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[RP] Invictus

Samsa
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient
Pour mon âme invincible.



Il était tard et, bientôt, ils reprendraient la route vers le Béarn pendant que je resterais ici pour voir Thomas. On le disait chez Dôn, moi je le pensais au chevet de son fils au monastère mais qu'importait où il était puisque le résultat final était qu'il n'était pas là. J'allais devoir l'attendre et je détestais ça, attendre quelqu'un, parce que c'était à mes yeux une perte de temps évitable, quelque chose que l'on pouvait changer. Au début donc, l'idée ne me plaisait pas mais comme Aurore, Raphaëlle et Maurice seraient là, et que j'avais rencontré une Poney Rose rafraîchissante, le séjour ne s'avérait pas si terrible. J'aurais dû savoir, cependant, que lorsque je ne sens pas quelque chose, c'est que ça va mal se passer. Je suis Cerbère après tout, j'ai trois paires d'yeux, d'oreilles, trois gueules et trois truffes : je vois plus, j'entends plus, je parle plus et je sens plus. Les choses ont commencé avec Arry, quand je lui ai rebalancé à la figure qu'il n'avait pas de morale parce qu'il avait trompé sa femme. Je le reconnais, ç'avait été gratuit. Vrai, mais gratuit. Je m'étais excusée d'avoir énoncé cette vérité sans raison sans vraiment me préoccuper de si Arry prendrait mes excuses en considération ; moi, ça ne m'empêcherait pas de dormir. J'avais cessée de m'en faire pour tout et tout le monde depuis qu'Eldearde et Maximilien étaient morts parce qu'eux, ils faisaient partis de mon cercle le plus proche, le seul duquel je devais vraiment m'inquiéter. Maintenant qu'ils n'étaient plus là, je n'avais plus la force de porter le monde entier. Pourtant, je continuais. C'était ma nature, marcher ou crever, alors, tant que je ne serais pas morte, je ne pourrais que continuer à marcher sur le chemin de ma destinée et de mon identité. Il n'y avait pas de pause, pas de demi-mesure, pas de répit accordé ; c'était une question de vie ou de mort.

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré.
Sous les coups du hasard
Ma tête saigne mais reste droite.


J'étais entrée pour dire au revoir à Canéda. Beaucoup lui en voulaient pour Arry, ils la traitaient d'allumeuse et de voleuse. Moi, je n'avais pas cette vision des choses, je considérais que c'était Arry le fautif, que c'était lui qui avait cédé, qui n'avait pas su poser ses limites et je savais qu'Eldearde était morte de douleur et de chagrin, tout ce qu'il avait provoqué. Eldearde était morte à cause d'Arry -il savait très bien ce que j'en pensais, d'ailleurs- et Canéda, si elle avait sa part de responsabilité, n'avait pas le poids de la culpabilité pour moi. Envers et contre tous, toujours, je continuais donc de la soutenir et d'être fidèle à notre amitié puisque je considérais nos valeurs toujours accordées. Il était par conséquent impensable qu'elle parte sans que je ne lui dise au revoir. J'aurais peut-être mieux fait de me pendre quand j'ai poussé la porte.
Alors que j'allais me faufiler parmi tous les autres jusqu'à elle, je me souviens seulement que le temps s'est arrêté. Je ne bougeais plus et j'ai sombré avec la même inconscience que lorsque l'on s'endort. Je n'ai pas eu le temps de comprendre que "Cerbère" venait de surgir des profondeurs de mon être pour me protéger. Il savait que, après la mort d'Eldearde et de Maximilien, je ne pourrais pas entendre la mort de Yohanna. Il savait que j'en mourrais et que j'emporterais, dans ma chute, le monde entier. Il ne pouvait pas laisser mon conscient comprendre que Yohanna, ma meilleure Amie, mon Autre, ne reviendrait jamais. Il ne pouvait pas laisser mon conscient comprendre que, plus que jamais désormais, j'étais seule dans ma vie. Il ne pouvait pas laisser mon conscient comprendre que presque tous ceux que j'aimais étaient morts car il savait que je n'y survivrai pas. Alors "Cerbère" n'avait pas pris la peine de s'annoncer : il avait bondi entre la réalité et moi, s'interposant de toute sa splendeur ténébreuse, montrant ses crocs gigantesques aux fatales paroles. Rien ni personne ne m'atteindrait tant qu'il serait là. Moi, j'avais disparu dans les limbes de mon âme, relayée même pas au rang de spectatrice mais plutôt de prisonnière. Je n'ai rien vu de ce qu'il a fait. Je n'ai pas entendu que Yohanna était morte, je n'ai pas entendu Isaure l'insulter, je n'ai pas vu "Cerbère" qui est allé vers elle -elle non plus d'ailleurs-, décidé. Je n'ai pas conscience qu'il l'a saisit au col et que, la soulevant un peu de sa chaise, devant tous, il a grondé deux phrases, sans tics de langage. Je n'ai pas entendu les injonctions des autres me disant -ou à "Cerbère", plutôt- de la lâcher, je n'ai pas vu comme ils étaient terrifiés. J'ai senti, cependant, qu'il a abandonné très vite. Canéda n'avait pas eu une frayeur aussi courte quand elle avait croisé son chemin. Je ne sais pas ce qui est pire, affronter un "Cerbère" long mais silencieux ou bien un plus court mais qui a parlé. "Cerbère" ne parle jamais. Il ne parlait jamais. C'était la première fois et c'était terrifiant. La mise en garde avait été très sérieuse envers Isaure et le message, très clair : "ne parle plus jamais en mal de Yohanna devant nous. Ne parle plus jamais de Yohanna devant Samsa car elle ne doit jamais comprendre".
Et puis, il y avait eu le retour à la réalité, bien plus lent que lorsque je l'avais quitté. Ils me regardaient tous et je ne comprenais pas pourquoi ; ne venais-je pas juste d'entrer dans la taverne ? Avais-je un truc coincé entre les dents ? Un bouton disgracieux sur le front ? Non, bien sûr que non. Je me sentais différente, mais pas différente comme après que "Cerbère" m'ait permis de me libérer. Je ne me sentais pas plus légère cette fois, pas vraiment lourde non plus. Juste différente. J'ai regardé Canéda et j'ai compris qu'il était revenu, qu'il avait fait quelque chose en public. C'était terrible. J'aurais vraiment dû me pendre avant d'entrer. Canéda avait été douce avec moi après, elle savait, mais elle ne pouvait pas changer les choses. J'étais partie, couverte de honte, humiliée par moi-même, par celui qui devait me protéger et qui, n'en déplaise à la vérité, l'avait fait.


En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l’ombre de la mort,
Et bien que les années menacent,
Je suis et je resterai sans peur.


J'avais trouvé refuge dans une taverne plus loin, là où personne ne viendrait me chercher. Recroquevillée dans un coin, au sol, j'étais terrifiée. Terrifiée par moi-même, par ce que j'étais devenue, par ce que je ne contrôlais plus. Maurice avait bravé le danger en entrant : il ne savait pas qui était "Cerbère", qui j'étais. Il mettait peut-être sa vie en danger. Il avait rampé comme un ver pour m'approcher mais je m'étais tassée encore plus. "Cerbère" avait même tonné brièvement quand le brun ami avait évoqué "un être aimé tout juste parti". Jamais "Cerbère" ne me laisserait apprendre la nouvelle de la mort de Yohanna, dussé-je en mourir ; ce serait moins pire que de savoir. Chaque fois, à chaque tentative, à chaque évocation, il s'interposerait et me rendrait simplement sourde, déconnectée de la réalité, absente, pour peu qu'on en rajoute pas une couche en salissant Yohanna, auquel cas, il faudrait s'attendre à des récidives de l'épisode Isaure. Avec Maurice, nous avons parlé. Nous avons bu. Nous nous sommes probablement découverts aussi, un peu, lui découvrant à quel point j'étais dure avec moi, à quel point la vie m'avait brisé jusqu'au bout, moi découvrant chez lui une amitié capable de m'accompagner, de me porter. Peut-être parce qu'il cherchait à connaître sans me prendre en pitié. Je ne saurais pas dire, mais sa dévotion ce soir-là me toucha le coeur, de ce qu'il en restait. Sur ma demande, il était parti chercher Canéda ; j'avais besoin d'elle qui avait déjà vu "Cerbère", j'avais besoin de lui dire au revoir, d'aller au bout de ce pour quoi j'étais venue.
Seule désormais, recroquevillée dans mon coin, j'ai fermé les yeux. Je n'ai pas pleuré. Dans ma vie, la colère a chassé le chagrin, mes explosions de force ont tué mes larmes, la rage de vaincre et de survivre malgré tous les coups a remplacé la faiblesse qui suit les blessures. Je ne sais pas si j'en suis vraiment consciente mais, un jour, j'en mourrai : j'ai déjà commencé à mourir, mon cœur faiblit un peu plus à chaque épreuve. Contre mon mur, je me demande pourquoi je tiens tellement à vivre pour accomplir ma destinée, devenir un jour reine de France. Et si je me trompais ? Si mes valeurs et mon orgueil m'aveuglaient ? Si je n'étais pas faite pour ça ? Pourquoi continuerais-je de me battre pour quelque chose que je ne peux pas avoir ? Je l'avoue, j'ai pensé à mourir, ce soir-là, quand Maurice est parti. J'ai pensé mettre fin à toutes mes souffrances, j'ai pensé abandonner pour avoir moi aussi le droit de vivre quelque chose d'autre que la douleur. Ce soir-là, j'ai pensé à moi, rien qu'à moi, et ce n'était pas beau ; voilà pourquoi, aussi, je ne pense jamais à moi et toujours aux autres. Penser à moi c'était une action dangereuse, car je savais que je déjouais déjà tous les pronostics de la vie en persistant dans ma voie. D'aucuns seraient déjà morts au tiers de ma vie, d'aucuns auraient déjà abandonné toute lutte à la moitié. Le reste serait probablement fou ou condamné à brûler. Moi j'étais encore là, c'était déjà un miracle, mais jusqu'à quand ? Jusqu'à quand devrais-je considérer que mon existence au lendemain était un miracle ? Je ne pouvais pas mourir ce soir. Peut-être était-ce en punition de tous les morts que j'avais fait à la disparition de Zyg, mais j'étais condamnée à vivre ; c'était mon Enfer à moi. Cependant, de la même façon que je déjouais déjà tous les pronostics dans cette vie qui était la mienne, je pourrais tout aussi bien continuer et réussir à mourir. J'étais capable de tout, rien ne m'était impossible car rien n'était impossible : j'existais pour le prouver. De cela, j'étais certaine.
Contre mon mur, les yeux clos et ma deuxième bouteille d'alcool fort entamée, j'ai donc espéré non pas la mort mais un miracle. Un miracle parce que j'avais envie de réussir, c'était inscrit dans mes gènes : je devais réussir. Et si jusqu'ici, j'avais toujours réussi à démolir les murs sur mon chemin, à les esquiver ou à les franchir de quelque façon que ce soit, j'étais cette fois au bout de mes solutions, de moi-même et des miracles qui m'avaient été accordés : Eldearde, Maximilien et Yohanna -quand bien même je ne le savais pas pour elle- n'étaient plus. Gadrielle avait disparu. Les autres n'avaient pas les capacités de me porter. Les autres n'étaient pas des miracles. Mes miracles, ils étaient morts. Tous.


Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin ;
Je suis le capitaine de mon âme.*


Le temps m'était compté : si je ne me relevais pas ce soir, alors je ne me relèverai jamais et ainsi mourrait Samsa Treiscan, dicte Cerbère, laissant derrière elle non pas une légende qui inspirerait le courage, l'honneur et l'admiration pour toutes ces belles victoires qui formeraient une véritable conquête du monde et de la vie, mais une dramaturgie grecque de pathétisme et de pitié sur un échec presque lamentable et répugnant. Un gâchis immense dont l'Humanité elle-même ne se relèverait pas, plongeant à jamais dans la léthargie du désespoir et de l'abandon.


* = traduction du poème "Invictus" de William Ernest Henley

_________________
Le_barbu
    [Paradis Solaire.]

Caméra 1, gros plan sur Dieu. Avec sa longue, son interminable barbe blanche qui, quelque part, rencontre et se fond en le moelleux des nuages. Dieu, derrière son grand bureau de PDG des cieux qui, par des fenêtres immenses, voit tout de ce qu'Il a crée – le cigare au bec, un whisky à portée de paluche. Dieu, qui ne comprend pas. Et qui est ivre, un peu.

Micro : on ! Dieu s'adresse à l'archange.


Il me désespère, Michel. Il me fascine et il me désespère. Il m’énerve. Ça m'énerve ! Tout le monde se plaît, ici ! Ne se plaisent-ils pas tous, ici ?...Bien-sûr que oui. Tout le monde se plaît, en mon paradis. Tout le monde, sauf lui ! Regarde-le. Vois-tu combien il est triste ? L'autre soir, je l'ai vu pleurer. Il pleurait, Michel ! Comme ça, penché sur son puits. Il pleurait de ne pas pouvoir aller étrangler de ses mains la solitude de sa fille. A-t-on idée de pleurer pour cela ? Depuis quand les anges pleurent-ils, déjà ? Les anges ne pleurent pas. Je n'ai jamais autorisé les anges à pleurer.

Il reprend une gorgée. Dieu, ce jour, est vexé. Dieu noie sa frustration – ce qui le fait divaguer léger.

Je devrais lui couper les ailes, tiens. Pour le punir de ne pas savoir se satisfaire.

Michel se tait, mais il n'en pense pas moins. Et Dieu, à le voir pincer les lèvres de la sorte, se sent comme l'obligation de reprendre :

Oh, je sais ! Je sais que tu désapprouves ! Je sais ce que tu vas dire : « Gnagnagna, c'est pas très très juste – justice, toussa. ». Je sais. Je sais tout, de toute façon. Tout, sauf POURQUOI, NOM DE...MOI, IL NE S'ADAPTE PAS. Il devrait ! Sa mère est là. Aimeric et Rose sont là. Tout ce qui lui a tant manqué durant son existence terrestre est ici. Merdasse, Michel ! Qu'est-ce qui cloche, chez lui ? Il va me déprimer toute la smala si ça continue !

Il n'a pas tort. C'est que les autres s’inquiètent aussi de le voir ainsi rester en retrait, toujours. Le temps passe, il devrait avoir commencé à réapprendre le plaisir d'exister. Il devrait guérir. Or, quand il n'est pas occupé à bercer la copie en miniature de Saint-Jean, petites bulles en voix, quand Chardon Junior ne lui réclame pas de « faire l'aigle » pour une énième fois, il n'est pas vraiment là. Ses mots autant que son sourire se font rares, il passe le plus clair de son temps à observer le lointain monde des vivants pendant que tous festoient. Et Dieu sait, oui. Dieu sait les efforts qu'il concède à tâcher de modeler son sort en pensées polies, mais que malgré cela, il souffre plus encore qu'au crépuscule de sa précédente vie.

J'avais placé tant d'espoir en ce petit. Te souviens-tu ? Quand il est né, on a dit que lui, c'en serait un qui accomplit. Ah, Michel... ! Je crois que sur ce coup-là, on a trop péché par déni.

C'est « on », maintenant. Même le Créateur de toute chose doit partager la faute, parfois. Pour se déculpabiliser un minimum, quand rien ne va – un peu comme quand un gosse tape dans la grosse bêtise et que le discours des parents passent soudain de « mon bébé-d'amour-à-moi fait ceci et cela » à « TON fils (espèce de connard) a fait CA ! Tes gènes, ta faute, débrouille-toi ! ». Classic sh**t, d'ici-bas à l'au-delà.

Il était si joli, quand il était petit. Celui-là...Je l'avais physiquement presque aussi bien réussi que mon paradis. Et voilà comment il me remercie ! Que croit-il ? Qu'il vaut mieux que mon Soleil ? Ingratitude, te dis-je ! Les humains sont décidément d'ingrates créatures, mon Michel ! J'aurais eu mieux fait d'offrir le libre arbitre aux poulpes, je crois. Oh, ne me regarde pas comme ça ! Je parie qu'on serait sûrement plus près de l’avènement de la carotte dans cette configuration-là. Tous des poireaux, quoi !

Dieu est tout bourré, c'est à présent officiel. Il a jeté a main mollement rageuse son cigare, dans un coin. Et alors qu'il s'affale en son fauteuil dans un soupir qui fera tempête imprévue côté mer méditerranée – rentrons au port ! Finalement, c'est pas le bon jour pour aller pêcher la sardine, les gars ! – Miguaël intervient :

On va encore me traiter de gros rabat-joie, mais...Je vous l'avais dit, que Maximilien Guise devait naître en juin. Il a toujours été bien plus proche de moi que de Sylphaël. Et voilà pourquoi c'est encore aux autres qu'il pense quand il serait l'heure de se concentrer sur les plaisirs qu'offre la v...mort. C'est là qu'on a foiré. Regardez-le : il se couperait les ailes lui-même si ça pouvait lui permettre de l'aider.

Aider qui ?, coupe Georges qui n'a pas tout suivi.

Aider sa sœur, abruti !, grogne Gabriel qui est, comme toujours, la tempérance faite être de lumière.

Dieu inspire, se massant une tempe à deux doigts. Tout à sa conversation en monologue avec Michel, il n'avait même pas calculé les autres membres du « Club des Sept » qui étaient pourtant présents depuis le début de la réunion. Fichtre...Ce whisky, il est puissant !

Bon, bon, bon. Ça suffit. Taisez-vous, tous, vous me collez la migraine !

...Dit-Il, après avoir vidé deux tonnelets.

Syyylphaël ! Je t'ai entendu ! A la prochaine, je te prive d'orgie, te voilà prévenu !...Allez hop, décampez ! Zou ! Dehors ! Je vais aller lui parler. De toute façon, ça bave déjà que « han, comment Maximilien c'est trop le préféré de Dieu ! Il a pu redescendre plusieurs fois, ce bâtard, et nous que dalle ! ». Un peu plus ou un peu moins, hein. Voilà ! Fin de la...Hopla, j'ai failli me prendre le pied dans un cirrus ! Petits canaillous de cirrus ! Oulala, j'ai trop bu, moi !...Fin de la réunion, disais-je ! Adieu.

Dieu aime dire « adieu ». C'est de la masturbation verbale, un peu. Et ça, c'est le genre de chose qui lui plaît, au Vieux.
Mgvf
    [Paradis Solaire, toujours.]

Maximilien Guise ?
Mh ?
Puis-je te parler ? Je veux dire, évidemment que je peux. Je suis Dieu !...Parlons, donc.
Parlez, donc.
Vas-tu continuer d'espionner par ce puits pendant que nous parlons ? Parce que tu sais, d'habitude, on me regarde quand je parle.
Je Vous écoute et je la regarde. L'un n'empêche pas l'autre.
Peut-être, mais c'est très impoli.
Peut-être, mais pour l'heure, ça s'ra ça ou rien. Elle est ma sœur. C'est elle d'abord et Vous pouvez aller nous couler un bronze divin si c'la Vous disconvient.
Tu es irrévérencieux, Maximilien Guise. Et...agaçant.
Vous êtes venu pour faire l'inventaire de mes qualités ? J'suis flatté.
...Je vois. Von Frayner un jour, von Frayner toujours. C'est ça ? Bon. Passons ! Je suis soûl, de toute façon.

Demi-sourire de l'interlocuteur. C'est ça. En gros.

Je t'ai accordé de pouvoir neuf fois redescendre pour parler à ta fille. Si je te proposais de troquer les six fois restantes contre une seule visite à Samsa, maintenant. Que ferais-tu ?

D'Arcy croise les bras. Un coup d’œil qu'il Lui daigne accorder plus tard, il dit :

Vous m'demandez d'choisir entre ma sœur et ma fille ?
Non. Je te demande...Quoique si, en quelque sorte. Samsa une fois ou Raphaëlle plusieurs ?

Feu le baron toise, maintenant. Il a la haine, et ça se voit :

...Ça vous amuse, au moins ? Vous distrayez-Vous de Vos petites expériences ? Je m'interroge : comment ça s'passe ? Est-ce que Vous misez avec Vos larbins sur les possibilités qu'Vous offrez aux humains ? Vous savez : « va-t-il rester fidèle ou troncher la princesse ? », « sera-t-il là pour rattraper son fils avant qu'il ne passe par-dessus la rambarde ? ». Oh ! Et « si Elle lui dit adieu, optera-t-il pour le courage ou la corde ? »...Hein ? Vous vous marrez bien, dites ? Bande de p*tes que vous êtes !

Dieu perd doucement patience :

Maximilien Guise, tu dépasses les bornes ! Je ne peux pas non plus excuser tout ! Au bout d'un mom...
Samsa. Maintenant. C'est elle que j'irais voir.
...Vraiment ? Pourquoi ? Ne sais-tu pas que Samsa deviendra reine avec ou sans toi ?
Votre en confiance en Vos propres désirs vous fait confondre conditionnel et futur. Elle devrait le devenir, je sais. Je sais aussi que des nuits comme cette nuit peuvent ruiner tous les projets, tous les destins, toutes les volontés – la Vôtre aussi.
Sottises ! Elle est plus forte et mieux entourée que tu ne le crois.

Bleu couvant à nouveau Frangine, l'aigle sourit – fierté et tristesse réunies.

Personne n'arrive à la cheville de Samsa. Personne ne peut détruire Samsa. Si ce n'est Samsa. Donnez-lui une épée et un cheval pour terrasser seule l'Anjou, elle ira – elle le fera. Là, c'est contre elle-même qu'elle se bat. Qui l'entoure ? Lucie ? Il lui faudrait une Lucie, oui, mais celle-ci ne suffira pas. La Fleur est loin et le cœur de ma sœur saigne de ne pas pouvoir seulement pleurer sa Yohanna. Voyez son âme qui s'assombrit. Vous y pourriez refaire lumière, si Vous ne me reteniez pas ici. Continuez donc de perdre un temps précieux à supposer, à présumer comme tant Vous Vous plaisez à le faire. Elle perdra. Et avec elle, son règne. Ça ne fera qu'une erreur de jugement supplémentaire, Dieu. Vous n'êtes plus à cela près, ma foi. Voilà ce que je crois.

Dieu plisse les yeux.

Tu as choisi de mourir, Maximilien Guise. Tu l'as laissée derrière toi. Pourquoi t'offrirais-je cette chance quand, lorsque tu en avais l'occasion, tu n'as pas réfléchi aux conséquences ?
Nee. J'ai choisi d'abandonner la vie. Je n'abandonnerai pas pour autant ma famille. Encore une fois, Vous n'avez rien compris.
Vas-tu cesser de me manquer du respect qui m'est dû ?

Il secoue la tête, en riant doucement :

A Vous, je n'dois rien. Vous aurez tout mon respect quand Vous l'aurez mérité. Si Vous le méritez. Et là, j'ai envie de dire : encore faudrait-il, pour commencer, que Vous arrêtiez un jour de juste Vous la toucher.

C'en est trop. Dieu passe en mode « vénère » :

MAXIMILIEN GUISE, PUTAIN ! TU VAS T'EN PRENDRE UNE, HEIN !

Frayner écarte les bras. Effronté, oui. Jusqu'au bout du rêve, Maggle !

J'vous attends, vieux branleur !

MRAAAH ! Je vais le...Humpf...Mmmh...D'ACCORD ! D'accord, TU-Y-VAS ! Mais mon petit, si tu échoues, soit dit : je TE BANNIS !...A VIE !...Je veux dire, à mort !...AH ! POUR L'ETERNITE, QUOI !...Là. C'est pas vrai, ça.

En l’annonçant, Il l'a pointé du doigt. Et le paradis tout entier en a tremblé. Excepté le blond, qui n'aura fait là que lever les deux mains, sans essayer même juste un peu de réprimer son – encore plus agaçant que le reste – sourire de triomphe.

Amen ! Qu'il en soit ainsi, puisque Dieu l'a dit.

Une paire de secondes après, il se trouve côté Mortels. Périgueux, sauf erreur. Boarf, la géographie importe tellement peu à ceux qui tuent la distance d'un battement d'ailes – de vraies ailes ! Bref. Elle est là, Samsa, rose pelote de honte abandonnée au pied du mur. En silence, il la rejoint. Assis là, il observe les lieux un moment. Avant de parler enfin :

...Soirée d'merde, mh ?
_________________
Samsa
    "Les souvenirs me hantent,
    Ils m'empêchent d'avancer ;
    Tout doit mourir.
    Je me demande...

    Dis-moi comment je devrais vivre ;
    Je n'ai rien de plus à donner.
    Je devrais m'en aller, je sais,
    Là où tu es."*


Un courant d'air. Je suis certaine que ce n'est qu'un courant d'air qui a caressé ma joue, peut-être même un rêve. Le froissement et le bruit que j'entends, je suis persuadée qu'ils proviennent de ma tête, qu'importe l'origine ou la raison. Quel sens cela aurait-il de s'y intéresser ? Une voix atteint mes oreilles et je mets un moment avant de réagir car l'alcool freine le son céleste, l'empêche d'intégrer immédiatement mon esprit. Je n'ai pas rouvert les yeux. Je ne sais pas vraiment à quoi je ressemble, d'un point de vue extérieur : un dogue en boule ou une sage simplement assise. Je pourrais simplement ignorer cette voix, énième voix qui raisonne dans ma tête, de ces voix qui ne m'attirent que des problèmes. Est-ce le retour de Sub, mon subconscient ? Il m'a longtemps parlé à la mort de Zyg, quand j'ai rencontré Shawie aussi. Non, ce n'est pas Sub : il était plus chiant. Et il n'avait pas la voix de mon Frère. J'ouvre les yeux en jurant au Très-Haut, à mon esprit, à n'importe quoi, que si c'est un tour d'illusion, c'est une blague de très mauvais goût. Je tourne la tête vers lui et le regarde un moment. Je ne crois pas qu'une émotion passe la barrière de mon visage dont le temps a, plus d'une fois, figé quelques traits. Je le vois, cela n'empêche pas, mais je ne comprends pas. Je dirige mon regard vers la seule explication possible : les bouteilles d'alcool. Certes, il est fort, quelque chose comme du Cognac, de l'Armagnac, je ne sais pas trop, je m'en fiche en réalité, mais je n'ai "seulement" vidé qu'une bouteille et demi. Est-ce vraiment beaucoup ?

-Soit j'ai bu plus que cela et je ne m'en souviens pas pardi, soit je ne tiens plus l'alcool pardi.

La réponse doit se trouver quelque part entre les deux options. Ou alors, je n'ai pas assez bu. Je ne sais pas pourquoi je raisonne ainsi, ça devrait me faire prendre conscience que je suis au contraire bien trop ivre mais non. Les ravages de l'alcool. Ma main assurée prend la bouteille qui n'est pas vide et porte le goulot à mes lèvres pour me faire ingurgiter une franche lampée du nectar qui, pour ma langue, n'est rien de plus que de l'eau un peu brûlante. Je ne regarde plus Maximilien mais un point fixe devant moi. J'ai besoin de lui, mais de lui en entier, pas de ce que je pense être une illusion de mon esprit éreinté par la vie, cassé par une force quelconque et appartenant à des voix que je n'entends plus. La sensation que je ne m'appartiens même plus est désagréable et, retranchée dans un bastion de ma tête, je n'ai pas besoin qu'on me rappelle ce que je deviens, ce que je suis devenue. Je suis prête à rester une loque. Pourtant, j'ai cette nature qui n'abandonne jamais, qui voit toujours un filet de lumière dans le noir et, pour cette fois, c'est Maximilien, mon Porteur de Lumière, qui me fait sortir de ma forteresse psychologique. Parce que c'est lui, parce que j'ai bu, parce que je ne suis plus, j'accepte de prendre le risque ultime de m'achever.
Lentement, je penche sur le côté, vers lui. Je veux retrouver son épaule forte, sa solidité masculine, sentir encore son bras qui m'enlace et ses lèvres qui embrassent mes cheveux en me chuchotant que tout ira bien, qu'il est Von Frayner et que rien ni personne ne peut le vaincre. Je veux encore sentir sa protection à l'état pur, je veux encore croire qu'il est mon aîné qui accepte avec bienveillance ma main dans sa barbe que j'aime gratter. Je donnerais ma vie pour encore un peu de cette chaleur, de cet appui, de ces mots assassins pour certains, d'une infinie douceur pour moi, pour encore l'entendre rire et sentir sa grandeur infinie quand il domine tous les autres êtres humains. Pour encore entendre les gifles tant verbales que physiques qu'il collait et sentir son aura fière m'envelopper, pour me blottir encore contre son torse brave et inaltérable, je donnerais ce que je n'ai pas. Ma vie ne dépend plus que de sa joue blonde contre ma tête, de son souffle tranquille et de son coeur au battement régulier. Lui seul peut me relever ou m'emmener loin d'ici ; quoiqu'il décide, je m'en remets à lui, à mon Frère, à l'Homme de ma vie.

Je ferme les yeux et termine de basculer sur le côté, m'attendant à ce que son épaule me réceptionne. C'est le sol que je heurte lamentablement, qui me sonne brièvement mais qui ne tire chez moi ni gémissement ni grimace. C'en est fini de moi. Il était le seul capable de me sauver et il n'est pas là, il n'est rien de plus qu'une illusion de mon esprit embrumé par l'alcool, le malheur et la fatigue. Je ne me relèverai pas. Finalement, après toutes ces années à narguer la mort, je succombe à sa faux. Ça ne me fait rien. De façon imperceptible, mon coeur se ralentit et mon esprit sombre. "Pardonne-moi, Shawie. Pardon de t'avoir fait croire que je ne pouvais pas être vaincue. Pardon d'avoir trébuché, pardon de tomber. Pardon de ne pas me relever. Mon esprit ne suit plus, il était tout ce qu'il me restait et il m'abandonne, lui aussi. Pardonne-moi de mourir alors que tu es toujours là pour moi. Pardon d'échouer. Je t'aime et c'est toi que j'attendrai, parce que c'est toi, la Femme de ma vie". Je ne me débats pas à cette prise froide qui s'approche de moi mais je ne l'attends pas non plus. Jusqu'au bout, ma nature m'empêche d'abandonner. Jusqu'au bout, elle lutte, refuse de se rendre. Je ne sais pas si je crois vraiment que je vais mourir, je suis coincée quelque part entre deux frontières et, si la position m'est inconfortable, je ne la quitte pas pour autant. Je finis cependant par ne plus pouvoir résister à la poussée, par ne plus pouvoir m'y soustraire non plus. C'est vers la Vie que je tourne pourtant la tête lorsque je sens quelque chose sur ma joue. C'est une main, j'en suis certaine, une main d'homme, mais pas n'importe lequel. A l'image de sa main, il est doux et rude tout de même, délicat et passionné, à la fois Frère de ma personne, amant de la part féminine du royaume, Père d'une fille qui est ma Nièce. Si je conviens que l'alcool peut échauffer ma joue, je refuse de croire qu'il peut caresser ma peau. Je finis par réfuter que Maximilien n'est qu'un mirage, continuant de suivre sa lumière, le seul espoir qu'il reste à ma survie ce soir.

M'arrachant au vent de la mort, je fais demi-tour, repasse la frontière de l'existence et rouvre les yeux ; je ne suis pas morte ce soir.

Il est là, il me regarde en me caressant la joue. Son contact n'a rien d'humain mais je suis peut-être trop ivre pour faire la part des choses. Je tends la main vers lui pour le toucher, qu'importe que ce soit son pied, son bras, sa main ou sa joue. Mes petits yeux sombres le voient parfaitement mais semblent aveugles alors que ma voix -déjà un peu plus grave que la moyenne féminine- enrouée par l'alcool parvient à faire passer quelques mots.


-Je te croyais mort pardi...

A l'instant où j'achève cette phrase, mes doigts se referment sur le néant. Je suis pourtant sûre de le tenir, aussi sûre que je sens son contact, sa présence, que j'entends sa voix et que je le vois. Je retente maladroitement mais je finis par comprendre qu'il est seul à pouvoir m'offrir contact. Me sent-il seulement, moi ? Si même la mort -mon idéal- est pourrie, alors je ne sais pas où je vais bien finir. Paradoxalement, cette idée me donne encore plus envie de vivre pour contrecarrer tous les plans de l'Univers, ceux de la logique même ; c'est mon côté Frayner.
Toujours au sol, je ferme encore un peu les yeux mais le contact ne s'en va pas. Il est là et il ne partira pas. Pas ce soir. Lentement, je prends finalement appui contre la pierre froide pour me redresser. Pour l'instant, je juge la mesure temporaire mais j'ignore qu'en réalité, je ne tomberai plus. Plus ce soir. Bête illusion de contrôle. Bêtement aussi, j'essaye quand même de revenir me caler contre lui. Sans succès. J'accepte donc de rester contre mon mur et je le regarde. Je pourrais lui crier ma colère à la figure mais je ne suis pas en colère -ce serait un comble pour l'étrange suicidaire que je suis. Je pourrais lui dire que je l'aime, qu'il me manque, mais il le sait et il est là. Je pourrais lui parler de ce qu'il a laissé ici mais je sais qu'il le sait aussi. Je pourrais tant de choses mais finalement, les mots sortent seuls :


-J'ai peur, pardi.

Je ne précise pas de quoi parce que je ne sais pas. La mort, la vie, l'abandon, les gens, la réalité, l'irréel, le concret et l'abstrait, la guerre et la paix, moi, les autres, l'ivresse, la sobriété, Cerbère, le passé, le présent, le futur, le calme et l'agitation, la perte et le gain. Pour la première fois de ma vie, il me semble que je connais la peur, la vraie, celle qui envahit l'être entier de façon générale sans vraiment d'origine, sans que ce ne soit une peur qui précède la bataille ou la mort. Pour la première fois de ma vie, il me semble que je ne suis plus Cerbère et, plus que lorsqu'il était de sortie, cela me terrifie.

-Dis-moi ce que je dois faire pardi. Je ne sais plus où je suis té, j'ai perdu mon chemin pardi, je ne suis plus sûre de qui je suis pardi, je me sens dans un brouillard noir qui se resserre autour de moi pour m'étouffer pardi, et je croyais tant avoir tout bien fait pardi, je croyais tant être brave et forte té, je croyais tant en ce que j'étais que je ne sais plus où j'en suis pardi. Je croyais tant de choses désormais balayée, encore pardi... Je n'aurai pas la force de mourir et de revivre encore, comme à la mort de Zyg té... Je ne peux pas tout reperdre de nouveau pardi, et c'est pourtant ce qu'il se passe té, n'est-ce pas pardi ? C'est ça, mon avenir, ma vie pardi ? Tout perdre sauf la vie té ? Dis-moi ce que tu vois té...

"Toi qui es Là-Haut, toi qui vois tout désormais, toi qui sais tout, toi qui peux tout puisqu'un Frayner mort est plus fort encore qu'un Frayner de chair et de sang, toi qui me connais mieux que moi-même, toi qui n'as jamais eu peur de moi, toi qui n'as peur de rien, toi, mon Frère, mon Aigle, mon Astre Solaire, toi, l'Homme de ma Vie que j'ai rencontré trop tard et perdu trop tôt, regarde et dis-moi. Parle-moi. Ne m'abandonne pas."
Ma main se pose sur celle de Maximilien et tant pis si je ne peux pas le toucher car, dans la force de mon esprit retrouvé mais pas encore vainqueur, il me semble que sous ma propre main, c'est comme si je sentais vraiment la sienne.


* = paroles traduites de Nomy - If you can hear this

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Mgvf
    « I told you if you called I would come runnin'
    Across the highs, the lows and the in between*. »


Tu m'offres un regard, enfin. Et si tes yeux n'en disent rien, ils font au contraire des miens. Alors que je m'y vois, je me sens comme revivre un peu, juste là, au fond d'eux. Tu n'y crois pas, pourtant, et ça me blesse. Tu soupçonnes maintenant ces bouteilles qu'il t'a fallu vider pour tenter d'asphyxier détresse ; tu doutes ; tu accuses ton esprit, l'insuffisance de tienne ivresse – mon Âme, penses-tu vraiment que je laisserais tristesse ou folie te tromper ? Nul ne m'invente présence de toutes pièces, eh ! Pas même toi. Regarde ! Essaie encore, Samsa ! Je suis là. Comme avant. Comme toujours. C'est moi...

J'attends. Impatiemment. La mort ne change pas les gens, tu sais. J'attends, je me tais ; j'attends, en disant sans mot à l'attente combien je la hais. Ah ! Je me rongerais bien l'ongle d'un pouce, si encore je pouvais ! Et puis, après de longues secondes, voilà que tu t'approches. Tu t'approches et je trésaille, tant tout se bouscule d'un coup dans ma caboche. J'ai tellement espéré ce moment qu'à présent que j'y suis, j'en ai carrément la pétoche. Tu viens chercher mon épaule, je le sais. Alors, j'ouvre l'aile déjà, plus que jamais prêt à me faire force alliée de toutes tes fragilités, espérance offerte à chacun des tiens regrets. Pour t'amener chaleur, je fais feu de mon fantôme et aiguise ma fureur en mille psaumes. Je te bercerai ; je trouerai ta peine par ma lame fondue en baisers. Et tu te relèveras Treiscan, car Frayner tu es !

Las, tu t'étales. Tu t'étales et adonc je me souviens que je ne suis qu'ange parmi les humains. Je ferme les yeux ; je maudis ce Dieu mauvais et Ses foutus desseins, ce traître à notre Amour saint qui m'ose interdire par Ses lois d'être l'attendu soutien. Vieux crevard ! Fils de catin ! Entends-moi et retiens bien : cet affront, je le jure, se paiera à tarif guiséen. Je trouverai s'il le faut jusqu'au moyen te rendre mortel – pour te pouvoir ensuite assassiner de mes mains.

Mais ma main, pour l'heure, à mieux à faire. Pour l'heure, oui, je redeviens ton frère. Du bout des doigts, j'effleure une joue, puis la prends toute entière. J'agrippe, à nerveuses serres ; je fais proie nôtre cette indicible colère ; je la bouffe, la digère ; je broie, j'écrase de tendresse tout – y compris les grognements du Cerbère. C'est toi et moi, Frangine. Juste nous, la Paire, l'Origine...


Je te croyais mort pardi... 

Là. Ta caresse se perdant, tu commences à accepter l'évidence. Sourire au bec, flattant toujours ta joue, je jette donc réponse :

Boarf ! Aigle ou phénix, peu importe, t'sais. L'important c'est qu'le plumage reste stylé.

Tu te redresses. Tu m'observes. Je fais silence à nouveau, pour te laisser le temps d'articuler tes maux. En cela aussi, on se ressemble : premiers à dire ce que tous taisent bien haut, derniers à avouer quand cœur est en lambeaux – courage pour à quiconque il fait défaut, mais face à la psyché soudain tout penauds. Comme si rien pour les autres n'était jamais assez beau, comme si toute parole pour nous dite semblait être de trop.

J'ai peur, pardi. 

Je sais, té. Je sais aussi que puisque te voilà lancée, tu n'as pas fini de parler.

Dis-moi ce que je dois faire pardi. Je ne sais plus où je suis té, j'ai perdu mon chemin pardi, je ne suis plus sûre de qui je suis pardi, je me sens dans un brouillard noir qui se resserre autour de moi pour m'étouffer pardi, et je croyais tant avoir tout bien fait pardi, je croyais tant être brave et forte té, je croyais tant en ce que j'étais que je ne sais plus où j'en suis pardi. Je croyais tant de choses désormais balayée, encore pardi... Je n'aurai pas la force de mourir et de revivre encore, comme à la mort de Zyg té... Je ne peux pas tout reperdre de nouveau pardi, et c'est pourtant ce qu'il se passe té, n'est-ce pas pardi ? C'est ça, mon avenir, ma vie pardi ? Tout perdre sauf la vie té ? Dis-moi ce que tu vois té... 

J'inspire. Longuement. Drôle de réflexe, d'ailleurs, pour quelqu'un qui n'a plus besoin d'air. J'inspire, pourtant. Et je regarde au plafond, et je m'y perds. Je ne connais pas l'avenir. Je m'en cogne, à vrai dire. Tout ce que je veux, là, tout de suite, c'est revoir ton sourire. Alors, je me mets à rire :

C'que j'vois ? J'vois qu'tu bois d'la pisse de chèvre, déjà ! Franchement, Samsa...C'est pas parce que tu bois pour oublier qu'tu dois boire du dégueulasse. J't'ai mieux éduquée qu'ça !...Oh et j'vois aussi qu't'es tellement bourrée qu'tu viens de d'te prendre le sol d'une taverne dans la gueule. Mais comme j'suis un ange sympa...et honteusement sobre, j'me fout'rai pas d'toi. Ou juste un peu. Pour la forme, quoi.

Je ricane : pas de bonne discussion franginale, sans quelques commentaires à deux balles.

Non. J'vais t'dire c'que j'vois pas, plutôt. D'accord ?

Nouvelle inspiration. Ça fait du bien, même si ça ne sert à rien.

Je ne vois pas Conquérante se laisser conquérir : je ne vois pas Cerbère la faire victime de son ire. Je ne vois pas mes nièces perdant déjà leur mère, ni la tienne être faite par une autre que toi guerrière. J'vois pas comment on pourrait priver Shawie du plaisir de distribuer d'la mandale en crachant du « Respecte-moi connard ! Je souis sa femme, ça veut dire qué je souis aussi ta reine ! ». Je ne vois pas Barbazan sans vassale devenue suzeraine. Je ne vois pas Treiscan quitter ce monde autrement qu'en souveraine.

A ta tempe, je pose affectueusement les lèvres. Et ceci fait, je me relève. Les autres arrivent, la rencontre sera brève :

J'vois pas les funérailles de ma sœur sans princes en pourpre, sans fleurs de lys. J'te vois pas crever avant d'avoir niqué leur gueule à encore bon nombre de bâtards indépendantistes. Quelques-uns des tiens sont morts. Tu tomberas encore. Et alors ? Bats-toi pour eux si tu n'le fais pas pour toi ! Fais-le pour Zyg, pour Eldearde qui te regardent, bats-toi pour donner à tous les cons tort ou pour me donner raison, à moi ! Bats-toi parce que t'es née pour ça, parce que la vie c'est un beau combat, parce que s'il doit y avoir un vainqueur ça n'peut être que toi. La France t'attend et t'acclame déjà : bats-toi pour elle et – pour toi – elle chantera. Lève-toi, Samsa ! Lève-toi, et bats-toi !

Tandis que je dessine verbalement quelques scènes de ta future gloire, il me semble apercevoir. Cent-mille voix qui se taisent, cent-mille genoux qui ploient. Tout Paris, des pincés du Louvre aux tarés des Miracles, applaudissant ensemble – pour une fois – le retour d'une royauté qui en a. Tout un royaume qui crie, (presque) autant fort qu'archiduchesse en salle du trône jouira : « Samsa ! Samsa ! ».


* « Je t'avais dit que si tu appelais je viendrais en courant
Entre les hauts, les bas et tout ce qu'il a entre les deux. »
Nomy - « You and me »


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Samsa
    "Je visais le ciel,
    Je suis cloué au sol,
    Alors pourquoi j'essaie ? Je sais que je vais m'écrouler.
    Je pensais pouvoir voler alors pourquoi je me suis noyé ?
    Je ne saurai jamais pourquoi c'est au plus bas, bas, bas.
    Oh je vais m'écrouler, m'écrouler, m'écrouler...
    Aucun autre chemin autour de moi
    Et je ne veux pas entendre le son de la perte
    De ce que je n'ai jamais trouvé."*



J'ai failli pleurer en l'entendant faire le fier et devancer La Fontaine sur une question de ramage et de plumage.
J'ai failli pleurer d'entendre de nouveau ce panache inégalable, celui tant convoité mais jamais égalé par la plèbe.
J'ai failli pleurer de retrouver ce qui, en tant que Soeur et non Amante, m'a le plus marqué chez mon Frère -même si cela ne retire en rien de sa parfaite beauté.
J'ai failli pleurer, encore, de l'entendre se traiter d'Ange, parce que c'est vrai ; il n'est plus un humain, il est devenu bien plus, il m'est devenu inaccessible, intouchable, absent pour toutes les guerres et tous les poings que nous avions encore à offrir, absent à tous les projets qui sont morts avec lui, absent à toutes les rires que nous devions encore faire naître et qui ne résonneront jamais.
J'ai failli pleurer, mais pas de chagrin. Le chagrin, je l'ai trop vécu, je ne sais même plus ce que cela veut dire. Peut-être que je suis si pleine de chagrin, tout le temps, depuis des années, que je l'ai banalisé au point de le rendre inexistant.
J'ai failli pleurer d'une colère telle qu'elle aurait pu rayer le monde entier de l'existence même, une colère telle qu'elle aurait déchaîné le ciel en des éclairs foudroyants. Une colère si grande, si immense, qu'elle m'aurait tué sur le coup.

Je ferme les yeux sous ses mots qui peinent à résonner en moi. L'écho n'existe plus quand les murs de la forteresse s'effritent, tombent et s'ouvrent de lucarnes de ruines. Je suis fatiguée, comme un oiseau pris dans une mare de pétrole qui ne sait plus voler et s'épuise à y croire encore. Acculé, ayant par trop de fois aboyé ou fermé ses gueules, le Cerbère n'a plus d'autres choix que de réduire en morceaux ce qui le blesse ou de se tuer lui-même. Je ne sais pas pourquoi le mythe du Pélican me revient à ce moment-là mais je me sens comme lui, aussi désemparée et impuissante. Si je meurs, Cerbère aura gagné son combat de loyauté. Si je meurs, mes filles ont presque six ans et même si ce n'est pas assez pour qu'elles sachent appliquer les leçons que je leur enseigne depuis leur naissance, je sais qu'elles en ont les bases les plus solides. Si je meurs, Shawie retournera dans son monde et racontera le soir, au coin d'un feu de camp, comment elle a épousé celle qui croyait pouvoir devenir reine de France. Si je meurs autrement que Souveraine, j'aurais déjà été plus loin que tous et un autre réussira à ma place, un jour, peut-être.

Mais cela ne peut pas arriver.

Je rouvre les yeux et les lève vers mon Frère. Il y a en eux la naissance d'une flammèche, comme une braise que l'on aurait redécouverte après avoir remué et cherché sous les cendres. C'est fragile, ça menace de s'éteindre à la moindre brise mais c'est là, et si Maximilien y plonge encore un peu, il pourra y voir tout ce qu'il me raconte : le pourpre, les lys, les conquêtes terrestres, les batailles pour un assainissement de la Couronne, tout ce pour quoi je vis encore, tout ce pour quoi j'espère toujours. Qui ira plus loin que moi si je m'arrête là ? Au bout de combien de temps prendra-t-on ma relève ? Après combien d'années réussira-t-on à égaler l'exploit que je réalise ? Après combien de générations ira-t-on au bout du chemin que j'aurais commencé à suivre et à tracer ? Combien de vies encore devront se sacrifier et se perdre avant d'arriver au bout ?

Personne ne se battra à ma place.
Personne ne se sacrifiera à ma place.
Personne ne réussira à ma place.

Personne ne mourra pour ce qui est mon destin.

Au fond de mes yeux sombres, la France se relève, resplendissante, auréolée d'une lumière perdue. Avec moi, la France sera comme un printemps éternel qui ne souffrira ni de morts, ni de bassesse, ni de chaleur ennuyeuse. La France, je veux bien me battre pour elle, mais que faire si elle ne veut pas de moi dans son armée, à sa tête ?


-Et comment je peux y arriver sans toi pardi ? Je tire mon énergie de gens qui ne sont plus pardi... Qui ai-je encore à protéger pardi ? Ils sont si peu nombreux aujourd'hui té... Mes filles, Shawie, Lucie pardi...

J'aurais pu faire la liste où il ne manque que quelques noms mais je ne préfère pas. Je ne mentionne même pas Yohanna, je ne sais pas pourquoi. Je devrais, pourtant, pour elle et l'armée dont elle a toujours rêvé, la Baronnie qu'elle a tant espéré, tout ce que je pourrais lui donner en étant reine. Mais je ne prononce pas son nom. Quelque chose m'en empêche. Quelque chose m'empêche même de réaliser que je ne l'ai pas mentionné. J'ignore que "Cerbère" est en train de dévorer les souvenirs que j'ai d'elle, de les arracher à ma mémoire pour les faire disparaitre là où, jamais, je n'y aurais accès. Ce trône, j'y accèderai le coeur en miettes et l'esprit en lambeaux, au bord de l'épuisement mortel, mais j'y parviendrai et il sera pour moi comme une source d'eau pure et fraîche, l'achèvement de l'invincibilité qui fera que je prouverai aussi que cette Malédiction a un maître et que c'est moi.
Contre ma poitrine, je ramène mes genoux et les étreint de nouveau entre mes bras. Je n'ai pas la force de me relever encore, déjà parce que je suis faite comme un coing et ensuite parce qu'on ne relève pas Cerbère en un claquement de doigt. On ne relève pas Cerbère tout court ; c'est lui qui se relève, et vu la masse, ça prend du temps. Mes épaules affaissées ne sont plus molles, on les sent ramassées, prête à charger de nouveau et un feu naissant brûle dans mes yeux que je garde rivés sur le mur d'en face, le temps d'être bien certain qu'ils reprennent vie. Ma carcasse avachie retrouve un peu de sa splendeur, de cette force intérieure tassée prête à exploser. Sauf que là c'est une force qui n'a rien de physique parce que physiquement, actuellement, j'égale la force d'un chaton de deux jours.

Je redirige mes yeux vers Maximilien. Il est debout, prêt à partir, je le sens. Je n'ai pas envie qu'il parte. Ce n'est pas juste. Pourquoi c'est lui qui devrait partir et pas Arry ? Pourquoi ce n'est pas lui qui irait la rejoindre, même s'il ne le mériterait pas ? Ma colère et ma tristesse m'aveuglent et je m'en fiche. Je n'égalerai jamais le Très-Haut de mon vivant mais j'aime le croire, parce que si je ne vis plus d'espoir, alors je ne vis plus de rien. Lentement, je tends une main vers mon Frère. Il est si grand, si beau. Je ne réalise que maintenant à quel point j'ai été bête d'avoir eu envie de pleurer quand il a dit qu'il était un ange, parce que ce n'est pas que depuis qu'il est mort que c'est vrai ; il a toujours été un Ange. Il ne lui manquait même pas les ailes puisque c'est un Aigle. J'ai envie de le retenir, qu'il reste encore avec moi, qu'il soit encore un peu mon rempart contre les autres et contre l'existence, qu'il profite encore avec moi de toutes les belles choses de la vie comme se moquer des cons. Ma main atteint la sienne sans la sentir, doucement. Je n'aurais qu'à fermer le poing et je suis persuadée que j'aurais le pouvoir de le retenir tout en pouvant faire un majeur au Très-Haut de ma main libre. Dans la multitude de délires et de convictions qui hantent mon esprit, je suis sûre de cela aussi. Pourtant, je ne referme pas la main, je ne l'emprisonne pas dans le poing que je pourrais symboliquement fermer, et ce n'est pas par peur de constater que j'avais tort. Je ne referme pas la main sur la sienne parce que j'accepte qu'il regagne le monde qui est le Sien, outre du fait de sa nature, parce qu'il l'a fait Sien en partant : le Paradis. Ce n'est pas à la volonté du Très-Haut que je me plie, c'est à celle de mon Frère. Il est le seul capable de me faire plier, même ma suzeraine n'a pas cet honneur puisque je m'étais opposée à son mariage, à son "choix". Bon, j'avais bien mis quelques claques dans la face de Maximilien aussi, quelques fois, mais c'était simplement pour lui dire que sa décision du moment était idiote et que je le suivrais de toute façon. Comme quoi, l'Amour Fraternel a ses propres règles et ses propres expressions.


-Tu disais "mort aux cons" pardi. Laisse-moi te dire que tu t'es trompé de cible et que des cons, y'en a encore té. T'as pas fini ton travail pardi, et personne ne le fait aussi bien que toi té. Pense à... rentrer de vacances pardi... Je suis ivre morte pour dire ça, c'est sûr. Et... reste pas trop loin de nous pardi... On aime bien sentir ta présence dans nos rêves, dans le vent, la fumée, l'alcool et les discours pardi... Quand je dis "on", je parle aussi bien de sa famille que de la mienne. Merde, comment je vais dire à mes filles que leur oncle adoré qui leur apprenait à lancer des couteaux est mort ? Nolwenn n'était déjà pas bien ouverte sur les joies du monde... Et putain pardi, je t'interdis de faire n'importe quoi dans mes rêves té ! J'te connais par coeur pardi. Mais c'est pas ça que je veux lui dire avant qu'il ne s'en aille. C'est une fin nulle, ça. Digne de Nous, mais nulle sur l'échelle des au revoir.

-... J'abandonnerai pas pardi. J'y resterai s'il le faut té, j'en crèverai en vomissant mes tripes et même mon foie té, mais j'irai au bout pardi. Pour Toi, pour ceux qui le méritent pardi. Tu seras Roi des Cieux à la place du Très-Haut parce que tu seras fier de moi té, parce que s'ils avaient un doute pardi, ils n'en auront plus té ; toi et moi pardi, on règnera en lieu et place pour toujours pardi.
Je t'aime, Franginus pardi.


"C'est ce surnom que tu dois garder de moi, mon Frère. Ce surnom que je ne t'adressais que dans les moments forts, les plus vrais, pas forcément les plus dignes mais au moins les plus doux.

Ce surnom qui rappelle que t'es un Empereur et que c'est dans tes pas que je marche. "



* = paroles traduites de Jason Walker - Down

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