Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] La meilleure façon de se trouver, c'est de se fuir*.

Bloodwen
Tapie dans un fossé, je laissais passer un groupe de miliciens avant de poursuivre ma route. Quelques heures plus tôt, j’avais pris ma décision et déposé la jolie cape que Madame Jenifael dans son antichambre. Puis je m’étais faufilée dans le quartier de sa garde et emprunté un glaive. Depuis que j’avais trahis la confiance de Monsieur Ludry et qu’il ne voulait plus m’apprendre, je ne parvenais plus à dormir, ni à manger. Je m’en voulais terriblement et savait qu’il n’y avait aucun moyen de me faire pardonner. Je ne l’avais pas fait volontairement bien sûr, mais j’étais tellement impressionnable et incapable de mentir qu’il avait suffit de quelques questions bien posées pour me faire dire ce que j’étais censée garder pour moi. Et, dans mon désir de défendre Monsieur Ludry dont on disait du mal, je n’avais fait que m’enfoncer dans mon erreur. J’étais la pire des idiotes et j’étais irrécupérable. Je ne pouvais plus le regarder en face et avait compris qu’il ne voulait plus de moi. Aussi j’étais partie. De toute façon, je ne manquerais à personne.

Une fois que la voie fut libre, je sortis de mon trou et regagnais la chaussée pour continuer mon chemin. J’ignorais complètement vers où je me dirigeais, mais ce n’étais pas la première fois que cela m’arrivait. C’est pour cela que j’avais pris l’arme. Je savais que je n’étais pas loin de la grange où j’avais grandi, et j’avais peur de tomber sur mon père, sur Monsieur Gabriel ou sur Monsieur Eugène. Je voulais m’éloigner le plus possible du danger et de Monsieur Ludry. De toute façon, je n’aurais pas pu rester. Madame Neijin m’avais fait de la peine en me menaçant, et j’avais ressenti une grande injustice quand Madame Jenifael m’avait privé des lapins morts que Monsieur Ludry m’avait donné.

Ma tare dissimulée sous ma capuche, j’essayais de me faire la plus discrète possible et après une longue marche, j’aperçu les murailles d’une ville. Il y avait bien un panneau sur le bord de la route, mais j’avais beau le regarder, je ne parvenais pas à le lire. Résignée, je passais donc la porte, prétextant au garde en faction qui m’avait intercepté et s’enquérait des raisons de ma présence ici que j’étais affreusement mutilée et que je cherchais mon papa. Contre toute attente, il me laissa passer sans regarder sous ma capuche.
Puis je me mis en quête d’un abri pour me reposer un peu avant de reprendre la route. J’avais le ventre vide mais je me sentais trop nauséeuse pour avaler quoi que ce soit. Je me contentais donc de boire à une fontaine. Il me fallut un certain temps pour trouver une maison vide. A vrai dire c’était plutôt une remise en ruine accolée à une maison. Mais cela m’abritait des intempéries.

Recroquevillée sous la cape que Monsieur Ludry m’avait donnée lorsqu’il m’avait emmené loin du Manoir et de la cave de Monsieur Gabriel, je versais quelques larmes amères. Je ne m’étais jamais sentie autant en sécurité avec lui, depuis les premiers temps avec le Baron. Bien sûr il était dur et disait des choses désagréables, mais dans le même temps, il me semblait ne jamais avoir reçut autant d’attention et d’affection. Et il m’était arrivée trop de choses horribles pour accorder à nouveau ma confiance à qui que ce soit. La solitude me pesait déjà et je me frappais la tête contre le mur de bois contre lequel j’étais appuyée. Définitivement une idiote.


[*Pierre Reverdy, "le livre de mon bord (1948)]
_________________
Ludry
Une journée de travail durant laquelle il n'avait définitivement pas grand chose à foutre s'achevait. Il faut dire que la vie de garde personnel est beaucoup moins animée que celle de soldat.

Il ne s'en plaignait pas encore trop comme il avait bon nombre de choses pour occuper ses pensées, mais il n'était pas mécontent quand arrivait la fin de la journée.

Ce soir-là, il allait tranquillement se diriger vers les appartements de Neijin avec l'intention de se glisser entre ses draps. Le rictus largement étendu, il se voyait déjà passer une nuit avec fort peu de sommeil entrecoupé. Mais le sourire s'étrécit et il fit deux pas en arrière quand son regard vint à croiser le râtelier sur lequel une arme manquait.

Il ne fallut pas longtemps pour que le Germain réalise que quelqu'un s'était servi. Après un profond soupir, il décida d'un autre chemin pour mener l'enquête au risque de devoir informer la patronne du larcin. Ca la foutait un peu mal tout de même, de se faire piquer une arme sous le nez, pour un garde. Ce fut le début d'un pistage qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il soit bien plus long que prévu.

Quelques minutes plus tard, l'antichambre, la cape gisant là.


Scheiße….*


*Merde
_________________
Bloodwen
J’avais fini par m’assoupir, et c’est acculée par l’Homme rouge à la hache que je me réveillais. J’avais crié, et, avec la fraîcheur matinale je m’étais enrouée. J’étais gelée jusqu’à l’os et affamée, mais si effrayée par mon cauchemar et abattue par ma situation que je n’arrivais pas à bouger. J’essayais de trouver un peu de courage en moi afin de me rendre dans une taverne, ne serait-ce que pour me réchauffer. Après tout, j’avais vaincu Monsieur Eugène lors de la longue nuit qui avait suivi le coup de Monsieur Ludry. Il m’avait frappé au visage et le choc m’avait fait dormir durant plusieurs jours, me permettant de me battre à plusieurs reprise mes cauchemars jusqu’à finir par vaincre.

Mais l’homme rouge était toujours plus fort, et ces derniers temps, il était encore plus présent et puissant que d’habitude. Avec sa hache, il me poursuivait et je me réveillais en hurlant, souvent recroquevillée dans un coin de ma chambre ou sous le lit, et peinant à reprendre pieds dans la réalité. Et il m’avait suivi jusqu’ici, alors que j’ignorais moi-même où j’étais. La journée se passa ainsi, en hésitation et renoncement, tant et si bien que quand la nuit vint, je n’avais pas bougé d’un pouce, en position fœtale sur le sol en terre battue, ma cape me recouvrant comme un linceul.

Un nouveau jour se leva. Je n’avais pas fermé l’œil, et tremblait comme une feuille. Je ne voulais pas mourir et c’est ce qui me fit réagir. Percluse de crampe, il me fallut un certain temps pour me sortir de ma cachette. J’avais été si bien nourrie depuis que Monsieur Ludry m’avait emmenée que cette privation soudaine m’était des plus pénibles alors que j’avais connu bien pire. D’un pas las, je m’étais dirigée vers le marché. Bien que cela me répugnait, je n’avais pas d’autre choix que de chaparder quelque chose à manger. Et, essayant de me fondre dans la masse, je me mis en quête d’un larcin facile.

Son horrible voix me frappa les tympans et le cœur comme une massue. Je me mis aussitôt à trembler violemment et je me faufilais derrière une cariole en cours de déchargement. Il était là, la source de mes angoisses les plus profondes. Même à une certaine distance et les yeux brouillés de larmes, je reconnu la face rougeaude de mon père. Il semblait toujours aussi imposant que dans mes souvenirs, mais sans que je ne puisse me l’expliquer, moins impressionnant aussi. Cela était étrange de le voir derrière un étal, à converser avec les gens et à les servir. Je ne l’avais connu que dans le contexte de la grange dans laquelle il me tenait recluse et alors, il m’apparaissait tout puissant. Ici, au milieu de la foule, il n’était qu’un homme parmi les autres.

Pour autant, je n’en tremblais pas moins toujours et ne parvenait pas à bouger de ma place, les yeux rivés sur lui. Je le voyais se comporter amicalement avec les gens, et eux faire de même. Et me demandais pourquoi il était comme cela avec les autres et pas avec ma mère et moi lorsque nous étions à la ferme. La charrette derrière laquelle j’étais cachée se mit soudain en mouvement et, paniquée de me trouver à découvert, je me faufilais derrière un tas de tonneaux. J’étais plus près, et l’angle qui s’offrait à moi était différent. Et mon cœur cessa presque de battre quand j’aperçu une femme et une petite fille près de lui. J’étais encore trop loin pour la distinguer clairement mais elle était si blonde que, sous le soleil, elle avait l’air d’être aussi blanche que moi. Cela me rendit nauséeuse et je voulu partir, mais je n’y arrivais pas.

Un long moment s’écoula ainsi sans que je ne puisse faire le moindre mouvement, à observer une vie de famille qui m’était totalement étrangère. Sans m’en rendre compte, j’avais saisi mon rasoir sous ma cape, tandis que mes sourcils se fronçaient et que ma mâchoire se serrait.
_________________
Neijin
Depuis quand s'inquiétait-elle pour Bloodwen ? Comme si elles se connaissaient depuis longtemps. Comme si elle pouvait remplacer cette soeur absente. Et comme si le simple fait d'avoir la même particularité physique pouvait les rapprocher. Pourtant, même si la fuyarde avait eu les cheveux aussi sombres que la nuit, elle n'aurait pas réagit autrement. Bloodwen souffrait et Neijin n'aimait pas voir les gens souffrir. Pour avoir souffert elle même, elle ne souhaitait ça qu'à ses ennemis, aussi peu nombreux soient-ils, et l'albinos n'en était pas une. Tantôt agaçante, tantôt attachante, Neijin ne savait pas vraiment sur quel pied danser avec elle. Aussi se laissait-elle porter par son intuition qui lui demandait de prendre son d'elle malgré tout. Jenifael et Ganwyn aussi le lui avaient demandés, ce n'était pas suffisant pour qu'elle arrive à tenir sa promesse.

Dès que Ludry lui annonça le départ de Bloodwen, ils partirent à sa recherche. Ils n'avaient sans doute pas les même raisons de vouloir la trouver mais ils se mirent en chemin rapidement, sans même prendre le temps de prévenir Jenifael. Le garde a l'entrée de la ville de Castelnaudary les avait bien aidé. Après tout il n'y avait que la jeune albinos qui pouvait se cacher sous le capuchon avec une telle chaleur. Cependant ça ne les empêcha pas de partir trop loin. Ce n'est qu'arrivés à Foix qu'ils se rendirent compte qu'il leur fallait faire demi tour. Bloodwen n'était sans doute jamais passée par cette ville.

Une fois de retour à Castelnaudary, un détail frappa la Blanche : le garde avait bien précisé que la gamine cherchait son père. L'homme rouge à la hache de ses cauchemars, ce ne pouvait être que lui. L'inquiétude se fit grandissante et elle entraîna Ludry avec elle pour parcourir la ville. Ils allaient bien finir par tomber sur elle. Et ce fut le cas au marché, lorsque l'attention de Neijin disparue au profit d'un stand de carottes. Parcourir la ville en long et en travers lui avait donné faim et cet étal lui éclata l'évidence au visage.
Relevant les yeux de son panier remplit de son festin, une carotte au bec, elle se figea en apercevant la proximité de la jeune albinos. Les recherches venaient de se terminer. Et maintenant ?
Comme pour se détendre, elle croque dans le légume pour le mâcher bruyamment. Un léger coup de coude au Germain et un signe de tête vers l'Immobile pour lui signifier sa présence. Neijin ne bougera pas plus, partagée entre l'envie de fuir en sens inverse et d'aller la voir pour l'emporter loin de cet endroit. Elle attend que le temps passe pour agir en conséquence de peur de fauter de nouveau et de blesser son reflet. Elle en a suffisamment fait comme ça.

_________________
Bloodwen
Ce fut une large main s’abattant sur ma nuque qui me tira de ma cachette et m’arracha à ma contemplation. Un homme à la corpulence impressionnante m’avait trouvée et, pensant que je préparais un mauvais coup, avait décidé de me chasser de là. Surprise autant qu’effrayée, je ne fis pas le moindre mouvement ni n’émit le moindre son pour me défendre, et me retrouvais ainsi projetée en plein centre de l’attention. Roulant au sol, ma capuche finit par glisser et, même si je me redressais rapidement pour me recouvrir et m’enfuir, ma tare ne passa pas inaperçue.

Alors que je fuyais à travers le dédale des ruelles, j’entendis un bruit de sabot derrière moi. Mon sang se glaça et je me mis à courir sans me retourner. Je savais qui me poursuivait, je reconnaissais son pas, et, lorsque ma course folle me fit passer devant la remise d’un forgeron, je ne fus pas surprise d’entendre un frottement métallique à ma suite. L’homme rouge à la hache était à mes trousses et les larmes me brouillaient la vue, tandis que mon souffle se faisait difficile.

Sans repères, aveuglée et perdue dans un réseau étroit de ruelles sombres, je finis fatalement par heurter un mur. Paniquée, un tour sur moi-même me fit réaliser que je m’étais piégée toute seule dans une impasse. Le mur était trop haut, et je ne voyais que des murs pleins. Les jambes tremblantes, j’essayais de ne pas défaillir et de reprendre mon souffle. Une main fébrile sur mes yeux me libéra de leur humidité et je vis l’homme de mes cauchemars s’avancer vers moi, plus rouge et plus massif que jamais. Il brandissait une hache et écumait de rage. Je sortis mon glaive mais je ne savais pas m’en servir et alors que je m’élançais vers lui pour frapper, il l’esquiva sans mal. D’un large mouvement de main il me l’arracha et l’envoya au loin.

Paralysée, je ne pus que me recroqueviller et essayer de me protéger le visage tandis qu’il vociférait des mots que je ne parvenais pas à saisir. Je n’essayais même pas, trop préoccupée par ma propre survie. Il avait jeté sa hache contre un mur et me saisit par le col pour me projeter contre celui-ci à mon tour avant de me frapper avec ses sabots. Je me protégeais tant bien que mal, roulée en boule, en attendant la fin, muette malgré la peur et la douleur.
Soudain, les coups cessèrent de s’abattre, et, entrouvrant un œil, je vis ses talons, puisqu’il avait pivoté, peut-être dérangé par un bruit. Voyant là une opportunité, mon instinct de survie m’aiguillonna et de ma main jaillit la lame de mon rasoir, pour siffler et trancher un tendon après l’autre. Le cri que poussa mon géniteur en chutant à quatre pattes me cloua au sol un instant, mais bien vite je me redressais, ignorant a douleur, pour me précipiter vers la hache. Lui aussi essayait de la saisir en étendant le bras. Un coup de rasoir près de l’épaule le lui fit replier et je m’emparais de l’arme avant de me reculer un peu.

Il ne cessait de hurler autant de douleur que de colère, mais l’agitation du marché et la configuration des lieux devait étouffer les sons, de telle sorte que personne ne semblait nous avoir entendu, ou vus. Les habitants, s’ils étaient chez eux, devaient s’y terrer en attendant que le raffut se termine. Il n’y avait que nous deux, et je ne voulais pas mourir. Monsieur Ludry m’avait dit que si je ne voulais plus avoir peur, il fallait que je tue mes cauchemars. J’aurais pu laisser mon père là et m’enfuir, comme me l’avait appris le garde. Mais il était mon cauchemar et je ne voulais plus avoir peur. Mes mains tremblantes se raffermirent sur le manche de l’arme qui pesait lourd.

Auparavant effrayant, mon père m’apparut soudain impuissant. J’étais armée, il ne l’était pas, j’étais debout et cette fois c’était lui qui était au sol. J’aurais pu avoir pitié de lui, on me reprochait souvent mon empathie même envers des étrangers. Mais j’avais vu sa famille et je ne voulais pas qu’il leur arrive la même chose qu’à moi. Alors, sans le moindre état d’âme, je m’avançais vers lui, aveuglée par son propre sang qui m’avait éclaboussé et qui me conférait les couleurs que la nature ne m’avait pas donné.
Je ne savais pas me servir d’une hache, mais sans hésiter, je levais l’arme au-dessus de ma tête et frappais de toutes mes forces. Je ne l’entendis pas crier ou supplier, s’il le fit. Il avait peut-être déjà perdu connaissance. Je n’arrivais pas à m’arrêter de frapper encore et encore, les yeux fermés, éclaboussée par le sang chaud qui jaillissait à gros bouillon des plaies que j’élargissais à chaque coup. Très vite mes jambes cessèrent de me soutenir, mais, même à genoux, je ne m’arrêtais pas, si bien qu’il ne restait qu’un tas de chair palpitante méconnaissable quand mes bras furent trop faibles pour lever l’arme. Mes mains demeuraient crispées sur le manche et je fixais mon œuvre d’un air hébété mais le cœur étrangement léger.
_________________
Ludry
Ne lui faites pas trop de mal, lui avait demandé Neijin. Il lui avait alors concédé, Bloodwen étant droitière, de ne lui prendre que la main gauche. Mais le compromis n’avait pas satisfait la jeune femme qui négocia encore à tâtons. Au final, il lui a promis de ne pas la tuer, ni la blesser, ni même la frapper. Il devait récupérer l’arme dérobée et la petite voleuse devrait partir.

Il lui a bien sur tu le fait qu’il allait dénoncer la petite fugitive à son ancien employeur. Trahison pour trahison. C’était déjà bien quand au départ il aurait démoli sa petite trogne jusqu’à ce qu’elle ne paraisse plus humaine, avant de la priver de sa main droite afin qu’elle ne vole plus jamais, et de son pied gauche afin qu’elle ne sache plus jamais courir.

Et finalement, la traque s’achève ici, au milieu d’un marché. Si Bloodwen se cache d’un quelconque, en tout cas, ni la cape qu’il lui avait donnée après l’avoir raccourcie, ni les tonneaux derrière lesquels elle se tient ne lui sont suffisant à se cacher d’eux. Le garde oublie le stand de carottes auquel il ne prêtait déjà pas grand intérêt, et même la présence de sa partenaire de chasse improvisée. N’existe plus que sa cible. Sa cible… et l’homme qui vient de le devancer. Après seulement un pas en avant, il s’immobilise, sourcils froncés, et patiente la suite.

Et tout s’enchaine rapidement, Bloodwen prend la fuite, un homme la poursuit. A son teint et son arme, le lien se fait aussitôt dans l’esprit du Putride qui s’élance et se faufile entre les chalands pour ne s’arrêter qu’au coin de la ruelle dans laquelle les deux se sont engouffrés.

Seule la tête dépasse à demi, repérant alors le glaive au sol, ainsi que la jeunette roulée au sol, en proie aux coups paternels. Pourtant, Bloodwen ne crie pas, et aucun son provenant d’elle ne lui parvient. Elle aura bien appris de ses leçons, ce qui lui fait déjà s’imaginer comment il s’y prendrait pour parvenir à la faire hurler de douleur malgré tout, jusqu’à en arriver à le supplier de l’abattre pour mettre un terme à ses souffrances.

Mais avec l’arrivée de Neijin qu’il retient juste à temps, s’en revient également la promesse qu’il lui a faite de ne pas la toucher. Pour sûr que cette maudite traitresse ne s’en sortirait pas pour autant. Sans relâcher sa prise sur l’Immaculée, il reprend son observation de l’autre Blanche.

Du sang, des hurlements -le père est bien moins vaillant que la fille- et la hache de s’abattre, encore et encore. C’est tout un pan de la ruelle qui se teint sous les geysers écarlates. En se lançant à sa poursuite, le Putride ne s’attendait pas à ce que sa chasse se termine sur un spectacle digne de le mettre en appétit.

Et parlant d’appétit, il lâche finalement Neijin et, pour sa part, se dirige à pas lent vers le glaive.

_________________
Neijin
Avec un temps de retard, l'Immaculée s'élance à leur poursuite. Oubliés les étals et le panier, elle ne veut pas perdre leur trace. Si elle savait. Si elle savait le spectacle qui allait s'offrir à ses yeux elle n'aurait jamais couru après eux. Elle aurait fait demi-tour pour retrouver ses diablotins encore tout beaux et tout naïfs. S'obstiner à rester dans une bulle où il y fait bon vivre.
Pourtant elle court et ne s'arrête que lorsqu'elle a atteint le niveau du garde. Elle n'a le temps d'esquisser qu'un pas en direction de la Blanche avant qu'il ne l'attrape pour la retenir.

Un instant le corps s'agite entre ses bras avant qu'elle ne voit Bloodwen prendre le dessus sur son géniteur. Tout s'enchaine sous leurs yeux. Même les hurlements de l'homme parviennent à ses oreilles malgré les bruits du marché non loin d'eux. Ils lui donnent la chair de poule. Bloodwen lui donne la chair de poule. Figée ainsi, les yeux écarquillés et les lèvres entrouvertes, Neijin ne peut détourner le regard de la scène. Les coups de hache pleuvent sur le corps immobile et les iris suivent chaque mouvement. Elle voudrait pouvoir fermer les paupières. Ne plus rien voir et ne plus rien entendre mais son corps ne lui obéit plus. Ses jambes la soutiennent à peine et si Ludry ne la tenait pas en cet instant elle se serait certainement écroulée à genoux.

Les secondes semblent s'étirer et l'instant lui parait interminable. Pourtant la fatigue semble avoir raison de la petite meurtrière. Étrangement, quand le Germain lâche la Normande elle tient encore sur ses jambes, trop choquée par ce qui se tient devant elle pour pouvoir se préoccuper de son état. Sans s'en rendre compte, ses pas la guide vers la Blanche, le regard rivé sur le cadavre gisant au sol. Au fur et à mesure que les détails lui apparaissent son estomac se contracte. Si elle a déjà côtoyé la mort, elle n'a jamais vu un tel acharnement.

      J'ai envie de vomir.
      Je vais vomir.

Si elle a l'habitude de voyager avec des brigands, aucun n'avait commis un tel acte. Du moins pas devant elle. Soudain, la gravité des faits lui éclate au visage et le regard dérive du corps à Bloodwen, horrifié.

      Bloodwen... mais qu'as-tu fait ?

Ludry. C'est Ludry qui a créé ça ? C'est à cause de lui qu'elle a pu commettre un tel acte ? Malgré toute sa volonté, elle ne se sentit soudain plus capable d'aider la Blanche.
Les questions se bousculent sans qu'aucun son ne s'échappe de ses lèvres. C'en est trop, il faut qu'elle parte avant de rendre son repas devant eux.
Un regard en direction du Germain alors qu'elle fait déjà demi-tour.


    - Vous m'avez donné votre parole.

La supportant avec difficulté, ses jambes la ramènent jusqu'au marché ou elle finira par se laisser aller à vider son estomac. Les passants penseront sans doute qu'elle fait partie des ivrognes qui ne savent pas se tenir en public. Peu importe, elle ne les voit même pas.

Incapable de retourner les voir, la Normande se redresse tant bien que mal pour aller errer plus loin dans la ville, dans un état second. Qu'ils se débrouillent, cela ne la regarde plus. Tant pis si elle est considérée comme lâche, elle ne veut pas de cette vie là.

_________________
Bloodwen
Mon père semblait mort, mais cela me semblait tellement improbable que j’avais du mal à le réaliser. J’avais vaincu mon cauchemars, grâce aux enseignements de Monsieur Ludry. Soudain, je m’en voulais terriblement d’être partie sans le prévenir. Si j’avais su écrire, j’aurais laissé un message pour expliquer les raisons de mon départ. Mais à ce moment-là, je n’étais même pas sûre moi-même de ce que je voulais faire. Tout était confus dans mon esprit. A présent, mes yeux posés sur ma hache, je commençais à y voir clair. Certes j’avais honte de ce que j’avais fait à monsieur Ludry, mais, en partant, j’espérais lui montrer que j’avais bien compris ce qu’il attendait de moi.

Il m’avait dit de tuer mes cauchemars, et qu’en échange de son apprentissage, je devrais lui fournir des progrès et du bon travail. Bien sûr la perspective m’avait effrayée et quand j’avais laissé derrière moi Toulouse, une partie de moi espérait ne pas trouver celui que je cherchais. Mais en prenant le glaive, je m’étais posée la contrainte de revenir, le plus rapidement possible, et en laissant la cape de Madame Jenifael, j’avais espéré faire comprendre que j’allais faire quelque chose de salissant, et compenser l’emprunt de l’arme.

Et finalement, j’avais réussi. Tout ce que j’avais appris m’avait servi. Le germain m’avait appris à ne pas crier sous la douleur, à trancher les talons pour empêcher de courir et pouvoir fuir, à couper les artères, et à improviser avec tout ce qui pouvait servir d’armes. Mais aussi à ne pas hésiter quand venait le moment de frapper. Il m’avait aussi dit un jour que même si je n’étais pas fière de ce que je faisais, je pourrais y trouver du plaisir. A ma grande stupéfaction, c’était le cas. Le sang chaud sur mon visage et mes bras nus était doux et agréable. Je me sentais aussi très soulagée, et très calme à l’intérieur. Mon cœur qui au début me faisait mal tellement il battait fort, était en cet instant plus calme qu’il n’avait jamais été. Si bien que mes lèvres s’étirèrent légèrement en pensant peut-être que Monsieur Ludry serait fier de moi.

Un petit bruit dans mon dos m’arracha à mon immobilité. La nervosité me repris et je me tournais brusquement, la hache toujours dans mes mains serrées sur le manche. Stupéfaite, je vis Madame Neijin s’éloigner, et aperçu Monsieur Ludry. D’abord interdite, c’est en voyant le glaive dans ses mains que je repris pleinement conscience de mon environnement. JJe me levais avec une certaine difficulté, fourbue de la tête aux pieds. J’avais la respiration sifflante et chaque inspiration m’était douloureuse. Mais je n’y prêtais pas attention, parce que ce n’était pas encore le moment de m’en préoccuper. J’avais très envie de me réfugier dans les bras du garde, mais, au fur et à mesure que je m’en approchais, je ressentais comme un malaise, que quelque chose n’allait pas.

Je m’immobilisais devant lui, sans me rendre compte que je tenais toujours la hache d’une main, la lame contre mon mollet, pour tendre l’autre vers lui.


Rendez-le-moi s’il vous plait Monsieur Ludry, il faut que je le nettoie et que je le remette à sa place avant que son propriétaire en ai besoin.

Je levais des yeux innocents vers lui, le visage et les cheveux teintés de rouge, mais débarrassés de toute larmes et de toute trace de peur, comme je n’imaginais pas qu’il ai pu mal interpréter mes faits et gestes.
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)