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[RP] Mes mauvaises heures.

Alphonse_tabouret
Depuis plusieurs secondes, Alphonse ne respire plus; apnée nocturne s’est immiscée aux berceuses conjuguées, rompant la mélodie, et Vésone n’est plus troublée que du souffle discret de Faust.
Sous les paupières brunes frémit une tempête, un tourment nourri de sang, de nuit, une lame de fond que les mois ont cru dissipée et qui, aux angles des tempes, a enflé si démesurément qu’il semble aujourd’hui impossible de la contraindre; lanterne rouge ondule aux vents et tapisse la cave d’une lueur saumâtre.



    A cheval sur lui, Leozan s’est hissée jusqu’à cueillir les noirs d’un sourire assombri ; elle pèse sur ses poumons comme un quintal de pierre et rit sans qu’aucun son ne lui vienne aux oreilles.
    Alphonse est sourd, ses membres sont de plomb et si ce n’est son cœur qui bat à en fendre les côtes, il se croirait mort. Encore.
    Donzelle tousse et à sa bouche ouverte, avancent les pétales mauves du poison Mandragore. Régurgitée au-dessus de son nez, fleur s’étire, plante ses racines aux commissures béantes et s’accouche, enduite d’une salive liquide qui déborde au menton, gouttes tombant sur sa gorge tendue.
    Alphonse est aphone, son corps se fond au sol et quand la corolle tombe à sa gorge, elle l’obstrue, l’étouffe, tentacules galopant le long de la trachée pour se répandre aux poumons.
    Il est vivant et en regrette chaque seconde.



Senestre sous le drap frémit d’une secousse, qui, en quelques secondes étend ses lianes jusqu’à ravir les doigts ; muscles tissés d’échardes, resserrent plus indistinctement chaque seconde à la suivante et bientôt, le corps éprouve une première douleur, se crispe inexorablement d’un faible gémissement. L’air raréfié affole la cervelle ; Alphonse s’asphyxie à ses années passées et quand sa main convulse sans maitre pour la faire taire, elle tord jusqu’au bras qui l’enchaine, brisant le sommeil comme une feuille de verre.

Immenses, égarés, les jais se dissolvent à la densité du rêve et trouvent un plafond qu’ils n’identifient pas ; orage gonfle et se couronne d’une panique blême.



    Leozan est partie, l’a laissé presque mort, pas tout à fait vivant, brumes enroulées à chaque variation, et il danse à sa mémoire trouble des visages balafrés de sourire, écumant de soleil, poinçonnant à l’iris les traces éblouissantes des taches de lumière.
    Alphonse est aveugle, il ne discerne plus que le pourpre d’un horizon plat et sa main brisée pend en un angle grotesque sur un poignet brulé d’avoir trop tiré sur le fer de ses chaines.



Poumons opprimés réclament d’une exaspération asthmatique et dans un geste tremblant, les doigts se rassemblent à la gorge inerte pour y chercher de l’air : échec obscurcit jusqu’au noir et voile la raison d’une angoisse souveraine. Félin se redresse à la couche, cherchant l’oxygène d’inaccessibles goulées, front perlé d’une sueur démente, et quand il s’extirpe du lit, c’est pour chanceler, sans force, et tomber au sol, agenouillé, suffoqué, confondu.
Vésone n’existe plus, tout ici ressemble à Paris, jusque dans les odeurs humides d’un mois de mars exsangue qui lui prennent le nez et épatent sa langue d’un parfum nauséeux, floral ; dans la chambre, fenêtre ouverte claque un air chaud d’une journée de canicule et brule la peau à vif qui lui barre les poignets, pique l’os cassé d’une ultime bravade.

A ses mauvaises heures, Alphonse a vingt-trois dans les caves de Paris.

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L_aconit


Faust avait eu vite sommeil. Un de ces sommeil de plomb dans lequel l'on ne prie que de sombrer, d'y plonger entier, pour laver la dureté du jour. Un de ses sommeils où le songe même n'est pas convié, laissant toute la place à la réparation la plus profonde, la plus complète, un acte d'abandon, une mesure définitive.


Le nez dans les boucles brunes, les mains sur les angles des omoplates blondes, corps s'étaient touchés sans se désirer. Accrochés sans s'entraver. Les yeux avaient largement fermé rideau sans faire l'inventaire des mots d'adieu. Demain, demain il ferait jour n'est-ce pas? Patrocle s'était couché avec Achille, comme il leur était permis de le faire depuis toujours, comme ils avaient pris l'habitude de le faire depuis toujours. Temps quiet toujours déforme son étendue, laissant à ce qui est heureux la part belle, reléguant aux nimbes de l'inconscient ce qui doit être oublié. Chaque soir où il s'endormait à deux, Nicolas refermait un livre jusqu'à l'aube, éludant les passages tumultueux aux dents acérées du passé.

Cette nuit, qui aurait pu prédire que le passé glouton régurgiterait?

Lointains, très lointains les prémices de la crise. Comme la vague qui commence d'abord par s'éloigner de la rive, sans que personne ne se doute de ce qui s'annonce. L'agitation d'Alphonse ne perce pas encore la bulle dans laquelle Faust a laissé sa conscience. Il reste prostré, bras enjambant l'édredon. Jambe embrassant les bords de la couche. Vésone est calme quand Alphonse se débat avec le magmatique intrus qui s'est convié aux noces. Le cauchemar.

Est-ce l'absence du corps dont le sien s'est entiché? Le vide inhabituel auquel il se heurte, ou ne se heurte justement pas? Qu'est-ce qui provoque, comme une mère s'éveille au soupir de son enfant, le bris léger de la chaîne du sommeil? Nul ne saurait percer les secrets de la nuit. Ce qu'elle donne, ce qu'elle reprend, et les raisons qui la poussent à le faire. Nicolas loin de la paroi rassurante dont il s'emmure chaque nuit depuis quelques mois émerge dans l'éclatement sourd de son repos. Vertige s'empare de son palpitant dans le fracas de la chute.

Tout se mélange. Tout est confus. Trogne blonde émerge de l'oreiller tirant à lui le drap qui n'est plus lesté. Il fait noir, la chandelle est morte depuis longtemps, et Alphonse n'est plus là. La mécanique du coeur s'enraye avec fulgurance. Plus rien n'est dans le bon sens. Qui est là? Qui ne l'est pas? Dix neuf ans de fausse quiétude viennent éclater en bouquet sous ses pieds touchant le plancher. Ils sont venus les tirer de leur lit. Sont-ils venus lui arracher son compagnon à la pointe des fourches? A la lueur des torches?


Alphonse...

Torche il n'y a pas. Senestre tâtonne fébrilement jusqu'à lâcher les bords rassurants de leur lit, pied hasarde, vagabond et aveugle jusqu'à heurter quelque chose. Quelqu'un. Alphonse.


Antwoordt*? Alphonse.

Les mains se chargent de crier, empoignant la première plage de chair où l'angoisse a fait tomber la pluie. Cherchant dans le noir les contours de ses peurs. Bras identifié est tiré sans aucun ménagement avec la force inhabituelle de ceux qui redoutent, pour traîner le corps quelques distances plus loin, là où la lune permet à son rayon de faire lumière sur la scène.


Aujourd'hui, Faust n'a plus sommeil jusqu'à demain.


* Réponds?
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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, Exorciste de Rome
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
A la trachée, l’air siffle péniblement, et le filet étroit qui s’y immisce effleure la frondaison de poumons entravés, agitant le cœur d’une cavalcade plus bruyante encore ; cruelle ironie vient de tendre la peau du rêve et accorde la bouffée au corps qui désire le ciel, retardant la sentence, le définitif, pour délier aux tempes la suite du calvaire.
Sélène en halo à la fenêtre darde une lueur pâle, et donne au parquet de Vésone l’allure des catacombes. A cette heure des deux mondes, qu’il soit à Paris ou aux murs de son nid, Fauve est prostré au sol, raison s’étiolant aux parois des logiques viciées d’une mauvaise graine et quand Amant le saisit, la bouche s’écarquille tout autant que les yeux au contact des peaux ; collision n’éparpille plus, elle rompt l’équilibre jusqu’à l’enlacement de la bascule.
Son prénom crève le silence étouffant des pierres et l’agite d’une crainte blême, blanc délavé d’orgueil, et noyé de désespoir : C’est l’heure.



    Le sol est une tombe mouvante dont la gueule-écharde se frotte à ses genoux. La main à son bras grave de brulures les sortilèges des précipices à venir quand la difformité de son timbre l’apostrophe de tempêtes discordantes.
    Alphonse est dysgueusique, sa salive a le gout des mixtures alcaloïdes et irradie sa gorge jusqu’à en entrouvrir l’étau d’une nausée acide .La chair proteste, le corps se débat et la voix s’obscurcit de phonèmes.


Prière tissée de "Non" vient envahir les lèvres, supplication lancinante troublée de notes inégales, brisée aux écueils des savoirs. L’instinct de survie ne commande plus par la résistance mais par l’imploration ; là sont les derniers reliquats d’âme, ceux où l’envie de vivre a dépassé les lisières des belles résolutions, ici, l'on est prêt à tout pour l’Encore un peu, respirer le soleil, et l’on sacrifie sans plus de pudeur Dignité à l’autel de l’Espoir.
Désir Souverain toujours, se repait de crocs plutôt que de bouche.
Alors, l’on adjure, litanie de syllabes répétées jusqu’à l’enchevêtrement, mêlant mansuétude et négation aux chants fervent des suppliciés, et Tabouret, homme de foi déphasé, récite de tout son cœur tandis que Faust le traine sur quelques mètres :


Pitié, non, non… pitié…


    La porte est ouverte, elle donne sur une volée de marches et le pic d’un gel charrié aux vents cinglants des débuts d’année. Torture a commencé ; on le touche, on l’empoigne, l’on penche sur lui un visage qui n’a aucun sens quand l’esprit fourvoyé jure connaitre la vérité.
    Ce n’est pas son bourreau et c’est pourtant bien lui. Ses yeux ont la couleur des noyades saccadées et sa voix exige ce qu’il ne peut donner ; bientôt, il le parfumera d’eau, et Alphonse deviendra fable, jarre percée, mâle parmi cinquante sœurs.



Désossée, la silhouette ne trouve pas l’assise, et faiblement, quand la main cherche machinalement l’appui au vertige, Dextre repousse le portrait qui le frôle, doigts écrasant la joue sans la moindre force et y échouant plutôt que s’y heurtant. A la nuque, les cheveux sont trempés, fièvre éphémère consume jusqu’aux tempes dont l’une accuse la ligne morcelée des sueurs imagées, et Alphonse chavire, épuisé, jusqu’à ce que Senestre trouve le sol en guise de support.


Métacarpien fendu aiguise une trille et la saillie répulsive d’un scaphoïde perçant la chair laisse enfin l’air se déverser aux poumons pour le rugir longuement.
Epiales aux cuisses d’Algea, s’enhardit.



Dans la chambre, le martyr s’étend, emplit l’espace et grumelle le temps. Le hurlement qui déchire l’illusion d’un premier trait n’a rien d’humain mais tout d’éthéré et s’effiloche en une grêle d’anhélations plaintives ; ici, s’envole une poussière d’âme quand la main brisée de rêves se rabat au ventre pantelant.
A la chute du corps, Rouge lanterne s’est estompée pour laisser place aux ténèbres des immersions, et s’il ne reconnait pas l’odeur claire du Périgord à la faveur d’une réminiscence chimérique, anosmique passager recroquevillé sur lui découvre le nouveau décor qui le ceint aux travers d’une buée endolorie.

C’est l’heure des apnées mauves.

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L_aconit
Hey. Hey. Alphonse...


Cent braves soldats marchent à reculons sous les yeux d'une terreur nocturne. Il coupent à travers champs, dans un 'War Anthem' entêtant qui gronde et résonne dans chacune de leur gorges turbulentes. Alphonse délire. Quelque part enfermée dans son esprit; c'est la guerre. Faust, réveillé par le courant électrique de sa foudre, le redresse tant bien que mal. Désemparé, il souffle sur chaque négation, chaque supplication; des veux de paix. Les bras nus retiennent le torse nu, invoquent le réveil plutôt que les griffes du mauvais rêve. Est-ce cela? Une mutinerie? Une révolte somatique de l'incroyable constance Faune? Doigts glissent sur la sueur froide. Le front chaud. Les boucles déchaînées. Une tempête agite sous les bottes boueuses une infinité de genêts
.

Wake from your sleep
Réveille-toi
The drying of your tears,
Sèche tes larmes,
Today we escape, we escape
Aujourd'hui nous nous enfuyons, nous nous enfuyons
Pack and get dressed,
Fais tes bagages et habille-toi,
Before your father hears us,
Avant que ton père ne nous entende


Pantelant et raide à a fois, Alphonse s'est amoindri entre les secousses blanches, Nicolas dos au mur le ramène contre lui, Panic Room ouverte. Quelque soit la bataille qui était entrain de se jouer, l'instinct du medecin s'interdisait formellement de l'arbitrer avec douceur, et trop apeuré sans doute pour aborder une juste sentence dans la précipitation, il trancha sèchement. Une main forte vint saisir sa jumelle danseuse au poignet , la sommant austèrement de cesser son spectacle, indigne d'un être aussi maîtrisé tel qu'Alphonse Tabouret. Qu'était-ce cela? Jamais, jamais il n'avait vu l'admirée senestre s'ébranler ainsi sur la ligne de sa brûlure. Il la baisa avec ferveur, la sommant dans un glapissement colérique de revenir à la raison.

Pas d'huiles. Pas de sels. Rien. Rien que le noir sur eux et le noir en Lui. Faust se sentit misérablement démuni. Il savait quelque chose. L'homme ne pouvait pas éternellement maîtriser l'ordre des choses sans que la nature ne se révolte un peu. Sa nature. Pieds glissèrent un peu sur le parquet, malhabiles, désarmés. Faust, si Alphonse ne maîtrisait plus rien, le ferait pour lui. Bras se serrèrent sur les épaules brunes d'une force d'airain, lourds comme un ancre, tandis que le nez se figea doucement sur la tempe-otage, murmurant pour que passe l'orage.



    Before all hell breaks loose
    Avant que tout l'enfer ne se déchaine
    Breathe, keep breathing, don't lose your nerve,
    Respire, continue à respirer, ne perds pas ton calme,
    Breathe, keep breathing
    Respire, continue à respirer
    I can't do this alone
    Je ne peux pas faire ça tout seul


Une bourrasque fit persifler le vent de la poitrine agitée, libérant de la crise le dernier spasme avant que les chants ne deviennent lointains... Troupes avaient percé les lignes ennemies, laissant les noires prairies dévastées, emportant avec elle les échos redoutés.

Racine blanche aux poumons éplorés s'étire d'un soulagement mais persiste à ramifier une question. Qu'est-ce qui fait pousser les fleurs du mâle, à cette heure ci?

Qu'est-ce qui les fait pousser?...


S'il te plait. S'il te plait. Reviens avec moi... >
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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, Exorciste de Rome
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Ici, le monde n’a plus d’accès ; il flotte des visages qui se déforment de plantes, des souvenirs qui compostent, et des corbeaux curieux dont l’œil gourmand cherche les dernières graines au labour. Chimères fleurissent en d’obscures élytres, se façonnent en de monstrueux géants et s’effondrent à de communes silhouettes. Le sens de toute chose y est inversé et rien n’est tangible que la craintive et exaltée folie de celui soumis aux mirages.
Dans les bras qui le tiennent, à la main qui attelle d’un étau souverain la danse chaotique des nerfs senestres, rêve se dissout lentement, étirant ses bribes crénelées à l’œil rond des freux. Vésone reprend ses droits et marque ses lisières à un parfum noté de bleu.



Faust.


Prunelles se froissent d’une douleur quand la mâchoire se crispe d’un hoquet défait ; plainte déchirée tâtonne à trouver le volume de ses égides quand l’ombre plus dense des angoisses florales épaissit la bribe lucide qui file à ses yeux.
Combien de fois a-t-il cru toucher le visage d’Antoine pour le voir disparaitre à la pulpe de ses doigts, les traits d’Axelle se fondre au moindre souffle, De Ligny s’y creuser jusqu’aux crâne, et chacun d’eux, fatalement, finissant toujours par prendre ceux d’une geôlière qui, une fois délassée de ses crises, revenait toujours panser les plaies qu’elle avait infligé ?
C’est invariablement ce moment de paix qui s’avère le plus douloureux, quand femelle s’acharne à la douceur, aux excuses, à recoudre ce qu’elle a déchiré de quelques mots bienveillants, quand la tendresse de ses gestes, les inquiétudes de ses lèvres ont les accents des êtres concernés.
L’espoir en vagues successives s’écrasent à chaque vérité et se dispersent aux vents comme de volatiles embruns dont il ne reste bientôt que le gout des souvenirs ; ce soir, le visage est blond, aux yeux de clartés, au nez fin et à la bouche solidement dessinée.



Faust


A-t-il rêvé ?
A-t-il rêvé Florence, Paris… Vésone ?
Est-ce un songe, ce torrent d’octobre, dont il ne doit les échos qu’à sa danaïde condition ? Et janvier, janvier aux chandelles de Saint Front, au brasier d’une cellule monacale, l’a-t-il imaginé aussi ?
Paris, plumes, serment, lettres, bleu, noir, Faust, Faust, Faust, Faust…
A-t-il rêvé Faust ?

L’air qui s’insinue aux poumons est incandescent de gel, volutes épineuses dont chaque goulée affligée corrompt tout autant qu’émerveille ; impossible à réfréner il s’insinue en échardes jaunes et se plante à une gorge qui bout.
A sa peau, celle de Faust.
A son angoisse, celle de Faust.
A sa lutte, celle de Faust.
A sa plainte, celle de Faust.
Illusion maintient à l’étau de ses doigts la douleur muselée d’une main qui a trouvé la laisse et son parfum balaye de foudres vertes l’entrelacs visqueux des pierres.



Poisons se toisent de leurs couleurs jumelles, corolles vibrent, racines plantent, et déploient leurs ramages aux cendres du jardin ; c’est une guerre de territoire, une lutte d’épines, l’une plantée au cœur, l’autre fichée à l’âme.
Ce soir, deux mauves se rencontrent.



Existes-tu ? demande-t-il d’une voix absente, inégal timbre aux variations brisées de lentes saccades, cherchant à se convaincre avec une fébrilité de mourant qui reconnait la trame des certitudes.

Senestre s’est tue; à la poigne des alcyons marmoréens, elle s’est tapie d’angoisses, d’une humeur curieuse tout autant qu’effarée ; personne ici ne l‘ a jamais couchée. Danseuse ne connait qu’une seule maitresse : la violence d’Alphonse.
Exorcisé du pire et d’ombres aux sourires creux, doigts agités s’enchevêtrent au visage, éprouvent le grain de la chaleur, les angles mâles, redoutant en deux yeux troubles qu’ils ne s’estompent devant eux pour redevenir Elle ; appliqués, nerveux et attentifs, c’est aux lèvres qui baisent doucement le pouce les éprouvant, que vient la révélation :


Tu existes, cède-t-il d’un rire exsangue, bref autant que sourd, folie douce des vérités brodée à chaque voyelle en empoignant plus fermement la nuque bordée d’épis.

Réalité repousse le chiendent et Périgueux au ciel d’un été brulant impose ses couleurs au fil de ses arômes rappelant à la trachée viciée l’âpreté de la pépie ; besoins écornent jusqu’à l’éperdue reconnaissance d’un Thésée au sortir du labyrinthe quand la tête s'appuie à l'épaule blanche :


Soif. J’ai soif s’il te plait…
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L_aconit
C'est toi qui n'existes pas...

    Terreur nocturne .


Rends-moi Alphonse.

Et les lèvres sourient un peu dans la tempête . Faust chasse quelques mèches encore collées de sueur, comme on chasse le mauvais rêve, et avisent à la lueur de la Luna , les niveaux d'une mécanique qui s'est enrayée. Fièvre? Respiration? Rythme du coeur? Bouche?... Bouche.

Bouche.

Baiser est semé à la pleine lune , on dit que tout y pousse mieux. Les corps se séparent. Jeunes. Lisses. les courbes. Les creux. Les attractions terrestres qui les raccrochent l'un à l'autre ont été brisées ce soir. Dix neuf ans dans leur nudité se tracent un chemin sur le plancher pour aller chercher la bouteille d'eau de source, a moité vide. A moitié pleine. Comme les conversations intimes. On ne sait jamais ce que l'autre garde de ce qu'il donne. Si dans le tri, le bon grain n'a pas gardé un peu d'ivraie. Torse glabre, quelques pas souples, c'est beau dix neuf ans. L'oeil marine couve le fuyard qui s'en revient après avoir fait le mur du jardin. Un jardin bien mystérieux.

Où donc es-tu parti sans moi? Chat. Pendant que tu n'y étais pas, ta main s'est mise à danser...

    Une sorte de .. Convulsion.

    Circonvolution. Contrariété. Quelque chose.


L'eau est donnée à celui qui a soif. Faust s'accroupit .

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, Exorciste de Rome
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Alphonse_tabouret
Les mots de Faust chassent les ténèbres, ses bras terrassent les monstres sous le lit et Faune s’y accroche, comme Poucet à ses cailloux blancs. Jais épaissis de poix viennent enlacer Senestre, et l’eau qui rafraichit la gorge n’apaise en rien la honte carnassière qui vient ravager le squelette détrempé.

Salope.

Elle a dansé, impudique créature, sous les yeux de Faust.

Putain de traitresse.

Elle a osé et la première envie qui vient déracine toutes les autres, trou noir au centre d’une galaxie au bord de l’implosion, absorbant une à une chacune des humaines équerres qui servent de tuteur; s’il était seul, il la lancerait au mur, l’écraserait au sol, la battrait jusqu’à ce qu’elle se taise et ne cesserait que lorsque la chair éprouverait plus de douleur que la tête.
Le poing se crispe, s’agite de contradictions, et pour tâcher d’en assoir l’altération qui y germe, épouse le statique du plancher.

Ta gueule.

Se draper d’omissions était une seconde nature chez Tabouret; occulter la laideur, repousser le monstre aux sentiers les plus confondu de ronces, un acte de foi, la tentative désespérée de vaincre par l’oubli et la putréfaction ce que l’on est seul à avoir connu. Jusqu’à rencontrer Dôn ; Nombril avait percé le voile d’un écho et ramené à la surface les relents floraux des pierres qu’il espérait malléables à ses mois d’apprentissage.


A Paris… mes mauvaises heures, je vis à Paris…Je rêve que je suis revenu aux caves…

Voix s’assourdit d’éteintes constellations ; Faust ne sait rien des caves, de leurs noirceurs, de leur gangrène. Il ignore qu’il y germe des pavés de douleurs, des souvenirs de granit, que c’est là qu’est la source à laquelle tous les jours il s’abreuve, l’écuelle à laquelle, selon les heures, il y croise le sourire fendu de sa sœur.
Comment raconte-t-on l’inexplicable, l’incompréhension, comment dit-on "Un jour, je suis mort" aux yeux inquiets de vie qui vous regardent.
Mots réaniment l’humiliation, l’insupportable cliquetis de la chaine, les échardes de vie et aux syllabes qui tombent en eau lourde, poignet droit pivote, scène aux traces parcheminées les barrant de d’irrégulières crevasses.

L’on m’y a attaché un mois durant. Drogué, torturé, soigné pour recommencer … J’ai lutté tu sais… j’ai lutté longtemps…

Senestre gronde de honte, son pouce raidi d’une convalescence imparfaite s’enhardissant d’une écharde à ses nerfs.
L’épaule nue se hausse, vacillante, résignée ; les brumes de sa geôlière lui sont restées obscures, du début à la fin, et rien, pas même la volonté des premiers temps à déchiffrer ses mystères, n’a su percer l’opaque des résolutions.
Mots abrupts s’enchainent et la voix égrène ce qu’elle a jusqu’ici tue. Leozan n’aura pas de nom à l’histoire, assermentée d’un Elle qui englobe jusqu’à ses foudres doubles, et pavé par pavés, aux miroirs clairs de Faust, se dresse le tableau : Le sol humide, la brulure répétée des poignets, les errances forcées de monde à monde jusqu’à ne plus avoir ce qui existe jusqu’où s’étend le rêve.
Pour rien, telle était l’amère conclusion qui avait couronné cette parenthèse distordue. Alphonse avait été torturé un mois durant pour rien, au fil des lubies d’une gamine malade, aux idées viciées d’aliénation d’une personnalité scindée si parfaitement en deux qu’il était impossible de les associer : elles étaient deux à s’être assises sur lui, à l’avoir cherché, trouvé, puis tué…
Récit décousu s’interrompt et la voix brune perce d’une variation.


As-tu déjà eu envie de mourir?... Noirs se forcent à se lever aux bleus, cernés encore d’ailleurs, craintifs de trouver en leur centre la palpitation basse d’une étoile blanche ; depuis Lug, il ne sait plus mentir à Faust et depuis Faust, pris au gout des tempêtes de ciels bleus, en a occulté le grain des fleurs anciennes.
Aujourd’hui, l’on encaisse le prix du répit.


Quand je rêve de là-bas, je me souviens à quel point j’en ai eu envie…

Et comment j’y suis arrivé.

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L_aconit
Assuré qu'Alphonse eut reprit ses esprits, Nicolas s'assit en face de lui, dans ce rectangle lunaire qui les contenait à deux, rayés des lames du parquet. Genoux repliés dans ses bras, il détailla la gestuelle du Parisien, lui accordant à la fois l'oreille et l'oeil rétréci d'expectative; une attention des plus méditative. Cette main qu'il semblait s'acharner à aplanir, et qui rebelle comme tout, gavait de son inédit l'imagination médicinale de Faust... Quelle curiosité... Quelle source intarissable de questions que son esprit, si logicien, si assoiffé, voyait percer pour la première fois au lit de sa terre aride. Zèbre, il ne pouvait se contenter de garder cette information nouvelle sans la traiter. Associée aux marques des poignets, à la pollution nocturne des pensées d'Alphonse, Nicolas l'analysait activement, elle, la traîtresse, dans son hiératisme forcé. Une crise. Une crise en appellait toujours d'autres.

Alphonse confirmait cette nuit qu'il était un tableau aux multiples reprises, arrangées par couches , que l’œil de Faust ne pourrait plus se permettre de regarder sans chercher au dessous des océans phréatiques aux nuances inattendues. Et si le Noir, n'était pas seulement du Noir? mais un mélange plus complexe de pigments? Alors, les parties d'une œuvre d'art qu'on aurait retouchées ou modifiées et même parfois effacées par de définitives manœuvres... Permettraient d'en révéler le croquis original. Alphonse avait eu une vie. Une vie dont il ne connaissait que les fragments, et dont une brisure, cette nuit, s'était logée comme une écharde dans leur sommeil.

Des caves, il ne savait rien, et leur seule évocation le tirèrent avec une presque brutalité de ses raisonnements de fourmi. Dans les murs accrochant de belles peintures; galeries et termites fragilisent l'édifice. Il y a dans l'aveu de galopantes immondices; de terribles arborescences.

L'exploration des ces catacombes le glace d'effroi. Qui? Pourquoi? Qui voudrait s'en prendre à une si parfaite créature? Grondent l'orage des yeux épris. Le visage entier se fend en deux, entre incrédulité et indignation. Les mots bourdonnent dans un vacarme qu'il déteste, lui, qui a appris à aimer le silence pur des églises où rien ne ne passe. S'il n'a qu'une envie, celle d'operculer ses oreilles, ce sont aux épaules que ses mains se tendent pourtant.


- Tu aurais du me le dire. On ne guérit pas ainsi d'avoir si mal vécu...


Si le murmure a des airs de reproches, c'est un mouvement d'eau. Faust prend la mesure des profondeurs dans lesquelles il a cru nager en toute quiétude. Sous le lac pourtant, un clocher a été noyé. La question le désarçonne. L'indigne d'autant plus. Trop fin pour ne pas y percevoir la lourdeur de l'aveu. Pierre qui coule vient se loger dans un fond trop vaseux. Ce que ça aurait changé? Tout. Faust aurait abordé Alphonse avec l'oeil d'un peintre faussaire. Pour habilement maquiller les maux, jusqu'à lui donner, au mieux, l'illusion qu'il n'existaient plus.

L'illusion faisait moins mal. L'homme se berçait naturellement d'illusions.

Il avait eu envie de mourir pour que le Retz épargne Ansoald. Il avait pensé mourir pour épargner Lestat. mais on ne meurt pas à dix neuf ans, Alphonse. Et on ne compare pas les désespoirs amoureux aux instincts de survie qui s'étiolent. Aux derniers retranchements. Aux conséquences de la folie humaine. Faust alors, se sentit ridiculement jeune. Inexpérimenté. Né de la dernière pluie. Il secoua un peu la tête, peiné, presque, de n'avoir pas vécu pire. Le bleu observa la main coupable et mit alors un nom sur son mal, tandis qu'il tirait à lui ces épaules-ancres, pour en retrouver le refuge.




You better run for your life
Tu ferais mieux de courir pour ta vie




- Elle racontent ton Traumatisme. Tes crises. Ce sont les manifestations de ton ... Traumatisme.


Plus tard, on les appellerait les épilepsies focales. Nées d'un traumatisme crânien, d'une infection, l'origine du mal? Aussi possiblement multiple qu'absconse.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, Exorciste de Rome
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Alphonse_tabouret
Question est de trop, il le sent, s’embaume d’un froid qu’il a redouté maintes fois aux songes aigus de ses poignets abimés ; mots flottent un instant à la surface avant de couler à la faveur d’un remous, stratifiant Alphonse d’une nouvelle peau, doutes fleurissant aux ombres claires des hontes avouées et berçant la pousse des mésententes craintives ; humilié de séquelles, à nu de cauchemar, angoisses irrationnelles encore frémissantes à une gorge que l’eau n’apaise pas, Faune interprète l’éclat qui passe aux bleus comme celui des sentences célestes.
Être de mesures, créature de façades, Tabouret a bâti une vie entière sur la maitrise de ses artifices et le poison serpentin des jugements personnels cautérise aux bleus d’ophidiennes pupilles ; Faust est déçu et le monde s’écroule, embue l’œil d’une larme pellucide, gelée à même la prunelle.


Je t’avais dit que j’étais laid, je t’avais dit… Tu ne m’as pas cru, l’on ne me croit jamais jusqu’à ce que je montre…
Monstre, plus qu’humain.
Monstre même à ta main.
Pardon… Pardon…



L’épaule renonce, s’affaisse à l’inaudible écho de la gorge, et un battement aortique joue aux participations des univers expansifs. Demain sera fait de vides, et de solitudes, aigreurs des lacunes deviendront de savants mensonges et Faust regardera ailleurs, vers des choses plus belles, vers des grèves plus propres ; monde l’a fait seul, creux, à remplir de sable et de vagues, à jeter aux brisants pour le spectacle des noyades et Tabouret se laisse aller aux écumes de ses propres pensées, de ses propres erreurs .



Élans du cœur deviennent monstrueux, sentiments défrichent jusqu’aux nerfs d’anciennes montagnes et Compagne, mysticète carnivore, bée une gueule avide pour filtrer le gout de chaque noirceurs.



You're such a beautiful freak.
Tu es un si beau monstre



Les mains blanches se tendent, jonchent le sol d’ombres-ponts étirées et viennent ramener la multiplicité à la fusion des atomes, au chant primaire.


Gifle s’abat sur la joue de pierre et fige le festin d’une stupeur suspendue.
L’on n’a pas fui. L’on est resté et l’on reprend aux gouffres
.



I wish there were more just like you.
Je voudrais qu'il y en ait plus des exactement comme toi
You're not like all of the others,
Tu n'es pas comme tous les autres
But that is why I love you.
Mais c'est pour ça que je t'aime
Beautiful freak, beautiful freak.
Beau monstre, beau monstre
Eels Beautiful freaks



Le parfum de Faust est une terre. L’on y trouve les notes fraiches du marbre, la pointe végétale du blé et celle plénière des nuits partagées où les ailes brunes palpitent, construisent boussole jusqu’à redécouvrir l’existence des points cardinaux; Paris immiscé aux veines recule le long d’un liseron de vigne vierge et rejet écrasé de candeur gonfle ses plumes au néant d’un ciel gris. A ses serres, la branche disparait et fond sous les doigts brulants qui abreuvent ses sens.
Faust ne le tient pas, Faust les tient tous deux, et aux peaux mêlées qui se retrouvent enfin, Olympe pose un doigt à ses lèvres azurées.
Silence ; Garçon plante une graine de densité, et aux lignes éphèbes, point une gueule gémellaire.



Elles racontent ton Traumatisme. Tes crises. Ce sont les manifestations de ton ... Traumatisme.

Senestre guette ; voix vient de la nommer et la désacralise à la rigueur des savoirs médicaux, ciblant les écorchures et les plaies qui s’y nourrissent d’une lumière crue et impitoyable : celle du baptême. Trauma se cabre et lézarde d’une infinie secousse aux phalanges qui étreignent, dansant dans un bourdonnement aux épaules qu’elles crispent. Noirs accrochent les givres qui le cernent et offrent fervemment bombance à l’effroyable appétit de l’insecte :


Sais-tu comment Le faire taire ?... Je ferai tout… Tout ce qu’il faut, mais fais la cesser… Je La déteste Faust, je La déteste tellement …

Que j’aimerais parfois la broyer pour la faire taire.
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L_aconit
Les bleus observent la digression de la patte, qui non contente de s'être fait remarquer, s'habille de hardiesse en s'occupant de recommencer. Faust, voit bien le visage qu'elle dévaste, la confiance intra-muros qu'elle fêle, et toutes les faiblesses exposées enfin à sa béance obscène le poussent d'un élan aussi désarmant que naturel à réagir.

Laisse-moi faire.

Domptant de nouveau cette main qui terrorise son maître, il acquiesce et vient la terrasser en penchant son visage sur celui d'Alphonse d'un baiser sur les lèvres d'une simplicité qu'on aurait tort de condamner trop vite.

Le baiser . On peut en dire long. Histoires amoureuses, érotiques, la question est finalement de savoir si l'on embrasse " pour de vrai " ou pas. On n'arrive pas ainsi aux "baisers comme des cascades, orageux et secrets, fourmillants et profonds" . Au commencement sont les bouches, les langues, les appétits, le gout, les salivations discrètes. Dans six cent ans, l'on aura bafoué les voyages intérieurs que transportent deux bouches qui se lient, insistant sur les organes pour détourner l’attention de la vraie passion intérieure. Celle qui se manifeste d'une langue à l'autre. manger et boire l'autre, être cannibale avec lui, respirer son souffle, son âme, parler la langue de toutes les langues, c'est là que se situe l'art subtil d'embrasser. Les putains n'embrassent pas, et leur cul de même reste interdit, réservé au maquereau. Une petite gourgandine peut relever ses jupes, branler, offrir ses fesses et toutes les immoralités de la terre: elle n'embrasse pas, ou pas vraiment, et l'on peut le sentir tout de suite. Il s’agit d'embrasser vraiment, au souffle, prouver le vrai désir, et tout le reste n'est que futilité.

Dire "qui trop embrasse mal étreint n'est qu'un préjugé populaire. Un homme qui embrasse un autre homme, s'embrasse lui-même et se situe d'emblée dans un hors la loi aristocratique. Rien n'est plus sérieux - on ne se donnerait pas tant de peine à désobéir aux codes sociétaux si ça ne l'était pas - vicieux, incestueux, scandaleux. Faust mêle la parole à cet élan, ceux qui ne parlent pas en baisant s'illusionnent , quelques que soient les prestations mécaniques ou le vocabulaire obscène . Un baiser orageux et soudain, par ailleurs avec une personne ' insoupçonnable ' vaut mille fois mieux qu'une flopée de coups de reins primaires ou une feellation programmée derrière une porte fermée. Plus tard, on s'embrasserait encore sans préservatifs bucaux, n'est-ce pas, ce serait possible.

Possible mais peut être en voie de disparition. Heureux ceux qui, dans leur échange de baiser d'un été 66 moyen âgeux, ne se doutent pas des censures autrement différentes dont serait victime le baiser des siècles plus tard. En voie de disparition. Trop généreux. Trop gratuit. Trop enfantin; trop intime. Ce baiser-cascade n’apparaîtrait plus comme hyperverbal, où l'on embrasse le langage de l'autre, ce qui enveloppe son corps. Le baiser serait alors pour ainsi dire sur toutes les bouches, pour un au revoir, pour un merci, et serait hissé au sommet de la désensualisation de masse...

Oui, c'est une eucharistie , une Ostie, une communion, une pénétration sans traces.
Faust possède entre les mains le plus terrible pouvoir qui soit. Le baiser. L'homme, doué de force physique, se doit de l'exercer par la force. La femme , douée du charme, domine par la caresse. Lui, se situe toujours exactement entre les deux, de par son ambivalence, et sa sensibilité trop exacerbée. C'est une arme redoutable qu'il sait manier avec brio, à l'instar du silence, les baisers de Faust savent lorsqu'ils s'abandonnent, faire ployer toutes les volontés. Ce n'est pas un baiser de femme. C'est un baiser d'amant, mâle, suave et musqué. Les femmes ont bien la faculté de se faire adorer, cependant, il leur manque une toute petite chose: le discernement des nuances dans la caresse du baiser. Le flair subtil du "trop" dans la manifestation de leur tendresse. Aux heures d'étreintes, elles perdent le sentiment des finesses, l'homme, Faust Nicolas pour l'illustrer, reste maître de lui.

Reléguer le baiser d'un homme à un préface sans saveur est une grand erreur. C'est un petit voyage délicieux , car on le relit sans cesse, tandis qu'on ne peut pas toujours se permettre de relire le livre... Tout le délire violent de la complète possession ne vaut cette frémissante approche des bouches. Ce n'est pas un acte gratuit. On le fait pour soi. On le fait. Le donne-on, ou le prend-on, d'ailleurs?


Quand j'étais petit, et que je me plaignais de ce vilain hoquet qui ne passait pas et compressait mes entrailles, la vieille nourrice de Retz faisait venir le magnétiseur.

murmure-t-il, en baisant fiévreusement cette bouche tant aimée.


Alors il m'allongeait...

Les bras enserrent les épaules, tandis que les cuisses ont chevauché leur vis à vis.


... Passait sa main au dessus de mon ventre... Et murmurait des incantations mystérieuses...

Les doigts marbrent les joues, la bouche entrecoupe toujours son récit de cent petites intonations à la mélodie du corps. Il y a un langage parallèle, toujours, dans les monologues amoureux. Un quelque chose, insoupçonnable d'autrui, impalpable à ceux qui ne sont pas conviés à l'écoute. Le nez vient frôler l'autre. Alphonse sent bon, pour un monstre. monstrueusement bon.


... Et mon hoquet s'en allait toujours. Il ne fallait pas plus de quelques minutes pour que je retrouve la liberté de mes poumons...

La senestre croise ses doigts à la divergente, qui déjà, ne bouge plus. Quelques minutes se sont écoulées à la lenteur du récit. As-tu seulement remarqué, toi qui remarque tout, Faune?


Je me souviens encore de la chaleur de ses mains, balayant sans me toucher mon ventre tressautant, et de sa voix grave et fascinante ... Je crois que c'est sa voix, dont je me souviens le mieux.

Tout petit enfant, Nicolas était dejà fasciné par ces voix graves et ces timbres rocailleux.
Inspiration vient s'étirer à ce baiser trop malicieux pour être honnête. Car l'on apprend pas à soigner les maux de l'esprit, à l'école de la médecine, dans ses livres savants, dans ses vérités ancestrales de mémoire collective... mais Faust a grandi. Et la vieille nourrice, par ses habiles tours, lui avait offert de bien utiles vérités.


Ce n'est que plus tard, bien plus tard, que j'ai compris d'où venait la magie de mon passeur de hoquet...

Visages se scrutent, dans l'obscurité et le sourire de Faust s'étend.


C'était son pouvoir de diversion.

Un silence s'installe, tandis que la main qui s'est tue est portée à ces lèvres-diversion. Elle est sage, presque innocente, on ne la condamnerait jamais à la voir ainsi aux déclenchements de si grandes terreurs.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, Exorciste de Rome
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Alphonse_tabouret
Ricoche.



    A la berge qui s’étend d’une pente douce, Faust tient un galet à la main. Il ne s’est baigné qu’une seule fois depuis leur départ, et reste ce jour encore près du bord , à la compagnie d’une silhouette qui n’a pas de traits; mémoire est sélective.
    Dans les cheveux blonds, taches d’un soleil étiré blanchissent le crin jusqu’à la fonte et l’une d’elle poinçonne son front d’un Tilak étincelant. Les bleus sont encore cernés d’une fièvre récente et plus tard, dans la soirée, la main d’Archibald en fleurira l’un jusqu’au noir ; Alphonse le trouvera beau, diablement, quand lui, catastrophé, se criera défiguré.
    A l’instant, l’on est encore loin de tout cela, d’un page qui se noie, d’une vie que l'on ramène, d’un départ que l’on précipite, à l’instant, Faust a le bout des orteils qui frôle l’onde claire, et un sourire poli aux lèvres qu’il a envie d’arracher d’un baiser. Le son de sa voix bourdonne d’explications qu’Alphonse n’écoute pas, à la lecture de la gestuelle seulement ; amant est une intarissable source de détails qui l’enchantent et celui de sa bouche lorsqu’elle donne leçon sans livre, a un "quelque chose" qu’il n’avait pas vu encore.
    Le poignet plie une première fois dans un geste docte, puis dynamise le mot d’une démonstration.



Sept rebonds et coule.



Alphonse est un caillou entre les doigts de Faust et les mots qu’il écoute pourtant avec attention, bruissent d’interférences à un autre langage. Depuis janvier, racines ont poussé, infiltré le sol des nécropoles et tyrannisent l’opacité de terres souveraines d’un dogme sans appel ; Nicolas est un dresseur de fauves, un amoureux de monstre, un monstrueux amour. A ses baisers, la bouche répond de silences bavards, oxygène enfin à portée de respiration, et l’aorte desserre la mâchoire qui entrave la chair, cloquant la prunelle des maux que l’on chasse de magies. Transe nouvelle enlace les derniers reliquats des mauvaises heures, et l’âme ondule, à l’hypnose nouvelle qu’on lui soumet.
Alphabets se chevauchent, étreignent ses chevilles à leurs doigts en nuées, remontent le long des cuisses en semant des galets frais à la peau moite d’errances, abiment au ventre les gravitations qui ravagent, et contaminent jusqu’au sourire que Faust penche sur lui



Sept rebonds.
Et coule.



Jais fascinés déchiquètent la trame et créent un nouveau bestiaire . Dans la main, Senestre s’est assagie et laisse à ses nerfs la palpitation sourde des sensations que l’on retrouve. Les lèvres qui la touchent sont des rameaux de pêchers, de fruits gorgés de sel, des oasis d’osier et se cueillent d’un pouce quand la joue pâle se couche à la paume.
Rire silencieux soulève brièvement les poumons de ces soulagements qui rayent jusqu’aux ténèbres, qui ouvrent les soleils et donnent au quotidien l’apparat des victoires. Au monde des hommes, l’on entendrait "Merci", aux oreilles amantes, ce serait un "Je t’Aime", mais à la bouche du belluaire, aux confins des mythologies qui bercent leurs fronts sylves, Faune prononcera chacun d’eux au sourire mystifié d’un "Baise-moi"


Sur le plancher de Vésone, syllabaires s’enchantent aux chairs qui se confondent d’une étreinte mâle et palabrent de silence, assourdissants, tonitruants, dévalant le calme de la pièce d’une muette chanson, solvant l’heure nouvelle d’un baiser d'une simplicité qu'on aurait tort de condamner trop vite. *




* JD L'Aconit
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