtant, n’engendre à mes yeux aucune dette.
    C’est pour toi,
    C’est pour eux,
    Mais aussi pour Moi que je l’ai fait.


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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
La réticence d’Étienne ne l’étonna pas, pas plus que le refus stigmatisant le parchemin lorsqu’il le repoussa, égrenant les explications qu’il croyait s’opposer à cette décision quand toutes s’agençaient aux devoirs comptable, narguant à la logique nobiliaire les volutes d’une volonté bien plus lointaine qu’il ne l’imaginait. Quentin avait été le passé de l’Aphrodite, Alphonse son présent, et de Ligny portait à son front l’horizon du futur, simple continuité dont chaque étape s’inscrivait si nettement aux tempes félines qu’elle amena un sourire à ses lèvres, jusqu’à lui donner l’impulsion du mouvement, quittant l’assise du fauteuil pour venir faire face à Etienne, le surplombant légèrement quand celui-ci restait appuyé au bureau, la dextre gagnant le cou , effleurant le col ouvert de la chemise pour s’approprier la chaleur de la peau quand il se penchait jusqu’à trouver sa bouche, mêlant les souffles sans un mot, mordillant à la langueur d’un attardement, la lippe échauffée pour finir par murmurer , au trait du sourire qui s’y dessinait imperceptiblement :

Si je te suis redevable ce n’est pas de m’avoir remplacé ici même, ni d’avoir su gérer les affaires en cours sans que la maison n’en pâtisse … Il s’interrompit un instant, la prunelle prise sous ses paupières closes par l’image de son Autre lors de la première seconde de leur rencontre au salon cossu de l’Aphrodite, beau, et encore insignifiant, prédateur en devenir et devenu. Je te suis redevable d’être entré dans ce bureau, de t’y être perdu et d’être pourtant revenu, d’avoir lutté jusqu’à te vaincre toi, moi, et même les autres… Ils avaient passé des mois à se jauger dans une méfiance salée, à se céder dans la honte, la colère et l’incontrôlable mépris de leurs désirs jumeaux, corps nés pour se trouver et se fondre, jusqu’à accepter l’inéluctable besoin qui les poussait continuellement l’un vers l’autre, pantins jetés au déséquilibre de leurs croyances les plus chères par l’appétit diffamatoire de leurs lubies déviantes. La brusque séparation orchestrée par Leozan les avait précipité dans un enfer insoupçonné quand ils en étaient encore, amants balbutiants, à apprivoiser le temps partagé aux remous d’une complicité nouvelle, et, à son retour, avait posé entre eux ce que les mots ne feraient jamais, l’un taiseux, l’autre fier, aiguisant le serment de la brulure à celui du baume.
Je te suis redevable d’avoir cru, Étienne… Un second baiser se dispersa sur la ligne des secondes oubliées, le corps félin du comptable cherchant instinctivement la chaleur de l’autre dans le frôlement des ventres, s’émouvant immanquablement de sentir au travers des tissus précieux, les lignes plus ou moins épaisses qui balafraient le corps de son amant, dispersant sur sa peau, l’histoire d’une vie sans lui. Il quitta à regret le souffle gémellaire pour chercher son regard fracturé, un sourire doucement impertinent venant animer ses lèvres d’une courbe lascive, poursuivant à l’attention de son Autre, les entrelacs d’une explication qu’il devait entendre.
J’ai été éduqué pour servir, compter, prévoir et je me suis attelé à ma tâche sans même penser qu’il aurait pu en être autrement… J’ai servi ce bordel à chaque instant, j’ai compté ses recettes tous les soirs, et j’ai prévu à l’instant même où je me suis assis à ce bureau le premier jour, qu’il viendrait un temps où cet endroit saurait marcher sans moi…
L’Aphrodite n’a plus besoin d’être gardée, Etienne, elle a besoin d’un maître et nous savons tous les deux que ce n’est pas le rôle qui m’incombe.
Les doigts valides de la dextre s’enfouirent à la base de la nuque, gagnant les cheveux bruns quand le regard perdurait à se mêler aux astres vairons et que la senestre attelée remontait le contrat rédigé quelques instants plus tôt, faune supplicié d’avoir son amant si proche et de devoir d’abord mener cette entrevue à bout, puisant dans ses résolutions les plus tranchées pour ne point céder à l’envie qui irradiait fatalement sa chair à la proximité du Griffé, loyal, volontaire à parachever un temps pour en voir éclore un nouveau.
A quoi as-tu envie de croire, maintenant ?
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Etienne_de_ligny
Il insiste. Le corps du Félin se dresse, surplombe et les mains du Griffé accueillent ses hanches alors que celle d’Alphonse vient se poser contre sa nuque pour lui voler une caresse. La lippe est mordue, le murmure avoué et Etienne inspire doucement afin de canaliser cette chaleur qui envahit ses braies. L’Animal est fourbe et au-delà des mots, voilà qu’il aguiche et embrase comme un courtisan d’exception. Un sourire s’étire sur la bouche du Griffé alors que malgré les distractions, celui-ci l’invite à la concentration. Tout était une histoire d’espérance et de volonté, il avait cru. Simplement en l’Aphrodite, en ces idéaux, en ce que la bâtisse représentait et possédait de plus cher : ses occupations, cette famille unique. Plus les justifications se perdent, plus le Griffé assimile et comprend le choix du Félin.

J’ai prévu à l’instant même où je me suis assis à ce bureau le premier jour, qu’il viendrait un temps où cet endroit saurait marcher sans moi…
…L’Aphrodite a besoin d’un Maître.


Qu’est ce qui lui faisait croire qu’il en avait la patience et le langage ? Impulsif et franc, le Griffé était loin d’être diplomate et conciliant. Sa franchise avait déjà eu des effets regrettables et vu la clientèle, il serait plus prudent de nommer un homme patient et habile à la tête de l’Aphrodite. Le Comptable était cet homme, qu’il le veuille ou non. Il savait être conciliant, posé et user des mots avec délicatesse pour ne pas froisser noblesse et bourgeoisie. Le Griffé n’avait quant à lui aucune considération quant à ces classes et à ces rangs et combien même son Seigneur venait à lui manquer de respect, il ne pliera pas l’échine pour autant. Il était loyal, serviable mais surtout insoumis.

Finalement, les paroles du Félin reviennent à ses tempes en une interrogation qui pour lui en appelait une autre. Il croyait en eux, en l’Aphrodite, en chacun de ses courtisans qui s’étaient réfugiés au cœur même du bordel mais c’est en Lui que le doute s’immisçait. Et s’il n’était pas à la hauteur ? Et s’il faisait tout foirer par sa verbe acerbe ? Il n’a pas ce tact. Le Griffé saisit alors la dextre de l’Amant pour le contraindre à retrouver ce contact qu’il semblait fuir et ses mains se logent contre l’échine et la nuque du Chat pour qu’enfin ses lippes regagnent celles de l’Inverti. Les entraves se fixent à la chair animal pour qu’enfin la réticence et la frustration se dissipe. Prisonnier entre ses mains, le bassin plaqué à même le renflement de ses braies, le Griffé abandonne les lèvres de l’Amant pour lui poser une autre question. Plus personnelle.

Je crois en Nous, en Eux et en l’Aphrodite. Mais je connais sa véritable valeur et je crains de n'être prêt pour en assumer chaque dérive. Je n’ai pas ton tact, ton aisance avec les mots, ta patience…Je suis celui qui pourra par sa répartie blesser l’orgueil du noble et du bourgeois, qui pourra entacher la réputation du bordel par son indocilité. Qu’est-ce qui te fais croire que j’en ai l’étoffe ? Pour être un chef, il ne suffit pas d’avoir cette prestance, il faut également savoir faire preuve de finesse dans sa verbe et de diplomatie...
...Je ne suis pas aussi habile que toi Alphonse.


Les paroles s’abandonnent, inquiètes à l’oreille du comptable alors qu’il remet en question sa propre nature. Il est un insoumis, un homme qui après avoir obéit pendant plusieurs années, qui après avoir mis de côté jusqu’à ses désirs profonds pour assumer ses responsabilités fraternelles, désirait être libre à nouveau. Il ne veut plus courber l’échine devant la noblesse et les ordres. La Royauté, il l’a suffisamment servit et son corps en porte encore les stigmates.

Je n’ai pas ta patience, Alphonse…
    Ho non, je ne l’ai pas et ces braies tendues en sont la preuve. Je sais le sujet sensible et sérieux et pourtant, je peine à contrôler ce désir. Tu sais que rien ne m’empêche de te prendre et de discuter en même temps de la finalité de l’Aphrodite. Tu sais même que mon plaisir n’en serait que décuplé…

    Résistes-tu d’ailleurs à cette main qui contourne tes hanches pour venir se glisser, impatiente dans tes braies pour en saisir ta roideur. Sens-tu mon envie et mon désir d’interdit ? En tout cas, je sais que tu peines à te contrôler toi aussi…n’est-ce pas ?

Apprends-moi la Diplomatie…

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Je ne peine pas, je meurs.
Je meurs de toi, Etienne, chaque fois que le moment ne s’y prête pas, chaque fois que nos obligations nous scindent, chaque fois que je te perds de vue, uniquement pour mieux renaitre sous tes mains, ta bouche, ton appétit... Je ne peine que pour me rassasier, effroyable monstre que ta concupiscence embrase jusqu’à la folie, je ne peine que par gout de la délivrance, pantin masochiste que tes envies absolvent…


Le membre sollicité frémit d’une impatience impossible à dénaturer, délavant les tempes félines pour n’y laisser que le fracas d’un désir brusque, échouant en une inspiration savourée à sa gorge. Depuis leurs retrouvailles, les nuits des amants s’étaient dissoutes dans l’entrelacs des bouches et des mains, noyant la nacre en gorge ou dans leurs mains jointes, retardant l’inégal plaisir d’être entier l’un à l’autre, au rythme enflammé de leurs reins, la convalescence attardant une moue désapprobatrice sur l’apothéose de leurs envies
Aux lèvres d’Étienne, le monde n’existait plus, relégué à un ailleurs lointain, à un horizon dont les braises semblaient froides quand les mains qui se posaient sur lui le brulaient, Icare têtu, imbécile et avide de sentir à sa peau le solaire de son astre, prêt à chuter encore et toujours si cela lui assurait qu’un infime instant, que cette brulure ne soit destinée qu’à lui. Étreint entre les mains propriétaires de son autre, il succombait, conscient mais équilibriste orgueilleux, aux dessins du ventre jumeau, écho lancinant de sa propre faim dont les affres apparaissaient au moindre contact s’attardant à leurs jeux les plus communs et pourtant tenus en laisse depuis son retour. Les secondes s’effacèrent au profit d’un autre temps, renfermant les amants aux fils de leur enlacement, précipitant dans un chaos neuf, la pression des doigts à la chair, le froissement du tissu assourdissant les tempes et le souffle mêlé jusqu’à manquer en guise de première réponse. Perdant le flux de ses pensées au profit d’un grognement de plaisir sous l’affront de la main nobiliaire à ses braies, il s’y attarda, perdant à l’oreille jumelle son souffle nervuré d’une lascive fébrilité jusqu’à l’apprivoiser et retrouver à sa bouche l’usage des mots. La main se crispa à la nuque du Griffé pour la tirer doucement en arrière, contemplant son visage dans un calme insolent, trahi par le frémissement perceptible à son sourire et la lueur de son regard, feu follet concupiscent embrasant ses prunelles


Crois-tu que je les ai soutenus eux pour t’abandonner toi ?, demanda-t-il en se perdant dans ce visage dont il ne se lassait pas et qui lui faisait face, céleste un instant, tant par l’assurance qui prônait fièrement à sa moue que dans l’étrange quiétude qu’elle distillait à ses temps quand son monstre, corrompu par l’excitation, tirait à s’en rompre le cou, la cohorte de frustrations le tenant en laisse, filin fragile, désuet, ridiculement disproportionné face à la gangrène qui ravageait ses braies et enflait son envie sans plus aucune pudeur.
Sais-tu en quoi je crois, moi, Etienne ?, poursuivit-il à mi-voix en amenant sa senestre pansée à hauteur de sa bouche, attrapant entre ses dents le bandage ceignant les attelles pour l’en défaire, retrouvant une mobilité douloureuse mais qui lui semblait à ce point vitale à cet instant ci qu’elle effleura tout juste sa perception, découvrant les doigts encore tuméfiés s’ils avaient désenflé et raides de leur attachement constant aux bâtonnets de bois tombant au sol.
Aurait-il voulu s’expliquer le besoin de toucher Étienne entièrement qu’il n’y serait pas parvenu, ému par l’inquiétude de son amant, touché par ce doute, si plein d’une vie qu’il ne devait qu’à Lui qu’elle fourmillait à vouloir se l’approprier au-delà de la souffrance, épice prenant la gorge et noyant la rigidité de l’âme dans la faiblesse de l’autre. La dextre relâcha sa prise pour rejoindre la senestre au cordon des braies, égrenant la suite de ses propos dans un temps que la braise consumait fatalement, voix hachée par les incartades des lèvres mâles aux jumelles.

Je crois en toi… Tu apprendras en temps et en heure… En attendant, je parlementerai, je patienterai, je sourirai pour toi… Vu le montant de mes honoraires, cela sera bien la moindre des choses, le taquina-t-il quand la senestre abimée s’appropriait la hanche à même la peau et que la dextre venait, insidieuse, propager la chaleur de son mouvement à la raideur dessinée, première leçon de diplomatie distillée dans la ferveur des négociations… Assume tes responsabilités, j’assumerai les miennes…
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Etienne_de_ligny
L’équilibre se trouve entre cette attraction intenable et cette raison, cet esprit indompté et méprisant et celui de l’Amant, posé et habile. Le Griffé et le Félin. La manipulation destructrice et perfide qui s’apaise sous la manipulation fourbe et perverse. Une main se glisse dans les braies, envieuse tandis qu’une autre en saisit déjà le mystère. Les cheveux sont tirés en arrière, l’appétit est provoqué mais pourtant, Etienne se contient, pour Lui et sa santé. Désir et frustration. Les opposés s’attirent et se détruisent à coup de verbes alléchantes et de prises électrisantes, le corps est saisit, le frisson paralyse son échine tandis que les lippes dévorent, happent celles de l’Amant. Alphonse provoque, attise et l’équilibre si fragile se rompt.
Il était Sa raison et il agissait tel un Poison. L’équilibre est une chose fragile. Il tempère les frustrations et les envies, rassure l’Irraisonné par des paroles sensées, corrompt la Rage d’un Griffé par une Patience Féline.

Mais sous cette main qui s’empare de sa roideur, Etienne inspire difficilement. Il devait l’apaiser, calmer l’excitation et non l’embraser, calmer l’Envie bestiale en le confrontant à Ses blessures et Sa fragilité, mais non…Alphonse rompt les entraves de la Raison. Ainsi soit-il. Qu’importe alors les paroles qui détonnent désormais avec le geste qui s’imprime sous ses braies, les plaies du comptable sont, le temps d’un instant, oubliées.

Sombre fou....

Doucement, le Griffé repousse l’Amant pour lui intimer l’ordre de prendre sa place et l’échine se plie. Les braies de l’Autre sont descendues et la frustration fait place à la dégustation. Depuis sa disparition, le courtisan s’était vu privé de son amant et si l’inquiétude avait irradié ses envies, les nuits passées à ses côtés l’avaient envahi de mauvais sentiments. Le désir de le posséder, de l’entendre soupirer et gémir s’était transformé en supplice irraisonné, ses gestes avaient été retenus pour ne pas le détruire mais las, sa patience n’avait que trop durée. Il était celui qui tempérait, celui qui apaisait les maux parfois trop crus et amers et si, cette main perverse, ne s’était pas glissée dans ses propres braies, Etienne aurait continué à prendre sur lui. Acte manqué ? Désir ardent ? Geste assumé ? Alphonse avait mis un terme à cette trêve et la langue et les phalanges ennemies s’empressaient d’y répondre avec ardeur.
Les soupirs peuvent à nouveau envahir les murs et ses gestes passés et forcés pouvaient être pardonnés. Dans ce bureau, il lui avait pris les reins avec rage et mépris, désormais, c’est lui qui, attentif et aimant, se laissait guider par Ses soupirs et Ses soubresauts. Le chemin avait été long, chaotique et salvateur, cheminé de manipulation et de violences passionnelles et charnelles. L’Aphrodite l’avait vu grandir, son déni avait été assumé et son Amant avait été protégé et vengé au-delà des Abysses.

Il lui faisait confiance et il n’en attendait pas moins. Si son souhait était donc qu’il reprenne l’Aphrodite, il acceptera. Ensemble, ils y arriveront. L’insoumission face à la diplomatie, la droiture face aux compromis, la force face à la sournoiserie…Les opposés se complètent et Etienne ne comptait nullement perdre une deuxième fois son amant.

J'accepte.

L’Aphrodite leur permettait de vivre sans craindre le regard des autres, sans mêler le mépris et l’ignorance à leurs envies perverses, la menace du bûcher aux envies sodomites et libertines. Les infidèles jouissent de leurs lubies, se perdent dans leur expériences malsaines et pour l’heure, la bouche griffée emprisonne la frustration.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Alphonse_tabouret
Étienne à genoux… Il en avait caressé l’idée longtemps, le gout de la revanche en bouche, les desseins de la colère nichés à chacun des gestes qui les avait amenés au fracas, jubilation mauvaise qu’il avait pensé abreuver à la noirceur d’une rancune aussi lascive qu’incontrôlable et pourtant, à l’instant, il n’en restait rien d’autre qu’un lambeau diffus, un souvenir lointain, balayé par un temps neuf, par des vérités plus vives que les mensonges auxquels ils s'étaient rattachés par crainte, orgueil, devoir, mêlant leurs étendards dans une guerre qui les avait blessés autant que rapprochés…
Étienne à genoux n’avait plus rien de l’humiliation à laquelle il avait voulu le soumettre, mais tout de l’absolution, compatibilité incompréhensible de deux âmes que tout avait toujours séparé et qui, aux lisières de leurs nerfs, avaient succombé l’une à l’autre sans plus s’attarder à la mesure ânonnée par un passé vicié puisqu’elle n’avait au palais, que le gout de la défaite, des chaines imbéciles, floraison saumâtre des parfums d’un temps devant lequel ils avaient baissé les armes. Le chemin avait été long, périlleux, souvent douloureux, toujours vorace, et déroulait dès lors, l’étendue d’un horizon sulfureux, tendre, violent, à la mesure d’une lutte qui n’avait plus le parfum de la conquête mais celui de la possession, avançant sans plus de craintes depuis qu’ils percevaient, impensable et pourtant tangible , l’écho de leurs cœurs abimés.
Aux heures les plus aigres, il s’était juré de poser une poigne de maitre à la chevelure noire, mais c’était une main fébrile qui cueillait l’arrondi du crane quand le plaisir explosait à son ventre sous la gangue de la bouche mâle, chavirant un temps la tête en arrière, les yeux clos, emporté par l’opacité vive d’une cohorte de diables déchiquetant les contreforts de son inébranlable patience jusqu’à la laisser désossée, squelettique, poussière à la moindre brise à venir. Au silence temporaire du bureau, filtra le bruissement de sa gorge, libérée des entraves de la raison, du devoir, des recommandations, l’abandonnant tout entier au divin supplice griffé et à la confusion qu’il dispensait à ses nerfs. Il était l’Équilibre quand son Autre revêtait l’apparat du Chaos, l’apaisement quand la violence tapie dans la chair nobiliaire s’enhardissait d’un coup de sang, la façade courtoise masquant la conquête des choses illicites, et devant Lui, devant Son visage, sous le joug de Ses mains, sous la concupiscence de Sa langue, il perdait toute retenue, se dévêtait de chacun de ses costumes pour n’être plus que lui, monstre aimé, tyran désiré, chat domestiqué, tour à tour braise, brulure, baume et grève, et dans la fuite éperdue des minutes alanguissant le corps tout entier des saveurs du stupre, il n’était plus que magma d’émotions , le ventre en feu, capturé à la bouche amante, attardant son supplice, porté par l’expertise attentive du courtisan se l’appropriant, les nerfs s’enrobant d’un savant mélange de coton et d’acide.

La signature verbale du contrat se perdit dans une vague plus lancinante qu’une autre, rouvrant les yeux faunes au fil d’une animale décharge, irradiant son membre d’une envie d’illicite, d’immédiat jouant le long d’un frimas charnel enserrant ses tempes jusqu’au chancellement, et de sa main valide, apposée au front de son amant, le repoussa doucement en usant de ses dernières résolutions pour ne pas jouir à ses lèvres, se perdant un instant, le souffle court, aux fractales de Ses prunelles, écartelé par la palette de couleurs des braises mordant sa chair, la mâchoire crispée quand sa gorge palpitait, muselant les saccades de son souffle dans un sifflement léger.
La souffrance de sa coté cassée et les os encore douloureux de sa main finiraient bien par se rappeler à lui mais pour l’heure, il n’y avait plus rien que le feu grégeois du regard amant, que la lune gangrénant les prunelles jusqu’à la damnation, que le besoin le plus pur, dénué de ses faux semblants, mû par ce sentiment invincible que la source de toute chose était là.
Cueillant la nuque pour ramener le Griffé à hauteur, le chat s’appropria les lèvres salées, le ventre endurci d’un horizon de plénitude plaqué à son double, invitation sans plus de mesure à prendre ce qui était à lui, mêlant les souffles jusqu’à la perte, enfouissant le nez dans le cou épicé pour y dispenser la morsure, cherchant à rompre les limites encore visibles aux lignes de la conscience. Six mois auparavant, c’était dans le déni et le viol que c’était faite leur rencontre, et désormais, à l’ombre du mois de mai, c’était le goût de l’osmose, capable de pousser dans la fange la plus sordide, qui reprenait ses droits, foudroyant les bonnes mœurs de l’un, les frontières endeuillées de l’autre, pour ne plus être qu’un, sélénite, amoureux.


Signe
, chuchota-t-il à l’oreille jumelle d’un ton rauque, pressant, quand la senestre redécouvrait encore maladroite mais résolue, les aspérités du torse male, électrisant la chair, embrumant les tempes, perdant les derniers grammages de la raison en entrapercevant la plénitude qui ne le saisissait que quand leurs corps s’emboitaient aux rythme de leur lubies, les lèvres habillées d’un sourire perverti depuis longtemps à leurs fantasques étreintes, prédateur et proie à la fois, épris de ces instants où la soumission et la domination n’avaient plus aucun sens, dénervées par l’exigence des sens à se dissoudre de concert, affublant l’esclave de la couronne, et le maitre du sceptre, échangeant les rôles dans la certitude que l’un sans l’autre n’existaient tout simplement pas. Signe-moi, conclut-il d’un murmure fauve, crevant de le sentir à lui, en lui, et de pactiser au-delà des mots et des lettres pour n’être plus que flammes, tourmentes bienheureuses et absolution dans le soulagement d’une jouissance n’appartenant qu’à eux.
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