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[RP] A vous, Merzhin.

Anaon
Citation:


       Ce matin, je me suis réveillée et j’ai trouvé sur le plancher une lettre abandonnée. Je crains qu’elle n'ait pris la poussière... Voilà bien longtemps que je n’avais pas autant battu les chemins et leurs ornières ; le ciel pour simple toiture, le vent souvent pour unique couverture ; j’en ai oublié toutes les politesses, jusqu’à l’impolitesse même de délaisser volontairement les lettrines de votre lettre.
       L’été pour moi est aussi noir que le plomb du soleil, il englue les jours d’une moiteur délétère et suffoque le poumon d’un étouffement constant. Éternel meurtrier de mes volontés, je préfère à sa chaleur assassine les profondeurs oubliées d’un marécage ; la fraîcheur d’une mare ; l’éphémère bourbier d’une flaque… Il m’a fallu cette année-là louvoyer dans bien des eaux troubles et maculées, ainsi vous ai-je délaissé...
       J’ai vu bien des paysages : ils avaient tous la même saveur. Celle du sang qui acidifie les dents après les courses trop effrénées et de la terre qui vous tapisse de poussières jusqu'à la moindre parcelle. Point de plaisances, mais d’affaires, les errances ont été longues et solitaires. Silencieuses… Ainsi soyez rassuré, vous n’avez pas été le seul à souffrir de ces sentences laconiques.
       Il faut que l’Automne me revienne pour que je retrouve le chemin des Autres. Qu’à nouveau l’humus vienne titiller le creux de mes narines, que l’odeur du bois que l’on coupe et la fragrance des sous-bois que l’on retourne parviennent à nouveau à ma poitrine essoufflée. Tout ce camaïeu de senteurs que l’été a carbonisé, consumé... Vous, je le sais, vous me comprendrez.
       Il me faut la mousse sous ma peau et le brame pour qu’enfin je rejoigne le troupeau.
       Telle une vouivre automnale, j’ai daigné enfin sortir de ma mare, là, à l’abri sous le feuillage. Aujourd’hui, ce sera sous le refuge de cette lettre que je vous envoie. Alors que je cherchais la nouveauté, je me suis surprise à manquer du goût de la Bretagne, de ces contes et ces légendes même les plus inavouables… Ou étiez-vous durant tant d’années ? Je vous avais cru mort, exécuté. Suicidé. Reparti quelque part, sous le tumulus discret d’une tombe de Brocéliande.

       Avant-hier, j’ai fait le décompte de mes heures fanées. J’ai eu quarante années. Disparaissez encore et vous me retrouverez le cheveu blanchi et la peau racornie.

       Dites-moi comment vous allez. Courez-vous toujours l’Anjou ? Avez-vous encore votre Nez ?
       Il est usé… Mais il me reste quelque goutte pour signer mes mots de rose, de cassis et de jasmin.

          A.


    Me pardonnerez-vous l’attente ?   





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A       N       A       O       N
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