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L'estime peut encore paraître même là où il ne semblait y avoir nulle lumière.

[RP] A l'abandon de nos jours

Samsa
    "Il faut qu'on se noie encore une fois
    Dans les nuits fauves
    Et les grands soirs,
    Qu'on récupère un peu d'espoir."
    (Fauve - 4 000 îles)



Au-dessus des sentinelles à leur poste, le vent faisait claquer les couleurs or et sable de Longny-au-Perche que se plaisait à admirer Samsa. Elle aurait pu regarder cette danse pendant des heures car c'était une de ses favorites : aucune n'était plus belle qu'un drapeau flottant au gré du vent. Le ciel bleu métallique d'automne offrait à l'étendard un arrière-plan des plus puissants qui captivait le regard sombre de la Baronne des lieux. Adossée à un créneau, Samsa se retourna pour s'accouder à un merlon et ainsi regarder l'étendue de ses terres au-delà de ses murailles. La reine Lafa ne s'était pas moquée d'elle en lui confiant Longny-au-Perche ; en plus d'avoir eu la délicatesse de lui confier une baronnie en Alençon, elle avait remis entre ses mains des terres de fer et de forges alimentées par de nombreux cours d'eau dont les principaux était la Jambée et la Robioche. Les cultures ne souffraient ainsi jamais de sécheresse et la forêt à l'est abritait de nombreux chevreuils, biches, cerfs, sangliers, des lièvres en abondance et des gibiers à plumes qu'il était possible d'entendre et parfois d'observer lorsqu'on y passait en promenade ou en repérage pour une future chasse. L'ouest était un carrelage de pâtures, de champs divers et variés et d'activités multiples ; c'était le lieu de vie principal des serfs et des vilains qui peuplaient les terres. Le nord était plus en relief, agrémenté de douces collines, et le sud s'ouvrait de ce vallon. De façon général, les terres de Longny-au-Perche étaient plus en altitude que la plupart des villes et hameaux de l'Alençon avec une moyenne de deux cent mètres. Ce n'était pas une montagne mais, au creux d'un vallon, le château de Longny-au-Perche avait une position qualifiable de stratégique, à sa petite échelle.
Depuis qu'elle avait eu le château, Samsa s'était employée à le fortifier et à le rendre plus martial -ce qui n'était guère étonnant quand on la connaissait. Lafa, se doutant sûrement du penchant guerrier de sa Prime Secrétaire Royale et architecte de la victoire des armées royales en Anjou, avait eu la bonne grâce de lui confier des terres possédant ainsi, déjà, un château-fort. Pas de bâtiment d'agrément, de jardins finement taillés et de petits gravillons au sol ; Samsa avait hérité de murailles déjà épaisses de quelques mètres aux bases solides avec des tours plutôt espacées, c'est pourquoi la nouvelle baronne avait fait cerner le château d'un fossé profond qui avait ensuite nécessité l'installation d'un pont-levis en plus de la herse déjà présente. Le donjon était haut et large, accolé à la muraille côté nord en opposition avec le pont-levis côté sud. Ce qui n'était autrefois qu'une seule grande cour avait été divisée en basse et haute-cour sous l'égérie de la cheffe Treiscan. Dans la basse-cour, contre les murailles, on trouvait une partie des écuries -la seconde partie se situant dans la haute-cour et qui laissait ainsi supposer, vu le nombre de chevaux, que Samsa avait formé une garde majoritairement à cheval. Ce n'était pas seulement par stratégie ou amour de la cavalerie : en cas de siège, ils feraient également plus de nourriture. A côté de ce premier bâtiment, par souci de rapidité et de chaleur, se trouvait le logis des gardes récemment agrandi au vu de signes de travaux évidents. A l'écart de tous ces êtres, afin de ne troubler ni les têtes ni les oreilles, quelques forges faisaient résonner leur art à côté d'artisans boulangers ou charpentiers, ce qui amenait de la vie dans la cour par un petit ballet de badauds et de charrettes allant et venant.
Dans la haute-cour accessible par le passage sous une seconde porte équipée également d'une herse, outre ainsi les quelques chevaux et gardes privilégiés y résidant, un puits couvert, un rectangle de sable servant de terrain d'entrainement hétéroclite et le donjon, aussi fier qu'austère, occupaient l'espace.

Perchée sur sa courtine, Cerbère contemple, au bas des remparts, la petite ville parcourue des ruisseaux enjambés de petits ponts, des moulins à eau des artisans et des lavandières. Ici et là, des places accueillent des marchés éphémères et des divertissements qui se dispersent ensuite dans les rues plus ou moins larges adjacentes. En cette fin d'après-midi, les étals commencent à se vider, les feux dans les âtres faiblissent et certains travailleurs partent même se prélasser en avance pour profiter des dernières petites heures du soleil d'automne, abaissant ainsi le niveau sonore de la ville aux nombreux forgerons. La Baronne quitte le chemin de ronde pour redescendre sur la terre ferme, sol de terre battue et de pavés à moitié enfouis ici et là qui donne un charme rustique au château-fort. Elle traverse la basse-cour, passe la seconde muraille, monte les marches menant à l'entrée du donjon et pénètre dans le hall. A l'intérieur, nulle décoration ; ici, on ne cherche pas à rendre l'endroit joli, on cherche le panache, cela se voit aux rares tapisseries martiales à la gloire royaliste sur les murs, aux épées en sautoir et aux couleurs de Longny-au-Perche et de Treiscan, omniprésentes. Dans la salle de banquet, pas bien grande malgré sa vocation, il apparait évident que c'est l'aura victorieuse de Samsa qui est mise à l'honneur avec, le long des murs, de nouvelles tapisseries, plus grandes, qui illustrent ses batailles. La plus remarquable est au fond de la salle : à droite, on y voit une ville fortifiée où flotte le drapeau angevin sur un bâtiment mis en valeur par sa taille et qu'on devine être la mairie. Sur ce bâtiment, un personnage -un homme brun et barbu avec une fleur de lys derrière lui- tend les clés frappées du blason de la ville vers l'au-delà des murailles, vers les armées royalistes où Cerbère, à cheval et brandissant un étendard, est élancée en première ligne, ignorant les épées qui tentent de l'arrêter, pourfendant l'ennemi. Derrière elle, tout à gauche, se trouve une représentation de Lafa reine pointant du doigt la capitale angevine. Tout en haut de la tapisserie, à gauche, le blason Treiscan, et dans le coin à droite, le blason de Longny-au-Perche. Il apparaissait évident que la tapisserie représentait la victoire royale sur l'Anjou grâce à la trahison du maire orchestrée par Samsa -alors capitaine des "Crocs du Basilic II" en sus-, ce qui lui avait ensuite valu d'être anoblie par la reine en baronne de Longny-au-Perche. De l'autre côté de la salle, au-dessus de la grande cheminée qui brûlait déjà, se trouvait une autre tapisserie représentant le blason entièrement assemblé de Samsa avec son cry, sa devise et ses colliers dynastes et de mérite. Sur la grande table centrale, des victuailles diverses et facilement mangeables ainsi que quelques cruchons sont disposés et Samsa s'en vient les renifler et les admirer.

Pour la venue de Chimera, elle a promis du Bordeaux du meilleur cru et elle tient à ce que cela soit respecté. Il n'y avait de toute façon pas un choix immense au château de Longny-au-Perche, le luxe n'y prévalait pas et l'argent des impôts et taxes allait presque tout le temps dans les travaux de fortification, les soldes, les importations de matières premières et les nécessités impérieuses des habitants. Samsa, issue de la roture, avait gardé ce côté simple, presque rustique même, déjà bien heureux de manger. Avoir le choix de son menu était dès lors un confort à ses yeux. Elle goûta un peu les mets et le vin qui s'y trouvaient et poussa ensuite un sifflement avant d'appeler :


-Sigismonde pardi !

Samsa sifflait toujours pour interpeller les gens dans son château, même ses filles. Ensuite seulement, elle donnait le nom de la personne qu'elle voulait voir. La manière était singulière, malaisante aux premières fois mais on se rendait rapidement compte que c'était l'expression d'un mal-être de Samsa qui se sentait supérieure par le rang mais pas vraiment par la nature à ces roturiers qui la servaient.
Une femme plus âgée qu'elle, d'une bonne quarantaine d'années, entra dans la salle.


-Oui Baronne ?
-Veuillez faire monter à mes appartements le cabernet franc bordelais, le sauvignon tourangeau, le raisin, le lard fumé et le pain toasté pardi.
-Oui Baronne.
-Merci té.


Sigismonde s'incline et s'en retourne chercher du renfort. Samsa quitte la salle pour retourner à l'air libre. Sur son chemin, les serviteurs baissent les yeux, s'écartent un peu ; Samsa sait qu'elle en intimide beaucoup, que certains la craignent même. Elle n'a jamais réussi à briser cette glace entre eux bien qu'étant toujours juste. Son côté implacable semblait être tout ce que ses gens au château retenaient d'elle. Les serfs et les vilains, eux, étaient plus à l'aise avec cette femme qui comprenait leurs difficultés, ne les punissait jamais injustement ou lourdement et leur accordait de la considération pour n'attendre en retour pas moins que simplement le respect.
En attendant Chimera, la cheffe Treiscan s'appuie à la barrière du petit terrain d'entrainement pour regarder la leçon d'escrime de ses filles. Elles n'ont que six ans mais Samsa les forme à beaucoup de choses depuis qu'elles savent marcher et parler. Bien avant encore, elle leur parlait déjà des valeurs de la vie, des valeurs de la famille Treiscan, même si ses filles ne comprenaient encore rien. Cerbère les observe, attentive, apprend à connaître ces filles dont elle ne voulait pas, qu'elle a laissé ici et là pendant qu'elle guerroyait à droite et à gauche, voyageait par monts et par vaux, ces filles à qui elle a du mal à exprimer l'amour maternel qu'elle devrait, qui leur est dû, et qu'elle ne voit presque que comme sa descendance pure et dure, celle qui perpétuera le nom et les valeurs Treiscan à sa mort. L'héritière, la première née parmi les deux, c'est Nolwenn : taciturne, observatrice, quelque peu ombrageuse, attirée elle aussi par les armes blanches, elle a un côté inquiétant qui parvient même à atteindre Samsa. Toutefois, Nolwenn est plus psychorigide encore que sa mère, peut-être un peu psychopathe même : avec elle, Cerbère sait qu'elle a une relève plus forte encore qu'elle-même. Trop inflexible même et là se trouvera son travail de mère pour les prochaines années. Gwenn, peut-être, la jumelle, saura l'attendrir avec son caractère enjoué, naïf mais têtu, un peu maladroit et fondamentalement bon d'attention.

Elle apprend, en les regardant ainsi se battre, chacune un peu à sa façon et avec son style malgré les consignes du maître d'armes, ce que l'avenir réserve aux Treiscan. A priori, il s'avère brillant et un sourire doux éclaire le visage de la Cerbère Éternelle.

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Chimera

    “Le temps s’en va, le temps s’en va, madame ; Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons.”

    Pierre de Ronsard


    J'avoue, j'ai traîné.
    Faute, entière faute, tout ça.
    Après six mois de dur labeur, il parait qu'il est autorisé de PRO-CRAS-TI-NER.

    Elle sait que Longny ne la blâmera pas d'avoir voulu s'attarder un moment, puis encore un, puis un autre encore, puis.... oui, sur ces chemins, à savourer connement la lumière automnale dans les frondaisons rousses, l'écho sourd du pas de la jument dorée au crin clair sur l'humus aux si particulières effluves. Elle sait la baronne amatrice de chevaux, et aura plaisir à lui présenter Ulkane, acquise voilà déjà plus d'un an lors de la vente équestre du Saint Sépulcre. Trop peu -mais un peu quand même- consciente de sa valeur, marchande tant qu'aux yeux de la cavalière, elle va de son pas dansant, vers celle qui tant de fois a fait le chemin inverse.

    Elle apprécie cette traversée de l'alcove végétal, l'Aubépine. De l'eau, du bois, tout ce qui parle à l'hermine exilée, et qui évoque chez elle les échos du foyer. Les terres de Samsa sont un écrin de nature au coeur même du duché. Elle doit prendre grandement sur elle, la rousse, pour ne pas se laisser aller à des parallélismes niaiseux, qui se plairait trop vite à sourire à l'idée que Nature reflète bien ce qui est, et que oui, la reine Lafa a décidément fort bien choisi.
    Hum. Trop tard. Elle sourit.

    Elle n'est plus bien longue à rejoindre le château hôte, et presse les doigts sur les rennes de sa monture, qui s'immobilise un instant, bien qu'accoutumée au fait que murs = écurie = bouffe elle peine à rester en place bien longtemps. La cavalière ne se démonte pas, aucunement perturbée par les piaffements de la bête impatiente. Point de fioritures. Cet espace là est taillé pour être efficace. Et là encore, Treiscan s'illustre. Finira-t-elle jamais? C'est qu'entre les plis et autres patentes, nos deux comparses sont engagées dans une drôle de spirale du mérite et des honneurs. C'est à laquelle témoignera le mieux à l'autre toute l'étendue de son admirâtion. Baudruche devra bien désenfler un jour, mais pas celui là, de toute évidence. Allez, au fond, c'est surtout Respect Powa, et c'est d'autant plus beau que les échanges entre elles n'avaient pas commencé sous les auspices les plus favorables.
    Aubépine n'a guère besoin de se présenter qu'elle est reçue et introduite. Elle a mis pied terre et a suivi l'escorte jusqu'à la maitresse de céans. Approchant, et avisant ladite, Dénéré entrouvre les lèvres sur... Avant même que toute courtoisie ne puisse lui échapper, elle est saisie par la vision d'une brune couvant deux jeunes filles du regard. Couvant. Que ce soit d'amour ou comme on veille sur un investissement, elle ne sait, mais la vision saisit. Azurs vont du terrain d'entrainement et des deux formes jumelles qui y évoluent à la baronne. Estimer la probabilité, chercher dans l'arrête du nez une similitude éclairante, ou dans l'éclat d'un rire.... et puis crotte, autant demander:


    - Sont-elles vos....?

    La surprise étouffe le dernier mot dans la gorge aubépine.
    Dis moi que ce ne sont que tes pupilles, amie, que je n'ai pas manqué... CA.

    Ah, oui, bonjour, sinon.
    Si j'ai fait bonne route? Absolument, oui, merci.
    Entrée en matière courtoise 0 - 1 Gaucherie des abords.

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Samsa_


    "Fiston rentre à la niche, face aux oufs, qui se postichent,
    Dans l'crou pas de caniches, pas de potiches, pas de triche.
    On est le flip-flip crou, pas d'Filip Nikolic,
    Hardcore psychédélique,
    Ne me demande pas ce que je fabrique mec !"
    (Stupeflip - The antidote)



-Filles pardi. Oui té.

Elle ne l'a pas entendu arriver, concentrée sur le mini-combat en cours mais elle a répondu à Chimera en tournant la tête pour lui sourire. Un moment encore, elle reste appuyée à la barrière, persuadée que la Duchesse lui pardonnera ce temps qu'elle s'accorde pour regarder ses filles. Elle les a trop peu vu, laissées aux bons soins d'autres puis à Longny-au-Perche quand elle-même était sur les routes. Samsa les a à peine vu grandir, et, bien qu'elle sache qu'elle a ses lacunes en tant que mère, elle juge avoir fait ce qui était le mieux pour ses filles : les protéger.
Le maître d'armes porte un regard attentif sur les filles de la Baronne mais, ayant remarqué la présence de celle-ci, il tâche également de garder un œil sur elle. Cerbère en profite et fait un signe lui demandant d'approcher.


-Veuillez faire cesser l'entrainement pour que je puisse présenter mes filles à la Duchesse pardi. Il incline de la tête avec un "oui, Baronne" mais elle le retient un instant. Maître pardi, je vous demanderai de ne plus les faire s'affronter pardi. Je ne veux pas d'un esprit de compétition entre elles té.

Samsa avait deux filles, elles devraient donc vivre à deux de façon complémentaire et non en s'affrontant. La différence qu'il existait déjà entre elles avec leur ordre de naissance était bien suffisante.
Les deux gamines cessent leur combat non pas sous l'ordre du maître d'armes mais sous son intervention physique répétée. Obligé de les séparer, Samsa sourit avec un brin de fierté : elle a toujours vu l'entêtement comme une qualité et ses filles ont hérité du sien -peut-être même en puissance supérieure. Elles s'approchent enfin, Gwenn plus enjouée que sa soeur -toujours- et se mettent côté à côte. Si Samsa a les cheveux hésitant entre le brun et le roux, ceux de ses filles sont clairement roux. Elles ont les yeux bruns, un peu plus clairs que ceux de leur mère, et des tâches de rousseur parsèment en nombre leurs joues et leur nez. Elles ont une carrure moins charpentée que celle de Samsa mais on les sent solides dans leur constitution. Leur visage ont des traits moins durs, plus doux, tout aussi marqués mais plus expressifs -la cruauté de la vie ne les a pas encore trop figé, eux. Pour tout inconnu, elles sont difficiles à différencier, comme toutes jumelles. Pour Samsa comme pour toute mère, des détails font que les différences sont évidentes : la répartition des tâches de rousseurs, les expressions générales, les gestes -Nolwenn est gauchère, Gwenn, droitière. Samsa se tourne vers Chimera.


-Duchesse, je vous présente Nolwenn Treiscan et Gwenn Treiscan té. Dites bonjour à la Duchesse Chimera de Dénéré-Malines pardi.
-Bonjour Duchesse !
-On dit "Votre Grâce" pardi.
-Votre Grâce.
-"Bonjour, Votre Grâce" pardi.
-Bonjour, Votre Grâce !


C'est Gwenn qui a parlé et Samsa lui sourit. Son regard se dirige maintenant vers Nolwenn qui n'a pas ouvert la bouche, fixant Chimera de ses yeux bruns. C'est une sale manie qu'à la fille aînée de Samsa, cherchant ainsi à cerner les gens. Elle ne se rend pas compte à quel point son attitude est malaisante, parfois vraiment angoissante, et si, toujours, la Baronne lui fait des remontrances à ce propos, elle n'en fait pas cette fois-ci. Nolwenn est son héritière et elle distingue, cette fois, qu'elle prend le temps de décider si Chimera semble digne d'être saluée. Un sourire discret prend place sur les lèvres de Nolwenn quand elle finit par se décider.

-Bonjour, Votre Grâce. Soyez la bienvenue à Longny-au-Perche.
-Brave petite pardi. Arrête de fixer les gens de la sorte té, nous en avons déjà parlé pardi, c'est très impoli té.


Samsa pose tout de même à sa tête une caresse affectueuse qu'elle donne aussi à Gwenn pour éviter la jalousie et se retourne vers Chimera.

-Souhaitez-vous vous rafraîchir du fameux Bordeaux avec lequel je vous rabâche les oreilles depuis des jours té ? Il faut fêter votre fin de mandat avec ce que le monde donne de meilleur pardi !

Mesdemoiselles, je vous libère pardi. Vous avez bien combattu, vous méritez le temps qu'il vous reste jusqu'au couché du soleil té.


Gwenn se mit à sautiller gaiement, expressive, et Nolwenn accorda un sourire heureux. L'Héritière avait beau être taciturne et quelque peu détachée du monde, comme le regardant d'en haut, elle n'en avait pas moins six ans. Cerbère se penche par dessus la barrière pour prendre ses filles chacune leur tour dans ses bras et leur embrasser le front. Chimera l'ignore, mais la démonstration d'affection est peu commune -non moins sincère cependant.
Abandonnant ses filles à leur future nouvelle occupation, la Baronne invite d'un sourire la Duchesse à la suivre. Montant les marches qui mènent à l'entrée du donjon, Cerbère s'excuse avant d'y pénétrer.


-Veuillez pardonner l'intérieur assez... austère pardi. Je serai mal à l'aise de vivre dans trop de raffinement pardi.

Avertissement étant fait avec petit sourire désolé, Samsa passe et se fait guide. La première salle accessible depuis le hall est forcément la salle de banquet, la grande salle. Cerbère a beau avoir fait de cet endroit un rappel avantageux de son identité, elle se fait très humble voire timide en entrant.

-La grande salle n'a jamais vu de fête pardi mais... quand viendra le temps d'en faire, au moins sera-t-elle prête et plus ornée d'égayements que le reste té.
Sigismonde a fait monter en mes appartements ce qu'il fallait mais elle n'a pas encore rapporté le reste en cuisine té, n'hésitez pas à vous servir si quelque chose vous tente pardi.


Aux éventuelles interrogations sur les tapisseries ou ce qu'elles peuvent représenter comme contexte -les faits, eux, sont explicites-, Samsa aura répondu factuellement sans vanterie aucune, s'étendant plus volontiers sur ce que ces épisodes signifiaient pour elle, ce qu'elle avait ressenti, qu'une quelconque gloire ou supériorité.
En ressortant de la grande salle, Samsa mène Chimera à l'escalier visible au bout du hall. Suffisamment large pour s'y croiser confortablement, il n'est pas en colimaçon. Très peu le sont, et ce qui peut sembler étrange trouve son explication logiquement : c'est Samsa qui avait fait du château une place plus forte. Avant elle, il était moins martial.


-Cette porte ouvre sur l'étage des divers appartements pardi. Ils ne sont pas nombreux mais ils dépannent té.
Nous montons encore d'un étage té. Au-dessus encore, se trouve la salle des gardes pardi.


Peu intéressant pour autre que Samsa, celle-ci poussa la porte de bois fortifiée lorsqu'elles eurent grimpée juste un étage de plus et s'engagea dans un couloir très court. Une porte fermée était à gauche mais Samsa emprunta celle du bout. Enfin, dirons-nous, la chambre de Cerbère, aussi simple que le reste. Un lit assez large pour deux et peu surélevé -comme ceux des roturiers-, figure dans la pièce. Celle-ci est assez grande pour qu'un bureau grossier ait trouvé sa place ainsi qu'une chaire -finement sculptée aux armes et symboles rappelant la famille Treiscan- et quelques faudesteuils devant la grande cheminée qu'on a prit soin d'allumer plus tôt. Des coussins viennent rendre le bois des siège confortable. Sur un des coffres de la pièce, les victuailles y sont déposées avec de quoi servir. Au-dessus de la cheminée trône un écu peint aux armes complètes incluant cry et devise de Samsa et, autour, on y trouve les colliers dynastes et de mérite qu'elle a reçu. Ce n'est pas une tapisserie cette fois, ce sont les vrais, ceux chargés d'Histoire et dont Samsa prend visiblement très soin puisqu'ils sont propres au point de n'avoir rien perdu de leur éclat d'antan. Tous les murs ne sont pas habillés de tapisseries mais la plupart le sont dont sur le mur contre lequel est appuyé la tête de lit, cache idéal à une porte derrière qui mène au bureau de la Baronne. Les héros de France y sont représentés et les belles batailles enveloppées de légende. Si la grande salle était le lieu où Samsa s'affichait, en bonne maîtresse des lieux quand elle devait recevoir, il était notable que la chambre reflétait bien plus ses inspirations. C'était là qu'elle se ressourçait.

-Je vous en prie Duchesse pardi, installez-vous pardi. Le château est austère mais les coussins sont confortables té. C'est difficile quand on est née roturière et que l'on a grandit comme telle d'un jour devoir vivre dans un confort dont on savait se passer et parmi des... signes extérieurs que l'on n'avait pas à montrer té. J'espère ne pas vous avoir heurtée pardi.

Puis-je vous servir une coupe de vin pardi ?

Racontez-moi té ; la route fut agréable pardi ? Avez-vous traversé quelques terres qui vous seraient agréables de faire vôtres à l'issu de votre mandat té ?


_________________
Chimeradedm
    Ses filles.
    Diantre.
    Fichtre.

    Evidemment, que Dénéré laisse à Cerbère le temps de se faire mère. Elle ne sait que trop, sans se douter vraiment du lien qui unit la brune à ces deux petites, ce que peut éprouver un parent à voir ses enfants évoluer et grandir. Elle se doute que souvent les gamines sont privées de sa présence, ne l'ayant jamais entendue dire qu'elle partait accompagnée en campagne. Avait-elle fait le sacrifice de se priver de leur quotidien, pour s'assurer qu'il soit sans heurts pour les deux petites? Elle ne demande pas, pudique, pas plus qu'elle n'émettra le moindre commentaire sur le choix stratégique exprimé dans la requête au maître d'armes.

    A la présentation que fait la baronne des deux jeunes filles, Dénéré entrouvre les lèvres, saisie. Sait-elle, que c'est une Nolwenn qui veille sur sa mise depuis des années, et que Cornelius a choisi voilà peu de la nommer Gwenn, dans l'intimité? Soufflée, elle n'en conserve pas moins un bon degré de prudence et de délicatesse, et n'associera pas aux filles d'une farouche défenderesse du Lys l'Hermine que peut-être elles ont appris à honnir. Dans le doute, s'abstenir, aussi se contente-t-elle, un brin gênée d'avoir été l'objet d'une rude leçon de politesse, d'incliner la tête vers les deux enfants, lèvres étirées en un sourire courtois. En vrai, elle se sait privilégiée d'assister ainsi à un pan de la vie privée de Longny.


    - Deux noms charmants pour deux charmantes enfants. Mesdemoiselles, je suis honorée. Nul doute à vous voir lutter que vous ferez très vite honneur au talent de votre mère l'épée à la main.

    Et parlant de cela... elle tourne les yeux vers la mère des deux petites:

    - Du vin donc, pour célébrer cette performance, et nous rafraichir d'un effort que nous n'avons pas eu à consentir. Je n'irai pas jusqu'à proposer un duel pour mériter la pitance, je sais que d'une vous goutez peu à l'exercice, et que de deux il est bien peu probable que l'issue soit à mon avantage. J'ai l'instinct de préservation... Tu parles trop, Dénéré. Ou un orgueil trop démesuré. Bien que je ne craindrais pas de m'incliner devant digne adversaire. Shhh! Du vin, donc. Avec joie, je vous remercie.

    Alors qu'elle la suit à l'intérieur, elle secoue doucement la tête, azurs avisant petit à petit l'environnement. Dis moi ou tu vis, je te dirai qui tu es.

    - Vos murs sobres me sont plus chaleureux que bien des salons ornés, chère baronne. Le plus sordide cachot me semblerait alcôve bienveillant pour peu que vous vous y trouviez... avec une bouteille, cela va de soi. Quant à l'éventuelle future première réception, vous devez me promettre de m'en avertir, s'il y a lieu que je m'y trouve.

    Dénéré est femme d'histoires et de contes, elle aura voulu tout savoir, ou presque, et en détail, au mieux du possible et du raisonnable sans vouloir sembler trop avide. Se sera limitée avant d'en arriver là donc, mais suffisamment loin, pour autant, pour que soit largement dépassées les bornes de la curiosité polie. Il est bon, aussi, de laisser autrui causer. Elle se laisse conter les détours de chaque couloir, qui se mordille la lèvre, à se jurer de n'avoir pas à se repérer seule dans ce dédale.

    Alors que la baronne introduit la rousse au coeur de sa demeure, elle se surprend à progresser à l'intérieur de la pièce à pas menus, comme ayant le sentiment d'être soudain intruse. C'est que le lieu résonne d'une familiarité qui indique clairement au visiteur qu'il est tout à fait privilégié d'ici se trouver.
    Aux mots bruns, elle opine. Sait bien, pour n'avoir pas grandi en noble compagnie, ce qu'il en est de ce qu'elle décrit. Hoche la tête à nouveau à la seconde question, qui agrémente d'un "merci" à peine soufflé. A la troisième série de questions Dénéré n'apportera -pour l'heure- pas de réponse, se contentant d'en adresser une à la baronne, dos à elle, mains croisées dans le dos, le nez rivé sur les armes au dessus de la cheminée. Examen minutieux. Historique criant, à qui sait y lire.


    - Pourquoi n'avez vous jamais voulu régner, Samsa? Sur l'Alençon, j'entends.

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Samsa_


    "Le brouillard effleure ma peau comme une soie glacée
    Toujours plus loin, où trouverais-je un but à ma mélancolie ?
    Je ferme les yeux et des plumes me poussent.
    Bientôt je sens le vent et j'étends mes ailes."*



La Baronne a été se saisir du cruchon de vin de Bordeaux et a rempli à moitié deux hanaps d'étain. Elle en apporta un à Chimera et rejoignit ensuite sa chaire pour s'y assoir confortablement. Bien que sensiblement affalée, elle gardait des airs de grands seigneurs, illustration même d'une âme fière au point de ne pas montrer quand la fatigue la fourbissait. Samsa entendit la question de Chimera et prit une petite gorgée de vin qu'elle garda en bouche un instant avant de l'avaler, et de parler.

-Pour plusieurs raisons pardi. La première est que j'ai besoin d'être libre de mes mouvements. Si quelqu'un que j'aime a besoin de moi pardi, comment ferais-je pour aller la retrouver si je suis duchesse élue, ou même dans un conseil ducal pardi ? Et si une guerre se déclenche pardi, comment irais-je combattre té ? Je suis de ces gens qui sont en première ligne de tous les fronts physiques pardi. Je crois... je crois que j'en ai besoin, vraiment pardi. Je ne me pardonnerai pas de laisser des gens dans le besoin sans aller auprès d'eux pour m'interposer pardi. Qui sait ce qui pourrait leur arriver si je n'y allais pas pardi...

La phrase, bien que soufflée, est audible et trahit une crainte qui n'est pas innée. Cerbère a vécu, déjà, la situation, tout du moins une similaire. La mort de Zyg l'a hantée mais l'a aussi forgée en cette masse prête à tous les sacrifices pour les siens. Samsa n'existe que grâce aux autres ; sans eux, sans personne à aimer, à protéger, à combattre aussi, sa vie n'a plus de sens.
Elle hume son vin et refait tourner une petite gorgée à son palais avant de poursuivre, mots soigneusement choisis.


-La deuxième raison, sinon la seconde té, est que j'ai des choses à prouver pardi.

Ce n'est pas clair. C'est incomplet. Samsa en a conscience alors qu'elle est assise dans sa chaire. Concise mais guère compréhensible, la Baronne se lève et vient rejoindre Chimera devant la cheminée pour regarder avec elle ses propres armes, ces récompenses qui les entourent.

-Combien de gens, Duchesse, peuvent se targuer d'avoir si belles armes sans n'avoir jamais été maires, élus ducaux, portés à la tête d'un duché ou d'un comté pardi ? Combien peuvent jouir de ma notoriété sans avoir fait de politique pardi ? Je ne compte pas mon poste de Prime Secrétaire Royale comme faisant partie du spectre politique car je ne côtoie aucune institution pardi. Combien de gens sont partis de rien pour en arriver là où j'en suis aujourd'hui, sans avoir régné sur un duché, un comté ou une ville pardi ?

Samsa lui adresse un sourire. Ses propos s'éclaircissent mais il manque la conclusion, ce lien qui achèverait de tout éclairer. Cerbère le lui livre en reposant ses petits yeux sombres sur ses armes.

-J'ai déjà prouvé qu'on peut être anoblie de mérite sans avoir été Grand Officier pardi, qu'on peut être une officier royale qui tient depuis six règnes à un poste où on ne reste habituellement qu'un règne -et encore- té, j'ai prouvé qu'on pouvait être une amie pour deux amis qui se haïssent pardi, qu'on pouvait les unir en ce lien té. J'ai encore d'autres choses à prouver pardi.

Je veux prouver qu'on peut arriver au sommet sans avoir la mention "duchesse de telle province à telle époque" té. Je veux casser ces codes de normalité pardi. Je veux qu'on me plébiscite pour ce que je suis et non pour un parcours que j'aurais fait pardi, comme des prérequis à remplir censés prouver que je sais ce que je fais ou de quoi je parle pardi. Ne pas avoir été duchesse ne fait pas de moi une personne plus stupide, incapable ou incompétente qu'une autre pardi. Mon message ne portera plus si je me plie à ces règles, si je remplis la plus classique de ces conditions pardi.

Plus tard pardi, je veux que chacun se dise "un jour, quelqu'un l'a fait pardi, quelqu'un a réussi en suivant un chemin différent, il a prouvé que le parcours ne faisait pas le succès, que tout ne dépend que de soi pardi. Alors moi aussi je peux y arriver" té.
Samsa se retourna et embrassa d'un large mais lent geste des bras la pièce, et notamment les tapisseries au mur. Je veux ressembler à ces héros qui nous inspirent le courage, la force, l'espoir et la loyauté pardi. Je veux... laisser quelque chose derrière moi pardi, quelque chose sur lequel on pourra s'appuyer pour continuer à vouloir rendre le monde meilleur et les gens qui y vivent avec té. Je veux rendre le monde meilleur pardi. Je veux au moins participer à cette construction-là, participer activement en agissant et non passivement en me contentant d'être pardi.

On la disait souvent orgueilleuse mais étrangement jamais ambitieuse, comme si on percevait sans le comprendre qu'elle n'était pas ce qu'elle était pour elle mais pour une cause plus grande qui la dépassait probablement elle-même. Paradoxe. Un parmi d'autres pour Samsa et, pour une fois, celui-ci n'émanait pas vraiment d'elle.
Elle quitta sa position pour aller se rassoir sur sa chaire et, après quelques secondes à regarder ses armes, reposa ses yeux sur son invitée avec un petit sourire.


-Peut-être que je me trompe pardi. Peut-être que je ne suis pas idéaliste mais carrément utopiste, que je n'y arriverais pas pardi. Peut-être que ce n'est pas à moi de réussir cela té. Peut-être que je n'en suis pas capable pardi. Peut-être même que ce n'est pas possible tout court té, mais je veux essayer pardi, je veux essayer parce que je crois que c'est possible pardi, parce que je crois que je peux y arriver pardi. Quitte à avoir le regret de peut-être échouer pardi, autant que ne soit pas parce que je n'aurais jamais essayé pardi. Vous savez ce qu'on dit pardi, "celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu"** pardi. Et je suis une combattante té.

"Conquérante !". Le cry aussi prenait son sens, celui d'exploratrice, aventurière, courageuse et victorieuse. Tout était dit. Le tour était fait. Samsa porta à ses lèvres le hanap pour une nouvelle gorgée de vin et se pencha pour prendre au plateau une grappe de raisin. Elle offrit un sourire à Chimera avant d'en prendre un grain et l'invita d'ailleurs à se servir selon son bon plaisir.

-Et vous Duchesse pardi, pourquoi avoir voulu régner pardi ? Sur l'Alençon par exemple té.

Question inversée presque au mot à mot. Ce n'était pas de la politesse ou un quelconque manque d'inspiration mais de l'intérêt réel pour Samsa qui ne connaissait que les ducs et les duchesses qui font mandat pour avoir un titre. C'était un chemin sûr, assuré et égal ; tous les mandats, sauf les très mauvais, se voyaient clos par un fief de retraite et le barème du codex héraldique ne faisait aucune différence entre les provinces, les difficultés rencontrées ou le résultat final. Chimera aurait pu être duchesse n'importe où mais elle avait choisi le Domaine Royal réputé difficile. Avait-elle également des choses à prouver, des défis à se donner ? Cerbère était intriguée et, il fallait l'avouer, elle aimait comprendre les gens.


* = paroles traduites de Faun - Federkleid
** = citation de Bertolt Brecht


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