Tiernvael.de.kerdren
Clic.
Annie Hall, par Woody Allen.
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[first lines]
ALVY SINGER: [addressing the camera] There's an old joke - um... two elderly women are at a Catskill mountain resort, and one of 'em says, "Boy, the food at this place is really terrible." The other one says, "Yeah, I know; and such small portions." Well, that's essentially how I feel about life - full of loneliness, and misery, and suffering, and unhappiness, and it's all over much too quickly. The... the other important joke, for me, is one that's usually attributed to Groucho Marx; but, I think it appears originally in Freud's "Wit and Its Relation to the Unconscious," and it goes like this - I'm paraphrasing - um, "I would never want to belong to any club that would have someone like me for a member." That's the key joke of my adult life, in terms of my relationships with women.
Annie Hall, par Woody Allen.
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- La franchira-t-elle ?
Alors que Dôn montait les marches devant lui d'un mouvement ample et presque dansant, il demeurait hypnotisé, la suivant. Évidemment. L'entrevue écourtée avec Benjen au soir de son arrivée à Périgueux et donc des retrouvailles des deux anciens bretons lui posait cette question : depuis quand n'as tu pas eu ce corps s'affinant à l'extrême se mouvoir de la sorte sous tes yeux esthètes ? Douloureuse, forcément, puisque c'était tout un mélange de ressentiment et de colère de n'avoir jamais eu qu'à désirer qui lui comprima les poumons. Comme une sensation de promesse de première fois qui prend son temps à se réaliser, les tempes s'échauffent au rythme de l'étoffe lourde de l'habit féminin glissant à chaque marche franchie. On ne devine pas la peau bien entendu et c'est à peine si, au terme de la journée, on peut chérir les fragrances qui s'exhalent de la fleur mouvementée. Pourtant, c'en est trop et c'est d'une main sur la rambarde que le Collanté se cramponne à sa vertu. Si elle jetait un seul regard en arrière, c'en était fini de tout. Les rôles s'échangent. Se pourrait-il qu'Euridyce ait eu une foi plus aveugle que celle d'Orphée ? L'épreuve n'en est en rien moins difficile pour le jeune homme. Ce n'est qu'à pas mesuré et au profit d'une concentration extrême qu'il ne trahit pas son excitation d'un tressaut nerveux. Sous sa poigne terrible infligée à la rampe, le bois craque. A chaque pas. D'autres interrogations se rajoutent et rendent la discussion dans la taverne quelques temps plus tôt si futile qu'il enrage d'une de ne pas avoir été seul avec elle, deux d'avoir été si beau parleur pour rien. Profonde honte.
Enfin le couloir. Interminable où toutes les portes se répètent effroyablement. C'est avec un vertige qu'il appréhende les dernières enjambées. Le laissera-t-elle au pas de la porte ? Se retournera-t-elle sur lui pour l'embrasser avec passion ? Le souffle lui vient à manquer. Il ne sait même plus s'il a entendu la porte du bas claquer après le départ du nouveau suzerain de la péribretonne. Est-ce qu'elle ressent la même gêne ? Il s'agissait presque d'un interdit qu'il s'offrait simplement en perspective et c'en était tout alléchant. La clef s'insère dans la serrure et se résout d'un craquement plaintif. Un sourire plaqué sur le visage, il devine la pièce derrière elle. Peut-être a-t-elle dit que c'était ici. C'était évident que c'était ici. Sûrement qu'elle doit être aussi chamboulée que lui mais il ne s'en souvient déjà plus.
Le temps s'arrête pour photographier l'instant. Face à face comme s'il s'agissait de prédire lequel dégainerait en premier, la situation se débloque. Un déclic bien moins geignard. En fait, c'est un soupir de soulagement. Une sorte de Merci qui dure.
Qu'importe la poussière qui avait à peine saupoudré les meubles de leurs vies dans la pénombre d'un oubli forcé, tout était encore là, intact. Un vieil air s'extirpait du lieu entre les lèvres tiernvaëliennes et c'était comme pour en profiter d'une profonde inspiration qu'il franchit les dernières foulées. Ainsi rompue après des mois de non-attente et quelques semaines d'une intense pression épistolaire, la distance se scelle d'une caresse de lippes auxquelles s'ajoutent deux mains s'apposant sur les avant-bras féminins avec une infinie tendresse. L'inertie aidant, il poussa l'étreinte contre le battant de la porte, sans doute un peu trop durement. Contrecoup de l'agitation qui l'étreint.
Comme pour conclure et ouvrir le débat à un approfondissement nocturne, il délia sa langue endolorie de n'avoir pas été utilisée jusqu'alors :
Tu restes un peu ? Je n'ai pas eu la réponse à ma dernière missive. Je veux donc l'entendre de ta voix.
Munie d'un sourire mutin rehaussé d'un regard pétillant, l'assurance charmeuse du Bretangevin refait surface après une année particulièrement chaste. En secret, sûrement, elle peaufinait sa tactique pour déceler toutes les défenses dues à la pudeur. Car un baiser ne présage rien sinon une attente parfois interminable en atteste l'envolée guingampaise au cur du jardin de l'ancienne comtesse. Tout se joue alors maintenant pour comprendre la suite du périple à Périgueux. Franchira-t-elle la limite encore jamais atteinte ? Il y avait certes dans l'univers amoral bien des perspectives qui pourrait la faire céder : sa précédente lettre en est la preuve la plus pure. Il s'agissait de savoir s'il avait agi de la façon adéquate car rien n'agace plus que le refus récurrent de sa chère Dôn. Sur ce point elle n'avait pas changé : elle voulait faire l'amour en haut des falaises encore fallait-il savoir comment le lui demander. Après avoir exploré quelques possibilités auprès d'elle entre autre, il renouvelait en ajustant. Et là, serais-tu Juste Tiernvaël ?
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