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[RP] D'un Leffe à une plus ou moins Leffe.

Cixi_apollonia
Citation:
De Wayllander de Leffe-Miras.
À l'attention de Cixi-Apollonia.


    Cixi,

    J'ai fait bonne réception de ta dernière missive, et crois bien que son contenu m'a attris atterré. Mes prières sont toutes tournées vers ta mère ; le Très-Haut seul peut désormais l'aider à surmonter la maladie, et je suis persuadé qu'il le fera. Elle est encore bien jeune, et a toujours été vigoureuse. Il ne faut pas perdre espoir.

    Tu me demandes ce que tu deviendrais si elle venait à trépasser. Il est évident que je ne te laisserais pas, dans cette éventualité, livrée à toi-même. J'ai des amis dans le Sud, qui pourraient veiller sur toi, et terminer convenablement ton éducation. Mais, il n'est point encore question de cela. Ne t'en inquiète pas, et apporte ton plein soutien à ta mère.

    Je joins à cette missive une cassette de 500 écus, qui devrait amplement couvrir les frais des médicastres et tes propres besoins.

    Je pense à vous.


    Qu'Aristote et Sainte Illinda veillent sur toi.


      Le 25 Septembre 1466, au château de Rubroëk.






PS : Plus que jamais, accorde une attention particulière à notre discrétion. Tu brûleras cette missive, et tu garderas en tête en y répondant que chaque mot peut être lu par un tiers. L'élection de Rose à la tête du Royaume a dangereusement tourné les regards vers les Leffe.


Il m'appelle Cixi. Je préfère Apollonia. mais je ne le lui dis pas.
Quand il m'écrit, mes yeux sont tout appliqués à ne se tourner que vers elle, cette écriture courbée, ses déliés secs, presque bavards. Oui. Si l'on ignorait de quelle main venait cette lettre, la simple lecture de ses courbes dénonçait un certain profil. Austère. Allant à l'essentiel. Viril. Chaque jour de lecture est un jour d'émotion, une émotion apportée par Zacharyas toute scellée de cire, et que je dissimule sous un remerciement faussement désintéressé en le chassant d'un revers de main indolent.

Le rituel est toujours le même, bien qu'espacé de plusieurs mois souvent, et j'attends qu'il se reproduise comme l'on attend une seconde étoile filante après la première. D'un espoir vain. Je ne le lui dis pas. La Phtisie est dejà très avancée. Trop avancée. mais lorsqu'un échange épistolaire est espacé de silences, d'une absence devenue habituelle, ce Père que je n'ai jamais rencontré que par un délié qui le raconte plus que lui ne sait le faire, m’apparaît encore plus lointain à ma vie qu'il ne l'est depuis toujours.

Sait-il que le seigneur fait fi de la jeunesse et de la robustesse, quand sonne l'heure? Je ne le lui dirai pas. Il doit bien le savoir, puisque lui aussi, croit. Alors je laisse mes doigts parcourir ces politesses de nobles, et j'en mesure toute la superficialité.

    Si tu voyais la mort approcher, toi aussi, tu n'étalerais pas tant d'espoirs. Elle va mourir. Et avec elle, toute ma vie.


Celle que tu ne connaîtras jamais, que tu n'as jamais voulu connaitre. Le sud. L'argent. Et ce post-scriptum ce soir me brûlent les yeux. Et je brûlerai cette lettre, si seulement je pouvais lutter contre une évidence absurde qui porte tous les hommes sur cette terre... Je ressens pour mon père d'indicibles émotions, où l'amertume côtoie la fascination corrosive d'une fille qui ne demande qu'à le connaitre, bien que jamais à haute voix.

La plupart des parents exigent de leurs enfants des vertus qu'eux-mêmes ont toujours ignorées. Wayllander de Leffe miras ne déroge pas à cela en me retenant prisonnière d'un Post Scriptum. Les parents s'aiment eux-mêmes dans leurs enfants, qu'ils regardent comme une portion d'eux-mêmes. Et je me dis... Sans le lui dire... Tu dois t'aimer si mal, Comte de Rubroek... Pour engloutir tant de ce qui a fait ta vie au néant des distances long-courrier.

Oui, je serai discrète. Non, je ne brûlerai pas cette lettre. C'est tout ce qu'il me restera bientôt. Si tu savais mon père, un jour, je te dirai peut-être.

Citation:

    Au comte de Rubroëk,

    vos mots arrivent tard. Voilà près d'un mois que j'attendais réponse, mais sans doute que les voies par lesquelles il arrive n'étaient pas sans risques, ni bien entretenues. Il aura été retardé de beaucoup, et ce que j'y trouve servira à pallier aux urgences, nous vous en sommes reconnaissants. L'état de ma mère ne permet plus de faire vivre l'entreprise familiale, les bénéfices manquants n'ont pas permis de donner sa solde à notre valet ce mois, qui reste malgré tout par fidélité et espoir. Nul doute qu'il sera heureux de pouvoir alimenter pour quelques semaines la maison, et acheter au marché noir et chez les apothicaires les remèdes nécessaires. Dieu bénisse la nouvelle Reyne, que le pays connaisse des jours meilleurs.

    God, ik geef je,
    moge hij genade met ons hebben*.


    Cixi Apollonia


Il n'est pas question de lire 'ma fille', on ne parvient pas non plus à coucher 'mon père'. Il est de ces prudentes distances que le temps distend et déforme sans pour autant les effacer. Qu'importe les circonstances, entre Wayllander de Leffe miras et sa fille bâtarde méconnue de tous, la vie ne ressemble jamais qu'à un post-scriptum.

*A dieu je vous remet,
qu'il ait pitié de nous.

_________________

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Wayllander
_____
_____[Chateau de Rubroëk - tard le soir]


___Leffe soupira. Longuement.
Il venait de terminer de relire pour la seconde fois le pli de sa fille. La première lui avait laissé un goût amer en bouche. La deuxième plus encore ; aussi s'épargnerait-il une troisième. Il posa le bout de parchemin sur son bureau, et se leva lourdement, en appui sur sa canne, vers l'âtre au centre du luxueux cabinet. Une main tendue, celle qui était libre, vers le brasier savamment entretenu, le Comte regardait sans voir le jeu des flammes, laissant la chaleur lui pénétrer la peau.
Son esprit était ailleurs. Plongé dans le doute, et les remords. Lui qui jamais ne pliait, jamais n'hésitait, jamais ne se morfondait, se trouvait en proie à de vieux démons qui venaient griffer la carapace d'acier qu'il s'était forgée depuis trente ans.
Après quelques secondes d'immobilisme, comme hypnotisé par le crépitement du feu, il en détacha les yeux, pour les lever vers le plafond, et au dessus de lui, de l'hypothétique Dieu qui s'y trouvait.

Que devait-il donc faire de cet embarrassant fardeau ?
Il ne pouvait décemment pas la laisser à son destin. Il lui avait donné sa parole dans sa dernière missive, quand bien même il l'aurait souhaité. Une jeune fille de son âge, orpheline et sans le sou, finirait sur le trottoir ou serait retrouvée morte sur le bas-côté en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, autrement. Sa chair. Non. Mais il ne pouvait tout aussi certainement pas la reconnaître. Pas après lui avoir reconnu un frère, désormais son héritier, pour lequel il avait dû falsifier un mariage auprès de la hérauderie. Le faire légitimer et accepter n'avait pas été facile ; sa réputation d'homme vertueux avait été amochée. Qu'en serait-il alors, d'un second enfant, et qui plus est, d'une fille ! Wayllander Louis-Ambroos le Pieux deviendrait-il le Lubrique dans les campagnes flamandes ? Qu'en penserait-on au Louvre, qu'il côtoyait tous les jours ?

Avec un juron et un violent revers de la main, il fit se fracasser au sol un superbe vase antique posé au dessus de la cheminée, subitement enragé contre lui-même. Depuis quand Leffe se souciait-il de ce que pouvait bien penser de lui la gueusaille, ou les précieuses ridicules du Palais royal ? Même l'avis de sa Reyne de nièce le désintéressait. Ils n'étaient personne, pour le juger. Non, avec ses excuses de réputation à tenir, il se mentait à lui-même. Ce qui le dérangeait vraiment, était son Salut.
Cixi-Apollonia était un pêché. Un pêché, conçu au milieu de dizaines d'autres. N'avait-il pas tué la veille, et le lendemain ? Sans doute que si. Il ne parvenait plus à s'en souvenir. Il était incapable de savoir le nombre de personnes à qui il avait ôté la vie durant ces quinze années d'errance. Des dizaines, des centaines peut-être. Et des bâtards ? Combien d'autres encore ? Allait-il laisser revenir en sa maison tous ses Pêchés ?
Il ne pouvait pas. Il avait tourné la page. Définitivement.

Ou du moins, jusqu'à la prochaine missive.



Citation:
De Wayllander de Leffe-Miras.
À l'attention de Cixi-Apollonia.


    Cixi,

    Le messager aura reçu l'ordre de chevaucher plus vite. Qu'il ne reçoive que la moitié de la somme due s'il a mis plus d'une semaine.

    Va-t-elle mieux ? J'ai entendu parler d'un médicastre renommé, à Tours. Un abbé. Le père Durieux. Il pratique des saignées qui chassent les mauvaises humeurs, et connaît beaucoup de symptômes, ainsi que leurs remèdes. Il est cher, mais je paierai.
    Avec ton valet, vous devriez l'y mener. L'atmosphère d'une monastère ne pourrait que lui être bénéfique.

    Du reste, le Sud est dangereux par les temps qui courent. Le félon Namaycush a pris le Rouergue, et en fera sans nul doute un nid à nuisibles, qui écoulera son venin sur tous les environs. Il faut remonter au Nord. Voyagez en groupe. Trois personnes, dont une alitée et une enfant, font des proies faciles. S'il le faut, je dépêcherai une troupe.

    Tiens moi au courant.
    J'ai doublé le montant de la cassette. Le marché noir n'apporte rien de bon.

    Qu'Aristote et Sainte Illinda veillent sur vous.


      Le 1er Octobre 1466, au château de Rubroëk.








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    L'accent de Wayllander ? Une petite idée là.
Cixi_apollonia
    Je suis un Péché, et toi, tu es un Lâche.


Les yeux clairs décortiquent les mots, les tournures de phrases, les petites imperfections des lettres, là posées trop vite pour que le vélin accroche l'encre, ici, point assez laissées à sécher avant que le tout ne soit replié et donné au messager.

Des messagers, Apollonia en avait vu des dizaines depuis que son géniteur avait décidé de répondre aux courriers de sa mère, puis de lui écrire en personne. Elle ne se lassait pas de les observer, leurs mises, leurs manières et même les traits de leurs visages, comme si cette observation lui apportait quelques éclaircissements sur celui qui les mandatait de si loin. L'ironie voulait que cette distance ne dépassait pas dix lieues, Celestina D'Abbruzzes, cette mère de la discorde était ironiquement la plus flamande des Vénitiennes, tenant avec sa famille depuis des décennies les draperies des quais où la flanelle, la laine et les tapisseries côtoyaient les écus sonnants. Cet argent qui ne coulait plus. Quoi faire? A quatorze ans, reprendre les affaires familiales alors qu'on a à peine suivi des études, qu'on a à peine affronté les premiers coups du sort et qu'on n'a jamais vu une difficulté de près jusqu'ici... Impossible. Sans l'avoir vécu, on n'imagine pas combien ce peut être loin, dix lieues...

Il faudrait lui dire. Lui dire qu'elle était morte. Lui dire qu'elle 'avait aucun parent encore en âge ou en état de sauver le comptoir des drapiers. Que l'affaire allait être vendue au profit de sombres oncles méconnus, la laissant trop jeune, trop naïve et mal préparée sans le sou. Les sourcils se froncèrent d'une sourde colère. Cixi se sentait pour la première fois de sa vie vulnérable, et tributaire de ce père dont elle ne connaissait rien. Ou si peu. Wayllander. Royaliste. De famille royale. Comte et Capitaine de la garde royale. Un Royal point d'interrogation dans sa vie. Lettre fut soigneusement repliée et précieusement rangée dans le revers de son pourpoint. Oui. Cixi se vêtissait comme un garçon. C'est qu'à la maison, loin d'aider à la couture, elle préférait le vent et le soleil; les les durs travaux de stockage des lourdes étoffes. Pour les réceptionner, ou les vendre, pour les exposer après fabrication, il fallait de l'amplitude à la cuisse, de la liberté au bras. Loin des robes pesantes et encombrantes des filles d’intérieur...

C'est dans un silence de mort qu'elle prit la dernière soupe avec le valet, seule compagnie sans doute trop charitable pour l'abandonner et trouver une autre famille. Elle n'était d'ailleurs même plus une famille. Juste elle. Seule. Et marmoréenne. La perte de sa mère n'avait pas été brutale. mais lente. Trop lente même. L'adolescente n'avait eu que trop de nuits à s'user les genoux et à prier, que tout s'arrête. Que cette mère clouée à son lit de mort s'en aille. Et en lieu et place de larmes, l'Apollonia n'arborait qu'un masque de marbre. Emotions contenues dans un endroit mystérieux que rien ne savait déloger. Parfois quand la douleur est trop sidérante, elle paralyse la sensibilité.

Demain ils s'en iraient. Où? Seul le prochain messager le dirait.
Citation:

A Wayllander de Leffe-Miras,
comte de Rubroëk,

il est bien tard pour transporter ma mère, et ce n'était pas d'un médicastre dont elle aurait eu besoin, mais d'un médecin. Désormais, c'est d'un fossoyeur. Vous aviez rison, le marché noir n'apporte rien de bon.
Je quitte demain la maison familiale, que les créanciers et les frères de ma mère réclament. Que nous y vivions ne leur importe guère, je crois qu'à l'heure de la mort, chacun n'espère qu'y solder ses comptes... Notre valet n'a pu se résoudre à me quitter. C'est une belle âme, et je remercie Dieu d'avoir veillé sur nous à ces heures difficiles, je vous en prie, ne me forcez pas à me séparer de lui. Je travaillerai pour le payer. Je serai à l'auberge des trois chemins , en champagne, pour les derniers sous qu'il nous reste et que vous nous avez généreusement donnés. S'il plait à votre bonté de m'indiquer la route à suivre, j'irai retrouver vos amis. Si c'est à Tour, à dieu vat.


God, ik geef je,
moge hij genade met ons hebben*.

Cixi Apollonia .

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Wayllander
De l'embarras.
Une petite touche, peut-être, de tristesse.
Et surtout, une immense lassitude.

C'étaient là les sentiments qui se partageaient en Leffe à la lecture de la missive de sa fille. De l'embarras, car il se trouvait désormais avec un nouveau fardeau sur les épaules, dont l'avenir le préoccupait sur le long terme. D'autant plus qu'il n'avait alors pas que cette affaire brûlante à gérer. Pour la tristesse, il aurait bien eu du mal à la décrire lui-même ; il n'avait jamais été attaché à la mère de Cixi. Sans doute que la mort, en général attristait. À moins, et finalement plus probablement, que ça ne soit le ton de la missive de sa chair qui ne la provoquait. La plume était glaciale et exprimait parfaitement le ressenti qui se cachait derrière. Très compréhensible, ceci étant.
Enfin, la lassitude générale qui le frappait n'était autre qu'une persistante fatigue. Depuis son retour en Flandres, bien moins calme que prévu, il n'avait réellement trouvé le repos, et l'accumulation devenait lourde à supporter.

Aussi ne prit-il que peu de précautions dans sa réponse -si tant est qu'il était dans son habitude d'en prendre.



Citation:
De Wayllander de Leffe-Miras.
À l'attention de Cixi-Apollonia.


    Cixi,

    Je note l'information.

    Tu peux garder le suivant. Il sera récompensé de sa loyauté, et tu n'auras pas besoin de travailler.
    Mon messager te guidera jusqu'à ton nouveau foyer. Il s'agit d'une amie, noble, qui assurera ton éducation. Tu montreras ton meilleur visage, pour ta mère.

    Je prierai pour elle.

    Qu'Aristote et Sainte Illinda veillent sur toi.


      Le 9 Octobre 1466, au château de Rubroëk.








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    L'accent de Wayllander ? Une petite idée là.
Cixi_apollonia
mais Cixi n'avait pas attendu. Arrivée à Tours où le messager fit une halte forcée par les circonstances, Diable savait pourquoi le destin avait mis sur leur route une guerre. Une cité bardée de soldats et d'hommes venus en nombre pour défendre leur terre, face à la menace angevine. Happée par le tumulte, les deux yeux grands ouverts, la jeune fille s'était retrouvée bien vite dans la mêlée, où le suivant, ce bon Zacharyas, peinait à la suivre et le messager n'imaginait pas devoir attendre. Quelques rencontres , toujours masculines, Lanfeust le Généreux Juge, Hadrian le Valeureux Orléannais, et le Breton de la Dame. Il n'avait pas fallu plus de quelques nuits dans cette ville en état d'alerte pour qu'elle ne franchisse les remparts avant l'aube avec ce chevalier errant qui en avait plus le nom que la dégaine, à l'insu de ses deux chaperons, contre la promesse d'apprendre à bretter.

Bretter. Voilà ce qui l’intéressait. Plus que l'éducation que l'austère lettre promettait et dont le lot de points d'interrogations formait un gouffre effrayant. Elle avait menti sur son âge, mais le zig qui n'avait pas relevé n'était pas dupe. Elle avait menti sur sa situation. Et sans doute qu'il s'en fichait bien dans le fond. Peut être que là, sur la route de Vendôme avec cet homme, elle trouverait l'axe paternel qui se distordait en lignes planes et vides. A moins qu'il ne la viole dans un coin d'auberge vide. Qui savait? A quatorze ans, on ne s'embarrassait pas de tant de soucis.

On prenait la première fenêtre ouverte pour échapper à ce qui était pire que d'être livré à soi. Etre livré à d'Autres.

Une lettre brève laissée sur le lit de son auberge, à Zacharyas.


Citation:


    Partie apprendre à bretter.
    Un chevalier du nom de Ganwyn.
    Quelques jours et je serai de retour à Tours.


A.



    Ce que tu ne m'apprends pas, d'autres le feront. Auras tu du regret, seulement?

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Cixi_apollonia

Après quelques jours, je me décidais enfin à prendre la plume. Il faut dire que je savais faire la part du bien et du mal, et fuir la surveillance des deux hommes qui m'accompagnaient avait été d'une facilité déconcertante.
Quelque part, lui écrire, c'était coucher un pardon invisible. Il en serait sans doute ombragé. Ou pire. S'en ficherait comme l'an quarante. Et sans que je ne sache pourquoi, je ne pouvais m'empêcher de le prévenir. De purger à l'encre quelque chose. Les conversations qui avaient mené à lui m'avaient déstabilisée. Ainsi le Comte de Rubroek avait une renommée. Qui était-il, alors, cet homme qui écrivait à l'écu, et qui attendait de moi que j'aille sagement vivre chez ses amis, sans jamais le rencontrer? Celui-là ne jouissait pas de la même réputation à mes yeux.

Voilà quatre jours que Ganwyn et moi formions un duo plutôt insolite sur les routes. Ce type était un chevalier plutôt ivrogne, mais observateur, et il n'avait pas fallu bien longtemps à sa cervelle imbibée pour poser les questions qui fâchent. Forcément, il avait fini par avoir ses réponses. Non, je n'avais pas dix huit ans. Non, je n'étais pas sans famille. Oui, j'allais lui attirer un sacré paquet d'emmerdes.

Pourtant il n'avait pas encore décidé de me battre ou de me lâcher en cours de route comme un fardeau trop lourd dont on préfère se détacher. Peut-être qu'il avait vraiment envie de m'apprendre les ficelles. Ou que mon effronterie lui donnait à hésiter. Il avait un fichu caractère, et moi, je crois bien que je savais comment l'amadouer. Et je ne parle pas seulement de voler des bouteilles. Après tout, nous avions choisi l'un comme l'autre, à notre façon, d'errer. J'avais besoin d'une présence masculine pour rattraper le temps perdu, et il s'était imposé sans force. Lui, ne me ménagerait pas. De rien. Certainement pas de la vérité.




Citation:
Comte,

ne m'en voulez pas. J'ai faussé compagnie à votre messager. J'espérais qu'il m'occupe , m'apprenne à bretter, mais il s'est montré taciturne et morne. Comme un messager. Je confesse avoir souvent pris la tangente la nuit, pour aller voir comment était Tours sans soleil à la lueur des torches, sur les remparts et dans ses tavernes. Ne le blâmez pas, il n'y a vu que du feu, et lorsque ma ballade nocturne m'a fait franchir les murailles de la ville, il dormait du sommeil du juste, sans imaginer l'immensité de mon ennui. L'attente n'est pas enviable. Le savez-vous? Et les hommes se fichent bien de savoir occuper la fille de leur employeur.
J'ai pris la route en laissant le valet derrière, pour quelques jours seulement. Zacharyas est fâché. C'était attendu. Celui qui m'accompagne est un chevalier errant, et il s'est engagé à m'apprendre à manier l'épée. Nous sommes en Alençon, et repartirons bientôt. Il boit beaucoup, mais je crois que c'est un brave. Il dit qu'il vous connait. Que votre réputation vous précède. Alors je l'écoute, et les nuits passent mieux qu'à Tours.


God, ik geef je,
moge hij genade met ons hebben*.

Cixi Apollonia.

*A dieu je vous remet,
qu'il ait pitié de nous.

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Wayllander
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L'un des ennuis de l'autorité, exacerbée, était la crainte qu'elle générait.
Crainte aux effets positifs le plus souvent certes, mais toujours lourde de conséquences lorsque ça n'était pas le cas. Et c'était là ce second type de crainte, néfaste, qui avait poussé le messager dindon de la farce à taire à son maître la fugue de sa fille. Certainement rassuré par le message qu'elle avait laissé à son suivant, il avait d'ailleurs failli faire pari gagnant. Passer inaperçu. Et le Très-Haut savait qu'il avait joué gros ce faisant. Mais il avait suffit d'un courrier, pour le faire échouer si près du but.
Le courrier de Cixi avait sonné le glas, de la fureur du Comte.

Dès la première ligne, ce dernier avait senti son rythme cardiaque s'accélérer, et ses poings et ses mâchoires se serrer. Sa fille. Echappée. Avec un vieil ivrogne. En plein conflit avec les angevins. Il ne tenait qu'à la Grâce de Dieu qu'elle s'en soit sortie vivante.
Un tel acte ne pouvait rester impuni.


Deux jours, et un nouveau courrier décisif reçu, après.

Citation:
De Wayllander de Leffe-Miras, Pair de France,
À Cixi-Apollonia, tout court.


    Cixi,

    Ma contrariété n'a d'égal que ma déception.
    J'ai reçu courrier de mon fils, ce matin. Bastian de Leffe-Cetzes. Mon unique héritier. Il semble qu'il soit tombé sur une vaurienne en taverne, qui se soit présentée à lui comme sa sœur. Bien entendu, il n'en a pas cru un mot. Et si elle s'avise de l'approcher à nouveau, il veillera à ce que ce soit la dernière. J'espère m'être bien fait comprendre. Je ne souhaite pas avoir à la faire chasser moi-même.

    Deuxièmement. Je ne crois pas t'avoir demandé de passer les nuits à boire à Alençon. Voilà plus d'une semaine que tu es attendue à Tours. Tu y partiras dès la minute où tu recevras ce pli si tu n'es pas déjà en route, qu'il pleuve ou qu'il vente. Tu as suffisamment fait attendre la Princesse de Chevreuse ; tu lui présenteras tes plus plates excuses.
    Je ne joins pas de cassette à ce courrier. Avoir le ventre vide t'aidera à presser le pas.

    Et, j'allais oublier.
    Tu trouveras emballé au fond de ce paquet un souvenir de celui qui n'a pas su occuper la "fille de son employeur" -je me demande bien de qui il s'agit, soit dit en passant.

    Tu en tireras leçon.


    Qu'Aristote et Sainte Illinda guident tes pas.


      Le 22 Octobre 1466, au Château de Rubroëk.








Soigneusement emballé d'un élégant velours sombre, se trouvait un œil, arraché.
Il datait d'une demi-semaine, à en juger par l'aspect et l'odeur. Avec, avait été écrit un mot "Pour ne plus avoir de doute lorsqu'il s'agit d'ouvrir le bon œil."

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    L'accent de Wayllander ? Une petite idée là.
Cixi_apollonia
Les doigts fins à l'anneau d'or posés sur les lèvres restent figés quelques longues secondes à la lecture du pli. Le coeur, sans qu'elle ne puisse rien y faire s'est enrayé de quelques pulsations, sang descendant en chape de plomb froid jusqu'aux pieds. Butait-elle plus sur le sort du pauvre messager que sur l'amputation soulignée de son patronyme?

Cixi tout court.

Cixi de rien.

Cixi, et pas une lettre de plus.

La découverte de l'oeil lui avait arraché un cri de surprise et de dégoût. Lancé aux orties, il ne la narguait plus de sa viscosité opaque et laiteuse, puante et vitreuse. Il ne la narguait plus de remords sitôt ôté à sa vue coupable. Apollonia, forgée d'un tempérament que l'on n'avait pas à chercher bien loin, s'était empressée d'avaler les lignes aux inclinaisons sèches et avait protesté d'un grondement de gorge, dégluti les tournures de phrases, intégré les accents qu'elle imaginait durs , inflexibles.

Wayllander n'était pas un Employeur. Wayllander était un maître.

Sa contrariété l'alimentait d'une fierté rebelle et narquoise toute adolescente, sa déception cependant, la plongeait dans une humeur grise et épaisse, qu'aucun couteau de réconfort ne saurait tailler. Oui, elle avait rencontré un jeune Leffe en taverne. Loin de se douter qu'il s'agissait de son frère, loin de savoir qu'elle en avait même un, elle ne l'avait pas questionné, préférant avant de lui fausser compagnie laisser signature de son crime - le vol d'une bouteille pour Ganwyn - dans un sourire ironique: Cixi Apollonia avait décliné son nom complet et tourné les talons. La saveur de cette pirouette se fanait soudain dans l'intitulé dénigrant. Cixi, tout court.

L'autre Cixi Apolonnia, avait inspiré visiblement le gaillard d'une évidence: un lien de fraternité, pourtant, elle ne s'était pas présentée comme telle.

Bastian de Leffe, l'Unique Héritier. Cixi Apollonia, Tout court et rien de plus.

Grand bien lui fasse, disait la fierté. La jeune fille envoya valser le pli d'une colère sourde. Puisqu'on lui rappelait qu'elle n'était rien, aucune autorité n'avait sur elle quelconque droit. C'est ainsi qu'à quatorze ans l'on raisonnait, l'on résonnait, dans l'orage des réactions trop immédiates. Ce frère, elle n'en voudrait pas, tout comme sur l'instant, elle se persuadait que de père non plus. Quel père digne de ce nom laisserait son fils tuer sa fille? Pour sûr, si Wayllander était un maître, il 'était un piètre Père, à l'approche bancale et inappropriée. Refroidissant les fragiles liens que les lettres avaient jusqu'ici esquissés.

La jeune fille se laissa choir contre un arbre, ramenant ses bras autour de ses genoux, nez s'enfouissant dans les deux dunes formées, rassemblant l'éclatement de ses pensées. Le bruissement des feuilles sèches non loin finirent par la sortir de sa léthargie, en se redressant hâtivement dans ses bottes, persuadée que Ganwyn allait la découvrir ainsi et qu'elle aurait à épancher ses questions. Lettre resterait morte. Et quelque part au fond d'elle aussi, l'admiration naissante que le chevalier avait enfanté de ses récits autour du feu le soir.

Wayllander pouvait être apprécié pour ses faits d'armes, elle n'avait rien à lui admirer en terme de relations humaines. Elle reprit la route seule, laissant à Alençon son compagnon de route, sans s'attarder en justifications. Refermée comme une huître. Elle en oublia momentanément les mots de la fameuse princesse de Chevreuse reçus la veille de l'arrivée de cette lettre morbide...






Citation:
De : Zoyah Aurel-Novotny, Princesse de Chevreuse.
À : Cixi Apollonia


Demoiselle,

Enfin votre père m’a donné votre nom. Je sais maintenant à qui je peux m’adresser, qui je peux faire chercher. Tout d’abord, je tiens à vous adresser mes condoléances pour la perte de votre mère, tant bien même que mes propos puissent vous paraître plus conventionnels que sincères. Je ne m’étendrai pas sur le sujet afin de ne pas me montrer indiscrète, il vous appartiendra alors de m’en parler si jamais vous veniez à en éprouver le besoin.

Je suis actuellement à Chinon avec l’armée royale « les lions de guerre » et je séjourne dans le campement à l’entrée de la ville, près de la route de Saumur. Nous ne manquons de rien, mais vous devinerez assez aisément que nous sommes loin du confort et de la chaleur d’un logis bourgeois ou d’un palais. Je me suis enquis auprès de votre père afin de savoir s’il s’opposait à ce que vous me rejoignez au sein de l’armée. Il n’a émis aucune objection. Aussi, je vous laisse le choix. Vous pouvez faire partie de l’armée où une tente sera mis à votre disposition, apporter votre aide comme bon vous semblera en cas de combats (vous pouvez combattre au front comme restez en arrière et aider au soin des blessés) ou bien rester dans une auberge à Chinon.

Le Comte de Rubroëk m’a informé que vous étiez accompagnée et je tiens à vous rassurer, votre serviteur sera également le bienvenu. Je dois également vous avertir qu’il y a deux membres de la famille Leffe présentent à Chinon et à qui il faudra cacher votre lien de parenté. Il s’agit de sa majesté, la reine de France elle-même et un cousin de votre père, Cornelius de Leffe. Nous verrons ensemble comment vous présentez à eux si jamais vous deviez les croiser, peut-être vous faire passer pour ma pupille, fille d’un notable de Guyenne.


Faites bonne route.

A vous voir

SA Zoyah Aurel-Novotny


Et n'y répondit qu'une fois arrivée à Tours.


Citation:

A : Zoyah Aurel-Novotny, Princesse de Chevreuse.
De : Cixi Apollonia


Je serai au campement avant la fin de la journée. Point envie de parler de ma mère. Le confort ne m'interesse pas non plus, et rester dans une auberge pendant que la guerre gronde serait d'une couardise éhontée. Rassurez-vous, je resterai avec la garnison, personne n'aura donc à s'enquérir de ma filiation, je n'irai point en taverne et les grouillots sont en général peu curieux. J'ai appris à bretter il y a peu, et la compagnie des soldats sans noblesse m'agrée mieux que n'importe quelle autre. Chacun pourra donc se tenir avec ses pairs. Le mien ne sera pas inquiété.

Cixi Apollonia.


Tour court.

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