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Coup de foudre ou coup d'épée dans l'eau ? Rencontre inopinée d'un vieux flamand et d'une bretonne.

[RP] And the rest, as they say, is History

Cornelius.de.leffe
    [Début juin 1466 - Argentan ]

    "And the rest, as they say, is History" *


    Ils se sont rencontrés en taverne, le Garde Royal et la Régente d'Alençon. Ont échangé quelques paroles agréables, perdues à jamais pour la postérité. Mais alors qu'elle s'en va, la voilà qui propose au garde de l'accompagner quelques pas. Le vieil homme lui offrira donc son bras. Et la suite...

    Chiméra tourne les yeux vers lui, à peine sortie de la taverne.

    - Je vous ai arraché à la jeune Constance, vous souhaitiez peut être demeurer en sa compagnie.
    - Non pas particulièrement...Visiter la ville en votre compagnie est bien plus agréable. Et, après un regard en biais. Et que m'a valu l'honneur de cette invitation, votre Grâce ?
    - Faut-il une raison?
    Il l'observe, intrigué.
    - Généralement, oui… Mais il vous revient le droit de ne pas en avoir une, en effet… Connaissez vous bien Constance ?
    - Vous plairait-il de savoir que c'est simplement pour profiter de votre compagnie ?
    Elle a quitté ses yeux, pour les tourner vers la rue, comme pour alléger le poids de ladite raison. Lui en profite qu'elle ait détourné le regard pour s'autoriser un sourire flatté.
    - Si c'est le cas oui, il me plait grandement.
    Le Vieux Leffe s'étonne un peu qu'une femme si jeune - du moins à ses yeux - et si titrée semble vouloir apprendre à mieux le connaitre, mais n'est pas prêt de l'avouer.
    - C'est le cas.
    L'Aubépine poursuit sa progression dans les rues d'argentan, ignorante des pensées du garde à son côté. Il ignore sans doute qu'en dehors de sa fonction présente, elle n'est pas titrée. Et Leffe ignore en effet tout des titres de la dame, mais une duchesse reste une duchesse à ses yeux : en homme de la vieille garde, il a un grand respect pour l'étiquette. Le Garde Royal marche à ses côtés, volant des regards de temps à autre, conscient que l'ambiance a légèrement changé depuis la taverne.

    - Il va sans dire que le plaisir est partagé. Votre converse m'est fort agréable. Ce qui n'est pas.... si fréquent.
    - Pourtant, vous fréquentez ce que la France compte de plus raffiné, non?
    - Je ne dirais point que je les fréquente, répond-il en fronçant les sourcils. Je les vois, de part mes fonctions. Alors à moins que vous ne parliez du Capitaine de la Garde mon cousin, ou du Médecin Royal que je croise en taverne… Les hauts nobles du Louvre non… je ne les fréquente pas..
    - Sont-ils donc totalement absents de l'équipée actuelle? Oh, et pour votre question, je l'ai connue a la Maison Royale mais nous n'avons guère eu l'occasion de passer du temps ensemble.

    Un petit haussement d'épaules.
    - S'ils en sont, je ne les croise pas… Elle est… agréable. Mais tout comme le médecin de la garde, la gentillesse n'a rien à voir avec l'art de la converse.
    - Non, c'est juste, certains pratiquent le verbe à des fins plutôt nauséabondes. Je le prends plus comme un plaisir, pour ma part.
    Cornelius glousse un peu.
    - Il est vrai. Pourtant dans le cas de ces charmantes dames, j'entendais juste que leurs sujets de conversations n'ont pas grand intérêt pour moi. Par ailleurs elles sont fort gentilles.
    - Si vous fréquentez les dames de la chambre qui causent jupons a longueur de temps, j'entends bien.
    Elle rit faiblement, tandis qu'il se mord la joue.
    - Hm.. si ce n'était que ça.
    - C'est pire ? Demandera-t-elle avec un regard amusé.
    - Ahem. Je ne veux pas dire de mal. Mais oui.
    - Allez, lâchez vous. Rien ne sortira d'ici.
    Et de la regarder, l'œil pétillant de la voir amusée.
    - Devriez sourire plus souvent.
    - Donnez m'en donc l'occasion.
    Rousse défie du regard, pressant de façon quasi imperceptible sa main sur le bras sage, et il grommelle carrément. Les commérages, c'est mal. Mais la dame est jolie. Dilemme.
    - Hmpf. Elles parlent de choses que je trouve malséantes pour des dames, un peu comme des soldats. Voilà. Enfin pas Damoiselle Constance…
    - Allons, ne vous forcez pas à aller au delà si cela vous coûte.
    - J'en ai bien assez dit pour que votre imagination complète mes dires… non ?
    - Allez, disons que oui.
    - Assez des inepties qui se disent en taverne. Qu'elles soient vulgaires ou non, les paroles de tavernes sont généralement trop creuses.. c'est pour cela que j'y vais si peu. Vous rencontrer fut une exception… J'aimerais mieux vous entendre parler de vous.

    - Comme quoi, les tavernes peuvent être terre de surprises. La ville possède un verger charmant, vous plairait-il d'aller y chiper un fruit ou deux? Les cerises sont exquises, présentement.
    - Vous avez l'art de décliner les questions…dit-il avec une sourire en coin, hochant la tête en guise de consentement sur la destination prise.
    - Pardon. Elle rit. Celle ci n'en était pas une. Formulez donc, et je vous répondrai.
    Il rit carrément, puis se creuse la cervelle. Mince, il n'a aucune question… Il songeait plutôt à entendre parler de son passé, ses goûts ou dégoûts, ses valeurs.. D'ordinaires les femmes ne sont pas si difficiles à faire parler. Lui jetant un regard en biais, il fronce légèrement les sourcils. Quelle question poser, qui ne soit pas "d'où venez vous" ? On a dit qu'on éviterait les blabla de taverne...
    - Qu'est-ce qui vous importe le plus ?
    La régente tourne les yeux vers lui, saisie par la question, et Cornelius écarquille légèrement les yeux, surpris lui même d'avoir demandé ça.
    - Pardonnez moi, c'est peut-être un sujet trop sérieux pour une promenade au verger, ajoute-t-il.
    - Je ... non, je.. laissez moi une seconde. Elle reprend sa marche, tout en songeant à sa question. Je dirais... le bonheur d'Elisabeth. Avant même mes enfants, elle est celle qui m'accompagne et qui me soutient chaque jour, depuis tant d'années.
    - Elisabeth… ?
    - Elisabeth kermorial. L'actuel commissaire au commerce.

    - Donc, le bonheur de ceux qui vous sont chers.
    Il l'observe, elle opine.
    - Ca. Oui.
    - Nous ne sommes pas très différents. Sur ce point du moins.
    - Votre famille, je suppose. J'ai peint un portrait pour Son Altesse la Dauphine hier, qui vous est je le sais apparentée. Elle était ravie.
    - Ah ! je l'ai vu. Elle est arrivée toute joyeuse pour nous le montrer… Mais je ne connais pas ma famille, Duchesse. Enfin très peu.
    - Oui?
    - Oui... Mais je dirais que ce qui m'importe le plus est d'être.. Droit. Loyal envers mon chef de famille, ma Reyne, mon Dieu. Plus jeune, le bonheur était au centre de mes préoccupations mais j'ai appris assez vite qu'il peut-être arraché.
    Il sourit et hausse les épaules, comme si cela pouvait alléger ses dires.

    - Et pourtant, il peut aussi être cultivé. Doit l'être, même.
    - Hum. Je suppose qu'on peut essayer. Mais être droit, on peut toujours réussir, alors que le bonheur n'est pas de notre ressort. Dieu le donne, et le reprend à sa guise...
    - Je ne suis pas d'accord avec vous. La droiture est un sentiment très personnel. Bien d'autres pourraient dire que vous êtes tordu, ils auraient l'impression d'avoir raison, si le nombre fait foi.
    Cornelius regardait au loin, plongé dans le passé… et tourne la tête vers elle, surpris.

    - Sauf que je me fiche bien de ce que d'autres pensent, si je me sais droit et loyal envers ce en quoi je crois… A savoir mon Sang, mon Roy et mon Dieu. Ah, et l'amitié, aussi. N'oublions pas l'amitié.
    - L'amitié. Voilà une chose qui peut bonheur générer.
    Cornelius la regarde, un peu trop longtemps peut-être. Jamais il n'a eu de converse si profonde avec une inconnue.
    - C'est vrai…. Je ne fuis pas le bonheur, je dis que je ne compte pas dessus...
    - Vous faites bien. C'est une drôle de bestiole bien compliquée à saisir.
    Il opine, et puis détourne les yeux de façon un peu soudaine.
    - Bon, il est loin votre verger ?

    [* Traduction littérale : Et la suite, comme on dit, appartient à l'Histoire
    Traduction en contexte : Et la suite, vous la connaissez.
    .

    RP 4 mains avec JD Chimera.]

_________________
Chimera
    - Bon, il est loin votre verger ?
    “L'impatience est en tous lieux.”*


    - Pressé ?

    La duchesse s'est immobilisée pour le coup, pour tourner la tête vers lui, qui changeait juste de sujet un instant, mué par la pudeur. Et il se trouve bien couillon.

    - Vous adorez les cerises, hum?
    - Oui, c'est un fait, mentira-t-il, soulagé. Il me tarde de les goûter.
    Chimera se mord doucement la lèvre, sourit, et reprend sa marche.
    - Alors je ne vous imposerai pas la station plus longtemps. Venez.
    Il attend qu'elle reprenne sa marche, détournant le regard de la lèvre mordillée, et lui emboîte le pas.
    - Là, voyez vous? Au bout de ce chemin.

    - Alors tout à l'heure… Disiez vous que le bonheur de vos amis compte plus que celui de votre famille ? Ou disiez vous plutôt qu'Elisabeth fait plus partie de votre famille à vos yeux que votre sang….?
    Il ne la regarde pas en posant la question, conscient d'être trop curieux.
    - Elle est tout autant ma famille que si elle était de mon sang, assurément. Elle est la seule à pouvoir me demander quelque chose en sachant que jamais je ne refuserai. Quoique ce soit.
    Le vieux Leffe sourit, bizarrement rassuré, et se demande pourquoi cela lui importerait que la duchesse ait les mêmes valeurs que lui, même si c'est toujours plus agréable pour converser.
    - Je pense qu'en effet, la famille ne se résume pas au sang. Et vous parliez de liberté tout à l'heure… Ou plutôt de celle qui me manque. Je crois que mon serment à la Reyne fut la chose la plus difficile que j'aie jamais eu à faire.
    - Nous voilà deux, bien que je n'irai probablement pas jusque là.
    Chimera rit alors qu'ils foulent enfin l'herbe du verger, ayant passé le petit portail y menant. Avertie, elle le mène vers un cerisier déjà par elle visité la veille, qu'elle sait donc bien pourvu. Il entre à sa suite, et tente d'apprécier le lieu alors que sa concentration reste sur ses derniers dires.
    - Quel serment est-ce, exactement ?
    - Soutien, aide, fidélité.C'est peut être bien piteux, au regard de ce que vous lui avez juré, vous..
    Il approche du cerisier et s'empare d'une cerise bien mûre, qu'il lui tend.
    - Oh, et cela vous a coûté ?
    - Vous apprendrez que je ne suis pas de ceux qui s'agenouillent devant autrui avec plaisir, dit-elle dans un rire.

    - Oui… moi je… je parlais de jurer faire passer la Reyne avant ma famille. C'est cela qui fut difficile….Je me suis agenouillé bien volontiers devant elle, mais ces mots en particulier....
    Aubépine saisit la cerise offerte, le remerciant d'un bref signe de tête.
    - Votre famille sert Alvira quasiment intégralement, non? Ainsi, vous n'en êtes jamais bien loin.
    - Hm. Non ce n'est pas cela.
    Alors qu'il fronce les sourcils, cherchant dans sa mémoire les mots exacts du serment, la rousse s'adosse au tronc vaillant, scrutant les traits dans leur effort de mémorisation.
    - "Je jure de la placer en tête de mes priorités, au delà ma famille"...Je suis loyal à la couronne, toujours. Mais ces mots.. Pour ne pas mentir en les disant c'était compliqué.
    - Vous pouvez considérer que vous servez votre famille en servant la couronne.
    Cornelius observe le charmant tableau de la duchesse adossée à l'arbre, et ne peut retenir un sourire malgré le sérieux de leur échange.
    - Je sers la France en servant la Couronne... C'est le mot "priorité" qui m'a marqué.
    - J'entends... Vous souriez.
    Régente incline la tête sur le coté, intriguée, et il détourne le regard avant de se cueillir une cerise.
    - Nullement, vous vous trompez, répond-il en souriant tout de même.

    - Oseriez vous dire que la duchesse d'Alençon a la berlue ?
    Elle quitte l'appui de l'arbre et s'avance vers lui, amusée. Le vieux glousse en silence, le regard toujours fermement concentré sur les cerises.
    - Jamais… Je souriais pour une autre raison, puisque vous insistez.
    - Ainsi vous avouez.
    Le Vieux Leffe l'observe alors qu'elle s'approche, et grommelle un peu, pour la forme. On est flamand ou on ne l'est pas.
    - Soit.
    - Si quoique ce soit a pu adoucir la dureté du souvenir que vous vous etes imposé, alors j'en suis heureuse
    Cornelius la regarde, assez impressionné par la réponse, et sourit franchement cette fois.
    - Vous semblez trouver si facilement les bons mots… Et vous êtes fort perspicace, votre Grâce.
    Il s'adosse à son tour à l'arbre, ne voulant avouer que la chevauchée de la nuitée dernière l'a laissé un peu fourbu.
    - Pour peu que j'ai le temps de les peser, et l'interlocuteur qui convienne.
    Cornelius s'éclaircit la gorge.
    - Vous me flattez. Enfin, je crois…
    - Votre votre quiétude est apaisante.

    Elle tend le bras vers les feuilles, pour prélever quelques cerises, et en offre une partie au garde royal qui les prend avec un sourire.
    - Je vous remercie. Mais je ne suis pas si paisible avec d'autres, le mérite de cela vous revient.
    - Qui de nous deux fut paisible avant l'autre, croyez vous?
    - Il n'est pas question de cela, répond-il avec un sourire. Votre conversation intelligente et votre écoute sont agréables. D'autres personnes m'agacent. Les idiots, les arrogants, les pimbêches, les doctes… Je m'agace vite, je vous assure. Et vous ne m'agacez en rien. Il mange une cerise et ajoute, l'œil pétillant. Mais je ne vous aurais jamais fait l'impolitesse de vous l'avouer si vous m'aviez agacé.
    - Mais vous auriez peut être décliné ma proposition.
    - En effet... Ou je l'aurais acceptée, mais j'aurais beaucoup moins parlé. Et moins souri. D'ailleurs je doute qu'on refuse souvent vos invitations, Duchesse.
    - Vous auriez pu prétexter un urgent devoir au coté de votre souveraine... Dites ça aux Alençonnais que j'ai conviés au banquet des hommages du ban.
    Elle rit, un brin déçue par le manque de participation, et il l'accompagne, les épaules secouées d'un petit rire muet.
    - J'aurais pu en effet. Je ne parlais point de ce genre d'invitation.
    - Quel genre, alors?
    - Celle-ci ! Je doute que beaucoup refusent une converse avec vous, en somme.

    Le voilà qui arque un sourcil, comme pour la défier de le contredire, mais elle s'assombrit légèrement.
    - Tout dépend du sujet, à vrai dire.
    - Mon compliment sera mal tombé, je vous en demande pardon.
    - Ne vous excusez pas tant.
    Le Vieux Leffe glousse. Réponse de la bergère au berger, lui qui en taverne lui a fait la même remarque. Il a du s'excuser une fois de toute la converse, et sait reconnaître un interlocuteur bottant en touche.
    - Par Aristote, votre grâce, je n'ai pas du sourire autant depuis dix ans, si vous continuez ma famille me reniera pour m'être montré trop jovial pour un flamand.
    - Elle ne saura rien de ma bouche, je vous le promet.
    Elle détourne légèrement les yeux, troublée par ses propres mots, et le garde royal cligne des paupières, remarquant le trouble mais sans avoir aucune idée de ce qui l'a causé. Alors qu'il était franchement amusé qu'elle lui retourne sa remarque sur les excuses quelques secondes auparavant, c'est d'une voix plus douce et moins assurée qu'il répond.
    - Je vous en remercie…. ?
    Chimera courbe brièvement la nuque, avant de grignoter une nouvelle cerise, tandis qu'il l'observe, décontenancé. Il ouvre la bouche pour s'excuser sans savoir pourquoi, et la referme.

    [* Saint John Perse

    RP à 4 mains avec JD Cornelius]

_________________
Cornelius.de.leffe

    "Le flirt est l'art de s'adonner à l'amour sans avoir l'air d'y toucher
    et d'y toucher sans avoir l'air."


    - Votre grâce… Tout va bien ? Vous semblez soudain… changée.
    Chimera de Dénéré-Malines relève le nez vers lui et sourit doucement.
    - Pardonnez moi. J'étais à regretter la fin du jour et le départ probable de votre lot.
    Il ouvrait la bouche pour lui dire qu'il avait juste voulu la faire rire. Puis une nouvelle fois pour lui dire qu'elle est toute pardonnée et… ah. A ça, il ne sait quoi dire. Beaucoup regrettent le départ du cortège, qui apporte avec lui une animation bien agréable dans les tavernes, il est vrai.
    - Hum. Le retour du calme, oui…. dit-il en haussant les épaules, avant de tenter un trait d'humour. Mais je vous laisse mon cousin Bastiann comme compagnie...J'ai conscience qu'il n'a pas ma grande sagesse ou l'attrait d'un cortège royal, mais bon.
    - Viendrez vous le visiter à nouveau?
    - Ah. Eh bien la réponse est complexe.
    Corenlius l'observe, alors qu'elle rouvre les lèvres, craignant que l'affection soudaine qu'elle a développée pour le garde royal ne transparaisse dans la question.
    - La reyne, bien entendu.
    - D'un coté, chaque engagement est de trois mois. Durant lesquels où la Reyne va, je vais. De l'autre, oui je compte bien venir lui rendre visite, pendant mes permissions.
    - Combien à tirer ? De mois, j'entends.
    Elle rit franchement, avertie du double sens du terme, et le vieux garde commence à se demander si la duchesse pourrait lui montrer quelqu'intérêt. A part un sourcil arqué, il n'en montrera pourtant rien.
    - J'étais novice durant un mois… je ne crois pas que cela compte, je devrais voir avec mon cous...capitaine. Et je fus intronisé euh… début mai. Donc encore deux mois. Pourquoi ?
    Ha ! les pieds dans le plat, le vieux.
    - Bastian semble avoir de l'affection pour vous, dit-elle, anguille.
    Le vieux se mord la joue, au sang, pour ne pas éclater de rire. Cela pourrait la vexer. Mais il ne parvient pas à cacher son amusement, regard pétillant.
    - Bastiann me connait à peine. A peine plus que vous.
    - Oh.
    Elle triture sa manche, comme toujours lorsqu'elle est embarrassée, prise en flag. L'observant, il prend pitié et vient à son aide.
    - Allons, avouez que vous vous ennuyez à mourir et que je vous amuse.
    - Essayez seulement. Nous verrons bien, quand vous aurez prouvé que vous pouvez décrocher ces cerises avec vos orteils...
    Elle accroche les prunelles de son vis à vis. Que cherche-t-elle donc à son côté? L'affection d'un homme, ou celle d'un père ? Inconscient des pensées féminines, il sourit, assez largement.
    - Je n'amuse que par mes mots, votre grâce. Et je ne suis pas assez souple.
    - Gare, où je vous balance à votre capitaine, qu'il vous fasse faire des exercices. Mon monde s'effondre, en tout cas. Moi qui m'attendais à vous voir faire le pitre.
    Il s'approche, bien loin de penser qu'elle puisse le voir en père et l'observe, intrigué. Décidément quelle femme étrange...
    - Mon Capitaine a mieux à faire, et mon lieutenant nous entraîne chaque jour... Je suis navré d'écrouler votre monde, je ne pensais point avoir ce pouvoir.
    Il sourit en coin. Elle rit doucement. Et il toussote, songeant qu'il s'est peut- être approché trop près.
    - Pas d'arthrose, alors ?
    - Je retire ce que j'ai dit. Vous ne devriez pas sourire.
    L'Aubépine passe une main sur l'épaule de son vis à vis, comme pour en juger, et il se fige, muscles tendus au toucher d'une femme. Oula, ça fait un bail.
    - Vrai, je suis un vieil homme. Mais pas d'arthrose, non… sinon je n'aurais pu combattre...
    Vexé le vieux ? Un peu, ouais. Mais surtout, tenté. La Duchesse rit, qui presse l'épaule avant de la relâcher, constatant le trouble par le geste généré.
    - Je vous taquinais.
    - Non, vraiment, vous ne devriez pas me sourire.
    - Non ?
    Elle incline à nouveau la tête, intriguée par sa sortie. Le vieux garde n'a pas reculé, grave erreur, et serre un peu les mâchoires, tiraillé entre ses valeurs et ses pulsions.
    - Non. C'est cruel de sourire comme cela à un vieil homme… Pourriez lui donner une attaque.
    - Je m'en voudrais d'avoir votre trépas sur la conscience, assurément...
    Il recule d'un pas, respectueusement, et trouve la force de sourire.
    - Exactement. Et je ne vous ai pas dit le pire.
    - Pire?
    - Non seulement mon cœur de vieux est fragile, n'est-ce pas… Mais je sors de trente années au monastère. Un sourire peut me tuer.
    Il arque un sourcil, sourit un peu. Cherche-t-il juste à la faire sourire, ou à glisser ni vu ni connu une forme d'avertissement ? Elle pince les lèvres, alors, jouant le jeu de s’empêcher tout sourire. A l'absence du rire qu'il cherchait à provoquer, Cornelius inspire, profondément. Et elle le trouvait paisible. Si elle savait.
    - Trente ans...
    - Oui.
    - C'est... une vie...
    Le vieillard sourit tranquillement, et alors qu'il a une de ces grosses voix de basse, réussit bizarrement à murmurer, pour une fois.
    - Une vie, oui… Mais bon, c'était ça ou la mort...
    - La mort? Trop de sourires déjà alors ?
    L'ancien moins échappe un hoquet de rire, court et qui disparaît aussitôt. Désignant l'herbe auprès du cerisier...
    - Je puis vous raconter, si… cela vous intéresse. Asseyons nous ?


[ 4 mains, mais avec qui ? ]
_________________
Chimera
    “Une confession équivoque n’obtient qu’une absolution équivoque.” *


    Elle jette un œil à l'herbe, puis à lui, avant d'opiner, et de s'y asseoir avec lui.
    - J'étais jeune marié. Très amoureux. Et puis….
    Il sourit en regardant droit devant lui, loin, très loin de se douter qu'elle tente de l'imaginer ainsi, jalousant presque l’intéressée. Aux mots qui suivent, le vieux perd son sourire, visage fermé pour retenir, en bon flamand pudique, tout signe d'émotion. Les mots sortent très vite, d'un ton factuel.
    - Elle est morte avec l'enfant qu'elle portait, j'ai voulu mourir et j'ai choisi le monastère pour ne pas commettre le péché de prendre ma propre vie.
    Il toussote, pose la tête en arrière sur le tronc. Et attend. A côté de lui, la duchesse ferme un moment les yeux.

    - Et voyez... c'est bien peut-être cette vie qui aura permis que Champagne soit sauve. Ainsi même que la reine et ses petits.
    Le garde Royal rouvre les yeux, la regarde, alors qu'elle laisse ses doigts errer dans l'herbe fraîche, bien peu bigote, en druidesse accomplie, qui aurait fui le plus loin possible quant à elle de qui aurait permis un tel désastre.
    - Vous êtes bien bonne de me dire cela. Je n'y avais songé.
    - Aucune ne doit être gâchée. Celles que vous avez perdues suffisaient bien, déjà.
    Il l'observe, la trouvant de plus en plus intéressante. Avec, dirait-on, un bon cœur pour accompagner son intelligence.
    - Oui. Je ne regrette pas ma décision, j'ai servi mon dieu et maintenant je sers ma reine. Mais… Pardon, je vous raconte ma vie comme à un confesseur. Vous devez avoir bien mieux à faire…
    - J'ai mille excuses lorsque je souhaite me soustraire à la compagnie d'un être, Cornelius.
    Elle perçoit, troublée, que c'est probablement la première fois qu'elle le nomme par son nom. En miroir sans le savoir, Cornelius sent un petit frisson agréable à l'entendre l'appeler par son nom de baptême, et pour une fois, ne s'en formalisera pas.
    - Soit.. Je ne voulais pas vous embarrasser de mes histoires...
    - Vous ignorez mon goût pour elles. Bien qu'en effet j'aurais préféré pour vous qu'elle soit plus heureuse.

    Le vieil homme sourit doucement. Bon sang, s'ils étaient tous deux paysans il lui aurait relevé le menton, touché qu'il est par sa gentille nature…. Ce que le vivre noblement peut casser les couilles parfois.
    - D'accord. Hm. Où en étais-je ? Ah. Oui, je ne regrette pas d'avoir vécu. Mais je regrette parfois d'être sorti.. si tard. Je regrette ce qu'ont les hommes de mon âge. Comme... une famille. Et à mon âge…. hm.
    Chimera relève un genou contre sa poitrine, entourant ledit d'un bras. En extérieur et loin des lieux d'exercice du pouvoir, l'Aubépine retourne à sa nature. Il l'observe, décidément plus charmé par les gestes simples qu'elle a que par bien des femmes trop sophistiquées ou lascives. Le naturel…

    - Vous pourrez bien trouver la quiétude et l'accomplissement, malgré tout. Je n'en doute pas.
    - Maigre consolation.
    Dénéré pâlit elle-même d'envie devant les ventres ronds, sachant qu'elle ne donnera plus la vie. Et lui... Il espérait, peut-être, qu'elle lui dise qu'il pouvait encore avoir une famille et se surprend à être inquiet.
    - Ce qui est fait est fait. Qu'y pouvez vous? Reste à savoir ce à quoi vous aspirez, vous. Pour demain.
    Aux paroles qu'il trouve glaçantes, confirmant sa crainte qu'elle le pense en effet bien trop vieux pour jamais avoir descendance, il se fige.
    - Eh bien j'aspirais à ça.
    - C'est passé. Demain ? Vous y aspirez toujours ?
    Il déglutit. Et hoche la tête, grave.
    - Vous avez la chance de n'avoir pas de date de péremption.
    Vilaine, vilaine JD Chimera qui fait des anachronismes, tandis qu'il détourne le regard et s’époussette les braies, histoire de ne plus croiser ce regard trop perspicace.

    - Mon cousin voudrait certainement que j'épousât une pucelle. Une de mes amies m'y encourage aussi. Mais je m'y refuse.
    Il relève la tête...Et elle croise son regard, qui se surprend à souhaiter lui apporter une tendresse qui semble lui faire défaut.
    - Ce serait pourtant là l'assurance d'une descendance.
    - Mais.
    - Pas que ça, n'est-ce pas?
    - Voilà. Rendez-vous compte, une pucelle ! Outre ne pas être une compagne intéressante ou attirante pour moi… Je serais un grand père pour elle. Pauvrette… je ne peux me résoudre à forcer une… enfin une enfant, au final ! Du moins à mes yeux ...
    - Regardez nous... Ce matin nous ne nous connaissions qu'à peine, et entendez nous jacasser.
    Elle offre un sourire gêné, et réprimera à grand peine l'envie d'effleurer sa main, comme pour l'assurer que d'autres pensent autrement.
    - On peut vous trouver trop âgé sans pour autant vous trouver laid, Cornelius... et de grâce appelez moi Chimera. Bien sûr qu'une gamine préfèrera un jeune homme vaillant et dans la force de l'âge, quitte à ce que ce dernier ait la clairvoyance d'une huître. La sagesse est une chose qui ne se découvre qu'avec les yeux qui vont.
    - Je ne sais pas si je pourrais vous appeler par votre prénom, mais j'essaierai. Et je ne suis point d'accord. Une pucelle de quinze ans trouve tous les vieux hommes laids. Franchement, vous, qui êtes femme, ne me dites pas…
    Il sent la moutarde lui monter au nez et prend le risque de la choquer. Vous ne me donneriez pas votre fille. J'en suis plus que certain. Il la fixe, la défiant de dire le contraire.
    - Vous même, vous n'en voudriez pas, surtout. Pas parce qu'Adenora n'est pas digne d'être aimée. Mais ce n'est pas ce que vous cherchez, une enfant.
    - Voilà. Exactement. Et la majorité n'a rien à voir.
    - Je sais.
    - Une jeune femme de vingt-cinq ans, mère trois fois, est une enfant à mes yeux.
    - Tout dépend de ce qu'elle a dans le crâne, non?
    - Hm.. peut être. Toutefois je n'ai depuis que je me suis défroqué, trouvé intéressantes ou attirantes que des femmes d'au moins trente années, et j'ai le double de leur âge ou presque. Je ne vais tout de même pas épouser une jeunette et prendre une maîtresse !

    [* William Shakespeare
    Tous les mêmes 4 mains!]

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Cornelius.de.leffe
“La tentation d’une belle femme peut causer votre perte - si vous avez de la chance.”
Groucho Marx.

    - Qu'est-ce qui vous empêche d'épouser une femme d'une trentaine d'années ?
    - Hum. Peut-être en rencontrerais-je une.
    - C'est arrivé, vous l'avez dit. Étaient-elles donc déjà mariées?
    Il soupire, et secoue la tête avant de la regarder dans les yeux.
    - Je les trouvais moins inintéressantes que les très jeunes filles…
    Elle frémit, sous le regard inquisiteur, bien consciente de jouer les funambules. Lui ne la lâche pas du regard.
    - Mais… la seule que j'ai trouvé intéressante était mariée, oui, jusqu'ici...
    Il n'a pas ajouté attirante. Elle soutient son regard, sans savoir à quoi la démarche l'engage réellement.
    - Jusqu'ici...
    Il hoche la tête et détourne le regard, craignant de céder à l'appel de presque trente années de chasteté. Demain il ira au bordel, c'est décidé.

    - Avez vous connu une femme, depuis...? Elle réalise, un peu tard, tant l’indélicatesse que l'audace de sa question. Pardonnez moi. C'est trop.Vous n'avez pas à répondre à ça.
    Le vieil homme aura blêmi à la question. Il se renferme à présent, fermant même les yeux, et répond d'une voix quelque peu froide.
    - En effet.
    Aubépine se surprend à souhaiter qu'il se montre entreprenant, et ce malgré les hommes plus jeunes qui aspirent à elle, et y accèdent, de temps à autre. Néanmoins, il s'abstient. Respect des statuts? Contraintes de la garde? Désintérêt? Sixième sens? Elle même ne peut réclamer. Trop d'enjeu, trop d'orgueil.
    - Pardonnez moi. Je... cerise ?
    Sans rouvrir les yeux, et sans prendre la cerise, il répond d'une voix à présent plus douce, n'offrant à son regard qu'un profil.
    - Si je vous avais répondu, votre grâce, c'eut été par un geste qui me vaudrait déshonneur, au mieux.
    - Déshonneur ?
    Il est surpris par la question, mais pas assez pour rouvrir les yeux et devoir affronter son regard. Trop de tentation, un brin de honte de n'avoir pas connu charnellement de femme depuis si longtemps, et une pincée de colère aussi qu'elle ait posé la question. Pourquoi ne comprend-elle pas… Un garde royal ne se jette pas sur une duchesse, bordel. Par respect pour sa modestie, déjà, et puis aussi parce que le vivre noblement l'interdit, il lui semble. Et parce qu'il perdrait sa place de garde si elle s'en offusquait.
    - Que n'avez vous pas compris….?
    - Faut-il donc que je le réclame?

    Il rouvre les yeux, tourne la tête de côté, cligne des paupières. La voix bourrue s'est faite légèrement rauque.
    - Votre Grace… Ne jouez pas ainsi sur mes nerfs. Après tant d'années je ne pourrais peut-être pas m'arrêter à... Ach ! vous me faites dire de ces choses !
    Elle lève les yeux vers le toit végétal abritant l'échange insolite.
    - Si vous me nommiez Chimera, déjà vous y verriez sans doute déjà moins d'obstacles.
    Elle ferme un moment les yeux, elle aurait permis qu'il la courtise. Elle aurait permis qu'il l'effleure. Avait-elle envisagé qu'il puisse aspirer à la connaître ici ? Assurément pas. Le peut-elle désormais? Elle n'est liée par aucun serment qui l'empêche, au fond. A côté d'elle, l'ancien moine inspire profondément.
    - Je suis perdu, j'avoue.
    - A quel geste songez vous donc ? Le dire n'est pas trahir.
    - Votre gra… Chimera. Le geste n'était rien. C'est le risque d'ouvrir une porte sans pouvoir la refermer qui… Et j'ai répondu à la question, je crois.
    Avant de pouvoir s'en empêcher, il a levé le bras, lui effleurant sa joue du dos de la main.
    - En ri...

    Chimera de Dénéré-Malines rouvre les lèvres, surprise, sans pour autant se soustraire le moins du monde à la caresse. Il laisse retomber sa main, et elle demande, presque implorante.
    - Suis-je une enfant, à vos yeux ?
    Le vieux garde écarquille les yeux. Bon sang ! S'il s'écoutait elle serait allongée dans l'herbe, les jupons relevés. Un éclair animal lui traverse les pupilles. Le temps d'un clignement d'yeux et il a disparu.
    - Mais enfin… ! il s'éloigne un peu, histoire de se protéger de la tentation, plus bourru que jamais. Vous êtes tout le contraire ! Pourquoi croyez-vous que je craigne de ne pouvoir m'arrêter si je commence !
    - Ne me fuyez pas, par tous les saints.
    Il ne s'est éloigné que d'un demi mètre, mais ne se rapprochera certainement pas.
    - Allons, je sais que vous m'avez compris. Ne me retiens. J'essaie d'être respectueux et vous me rendez chèvre.
    - Sans quoi je balance à Alvira que son garde royal est une lopette infichue d'affronter un danger.
    Elle sourit plus amusée que vexée, mais lui plisse les yeux, tenté un instant de lui attraper la nuque et de l'embrasser à pleine bouche. Il se reprend juste à temps, et sourit, même... Au moins le ton de la belle est-il moins dangereux quand elle plaisante.
    - Ah, très chère, ce genre de défi ne fonctionne que sur les jouvenceaux. Et à moins de vouloir être culbutée sous un arbre comme une fille de ferme, vous ne devriez pas mettre mon éducation à si rude épreuve…. Vous me plaisez tout à fait, je vous l'ai bien montré.


[combien de mains ? Y en a deux qui suivent, au fond.]

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Chimera

    “Il n'est rien qui soit pour un homme plus infinie torture que ses propres pensées.”*


    - Concevez-vous seulement que je puisse aspirer à être courtisée par vous?
    - Je…
    Il lèvera les deux mains en un signe international de "pause". Chimera presse une main dans sa nuque, gênée de constater qu'il semble envisager l'affaire autrement.
    - Attendez. Je n'aurais pas songé vous plaire assez pour me considérer comme un potentiel aspirant… Mais de grâce, ne croyez pas que ma réserve soit un manque d'intérêt. Et si je vous parle de… fille de ferme c'est parce que … enfin, quoi, trente années ! Morbleu, ayez pitié de mes sens un instant...
    - Je ne suis pas une enfant, Cornelius. Et si j'en venais à souhaiter vous faire ce cadeau ?
    - Cadeau ? Mais vous avez parlé de courtiser…
    - Après ?
    Il est perdu. Que dis-je, totalement paumé, le vieux. Dans son éducation on courtise pour épouser, pas pour culbuter. Et une duchesse ça ne se culbute pas, ça s'épouse.
    - Ben...
    - J'ai un vice de forme, qui me disqualifie dans votre projet.
    Cornelius secoue la tête. Ne comprend plus rien. A croire qu'il manque de sang au cerveau.
    - Je…
    - Vous faire perdre votre temps à me faire la cour serait indigne.
    Elle se retient d'ajouter "car il est précieux", la vilaine !
    - Je ne suis pas noble, Cornelius. Cessez de me considérer comme une chose plus précieuse que je ne suis. J'appartenais à la roture voilà encore un mois.

    Le vieil homme s'essuie le front. La garde royale, il connait. Courtiser et épouser, aussi. Obéir aux ordres, pas de problème. Mais ça…. ? Il perdrait son temps à lui faire la cour, dit-elle. Mais elle aspire à être courtisée par lui, dit-elle ! C'est pas la même chose ? Depuis quand...
    - Ne dites pas une chose pareille, enfin ! Vous êtes duchesse, vous serez au moins baronne, et je suis Seigneur, depuis deux mois et alors ? Cela ne change pas que… que je respecte les femmes. Les filles de ferme aussi d'ailleurs, c'était une expression. Il lui jette un regard courroucé. En l'etat actuel des choses, j'ai grand mal à... envisager d' esquisser quelque geste que ce soit. Je… je devrais remédier d'abord à.... mais je n'ai jamais pensé plaire alors… je n'y suis pas allé. Comprenez ?
    Bon courage pour déchiffrer !
    - Pensez-vous qu'il faille leur plaire?
    Elle s'assied en tailleur en face de lui.
    - A qui ? Aux femmes ?
    - A celles qu'on paie pour les aimer.
    Ah ben, elle a déchiffré. Il sourit, plus détendu, limite amusé.
    - Non, vous m'avez mal compris.
    - C'était ardu, vous admettrez.
    - Je ne suis pas allé au bordiau parce que je ne pensais pas me retrouver face à une femme qui me trouve à son goût et pour laquelle j'aurais à exercer de la retenue... Mais pour vous j'y courrai demain.
    - Demain, vous suivrez la reyne.
    Il essaie de se retenir. Si si. Mais la juxtaposition des deux phrases le fait d'abord pouffer, puis éclater d'un gros rire impossible à retenir. Elle se mord la lèvre, quand le rire arrache un sourire, alors qu'il aurait pu vexer. Lui en pleure, n'en peut plus. Essaie de parler. Fou rire total. Surement parce qu'il était vraiment…. tendu une seconde plus tôt. Les mots "reyne" et "bordel" sortent pêle-mêle.

    - Ah.. pardon… Vous entendre me parler de suivre la reine… juste après que j'ai parlé… oh, dieu, pardon…
    Cornelius s'essuie les yeux d'un revers de manche. Il n'avait pas ri comme ça depuis des lustres. Elle courbe la nuque, comprenant bien qu'elle vient sans le vouloir de lui offrir un exutoire bienvenu, et il lui attrape la main, sans réfléchir.
    - Chimera...
    Fixant les yeux sur la main solide qui vient de s'emparer de la sienne, elle cherche à nouveau son regard.
    -Etes vous faché que j'ai souhaité vous faire comprendre que vous ne me laissez pas insensible?
    Le pauvre vieux est toujours secoué de petits hoquets silencieux, qui s'apaisent peu à peu, mais toujours avec un grand sourire aux lèvres. Et alors qu'il se calme enfin... Il suit son regard et a l'air un peu surpris de trouver une menotte dans sa grande paluche ; pourtant mais ne la lâche pas.
    - Non… Je suis flatté. Et surpris. Mais je ne suis pas courroucé. Et vous avez compris que la réciproque… Enfin il ne pourrait en être autrement, regardez-vous.

    - Si j'avais été autre qu'Alençon, je vous aurais torturé jusqu'à ce que vous cédiez. Vous ne l'ignorez pas, n'est-ce pas? En toute liberté.
    Le vieux Garde Royal déglutit, et dit d'une voix légèrement rauque...
    - Madame… vous me torturez déjà.

    [* John Webster
    A vingt doigts, again.]

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Cornelius.de.leffe
    “Discuter avec la tentation, c'est être sur le point d'y céder.”
    Miguel de Unamuno


    - C'est une retenue que je m'impose rarement. Sachez le. Je n'exclue toujours pas de m'en départir. Je suis ce que je suis, pas une foutue couronne.
    Cornelius cligne des yeux. Quoi ? Parle-t-elle d'amants… ?
    - "Foutue" couronne…?
    De quoi être complètement décontenancé. D'un coté elle sert la reine et donc la couronne, et de l'autre…. hein ?
    - Je.. Mais vous avez dit ne pas pouvoir avoir d'enfants… Alors si je vous courtisais… et non en vue d'un mariage…
    Pauvre vieux. T'es pas assez moderne même pour 1466.
    - Mieux vaut vous abstenir, si vous souhaitez voir prospérer votre nom, assurément.
    Elle le regarde, maudissant les satanées tripes qui ne saignent plus qu'alternativement, et caresse le dos de sa main, de la pulpe du pouce. Le vieux Leffe s"interroge. Lui propose-t-elle une … quoi ? amourette ? Aventure, comme disent les jeunes ? Il regarde leurs mains. Pose la seconde dessus.
    - Je n'arrive pas à comprendre ce que vous aviez en tête. Pardonnez moi, je suis resté ermite trop longtemps.
    - Je suis douée pour anticiper l'avenir d'un duché. Beaucoup moins pour le mien, vous avez pu le constater.
    Il ouvre la bouche. Puis la referme pour entendre la suite.
    - De par mon évident célibat...

    Cornelius lève la main qui ne tient pas la sienne, pour en épouser sa joue. Elle fronce doucement les sourcils, peu volontaire pour faire l'aveu d'une incompétence, quelle qu'elle soit.
    - Dites...
    Elle ne parvient pas a retenir l'impulsion qui la pousse à appuyer sa joue dans cette main.
    - J'ai bientôt quarante ans et suis toujours sans époux, allons.
    - Hmpf. Vous êtes belle. Désirable et intelligente. Ceux qui ne le voient pas sont de fieffés imbéciles.
    - Ils le voient.. je ne manque pas de prétendants. Certains sont mariés, d'autres si jeunes, d'autres ducs, d'autres... il y a toujours quelque chose. Il manque toujours quelque chose...à moi, sans doute, au fond.
    Plus elle se critique, et plus le vieil homme s'approche, sourcils froncés, comme aimanté par le désir de la contredire.
    - Les hommes mariés ne devraient pas. Les jeunes.. je comprends. Mais les Ducs…?
    Aubépine soupire doucement, surprise d'avoir fait de lui un confesseur sans l'avoir vu venir.
    - Je suis une femme publique. Et une femme.
    - Et une duchesse n'est pas assez bien pour un duc ?
    - Je n'épouserai pas pour le titre... Et je ne suis pas duchesse, je vous dis.
    - M'enfin ! N'êtes-vous pas la duchesse régnante en Alençon?
    - Mais si ! Mais quoi? C'est une fonction, un prêt, un... ça ne fait pas de moi quoique ce soit...
    - Eh bien désolé de vous l'apprendre mais vous êtes donc duchesse. Et en partant vous aurez un titre, de retraite.
    - Je n'envisage pas de le réclamer. Je ne réclame jamais.

    Cornelius soupire, les yeux fixés sur elle. Elle porte sa main libre a celle qui lui salue la joue, trop crispée? Elle ne cherche pas pourtant à la retirer. Et lui, d'un ton doux qui dément ses paroles..
    - Chimera. Je vais vous gronder, maintenant. Vous ne pouvez pas vous plaindre que certains prétendants sont "trop Ducs" pour vous, si vous refusez un titre qui est votre dû. Ce n'est pas appelé "fief de mérite" pour rien. Et personne n'irait penser que vous épousez "pour un titre".
    - Cela n'a rien de mérite si personne ne juge dudit mérite. J'ai vu des incompétents devenir ducs pour avoir simplement maintenu leur cul sur un trône six mois. Les bilans ne sont pas épluchés. Il suffit de faire acte de présence et de réclamer dans les temps.
    - Et vous. Vous vous jugez incompétente ?
    La régente ouvre les yeux, piquée au vif.
    - Je vous mets au défi de le dire ! Je suis bonne dans ce que je fais. Tres bonne.
    Mais il la fixe tranquillement, souriant d'avoir réussi à le lui faire dire, et glisse la main de la joue à la nuque.
    - Alors. Vous le méritez donc.
    - Je ne réclamerai pas.
    - Pourquoi ?
    - Que la reine me l'accorde si elle m'en juge digne.
    - Hum.
    - Je lui ai ouvert mon conseil. Je l'ai accueillie dignement. Elle jugera.
    - Bien, elle jugera. Vous êtes trop fière pour votre propre bien.
    - ça n'est en rien un bien. Jamais. C'est un leg, et qui lègue doit savoir à qui, et pourquoi.

    Le garde royal sourit, et tire un peu sur la nuque qu'il tient à présent. Cette femme.... Trop honnête. Trop fière. Au point de refuser ce qu'elle a mérité, si la Reine elle même ne le lui offre pas tout de go... Quelle étrange femme, et en même temps, jamais il ne lui avait été donné de rencontrer tant de droiture. Maladroite, illogique... Mais droite.
    Elle le laisse l'attirer, à deux doigts d'évacuer la frustration que génère l'échange au contact du visage du garde royal.


    - Chimera ?
    - Quoi?
    Il approche un peu, et murmure tout près de sa bouche.
    - Taisez vous.
    Et de poser un baiser sur ses lèvres, souple et prolongé, avant de s'écarter en lui relâchant la nuque.

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Chimera
    “Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait.”*


    Elle soupire contre ses lèvres, alors qu'il vient lui offrir un moment de répit. Elle est à en réclamer un second, cou tendu vers, quand lui la relâche. Elle rouvre les yeux.
    - Je ... jugez vous qu'il est idiot d'attendre qu'on juge de votre mérite plutôt que de supposer que vous êtes méritant par défaut?
    Le vieux Leffe rouvre les yeux, qu'il avait fermé pour apprécier le baiser ; il met un petit temps à comprendre qu'elle parle toujours de fiefs. Un fin sourire amusé étire ses lèvres quand il prend conscience qu'il l'a coupée dans un sujet qui lui tient vraiment à cœur ; elle ne peut se douter qu'elle est la première femme qu'il embrasse depuis sa défunte épouse.
    - Sur le principe, non… Mais dans votre cas, oui. Si je puis me permettre et sans vouloir vous traiter d'idiote, ajoute-t-il avec un sourire en coin.
    Elle porte une main à son torse, qu'elle vient saluer d'une caresse.
    - Permettez vous... vous n’êtes plus à ça près...
    - Voulez vous savoir pourquoi ?
    - Toujours.
    - Eh bien je suis un homme de logique...
    - Sous un cerisier, avec la duchesse d'Alençon. De logique... hum?

    Il sourira à la gentille pique, mais poursuivra sans y répondre.
    - Il existe un système, qui part du principe qu'un comte ou duc régnant mérite un fief de retraite, pour le travail accompli. Et pas seulement celui de comte, mais aussi tous les postes de conseiller qu'il a généralement effectués avant de pouvoir le devenir. Certains, vous avez raison, profitent de ce système, et le réclament sans vraiment le mériter. Ou se font même élire dans le seul but de l'obtenir …. Oui ? En revanche, que dire d'une personne qui sert son duché et a déjà refusé un fief ? Qu'elle sert, et non pour elle, mais pour le peuple. Et que dire de cette personne, si après avoir fait du bon travail… Elle refuse ce qu'elle a mérité sous prétexte que d'autres profitent d'un système de confiance…?
    Chimera profite de la longueur de la tirade pour venir saisir ses lèvres en retour, comblant l'espace entre eux. C'est quoi? Cette retenue? La profondeur de sa voix? La douceur de son propos? Contre ses lèvres, sans s'en détacher presque, elle souffle:
    - Je n'ai pas dit que je le refuserai, simplement que je ne le réclamerai pas. Je ne ferai rien de plus qu'avertir que mon mandat est terminé.

    Surpris par le geste, il en perdrait presque le fil de la converse. Presque. Sa main vient se poser dans les cheveux d'Alençon, à l'arrière de la tête, pour la retenir de s'éloigner.
    - Je ne connais pas les coutumes. Je ne sais s'il est coutume de le réclamer ou si la reine a coutume de l'offrir… Je sais juste qu'on prend ce qu'on mérite dans ce monde. Souvent personne ne vous le donnera.
    Ayant dit, il reprend ses lèvres, un peu plus ardemment. De loin, n'importe quel passant les voyant bouche contre bouche serait bien surpris d'apprendre qu'il lui parle de politique, et non d'amour. Elle tressaille, glissant la main sur son côté, jugeant qu'il l'a plu qu'amplement mérité, ou est-ce elle? Et partage le baiser, avec une ferveur égale. Seul un eunuque résisterait à cette ferveur là après tant d'années de célibat, et voilà le vieux garde qui approfondit leur échange, sa faim de contact prenant le dessus ; ce n'est que lorsque leurs langues se sont mêlées et que ses mains fourmillent d'envie de se faire baladeuses, qu'il trouve la force il ne sait comment, de s’écarter.

    - Non... ne.. non...
    Elle crispe la main sur son côté, comme pour l'appeler à ne pas se refuser le moment. Mais il sourit simplement, embrassant sa tempe et adossé contre l'arbre, l'attire à lui.
    - Je crains de devoir m'arrêter un peu.

    - Vous craignez toujours l'attaque?
    Chimera se laisse aller contre, dans un sourire, et le vieux malmené inspire, caressant ses cheveux et appréciant, si c'est possible, encore plus cette sensation que le baiser.
    - Vous êtes la première femme que je tiens dans mes bras depuis…
    Elle demeure un moment songeuse, avant que de répondre.
    - C'est un honneur que vous me faites...
    - Alors comme ça vous plaisez aux jeunes... dira-t-il après un long silence, souriant dans ses cheveux.

    [* Henri Estienne]

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Cornelius.de.leffe
"La tendresse des femmes recèle tant de puissance.”
Innokenti Annenski


    - Jusqu'à la folie... y croirez-vous?
    - A voir ce que vous m'avez fait endurer comme tentation ce jour… Oui je le crois.
    - Je... mes excuses... mon souhait n'était pas de vous imposer un quelconque tourment.
    Cornelius glisse une main sous son menton et le relève afin de croiser son regard, déposant un chaste baiser à ses lèvres.
    - Vous vous excusez trop. Il faut vraiment que je trouve un bordel dans la prochaine ville, Alençon, ajoutera-t-il avec un sourire en coin.
    - Vous prenez route pour la capitale ? Et si je... décidais de ne pas le tolérer ?
    - Non. Je vous appelle Alençon.
    - Oh...
    - Je ne sais pas quelle est la prochaine ville... Puis, cherchant son regard. Je n'aurais pas du ?
    - Pas du quoi, Cornelius?
    - Vous appeler Alençon.
    - C'est flatteur.
    Elle effleure sa mâchoire du bout du nez, tendre, et Cornelius déglutit, plus affecté par le geste tendre que par n'importe quel baiser; il sent son cœur se comprimer dans sa poitrine, sans trop savoir pourquoi. Tout compte fait, il a peut-être une idée... Chimera se presse contre lui, heureuse, au final, de profiter d'une alcôve sage, comme au creux d'un vieux chêne. Il ne l'en empêche pas, mais se fige une seconde, avant de lentement refermer ses bras autour d'elle. Sa poitrine est contractée, et sa respiration courte. Elle, levant les yeux vers lui...

    - Ne vous.. causez pas le moindre embarras...Si me tenir là vous... enfin...vous gêne?
    - Non. Non cela ne me gêne pas. C'est… votre nez. Il déglutit et cligne des yeux, alors qu'elle arque un sourcil, souriant sans comprendre. Vous m'avez frôlé. Avec votre nez.
    - Ainsi? souffle-elle, réitérant le geste avec douceur.
    Et il se fige, avant de reculer un peu, lui jetant un regard pour le moins bizarre, mélange de courroux et de supplication.
    - Oui. Non. S'il vous plait...
    - Je ne crains pas cette issue, Cornelius... Autant ne pas jalouser une autre fille pour si précieux moment...Laissez moi faire...
    - Issue ? Quelle issue ?
    Il s'écarte, comprenant enfin qu'elle n'a rien compris. Et pour cause. Et qu'elle lui propose...

    - Non vous n'avez pas…
    Elle tresse une mèche de cheveux roux derrière son oreille, confuse.
    - Oh...
    Il pose une main sur son épaule, craignant bêtement qu'elle ne s'enfuie avant qu'il ait pu parler.
    -Je... soit...oui....
    - Chiméra. Vous m'avez mal compris. J'ai mal expliqué.
    Elle fronce les sourcils, qui ignore quoi faire de ce foutu embarras.
    - C'était idiot. Elle commence à se relever, à genoux à présent. Idiot oui.
    - Non. Ne bougez pas.

    Il la retient fermement, se hisse aussi sur ses genoux et l'attrape par la taille sans plus s'inquiéter du reste pour la presser contre son torse, une main dans ses cheveux ; l'embrasse à pleine bouche. La jeune femme manque de protester, trop tenue par le ridicule, et trop convaincue qu'il se force là à donner de la véracité à une illusion par elle créée, mais il la retient, jetant au feu toute bonne éducation qui voudrait qu'il la relâche à la moindre hésitation de sa part. Lorsqu'enfin il s'arrête, le souffle un peu court, il plonge ses yeux dans les siens et prend une grande inspiration. Au diable la putain de pudeur, il ne la laissera pas douter de ses charmes pour que lui puisse se payer le luxe de se taire.
    - Depuis ma femme, ce genre d'attentions toutes simples.… Votre tendresse m'a figé.
    - Pardonnez moi... c'était déplacé... C'était spontané et terriblement déplacé.
    Elle se porte a nouveau à ses lèvres, comme en guise d'excuse, ou pour s'éviter l'embarras d'autres mots, et il reçoit le baiser, sans la repousser de peur qu'elle ne le prenne encore comme un rejet. Et puis...

    - Non. Vous ne pouviez pas deviner. Moi même je suis surpris. J'ai pu vous embrasser …. Mais alors ce tout petit geste… Il hausse les épaules. C'est la vie je suppose. Je dois me réhabituer.
    - C'est votre départ annoncé qui... fausse la donne...j'aurais voulu... du temps.
    - Hm. J'aimerais vous écrire, avec votre permission. Même si je ne puis vous courtiser en vue d'un mariage.
    - Oui... je... bien sûr. Je... bien sûr. Oui.
    Elle se mord la lèvre, penaude. Quelle éloquence, Dénéré.
    - Vous ne pouvez vraiment pas….
    Cornelius s'arrête net. Mais quel con. Mais quelle grosse enflure. Même si son esprit lui plaît infiniment, même s'il aimerait la revoir, la courtiser elle plutôt que de chercher une femme plus féconde et sûrement plus fade... Comment a-t-il pu songer à lui demander si elle était certaine de ne plus pouvoir enfanter, et pire, commencer sa phrase ? Ta gueule, Leffe, tu crains. Désespérément, il cherche une autre fin.

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Chimera
    “Qui veut la fin veut les moyens.”
    Proverbe


    - Je ne peux pas.... ?
    - Vous ne pouvez vraiment pas… hm…. voyager un peu en Alençon ? Si la garde change juste de ville…
    - Cornelius ? Il m'a semblé que vous reteniez quelque chose...Enfin, je m'abuse peut être. J'ai prévu d'aller vers Verneuil après ici, j'ai organisé un tour perpétuel du duché et il... m’étonnerait grandement que vous vous y attardiez, même si.. je le souhaiterais.
    - Verneuil... Ah. Nous en venons. Mais merci pour... ce moment hors du temps. J'aimerais vous écrire, même si c'est sûrement une erreur.
    Il en est à se demander comment, maintenant qu'il a passé l'après midi avec une femme charmante et intelligente, lui que toutes les autres semblent ennuyer affreusement, il pourra concilier son désir d'enfant avec son désir de compagne. Aristote le veut-il vraiment père ? S'est il abusé ? Ou s'abuse-t-il maintenant….

    - Moins que de passer vos journées loin du coté de votre reine. Filez donc, tantôt, et écrivez, tôt.
    - Mais j'ai quartier libre...
    Il s'écarte, juste un peu. Hésitation. Le congédie-t-elle ? Chimera rit, crispant doucement la main sur l'habit masculin. Il regarde sa main qui semble le retenir, alors que ces mots le chassent, et relève les yeux sur elle; essaie de bouger. Mais reste là.
    - Tant mieux. La lumière décroit. Est-ce donc l'aube ?
    Aubépine le regarde, qui passerait bien encore des heures à le découvrir.
    - Non, c'est le crépuscule...Nous ne partons que tard dans la nuit. Mais vous avez à faire, je suppose….
    - Et si je dis que c'est l'aube ? Rien qui ne puisse attendre demain...
    Le vieil homme cligne des yeux. Quelle étrange petit bout de femme.
    - Alors c'est l'aube.
    - Bien. Elle rit, ravie.
    - J'ai encore quelques heures à tuer….

    Quoi ? Il n'a pas envie de partir. Cette parenthèse qu'il serait déraisonnable de reproduire, pourquoi ne pas la prolonger, alors ? Elle fronce légèrement les sourcils et le scrute des yeux.
    - Si vous souhaitez enfin... ailleurs, ou.. dîner, ou enfin...
    La duchesse n'a pas du tout, du tout coutume de prendre pareilles initiatives; son compagnon hoche la tête, avant de répondre, après un silence qui en dit long sur ses interrogations muettes.
    - Où voudriez vous diner …?
    Elle s'appuie et se releve avant de lui tendre une main, singeant posture bien connue désormais des hommages, celui là restant bien fugace. Il se redresse, espérant qu'elle ne propose pas une taverne;il n'est pas d'humeur aux converses de politesse. Elle secoue la tête, et l'attire à elle, peu impatiente de le partager avec d'autres.
    - Pourquoi secouez vous la tête ? Vous ne voulez pas manger ?
    Elle cherche ses mots, qui ne veut pas sembler trop, ou pas assez.
    - Je... Vous.
    - Vous voulez me manger ?Le garde royal sourit malgré lui, et lui caresse la joue. Elle est mignonne, toute timide comme ça. Vraiment. J'ai faim, dira-t-il finalement. Mais évitons les tavernes, je vous prie, je ne veux pas avoir à partager notre converse avec d'autres.
    - Oui. Ailleurs. Bien.
    - Je n'ai pas de chez moi… je suis en campement… où…?
    - Ma demeure est à quelques encablures d'ici. Vous montez, je suppose?
    - 'videmment.
    - Bazh est vaillant. Elisabeth ne nous en voudra pas.
    Elle le saisit par la main, puis se ravise, en la glissant sous son bras.
    - Qui est Bazh ? Pourquoi Elisabeth m'en …?
    - Venez, venez donc.
    Elle l'entraine au pas de course jusqu'à l'auberge où ils sont descendus et Leffe suit, sourcils froncés, agacé des questions laissées sans réponse. Il a beau être rendu docile par les douceurs du verger, ce n'en est pas moins un Flamand têtu et grognon.
    - Pourriez vous cesser de parler en énigmes ?
    Elle l’entraîne jusque dans les écuries, impatiente de lui montrer son trésor, et finit par s'immobiliser devant une stalle, dans laquelle rumine un superbe palefroi à la robe d'or et aux crins clairs.
    - Belle bête...
    - Ulkane. Vous monterez le cheval d'Elisabeth.
    Elle désigne le mérens à la robe de jais dans la stalle voisine.
    - Bahz, donc. Soit.
    - Non?
    Le garde royal s'affaire déjà à sceller l'animal après lui avoir laissé sentir sa main un instant.
    - Si, bien sur… Je viens juste de recoller les morceaux de phrases...Parlez-vous toujours par bribes incompréhensibles, quand vous avez une idée en tête ?
    Chimera pince les lèvres, amusée, et entreprend d'harnacher sa jument à son tour.
    - Pardon... j’évoque des noms et des lieux inconnus de vous.
    Du geste sûr de l'homme habitué, il monte en selle.
    - Je ne vous fais pas l'injure de vous demander si vous avez besoin d'aide.
    Elle sourit, et, cavalière d’expérience, se hisse sur sa monture, presse les talons et décampe au galop. Le visage du flamand s'étire d'un sourire, avant qu'il ne s'empresse de la suivre.

_________________
Cornelius.de.leffe
"Ce que Femme veut, Dieu le veut"
Proverbe français.


    [Pied à Terre - Ecuries, Cuisine.]

    Au bout d'une bonne heure de chevauchée, durant laquelle elle a freiné l'allure, malgré tout, consciente de devoir ménager tant sa monture que son invité, elle passe un porche dans une propriété un brin isolée, couchée en bordure de rivière, à deux corps de logis.
    - Je réside dans l'aile Est, Elisabeth à l'Ouest. Vous devez être affamé, je n'ai pas choisi le plus court.
    - Le plus court eut eté la taverne et je n'ai guère envie de plaisanteries fades.
    - De quoi, donc ?
    Elle ferme les yeux, qui sait bien l'imbécilité de pareille question, et il sourit, légèrement incrédule.
    - De quoi ai-je envie ?
    - Navrée... c'était idiot.
    - Non, ce n'est pas idiot…
    Elle approche et le muselle de ses lèvres, enhardie par l'émoi de la cavalcade, et il l'enlace immédiatement en réponse, comme si c'était une vieille habitude ; le vieux s'étonne presque de ne pas l'avoir encore plaquée contre un mur. Trente ans, bordel. Oui, il aurait du y aller avant, on sait. La duchesse lâche la bride qu'elle tenait encore en main pour l'enlacer fortement à son tour, lèvres plus fiévreuses que tendres, désormais, comme conscientes d'avoir tout intérêt à savourer cet être là. Leffe se perd dans son souffle, d'abord, goûtant au plaisir éternel de l'odeur d'une femme, retrouvant les gestes simples qui accompagnent un baiser, la main glissée au cou, pouce attardé sur la joue, l'autre venant se plaquer au creux des reins féminins pour mieux la serrer contre lui. Embrasser une femme. Rhââ, lovely. Et quelle femme. Oui mais justement. A regret il se force à quitter sa bouche, cherchant son regard.
    - Entrons…?
    - Non... Pas encore... Encore juste un moment...
    - Soit.
    Elle prolonge l'étreinte, plus douce, consciente soudain, rappelée au fait qu'il n'est pas l'heure des folies, et qu'elle est en présence d'un convalescent. Le corps se presse contre, tendre, une main glissée dans son dos maintenant la posture. Il arque un sourcil surpris et déglutit, encore mal à l'aise de recevoir de la tendresse. Décidément il a du rester cloîtré trop longtemps, et ne comprend plus rien aux usages. Pourquoi ne veut-elle pas se mettre à l'abri des regards ? Se fiche-t-elle à ce point de sa réputation ? C'est alors qu'elle caresse un moment sa joue, puis se ravise, au souvenir de ses mots de plus tôt. Elle ne veut pas créer d'embarras chez lui, et finit par le relâcher en soufflant:
    - Venez. Allons dîner. Ce sera simple, du pain, du pâté, du lard séché, des fruits et sans doute quelques biscuits, Ifig en raffole.
    Cornelius hoche la tête, un sourcil arqué, encore. Demandera-t-il qui est Ifig ? Allez.
    - Qui est Ifig…?
    - Mon intendant. Il est au château à veiller quand je m'absente. Venez.

    Fière, sans savoir vraiment pourquoi, de livrer à cet homme dont elle ignore tout cette parcelle de vie privée. Elle le conduit aux cuisines de l'aile Est, où elle parvient à dénicher le contenu du menu annoncé. Elle désigne une table au centre de la pièce, rustique, pourvue de bancs. Le garde royal regarde alentour, appréciant la chaleur et la simplicité du lieu, puis s'assied sans un mot.
    - Vous ne vous faites pas beaucoup servir.
    - Ici je suis chez moi, Cornelius. Chez moi, et moi. Pas duchesse, ni tout le fratras.
    Vrai qu'elle ne se sent pas encore noble, songe-t-il avec un petit sourire de compréhension. Tout le monde ne naît pas noble... Tandis qu'il mange de bon appétit ce qu'elle lui sert, elle le dévisage plus qu'elle ne mange. Au bout d'un moment, le vieux grommelle entre deux bouchées.
    - Mangez donc… savez ce que dit le poète.
    - Hum ?
    - "Fi des femelles décharnées, vive les belles un tantinet… rondelettes !*"
    Chimera de Dénéré-Malines rit, amusée, et attrape un morceau de pain, qu'elle grignote dans un sourire, sous l’œil critique du vieux garde.
    - Vous mangez comme un moineau.
    - Occupez vous donc de vos tartines, vous.
    Tandis qu'il mange et grommelle, grommelle et mange, elle rit, amusée, et prélève une bouchée supplémentaire dans son pain.
    - Elisabeth et moi avons... cette vilaine tendance à... sauter les repas quand nous sommes sur un chantier.
    Il soupire, et pose son couteau.
    - Ce n'est pas une raison pour vous affamer.
    Elle rouvre les lèvres, se demandant ce qu'il a en tête. Lui, qui n'avait rien en tête de particulier à part son appétit d'oiseau, reste bloqué une seconde sur les lèvres entrouvertes, avant de baisser les yeux sur son lard.
    - J'ai.. dit quelque chose?
    - A part que vous sautez des repas.. non. Pourquoi ?
    - Celui là est-il à votre gout?
    - Mouiche.
    La bouche pleine, il remarque surtout qu'elle élude la question.
    - Nous irons au salon, ensuite. Une fois, une autre, je vous ferai preparer mieux... je n'etais pas... enfin, vous savez.
    - Je sais. C'était parfait.
    - Vous auriez sans doute préféré chaud, apres tous ces jours a manger la pitance de l'armée
    - Chimera. Arrêtez. Je ne suis pas ici pour la qualité du souper. Qui est parfaite, d'ailleurs.

    Après qu'il ait fini de manger, elle se lève, attrapant quelques grains de raisin, pour la forme.
    - Me suivez vous ?

    - Si seulement je pouvais...
    Il la suit en souriant, mais elle s'immobilise dans le couloir.
    - Pouvoir quoi?
    - Vous suivre.
    Il s'arrête à sa hauteur, regrettant déjà le trait d'humour douteux..
    - Vous êtes engagé au service d'une âme bien plus éminente.
    Il baisse la tête, songeur.
    - Vous avez raison....
    Elle détaille ses traits, dans la pénombre. Presque nez contre nez, dans le couloir exigu, il semble au vieil homme que l'air s'est épaissi d'un coup. Il glisse un regard sur elle, inspire, et met les pieds dans le plat. Mais alors qu'il termine sa phrase elle reprend la parole, et ils parleront en même temps.
    - Et pourtant je le... - Pourtant elle, je... ...regrette depuis ce matin.. ... ne la désire point.
    Silence. Et puis.

    - De grâce... oubliez ce que je suis, et prenez de moi le souvenir qui vous accompagnera au long de votre engagement.
    Pauvre vieux, tiraillé entre ses principes qui semblent n'avoir plus cours dans ce monde nouveau, et cette jolie demande qui réveille ses plus bas instincts. Il plonge à son cou, l'embrasse, et y marmonne.
    - Je ne vais pas pouvoir vous résister bien longtemps. Dites-moi...
    - Je ne vous le demande pas... Que demandez-vous ?
    Chimera offre sa gorge, au souvenir de ses mots précédents, où il murmurera …
    - Je demande si vous êtes certaine, je suppose, avant de perdre la tête.
    - Pensez vous que je vous aurais mené au cœur de mon foyer, autrement?
    - M'enfin ! Je n'aurais jamais profité ! Un gentilhomme ne...
    Elle le musèle de ses lèvres, posant à son tour la main dans la nuque tendre, pour le maintenir contre elle.
    - Soyez seulement l'homme.

    Qu'est-il advenu du raisin que tenait la duchesse d'Alençon ? C'est ça, la vraie question.


[* Brassens forever]
[ a kiki sont les 4 mimines ? ]

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Chimera
“A force de chercher de bonnes raisons, on en trouve ;
on les dit ;
et après on y tient, non pas tant parce qu'elles sont bonnes que pour ne pas se démentir. ”


Pierre Choderlos de Laclos


    [Un peu plus tard- Chambre]

    Il lui sourit, repu et complice, dans ce moment de flottement que connaissent bien des amants. Embrasse sa tempe, et d'une main paresseuse, parcourt une épaule blanche comme neige, un bras, une hanche, comme pour savourer pleinement la douceur de sa peau à présent que l'urgence ne le tenaille plus.
    Chimera soupire longuement, retrouvant progressivement un souffle qui lui a manqué, l'espace de ce moment d'oubli. Elle tourne les yeux vers lui, tant pour le suivre que pour avoir l'occasion, encore, de butiner les lèvres désormais tendres. Il la caresse, et désormais, il la voit, contrairement à plus tôt, focalisé qu'il était sur l'union à venir. C'est là, seulement, que le rose lui monte aux joues. Avec de la chance, il n'aura pas constaté.
    Pris dans l'étau de ce sommeil impérieux qui semble accabler tous les hommes repus, à la seconde où ils s'autorisent la détente, le vieux Leffe ne peut constater que peu de choses ; il voit surtout la lueur de la lune qui joue dans les cheveux de la Dénéré, sent la douceur d'une hanche sous sa main à présent alourdie de sommeil. Ah, si, en cherchant ses yeux, une lueur à ses joues lui titille l'esprit juste assez pour murmurer…


    - Vous rougissez…?

    Elle ne pourra pas manquer l'étonnement dans la voix. C'est bien la première fois qu'une femme rougit après avoir cédé...songe-t-il. Et Chimera pince les lèvres, alors que la question vient, traîtresse, accentuer le fait relevé. L'ensemble lui arrache un sourire aussi confus qu'amusé, et elle met fin à son embarras en venant lover son front dans son cou.

    - Si vous ne craignez pas de manquer le départ, dormons, un moment...

    Ah, cette fois il est réveillé. Est-ce le fait qu'elle ait refusé de répondre, ou l'idée même qu'il pourrait faillir à son devoir ? Il n'en sait rien, mais il est réveillé. Se redressant sur un coude, il fronce les sourcils.

    - Vous rougissez… Grands Dieux.. Regretteriez-vous...?

    Chimera plisse les sourcils à le voir s'alarmer ainsi. A un signe quelconque, on comprend toujours ce que l'on redoute, de prime abord. Et voilà qu'il redoutait cela. Main pâle se porte à la joue amante.

    - Non. Assurément non.
    - Mais alors, pourquoi ?
    - C'est... votre main sur moi... après...L'effet d'un nez, plus tôt, voyez?
    - Ah … la tendresse.
    - C'est... presque plus... après... enfin, vous savez saisi.
    Il réalise, avec un sourire surpris, qu'il ne s'est ni rendu compte qu'il lui donnait de la tendresse, ni surtout n'a ressenti cette sorte de trahison latente, comme au verger tout à l'heure.
    - Oui.
    - L'Alençon vous sera désormais particulier, hum?
    Cornelius glousse.
    - L'Alençon je ne sais. Sa régnante, assurément.
    - Elle ne le sera pas éternellement.
    Et le vieux de lever les yeux au ciel, d'un air de dire "vous m'avez très bien compris"
    - Ce n'est pas la régnante qui vous a aimé, vous le savez bien. Pas en tant que telle, en tout cas.
    - Allons. Vous avez parlé d'Alençon, j'ai fait un bon mot. L'heure n'est assurément pas à la politique…
    - Elle n'y est pas, et c'est bien.

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Cornelius.de.leffe
"Il est des jours où Cupidon s'en fout."
Brassens.


    - Je n'aurais jamais imaginé.
    - Imaginé quoi donc?
    - Ca. Je suis d'un autre temps, n'oubliez pas.
    - Me jugerez vous durement, d'avoir ainsi cédé à mon inclination?
    Surpris d'une question si directe, il se la pose donc réellement, pour la première fois. La jugera-t-il durement ? Non… Si ? Non ! Si ? D'un côté il ne peut guère la juger trop durement, ayant ressenti le même désir. Faut être deux pour danser la pavane. De l'autre... Il préfère penser qu'elle n'aurait pas sauté ainsi au cou d'un autre, tout de même ! Et sa mention d'amants passés ne l'y aide pas. Pas du tout.
    - Je fus très flatté mais j'avoue être... Surpris.
    - Vous êtes... vous avez....
    Chimera pince les lèvres, un brin gênée, de fait. Il l'observe, une main courant toujours sur la peau blanche, comme si elle se fichait bien de la conversation en cours et suivait son petit bonhomme de chemin, profitant de la douceur de vivre.
    - Je suis … j'ai ?
    - Vos mots, votre voix... J'ai été charmée. Je ne m'en excuserai pas.
    Il sourit, flatté, tandis qu'elle fronce doucement les sourcils, se trouvant bête a se justifier quand personne ne lui a rien demandé.
    - Seriez vous en train de me dire que je suis une exception…?
    Chimera relève les yeux vers lui, qui le considère un moment. Elle ne lui mentira pas, et en même temps, il n'a pas tort.
    - à votre façon.
    Eh merde, elle pouvait pas mentir ? "Oui Cornelius, vous êtes une exception, jamais je ne me jette dans les bras d'hommes que je viens de rencontrer, Cornelius je vous jure" Non ? Il sourit en coin, tentant sous couvert d'humour d'en savoir plus sur ces fameux amants.

    - Parce que je suis le plus vieux de vos amants ?
    Chimera rit franchement.
    - Pardonnez moi, c'est indélicat.. Vous l’êtes, indubitablement. Le plus mouvant, et contre votre volonté, aussi
    - Ma dame, vous m'avez libéré de presque trente ans de célibat. Vous avez tous les droits. Contre ma volonté?
    - Votre serment. Demain, vous aurez disparu, presque comme un songe étrange. Vous allez poursuivre votre route. Parce que vous y êtes tenu, sans que je sache si vous l'auriez fait, en étant libre de vos mouvements.
    - Ah. Oui.
    - Le fait de nous savoir condamnés à ne vivre que cette journée a sans doute aucun... cristallisé certaines... enfin... voilà. J'aurais sans doute fait preuve de plus de retenue vis à vis de vous.
    - Je vois. Mais… enfin je ne croyais pas que mon départ avait assez d'importance pour vous pousser à.. Je vous aurais écrit. Je serais revenu.
    - Plus aujourd'hui?
    Chimera s'alarme, craignant avoir perdu là perspective précieuse.
    - Hum. Non, vous avez raison, peut-être au contraire aurais-je fui la tentation de profiter d'une femme que je ne puis… courtiser correctement. Et j'ai toujours envie de vous écrire.
    - Moins?
    - Plus. Mais êtes vous certaine de le vouloir ?
    - Je me surprends à l'être, oui...
    Il s'étonne qu'elle prenne ce risque que lui même hésite à prendre, de s'attacher à une personne qu'on ne peut épouser. Mais peut-être ne le craint-elle pas, allant d'amants en amants... Ach, ta gueule Cornelius...
    - Ah… et vous n'avez aucune crainte ?
    - Je veux vous lire, et j'aspire à vous ecrire. La distance sera notre garde fou.
    - Vous me dites là de ne point revenir...
    - Je vous dis là de prendre le temps afin d'etre sur de le vouloir
    Il sourit, étonné qu'une femme de son âge ne sache pas.
    - Allons. Quel homme ne voudrait pas revenir goûter fruit si savoureux… L'intelligence, la sensualité, l'humour.. Ce n'est point là le problème, nous le savons tous deux...
    - Quel est-il, alors?
    Il déglutit et grommelle dans sa barbe.
    - L'enfant.

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Chimera

“A quoi serviraient les expériences sans la perspective de les répéter ?
La vie, au fond, est un nombre infini de variations sur un même thème.”


Antonine Maillet


    Chimera rouvre les lèvres, saisie qu'il se projette à ce point. Oh mais Cornelius ne se projette pas du tout, c'est bien là le problème pour lui.
    Il ignore, aussi et en vérité, qu'Aubépine elle aussi a ses limites que la raison flamande ne concevra probablement pas, et auxquelles, enfant, séduite, elle fait l'erreur de ne pas faire place. Dénéré ne pourra les, la, qualifier ainsi, mais l'insouciance s'évanouira, bientôt, dans un plop assourdissant, quand elle réalisera trop tard qu'il n'est pas, du tout, que de passage.

    - Vous avez raison d'hésiter à me courtiser, si vous y aspirez.
    - Je n'ai point pour habitude ni pour principe de faire acte de chair avant mariage. A part au bordiau, mais c'est différent. Quant à vous courtiser, vous m'avez dit de ne point le faire.
    - Faites le.
    Il fronce les sourcils, alors qu'elle se retourne dans les draps, contrariée par ses propres inconstances.
    - Ach !
    Il a laissé échapper l'invective purement flamande, encore une fois paumé. Souvent femme varie, dit-on.

    - Ce n'est pas sage, mais c'est ce dont j'ai envie; nul enfant de naîtra probablement plus jamais de mes entrailles. Il n'y a donc pas le moindre mal à... mais.. vous cherchez compagne féconde. Aussi, devriez chercher ailleurs. Pour votre salut et celui des vôtres.
    Cornelius soupire. Voilà, il le savait, elle regrette, malgré toutes ses assurances du contraire.
    - Chiméra. Je n'aurais jamais cédé à mon désir de vous sans votre expresse autorisation, ou .. vos encouragements. Et je n'ai jamais courtisé femme sans l'intention claire de l'épouser peut-être. Vous m'avez dit ne point vouloir que je vous courtise en ce sens ! Vous m'avez dit ne pas vouloir de titres ; la loi m'interdit donc de vous épouser, quand bien même vous pourriez enfanter. Si vous m'aviez laissé entrevoir un avenir, j'aurais attendu. Je vous dois des excuses, j'aurais du résister à...
    Chimera se tourne vers lui et le muselle de ses lèvres, longuement. Il fond, et plonge, l'enlaçant. A ce rythme il ne restera plus grand chose de ses jolis principes...
    - J'ai fait beaucoup pour vous inciter à y céder, et je suis touchée que vous l'ayez fait. Cornelius... courtisez moi, si vous tolérez mes inconstances.
    - Touchée… ? Je n'aurais pu vous résister si ma vie en dépendait. Savez vous seulement le pouvoir que vous avez…?

    Il se demande soudain si les vingt ans qui les séparent ne donnent pas lieu à des incompréhensions de vocabulaire. Que veut elle donc dire par courtiser, à la fin ? Pour lui, c'est fréquenter une femme, en préliminaire aux fiançailles. Et comme il veut une descendance et qu'elle dit ne plus pouvoir... Pourquoi donc veut-elle être courtisée ? Le mot pour elle, veut-il donc dire.. être amants ? Ah. La tentation pointe le bout de son nez. Mais non, elle est du genre de femme à qui l'on s'attache. Ca finirait mal.
    - Je ne refuserai pas le fief de retraite, et vous le savez. Je sais que je le mérite.
    - Reste l'enfant. Il n'en démordra pas.

    - Pour le reste... c'est à vous qu'il revient de faire un choix, je suppose.
    Cornelius hoche lentement la tête. Son choix précède leur rencontre... Il a même quitté la robe de bure rien que pour fonder une famille ! Mais est-ce bien le moment de le dire ? Elle se redresse dans les draps, planche stérile maudissant ses entrailles, et réarrange ses cheveux.
    - Il serait sans doute plus simple que vous choisissiez de passer votre chemin, c'est certain.
    Le vieux garde la suit des yeux, à la fois un peu inquiet et très en colère. Contre lui même, de n'avoir pas su dire non. Contre elle, pour avoir promis qu'elle comprenait, qu'elle n'attendait rien en retour ; et voilà qu'elle demande à être courtisée ! Pourtant, quelle journée, quelle nuit... Quelle complicité entre eux..Peut-il vraiment lui en vouloir de changer d'avis, quand lui même se sent trop bien pour partir ? Allons, Leffe. Logique, raison.
    - Vous avez bien conscience qu'il me faudrait être follement et aveuglément amoureux, pour renoncer à mes projets familiaux. Et cela je ne puis l'être en une journée, grommelle-t-il. Un freluquet de vingt ans tombe amoureux en une seconde. Moi pas.
    - C'est bien ce qui me rassure. Je me dis que vous aurez la sagesse de ne pas vous entêter, meme si mon orgueil voudrait que vous le fassiez.
    Il arque un sourcil.
    - Je vois.
    - Mon orgueil, et peut etre davantage. Je ne sais pas encore très bien.
    - Vous m'avez dit une chose et son contraire deux fois en quelques minutes.
    - Vous netes pas seul a ne pas y voir clair dans tout ceci.
    - Oui, cela est l'évidence. Enfin… je croyais voir clair. Mais je me basais sur vos dires. Et ils ont changé.
    - Pardonnez moi si mes mots vous ont trompé... ce n'etait pas mon intention
    Il soupire. D'un coté, les mots l'ont trompé, oui. De l'autre, il est bien incapable de regretter, et sachant ce qu'il sait, choisirait certainement de revivre la même nuit. Il l'attire à lui et lui embrasse le sommet du crâne. Ha, l'ironie du sort, quelle expression parfaite pour ce moment ; il voulait des enfants sans aimer son épouse et se retrouve attiré par une femme qu'il aurait pu aimer, mais ne lui donnerait pas d'enfant. L'idée lui arrache un petit rire amer.
    - Ne vous excusez pas. Par dieu, ne vous excusez pas. Vous m'avez rendu à la vie cette nuit. Je suis juste vraiment confus. Je croyais que vous vouliez un amant, vous aviez dit en avoir eu. Mais moi j'ai besoin d'une famille, Douce. Je suis désolé. Vous avez des enfants. Vous comprenez… non ?
    - Bien sûr...
    - Je ne puis vous courtiser. Si je m'attachais à vous, alors qu'adviendrait-il de mes projets ?

    - Vous êtes un homme sage.
    Il rit, amer.
    - Un homme sage ne vous aurait pas suivi chez vous.

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Cornelius.de.leffe
“L'amour est un dialogue de sourds.”


    Elle ravale ses envies d'un époux aimant et accompli, au profit de rêves qui pour lui sont bien plus atteignables, alors qu'il la serre un peu plus fort et lui embrasse le front.
    - Je suis heureuse que vous l'ayez fait
    - Non, vous ne l'êtes pas. Et c'est ma faute.
    - Bien sûr que si je le suis. Autant vous avoir connu rien qu'un peu. Plutôt que pas du tout
    - Je ne crois pas mériter si joli compliment.
    Elle ferme les yeux. Maudissant déjà l'allure de femelle désespérée que tous ces mots lui donnent.
    - A moi d'en décider.
    Il sourit un peu dans ses cheveux et elle se laisse aller contre lui, savourant chaque moment.
    - Si j'étais un salaud... J'épouserais une pucelle comme on me le conseille, et continuerais de vous voir à chaque occasion. Mais ...
    Il soupire. En rêverait presque. Putain de début de coup de foudre à la con.
    - Vous méritez mieux qu'une seconde place, et la donzelle mieux qu'un mari volage.
    - Je le sais bien. Et je... ne suis pas partageuse.
    Il glousse doucement.
    - Ah ça… les femmes le sont rarement.
    - Je prendrai garde à ne pas vous rendre fou. C'est promis.
    - Encore faudrait-il que je vous laissasse faire.

    - Famille d'abord. Oui.. oui...
    - Hm. Famille d'abord.
    Il lui jette un regard un peu triste, et elle tressaille malgré tout, à l'entendre.
    - Je vous souhaite d'atteindre cet objectif. De tout cœur.
    - Nous verrons. Pour l'instant aucun parti n'a su me... plaire. Et puis je n'ai guère de choix dans la noblesse…Les femmes plus jeunes… ach. Les femmes du bon âge.. sont plus titrées que moi et veulent un comte un duc...
    Elle taira qu'elle se contenterait bien d'un seigneur. Ça n'arrangerait rien. Il la serre plus fort, regrettant ce qui meurt avant d'avoir même pu espérer débuter. Après leur journée parfaite, il est très tenté de lui dire qu'il pourrait la voir, tant qu'il n'est pas marié. Mais ce serait malhonnête. Egoïste.
    - Je vous... souhaite de trouver. Vraiment.

    - Chiméra ? J'ai une heure avant… Puis-je vous demander une faveur?
    Elle triture le drap à défaut d'une manche.
    - Hum?
    - Allongez vous auprès de moi, le temps que j'ai encore.
    Elle tourne les yeux vers lui, les tripes vrillees; il grommelle contre lui même, d'avoir réclamé. Mais pour une fois qu'il peut tenir une femme dans ses bras..
    - Je... euh...
    - Si vous ne voulez pas, je puis partir de suite…
    - Taisez vous...
    Elle prend sur elle et s'exécute, mais il se raidit, se redresse. Et cherche ses braies. Ou est sa putain de chemise, bordel...
    - Cornelius...
    - Je vous ai assez causé de peine avec mes désirs, sans vous imposer mes faiblesses.
    - J'y ai aspiré autant que vous ! Cessez et ne gâchez pas tout.
    Cornelius grommelle et se tourne vers elle, arrêté net pas le mot "gâchez".
    - Vous veniez à contre cœur… Je ne veux pas vous peiner. Voilà tout.
    - Étendez vous auprès de moi. Je vous le demande.
    - Dites moi que cela ne vous fait aucune peine. Osez.
    - Cela m'en fera davantage si vous ne le faites pas.

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