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[RP] De Faust à Faune .

L_aconit
    De Faust Aphone...


Fin mai.


Citation:
    Faust,



    Voilà deux fois que nous ratons nos adieux, deux fois qu’à la place de ton étreinte, l’heure ne m’offre qu’un sourire lointain, des mots tellement engoncés de non-dit qu’ils s’affairent à la vacuité des lignes droites sans même un seul instant, chercher à s’envoler. J’aurais dû te suivre, te rattraper à une ombre, conjuguer le temps d’une ultime seconde, et t’embrasser, t’embrasser si cruellement que tu en aurais bandé.

    Périgueux quitté m’a trouvé exsangue quelques jours, comme si bouffée d’air à peine respirée à tes crins, l’on m’interdisait autre chose que l’apnée ; je n’entends plus l’aubade enivrante et terrible de tes pas froissant le volume des marches, car si elle fredonne ton départ, elle chante aussi le parfum de ta présence, et rien ne s’épelle ici qu’un silence incolore. Mes ongles portent encore quelques traces de teinture, ténus témoignages de nous, pléiades à la route qui nous détourne, mais bientôt, malgré moi, malgré le peu d’application que je mets à les dissoudre, elles auront disparu.
    Alors, je brave les tempêtes, marin, vagabond bien loin de sa maison et je sais le périple long, inflexible, comme une année sans pluie ; çà et là pousseront des sirènes de sécheresse, perles noires en guise dents, écailles plastronnant leurs seins, ridicules coquettes juchées sur leurs rochers pensant sérieusement valoir ta chute de tes reins ; si elles savaient...
    Je croiserai des sphinx, de ces esprits féconds qui savent d’un seul mot charmer une assemblée, asservir la courbe des rimes à celles des sublimes, mais n’y ferai pas halte puisqu’aucun, Faust, n’aura l’octave de ta voix. Soif et faim tiraillées, harassé par la longueur des nuits, je me ferai Lotophage, dénombrerai les mets fins de l’oubli, gouterai aux sources même des liqueurs chronophages et reprendrai la route toujours à ma douleur, car rien n’a le gout de ta peau.
    Viendront bien assez tôt les cohortes Stymphales, bouquets de pennes acerbes et de serres grises s’abattant à mes tempes, accusant ton absence, mais je traverserai sans férir les nuées, habile voyageur, Ulysse volatile ; mes plumes à tes mots lus seront gorgées de bleu et me fondront au ciel que j’escaladerai. A l’autre bout du monde, je clouerai aux étoiles les ailes de ton rire, les ravages de tes larmes, le pli que prend ta bouche lorsque tu es fauché, l’instant si parfait où tes prunelles crissent de jouir, et ta langue qui claque lorsque tu as décidé qu’un sujet se devait de trouver conclusion ; constellation nouvelle au-dessus de ma tête, alors je rentrerai.
    Tu n’as rien d’un garçon ordinaire, Faust.
    L’on ne rentre pas auprès de l’ordinaire, l’on ne le célèbre pas aux rues, aux pierres, aux murs, aux portes, aux sols, aux lits, et encore moins à la fenêtre.
    Lorsque je rentrerai, je poserai à tes genoux ployés les têtes encore sanglantes de chacune des Grées en guise de présent, et si elles te siéent, alors seulement, tu laveras mes pieds, embrasseras mes doigts et apposeras ma main à ta nuque blanche. Là, à tes lèvres me couronnant, je conjurerai le manque, et j’en deviendrai fou ; je chuterai à la famine qui m’assaille. Déraisonnable, je prendrai tout, de ton foutre à ton âme, je ne laisserai pas une miette, pas un silence pour que tu penses, pas un blanc pour que tu parles. Tu ne seras plus que cris, brulures, foudres, extases, tu ne seras plus toi, tu seras à moi, et je régnerai en tyran de vertiges, à l’aune de mes envies, à l’aube de tes chants.
    Alors souhaite moi bonne route jusqu’à Paris, maintiens mon cap aux chemins dont je défie ta patience, ton désir et ta solitude car je rentrerai digne de chacun d’eux.


    Nous arriverons demain à Toulouse ; la compagnie est joyeuse quoique par trop féminine, même pour moi. Cela pleure, rit, se fâche, se réconcilie, et je jurerai que nous les entendrons encore à des lieux à la ronde lorsqu’ils nous laisseront sur place pour prendre route vers le Béarn.
    Erwelyn ne semble ne plus penser à te mettre quelques gifles, ni même à en souffler l’idée à ton suzerain ; je la trouve lointaine, tournée vers l’Orléans, au silence du cœur. Ne te réjouis pas, car si tu n‘accuses pas de main à ta joue, ce seront des lèvres à ta bouche, et ce que tu auras défait au nez de Corléone, il faudra en répondre devant moi. Je gronderai tes foutues lippes si elles prennent trop de plaisir à en cueillir de nouvelles, sans tempérance aucune ; embrasse qui tu le souhaites tant que cela manque de sel et que l’on en garde qu’un seul souvenir : "Baveux."
    Sois prudent sur les routes, et méfie-toi des garçons qui t’offrent des robes ; ce n’est bien souvent que pour regarder dessous.


    Je suis heureux d’apprendre que Salomon va mieux, heureux tout autant que Dôn se soit lassée de ses envies d’éducation à son sujet. Entre tes mains, il est bien ; ton dévouement sans faille à son attention en est la preuve.
    Les alentours de Toulouse regorgent de violettes et l’on loue sur les étals toutes les vertus médicinales de la plante, qu’elle soigne ou fortifie les effets des convalescences ; sachet joint à ce pli sera à placer sous l’oreiller de ton neveu, si le cœur t’en dit.
    N’en n’approche pas ton nez, il parait que si elle soigne les enfants, elle exalte les jeunes garçons.
    J’en coudrai à ma peau lors de nos retrouvailles.


    Liefde.

    Alphonse.



Citation:
Juin 1466

Muse.

    J'ai repoussé château rouge. J'ai repoussé Paris. Ici il se passe des choses terribles. Je n'ai plus de vélins. Peu d'encre, bien moins de bougie. J'ai pris la route. Une horde de brigands assiègent le Périgord. Alors je suis allé lutter. Je suis avec un normand, une secrétaire royale et un fou en chaise roulante. Mais dieu est avec nous et Désiré aussi. Dieu ne peut pas trancher en la faveur des scélérats, n'est ce pas? Je le sens. Mes pensées * le bout de vélin est sale et arraché net*




Citation:

Juin 1466

Faust,


    Ne quitte pas l’ombre de quelque homme d’arme aguerri lorsque vous battrez campagne et suis chacune des consignes qu’il te donnera. Il ne peut rien t’arriver, ou j’en deviendrai fou ; si tu tiens un peu à moi, garde cela en mémoire.
    Ton pli m’est parvenu incomplet et ne m’a livré que l’essentiel. Je gage que ton temps à venir sera bien occupé mais trouve à l’occasion secondes et vélin pour m’envoyer de tes nouvelles, même brèves. A défaut de pouvoir m’immerger à tes mots, te savoir sain et sauf, sera l’aube d’une consolation.

    Dieu te garde, et moi aussi.


Alphonse




Citation:
Juin 1466

Alphonse,

    voilà deux nuits que nous dormons en rase campagne, cernés par les bêtes sauvage et croisant des brigands isolés qui reçoivent leur juste rouste. Bien sûr, je n'ai pas le droit de prendre les armes, alors je participe à ma façon à ce nettoyage en règle des routes du Perigord... J'ai ramené avec moi les poudres aveuglantes, le chien féroce et ma sainte crosse, et cette nuit nous avons tendu un piège à un roux. Quel gâchi. Il n'a même pas eu le temps de dire de quel camp il était.

    Ces nuits sont longues mais excitantes à la fois, j'ai pu faire mieux connaissance avec le Normand qui finalement ne l'est pas. Il m'a appris des choses très innatendue sur pas mal de gens que je connais. Et heureuse coincidence , il aime les mêmes choses que moi. C'est un brave gars, comme Pierre, qui n'a pas fermé l'oeil pour protéger mon épisco-pâle carcasse, qui je dois te l'avouer, se désépaissit un peu sans toi.

    Tu me manques Alphonse. Je sais que ce voyage était important pour toi... Mais cela n'apaise rien de ce qui me vrille le ventre quand je t'ai dans la tête... Pour ainsi dire, tout le temps. L'écrire ne te ramènera pas, je sais... J'espère que toutes tes ex compagnes savent au moins profiter de cette compagnie qui fait cruellement défaut ici.

    Je ne sais pas si je vais encore rester autour d'un feu de camps à guetter l'intru cette nuit, mais au fond c'est toujours plus plaisant que le vide de Saint Front. Et puis j'ai du Lambig.

    A te lire,


Faust.


Citation:

Juin 1466


Faust,

    Il n’est pas sérieux de me tirer sourire quand je m’inquiète pour toi.
    "Le chien féroce"…
    Par Dieu, Désirée est aussi féroce que toi, alors qu’importe l’excitation de ces nuits de veille qui te courent aux veines: retranchez-vous tous deux derrière ton compagnon si le besoin s’en fait sentir.
    Malgré cette agitation que je déplore, j’aime te savoir le nez ailleurs qu’aux pierres, loin de Saint Front, même si au fil de semaines j’ai appris à travers toi à en aimer quelques parcelles, et s’il était un regret à avoir, c’est que cela ne soit pas en ma compagnie que tu en quittes le ventre ; forêt nous va bien, et j’aimerais y être à tes côtés , plus encore dans de telles circonstances.
    Remercie ton camarade de si bien veiller sur toi, et apprends de tes noctambules errances pour me les raconter.

    Juin me découvre de nouveaux hématomes. Voilà plusieurs minutes que je reste au-dessus de ma feuille, idées au chaos de leurs émotions, et j’y rebondis, de "non", en "oui", de "jamais" en "toujours", sans parvenir à trouver les trames de ces choix dont j’ai toujours eu l’arrogance des certitudes ; l’on ne m'avait pas encore tiraillé l’âme comme tu le fais et j’ignore comment je peux en souffrir autant que m’en nourrir.
    Te dire que tu me manques rend tout plus douloureux, rehausse à mon ventre le vide que j’ai emporté en te laissant derrière moi. Je cherche l’appétit des audaces, le bon mot pour exciter ton sang d’un de ces sourires qui n’appartient qu’à moi, et tous me renvoient à ces vérités que l’on replie soigneusement, encore et encore, pour les lisser jusqu’à les rendre tolérables ; ce n’est pas que tu me manques, Faust, c’est que je t’ai dans la peau.

    Paris repoussé ralentit mon retour aux pavés. Tu avais raison ; sainte Opportune amputée de moitié manque de charme.
    Donne-moi nouvelles quand tu en auras le temps, fussent-elles sommaires, aussi longtemps que dureront les échauffourées qui te mettent en danger. Sois prudent. S’il te plait.


Liefde,

Alphonse


Citation:

Juin 1466

Liefde.

    Je ne sais plus ce que cela veut dire, mais j'aime entendre dans mon esprit le feutre de ta langue le prononcer à mon oreille. Pardon. Tu m'offres de bons mots, qui sont comme une fraiche bruine à mon front moite, et moi je te sers les banalités d'une maraude.
    Tu m'as dans la peau "Liefde"? Comment ça fait dis moi? Est-ce que ça fait comme un aveu? Ou comme un ver? Comme un dernier verre avant que mon bras t'enlace l'épaule et t’entraîne ailleurs? Garde toi des hématomes, sauf s'ils sont de ma main, je te jure qu'il n'y a qu'ainsi qu'ils sont bons.

    Les pavés, ah, les pavés. Je me souviens quand je les foulais cassette en main. Quand j'ai croisé ton regard qui m'a perforé de part en part. Imagine-toi, tu es là, ça te tombe dessus sans crier gare. Quelque chose de bandant, quelque chose de dément qui donne la foi.

    Amprevan, je veux connaitre les nuits fauves. Que tu sois beste en embuscade quand je reviendrais me glisser sous tes draps. Que tu fasses scintiller tes canines lorsque j'enlèverai le bas.
    Tu m'offriras des feulements dans ta voix dis, lorsqu’elle reprendra son souffle? De ceux qui s’échapperont dans la cour pour aller faire gauler la Lune. Des coups de bélier invoqués comme un miracle, et qui veulent dire «Si tu t’arrêtes, je meurs». Toutes ces choses qui te la feront raidir rien qu’à te souvenir, pour le million d’années à venir.

    Ici toujours les bois. J'ai pris un instant pour t'écrire, la brune à l'accent fou m'a donné son nécessaire. J'ai quelque chose au corps qui me crie qu'il faut "Toi". Que je veux dès ce soir ta peau brune et tes lèvres mauves. Tes reins, tes cheveux noirs, et qu’on se noie dans tes nuits fauves. Tu crois que je doive attendre que ça passe? Il n'y a que comme ça qu’on peut rêver de caresses au réveil, je crois. Et de regards qui veulent dire " ne t’inquiètes plus, t’inquiètes plus». De coups de poings dans le cœur. De ma gaule qui rugit dans ton poumon à faire sauter les côtes. D’une épaule pour pleurer sans honte, puis d'une oreille pour tout dire. Tout dire, toujours, quoi qu’il arrive.


Faust


    ... mais pas manchot.

_________________

Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Citation:

Juin 1466




    Faust,


    T’avoir dans la peau, c’est comme une sève nouvelle qui louvoie, grimpe, croît à chaque ombre, s’éprend du soleil, et moi au milieu d’un jardin aliéné qui ignore si j’ai seulement la main verte.
    T’avoir dans la peau c’est ma mâchoire qui se tasse pour ne pas trahir un sourire en te voyant au hasard d’un reflet où tu n’es pas, ce sont mes mains qui s’ennuient à ne pas saisir tes hanches, et moi qui bande chaque fois que je m’abime de trop près à nos communes chroniques.
    T’avoir dans la peau, c’est essayer de t’en chasser par tous les moyens, échouer, jour après jour, et te regarder t’enfoncer au confort de ton trône en étirant un sourire de petit con, tes pieds déchaussés appuyés aux inestimables broderies de ses accoudoirs.
    Te souviens-tu de cette nuit où je t’avais lié les poignets? J’ignore pourquoi je revois avec une telle netteté, à mes férocités délaissant l’aube de tes reins, tes mains tirer par reflexe à tes entraves, tes doigts capturés tendus aux portes de l’envol, et toi, toi entier exaspéré de ne pas me toucher, effaré du plaisir à te laisser ainsi tourmenter… Tes yeux à cet instant avaient la profondeur des cieux et le gout salé du foutre ; j’y ai lu mille mots éraflés de musique et tous ont saccagé les lisières de ma raison, pigmenté mes nerfs, modelé mon âme à ta couleur.
    C’est cela t’avoir dans la peau, Faust. Te dévorer à ma bouche, comme à mes yeux, à mes dents comme à ma queue, ravir ta voix à mes doigts, en absorber chaque particule et la retrouver, là, atomes pulsant de manque à chaque battement lorsque je m’éloigne de toi.
    T’avoir dans la peau, c’est redouter de ne pas avoir assez d’une vie pour arriver à satiété.
    Dis-moi, toi qui es si instruit, De Mijne, est-ce cela un aveu, ou est-ce cela un ver ?


    Temps se délaye et me permet en attendant réponse des autorités d’Armagnac de profiter un peu plus longtemps d’Axelle et peut-être de Messey, si je parviens à le croiser.
    Le comté de Toulouse nous trouve aux portes d’une fourche et les affrontements qui font rage à quelques lieues nous poussent à étudier notre feuille de route avec attention. Corleone veut rejoindre Nemours à Barbazan ; je devine que tu ne m’y encouragerais probablement pas, mais je ne me résous pas à la laisser seule traverser le comté et risquer d’y faire mauvaises rencontres.
    Saint Opportune m’accueillera au sortir de cette étape ; au moins là-bas, ai-je l’espoir d’un jour t’y trouver niché au lit en en poussant la porte.
    Où en sont les tiennes, de mauvaises rencontres ? Avez-vous réussi à rétablir la pérennité des routes ? Ne juge pas ces affaires là sans intérêt aucun ; il se pourrait que parfois, quand le sommeil tarde de trop à m’étourdir, j’aimerais même savoir ce que tu as mangé au diner.
    Alors donne-moi nouvelles, toutes, quelles qu’elles soient ; j’ai faim.

    En sus de tes charges, lorsque tu y reviendras, profite du Palais épiscopal et de sa vaste bibliothèque ; je gage que tu y trouveras quelques livres pour dénerver l’opacité des mots que tu ne connais pas. Si tu souris à leur traduction, alors je crains que toi aussi, il ne te faille compter tes bleus pour les comparer aux miens à nos prochaines retrouvailles.

    Liefde,

Alphonse.

_________________
L_aconit


Citation:


    Alphonse...

    Tiens. Tu connais Messey.

    A croire que tout t'évertue à aller donner le bras à ce qui me déplaît. Que faire. Ainsi va la vie. Que Corleone profite. Il ne lui reste sans doute plus que cela. Il est une justice que tu exécrerais à m'entendre dire, ou aimer. Mais à chaque chose adorée son revers, personne n'est parfait. Personne. Profite de tes amis Alphonse. Chaque once de bonheur que tu t'octroies finit tout de même dans ma panse. Je suis Ogre de toi.

    J'ai choisi l'aver. A mi chemin entre un ver et un aveu. Par correspondance, je ne souhaiterais aucun aveu qui m’ôterais le plaisir de te l'entendre prononcer des lèvres. Aucun ver qui grignote sans qu'il n'ait été posé de mes doigts à ton torse. Et comme tu as de viles craintes, je sais que ni l'un, ni l'autre ne seront vraiment invités à se glisser entre tes lignes. Je loue ces barrières, pour pouvoir à dessein les faire tomber quand tu me retomberas entre les mains.

    J'ai acheté une tenue. Une tenue pour te plaire. Elle n'est pas religieuse. C'est une tenue de déshabillage. Pas faite pour être portée, mais pour que tu puisses dans une impatience de musicien me l'ôter. Et en connaitre la musique. Ma musique. Pour l'heure, elle n'est pas belle à écouter. Ici, grands tracas s'amoncellement et un orage gronde sur Saint Front. Pas de voleur attrapé, les jours passent et ne se ressemblent pas. J'ai retrouvé clocher.

    Isaure a été enfermée trois jours dans les geôles Périgourdines, et est tombée malade de ses mauvais traitements. Je m'occupe d'elle, et à grand peine, d'une Dôn incontrôlable de voir son double bien amoindri. Chaque jour qui passe dénature celle qu'elle a été, pour laisser place à celle qu'elle ne devrait pas être. Si Folie ne s'est pas logée au plus profond d'elle, alors qu'on me crève les yeux. Car ils sont les seuls à la voir dans son absolue monstruosité. Son mari est de nouveau absent. Démissionnaire au possible. Et je suis bien démuni. Mais je compte les bleus.


    Ne te néglige ni ne t'oublie. Fur dreist-holl. Sage pardessus tout.

    Faust Nicolas.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Chaque journée était longue, fut-elle pleine ou vide; sa précédente échappée avait laissé aux méthodiques pensées de Tabouret quelques acidités inquiètes trouvant facilement pitance dès que le silence revenait, et aux abords des frontières d'Armagnac, depuis que l'on avait perdu trace de la Memento Mori sur les routes voisines, Silence était roi.

Périgueux avait été quitté dans le nombre, et si les séquelles d’un vide aussi abrupt restaient encore délicates à tordre les lignes de la correspondance, Alphonse redoutait qu’elles finissent par altérer le verbe et les racines; Faust était de ces créatures solaires se nourrissant des savoirs autant que des humeurs et qui, même distrait d’une chasse, n'avait que les mélancolies sororales ou la bigoterie d'Isaure en guise de jardin. Définitivement, le genre féminin lui refusait tous ses charmes et à ce constat, Faune réfléchi s'abimait sans compromission; ce n'était qu'une question de temps avant que la mécanique de la routine ne crisse d'une première fraction au chapeau de Dôn et ne le contamine jusqu’au retranchement.

Pli reçu avait été porté aux noirs avides et les avait figé d’un austère frimas, peinant à savourer le bleu des mots à l’écume du naufrage redouté; si Faust avait voulu un aveu, il l’aurait eu à l’instant où ses premières lettres tombaient, où l’importance de ses sentences appuyait à la gorge brune les épineux pétales des ecchymoses qu'il était seul à savoir dessiner, mêlant colère et frustration au bonheur simple des attentes exaucées.
Aorte vitrifiée par la situation avait d'abord cédé à ces impuissantes noirceurs qui grêlent toute fleur de leurs injustes froideurs, et s'était enfermée au silence. Repas négligés , repos dédaigné à la route et aux correspondances sans saveur des responsabilités avaient assujetti le temps ; obligations et géographie ceignant les heures libres avaient rigoureusement éloigné toutes distraction jusqu'à ce matin où l'attente forcée avait posé ses lèvres à son front brulant.
S’étendant à la route, chemin de terre se dessinait, lacet aux tracés boueux, aux ornières équines et l’on devinait aux éclats lointains de voix perçant en bulles de cris que les échauffourées continuaient à nervurer les proches campagnes.
Avaient-ils seulement le temps de ne pas se satisfaire de peu ?


Après Corleone, c’était Sabaude qui avait accusé les foudres épiscopales, d’un ton que Montfort avait la glaçante finesse de savoir délayer à la parcimonie des mots, et sans appel, Faust aux élans si généreux lorsqu’il s'agissait de lui offrir son monde, chassait d’un revers de main l'un de ses plus lumineux soleils.



Insolent Tendron, toi qui porte l’attente d’un autre au rouge du poignet, toi qui enseigne tes passions à ton premier amour, le fil de tes mots exsangues décapite des têtes amies sans commisération quand tu couves celles à qui tu as un jour pensé l’Éternité.
N’accordes-tu ta grâce qu’à ceux que tu conjugues de ton passé?



Lorsque tes crocs se sont abattus sur Erwelyn, j’ai choisi d’arrondir l’épaule, d’argumenter tes années aux sagesses de l’Ainée, de considérer cela comme vétille pour en éviter toute ampleur. Rome et Orléans avaient accablé ton front de tant de tourments qu’à la couleur de mes sentiments, je n’ai pas pu me résoudre à condamner tes juvéniles colères, parce que tout valait mieux que tes aphonies, même ton manque cruel de délicatesse.
Casas m’a donné un fils que tu trouverais sans aucun doute plus beau que moi encore, dont le regard charmerait même tes craintes, et plutôt que de t’enticher d’Antoine, de chercher à le connaitre, tu t’es amouraché d’Arnoul, môme aux conflits si passionnels d’avec sa source que Périgueux tout entier a tranché en faveur de l’enfant plutôt que de la mère.
J'ai compris ton mépris des femmes qui ne sont pas tiennes, des responsabilités qui ravissent sous l’apparat des familles, et à vrai dire, parfois, à ta bouche réprobatrice qui les condamne si vertement à mes lèvres, je me trouve à tel point désarmé que tu finis par en être irrésistible plus encore que têtu.



Crachin tombant embrumait la campagne et avait trempé les cheveux bruns jusqu’à en dessiner quelques gouttes à leurs plus courbes extrémités ; chat insomniaque accusait à ses traits les jours denses du convoi et depuis plusieurs heures déjà, élégante faïence, restait à l’immobilité de son attente.


Mais Messey… Y a-t-il seulement sur Terre créature plus sincère que Messey ? Messey qui rougit comme un enfant, qui rit fort comme jappent cent chiots, ce frère qui a accueilli la rage, les larmes, la douleur des amours blessés, que Diable peux-tu bien lui reprocher à celui-là pour qu'il te déplaise à ce point de me savoir à ses côtés?
Imagines-tu les trésors de patience que le Destin a mis en œuvre pour nous réunir à ces pavés mouillés sous les traits du hasard ? Sans lui, sans sa compagnie d'octobre à combler deux ans d'absence dans les vapeurs alcoolisées de la nuit, tu ne m'aurais jamais trouvé à ton chemin poucet. De cela, pourrais-je un jour assez le remercier?
Et maintenant, oserais-je seulement te présenter Dénée ? Qu’en diras tu lorsque tu découvriras l’angélique sourire tracé par les gens de ton église ? Quelle condamnation viendra couronner sa tête que j'aime droite et illustrer sa ride du lion ? Vieille ? Défigurée ? Habillée comme un homme ?

Tu me dois pourtant à chacun d'eux ; sur les toits de Paris, un soir de Noël, aux pavés ensanglantés, à des cris exaltés de neige, tous ont assuré mon souffle à mes poumons noyés avant que tu ne m'offres la vie à la chaleur du tien.
A mes mauvaises heures Faust, je me demande comment tu pourrais m'aimer un jour, si tu n’aimes aucun d’eux…



L’auberge abritait un nombre imprévu de voyageurs. La porte d’entrée ne cessait de claquer au passage d’une fratrie chahutant d’impatience et du commis de l’aubergiste dont la frêle silhouette se glissait entre tous avec une agilité qui ne devait qu’à l’élancé de ses hauteurs, laissant perler à chaque passage, les voix mêlées des femmes abritées et l’odeur du feu du cheminée.
Sous le portique, les hommes se taisaient, veines nouées de ces impatiences blêmes que l’on tisse d’illogismes, regards portés sur l’unique chemin continuant à l’Ouest, attendant le signal qui leur donnerait l’impulsion du départ vers Muret ; tension épousait chaque prunelle aux essences de leurs plus primitifs instincts, et lorsque la silhouette du passeur apparut, le temps suspendit sa courbe au-dessus de chaque tête.
Quatre coups frappés à la porte de l'auberge par le jeune commis épinglèrent à leur cadence la musique diffuse des intérieurs et un silence de plomb s’abattit sur le bâtiment.
L’on partait. Maintenant.


Citation:
Juin 1466

    Faust,


    Ta sœur est une Grande marée.
    Tu as raison, elle ne va pas bien. J’observe à ses yeux les brèches qui s’y créent, écoute à ses silences les douleurs inexplicables dont elle se nourrit, et j’ai choisi de ne jamais souligner l’évidence de la fissure, de ses mélancolies quand il le faudrait peut-être plutôt que de t’en laisser seul témoin.
    Est-ce seulement de mon ressort ? Je ne suis ni frère, ni époux, pas même un ami. Je l'intrigue je crois, et c’est là la seule arme qu’elle a bien voulu mettre à disposition entre elle et moi.
    Lorsqu’elle tangue, vacille avec obstination au gouffre sous ses pieds, j’attire simplement son attention à l’autre versant, et parce qu’elle te ressemble un peu, parce qu’elle a aux os cette même curiosité vive qui te passe aux yeux, elle regarde vers où le doigt se tend et repousse la chute le temps de l’intérêt. Ta sœur est mangée de vides qu’elle cherche désespérément à combler, sautille d’idées en d’idées sans en suivre une jusqu’au bout, et lorsqu’elle n’y parvient pas, ou se sent seule comme on ne l’est qu’à l’apothéose de ses propres craintes, elle perd l’équilibre.
    Je ne crains qu’une chose, Faust ; que tu te consumes à ne pas savoir la combler.
    Et je crains qu’elle ne le soit pas, quoique tu fasses, quoique tu donnes. Ta sœur est une Grande Marée, alors tiens ma main, serre la jusqu’à m’en briser les os s’il le faut, mais résiste à ses courants avec moi; ancre d’encre, laisse-moi te garder contre moi lorsqu’elle l’eau montera.

    Je m’étonne que tu n’apprécies pas Messey et si je ne doute pas que tu as quelques raisons, il faudra que tu entendes ma plaidoirie un jour pour espérer adoucir la tienne, mais pas maintenant, pas aujourd’hui.
    Aujourd’hui Faust, temps est indécis et je ne le veux qu’à nous.
    Cette nuit, nous tenterons de passer la frontière d'Armagnac sans croiser les soldats qui la parcourent; nous faisons halte dans un relai où tous s'entassent en attendant que la route soit annoncée dégagée. Les murs sont trop étroits pour contenir la quinzaine de voyageurs et ne se vident qu'à la faveur d'une éclaircie. Il a cessé de pleuvoir depuis quelques minutes et chacun s'est empressé d'aller respirer un peu d’air frais; table enfin libre m'a permis de trouver le confort pour te répondre.
    A l'heure où Sélène me jettera aux bras des belliqueux hasards, je songerai à cette tenue que tu m'as réservé, à mes mains en dissolvant chaque ombre pour y trouver tes lignes, à tes cuivres qui manquent de mes basses, et aux jours qui nous morcèlent encore. Il n'est rien, je suis certain, pas même Dieu, pour allonger plus encore nos souffrances.
    Je songerai à l’oreiller que, lorsque tu passes la porte de Vésone, je porte à mon nez pour respirer l’odeur du sommeil que tu y as laissé. Je compterai les heures en reprochant à chacune d’elles de ne pas ployer plus vite, et préparerai l’irrévocabilité d’un mépris noir et blanc à mes prochaines résolutions. Il n’est pas une tempête qui m’éloignera de tes reins quand je les retrouverai.

    J’aimerais être là.


    Aver,

Alphonse.

_________________
L_aconit
Château Rouge, juin 1466


Citation:


    Alphonse, ma sœur est une Grande marée et ce n'est pas de ton ressort . Tu n'es ni frère, ni époux, pas même un ami et je ne sais pas la combler. Ne le saurais jamais. L'eau est montée. A emporté Dana. Ne reste que la marée. Derrière cette porte. J'ai entendu son front cogner. J'ai entendu plus que je ne pouvais le supporter. J'ai mis les voiles. Je suis un lâche, karantez. Mais pas vrai, pas vrai que les larmes ne feront jamais plus qu'une marée? Aux griffes de Dana raclant le bois, c'est écrit d'une encre qui ne sèche pas. Elle suinte. Et moi je suinte de Toi.

    Danses-tu avec les soldats, une danse macabre pour sauver ta peau? Sous quels auspices poses-tu ton oeil quiet qui garde bien des mots? Bien des maux. Et le ciel de tes amis, je le sais, est plus bleu que la voûte d'ici, les pluies sont diluviennes et te décoifferaient trop habilement. Garde toi de te contaminer. La mélancolie et la tristesse sont endémiques, et ce sont bien les rares maux que je ne sais soigner...


    Messey est un voleur. Il m'a pris mon bien le plus précieux et s'est joué de moi pour que je puisse le récupérer. Il distribue les cartes comme une méditation, et celles qu'il joue sont à jamais biaisées. J'ai abandonné la partie. Mon mépris n'a de toutes façons plus de gout avec les années. Je me contrefous de Messey. Je ne pense qu'à Toi. Comprends-tu, Liefde?

    J'ai pris les courants vers l'Océan. Mes pieds ne touchent plus terre quand je songe. Alors je ne songe plus. Pour continuer d'avancer vers la mer j'ai pris la tangente, face à la géométrie sacrée du hasard. Et toi tu vas au coupe-gorge qui chante dans les arbres. Pourquoi? Dear Mr. Tabouret, will you scarry me? J'aimerais être un grain de sel pour fondre à votre sueur. Me loger dans les moindres interstices de votre admirable patience. De votre admirable sagesse. De votre admirable stabilité. Dans les grincements de votre bienséance, quand elle se fendille un peu. Je crois que je suis trop piqué pour savoir dorénavant m'en passer.

    Dis, quand l' amer se retire, comment ça fait?

    Passe entre les arbres, bel Alphonse. Fonce. Garde toi des lames, des langues de feu dans le soir. Trinque pour moi. A la vie, à l'Amor. Et je t'en conjure à genoux, Aotrou. Ne te garde jamais de moi.

    Faust.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Auch, Armagnac, Juin 1466



Citation:
    Faust,



    Je ne crains ni le vent, ni la houle, ni les pluies diluviennes ; je suis né de leurs trombes dans les rues de Paris, à tes bleus, à ta nuque inondée, à ton rire fendant l’air plus lumineusement que le tonnerre, à ta curiosité qui, se penchant sur moi, s’est trouvée intriguée.
    Qu’elles me décoiffent et tu remettras de l’ordre dans mes cheveux aux dents de tes doigts blancs, qu’elles te trempent et je te sécherai à ces immenses serviettes qui dorment aux étagères en attendant l’été, qu’elles nous grippent et nous resterons près de feu, serrés l’un contre l’autre sur un même fauteuil jusqu’à chasser la fièvre dansant à nos vertèbres; qu’elles nous bousculent, nous harponnent, qu’elles gonflent leurs collets , hautes, périlleuses, laminées, et tentent d’inonder l’horizon jusqu’à l’ensanglanter de gris… Je tiens ta main, t’ai-je dit.
    Tire dessus tant que tu le souhaites, trouves-toi laid, trouves-toi lâche, condamne-toi d’aimer à en être démuni, pleure, tempête, détruis; qu’importe que tu ne me croies pas encore, je te répèterai aussi souvent que tu as besoin de l’entendre que tu beau, plus brave que nous tous, que j’admire l’homme que tu es, que ce que ton cœur endure de ses décisions n’est que la preuve de ton affection et en aucun cas, l’obole de sa condamnation.
    Tu es un homme de foi et de sciences; les maladies se combattent, se soignent, se parent de miracles, celles de l’âme comme celles du corps, et qui mieux toi, bandante dichotomie, pourrait adoucir les vertiges de ta sœur ? Pouvait-elle seulement espérer mieux, saura-t-elle jamais la chance qu’elle a de t’avoir ?
    Je le sais.


    Sain et saufs, nous avons trouvé Auch, et en son sein, Nemours et sa compagnie.
    Marquise est insupportable d’obstination, mais il est vrai que je manque de patience ; je manque de toi, et aux heures qui se délitent de ton absence, mon costume se froisse de chaque aortique mesure. Tu me trouverais désagréable, je crois, bien loin de ces quelques qualités que tu me prêtes ; je réponds quand je devrais me taire, je m’exaspère quand je devrais sourire et je quitte la pièce sans même finir mon verre. J’en ai couronné Nemours d’idiote lorsqu’elle a annoncé s’être enrôlée pour l’armée, les mains posées sur son ventre rond… See, Bishop, My Lord, I really lack good manners when you cling to the cliffs of my thoughts.
    Madeleine a été blessée lors du voyage et se rétablit doucement. Nouvelles prise furent brèves ; trouvée le nez au-dessus d’un verre à la faveur d’une soirée finissante, je n’ai point eu le temps de plus. Quant aux autres… Les autres, m’en voudras-tu si je te dis que j’en ignore tout, Karantez ? Je peine à m’intéresser à eux et serais bien médiocre à te donner de leurs nouvelles. Quelle que soit l’occupation, à chaque instant où mon esprit vagabonde, c’est vers toi qu’il étire ses fables.
    Me trouves-tu trop trivial de songer à ton cul dès la première seconde?
    J’ai rencontré Octave. Tu avais raison; il est tout à fait charmant, mais bien moins beau que moi.

    Pau assiégée désormais n’a pourtant pas assaini les allures spartiates qu’a prises la ville d’Auch. Ici, la vaillance se mesure à d’agressifs appétits et si les jours de guerre ont creusé les visages, détermination couve à chaque regard. L’armée gronde de chants martiaux et j’entends jusqu’à ma chanmbre les derniers ordres aboyés pour remplir les charrettes de vivres et de vins jointes au convoi.
    Que fais-tu en ce moment ? Dis-moi que tu n’es pas seul, qu’il y a, où que tu sois, quelques âmes agréables qui savent t’occuper l’esprit, une bibliothèque où enfouir tes songes, et l’air des rivières qui claque à tes poumons, te jette au lit sans même avoir le temps de penser.

    Nuits me voient à tes bras, n’espèrent que le feu de ta langue, ne m’appuient qu’aux sylves qui fleurissent, et chaque gorgée qui envahit mon palais s’afflige de ne pas être toi.
    Te souviens-tu des premiers mots que tu m’as adressés?
    "Vous devriez rentrer".
    Tu fus clairvoyant. Je devrais rentrer ; maison me manque.

    Liefde,

Alphonse.

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L_aconit
Paris, Ostel Dieu, juin 1466


Precious Valentine.

Citation:
    Liefde,

    mon éclat de rire dût être bien fort, pour faire s'envoler ce couple d'oiseaux qui restait là pendant que je te lisais. Lorsque tu te couronnes de prétention face à l'apparition d'un Octave anecdotique, que c'est rafraîchissant! Comme c'est drôle, il m'a écrit hier. Aurait-il fait un lien mystérieux entre le Parisien sombre et le blanc bec Périgourdin? Sa lettre en vérité, était toute tournée à Dana et Isaure. Je ne devrais pas le dire, mais à toi je peux tout, puisque tu ne le répétera pas. Je crois qu'Isaure veut se l'épouser en secret. Il a bien du charme, et à bien des égards, il est même assez bien né pour être comte. Cependant, je crois l'avoir mal accueilli. Dana est un sujet sensible, duquel je ne veux pas parler tout le jour et qui me griffe comme si je ne le devais à personne. Je suis navré pour madeleine, pourquoi diable Windham ne m'en a rien dit dans sa dernière lettre? Sinon qu'il avait pris une flêche? Les hommes sont bien égocentriques parfois. Je nous le reconnais. Il m'a demandé si j'avais aimé Clopiac. La seigneurie qu'il m'a offerte. Quelle honte, j'ai du avouer ne pas avoir eu le temps d'aller la visiter avec tout cela... A peine couronne vassale posée sur mon front, j'ai du repartir à Paris. Et m'y voilà. y a quelque chose dont je ne doute pas que tu aimerais être informé: Ansoald a frappé aux portes de l'établissement. Je crois qu'il veut y demeurer quelques temps et qu'il a dans l'idée d'en tirer quelque profit. Je n'ai pas eu le coeur à lui refuser le gîte, puis il était blessé. Le connaissant, il sera reparti au premier changement de vent. Il souhaite que je lui apporte de l'enseignement. Je le soupçonne plutôt d'être attiré par la dizaine d'étudiantes qui assistent à mes cours. Enfin voilà. Les jours passent...

    Paris sans vous n'est pas Paris.


    Quelques lettres ne font pas mon amant. Le manque ne fait pas un serment. Je me sens déraciné loin de vous, plus que loin des falaises de Bretagne, plus que loin des remparts de Perigueux, plus encore que du lit de Vesone. Je mennuie de vous, et pourtant, ce sentiment-là est trop bon, trop pur, et trop doux, pour que j’éprouve jamais le besoin d’en finir avec lui. Tu es maussade mon bel Ami. Il me déplait de le lire, bien que je veuille tout en savoir. Que mon souvenir n’empoisonne aucune des jouissances de ta vie. Sois heureux, sois aimé. Comment ne le serais-tu pas ? Mais garde-moi dans un petit coin secret de ton cœur, et descends-y dans tes jours de tristesse pour y trouver une consolation, ou un encouragement. Toi qui parviens si bien à m'éclairer quand je te raconte les noyades... Il y a de tels mystères dans ces choses, et Dieu nous pousse dans des voies si neuves et si imprévues ! Laisse-toi faire, ne lui résiste pas, il n’abandonne pas ses privilégiés. Il les prend par la main, et il les place au milieu des écueils où ils doivent apprendre à vivre, pour les faire asseoir ensuite au banquet où ils doivent se reposer.

    Alphonse, je te lis et voilà que mon âme se calme, et que l’espérance me vient. Mon imagination se meurt et ne s’attache plus qu’à des fictions littéraires. Elle abandonne son rôle dans la vie réelle, et ne m’entraîne plus au-delà de la prudence et du raisonnement. Mon cœur reste encore, et restera toujours sensible et irritable, prêt à saigner abondamment au moindre coup d’épingle. Mais je vois aussi la main de Dieu qui s’incline vers moi et qui m’appelle vers une existence durable et calme. Je m’étais habitué à l’enthousiasme et il me manque quelquefois. Je m'étais habitué à me coucher et à me lever près de toi, à partager ton sommeil, et c'est bien plus intolérable.

    Mais quand l’accès de mélancolie est passé, je m’applaudis d’avoir appris à vivre à tes cotés les yeux ouverts. Et puis je puis cacher mes vieux restes de souffrances. Je n’ai pas affaire à des yeux aussi pénétrants que les tiens et je puis faire ma figure d’oiseau malade sans que l'on s’en aperçoive. Si l'on me soupçonne un peu de tristesse, je me justifie avec une douleur de tête ou un cor au pied. Ici, on ne m’a pas vu insouciant et fou, on ne m'a pas vu ivre comme je l'étais la veille de mon départ de Périgueux, à ramper à quatre pattes auprès d'Archibald. On ne me connaît pas tous les recoins de mon caractère. On n’en voit que la ligne principale, cela est bien, n’est-ce pas ? L'Ostel Dieu m'a retrouvé. Ou bien est-ce-moi. Qui sait. Ici je ne suis pas Monseigneur montfort Toxandrie. On me traite comme un homme de vingt ans et on ne me couronne pas d’attentions comme une âme vierge. Je ne dis rien pour détruire ou pour entretenir cette erreur. Je me laisse régénérer par cette quiétude douce et honnête. Pour la première fois de ma vie, je crois que je vis sans passion.

    Es tu déjà arrivé là, toi? Ton bon coeur a souffert, je le sais, bien que je n'en sache que quelques prénoms, quelques détails de chapitres. Ton bon coeur, je le chéris tant. Quand il te fait bondir, à la moindre alerte de chute, quand mon pied se prend dans un quelconque tapis. Quand ta main vient se poser sur ma nuque en lieu et place de tout mot, baume véritable qu'on ne saura hélas jamais mettre en pot. Qu’il se soit mis tout entier ou en partie dans toutes les amours de ta vie, et qu’il y ait joué toujours son rôle le plus noble, afin qu’un jour tu puisses regarder en arrière et dire comme moi, j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. J’ai essayé ce rôle dans les instants de solitude et de dégoût, mais c’était pour me consoler d’être seul, et quand j’étais deux, je m’abandonnais comme un enfant, je redevenais bête et bon comme l’amour veut que l'on soit.

    Que tes lettres sont bonnes et tendres, Liefde. J'ai eu de belles lettres dans ma vie, mais les tiennes... Sont la panacée de toutes mes nuits creuses. Ne cesse jamais de m'en écrire, je veux les dévorer sans jamais m'en repaître. Fais moi signe lorsque tu retrouveras les pavés de la capitale. N'est-il pas grand temps que tu connaisse l'endroit où j'y passe le plus ' clerc ' de mon temps? Sois trivial. Oh ... Sois Trivial. Je t'attends.

    Ik denk aan jou.

    Faust


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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Muret, Armagnac 1466




Citation:



    Faust,



    Je n’oublie rien de ce que tu me dis, ni Octave, ni Ansoald ; je ne saurais effacer de ma mémoire ce visage qui t’a marqué lorsque Bretagne nous étirait, pas plus que le prénom qui t’a gravé le cœur d’une première lettre.
    Ne sont-elles pas spectaculaires, nos premières amours? Soumises au temps, comme à la vie, elles n’estompent jamais leur lignes originelles, adoucissent les vides et rappellent inlassablement à ces couleurs qui aveuglent lors de leur découverte. Elles restent, non pas inaltérables mais indélébiles, grevant aux mémoires les liminaires frontières de leurs naïfs enthousiasmes.
    Ansoald a subjugué ton intérêt avant tous les autres, gagné ton affection, dessiné des rêves de liberté à tes veines, et demeure quelque part, nova parfumée d’Avant à la faveur de tes souvenirs… Son nom à ton encre n’a pas la même saveur que les autres, moi-même je m’en rends compte, et je gage qu’il a sur le bout de ma langue, un gout qui n’est propre qu’à moi.
    Ce que tu ne sais pas refuser, donne-le. Tu m’entoures toujours de libertés, même lorsqu’elles te pèsent, alors, de quoi aurais-je l’air, chat en balade sur les toits d’une autre ville, à prendre ombrage de tes élans ? Accueille, soigne, enseigne ; tes mains sont fraiches aux fronts brulants et manquent cruellement au mien.


    C’est à toi de me tirer sourire, aux murmures de tes confidences; qu’Octave plait à Isaure est, je crois, la première chose que j’ai appris d’elle lors de nos retrouvailles à Périgueux.
    Sais-tu que j’ai passé une soirée à sonder sa robe sous prétexte qu’un mot de lui s’y trouvait peut être ? C’était une belle soirée, Karantez. Ta sœur riait, allongeait nos nez d’un mensonge amusé et Isaure tournait dans tous les sens, embuée d’espoir à l’idée de découvrir quelques lignes, jusqu’à nous croire et en tâter son corsage avec application pour trouver son billet ; voilà à quel point elle tient à son Comte. On la comprendra, le garçon est estimable il est vrai, et semble posséder quelques vertus fort appréciables ; il est regrettable que la demoiselle soit si peu encline à vivre ses passions, celle-ci aurait de quoi la faire respirer, je n’en doute pas.


    Ta lettre est sage, je le regrette un peu, mais j‘en ai suivi les conseils avec méthode. Je t’ai soumis à de nombreux pliages et t’ai lové à l’aorte sans plus y toucher. Je ne t’ai ni nourri, ni arrosé, me suis appliqué à ne pas regarder si quelques larves venaient faire leur nid à tes nervures, et pas une seule fois je n’ai laissé un parfum ou une couleur, venir abreuver nos secrets. Mes journées ont été rigoureuses, acquises à chacune de mes déterminations, de tes leçons, et je les ai vécu sans un bleu, noir opaque réfractaire aux reflets. Trois nuits durant, j’ai rejoint l’oreiller à l’aube du coma, chiffres dansants en tête comme autant de catins, et j’ai dévié chaque cohorte du chemin menant à ton ancre pour t’y laisser en paix.
    Je ne m’en suis trouvé ni plus heureux, ni plus aimé ; peut-être même moins. Ce matin, lassé de l’expérience, je t’ai déplié, posé à même l’âme pour en jauger l’état, t’ai trouvé quelques centimètres de plus et l’esquisse d’un bourgeon au fil d’une bordure.
    Tu m’as menti, Faust ; il n’y a aucune consolation à ne pas t’avoir vu grandir, aucun encouragement à ne pas t’avoir vu fleurir. A quoi sert un jardin s’il pousse sans attention ?

    Je ne te crois pas capable de vivre sans passion et j’abhorre l’idée que tu en sois dénudé du plus profond de mon être.
    L’Ostel Dieu est un havre d’anonymats auquel j’imagine sans mal la douceur de la discrétion; Florence arpentée pendant deux ans me semblait des plus beaux linceuls malgré ses cris et ses musiques, ses vins et ses peintres, de ceux qui jurent qu’à leurs pierres nul ne sera là pour te reconnaitre et te ramener aux écueils d’une simple lueur, d’un prénom qui écorche l’air. Tu es moins lâche que moi, Faust ; tu n’as pas choisi l’exil, mais l’ilot. Tu en sortiras et quand ce sera fait, tu me trouveras aux pavés de la ville.
    Nul n’est fait pour vivre sans élan et les tiens, Liefde, les tiens laissent deviner de telles hauteurs que tu en auras encore bien souvent le souffle coupé, parfois des regrets, mais jamais de remords. Chaque larme nait d’un rire fracturé, chaque peine s’est nourrie d’un trait de bonheur ; il n’y a pas de chagrin sans amour, pas d’amour sans passion, et ceux qui te disent le contraire n’entendent rien aux Hommes et à leur Créateur. Dieu n’est pas là pour t’en raisonner mais pour t’y éclairer.

    Je veux ta bouche à ma bouche, mes mains à ton cul, les tiennes dans mes cheveux, je veux que Paris s’inonde et brule à chacune de tes sulfureuses cambrures, je veux au ciel qui nous couve, me parer de soleil, enchevêtrer la lune à chacun de mes doigts et éclairer ta gorge de mes fièvres rayées. Je voudrais savoir te faire jouir d’un unique baiser, d’un mot obscène à ton oreille fébrile; ce n’est pas au banquet que je souhaite me reposer, mais à tes ecchymoses que veux m’endormir. Voilà à quel point, moi, je tiens à toi.
    Sors un beau soir, au soleil couchant, seul ; va dans les rues de Paris, assieds-toi sur un banc, sous quelque saule vert bordant Sainte Opportune. Pose tes vastes bleus au sud, et pense à moi qui rentre enfin vers toi. Tâche d’oublier le reste, relis mes lettres si tu les as, ou songe simplement à l’odeur de nos draps. Pense, laisse aller ton bon coeur, donne-moi une larme, et puis rentre chez toi doucement, allume ta lampe, prends ta plume, donne une heure à ton pauvre ami. Donne-moi tout ce qu’il y a pour moi dans ton coeur. Efforce-toi plutôt un peu ; ce n’est pas un crime, Faust. Tu peux m’en dire même plus que tu n’en sentiras ; je n’en saurai rien, ce ne peut être un crime.


    Ik tel de uren,

Alphonse.

_________________
L_aconit
Paris, Ostel Dieu, juin 1466


Citation:
    mijn reiziger.

    Je suis parfois aveugle aux évidences. Ainsi, tu savais avant moi? Je devais regarder ailleurs. Un ailleurs vers toi. Il faut dire que les amours des autres m'importent parfois bien peu. Et puis, on ne confie pas cela aux religieux, sauf lorsque l'étroitesse d'un confessionnal nous y contraint, je crois. J'imagine sans mal Isaure s'agacer de ne pas trouver le précieux mot. Et tes mains sur elle, ma foi, j'ai du mal à les imaginer comme sur moi. C'est bien mieux comme cela . Bien mieux.

    Tu dis que ma lettre est sage. Quel détestable mot quand il sort de toi pour aller vers moi. Je ne veux pluss être sage. Je veux m'évanouir parfois sous tes doigts. me réveiller Diable sait où. Et tirer tes reins contre les miens. Fermer mes bras sur tes épaules, en compter chaque grain de beauté. Pépites. Rosée. Que tu m'appelles par ton nom. Que je fasse le mur de Saint front, ta main; mon éperon, pour me donner l'élan nécessaire. Les ailes d'hermès, les yeux de Junon. Je suis ta trace aux fil de ta progression.

    muret est dangereuse. Je n'aime pas. Ne reste pas là bas. Car si je ne suis pas capable de vivre sans passion bien longtemps, je crois que je ne suis pas capable de vivre sans toi. Je tente bien l'expérience. Je la pousse jusqu'à ses frontières. Et ma main à mon front cachant mes yeux du soleil n'y change rien. Au delà, il n'y a pas d'horizon. Si tu as mis les voiles, tu avais tes raisons. Elles t'appartiennent. On ne prend pas décision de perdre le chemin de la maison sans qu'une tempête obscurcisse ses sentiers. Tu es entier. C'est ainsi que tu me fais bander, tu sais? C'est ainsi que je veux t'être ligoté. Que je veux t'arracher le coeur, pour le grignoter. Le digérer et profiter de tous ses bienfaits. Cher. Tu es mon eraste. Je suis ton eromane. Et puis nous tournerons en rond dans ce lit, et nous inverserons. Que nos langues étirent au ciel des chariots de feu.

    Tu veux que je parle comme l'eau des fontaines. Tu es drôle. Tu es si loin. Certes je ne sais pas brûler mes vieux souvenirs... mais j'ai tendu le bleu nuit de mes rêves pour qu'il t'attire. Tes lettres sont un jeu de miroir qui retiennent prisonniers mes soupirs, mes exclamations, mes soucis et parfois même tu vois, mes éclats de rire. Elles sont comme une érection matinale: leur longueur annonce la teneur de ma journée. Il nous faut un grand lit. Je te prépare un grand lit. Vesone sera démentielle. Je veux t'y agrandir toute nos habitudes. Quand l'Hiver viendra, je donnerai moi aussi une clef. J'ai morcelé quelques meilleurs instants de plaisirs, pour nous bâtir un empire. Ce sera bien, tu verras. Tu n'auras plus envie de quitter mes bras. Tu y auras envie de moi. Et je te laisserai m'attendrir les chairs. Par ta chair. Fort. Longtemps. Fort.

    J'ai trouvé un livre de Flammand.

    Vergeet niet om terug te komen.
    Tussen jou en mij, hoe meer ruimte er is en hoe minder ik adem.

    Faust Nicolas.

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