Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP Fermé] Paroles d'hommes

Alphonse_tabouret

Hubert avait eu gain de cause, et depuis quelques jours maintenant, une nouvelle recrue arpentait les murs de la maison basse, formée spécialement par le maitre de la garde lui-même. Les affaires de l’Aphrodite étaient florissantes, et loin de satisfaire des hommes tels qu’Hubert dont le principal métier était de toujours rester sur le qui-vive, cette nouvelle notoriété n’allait pas sans de nouveaux risques. Alphonse était certes un jeune homme prudent mais même s’il apprenait vite, il n’était pas de ce milieu-là, et tout comptable qu’il soit, son ton conciliant et ses jolis sourires ne suffiraient pas toujours à le sortir de situations délicates. Il lui fallait de la poigne, et l’homme de main avait trouvé son bonheur récemment, en discutant avec quelques anciens camarades de guerre à l’occasion d’un verre ou deux. Suite à ça, le comptable avait bénéficié d’une garde rapprochée qui l’avait laissé aussi saisi que muet, et désormais dans l’ombre du chat, lorsqu’Hubert trouvait cela nécessaire, la silhouette de Médéric, suivait, haute, impressionnante, jamais bien longtemps silencieuse.

Ce soir-là, la Maison Basse faisait le dos rond, les oreilles basses, les crocs à portée des lèvres, attendant depuis la veille déjà, une cargaison précieuse et importante qui devait servir à régaler les hôtes d’une soirée toute particulière qu’on leur avait demandée et dont les festivités s’ouvriraient à minuit. Plusieurs gamins s’étaient succédés dans la journée pour avertir que la livraison prenait du retard à tel endroit, avant de se voir retenue par autre chose un peu plus loin, si bien que l’exaspération avait gagné le comptable qui avait choisi d’attendre lui-même sa marchandise. Si ce qu’Hubert prenait pour des sursauts de virilité de la part d’Alphonse quand il ne s’agissait pour le comptable que d’un simple échange de commerçant à commerçant visant à remettre les choses à leur place, avait tout pour lui plaire, la nouvelle ne l’avait pas non plus enchanté se sachant lui-même occupé sur une autre tâche. Alphonse avait eu beau argumenter la présence du Castillon dont la marchandise importait plus encore pour son bar que pour lui-même, il lui avait tout de même collé dans les pattes sa nouvelle recrue avec une sérénité telle qu’Alphonse en avait souri.

Dans la cour, le comptable, adossé à l’un des murs, silhouette étirée et nonchalante, les oreilles aux aguets des premiers bruits qui viendraient les avertir de l’arrivée de la marchandise, persistait à regarder droit devant lui, ressassant les choses à faire une fois que ceci serait fini, refusant de prêter la moindre attention à Adryan, ni même au garde, s’absorbant, volontairement dans une attente qui devenait de plus en plus longue

_________________
--Mederic


Il renifla. Alla fouiller de la langue dans une moue animale un relief qui lui était resté coincé entre l'incisive et la canine, le mâchouilla trois fois l'air maussade avant de décider de le cracher, une expression de satisfaction indifférente sur le visage comme en ont les prédateurs à les fins des repas.

Mouais...

Médéric à la différence de nombreux autres qui ne pratiquaient pas davantage mais pour un résultat le plus souvent calamiteux, était doté d'un talent providentiel pour son métier : il n'avait que très peu besoin de réfléchir. Surnommé Pythagore par ses supérieurs pour sa résolution magistrale du théorème à double coups de têtes au carré sur l'audacieux qui avait osé le traiter d'hypoténuse, il avait couronné sa démonstration par ces mots « t'as ton compte ? » que le professeur étendu avait aussitôt validés, le compte était bon : deux têtes au carré égalaient le coté de l'hypoténuse porté sur le carreau ; consacrant pour toujours le garde mercenaire au statut de philosophe
.

… Jvais leur dinguer du pied dans le dargeot à ces frelampiers, vont tellement carillonner des molaires qu'on pourra chercher des oeufs de Pâques.

Médéric par la suite n'avait jamais démérité : grand praticien de la géographie dans l'espace et de la pensée vectorielle en raison de sa capacité de conduire en toute situation un poing, un genoux, un coude ou bien sûr une tête dans la face de l'adversaire, il avait participé de part le royaume tour à tour bandolier ou soldat à toutes sortes de coups fourrés, fumants ou foireux, se découvrant un second génie pour sortir vivant des situations les plus contraires.


M'est avis, Patron, qu'on devrait leur donner du moulin à chinfreneaux, déjà pour le principe, c'est important le principe... pour le principe... et puis ça nous donnera un espoir de réjouissance pour moisir à les attendre. Y feront moins les donzelles pour dépogner une ristourne quand ils pourront se renifler la glotte avec le blaire.


Toutefois s'il était deux qualités, hors de sa maîtrise des armes et de son approche débonnaire de la violence, qui valaient à Pythagore d'être toujours en vie, elles se trouvaient dans la réunion d'un physique moins colossal que ses congénère et d'un instinct qu'on eût cru arraché à un goupil.
Doté d'une complexion inférieure à la moyenne des gens de sa profession, il en gagnait une vélocité rarement égalée et plus vive encore lorsque, cuirassés, l'adversaire devait déplacer à chaque mouvement la lourdeur du métal que lui imposait sa taille. Cette stature cependant n'enlevait aucunement au garde une musculature qui pour être sèche en était particulièrement rude et qui rangeait Médéric parmi ceux dont le heurt aigu du petit orteil sur le coin du pied de la table faisait longtemps crier la table.

Ah mais j'y suis, chef ! On va d'abord rigoler un peu, on va leur foutre les genoux en castagnettes et les faire trembler du troufion dans la culotte à glouglou* !

Médéric partit aussitôt dans le quartier des garde et s'en revint heureux, fier et ravi, coiffé d'un casque assez unique.

Regardez ce que j'ai trouvé dans la salle d'armes !

Ses sens associés à son expérience lui rendaient évidente l'approche du danger. Sachant aurer comme d'autres clignent des yeux, il pouvait lire une démarche, jauger un regard, appréhender une posture. Il percevait d'instinct la retenue d'un pas qui cherche à se feutrer, la densité singulière d'un autre camouflant le poids d'une armure. Il voyait comme s'il se fût agi d'une meute de loups en plein jour la distraction matoise de quidams badaudant dans le secret du groupe de sicaires en manœuvre d'encerclement. Cette vigilance naturelle ne l'avait jamais trompé, à ceci près néanmoins qu'elle souffrait d'une petite exception...




Médéric s'avança d'un pas pour tenir la posture appropriée, jambes écartées, sourire carnassier, l'alfange tenue dans le poing et balançant doucement dans l'attente vorace du moment fatidique.
Ce mouvement pourtant fut soudainement interrompu et proprement gelé sur place jusqu'à ce qu'il reprît la parole à voix sourde.


Nan mais r'gardez-moi ce coquefredouille comment il godille ! Morbleu encore un ! Il avance pas, il bourlingue du cul comme une vache en rut ! Nom de... foutre dieu de bordel ! TARLOUZE ! Nan mais vous savez quoi, patron, y en a de plus en plus de ces petits malins à se bouffer des mâts de hune par le foc arrière. Y croient que je les vois pas ces garcelins mignoteurs du foiron. A croire qu'il y a un nid de tafioles dans le quartier. J'm'en vais leur boucher le cafard à grands coups pelles avec leur tête ouais ! Va falloir que j'enquête.

* culotte à glouglou : expression délicate et splendide empruntée à Céline
--Adryan
Si souvent le Castillon se demandait ce qu’il foutait à l’Aphrodite, cet après midi là, la question ne se posait même plus tant la réponse l’aurait accablé. Mais par chance, quelques vapeurs de la drogue malicieusement distillée par Fleur dans une bouteille de bourdon flânaient encore dans ses veines, et même s’il faisait les cent pas, agacé par l’attente, il restait d’un calme placide, presque encore débonnaire.

Et du calme, il en fallait, pour d’une part rester à tourner en rond quand le Castillon détestait prendre son temps et que la soirée s’annonçait chargée, et quand d’autre part l’attente interminable devait s’accompagner de la présence du comptable, dont les traits s’ils lui paraissaient tout aussi désirables que la veille, s’étaient vu délester durant les quelques heures de sommeil qu’il avait pu s’accorder de la majeur partie de l’entente bon enfant que la drogue avait tissée, fourbe complice.

Mais pourtant Adryan restait suspicieux. Pour Alphonse, à n’en pas douter, les stigmates toxiques de la potion étaient persistants. Comment sinon aurait t-il pu embaucher… ça ? Cet être gesticulant et musculeux, tout juste vexant par sa simple présence, comme si le comptable et le barman ne savaient pas se défendre seuls. Et le Castillon taiseux ressassait l’offense. Mais la panacée chez cet homme était sa langue. Il semblait purement et simplement incapable de se taire, et pour le solitaire, c’était épuisant.

Vêtu avec un soin particulier pour camoufler les traces de la beuverie trop récente, cachant les traits tirés de son visage sous une élégance sobre, sombre mais d’un rare raffinement, il ne relevait le nez que dans l’espoir de voir le chargement enfin arriver, se concentrant sur le claquement sec de ses bottes pour étouffer les élucubrations du demi-colosse.

Mais lorsque celui-ci ramena sa fraise coiffé d’un casque improbable, le nobliau n’eut pas d’autre choix que d’arrêter son piétinement et figé de stupéfaction, sourcils dressé dans un ahurissement rarement égalé, ne put que regarder. Mais le plus étrange dans cette scène rocambolesque fut qu’il chercha ensuite le regard d’Alphonse, sans que les restants de drogue n’y soient pour quelques chose, réflexe frisant la complicité devant l’improbable à l’état le plus pur. Et même si le regard gris cueillit le visage du flamand caché sous une main se voulant discrète, le rire qu’elle cachait était palpable malgré les propos tenus par le cerbère. Le Castillon se gratta la tête, incapable de savoir au final laquelle des attitudes des deux hommes face à lui était la plus incongrue.

Et d’ailleurs, à n’en pas douter, devant l’invective, si Adryan n’avait pas encore baigné dans les reliquats de l’euphorie, certainement se serait-il rué sur le garde, indifférent aux muscles saillant sous le costume, pour lui faire ravaler ces mots qui lui crachaient en pleine face sa propre honte sur la nature ondulant sournoise dans ses veines et qu’il s’appliquait avec tant d’acharnement à museler.

Et à cet instant ci, s’il en avait eu conscience, il aurait pu chanter les louanges de Fleur sur tous les diapasons de lui épargner un sale coup dans le nez, mais surtout au final de se trahir par une colère toute délatrice. Et ce fut finalement l’ironie qui l’emporta.

Reportant son attention sur le garde, sourire habilement travaillé pour paraître plus courtois que narquois approcha de quelques pas le ridicule couronné.
Voilà qui est bien dit ! Je suis des vôtres. Puis se tournant vers le comptable, Alphonse, vous en serez aussi n’est-ce pas ?
Alphonse_tabouret
La journée avait été dure, martelée dès le réveil par ce seau fracturant le sol du bureau et éveillant les deux hommes torses nus au beau milieu de la pièce.
Comment ils en étaient arrivés là, le comptable n’en avait aucune idée et n’arrivait pas à remettre en place les éléments les plus basiques pour se l’expliquer, mais au fond ce n’était pas tant l’explication à cette scène nauséeuse qui avait de l’importance mais ce qui s’était passé durant la soirée. Il avait eu beau essayer toute la matinée de remettre les choses à leur place, il n’entrapercevait que des bribes éparses s’effilocher à peine il les touchait du doigt, déversant des images incongrues dans la dévastation de ses tempes.
Et le pire résidait dans cette étincelle chatouilleuse qui ne le quittait pas depuis le réveil, ne se l’expliquant pas quand il aurait si facile de comprendre que son corps mettrait encore quelques heures à purger l’insidieuse farce de l’herboriste et que pour l’instant, il gardait en séquelle son crane ravagé et ce rire idiot qui berçait son ventre, filigrane ténu mais pourtant bien là, cancer de bonne humeur dans l’âme si peu expansive du chat.

Il aurait certainement pu tenir le temps de l’attente et plus encore, exercé à garder pour lui la moindre trace d’humanité pour exaspérer autant que servir les autres avant lui-même, mais Médéric venait appuyer avec une précision diabolique sur les relents toxiques qui bruissaient encore à ses tempes. En temps normal, peut être lui aurait-il juste causé un mal au crane qu’il aurait oublié dans un verre d’alcool et le garde aurait eu droit à une amabilité courtoise lui demandant le silence pour parfaire la réflexion, mais maudit par l’herboriste, enchainé malgré lui à un état de presqu’ébriété quand il n’avait bu que de l’eau, assoiffé, toute la journée, il se trouva absolument démuni devant le flots de paroles qu’ils recevaient, lui et le parasite quand ils auraient pourtant souhaité que le silence le plus glacial s’installe à nouveau entre eux, paisible, rassurant, presque chaleureux.


M'est avis, Patron, qu'on devrait leur donner du moulin à chinfreneaux, déjà pour le principe, c'est important le principe... pour le principe... et puis ça nous donnera un espoir de réjouissance pour moisir à les attendre. Y feront moins les donzelles pour dépogner une ristourne quand ils pourront se renifler la glotte avec le blaire.

Le sourire se crispa aux lèvres pour les retenir de s’agrandir et surpris un instant, le comptable porta le regard sur Mederic, presque émerveillé et surtout, décontenancé de sentir son ventre gagner en frissons pour menacer sa gorge. La suite n’arriva même pas à ses tempes, le chat groggy, en proie à quelque chose qu’il ne connaissait que trop peu pour le tenir correctement, menacé par un impitoyable fou rire, cherchant, au plus profond de lui dans ses années de servilité docile de quoi résister à la vague qui le menaçait. Lorsque Mederic tourna les talons il se crut sauvé par la divine grâce du Très Haut, trouvant dans cette rédemption tout aussi inattendue que le fléau qui s’était abattu sur eux un signe distinct que ce serait finalement peut etre une bonne soirée, mais rapidement les pas retentirent de nouveau dans la cour et Mederic, revint, fier comme un Artaban sans gout, beau comme un paon égaré, à la fois splendide et terrible.
La bouche du flamand s’entrouvrit quand il laissait perler une exclamation dans sa langue maternelle, sidéré autant qu’ébahi, laissant la lune tomber à ses pieds en se fracassant et les étoiles s’éteindre les unes après les autres dans un son d'oie agonisante… Fermant les yeux en penchant le nez au sol, cachant plus encore que dans l’obscurité du mur qui lui servait de nid, son visage crispé d’un rire qui enflait savamment à ses cotes, le chat ramena une main devant son visage et l’y enfoui, incapable de résister plus longtemps au démon dans son ventre, secoué par cet ennemi fatal : le rire.
Aurait-il régi autrement sans l’aide de l’Ortie ? Certainement, mais ignorant, victime sans coupable encore, Alphonse se trouva incapable de lutter quand le dialogue reprenait et souhaita s’évaporer d’un coup avant que sa gorge ne le trahisse.


Nan mais r'gardez-moi ce coquefredouille comment il godille ! Morbleu encore un ! Il avance pas, il bourlingue du cul comme une vache en rut ! Nom de... foutre dieu de bordel ! TARLOUZE ! Nan mais vous savez quoi, patron, y en a de plus en plus de ces petits malins à se bouffer des mâts de hune par le foc arrière. Y croient que je les vois pas ces garcelins mignoteurs du foiron. A croire qu'il y a un nid de tafioles dans le quartier. J'm'en vais leur boucher le cafard à grands coups pelles avec leur tête ouais ! Va falloir que j'enquête.

Voilà qui est bien dit ! Je suis des vôtres. Alphonse, vous en serez aussi n’est-ce pas ?


Relevant le nez, interloqué que le Castillon ne lui adresse la parole aussi directement, étonné par ses propos qui tiraient à la plaisanterie complice, achevé par l’enthousiasme casqué du garde, Alphonse posa un regard d’abord doucement humide sur le nobliau, répondant, un instant vacillant :

-Pardon ?
fit il dans réflexe aussi poli que surpris avant de reporter les onyx sur Médéric et de se faire à nouveau happer par le heaume monstrueux qu’il portait si fièrement, obligé de clore à nouveau les paupières et de prendre un air vaguement composé à se masser les tempes pour cacher au mieux le sourire qu’il n’arrivait plus à faire refluer, au supplice. Bien sûr, bien sûr, répondit-il après un raclement de gorge, secouant la tête, tournant sur lui-même pour tenter de cacher au mieux l’hilarité factice qui le menaçait, , réduit à chercher la salvation dans la pose du corps et surtout à délayer cette énergie folle qui le menaçait d’explosion. Un nid dans le quartier, j’entends, j’entends… Répéter les mots pour gagner du temps, et tenter de retrouver l’équilibre dérobé quand le comptable leur presentait son dos pour reprendre consistance, voilà à quoi en était réduit le chat pour survivre à cette apocalypse. L’air frais dans les poumons, un semblant de maitrise retrouvée, , incapable de résister à un coup de patte, se maudissant lui-même de jeter l’huile sur le feu quand il se sentait inflammable, à risque. Certains disent qu’ils portent des capes et des chapeaux improbables, cela vous aidera peut-être à les trouver plus vite ?... proposa-t-il en regardant Mederic dans un sourire faussement innocent aux lèvres , détaillant et la cape et le heaume dont il était affublé.
_________________
--Mederic



Aaah Adryan !, s'emporta aussitôt Médéric avec ferveur, Voilà un gaillard selon mon cœur ! Hey allez hey, le prochain qui passe, on lui met une fricassée à l'aïe, qu'on lui termine la gueule à la ratatouille du pied au coude jusqu'à ce qu'il gratine en croûton des deux côtés de la face !

Le garde se tourna vers Alphonse avec un sourire goguenard aux lèvres

Des galures et des capes ! Hahaha ! Patron, on voit bien que vous y connaissez que dalle ! Vous vous êtes jamais retrouvé fourré dans un guet-apens de folasses, vous !

Ah non c'est pas du tout ça ! Non, non, patron, les lopes sont fourbes et sournoises, mais pas toutes pareilles. Y a deux sortes de goins : y a les fiottes qui sont des vuiceuses malades tellement gouliafrées du boulard qu'elles se déguisent en femmes pour mieux tortiller des naches. On les reconnaît parce qu'elles couinent deux fois plus qu'une greluche à moinette devant une pine de bourrin. Ct'engeance là, ça mérite de se faire escoffier à la caillasse, qu'elles sachent une fois pourquoi elles couinent et pis qu'elles arrêtent de gigoter pour qu'on les regarde ! Rha les puterelles ! Mais c'est pas tout, y a pire, patron ! Y a les goins qui se déguisent en homme ! Si, si patron, ceux-là, deux fois qu'y sont perfides. On croit qu'y sont comme nous, y font comme si qu'ils étaient des nous, mais y s'insinuent partout, cte vermine, ils répandent leurs maladies, de la gangrène que c'est ! Ce genre de raclure est bien plus dangereux, y sont pas là pour se prendre du gâteau dans le four, eux ! Y sont là pour guetter le dargeot des autres et tenter de leur dénoyauter la cerise à la dégueux ! Moi j't'y collerais tout ça dans une marmite, ah foutredieu, à leur faire cuire les pendeloques au bouillon pour leur faire bouffer à ces cochons là !
Mais le mieux pour savoir, patron, hein dans ces cas là, le mieux pour savoir, vous leur collez une bonne bourrade, en camarade quoi, comme ça



Médéric se rapprocha alors d'Adryan pour lui « tapoter » l'épaule, la main épaisse comme une brique, d'un geste franc, bourru et enthousiaste
« aaah mon ami ! »
Paf ! Paf !Paf !
Voilà vous voyez ? Un dargeotin, il réagira pas normalement. Comme y prend les hommes pour des pintades au marron, il sera pas à son aise. Y sait pas ce que c'est que d'avoir des amis. Et comme ça vous saurez tout de suite !
--Adryan
Et c’était à Adryan de baisser le nez, de se mordre les joues pour ne pas pouffer comme le dernier des idiots devant la provocation à peine voilée du comptable. Si des relents de drogue n’avaient encore paressé dans son sang, le Castillon aurait certainement vomi tripes et boyaux de cette complicité secrète avec le flamand qui pourtant s’affichait si franchement. Mais quelque part dans le gris des yeux d’Adryan, deux soleils brillaient encore.

Néanmoins, soleils ou non, « l’amicale tapotage » d’épaules lui coupa net toute envie de rire. D’une part car les battoirs servant de mains au garde lui avait déboité l’épaule, d’autre part car Adryan ne supportait pas d’être touché par un homme ou même par une femme sans qu’il n’ait donné son assentiment, et ce pour des raisons bien éloignées que celles soulignées par le colosse. Noblesse oblige et plus si affinités.

Son regard, fugitivement glacé remonta vers le garde et d’une voix sourde assena.
Bougres ou non, si un inconnu s’aventure à me toucher, c’est mon amical poing dans la tronche qu’il recevra en retour. Mais le soleil semblait tenace et réchauffant le regard d’un rayon, un sourire franc arqua sa bouche. Mais nous sommes en honnête compagnie, lançât-il en tapotant sèchement l’épaule de son vis-à-vis en retour. Puis fronçant les sourcils, sembla entrer en profonde méditation. Mais méfiez vous, ils peuvent être encore plus fourbes que vous ne le pensez. Gardez en mémoire votre tapette amicale et regardez. Trois pas vers le comptable assortis de trois tapes, de toute évidence semblables aux précédentes, sauf sa main s’attarda sur la dernière, serrant l’épaule du flamand d’une poigne forte en la secouant doucement. Vous voyez, rien d’alarmant dans ce geste non plus. Pourtant, comment pouvez-vous savoir si la main d’un homme s’attarde dans une poignée amicale de vrais mâles ou par simple envie de toucher ? Il relâcha le comptable après avoir furtivement plongé dans son regard noir pour se tourner à nouveau vers le garde. Et bien vous être dans la moise car vous ne pouvez pas savoir, comme… son regard se fit volontairement suspicieux avant de s’éclairer d’une lueur sournoisement taquine, comme je n’aurais pas pu savoir pour quelle raison vous m’avez touché si nous n’avions été ami.
Alphonse_tabouret
Des galures et des capes ! Hahaha ! Patron, on voit bien que vous y connaissez que dalle ! Vous vous êtes jamais retrouvé fourré dans un guet-apens de folasses, vous !
Si tu savais, songea le comptable, transpercé une seconde ou deux par les bacchanales ivres de son adolescence partagées au contact d’une noblesse à ce point décadente qu’elle remplissait un salon entier de garçons sauvages (*) dont les envies furieuses n’avaient d’égales que les quantités d’alcools ingurgitées. La leçon de vie suivit, décomposant le visage d’Alphonse dans un étonnement croissant, oubliant, encore affaibli par sa soirée de veille saharienne, de cacher l’expression de son visage qui allait d’émerveillement en falaises abruptes. Mederic avait quelque chose, c’était certain. On ne pouvait décemment pas rester indifférent face à une telle créature, dont même le Très haut eut été en droit de remettre en cause la paternité, et s’il suscitait un effarement aussi net qu’épais chez le comptable, il ne se départissait pourtant pas d’une certaine fascination.
Mais le mieux pour savoir, patron, hein dans ces cas là, le mieux pour savoir, vous leur collez une bonne bourrade, en camarade quoi, comme ça
Il vécut la scène comme au ralentis, et cette fois, nullement à cause de l’Ortie et de ses facéties mais parce qu’il existait dans la vie des moments suspendus où l’on sentait que le sol pouvait s’ouvrir en deux et faire disparaitre en son sein toute l’absurdité qui défie le monde. La bouche d’Alphonse s’arrondit quand son bras se tendit, geste bien inutile en voyant la main de Médéric prendre de la hauteur, devinant le mouvement qui allait suivre, mais fut englué à la fois par le cours du temps qui s’accéléra d’un coup, abatant la main du garde sur l’épaule du Castillon et par cette curiosité maladive qui trouvait dans ce spectacle, une des choses les plus fascinantes qu’il ait jamais vu.
aaah mon ami !
Paf ! Paf !Paf !
Voilà vous voyez ? Un dargeotin, il réagira pas normalement. Comme y prend les hommes pour des pintades au marron, il sera pas à son aise. Y sait pas ce que c'est que d'avoir des amis. Et comme ça vous saurez tout de suite !

Le mélange qui s’en suivit trouva alors un parfum si irrésistible que le comptable sentit tout son corps se secouer d’une sensation qu’il maitrisait à ce point mal qu’elle avait l’art de le tétaniser en public, mais l’air bonhomme de Mederic, convaincu de sa bonne action au travers de sa démonstration, et le visage figé du nobliau achevèrent de déclencher ce que le casque avait éveillé. Plaquant ses mains à sa bouche pour empêcher le son qui menaçait sa gorge, le brun dans un accès de volontarisme imbécile tenta de lutter en retenant le son qui sortait de ses lèvres, le transformant en un pouffement sifflant qu’il tenta habilement de noyer dans une fausse quinte de toux…

Bougres ou non, si un inconnu s’aventure à me toucher, c’est mon amical poing dans la tronche qu’il recevra en retour. Mais nous sommes en honnête compagnie. Mais méfiez-vous, ils peuvent être encore plus fourbes que vous ne le pensez. Gardez en mémoire votre tapette amicale et regardez…
Parfois, les mots pesaient lourds, ou bien ne valaient rien, et certains n’existaient que dans l’association fugace des idées. Les mots « tapette amicale » achevèrent le flamand qui accusa la main d’Adryan sur son épaule par deux fois, la troisième tenant de l’étau, avec une bonhommie contaminée par l’hilarité qu’il coinçait à sa gorge et dont toute la brillance se reflétait dans les yeux humides qui croisèrent ceux du Castillon, dans le mélange enivré du rire, releguant un instant le malaise à ce qu’il le voie comme ça.
Vous voyez, rien d’alarmant dans ce geste non plus. Pourtant, comment pouvez-vous savoir si la main d’un homme s’attarde dans une poignée amicale de vrais mâles ou par simple envie de toucher ?. Et bien vous être dans la moise car vous ne pouvez pas savoir, comme… comme je n’aurais pas pu savoir pour quelle raison vous m’avez touché si nous n’avions été ami.

Les mains quittèrent la bouche pincée d’un effort terrible lorsque la démonstration d’Adryan s’achevait et dont la lippe modula la voix d’un enthousiasme inattendu de la part du comptable.

-Oui Médéric, la démonstration à une faille… Ne serait-il pas possible de convenir d’un code plus efficace ? C’est que je n’y connais rien moi
, fit il en accentuant une moue faussement boudeuse à ses lèvres pourtant encore humides d’un rire contenu, lissant volontairement son visage d’un air sensuellement féminin quand chaque courbe accusait pourtant une virilité sans faille… il y a des chances que je me fasse caresser sans même m’en rendre compte… expliqua-t-il en laissant trainer un air vaguement ingénu sur son visage avant de le laisser s’éclairer d’une idée, jonglant sur le timing précis de la mise en scène qu’il avait en tête. Tenez que pensez-vous de ça ? Profitant du Castillon à côté, il se plaça en face de lui, tournant presque complètement le dos à Médéric, lui offrant un trois quarts assez visible pour suivre, mais aucune lisibilité sur son visage crispé de cette émotion joyeuse qu’il connaissait mal et tachait de noyer autant que possible. Paumes ouvertes, il planta un regard fugitivement complice, encore altéré de la veille, dessinant à ses lèvres silencieuses le nom d’une comptine d’enfant (**) , espérant que le Castillon ait eu dans sa vie une cadette ou bien une cousine assez proche pour le faire jouer à ce genre d’idioties. Lançant le mouvement dont il avait vu ses sœurs jouer jusqu’à l’infini d’après-midi tardives, il frappa trois fois des mains, suivi par Adryan et les deux hommes enchainèrent en quelques secondes la chorégraphie du premier couplet
Main droite contre celle du voisin
L'une contre l'autre
Main gauche contre celle du voisin
L'une contre l'autre
Mains droites, mains gauches, les deux mains

Alphonse tourna la tête vers Mederic, sauvé par la concentration du jeu dans lequel il avait réussi à puiser du calme en évitant soigneusement de croiser les perles grises d’Adryan, opposant un regard d’un sérieux terrible au garde, un sourcil haussé d’une interrogation qui semblait réelle :

Qu’en pensez-vous ?


(* William Burroughs)
(**Avec la permission de JD Adryan )

_________________
--Mederic


Médéric observa la démonstration d'Adryan, le visage concentré avant de rétorquer, déjà pris d'un mouvement de dénégation.

Non, non

Il agita un index qui mimait à la fois le refus et la désignation de choses contraires.

Ça se voit très bien, je suis pas d'accord. Quand je suis au bain avec les copains, ben on fait des trucs de camarades, c'est normal. On rigole. Si y en a un qui fait le béjaune, c'est-y qu'y va se retrouver savonné avec le balai en sorcière dans le biniou. C'est normal. Ah ça pour être transformé en crapaud, faut le voir gonfler des bajoues quand on le gigote dans la flotte. Haha ! Mais ça, c'est comme que de la fête de chambrée, c'est pas pédé comme un pédé, ça. Si on se fait sonner les quetzsches avec une serviette mouillée, c'est du pour rire. D'ailleurs venez si vous voulez un jour Adryan, on sera entre bon gars, vous verrez !
Alors que la lope, pédé comme un pédé qu'il est, elle va pas pouvoir s'empêcher de tenter un truc. C'est plus fort qu'elle, ça lui mignarde du ptit doigt, ça lui bave du rictus, avec ce regard de torve qui sent la chassie des nuits de foires à se farcir le viandard au boudin ! Vous le sentez cet air qui raconte « viens donc faire un tour dans le boccan que je te plume la basse cour à la binette, je vais te désangustier le roublard à t'en faire baler des guiboles et t'auras le cafotin fendillé sur les braises jusqu'à faire couler la résine ». ça c'est vriament pédé comme un pédé. Mais v'nez donc au bain Adryan, avec les copains on vous montrera, vous verrez qu'on peut pas confondre des hommes à poil qui chahutent et des fiotes qui se touchent.


Le patron prit alors la parole pour une autre démonstration. Médéric se prépara pour un nouvel effort de concentration comme le sujet était grave et méritait le plus grand sérieux. Son expression toutefois passa rapidement du froncement attentif à l'expectative, l'incertitude, l'incompréhension, elle frôla l'effroi pendant un instant avant de trouver l'illumination dans le scandale.
Il s'exclama aussitôt :


Alors là ! Alors là, patron ! Dites moi son nom ! Là on vous a roulé ! Z'aviez sûrement fumé de l'opium. Ah la salaud ! Ah la petite pute ! Dites moi son nom que je m'occupe de lui ! Ça, patron, c'est du pédé de pédé de fanfare ! À tous les coups il était déguisé en femme, l'enflure ! Ah le coquebin! J'vais lui apprendre à jouer avec les mains moi à ce cotterel d'honneur, je le ferai chévir à coups de cestes, j'vais lui défouir les tripes à la brosse à cheveux, il va rossignoler sur une autre chanson l' trouvère !
--Adryan
« Trois p’tits chats, trois p’tits chats, trois p’tits chats, chats, chats, chats. »

Certainement encore bien plus imbibé de drogue qu’il ne l’avait cru, Adryan suivit stoïquement la chorégraphie du flamand, replongeant dans un passé coloré où son enrubannée de petite sœur rose bonbon le harcelait jusqu’à ce qu’enfin il plie à jouer avec elle.

« Chapeau d’paille, chapeau d’paille, chapeau d’paille, paille, paille, paille. »

Tant concentré à sa chorégraphie, presque fier de pouvoir ainsi étaler sa culture artistique, si appliqué qu’il pinçait le bout sa langue entre ses lèvres pour ne louper aucun enchainement, le Duc de Castillon, duelliste dans l’âme, bretteur accompli, sanguinaire à ses heures dévoilait ses talents cachés indifférent au grotesque de leur duo improvisé.

« Paillasson, paillasson, paillasson, -son, -son, -son »

Et incroyablement, une lueur de défit toute enfantine passa dans son regard quand il accéléra le mouvement, curieux de voir si le Flamand saurait tenir la cadence.

« Somnambule, somnambule, somnambule, -bule, -bule, -bule»

Mais il perdit. Devant le refus du garde à applaudir leur prestation, il loupa le fameux et ô combien complexe « une paume vers le haut, une paume vers le bas » et manqua de justesse de recevoir ladite paume du brun dans la poire. Agacé d’avoir failli, il se tourna vers le garde, l’œil mauvais.


Comment ? Vous insinuez que Messire Tabouret ici présent est homme à se laisser embobiner par l’opium ? Pensez vous réellement que la drogue suffise à le faire flancher au point d’embrasser une bouche mâle et détestée? S'offusqua t-il alors que ses lèvres étaient encore pleines de la saveur de celles d’Alphonse. Je ne peux y croire !

Mais au loin, un brinquebalement capta son regard, enfin la charrette et sa précieuse livraison apparaissaient au coin de la ruelle.
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)