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[RP] Les violents de l'automne

L_aconit
Les faux sanglantes des Violents de l’automne
blessent mon corps d’une lenteur monochrome





Oublié. Il avait oublié. Assis devant son missel qu'il lisait sans comprendre, Nicolas était ailleurs. Dans sa faute. Une faute grotesque. Les démêlés avec Rome n'étaient pas à l'origine de son oubli. Le coupable, c'était son silence. Le coupable, c'était lui. A l'intérieur.

Si Alphonse avait compagne, Faust lui, traînait Compagnon. Depuis toujours. Un sinistre allié, un sinistre ennemi, tout dépendait des jours, tout dépendait des situations. Silence était toujours là, perché sur son épaule, ombre planant sur les bavardages badins qui parvenaient à tromper les autres. Laconique Aconit... C'est ainsi qu'il était né, avec son trouble, couvé par son compagnon de tous les instants. Une barrière invisible se dressait toujours entre lui les autres. Zèbre. De bleu zébré de noir. Atypique. Mal à vivre. Bourreau de travail. Inadapté aux écueils de la vie. Zèbre. Haut potentiel en souffrance.

Les zèbres ne correspondent pas à la norme établie par la société. Ils ne la comprennent même pas, non pas qu’ils n’en n’aient pas les capacités, mais parce qu’ils ne peuvent la ramener à aucune réalité qu’ils puissent appréhender. Ils sont hors norme, fastement souvent jugés anormaux plutôt qu'à-normaux, c’est-à-dire en dehors , à côté de la norme... La réflexion Aconnitienne est toujours en arborescence. Chaque question soulevée en appelle une autre, invite à une nouvelle hypothèse, autorise d’autres recherches, d’autres expériences, sans que jamais cette insatiable curiosité ne soit suffisamment et convenablement nourrie. Comme un arbre qui pousse, dont les branches se développent et le feuillage s’étoffe, les zèbres voient leur conscience et leur questionnement s’épanouir constamment. Chaque ramification donnant naissance à une autre, Bleu ne sait comment arrêter cette réflexion perpétuellement insatisfaite, incomplète, inassouvie. Ne pouvant pas toujours accepter en soi que son entourage ne fonctionne pas de même, il cherche à satisfaire à ses questions sans y parvenir et se discrédite à ses propres yeux, se dévalorise et se considère incompétent. Incomplet.

Se sentir différent. Ne pas l'exprimer. Ne pas parvenir à s'apprivoiser. Apprivoiser ses peurs. Les laisser remonter de leur limon tranquille, pour exploser en une myriade de comportements inadéquats. Sensible prend de plein fouet les conséquences de ses actes, en coups de triques. Pourtant la différence peut être un atout... Et cette idée n'arrive pas à trouver son cheminement. Faust Nicolas passe souvent pour un contestataire, ses idées n’étant pas communes, dérangeantes. Ce fonctionnement le rend indomptable comme l’étrange équidé à rayures qui ne peut être domestiqué. Et les rayures ne sont absolument pas symétriques, comme ne peuvent fonctionner en symétrie les deux hémisphères du cerveau d’un surdoué... Dans un espace idéal, dans les situations les plus confortantes à cet être à part, les zèbres vivent ou se retrouvent en troupeau, se reconnaissant entre eux sans avoir la nécessité de le dire, et encore moins de se justifier. Un peu à la façon enseignée au Page... " Les gens qui se ressemblent savent se reconnaître". Pourtant bien entouré, aux heures troubles comme ce soir plongé à son missel, l'épisco-pâle se sent plus seul que jamais. Un main sur son ventre, en vrac. Congestionné.

Personnalité prend le pas sur tout. L’empathie, l’extrême sensibilité, le doute, la culpabilité permanente de se savoir différent et impuissant à gommer ces différences, font du jeune évêque sa propre cible. Ou rayures difformes se distendent et se courbent, se frôlent et s'espacent, pour former de parfaites formes circulaires. Comme une goutte d'eau dans l'onde d'une Rivière. Cette sensibilité lui permet de comprendre l’implicite, l’indicible. Pourtant cette remarquable perspicacité semble disparaître, ou du moins ne lui est plus d’aucune utilité quand il est confronté à une situation qui se délite et lui échappe. Il devient aphone. Manchot. Branche d'arbre désirant se fondre dans le décor. désarmé. Il faut alors désespérément chercher une explication rationnelle, logique, justifiante... Son perfectionnisme hélas doublé d’une grande lucidité, génère régulièrement un sentiment d’incapacité et d’échec devant le non aboutissement de ses projets. Il focalise particulièrement sur ses défauts et s’empêche de voir ses qualités et ses compétences. Facilement enthousiaste quand il mène à bien une entreprise, il peut paraître prétentieux. Et ses difficultés d’adaptation l’éloignent encore plus de la norme.

Faust parait alors souvent difficilement manipulable, comme un drôle d'objet dont on ne parvient pas à déterminer les contours. Les autres ne savent pas comment s’adresser à lui. Eux-mêmes sont en souffrance, et vivent avec un sentiment de décalage. Peut être qu'en y regardant de plus près... Montfort ne se sent pas lui-même différent, mais que le monde est différent de lui. Alors Compagnon est là pour le cajoler... Pour le bercer de ses bras apaisants. C'est bon d'avoir un Compagnon... C'est doux. C'est apaisant. Sur l'instant.

Il aide à ne pas se sentir toujours imposteur, particulièrement dans ses réussites. Et quand aussi paradoxalement, Faust trouve plus de justification à la critique qu’au compliment, ne comprenant pas qu’on l’apprécie, qu’on s’intéresse à lui, qu’on l’aime pour ce qu'il est, Compagnon est là pour tout atténuer. Atténuer les réflexes sabotteurs... Ceux où l'épi blond peut se mettre en échec, afin de dissimuler des facultés de compréhension et de réflexion hors norme. Ceux où le chercheur de Géodes peut devenir agressif ou se mettre en danger, adopter des comportements délictueux et destructeurs pour lui-même, préférant la fuite plutôt que de devenir un poids.

Zèbre. Haut potentiel de doute. Fauché, il n’a pas les mots pour se protéger ou repousser les critiques du monde. Faust se replie sur lui même, roulé dans l'épaisseur Matrice de son Compagnon. Comment c'était, dedans? Est-ce que sa Mère avait aimé l'abriter? Savait-elle qu'il était différent, pas de cette différence que l'on octroie orgueilleusement à son enfant, mais de celle que le monde n'aura de cesse de jauger d'un œil juge? L'avait-elle pressenti, était-ce ce qui avait justifié, in fine, l'abandon?

L'abandon. Sinistre mot. Sinistre sentiment. Sinistre peur. Compagnon Pourfend tous les abandons. Oublier, c'est abandonner aussi. Et Faust, ce jour, avait oublié. Les runes. Les bons moments. Il avait momentanément... Oublié. Blessant Alphonse en son fort intérieur. Et dieu qu'il s'en voulait.

Voir le monde sous son prisme était une gageure. Il le savait. Piégé par ses facultés, cette acuité qui les rendait extensibles. Faust avait parfois le drame de comprendre ses propres mécanismes, et de les détester. Fonctionner comme un élastique, toujours en tension entre la normalité et le fonctionnement de son cerveau. Le laisser toucher , le voir réagir, se mettre à vibrer, sensible à tout mouvement. Relâcher l’élastique... Savoir qu'il ne sert plus à rien. Avoir besoin de cette tension, d’être constamment sollicité. C’est une stimulation nécessaire.

Carré dans un rond, Faust se sait parfois montré du doigt, soumis à la vindicte, mal adroit. Il cristallise les problèmes familiaux, incapable de maintenir de saines relations avec Dana. Avec ceux qui comptent. Comptaient. Très empathique, le besoin de s’investir auprès de son entourage est permanent, d’être bienveillant, de trouver des solutions, d’éviter les conflits, très paradoxalement. Bien qu'en surface, Compagnon règne, dans sa forteresse de verre il réagit aux compliments, aux attentions et aux reproches, rares reproches. Faust est si bien entouré...

Parfois autoritaire, il n'en reste pas moins soumis à l’autorité, à la hiérarchie, aux règlements et au Droit. Possédant un sens aigu de la justice, ne comprenant pas qu’on y déroge, qu’on fasse mal, ou qu’on soit cruel, ils cherche continuellement à résoudre une situation, toute complexe soit-elle. Et quand l'issue parait trop inacceptable, Compagnon est là.

Oui, le blond épis était une longue équation, et qui n'était pas fin mathématicien ne pouvait pas s'y résoudre.





    A l'intérieur

    Il y a tellement de choses que je ne comprends pas
    Il y a un monde à l'intérieur de moi que je ne peux pas
    expliquer
    Beaucoup de pièces à explorer, mais les portes se
    ressemblent
    Je suis perdu, je ne peux même pas me rappeler de mon nom*
    Within - Daft Punk

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
L_aconit
Tout suffocant et blême, quand sonne l’heure,
je me souviens des jours anciens et je pleure





Les runes furent la première onde de choc. Fissure séismique à un fragile équilibre retrouvé depuis Bretagne. Délicate brèche, sensitive, tracée dans le meuble terreau où poussait l'Aconit. Un pétale tombé, avant la saison. Pourquoi avait-il oublié? Pourquoi. Pourquoi. Pourquoi. Ce n'était pas vraiment plus une question attendant réponse qu'une auto morigénation. Un noyau dur, réceptacle aux cristallisations à venir.

Main referma le missel. Dieu n'était pas avec lui ce soir. Peut-être lui avait-il tourné le dos? Le dos. Compagnon l'avait choisi comme intermédiaire. Dans le silence du soir, le dos, bibliopégie anthropodermique, dévoilait ses zébrures au retombé feutré d'une soutane. Des zébrures pour un zèbre. L'Aconit; une histoire à fleur de peau. Entailles étaient fraîchement cicatrisées, par dessus d'autres, plus anciennes. Comme l'encre vieille que le papier et la sentence du temps ont rendu presque illisible. Sismique interstice.

Dos offert, il tendit le chat à neuf queues au jeune domestique, très impressionné. Tous étaient jeunes, il est vrai. Tous avaient pris leur service auprès de l'évêque depuis moins d'un mois. D'une main hésitante, il saisit le manche sans pouvoir détacher ses yeux de l'impressionnante toile vivante que dissimulait Faust. Peut-être, comme la vision du monde évoquée plus tôt, que Faust ne dissimulait pas une toile de zébrures abstraites mais était cette toile. Ou que la toile était lui. Plus vierge depuis longtemps. Soumise au délire de son Maître. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi. Questions tournoyaient, charognardes entre ses tempes. Des questions en mutation. Une montée en charge maso-comiale. Des questions se divisant en d'autres questions. Faisant des petits. Qui faisaient des petits. Et faisaient des petits.


N'aies pas peur.


Dit-il.

Le regard protégeait. Enveloppait. Ils sembla dire " N'aies pas peur, la douleur physique est nécessaire pour oublier la douleur de l'âme. Compagnon ne peut pas être partout. Frappe et n'hésite pas" . Genoux s'écrasèrent un peu au plancher. Faust posa ses mains en appui sur ses rotules, rougies. Dans son esprit, l'insignifiante silhouette de Corleone. Elle était revenue. Compagnon avait été plus fort qu'elle au printemps passé. Il s'en souvenait. Il se souvenait de tout. Pourquoi se souvenir de cela, et non des runes, Faust? Pourquoi? Pourquoi. Pourquoi. Les garçons devaient s'endurcir, ils s'endurcissaient tous. C'était ainsi que Dieu les avait créés, on n'enfantait pas sans être dur. Aucune femme ne désirait le faible, c'était inscrit dans la chair des hommes, dans la fibre des temps, on aimait ce qui était dur. Ce qui était rassurant. Ce qui pouvait subvenir aux besoins, protéger, mordre, se souvenir... On aimait ce qui frappait au fond du con. Cela résonnait jusqu'au coeur... Le Domestique s'endurcirait.



Frappe. Frappe jusqu'au premier sang.



Il avait encore ce gout désagréable en bouche, comme l'amertume de la bile, lorsque l'on s'est enfoncé les doigts dans la gorge pour se libérer. C'est le gout de l'agénésie. Hier, il était rentré tôt. Bien plus tôt que d'habitude, et seul. Hier, poussé par le besoin de contresens, de fuite, de contestation, il avait saisit le Jorgy offert plusieurs jours auparavant. Avait contemplé l'olisbos qu'il ne désirait pas. Comment peut-on désirer un bout de bois, un bout de pierre, froid et lisse, impersonnel? Un substitut ... Sans vie. Sans veines. Jalousie resserrait ses doigts sur l'objet comme Corleone sur son coeur. "Comment dit-on je te déteste et je ne sais plus pourquoi", en Zèbre, Compagnon? Avec des zébrures, avait murmuré Culpabilité. Protestation ne s'était pas fait attendre. Soutane s'était relevée d'un geste de rage. Non. Il ne culpabiliserait pas. Pas ce soir. Ce soir là, Faust avait assouvi une vengeance qu'il serait le seul à comprendre. Plutôt baiser seul, infiniment seul, qu'accompagné de tous ceux là. Ils étaient allés au diable... L'olisbos avait été abandonné dans un sanglot mal identifié, de plaisir ou de désespoir, sitôt forfait achevé. Plus tard dans la nuit Alphonse l'avait rejoint, avait pansé , à son extraordinaire manière, les plaies incertaines.

Il sentit le domestique se placer dans son dos, chercher sa place.


Et ne t'arrêtes qu'au dernier.


Alors après une hésitation palpable que l'évêque n'eut pas la cruauté de bousculer, la main s'élèva sur cette toile comme un peintre jette sa couleur. Et Frappa. Fouetta. Dans la gorge de Faust, le gout du sang. De la bile. Des rancœurs stagnantes. Des rancœurs envers lui-même. Pourquoi n'y arrivait-t-il pas? Pourquoi l'avait-t-il provoquée ce soir? Pourquoi avoir provoqué l'ire d'Alphonse? Pourquoi avoir menti? Pourquoi avoir maintenu comme un chien hargneux que Perceval était Garçon? Pourquoi avoir menti jusqu'à donner au seul qui pouvait le protéger la responsabilité de le rappeler à la réalité? Corleone n'était pas son ennemie. Faust était son propre ennemi. Ou Nicolas. Deux prénoms, un sobriquet, autant de nuances. Autant d'épaisseurs, frêles épaisseurs. Le domestique frappa . Qu'il frappe! Jusqu'à la craquelure. La lézarde. La fissure. Le sillon. La déchirure. Emonder la graine. Dépecer l'arbre de son écorce, qu'il en fasse une nouvelle. Jusqu'à la couleur.

Tout Bleu n'était jamais que du sang tuméfié.

Ce soir, Alphonse avait tenu son bras et aurait voulu le briser. Ce soir, il l'avait maudit. Rien qu'un instant. Rien qu'une seconde. Et Faust les avait tous maudit aussi. Ivre mort; Paris dormais depuis longtemps. Faust lui, n'arrivait plus à fermer l'oeil. Et le missel n'y avait rien changé. Ni la réponse décousue, désaccordée qu'il avait écrite à Perceval ce soir .


Citation:

Mais enfin, Perceval...


Citation:

Navré. Je crois que nous nous sommes mal compris. Laissons du temps passer. Il finit toujours par apaiser les esprits. J'ai passé une affreuse journée, et je n'ai pas envie de vous paraître grossier. Je vous écrirai pour la saint Noel.

Faust.


Une réponse zébrée, gisante sur un chevet.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
L_aconit
Et je m’en vais au vent mauvais
Qui m’emporte loin par delà
Les cimes, les voies, feuille morte. *




Compagnon étendait ses racines, effritant grignotant rongeant le meilleur de lui même. La patience et la pondération, d'affreux "Pardon" blêmes , d'affreuses migraines au front. De sa lame tranchante et affûtée, rompait les liens fragiles, les uns après les autres, délivrant le poumon d'un long cri muet. Douloureux. Dans le trafic aérien dense qui composait la stratosphère Aconitienne, circuits s'étaient fait soudain plus courts. Incerfa* avait accouché. Les introspections, les hésitations, les flagellations avaient enflé l'abcès. C'est fragile, une âme de Zèbre. C'est mouvant, c'est latent, c'est l'enfer. Balises de détresses lancées, le temps semblait s'être figé à ses grèves désagrégées. Un gant sur une branche. Un verre de vin chaud que l'on a pas terminé. Les signes étaient tous là. Une énième personne revenue du passé. Il était hélas le seul à savoir les interpréter.

Décembre était meurtrier, étendant un à un alignés sous les yeux anadyomènes ses victimes. Nicolas sentait dans ses moments de joies, la pointe insidieuse et ophidienne des rétentions compagnonnes. Sous le sourire courtois, le sillon des capricornes. Vrillettes, charançons ; mérules. Tous à l'assaut d'une écorce que l'hiver dédoublait déjà. Friable. Entaillée. A vif. Il avait quitté la taverne sans dire un mot. Le menton droit, le regard vide, glacé de pluies diluviennes imaginaires. Plaies s'ouvraient en boutons sur l'étendue silencieuse et multialvéolée des sensibilités Faustiennes. Cette fille, Ophélie Métivier, l'avait connu lors de la conquête avortée de la Normandie. Au fil des yeux plissés, des 'Je me souviens de vous", Inconnue avait ressuscité Lemerco. Taliesyn. Le Passé. Pointe au fer rouge avait réchauffé les vieilles plaies. Nicolas n'en aurait pas tant demandé.

Kuanos; est-ce un Astéroide qui coule sur ta joue?

Couros, avait ployé sous le spasme refoulé. Main au ventre désossé. Alerfa * déclenchée avait laissé sans dessus dessous la circulation méticuleusement établie et coordonnée des idées de Montort. Chaque fois que quelqu'un revenait de là bas, de cette masse trouble dont il ne parvenait pas vraiment à se désengluer, de Dol, de Retz, d'Hier, Nicolas perdait le contrôle. Artères sans dessus dessous. Coeur en vrac. Crac coursier. Il avait suffit d'une fine goutte d'eau, la dernière, pour déclencher la crue. Percer l'abcès.


    L_aconit : Jorgen.
    Gendry. : Oui ?
    L_aconit : C'est à moi qu'elle posait la question. Mais merci...
    L_aconit lève les yeux au ciel. ne comptait rien lui dire. ne la connait pas. Gendry. lève son majeur en sa direction. L_aconit inspire.
    L_aconit : Bien. Sur ce.


Mayday. S.o.s . Pan-Pan. La tour de contrôle s'était cassée la gueule. Il n'y avait plus personne à l'autre bout de la liaison. Detresfa. Quelqu'un m'entend? Déclic. Débloque. Zébrures brûlures deviennent éclairs.


    Éclair éclair, tatoué sur la peau
    J’ai des éclairs, des passages à niveau
    Souvenir amer d’un amour menthe à l’eau
    J’ai des éclairs, des retours à zéro



Il a oublié son manteau. A marché dans la neige en ligne droite. Poings serrés. Gorge sèche. Angine blanche. L'on l'a vu longer les sentiers vides. Funambule. Quelqu'un a élagué son jardin. Une météorite s'est écrasée sur son terrain vague. Le code aérien grésille, le ciel se strie d'une implosion. Champignon atomique pousse, pousse, funeste. L'hiver, pêle à l'épaule est venu ramasser les morts. Alphonse? Où est Alphonse? Donnez-moi un verre de Bushmills. Mais vous n'aimez pas cela. Non, je n'aime pas cela. Laissez-moi. Fermez la porte. Fermez mes oreilles. Fermez mes veines, je sens refluer leur sang-lot. ça bouillonne. ça monte, ça monte, donnez-moi un seau. Orage. Ô désespoir. Oh.. Merde!

ça éponge la bile en silence. ça n'ose pas poser de questions. Monseigneur est malade. Accompagnez-le au lit. Ver et compagnon sont redevenus chenilles, sillonnent côte à côte dans leur tunnel sous les couvertures. On est bien quand on s’ensevelit. Barrière à tout le reste. Dehors,ça peut bien s'refaire. Le Big Bang ne lui tirera aucun mouvement. Inerte, de bois, de guinguois, tordu, Zèbre rêve à d'autres steppes. Il a cassé tous les projets.



    Éclair éclair, le regard assassin
    Système solaire pour une vie de Martien
    Éclair éclair, elle foudroie les yeux pleins
    D’une colère étrangère au divin **



* Détourné de Paul Verlaine, chanson d'automne
** Eclair éclair, BB Brunes.


Spoiler:


Incerfa, Detresfa et Alerfa sont des protocoles de sécurité et d'urgence déclenchés par les contrôleurs aériens en cas d’événements précis mettant en péril l'aiguillage du ciel et la sécurité des passagers d'un vol.

Phase d’incertitude (INCERFA)
L'INCERFA est une phase de recherche. Les organismes de recherche téléphonent aux organismes de la circulation aérienne ayant pu être en contact avec l'aéronef, afin de limiter la zone ou l'aéronef aurait pu avoir un problème. Ils téléphonent ensuite aux gendarmeries locales pour vérifier que personne n'a vu un avion s'écraser. À ce stade, la recherche est uniquement téléphonique, aucun moyen n'est déployé.

Une INCERFA ( phase d'incertitude ) est déclenchée lorsque :

- aucune communication n’a été reçue d’un aéronef, après un certain délai (30 minutes en France) qui suit l’heure à laquelle une communication aurait dû être reçue ou l’heure à laquelle a été effectuée la première tentative infructueuse de communication avec cet aéronef, si cette dernière heure est antérieure à la première ;
- un aéronef n’arrive pas, après un certain délai (30 minutes en France) qui suit la dernière heure d’arrivée prévue notifiée aux organismes de la circulation aérienne ou la dernière heure d’arrivée calculée par ces organismes si cette dernière heure est postérieure à la première, à moins qu’il n’existe aucun doute quant à la sécurité de l’aéronef et de ses occupants.

Une ALERFA ( phase d'alerte ) est déclenchée lorsque :

- après la phase d’incertitude, les tentatives pour entrer en communication avec l’aéronef ou les demandes de renseignements à d’autres sources appropriées n’ont apporté aucune information sur l’aéronef
- un aéronef qui a reçu l’autorisation d’atterrir n’atterrit pas dans les cinq minutes qui suivent l’heure prévue d’atterrissage et qu’il n’a pas été établi de nouvelle communication avec l’aéronef
- les renseignements reçus indiquent que le fonctionnement de l’aéronef est compromis, sans que, toutefois, l’éventualité d’un atterrissage forcé soit probable, à moins que des indices concluants apaisent toute appréhension quant à la sécurité de l’aéronef et de ses occupants
- l’on sait ou que l’on croit qu’un aéronef est l’objet d’une intervention illicite.



Une DETRESFA ( Phase de détresse) est lancée lorsque :

- après la phase d’alerte, l’échec de nouvelles tentatives pour entrer en communication avec l’aéronef et de nouvelles demandes de renseignements plus largement diffusées indiquent que l’aéronef est probablement en détresse ; ou
- l’on estime que l’aéronef doit avoir épuisé son combustible ou que la quantité qui lui reste est insuffisante pour lui permettre de se poser en lieu sûr
- les renseignements reçus indiquent que le fonctionnement de l’aéronef est compromis au point qu’un atterrissage forcé est probable
- l’on a été informé ou qu’il est à peu près certain que l’aéronef a effectué un atterrissage forcé ou est sur le point de le faire, à moins qu’il ne soit à peu près certain que l’aéronef et ses occupants ne sont pas menacés d’un danger grave et imminent et n’ont pas besoin d’une aide immédiate.
Délais de déclenchement maximum.


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L_aconit



    When the sins of my father
    Quand les péchés de mon père
    Weigh down in my soul
    Pèsent dans mon âme
    And the pain of my mother
    Et la douleur de ma mère
    Will not let me go
    Ne me laissent pas partir

    Well I know there can come fire from the sky
    Bien je sais que le feu peut descendre du ciel
    To purify pure as the canes
    Pour purifier, pur comme la cocaïne



Où vas-tu? Où vas tu sans moi, dans ton manteau en peau de pluie?


Le col d'Alphonse est saisi, la main s'abat sur son visage pantelant avec force. Une gifle monumentale, qui résonne dans la pièce. Une gifle de rage désespérée. De contrevenant. D'insurgé. Zygomatiques blancs pressant une détente d'ivoire. La voix s'est enrouée d'un sanglot nerveux, d'une incrédulité pugnace. Alors c'était ça? Alors Dieu punissait enfin. Un grand feu ronge les minutes qui partent en cendres. L'Enfer est là.


Je t'interdis de partir !
Hurle le Montfort.

Un cri puissant et épuisé, extirpé des tripes, arraché à son exosquelette insonorisé, un cri dans la nuit interminable qui ne trouve que l'écho d'un souffle tari. Il le retient loin de la géhenne d'un geste qui s'enroule à sa nuque de boucles brunes. Il préférerait la briser que de le laisser partir en le laissant là.

Pas maintenant . Pas ainsi. Je te l'interdis ! Nous avons passé un Pacte toi et moi... Nous avons ...

A deux mains sismiques il secoue cette gorge sans vie. L'a-t-il brisée? Cette nuit durera trois jours comme les feux meurtriers de l'été. Cette nuit ne se terminera pas à l'aurore. C'est une nuit terminale, où ses angoisses posent en vrac tous ses cauchemars éveillés à ses pieds, toutes ses craintes cristallisées . Quelqu'un a voulu tuer Tabouret, et puis Archi, et les Autres. Dans cette fête , dans cette foule, quelqu'un a voulu l'empoisonner. Est-ce lui? Est-ce d'autres? Alphonse s'efface, matière noire inflammable qui s'étiole et se racornit. Il s'en va. A revêtu son pardessus hagard. Il est là et déjà parti à la fois. La nuit s'est morcelée, à Saint front les lits agonisants s'alignent. Faust est une plaque tectonique contrariée.


Putain écoute-moi! Tu ne peux pas partir sans moi. Tu ne peux pas m'abandonner... Tu sais tout ce qui nous a mené jusqu'ici. Jusqu'à Petit Vésone. Tu sais maintenant. Tu sais , quand quelqu'un nous prend dans les bras alors qu'on n'osait pas le faire. Quand quelqu'un a compris notre langage secret sans que l'on ait eu besoin de le lui expliquer. Quand on essuie le stupre sur le ventre de celui qu'on aime, par tendresse, ou respect, ou j'en sais rien parce que c'est tout sauf anodin en fait, parce que c'est un geste qu'on sait ne pas être ce qu'il parait. Quand on couche une personne que l'on désire, qui est ivre, et que l'on se force à tourner les talons pour ne pas profiter de la situation. Quand on rentre tard le soir à deux, et que l'on prépare son corps pour faire l'Amour à celui qu'on aime. Quand quelqu'un caresse du bout d'un doigt, en continu, cette infime parcelle de peau qui fait vibrer et apaise à la fois jusqu'à la moelle. Putain, tu sais ça... Tu sais ce que c'est une année de grande faînée.

Les ongles se crispent sur la peau lisse qui s'écaille, cherchant à retenir Dieu sait quoi, s'enfoncent dedans, tant qu'il est encore tendre, pour lui arracher un sortilège. Pour l'arracher à l'Ankou. Dans la réponse carmine éclatante, Faust creuse dans cette poitrine lasse, qui en a finie de lutter, ça se voit, c'est une fosse dont on ne distingue pas le fond, il y creuse pour y retrouver les hyphes secrets qui les ont connectés comme ils connectent tous les arbres, y trouver le centre névralgique et le dévorer, le garder encore en lui, qu'il vive, qu'il pleure, qu'il pleuve, que Paris redevienne Paris. Que le feu s'éteigne, où qu'il s'éteigne avec Lui.

    Make it rain
    Qu'il pleuve
    Make it rain down low
    Qu'il pleuve vraiment
    Just make it rain
    Qu'il pleuve simplement
    Oh make it rain
    Oh qu'il pleuve


Que Paris reste à tout jamais Paris.

De bleu et de pluie. L'Aconit se réveille brutalement, dans un sursaut fruste, dans une apnée sinistre, saisit le bras de celui qu'on a ramené à la maison. Y retrouve son air, la poitrine défoncée. Et sans savoir ni avoir envie de les contrôler, les vannes s'ouvrent, la digue cède, et des larmes silencieuses coulent sur le torse retrouvé où s'est logée la joue. L'oreille écoute l'horloge rassurante de la mécanique Faune. Pour se rassurer. Pour apaiser sa nuit dévorée.
Drapé de silence, Tabouret dort enfin. A cessé de fixer cette fenêtre sinistre, a sombré dans un sommeil qu'on lui souhaite meilleur que l'assoupissement exténué du clerc poussé à l'épuisement depuis trois jours, et dehors, sans un bruit,

il pleut.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
L_aconit


    We took a walk to the summit at night, you and I
    Nous avons fait une balade au cœur de la nuit, toi et moi
    To burn a hole in the old grip of the familiar, you and I
    Pour brûler un trou dans l'ancienne emprise du quotidien, toi et moi
    And the dark was opening wide, do or die
    Et l'obscurité était grande ouverte, marche ou crève



Une fracture.

Voilà ce à quoi ressemblait Nicolas.

Une grande fracture ouverte, plaie béante humaine, calcification morcelée et silencieuse.

Le choc de cette infernale nuit de la Saint Noel, coup de canif décisif, l'avait laissé infiniment morcelé, terrassé par la douleur et le chagrin , dont le poids l'avait fait se recroqueviller plus encore que les jours passés sur lui même. Caillou. Calcul. Chose informe et dure qui n'a plus ni d'envers ni d'endroit.

Au bout de cinq jours, Nicolas n'eut plus de larmes à donner. La crue avait cessé, défoulant toutes ses forces, refoulant toutes ses vagues. Toute l'eau de son corps, dernière litrée vitale migrée dans son estomac qui ne supportait plus rien. Et comme après tout ras de marée, comme après toute dépression climatique sévère, un long silence de mort s'installa, un de ceux que l'on prend pour un prémices du renouveau mais qui n'appelle qu'un écho sinistre. Le vide stérile de l'Après, le paysage du plus-rien-comme-avant. Les sillons secs et taris de ses joues cédèrent la place à d'intenses cernes bleus. Un Bleu Aconitien.

L'épi blond et fade avait pris la forme de l'oreiller. Ce matin là, la cloche de Saint Front de nouveau ne sonna pas. Ce matin là il ne se pressa pas pour aller rejoindre Eugène et Loucas. Ce matin là, une fois de plus, Nicolas n'eut aucune raison de se lever. Et resta au lit. Ce matin n'était que la suite sans fin d'une immense nuit dans laquelle il s'était laissé glisser, submergé, Evêque sans paroisse et sans soutane. Enlevée hagard à l'aide d'un domestique, pliée au pied du lit comme un suaire de mauvais augure. Homme sans progéniture. Substance vide et bleue. Du Bleu. Toujours du bleu.

Saint Noel - Saint Jean funeste avait avalé son église d'un grand feu, ses enfants de choeur, ses soeurs, sa foi. Saint Nicolas amis des petits enfants n'était plus. Tout avait volé en cendre, poussières racornies voletant dans un ciel noir et rouge, lucioles carmines. Passé le choc trop violent, caillou s'était fossilisé sur une montagne de questions. Des questions insolubles insupportables au pragmatique qu'il était. Zèbre à pois dérouté. Arbre sauvagement déraciné. Vésone s'était parée de Noir, et Nicolas gisait volets fermés dedans. Du Noir. Du Noir. Toujours du Noir.

Lettres se succédaient au chevet de qui ne les ouvrait pas. Ou parfois pour les refermer immédiatement. Sentant le vertige stomacal venir l'étrangler de nouveau. Se sentir dépeuplé parmi les siens. Dépossédé. Dénaturé. Désolidarisé du commun. Il n'y avait pas de mots. Ne restaient que les gestes. Ceux d'Alphonse qui, parfois, venaient le tirer de sa léthargie. Venaient en prière tenter de le ranimer de quelque chose. Car ceux qui restent prennent double peine.

Il n'y aurait plus de mots avant longtemps. Parler de ses peines, c'était se consoler. Nicolas n'était pas capable d'être consolé'. La mort avait ponctué son année comme une pierre tombée dans un étang : d’abord, éclaboussures, affolements dans les buissons, battements d’ailes et fuites en tout sens, le Déni. Ensuite, grands cercles sur l’eau, de plus en plus larges. Enfin le calme à nouveau, mais plus tout à fait le même silence qu’auparavant, un silence, comment dire...

Assourdissant.

Qu'avait-il perdu au terme de cette année, lui qui avait pourtant gagné Alphonse? Une soeur. Un Père. Saint Front. Les enfants. Ses derniers repères. Plus rien ne serait pareil désormais. Au terme d'une année et de cinq nuits, Nicolas était un nouvel homme. Un homme brisé, raide et froid dans sa couche. Un homme persécuté de ses propres questions, auxquelles réponses tentaient de se fabriquer de toute pièce pour camisoler ce jeune dejà vieux agité de ses cauchemars. Si Nicolas avait tout perdu, ce ne pouvait être que la réponse de Dieu. Un châtiment impitoyable. Oui. C'était cela, n'est-ce pas? Ne répondait-on pas " Dieu" pour toutes questions irrésolues? Si L'église avait brûlé, si Alphonse et le village avait été empoisonné, si son Père était mort, si sa soeur ne lui inspirait plus que le dégoût comme son Page qu'il avait tant aimé... C'était une punition pour ses crimes. Celui d'être un religieux trop approximatif, trop tiré vers des penchants condamnables. Aimer, de corps, de coeur, aimer un homme de surcroît, l'aimer au point d'avoir douté de sa foi, aimer au point de s'apprêter à quitter l'Eglise... Avant de sauter le Pas, Dieu avait donné son châtiment. Abattu ses fléaux sur Faust Nicolas. Quitter oui, mais tout perdre alors. A tout bonheur son revers. Une punition à la hauteur de l'imposture. Plus que les coups de fouets. Plus que les regrets. Un long silence d'Après.

Sa démonstration de détresse violente, de refus, d'indignation avait été faite loin des yeux des autres. Il n'avait pas mis d’obstacle au mouvement de sa douleur. S'était arraché des poignées de cheveux. Avait flageolé sans souffle, dans une rigole sale de la rue, dans un sanglot de bête agonisante. Et l'avait laissée mûrir. Enfler. Purulente, lui sortant par les yeux et le nez. Longtemps. Jusqu'à ce jour, où, figé et froid, le visage encadré d'une austérité inédite il se présentait à dieu comme déjà mort. Inerte. Fossile dans le lit vide d'une rivière.

On disait qu'il fallait tout un village pour élever un enfant. Nicolas avait été ces dernières années tout un village pour s'occuper des siens. Désormais le toit fumant de son église avait l'odeur âcre de l'abjecte vérité: Il n'y avait plus rien que lui.

On disait en Bretagne que 'nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit'. C'était vrai. Faust stagnait là, dans une nuit perpétuelle, sous une lune aussi blafarde que lui et immense qui semblait le suivre partout, le dévorer des yeux. L'étranglant d'angoisses muettes. D'apathies terribles. De colères démentielles et subites réservée aux pauvres gens de sa maison. Nicolas était l'ombre de lui-même, et personne le vit jusqu'à ce qu'une main bienveillante et désolée ne le tire de sa tombe de draps pour l'emmener retrouver la lumière du dehors.

Et l'aider à remplir des malles d'Adieu, sans promesse ni date de retour.

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L_aconit



Mon drame c’est mon ombre
Une ombre, une géante voilée
Qui grimpe et qui pousse le long de mon corps
Comme du mauvais lierre, comme un mauvais sort
Mon drame c’est mon ombre
Elle c’est le diable qui l’a cousue à mes pieds
Mon drame c’est mon ombre
Était-ce le diable le jour où je suis né?


Mai.

Cinq mois sans retour avaient laissé Nicolas en latence. Revenir et revoir Saint Front, s'apparentait à revenir voir s'il n'avait pas fait un mauvais rêve. Il le savait. Ce retour calme et paisible que les autres avaient sans doute tant souhaité avait laissé la place aux courses, aux rendez-vous, aux allers et retours perpétuels des nécessités marchandes. A la nécessité impérative de fixer une échéance de nouveau départ. Zèbre n'avait pas permis le repos, entraînant Alphonse et les gens de sa maison dans un enchaînement de rendez-vous tambour battant . Limoges. Uzès. Bordeaux. N'importe où pourvu que ce soit loin d'une réalité qu'il avait tenté d'oublier. Loin d'Archibald, qui sortait lentement mais sûrement de sa vie. Effaçant au profit d'un rigolard de façade et feignant de ne rien voir, la bonhomie sincère du meilleur ami. Loin du clocher fumant encore dans ses terreurs nocturnes, et dont il ne supportait plus la proximité. La cave de Saint front était un tombeau dans lequel Montfort avait tenté de reconstruire. En vain. Périgueux devenait le jour, la crypte de ses souvenirs les plus tendres. Peuplée d'ombres du passé et dépeuplée de perspective d'avenir pour un être tel que lui, zébré de trop de fêlures, qu'il était devenu incapable de soigner. Seule la nuit avait encore parfois ses faveurs, quand la proximité chaleureuse du corps Parisien venait le maintenir contre lui, dernière bouée où sa main crispée se figeait, survie faite Homme.

Mais même ce soir là, le jour avait perduré. Interminable bouffée délirante. Douleur vrillée au palpitant cachectique. Sonné de ces détails qu'il accueillait, lui, comme de violentes claques.

Ces gens qui l'appelaient Monseigneur. Ces gens qui lui rapportaient son Père vivant. Ces gens qui baisaient sa soeur, après l'avoir baisé lui. Ces gens aux mots-surins. Ces gens qui n'étaient finalement pas que des gens. Tous ces gens. Trop de gens pour un esprit en surcharge mentale. En décompensation pure.

Les crises le repoussaient pantelant contre ses propres douleurs, de plus en plus fréquentes, de plus en plus nébuleuses, de plus en plus profondes. Des crises le laissant exsangue des jours durant, apathique ou colérique, boulimique, caustique ou premier degré, tourmenté ou désorienté. Des crises pour exister ou pour s'anéantir, faire de ses talents de la purée de désolation. Alternant les façades les plus recherchées, les sourires les mieux accrochés, les moments les plus joyeux pour brutalement le faire chuter d'un moindre retournement de vent dans les abysses de son état. Inégal. Inconstant. Accidenté. Chassant à la serpe tout et tout le monde. Camisolé en lui-même. Unique représentant de son genre et de son idiome. S'isolant pour ne pas causer et se causer plus de dégâts. Persuadé en secret de devenir à l'image de Dôn, lentement fou à lier.

Il n'y avait aucun mystère à cet état. Faust Nicolas depuis Saint front avait érigé un cairn de chaque contrariété. Un édifice fragile de pierres, inégales, calcifiées et intestines. Blondin se broyait au fond des mâchoires tenaces d'une lente et insidieuse dépression, comme on l’appellerait plus tard, laissant son entourage désœuvré. Désemparé. Décontenancé.

La promesse d'être heureux en phare dans l'épaisseur de ses noirceurs, Faust se laissait faucher irrémédiablement à chaque alternement jour-nuit. Comme le noyé au fond d'un puits tendant une main à une corde qu'il sait qu'il n'atteindra jamais. Zèbre. Haut potentiel à la manque.

L'enfant ramené aux bagages de leur voyage avait pris sa place à Petit Vésone dans la dissimulation générale de l'état du maître des lieux. Soucieux de bien faire, ce dernier lui avait cédé la chambre de Narcisse, comme pour conjurer le sort d'un Jorgen depuis longtemps éloigné. Mince équilibre à cette maisonnée de garçon, Antoine avait pris une place de choix dans la triangulation de ses priorités. Il fallait l'éduquer, il fallait que chacun s'y trouve contenté, et que surtout, surtout l'enfant pousse le plus naturellement possible. Sans être une pièce rapportée. Sans se sentir être le soucis d'un Père qui courrait après le temps perdu et d'un Nicolas avec qui il partageait le lit. Antoine Tabouret se faisait malgré lui l'exorciste du malheur religieux qui avait frappé cette maison là. Et comme si cela ne suffisait pas, il lui faudrait bientôt accueillir le rôle d’aîné. Car chacun faisait ici bas un enfant pour se soigner. Quoi qu'on en dise. Car chacun se cherchait à tâtons, dans le noir de la nuit. Chacun se disant " Et toi.. Toi mon Amour, où es tu dans tout cela? Pardonne. Pardonne-moi."


Mon drame c’est mon ombre
Une ombre profonde comme la nuit
Qui gronde et ronronne
Mon drame c’est mon ombre
Une ombre tentaculaire spectaculaire
Qui crache son encre épaisse et rance
Sur ce qui restait de mes espérances

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