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"N'abandonnez pas, Lucie. Toujours, je serai là pour vous. Cerberus vigilat."

[RP] Il n'est plus grande gloire que de mourir d'amour.

Lucie

Les réalités se mêlent. Elles se succèdent, se chevauchent, se coupent. Je suis perdue. Laquelle est vraie ? Dans laquelle suis-je réellement ancrée ? A quel livre ma vie est-elle inscrite ?


    Réalité.

Après-midi sous les poiriers en fleur. Le ciel est tapissé de fleurs blanches. Tout est doux. Tout est beau. Le vent qui apaise nos corps brûlants. L’herbe qui nous fait un lit. Et ta peau. Ta peau contre la mienne ; tes mains à mes hanches, à mon front ; le sel que je cueille à ta bouche ; tes mots à mon oreille. Je suis sûre de moi pour la première fois : j’ai trouvé. Je T’ai trouvé. C’est toi qui manquait, toi qui de ton absence me trouait la poitrine, toi sans qui la vie n’avait pas de sens. Je te tiens maintenant. Là, au creux de mes bras, contre mon ventre, contre mon sein amoureux. Tu m'apaises. Tu me soignes. Contre toi j’arrête d’être une poupée brisée. Ne bougeons plus. Faisons de cette heure notre avenir. On a déjà vu de pires condamnations à perpétuité. Sois Cyrus pour l’éternité, je resterai fleur du printemps, je resterai Bahareh.

    Réalité.

Il n’y a plus de couleurs à voir, plus d’air à respirer. Un blizzard épais me prend à la gorge, me dévore. Je suis enfermée dans une cage de verre sombre où une seule vérité a encore le droit d’exister : Maximilien est mort et le nom du monde est souffrance. Je veux le retrouver. Je me heurte aux parois, me lance contre elles pour les faire exploser. Sans succès. Je hurle. Je l’appelle. Mon amour, attends, j’arrive. Je vais te sauver. On va rattraper tout ce qu’on a raté. Je te dirai que je t’aime un million de fois pour toutes celles que j’ai manqué. Mon amour, attends, je pars avec toi. Ne me laisse pas, surtout, ne me laisse pas. Dans ce monde, ce qui me faisait tenir, c’était l’espoir que tu sois heureux. Ailleurs, loin de moi, tant pis. L’essentiel c’était de croire que tu allais bien, que tu étais sorti d’affaire.

    Réalité.

La chapelle est de pierre blonde. Le soleil dégouline sur ses murs pâles, sature l’air, rend tout plus brillant. Il y a des fleurs blanches partout. Dans mes cheveux, à ta boutonnière, au sol. La plus belle danse à quelques pas de nous. Rose, charmante, minuscule, étonnée par tout ce qu’elle voit. Dans ses boucles blondes, j’ai tissé une couronne de pâquerettes. Tu la rattrapes, la soulèves, la fais tourner dans les airs jusqu’à ce que vos rires couvrent tous les autres bruits du monde, puis tu croques son cou de baisers avant de revenir vers moi. Vers nous. En mon sein, nouvelle vie se prépare. Tu passes un bras autour de mes épaules. J’embrasse notre fille, puis toi. Regard menthe à l’eau contre le ciel de tes yeux. Ce genre de déclaration se passe de mots.

    Réalité.

Mon corps a rompu pour de bon. Je suis alitée, exsangue. Mes bras, mes mains perdus sur les draps blancs sont si maigres, si pâles, qu’ils semblent presque translucides. A travers la peau trop fine, on devine sans peine les os, les tendons saillants. Tout mon corps me fait souffrir. Parfois des soubresauts douloureux tordent l’orbe de mon ventre. Sur une autre il aurait l’air peu imposant. Chez moi il donne l’impression d’être excroissance monstrueuse, contre-nature, impossible. On vient souvent auprès de moi. Je ne suis jamais seule. On me parle, me dit des choses que je n’entends pas. Il y a des murmures inquiets, soucieux, aimants, tendres. Parfois on me touche. Je suis soignée, nourrie, lavée, caressée, pomponnée, choyée. Je ne réagis pas. Je ne réagis plus. Je n’y arrive pas.


Titre : citation de Gabriel Garcia Marquez
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Samsa
    "Allez je me laisserai pas tes bras baisser plus longtemps,
    Allez je ne lâcherai pas je ne lâcherai pas tu m’entends,
    Ça prendra le temps que ça prendra,
    Et ton combat tu m’entends c’est mon combat."
    (Arcadian - Ton combat)



Le choix avait été difficile : lui dire ou ne pas lui dire ? Il ne t'avait fallu que quelques minutes pour évaluer les conséquences de chaque choix et choisir celui qui, bien évidemment, n'était pas le plus simple. Ni pour elle, ni pour toi. Personne ne lui avait dit et, quelque part, ça t'avait révolté ; Maximilien était tout pour elle. Personne n'avait eu le courage de lui dire que l'Astre Solaire s'était à jamais éteint. Personne n'avait eu assez d'amour pour elle pour lui asséner le coup qui l’achèverait pour longtemps, toujours dans un sens. Ils avaient tous préféré se taire, lui laisser croire qu'Il allait bien, ou presque, ils avaient tous choisi de lui dire "plus tard", à supposer "quand Lucie se serait remise de la mort d'Eldie". Et quand ? Dans quelques mois, ou années ? Lucie aurait évoqué Maximilien et il aurait fallu lui mentir ? Tous étaient prêts à avoir le courage de lui mentir en face et lui infliger la pire blessure du monde, celle de n'avoir pas su. Toi, l'ignorance, elle a failli te tuer et tu en as déjà vu plusieurs mourir à cause d'elle. Lucie avait le droit de savoir. Alors, au courage de mentir et d'affronter ce que tu aurais égoïstement interprété comme étant une colère légitime plutôt qu'une blessure éternelle et une perte de confiance terrible, tu avais choisi le courage d'être celle qui lui dirait. Et tu lui as dit.
Peut-être étais-tu un corbeau de malheur, toi qui t'étais levée à son mariage, prédisant avant l'heure le désastre que cela serait, toi qui maintenant lui annonçais que l'Homme de sa Vie -Il était le tien aussi- était mort, mais au moins restais-tu fidèle à ta vision des choses et des relations à avoir avec ceux qu'on aime. Tu l'aurais sûrement déçue si tu n'avais rien dit. Ou bien Lucie aurait-elle compris. Tu en doutes. Tu ne sais pas. Tu n'as pas tenté et tu as parlé.

Le déni s'est emparé d'elle et tu ne l'as pas laissé faire, tu as immédiatement mis fin à ce refuge confortable qui mène à une folie définitive et à un espoir éternel. Tu as déjà l'espoir secret et irréalisable que Zyg revienne un jour, c'est suffisant pour que tu saches à quel point cela est dangereux sans qu'il y ait besoin d'y rajouter le déni. Chacun de tes mots ont détruit ton cœur en même temps que le sien car toi aussi, tu prenais pleinement conscience de cette tragédie avec eux. Tu ne voulais pas pleurer mais des larmes t'ont échappé, seule faiblesse à tes valeurs qui ont, du reste, été parfaitement respectées. Dignement, tu l'as soutenu, tu l'as empêché de se griffer jusqu'au sang, tu l'as maintenu contre toi, contre ton coeur qui battait à un rythme rapide, certes, mais régulier. Sans flancher, tu as séché ses larmes, humidifié son visage pâle, tes oreilles ont accueilli ses hurlements de douleur et de chagrin, ceux-là même que toi, tu ne sais pas exprimer. Tu as couvé sa carcasse quand elle s'est recroquevillée au sol, tentant naïvement de la protéger du reste du monde quand le seul poison était déjà en elle. Impuissante, tu as assisté à sa retraite psychologique, tu l'as vu partir dans un monde qui n'appartenait qu'à elle. Tu connais bien cela, toi aussi ; tu n'as plus prononcé un mot pour elle suite à cela car tu sais qu'elle n'entend pas et qu'aucun mot ne la ferait revenir. Tu l'as raccompagné quand elle s'est levée comme un automate et, depuis, tu restes près d'elle. Contrairement à d'autres, tu ne lui parles pas du temps qu'il fait, des vergers qui sont en fleurs, tu ne lui demandes pas comment elle va, tu ne reviens pas sur les mots que tu as dit, tu ne les corriges pas, tu ne lui dis rien de sensé pour la raccrocher à la réalité ; tu sais qu'elle en est déjà loin. Tu sais que le chemin qu'elle parcourt, il se fait seul, il est dur, il est long aussi. Tu le connais presque par cœur mais cela ne change rien.

Près de Lucie, tu es assise sur une chaise au niveau de sa poitrine. Tu t'assures de la faire boire un peu, de temps en temps, qu'importe si elle n'avale pas tout de suite, si l'eau coule le long de la commissure de ses lèvres, tu sais que le fait qu'elle soit partie dans un refuge de son esprit ne l'empêche pas d'avoir des réflexes comme respirer ou avaler. Parfois, c'est de la soupe -de carottes, mais pas uniquement- que tu lui donnes ; tu ne sais pas bien pourquoi mais c'est le plus difficile. Cependant, tu la laisses faire, toujours. Tu n'es pas de ces gens qui iraient enfoncer un bout de pain jusque dans l'estomac s'ils le pouvaient. Toi, tu respectes les barrières de l'esprit qui ont influence sur le physique. Le reste du temps, tu lui humidifies un peu les lèvres et le visage quand il fait chaud ; son corps, c'est tout ce qui est encore ancré dans la réalité en ce moment pour Lucie et c'est donc de lui que tu prends soin car c'est par petites touches qu'elle reviendra. Quand les choses vont au mieux possible pour son enveloppe charnelle, tu restes là, sa main dans la tienne, refermée doucement, ni trop lâche mais jamais avec une pression non plus. Tu ne cherches pas à la ramener, juste à lui faire savoir, où qu'elle soit, que tu es là, que tu l'attends mais que tu ne la presses pas. Et tant pis si, trop loin dans son refuge, elle ignore même cela ; il viendra le moment où elle sera assez proche pour savoir. Parfois, tu passes la nuit près d'elle aussi. La joue posée sur le rebord du lit après avoir voûté ton échine, ta main toujours dans la sienne, tu t'arranges pour que ta respiration d'endormie caresse sa main comme une brise légère, l'ancrer dans la réalité là-aussi, lui offrir, toujours, une corde de sortie ou une bouée de sauvetage si elle a envie de la saisir. Ce ne sera sans doute pas pour tout de suite mais qu'importe ; tu sais depuis longtemps que rien ni personne ne peut faire l’œuvre du temps.

Dans ton refus de lui parler comme les autres, il n'y a que cinq mots -six, avec ton tic de langage- que tu lui dis, quand tu dois t'en aller, que ce soit pour aller soulager un besoin naturel ou pour aller marcher, retrouver Shawie ou quoique ce soit d'autre :


-Je ne vous abandonne pas pardi.

Lui dire que tu l'aimes ne l'aiderait pas, l'enfoncerait peut-être. De toute façon, si elle ne s'en moque pas en l'instant, elle le sait. Alors ces quelques mots, à tes yeux, c'est tout ce que Lucie a besoin de savoir venant de toi.
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Madeleine_df
— Disclaimer : Attention les âmes sensibles, ce post contient des gros mots absolument pas dignes d'une princesse. —



- Et à ce moment là, le petit garçon pousse la sorcière dans le four, et elle meurt dans d'atroces souffrances, parce que c'est ce qui arrive aux gens qui pourrissent la vie des autres sous prétexte d'une honnêteté déplacée qui ne sert qu'à masquer leur propre culpabilité, ou leur propre incontinence verbale. Fin.

Elle sourit aux trois petits garçons qui étaient devant elle. Nathaniel, assis par terre et empilant distraitement quelques cubes tout en écoutant l'histoire ; à ses côtés Nicolas, pouce dans la bouche, qui semblait fasciné par sa génitrice ; et enfin Henri, dans les bras de sa nourrice, plus occupé à essayer de lui retirer sa coiffe qu'à prêter attention au récit. Des pas se firent entendre dans le couloir. Elle soupira. Enfin, l'autre se décidait à dégager le plancher. Madeleine avait déterré la hache de guerre, mais après concertation avec elle-même, s'était décidé pour une stratégie d'évitement plutôt qu'une confrontation directe. Lucie n'avait pas besoin d'entendre ses amies s'agonir d'insultes devant elle. Princesse attendait donc que la squatteuse aille faire ce qu'elle avait à faire pour aller s'occuper de son amie, ce qu'elle ne manqua pas de faire dans le cas présent. Se levant, elle cueillit le petit Josselinière dans ses bras.

- Allez Henri, avec moi. Cerbère la Mégère a enfin daigné enlever ses sales pattes de votre maman.

Et ce n'était pas peu dire ; Madeleine vivait avec l'extrême frustration de se dire que Samsa était toujours là, vissée comme une sangsue, et privant ainsi Crocus des bons soins que seule une véritable amie pourrait lui apporter : Elle-même.

La voie étant libre, elle se glissa donc dans la chambre de Lucie, tentant au passage de se former une aimable composition. Oh, au début ce ne fut que douces paroles et gentilles caresses. Elle déposa Henri dans le creux du bras de sa mère, espérant que peut-être quelque chose en elle réagisse. Examina la jeune femme, et puis la lava en petits gestes tendres, tout en babillant sur Limoges, les potins, le royaume, et surtout, la reine qui ressemblait de plus en plus à un porcelet. Et puis elle vit un bol de soupe de carottes, cela l'agaça. Elle s'en prit vertement à une servante, et ordonna qu'on fasse plutôt monter un bol de bouillon gras. Puis elle se cogna l'orteil à la table de chevet, et c'est le petit Livre des Vertus qui y était posé qui vola par la fenêtre ouverte. Elle était à point. Toute prête à dépasser les bornes. Et lorsque son regard se posa une nouvelle fois sur Saint-Jean, elle se fendit d'un dialogue à une voix :


- Il faut toujours que tu fasses tout mieux que les autres, pas vrai ? Ah ça, y'a pas à dire, en matière de deuil tu assures. Eldie meurt, tu te laisses crever de faim, au mépris même ta santé et de celle de ton enfant. Maximilien crève par dessus le marché, et là c'est vraiment le clou du spectacle, la léthargie ! Non vraiment les pleureuses peuvent aller se rhabiller, là on est dans de la vraie tragédie qui prend aux tripes ! Va-t-elle mourir à la fin ? La vie sera-t-elle plus forte que tout ? Non vraiment chapeau ! Et puis cet air moralisateur quand j'ai eu le malheur de rire l'autre jour... "Vous ne cherchez pas Dédain ? Je vais le faire-moi même alors, parce que je suis Lucie et je fais tout mieux que tout le monde !" Bordel, mais est-ce que j'ai le droit de m’effondrer, moi, alors que je suis déjà occupée à porter tout le monde à bout de bras ? Faire en sorte qu'Eldearde n'aille pas rôtir en enfer, recoudre Arry, l'empêcher de se foutre en l'air, demander à tout le monde de mentir parce que je savais pertinemment que ça se terminerait comme ça... Et bien non évidemment il a fallu que MADAME Samsa aille faire son intéressante ; et en plus maintenant il faut que je gère les terreurs des gamins, alors que Dieu sait que je déteste les enfants, et parlons-en de Dieu tiens ! Jamais là quand on a besoin de lui, par contre pour emmerder le monde là y'a de la divinité au balcon ! Voue-lui ta vie, vas-y ! Crève de trouille à l'idée d'aller en Enfer ! Ne fais pas un pas de travers ! Tu vois comme tu es récompensée, Madeleine ?!

Elle reprit son souffle.

- Et Dédain. Parlons-en de Dédain. Il n'est NULLE PART. Ni à Paris, ni dans aucun de nos fiefs, ni à Sainte Illinda, ni dans tout autre endroit où il aurait été plus ou moins logique qu'il soit. Alors je fais quoi, moi, hein ? J'envoie des cohortes d'hommes fouiller tous les fossés d'Europe pour voir s'il n'y serait pas crevé quelque part, parce qu'il aurait trébuché dans un nid de poule comme la putain de LOPETTE qu'il est ? Alors ouais je ris, je ris parce que si je fais pas semblant que tout va bien moi je deviens folle, et après moi je me pends. Ou non plutôt, soyons un peu originale, j'me jette d'une falaise, ça c'est encore inédit je crois ! Alors non, désolée, mais tout le monde ne peut pas se payer le luxe de jouer les mater dolorosa, et tant pis si c'est pas digne de vous ou des putains de convenances. Merde.

Impossible de savoir à quel moment exactement elle s'était mise à pleurer. Les larmes avaient simplement jailli sans qu'elle n'y prête attention, elle ne s'en rendit compte que lorsqu'elle s'essuya machinalement le visage du revers de la manche. Retour du petit garçon dans ses bras.

- Allez Henri, on s'en va.
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Nathaniel.zolen

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Le sombre de la chambre lui fait battre des cils.
L'enfant cligne deux fois et attend sagement, dans le cadre de la porte, que l'obscurité veuille bien se dissiper. Il n'a pas peur du noir, le gosse pusillanime qui s'effrayait de son propre souffle quand seule la fraîcheur bucolique des fleurs le pouvait rassurer. En vérité, il n'a plus peur de rien et c'est avec indifférence qu'il avance désormais parmi les parterres bourgeonnants du jardin : le pire est déjà survenu. L'abandon de la mère. L'ultime rejet. L'apostasie suprême.
Maman a joué les filles de l'air. Où est-elle maintenant ? Il n'en a que faire. Elle n'est pas là et elle ne le sera plus jamais : voici tout ce que Zolen fils a compris, tout ce qu'il rejette, tout ce qu'il hait.

La marraine, elle, est infaillible. Et si le père lui accorde de nouveau la caresse d'un regard, il n'y eut pendant longtemps que l'odeur de jasmin et le doux creux d'un flanc. La main de Saint-Jean se découvre moins froide, moins longue, que celle de la maternelle envolée, mais elle demeure néanmoins une main à la sienne crochetée. Même lorsque, haussant son petit menton, le mormillon voit les larmes déborder le saillant d'une pommette trop pâle, la menotte reste, opiniâtre, inébranlable. Le daron s'écorche aux abîmes de son désespoir. Il recouvre de rouge le noir de son deuil. Les bras qu'il referme sur son chiard ne sont déjà plus pleins des effluves de sa femme, pas plus que les draps du lit marital, et Nathaniel a beau enfoncer son nez dans la chemise de lin, il n'y trouve que les senteurs de la fin.

Cependant, depuis deux jours, la protectrice a elle aussi disparu : elle s'est allongée et ne se relève plus. La Princesse de France comble le vide comme elle le peut, à coups d'histoires (plus ou moins) jolies, de regards concernés et de sourires douloureux. Mais le manque est cruel et le cœur juvénile ne peut souffrir, couplée à l'absence de la génitrice, celle de Pimprenelle.
Sous les petons du garçonnet, le plancher grince à peine. Il ne lui offre d'ailleurs que la pointe de ses pieds, n'ignorant point qu'il est bien malpoli de tirer du sommeil les adultes endormis. La couche trop haute ne daigne lui présenter que le profil familier de la gardienne épuisée. La cabèche brune penchée sur le côté parait percevoir, nonobstant sa frêle jeunesse, le triste distinguo : ce repos là n'est pas celui d'un simple dodo. Sourcils froncés d'une moue contrariée toute héritée de sa mère, l'orphelin de nouveau délaissé se voudrait boudeur quand pourtant ne naissent que les pleurs.

A son tour, il serre entre ses petits doigts perdus la senestre de la sentinelle rompue.


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Lucie
J’ai oublié quelque chose. Le sentiment persiste sans que je parvienne à mettre le doigt sur la pièce qui manque au puzzle. Figée sur le pas de la porte, éblouie par le soleil de quatre heure, je remonte ma journée à l’envers, je la fais défiler dans un sens puis dans l’autre. J’inspecte les détails de ce jour, cherchant la tâche au milieu de mon bonheur.

Goûter. Rose a eu des sablés, j’ai bu une infusion. Des miettes sur le bois verni de la table, des effluves mentholées montent dans la cuisine. Sieste. La nourrice a son après-midi de libre, c’est toi qui va la coucher. Je vous entends débattre de l’histoire qui doit être racontée. Fin de matinée. Je reviens, éreintée, de ma rencontre avec des métayers. Souliers balancés, je me glisses entre tes bras. Indolent, sourire sardonique au bord des lèvres, tu chasses les problèmes d’une réplique. Petit jour. Je mets de l’eau de jasmin dans mon cou, tu y poses une série de baisers. Des frissons courent partout sur ma peau.

Où est le problème ? Qu’ai-je oublié ? C’était important, je crois. Vital même. Je l’ai su autrefois, j’en suis certaine. Distraitement, je serre le poing. Ma paume est chaude comme si présence invisible, tendre, fragile, me tenait la main.


- Maman ? L’est où papa ?

Je baisse les yeux. A côté de moi, sa petite main potelée posée à mon poing fermé, Rose m’observe, une boucle blonde barrant son front délicat. De la voir, mon coeur fond, se fait amour pur, s’élance vers elle. J’arrête de m’inquiéter. Pourquoi le faire quand mon monde n’est que bonheur parfait ? Me penchant je souffle un baiser à son crâne parfumé de miel et de blé.

- Venez ma petite fleur, nous allons le chercher. Je crois qu'il était à la bibliothèque.
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Arry
    Dégagez dimzelles & loupiots, Zozo est dans la chambrée.

    Enfin. Pour la première fois depuis que Saint-Jean pataugeait sévère dans le délirium, il avait traîné sa carcasse usée jusqu’à son chevet. L’eau de vie sifflée à bonnes rasades l’avait grandement aidé à passer outre la trouille qui lui bouffait l’estomac rien qu’à l’idée de franchir le seuil de cette fichue porte et il était là, piqué comme un couillon à observer Marquise-au-pieu-dormant, l’esprit engourdi, à deux gorgées de rendre ses tripes et frôlant la crise d’angoisse. Il n’aurait pas dû venir, il n’aurait pas dû voir ça. Parce que tant qu’il ne l’avait pas vu de ses propres yeux, il pouvait encore tâcher de se convaincre que ce n’était pas vraiment vrai. Qu’elle avait seulement besoin d’être seule, de se reposer, d’encaisser au calme le deuil de Maximilien. Que, sous le coup de l’inquiétude, Madeleine avait amplifié les choses, que Samsa jouait au Cerbère zélé en rodant dans le coin aussi souvent et que son fils ne venait visiter sa marraine-chérie que pour exhiber fièrement de la bouillasse de fleurs & lui gratter des sourires bienveillants. C’était tellement plus simple de faire l’autruche que d’affronter la réalité. Tellement plus faible, certes aussi, mais bigre de plus confortable.

    Arry cligna des mirettes à plusieurs reprises et se frotta d’une main agacée ce minois qu’il avait désormais de salement marqué par un mois de régime sec, de graille comme de sommeil. Aux premiers coups d’œil furtivement jetés sur la comateuse, il avait eu la (très) désagréable impression de revoir son épouse clamsée à sa place et fallait fichtre qu’il cesse avec cette image morbide s’il voulait être capable de respirer correctement. Il se força à bouger ses petons qui lui semblait alors peser dix-huit paquets de nougat pleins pour y regarder d’un poil plus près & le palpitant calmé une fois la frimousse mieux décernée, il finit par poser un cul dans le fauteuil installé près de l’alitée.

    - Juré qu’si vous avez l’culot d’claquer en ma présence, j’vous fais empailler et j’vous plante dans l’jardin.

    La tirade s’était voulue claquante, assurée, sarcastique mais elle était sortie faiblarde, d’une voix cassée que le Zolen avait en horreur. Et les minutes s’égrenèrent, longuement, fichtre de longuement sans qu’il ne dise rien de plus. Il ne renouvela l’expérience qu’après avoir vidé sa flaque d’alcool.

    - Savez, y’a des jours où ça m’aurait bigre d’pas dérangé qu’vous dégagiez d’ma vie. Après tout, j’ai jamais d’mandé à c’que vous y entriez. J’ai d’mandé que dalle. C’est vous qui vous êtes radinée en Limousin, en ma fichue ville de merde pour me choucave ma dimzelle. Vous, avec votre couronne de fleurs et votre air d’pincée du bulbe. Au bout d’trois jours, Kierkegaard vous encensait d’jà comme si vous étiez une émissaire d’Deos. C’était à moi d’lui faire pépiter les mirettes, d’lui tirer du sourire à gogo et d’la couvrir de cadeaux, mais nan, il a fallu qu’on partage. Puis, j’en sais rien. Plus vous montiez dans son estime, plus j’me vautrais misérablement. J’accumulais les bourdes, j’étais un compagnon, un mari total’ment foireux, exécrable, lunatique et égoïste et vous, vous, vous faisiez toujours tout bien avec elle. Toujours les mots qu’il fallait, toujours la personne à qui elle pouvait s’confier, toujours l’épaule sur laquelle s’appuyer. J’étais l’bourreau, vous étiez l’baume. Vous êtes dev’nue la marraine d’mon rejeton, la suz’raine d’mon épouse. Vous grattiez d’la place. Sans cesse plus d’place. Beaucoup trop d’place. J’ai cru que j’allais vous encastrer contre un mur la première fois qu’vous m’avez servi du « Mon vassal ». Le deuxième fois aussi, et peut-être même la troisième. M’enfin, si j’avais eu l’malheur d’vous critiquer trop vertement ou d’vous rentrer trop méchamment dans le l’lard, Elde m’aurait à coup sûr tiré la tronche pendant un paquet d’temps. Et.. j’y t’nais pas.

    Il soupira doucement et réajusta d’une paluche malhabile le bandana dans sa tignasse. Il n'avait plus l’habitude de jacter autant d'un même coup - hormis sur la tombe de sa nana - et, l’émotion en prime, ça lui vrillait de la corde vocale. Putinasse de cauchemar sans fin. Il reprit, malgré tout, parce que quitte à vider son sac, mieux valait tej’ le maximum.

    - J’sais pas trop pourquoi j’vous lâche tout ça maint’nant. Sûr’ment parce que j’suis bigre d’pompette et qu’vous êtes paumée au milieu du brouillard. Entre nous, ça fait un moment qu’j’ai arrêté d’vous considérer comme un nuisible. Un sacré moment d’ailleurs. Qu’on s’le dise, vous restez une plaie. Vous êtes chiante, hautaine et absolument foireuse en matière de réconfort. N’empêche qu’vous vous êtes décarcassé l’fond’ment pour prendre soin d’ma famille et j’crois.. j’crois qu’j’ai fini par vous considérer comme d’la famille. Vous savez, la belle-sœur casse-pieds ? Ouais. Ben c’est vous. Et avec du r’cul, j’suis content qu’ce soit vous. J’suis plus capable d’jouer au gus qui s’en bat les jumelles d’tout, de t’nir la façade alors que ça m’brouille sévère les sangs d’vous voir ainsi. J’ai davantage chialé en un mois qu’durant vingt-six piges, j’suis une putinasse d’loque et.. j’peux pas, j’peux juste pas gérer si vous êtes pas dans l’coin. Eldie et Guise sont probablement avachis sur du nuage en train d’siroter du Chablis en s’foutant d’la gueule du monde. On les r’joindra, sûr qu’on les r’joindra. Mais pas tout d’suite. C’est pas eux qu’ont b’soin d’vous d’suite. C’est Henri, Nathaniel, Madeleine, Samsa et même cet éclopé du ciboulot d’Deswaard, qu’importe où il soit terré à l’heure qu’il est. Vous avez pas l’droit d’me laisser avec c’bourbier. C’est à vous d’vous coltiner les parties d’croquet avec Madeleine, les caresses d’la truffe d’Sam et ce s’ra aussi à vous d’bassiner Nathaniel quand il s’ra en âge d’troncher la gamine du fermier.

    L’alcool battait fort contre ses tempes et il déglutit péniblement avant de poursuivre son monologue.

    - J’me doute qu’si vous rev’nez, ce s’ra jamais comme avant. Qu’y’a une partie d’vous qu’est cramée pour d’bon. Mais promis qu’j’suis prêt à vous supporter même si j’dois m’bouffer dans la tronche que j’cause comme une racaille, m’sape comme un grec et graille comme un crève-la-dalle. Y’a aussi moyen que j’me casse l’tronc à vous obtenir du vin blanc à deux milles ronds la bouteille et que j’me paye d’nouveau du r’pas d’Noël avec vous. Juste.. soyez pas garce Saint-Jean, putain. Ram’nez vous d’ce bord.

    Il ne pouvait décidément clôturer sa tambouille verbale ainsi. Nan, ça sonnait trop pathos. Il fallait ajouter une pincée de subtil, de classe, de raffiné, du :

    - Si vous crevez, j’irai baiser votre biquette sur votre tombe. Avec un cactus.

    Là. Là, c’était mieux. Là c’était du Zolen millésimé.

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Henri_dj

    Je m'ennuie un peu. Maman me manque. La nourrice n'a pas sa douceur et les grands airs de ma marraine me font peur, parfois. Ou m'impressionnent, souvent. J'ai d'ailleurs l'impression d'avoir un début de vie qui défile devant moi sans que je puisse m'y raccrocher. Pourtant, j'aimais bien le calme serein de Corbigny dans les bras de Maman. Elle passait tant de temps avec moi, du levé au souper. J'étais ce lien qui la faisait vivre et même aimer la vie. D'autres ont tenté de détruire ce lien.


    Vous rappelez vous, Corbigny, Mère ? lui dis-je lorsqu'on put en placer une entre le remue ménage de Princesse. Evidemment, ça ne donnait rien. Et je ne su jamais si elle n'avait pas compris à cause de l'empressement du départ de Madeleine, de ses siestes intenses et sans moi ou encore de ma timidité juvénile. Ma marraine m'apprendra. Pour l'heure, je tends simplement les bras vers ma Maman en espérant qu'elle saisisse et cet élan d'amour du fils pour celle qui lui a créé tout un univers et mon envie de la revoir m'emmener aux jardins.
    A Corbigny, les fleurs sentaient très bon. Maman m'y portait souvent et elle sentait bon aussi. J'appréciais ce calme pour y déclamer toute ma verve : une colère parmi tant d'autres. Je ne voyais que peu ma nourrice et c'était mieux. Après cela, venait nécessairement la sieste, elle et moi. C'était un moment complice où rien n'aurait pu nous sortir du cocon maternel. Ensuite, Père rentrait. Je l'amusais. Je le rendais heureux. Je l'émerveillais, à en croire ses regards. De toutes ces terres, j'en étais devenu le centre de l'attention.


    Maintenant, que suis-je ? Un enfant de plus à garder. Une corde sensible qui rend honteuse ? Assurément, je n'en pouvais plus : il me fallait ma Maman. Que faire ? Une crise qui n'a de cesse que lorsque je serai mis dans ses bras et non plus sous son nez pour l'appâter à la vie. Moi, Henri de Josselinière, un appât ? Quelle idée absurde ! Je ramènerai à la bouche de ma Mère le sourire d'antan, qu'il est beau ! Je serai celui qui par la force de ses pleurs chassera la tristesse du cœur maternel. Fuyez amis, l'appel du cordon ne subira aucun retard.



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Madeleine_df
Il existe, en stratégie militaire, ce qu'on appelle une alliance de circonstance, et qui désigne "un accord tacite ou écrit de collaboration de type opportuniste dans un but précis et pouvant être sans lendemain une fois l'objectif atteint". Cette nuit là, Madeleine et Samsa étaient ce qu'on aurait pu appeler des alliées de circonstance. Masque de gravité vissé au faciès, les deux femmes, aussi dissemblables que la nuit et le jour, avaient pourtant trouvé immédiatement leur terrain d'entente, une fois la porte de la taverne franchie :

- D'solée pour la scène tantôt pardi. Mais j'peux pas blairer ce genre d'attitude pardi.
- Ce n'est rien. Je pensais plus ou moins la même chose.

Samsa accorde un hochement de tête.
- Ça m'fait plaisir de savoir que je ne suis donc pas une vile extrémiste-intolérante-coincée du derche té.
- Il peut imputer tous les torts qu'il veut à Eldearde... Je... Ce manque de respect en guise de vengeance... Je ne peux pas l'approuver.
- Une vengeance pardi ?
- Il m'a dit lui en vouloir de l'avoir laissé. Et d'avoir tué l'enfant.
- Vous pensez donc qu'il agit par vengeance pardi ?
- En quelque sorte. Je pense que cela lui sert d'excuse pour se justifier de faire absolument ce qu'il veut au mépris de tout le monde.
- Mhm. Enfin té, je crois l'avoir bien dissuader de recommencer sous notre nez pardi. Si Lucie l'apprenait pardi, elle brûlerait sa bâtisse té.
- Ou alors il le fera d'autant plus, par provocation. Mais enfin de mon côté je suis de toute façon résolue à ne plus les souffrir tous deux dans la même pièce. Et je m'en vais quitter Aixe sur le champ.
- De toute façon, s'il recommence té, ce ne sont pas mes mots qu'il mangera mais mon poing té. Et pour Aixe pardi... On ne peut pas laisser Lucie té. Elle a besoin de nous pardi, au calme té.
- Non. Il faut la sortir de là. On peut la mener chez moi. La chambre de Dédain est libre, après tout.

Samsa hoche la tête.
- Nous irons la chercher pardi, je la porterai et vous m'ouvrirez la voie té. Pensez-vous que nous rencontrerons une difficulté quelconque té ?
- Arry est encore à côté avec l'autre Lucie, je n'en vois donc aucune.

Samsa acquiesce. Mission : exfiltration.

L'une à cheval, et l'autre aux rênes d'une charrette bâchée, le convoi se dirige vers Aixe. Tablant sur le fait que les amants passeraient, sinon toute la nuit, au moins encore un temps ensemble ; Madeleine occupait son trajet à planifier la façon la plus efficace d'opérer le grand déménagement. Les mômes, récupérer deux ou trois bricoles, rédiger une note pour Arry, et embarquer Lucie. Les malles... Les malles, on verrait plus tard.

Elles arrivèrent. Et prestement, la machine bien huilée se mit en branle. Princesse de filer vers la pièce faisant office de nursery. On réveilla nourrices et enfants, mais il lui fallut s'occuper elle-même de Nicolas si elle voulait éviter la crise de larmes. C'était à croire que son fils choisissait ses moments pour se montrer capricieux, mais enfin pourrait-elle le blâmer de se montrer grognon après avoir été tiré du sommeil au milieu de la nuit ? C'est donc l'enfant pendu à son cou, et bavant abondamment sur le très dispendieux drap de Bruges de sa robe, qu'elle s'assit face à un écritoire qu'elle s'imagina être celui d'Eldearde, pensant un instant avec nostalgie à tous les mots d'amour qu'on avait du y gratter. Elle soupira, et écrivit :


Citation:
Arry,

Après ce soir il m'a semblé assez peu opportun de continuer à séjourner à Aixe.
Vous êtes veuf, aussi il est de votre droit le plus élémentaire que d'embrasser votre maîtresse en public, cependant comprenez qu'il est aussi le nôtre de ne vouloir en être témoin. Je sais vos raisons et ne vous en aurais pas blâmé si vous vous étiez borné à garder vos démonstrations d'affection pour vos fréquentes entrevues solitaires avec la baronne, et tout se serait sans doute beaucoup mieux passé.
Nous avons également pris la résolution de vous ôter la charge de Lucie, que nous allons ramener chez moi à Limoges. Et en me demandant ce qu'elle aurait fait, je me suis dit qu'elle aurait emmené Nathaniel, ce que j'ai décidé de faire également afin de ne pas le laisser seul au château cette nuit, et Dieu sait pour combien de temps. Il sera chez moi, que vous vouliez le laisser à notre garde ou le récupérer à la première heure demain. Et si c'est la première solution que vous choisissez, sachez que mon hôtel vous sera toujours ouvert à la visite. Et si vous ne voulez m'y croiser, je vous conseille l'heure de la messe.

Que Dieu vous garde.

Madeleine.


Elle reposa la note en évidence, confia le fils calmé à Frauke, et de dirigea vers la chambre de Lucie.

- Samsa ? Tout est prêt ?

Suspense.
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Mgvf
    [Pendant ce temps-là, dans l'au-delà...]

Pas d'éclipse. Pas de brouillard. Pas de prince démon, pas de damnés, pas de rodéo à dos d'archange – pas d'archange tout court. Il devait y avoir une sorte de service limité pour les suicidés. Ou alors, explication ô combien plus probable, le Livre des Vertus était rempli de merde en lettres. Bon. Il avait ouvert l'unique porte qui se présentait comme issue, dans cette pièce-sas qui prouvait que la claustrophobie n'était pas réservée aux seuls vivants.

« Salle d'attente », ça disait. Deux gardes l'attendaient là, et l'accueillirent d'un dossard collé au torse. Numéro 275.


Euh. Ouais, bonjour à vous aussi, les gars.
Prière d'observer le silence en les couloirs. Le droit de parole vous sera donné plus tard.
Vache ! Vous avez appris l'hospitalité chez les savoyards, ou... ?

Réponse, zéro. Les deux définitions sur pattes de « jouasse » se mettent à avancer donc, dans ce couloir qui ressemble davantage à un tunnel – un tunnel de verre, sinuant par l'azur et le blanc des nuages. Sous leurs pieds, s'étale le monde, et plus précisément ici une partie d'icelui que l'oeil rapace reconnaît sans moindre peine. C'est Limoges – Limoges et ses habitants, qu'on distingue tout juste, en taille fourmi. Là, la cathédrale, plus loin la mairie. Et au-dessus, à leur hauteur, entre ceux qui bronzent, ceux qui dînent à même le sol fait de coton, l'on en voit quelques-uns penchés sur des trous bleus qui parsèment le duvet, comme des puits ouverts à leur curiosité. Ils observent, ils commentent. Ils sourient, beaucoup. C'en est presque énervant. Les gardes marchent vite : ils n'ont manifestement pas temps à perdre. Quelqu'un leur a-t-il dit que l'éternité était sans fin ? Dans sa barbe, Frayner se marre. Même la mort, décidément, ne rend pas les humains moins cons.

Quelques lieues plus loin, alors qu'il avait enfin pris le rythme, une scène dont il se fait l'accidentel spectateur l'oblige à ralentir. Kierkegaard se tient là, à l'extérieur du Tube, les mains liées sous la poitrine, les épaules tristement voûtées vers cette vie qu'elle a choisi de quitter et qu'il lui faut souffrir maintenant regarder se faire sans elle, les yeux pleins de mille regrets. Il s'est arrêté pour la voir ; il s'est arrêté, pour essayer de sans bruit l'appeler ; il s'est arrêté et, les paumes appuyées aux parois transparentes, il s'est mis à craindre. Car non loin d'Eldearde, divine comme toujours en sa peine, il est quelqu'un d'autre qui semble observer ce que l'épouse salie observe. Et ce quelqu'un-là a les yeux trop verts pour ne pas lui venir, aussitôt qu'il les voit, mettre l'âme à l'envers. Qui ? Qui si ce n'est Lucie, pourrait bien les réunir là, eux et leur air tant inquiet ?


Eh, le nouveau ?! Vous a-t-il semblé qu'on s'arrêtait quand et où bon nous semblait ?
Eh, crétin ? T'a-t-il semblé qu'j'en avais que'chose à carrer d'tes instructions à deux deniers ?
Est-ce qu'il vient de me traiter de crétin ? EST-CE QU'IL VIENT DE ME TRAITER DE CRÉTIN ?
Ouais ! « IL » VIENT D'TE TRAITER D'CRÉTIN  ! Et si ça t'suffit pas, « IL » peut t'péter la gueule, AUSSI !

Voilà. Cinq minutes de Frayner en Ciel : début du bordel. Si, contrairement à la rumeur, le blond ne l'était apparemment pas, il est des habitudes très maximiliennes qui, elles, sont immortelles.

C'est donc ligoté et mains au dos qu'il gagne la « salle d'attente » – deux contre un, pas de bol. Ladite salle déborde de monde. Ça piaille, ça pousse, ça s'impatiente. Seuls les nombreux panneaux lumineux qui clignotent de tout côté pour indiquer de « ne pas quitter la file » et « respecter l'ordre d'arrivée », rappellent vaguement qu'on n'est pas à la foire au saucisson. Au fond, plusieurs portes ; sur les portes, des lettres ; au centre, un autre panneau appelle chaque numéro à se rendre vers la lettre qui lui est attribuée. Dernier appelé, le seize. A son dossard, le 275 toujours.

Fait chier...

Trois plombes plus tard, le dix-sept pénètre en la salle B. Et pendant ce temps, d'Arcy n'a pas cessé de penser. A Elle, à l'angoisse de Ses anges qui n'en pouvaient autre veiller. Est-Elle souffrante ? Et si c'était Son fils ? Foutu mioche qu'il devrait haïr pour être seulement né, quand la Leur n'a pas eu ce droit ! Foutu mioche, à cause duquel Elle a cru devoir choisir – et qui, sans trembler, a été par Elle choisi. Foutu mioche, qu'il entend maintenant et jusqu'ici brailler sa détresse d'être délaissé. Foutu mioche ! Foutu instinct protecteur, aussi, qui ne lui laisse autre choix que de se lever, alors qu'il s'est déjà de ses liens débarrassé. Mac Gayver, tu n'as rien inventé !

Dégage !...Vire !...Pardon !...PARDON !

La file est rapidement remontée, dans un flot d'invectives qui lui sont toutes destinées. Non, il ne sait pas lire ce qui est écrit sur les panneaux ! Non encore, il ne peut pas demander gentiment ! Oui et re-oui, c'est un « petit con », et le pire du pire c'est qu'il s'en bat royalement le spectre. Là ! La réponse porte D est poussée, interrompant la pesée d'âme qui se déroulait derrière.

Numéro 275 ! Vous n'avez pas le droit d'être là ! Retournez en salle d'attente, ou vous vous exp...EEEEH ! MAIS QU'EST-CE QU'IL FAIIIIT ?

Rien à péter. Frayner est pressé, et Frayner, donc, n'écoute pas. L'alerte est donnée ; les sirènes se mettent à crier ; les lumières rouges s’affolent de partout ; des cohortes entières de gardes se lancent à sa poursuite. Et tout en courant, le fou rigole. Parce que même si ça pue la diarrhée pour lui, même s'il ne doute pas qu'il risque se faire violemment téj' du sacro-saint paradis...Franchement, ça reste drôle. Drôle, oui. Enfin, il atteint ce « puits » autour duquel les Siens sont toujours réunis. Et durant les trois petites secondes qui le séparent de l'arrivée de ses poursuivants, il La voit. Allongée, blême, comme sans vie. Et l'éternité cesse d'être. Et son cœur, s'il ne battait plus déjà, explose là en le plus douloureux fracas. Le voilà mort – mort, deux fois.

Les gardes se précipitent sur lui. Il comprend que s'il est encore envisageable pour lui d'agir, plus rien ne sera possible dès lors qu'ils l'auront pris. Alors, sans davantage réfléchir, il saute. Dans le vide qui les sépare. Dans le vide qui le devra logiquement mener à Elle. Après, tout, il est déjà mort.

Adonc, il saute. Pour s'écraser lourdement, quelques mètres plus bas – la gueule la première, quoi ! – contre un sol invisible. Game over : mâchoire déboîtée. Reste une question, quand-même, qu'il lui faut à voix haute se poser :

Sans déconner. On est pas censé ne plus rien sentir après avoir cané ?

On le ramasse. Il est à nouveau ligoté. Oh, il aurait bien salué Eldearde, pendant ce temps ! Mais il est trop occupé à gueuler :

Lâchez-moi, bordel de merde ! Allez chier ! Il faut que j'La vois !...Verdammt* ! J'vous dis qu'il faut que j'La vois !

Peine perdue.
Quoique. Car ce n'est pas en salle d'attente qu'on le ramène. Ni à l'entrée d'un paradis qui lui sera désormais interdit. Non. C'est devant Dieu Lui-mêêême qu'on le mène. Et autant dire que ceux qui l'ont fait Soleil n'avaient jamais dû croiser Dieu. Parce que putain, il éblouit, le mec !


Vois-tu cette plaque que tu as heurtée en voulant sauter, Maximilien Guise ?
Mh. Ouais. J'l'ai bien vue, ouais.
C'est après l'arrivée d'un certain Guise von Frayner qu'on a dû l'installer. Il voulait, je cite « y retourner pour niquer cette bande de nains ».

Dieu se marre. Et son descendant blond, aussi. Et Dieu reprend, à voix bienveillante :

Maximilien Guise, qu'as-tu à faire de si important, à cet endroit de la Terre ?
Je...Ne sais pas. Est-ce qu'Elle va...?...Vivre ? De quoi...De quoi souffre-t-Elle ?
Ce sera à elle d'en décider. Le reste, je crois que tu le sais.
Laissez-moi y aller ! S'il vous plaît. Laissez-moi Lui parler. Juste une fois ! Juste...Cette fois.
Je ne peux pas faire une telle chose. La jalousie n'a plus lieu d'être, ici. Et il devra en être toujours ainsi.

L'Aigle se redresse. Fini de rigoler. Remise des pendules à l'heure :

Dieu...Vous m'avez pris ma Mère. Mes enfants. Et même quand encore je croyais en Vous, Vous n'avez exaucé aucune de mes prières. Pas une. Jamais. Je n'ai pas vu Vos enflures d'archanges, quand je les suppliais de me venir en aide. Je n'ai pas vu la trace de Vos pas quand je regardais derrière moi. Je n'ai jamais cramé d'église, pour autant. J'aurais pu. C'est moi que j'ai détruit. Alors Vous allez exaucer mon souhait, maintenant. Et Vous allez le faire, parce que si Vous ne le faites pas, je me démerderai pour que Vos CONNERIES sur l'Amour véritable ne soient plus crues de personne. Vous m'entendez ? PERSONNE ! Et Vous pourrez bien me condamner à pourrir sur la lune, je jure que je trouverai le moyen de revenir. Je reviendrai et je détruirai Votre « paradis », pièce par pièce, nuage par nuage. Parce que l'Amour véritable, IL EST LA ! Et vous n'y connaissez QUE DALLE, si Vous ne le voyez pas ! Et Vous n'êtes rien! Vous ne valez rien, RIEN de tout ce que Vous prétendez si Vous ne L'aidez pas !...Vous ne pouvez pas faire une telle chose ? Eh bien moi j'insulte Votre nom ! Je CRACHE sur Vos vertus, je PIÉTINE l'illusion de votre grandeur ! VOUS ! ALLEZ L'AIDER ! PARCE QUE SI ELLE MEURT JE VOUS NOIERAI EN LE NÉANT, SEIGNEUR ! JE VOUS NOIERAI !

ME. SUIS-JE FAIT. ASSEZ CLAIR ?


Le silence revient. Les secondes s'égrainent. Dieu finit par sourire, alors que d'Arcy, lui, a tout juste essuyé les postillons à sa barbe et repris le souffle – un peu.

Décidément, ce n'est jamais un jour « comme les autres » quand l'un des vôtres s'en vient...

Il marque une pause, soupire, puis conclut.

Va. Deux minutes. C'est tout ce que je t'accorde. Fais-en bon usage !


Le temps presse. Sans en perdre une miette, je m'allonge donc à ton côté. Tu as froid, tellement froid. D'une jambe, je te couvre, puis encore t'entoure d'un bras. Et pour un instant, un instant béni, te voilà à nouveau mienne, toute entière, rien qu'à moi. Du bout du nez, j'effleure ta joue et remonte jusqu'à la tempe où, en tout petit, ton cœur bat. Te souviens-tu, dis, comme j'aimais à le faire autrefois ? Ma main prend la tienne ; je la serre ; je te tiens. Oh comme je te voudrais garder jusqu'à ce que l'on trouve à l'infini une fin ! Je t'aimerais. Aussi fort, aussi grand, que ces jours de paix, à Patay. Je t'aimerais, comme la première fois. Et amoureusement, encore, je te remplirais de moi. Dieu que tu étais belle ! Tu étais la plus belle et je te croyais, tu sais, quand, ma paume couvrant ton ventre et la tienne sur mes doigts, tu me disais qu'il nous appartiendrait. Le temps. Ce temps qui tant presse, désormais. Ne vois pas mes larmes, Ma Dame ! Elles n'existent pas. Ne crois pas que je te quitte : je serai là. Mais toi, tu as encore à faire et mon perchoir m'attend. N'entends-tu pas qu'ils t'appellent, les vivants ? N'entends-tu pas que si pour moi, pour nous, il est trop tard, pour eux il est encore temps ? Le temps presse, joli Crocus. Alors je t'embrasse. Et mes lèvres à ton oreille, je murmure ma prière dernière :

Réveille-toi, Saint-Jean. Réveille-toi, à présent.
On se retrouvera. Mais pas maintenant.


Pas maintenant, non.


* « Berdol » ? Presque.

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    Deadissime.
Samsa
    "Je te protégerai,
    Essaye de te concentrer,
    Tends ta main ;
    Peux-tu sentir le poids de tout cela ?
    Le monde entier est à ta portée."*



Elles avaient donc fini par trouver un terrain d'entente, celui du bien-être de leur amie commune, Saint-Jean. La mort d'Eldearde avait filé un mauvais coup à Lucie, bien sûr, mais que Samsa lui apprenne celle de Maximilien avait été pire encore. A présent plongée dans une sorte de léthargie presque comatique, Samsa se demandait si, au vu des derniers événements, ce n'était pas encore le mieux pour elle. Lucie aurait détruit Arry si elle avait été là, hier soir. Ou bien se serait-elle détruit plutôt ; la question n'était pas idiote mais ne se poserait finalement pas. Cerbère avait mordu hier, et fort. Elle avait enfoncé ses crocs pleins de valeurs et de principes dans la chair déjà malmenée d'Arry. Elle n'avait eu aucune pitié. Ses mots avaient claqué l'air, ils avaient laminé Arry et seule Madeleine, de son côté, avait pu finir par la tempérer. La tempête menaçait depuis longtemps, depuis bien avant la mort d'Eldearde déjà. Les nuages s'étaient obsurcis, le tonnerre avait grondé au loin, mais nul avertissement n'avait été pris en compte. Adoncques, tout avait pété.
Dehors, Samsa met un peu de temps à se calmer. Elle marche avec Madeleine dans la nuit très avancée, s'excuse par principe alors qu'elle ne changerait rien et monte un plan avec la Princesse pour sortir leur suzeraine de cette ambiance mauvaise et délétère.

La Baronne avait fait un détour par son appartement afin de harnacher Guerroyant, destrier Cleveland Bay devenu cheval de trait -ce que sa race demi-sang permettait parfaitement. Le plan était relativement simple et logique : la combattante irait chercher Lucie et quelques-unes de ses affaires, et Madeleine s'occupait des bambins. Samsa se dirigea sans mal vers la chambre de sa suzeraine qu'elle imaginait endormie. Dans le noir et malgré la clarté de la lune filtrant à la fenêtre, Cerbère ne pouvait pas distinguer. Dans les malles présentes, elle prit quelques robes et habits sans se préoccuper de la valeur du tissu ou du bon goût de sa sélection, et posa les quelques couches de tissu sur Lucie pour lui servir de couverture pendant le trajet.


-Hé, Lucie pardi... C'est moi té... N'craignez rien pardi. Je vous emmène chez Madeleine pardi. Ça va aller té, tout va bien pardi. Faites-moi confiance té, je suis là pardi.

Un baiser long et chaud est posé sur le front de Saint-Jean avant que Cerbère ne commence à placer ses bras, l'un derrière les genoux et l'autre sous la nuque, prenant sans mal les frêles épaules. Autant qu'elle le peut, Samsa garde Lucie à l'horizontale pour ne pas faire souffrir son ventre. Elle entend alors Madeleine l'appeler et la Baronne répond en contournant le lit pour sortir de la chambre à l'ambiance morbide.

-C'est bon pardi, on peut y aller té.
Vous avez préparé Henri pardi ?


La princesse porte son gosse et la Baronne sa suzeraine. Étonnante alliance que celle-là, entre ces deux femmes qui se trouvaient mutuellement stupides, elles ne savaient pas trop pourquoi, et se connaissaient mal en sus, elles ne savaient pas trop pourquoi non plus. Samsa ne considérait pas avoir dressé ce mur invisible entre elles, ce ne pouvait donc venir que de Madeleine, et si la raison se trouvait peut-être dans son attitude au mariage de Lucie, Cerbère était persuadée que ce n'était pas tout. Dans les couloirs, la Brillante Vassale demande.

-Dites-moi pardi, pourquoi avez-vous bâti un mur entre nous pardi ? Depuis le temps que nous avons Lucie en amie commune pardi, depuis le temps que nous avons pour elle les mêmes envies de la protéger pardi, c'est pourtant la première fois où nous coopérons réellement en ayant la même vision des choses té.

Cartes sur table, la technique de base de Samsa.


* = paroles traduites de Sleeping at Last - I'll keep you safe

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Lucie

Le courant t'emporte,
J'ai beau te serrer fort
La vie s'acharne encore.



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Dans le silence glauque de mon désespoir des voix viennent parfois qui résonnent, tentant vainement de m’arracher aux limbes dépeuplées dans lequel il me semble me noyer depuis une éternité. Au début je ne les écoutais pas. Mon cri, mon vain hurlement couvrait tout. Je me suis tue depuis. Je les entends. Chacuns à leur façon, ils m’appellent. Je voudrais qu’ils se taisent. Je ne veux pas savoir.

Cerbère qui veille, Cerbère qui ne baisse pas les bras, Cerbère qui ne m’abandonne pas. Qui d’une patte de velours, toutes griffes rangées, me retient encore. Madeleine, triste jusqu’à la fureur. Madeleine qui me hurle dessus. Qui de sa voix impacte ma cage de verre.

Roulée en boule, mains sur les oreilles, j’assourdis ces mots, j’impose le silence à la vie. J’en ai assez, ne l’ont-ils pas compris ? Je ne veux plus. Je n’en peux plus d’avoir mal. De voir mourir un à un ceux que j’aime. Eldearde c’était déjà trop. Eldearde c’était plus que je n’en pouvais supporter. Et ils m’en veulent ? Ils me demandent de revenir quand Maximilien est mort aussi ? Hors de question. Je ne veux plus vivre, je ne veux plus aimer. L’Enfer plutôt que de leur laisser la possibilité de disparaître à leur tour comme eux l’ont fait. Qu’ils me laissent m’enfoncer. Mais ils refusent. Ils ne cèdent pas. Ils se succèdent à mon chevet.

Zolen qui me rappelle que j’ai une famille. Zolen qui, que je le veuille ou non, fait partie de ma famille. Ma drôle de famille où les liens du sang n’ont pas leur place. Puis Henri. Henri qui n’a pas de mots. Henri, si délicat, si minuscule encore quand contre mon sein il se blottit. Henri qui d’un hurlement me commande de lui revenir. Henri qui a besoin de moi. Henri qui fendille ma piscine de larmes.

Ils me laissent en suspens. Plus que jamais je suis funambule sur son fil. Plus que jamais je vacille. Vie ou mort ? J’avance ou je tombe ?

C’est toi qui m’offre la réponse. Cyrus. Dans ta chaleur enveloppée, dans tes bras serrée, je cesse de chanceler. Je finis de me noyer. Lumière par toi rendue, je te regarde, éperdue, toute pleine d’un amour qui, quand bien même désespéré, n’a jamais cessé de brûler. Mes mains impuissantes, trop faibles, touchent ton visage, le caressent encore. A ton cou je m’accroche, mais il n’est pas encore temps. C'est toi qui d'un regard l'a affirmé. Je te crois. Alors, puisque d’un “pas maintenant” par toi murmuré, mon destin se trouve scellé, je lâche prise. Sur Elde. Sur Toi.

Et je leur reviens.



Chanson : Océan d'amour de Christophe

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Madeleine_df
Surprise, Madeleine ne sait pas vraiment comment réagir aux paroles de Samsa.

- Je ne sais pas. Enfin. Si. J'ai... J'avais des raisons qui me semblaient bonnes à l'époque. Et l'impression que de votre côté vous ne m'avez jamais vraiment aimée.

Et elle n'était pas du genre à aller spontanément vers les gens qui lui semblaient, au départ, un peu froids. Peut-être que finalement ce mur n'était bâti que de briques de carton, qui seraient faciles à enfoncer. Cela sans doute l'avenir le leur dirait. Oh bien sûr, elle aurait pu les énumérer, ces raisons. Mais pour le cas présent, elles lui semblaient toutes assez futiles. Pas mal de choses s'étaient mises à lui sembler futiles, en réalité.

Mais enfin elles arrivèrent à la charrette. Un peu mieux éclairée que le reste, avec ses lanternes pendues aux quatre coins. Henri et Nathaniel y étaient déjà installés, au fond, accompagnés de leurs nourrices. Nicolas ne tarda pas à les rejoindre, et puis il fallut installer Lucie. Toute autre paire de manches.


- Attendez. Gardez les épaules, je vais prendre les pieds.

Opération périlleuse. Qui ne tarde pas à se solder de quelques cris...

- Ah, mais faites attention enfin !

... Et autres remarques déplaisantes.

- Vous auriez pu trouver autre chose à lui mettre, c'est affreux votre truc on dirait un linceul !

C'était plus fort qu'elle, il fallait qu'elle râle. Mais enfin on réussit finalement à installer la Josselinière parmi les coussins qui tapissaient le fond de l'habitacle, et elle se rasséréna. Le plus dur était fait. Mais alors qu'elle s'apprêtait à éteindre l'une des lanternes situées à l'arrière du véhicule, elle se troubla.

- Samsa ! Vous l'avez vue ? J'ai l'impression qu'elle a bougé !
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