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[RP] Chambre de Narcisse - Aile Est

L_aconit
Chambre de Narcisse - Antoine



Narcisse dans la mythologie grecque était donné comme l'un des plus beaux hommes de Grèce, mais frappé du bon vouloir des dieux, ces derniers avaient décidé qu'il ne pourrait jamais regarder son reflet. La nymphe des sources Echo, qui avait été condamnée par Héra à ne pouvoir dire à ses interlocuteurs que la fin des phrases qu'elle voulait prononcer, tomba amoureuse de Narcisse. Elle fut rejetée par la vanité de Narcisse, et pour se venger, l'amante déçue demanda aux dieux de le punir par un amour impossible. En châtiment, Némésis, la déesse de la vengeance, fit en sorte que Narcisse vît son reflet et en tombât alors amoureux. Il resta alors figé, face à l'eau d'où émanait cette vision de lui même . Echo, prise de désespoir, se jeta du haut d'une montagne : c'est de là que viendrait le mot écho, et Narcisse fut transformé en plante. Cette plante porte son nom, à cause de l'inclinaison de ses fleurs en direction des points d'eau, de sa beauté reconnue et de son caractère toxique.


Une fine corniche à modillons sert d'appui à la fenêtre de cette chambre qui s'ouvre au dernier niveau de l'aile Est. Elle est encadrée d'un motif de sculpture, où se dessine un blason épiscopal , « d'azur et d'argent à la fleur bleue d'Aconit », entourée d'un large tapis de glycines, permettant aux plus hardis de descendre par la fenêtre dans la rue sans se rompre le cou- en théorie - Ou d'en monter...

La chambre de Narcisse fut dédiée en premier lieu au Page des lieux, et de sa vue, s'étendait le quartier Saint Front et son clocher à la coupole. Percée d'une unique fenêtre, la pièce arborait un mobilier des plus confortables, dont un lit clos aux panneaux gravés d'un paysage verdoyant. La literie, composée d'une paillasse et d'un matelas garni de laine, s'achevait d'un gros couste de plume pour les hivers froidureux. Au sol et entourant l'espace du lit où les pieds se découvrent, un grand tapis tissé recouvre le plancher, préféré pour ne pas alourdir à l'instar de dalles de pierre l'ensemble de l'étage.

En chevet, un coffre de chevalerie pour y disposer le linge de corps.

Dans un coin de la pièce un modeste foyer de pierre dont le manteau sculpté aux armes du maître des lieux se contentait de quelques bûches à renouveler souvent pendant les pâles saisons . Près du feu un petit fauteuil et un baquet pour la toilette étaient dissimulés derrière un paravent de bois faisant écho au lit, d'où pendait un linge propre que les domestiques venaient changer quand sonnait l'heure de remplir le tout de seaux d'eau chaude.

Les murs loin d'être dépouillés, arboraient une suite de tapisseries narrant les aventures de Narcisse, dans des teintes franches et un tissage serré. L'ensemble de cette chambre indépendante des autres respirait le calme et incitait à la méditation.

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Archibald_ravier
Quatorzième jour de Novembre.

L'adolescent avait appréhendé ce fameux retour à Périgueux. Comment il se passerait, quelles seraient les relations, les réactions, tout.
Avec Faust surtout, et pourtant, tout c'était passé mieux qu'il ne l'avait espéré.
Alors il était joyeux. La soirée avait été bonne, il avait vu Aurore, puis Archibald était allé se coucher. C'est, du moins ce qu'il avait dit, et il y avait deux possibilités :
- La première, l'amant était endormi, dans le lit ou sur la table.
- La seconde, il l'attendait, impatient.
Il espérait donc que ce soit la seconde lorsqu'il prenait le chemin de leur demeure. Les boucles fraîches et coupées, un air con sur les lèvres alors qu'il s'imaginait déjà poser sa bouche sur la sienne, nicher son nez dans son cou, l'enlacer.
Une fois arrivé, il déverrouilla rapidement la porte, refermant derrière lui.


Amûûûûûr ?

Il était chantant, sa chambre les attendaient, la cave les attendaient. Il était joyeux, clairement joyeux.
Jetons un voile pudique sur ces instants d'une niaiserie sans nom qui mettraient à coup sur le lecteur mal à l'aise. Disons seulement que Amour ne dormait pas, baisers furent donnés à qui de droit, et chemin fut pris de concert pour se rendre à l'hôtel du Petit Vésone.
Il y avait une maison à visiter, une chambre à découvrir, un lit à investir, un nouveau territoire à conquérir.
Un feu ronflait dans la chambre, signe que son occupant était attendu. Archibald se planta au milieu de la pièce, amant au creux des bras, et observa les tapisseries, découvrant l'histoire de Narcisse. Puis, dégageant la nuque du bout des doigts, il y planta un baiser léger. Jörgen frissonna, sourire planté sur les lippes charnues, regard rivé aux tapisseries.

Cette chambre te va bien.
Ah ? En quoi ?
Menton posé sur l'épaule pour mieux souffler à son oreille, le barbu répondit, pointant une tapisserie où Narcisse se mirait dans l'onde :
Il se trouve beau.
Léger rire secoue le ventre velu, et brusquement Archibald fait pivoter son amant entre ses bras pour l'embrasser, longs doigts emprisonnant les fins poignets.

J'crois que t'as une leçon a prendre, maintenant.

Il fut question de patience cette nuit là. D'amour qui claque aux murs et de ceintures liées aux poignets. De patience, surtout. De celle que l’aîné enseigna à son amant. Leçon fut inculquée savamment. Instillée d'effleurement en effleurement. Infusée lentement.
Corps furent haletant, soufflant, essoufflés. Peaux en sueur, frissonnantes. Bouche suppliante de l'un. Application, méthode et concentration, de l'autre. Grisant.

Tu veux ? Assentiment. Dis le. Murmures. Crie le. Cris. Supplie. Suppliques. Non. Lapidaire.
Il faudra patienter. Encore. Longtemps.
Peau rougie d'être trop frottée
- Encore - paumes souffrant de trop avoir claqué - Encore - hanches griffées d'avoir été empoignées.- Encore - Cris - Encore - râles - Encore - gémissements - Encore - soupirs - Encore - souffles - Encore - A aucun moment le silence n'emplit la pièce - Encore - Couinements - Encore - la pression est palpable - Encore - le corps se tend - Encore - avide d'être enfin exaucé.- Encore ! Râles, poignets tirent sur les liens - Encore - Ventre se creuse - Encore - Frustration.
Archibald jouissait. Des suppliques de son amant. D'être le mâle. Le Mal dominant. Longtemps. L'aube pointait lorsqu'il estima leçon acquise et récompensa son élève de vigoureux coups de reins. Jouissance vint vite, après la longue leçon. Apaisé et désireux d'enfin être récompensé, Jörgen afficha un sourire béat, toujours lié. Y avait-il plus beaux moments que ceux partagés à la lueur d'une flamme entre deux aimés ?
L'on voit l'aîné se repaitre du jeune corps brûlant, du vert perclus de plaisir. Poignets libérés, l'ours ouvre un bras, offre havre de calme pour le repos des boucles brunes, où les doigts se perdent, alanguis. Il s'enfuira peu après vaquer à sa journée de travail en laissant un petit mot sur l'oreiller.


[A quatre mains]

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L_aconit
Un an plus tard, ou presque.


La chambre n'a guère changé, hormis qu'un champ de jouet a fleuri au sol, dans le joyeux désordre des territoires de petit garçons. Chambre désertée par le valet a fini par trouver nouveau propriétaire, Antoine, 8 ans.

étendu sur le ventre à l'orée du lit, l'enfant écoute d'un air très sérieux la légende locale dont le Maitre lui fait récit, quoi qu'en la tournant avantageusement au profit du Héros: le terrible Coulobre.

La créature avait trouvé son nom dans la bouche d'Archibald Ravier, poussant l'insatiable Montfort à en savoir plus, jusqu'à déterrer son histoire.


𝕷𝖊 𝕮𝖔𝖚𝖑𝖔𝖇𝖗𝖊






Par une nuit d'orage , voici bien longtemps, un éclair violent vint frapper la Tour de Vésone, à Périgueux.
La tour trembla et fut secouée du Faîte au fondement, se fendit avec un bruit épouvantable tandis qu'une énorme bête surgissait des ruines en grondant. Grâce au feu qui s'échappait de sa gueule, tout le monde pu reconnaître un dragon.

Museau sage autant que déterminé se cala d’un drap entortillé au poing ; les yeux noirs d’Antoine arrondis d’une première lueur agrippèrent les bleus voisins. Conte s’annonçant semblait échapper à toute quête amoureuse qui parsemait chaque récit épique ou presque: enfin une histoire de bonhommes.

Il s'éloigna de Périgueux , courant et volant tour à tour, à la recherche d'un territoire à sa convenance. C'est ainsi qu'il arriva au bord de la Dordogne, près du village de Lallinde.
La Dordogne traverse le Périgord avant de rejoindre sa sœur aînée, la Garonne, du côté de Bordeaux. C'est une rivière large comme un fleuve, aux eaux profondes, au cours sinueux et aux berges touffues. N'importe quel dragon l'eut trouvée à son gout. Le nôtre s'y trempa et décida d'y faire son gîte. C'était, dit la légende, la plus célèbre du Périgord, un dragon carnassier cruel et terrifiant.

On le nomma le Coulobre, en raison de son corps long et vert, tout pareil à celui d'une couleuvre géante. On affirmait que la population, citadins et paysans réunis, vivait dans la terreur du Coulobre. On disait de lui qu'il était venu du fond des enfers pour dévorer les aristotéliciens...
Enfin, que ne disait-on pas? Et que n'a-t-on pas raconté sur la férocité des serpents? Historiens sérieux affirment pourtant que le Coulobre n'attaquait pas l'homme, qu'il ne mangeait que les poissons de la rivière et les petits animaux sauvages des rives.
Un expert en dragons prétend même qu'il passait le plus clair de son temps couché dans la Dordogne.Son grand corps de serpent, lové, plié, aurait même changé le cours de la rivière pour le courber selon ses formes...

Où est donc la vérité? Je vais te dire moi, ce que je crois, moi qui ne suis pas un expert mais un vieil ami des dragons.


Sourire fin vint broder un visage attentif ; évidemment que malgré son jeune âge, il n’en croyait pas un mot, et pourtant, l’on eut pu jurer apercevoir les pampres des crédulités enfantines fleurir d’une seconde : serait-il si étonnant que Faust qui savait tout, sache également tout des dragons pour en avoir connu quelques-uns ?


Il est vrai que les dragons avaient assez vilaine figure et que le feu et la fumée qui leur sortaient des naseaux étaient assez effrayants. Mais je pense sincèrement que les gens de Lallinde et des environs on eut plus de peur que de mal. La vérité, c'est que les pêcheurs de la Dordogne étaient très en colère contre ce concurrent glouton qui ne leur laissait que le menu fretin. Je ne nierai pas qu'il ait croqué parfois un mouton ou un chien suscitant la juste colère des bergers , et peut être aussi renversé un bateau, provoquant la fureur des bateliers. Ce sont eux, pêcheurs berger et bateliers , qui l'ont accusé de dévorer un être humain... Et puis les gens du village ont , de bonnes ou de mauvaise foi, grossi tous les méfaits qu'on lui prêtait. Un vieux dicton affirme:
" Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage "

Garçon opina gravement ; Petit Vésone envahi de chiots avait éveillé un instinct paternaliste nouveau qui n’empêchait pourtant pas Antoine d’une réflexion dénuée de sentimentalisme : le petit frère qu’on lui promettait à la fin de l’année serait certainement moins mignon qu’un chiot.

Alors les habitants les plus combatifs attaquèrent le Coulobre en lui lançant des fourches et des piques depuis la falaise dominant la rivière. Fatigué de ces assauts qui ne lui faisaient pas grand mal mais gâchaient sa tranquillité,, il se réfugia dans une grotte à l'accès difficile, au sommet de la falaise.
Eh bien, s'il avait été le monstre cruel que l'on nous dépeint si souvent, aurait-il recherché un abri ou se serait-il retourné contre les humains qui le défiaient?


Conteur jeta un œil à l'enfant qui secouait fermement le museau.

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L_aconit
D'une voix claire et presque mélodieuse, le conteur - lui même allongé dans le lit à panneaux de bois - fit quelques gestes pour agrémenter son récit.


Son nouveau logis était étroit pour un grand dragon comme lui, et sans aucun confort: pas même une cheminée pour évacuer la fumée du feu qui brûlait dans sa panse. Il en sortait le moins possible, de peur d'être agressé... Ses pattes s'ankylosèrent, et les flammes qu'il crachait par habitude lui rôtir le bout des ailes. Il se trouva bientôt incapable de fuir ce pays inhospitalier..


Empathie apparut d’un pli soucieux au front sombre de l’auditoire ; peau mate et yeux noirs avaient trouvé bien des endroits inhospitaliers aux routes empruntées. Huit ans d’existence tracée de regards en coin et de bouches tordues par la réprobation firent qu’Antoine ensommeillé devint alors un peu dragon.

Ainsi, son humeur devint franchement mauvaise , il eut des aigreurs d'estomac. Ses formidables Borborygmes* empêchaient les braves gens de dormir et son haleine puante leur donnait la nausée. Ce n'était pas très grave, mais les ennemis du dragon, pêcheur et bergers comme on l'a dit, jurèrent que certains des leurs avaient été suffoqués et qu'il en avait profité pour les croquer. De fait, le Coulobre sortait furtivement de temps à autre, pour grignoter ce qui lui tombait sous la dent. Mais il ne s'en prit jamais aux humains. Enfin, tous ceux qui voulaient s'en débarrasser eurent gain de cause. Les conseillers municipaux décidèrent d'aller chercher de l'aide pour combattre le monstre.

Il avaient appris qu'un évêque nommé Front était arrivé à Périgueux pour devenir le premier évêque du comté. Appelons-le Saint Front, car il sera plus tard canonisé par l'église



Le petit garçon se redressa sur les coudes. Interloqué.

- l'église l'a tué à coup de canons ?


Léger rire dans l'assistance. Un chevalier de chiffon, trois petits soldats et Faust s'amusèrent grandement de cette remarque. Dans un fin sourire, Montfort recontextualisa tout de même.

- Non, canonisé, cela signifie qu'il a été élevé au rang de Saint, et non plus d'un homme ordinaire. Quelqu'un que les fidèles pourraient prier, pour diverses demandes...

La renommée de Saint Front était très grande. On répétait partout ses exploits, les enjolivant quelque peu... Il avait disait-on , détruit d'un seul coup de bâton une statue romaine en bronze. Avait abattu d'un geste la cour d'un château ennemi. Repoussé à lui seul une troupe de barbares, et d'autres choses encore.
Les conseillers de Lallinde formèrent une délégation pour venir supplier l'évêque de leur prêter main forte.
Ainsi, quatre pêcheurs et mariniers un aubergiste, deux fileuses, un curé et un laboureur, un berger et un forgeron se mirent en route .


Troupe bigarrée prit le chemin des imaginations ; l’odeur des draps frais embaumait comme un champ que l’on traverse au matin, rosée s’étiolant d’odeurs condensées de la nuit.

A l'heure où la délégation quittait le village, le Coulobre affamé sortit de sa grotte et commença à explorer les environs, brûlant de son haleine les arbres environnants. Le sol tremblait sous ses pattes, dit-on. Je crois plutôt que ses pattes engourdies tremblaient sous le poids de son corps.



* bruit produit par les gaz dans l'estomac et l'intestin.
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L_aconit
Oricle avait apporté au duo engoncé dans le lit à panneaux du lait de brebis et des palets à la bretonne, gourmandises hautement Aconitiennes, qui tout en étant farouchement chauvin périgourdin ne s'était pas départit de ses racines, où les contes et légendes n'étaient pas en reste.


Le Coulobre cherchait à manger, comme tout le monde. Les gens s'étaient réfugiés dans l'église et priaient pour que l'évêque de Périgueux, acceptât de venir tuer le dragon. Voyant le village très calme, le coulobre tendit le cou par dessus les maisons pour observer de plus près ce qu'il se passait.
Un cri d'angoisse s'éleva soudain sur la place du marché désertée.

- Lilette! Lilette!


Au mimétisme des adultes l’entourant, Antoine aux boucles étalées à l’oreiller roula des yeux, d’une exaspération exagérée : Ah, les filles ! L'on pouvait compter sur elles pour que tout parte à vaux l'eau !

C'était la blanchisseuse qui courrait à la recherche de sa benjamine, au mépris du danger. Il faut dire qu'elle avait six filles et qu'elle ne pouvait pas les surveiller toutes à la fois. En entendant les appels de la pauvre femme, le Coulobre se dressa sur ses pattes de derrière. Son ombre immense recouvrit la moitié du village . La blanchisseuse fut paralysée de terreur. Le Coulobre avança dans sa direction, les naseaux fumants, il était plus haut que le clocher de l'église et son cou immense se balançait au rythme de ses pas. Il agita deux ailes rétrécies qui claquèrent avec un bruit sec et plongea la tête entre les maisons. Quand il la releva, il tenait en sa gueule la petite Lilette.
La blanchisseuse tomba à genoux, les bras vers le ciel et et supplia tous les saints du paradis de sauver sa fille. Mais le Coulobre s'éloigna en renversant au passage nombre de cheminée, plus quelques maisons. Il emportait Lilette.
Secouée par les sanglots de désespoir, la blanchisseuse se laissa tomber sur le pavé. Le dragon avait-il si faim qu'il s'était pour la première fois résolu à dévorer un enfant?


Bouche se pinça d’une invective retenue. Trop sage pour interrompre le conte, à l’ombre d’un silence paternel, les pieds du garçon s’agitèrent brièvement tandis qu’il gigotait au lit, joue venant s’installer au coin de l’oreiller, nez en lisière de couvertures, tête prête à y descendre d’un cran comme à une tranchée si cela prenait trop mauvaise tournure pour le pauvre Coulobre

Pendant ce temps, les suppliants étaient arrivés en nombre à Périgueux après une longue et terrible marche. Ils coururent au diocèse pour implorer l'évêque. Le forgeron prit la main de Saint Front et se prosterna.

-Monseigneur, ayez pitié des malheureux que nous sommes, notre village est maudit, hanté par la plus effroyable des créature. Vous seul pouvez nous en débarrasser !
- Nous vous supplions de nous venir en aide, gémirent en chœur les fileuses à leur tour. Nous ne pouvons plus supporter de voir nos enfants se faire dévorer par ce monstre.


Lèvres s’entrouvrirent d’un hoquet de protestation ; Ah les vilains menteurs ! Faust ne venait il pas de dire que c’était la première fois qu’il emportait un enfant ?
Ferré, garçonnet laissa passer aux nuées la première poignée de sable à ses yeux innocents.


- Le Coulobre est un dragon sanguinaire qui dévore mes fidèles ! Enchérit le curé de Lalinde.
- Un dragon dans la Dordogne? Voilà enfin une occasion de me divertir. Bonne nouvelle! S'écria Saint Front.
Les pêcheurs voulurent à leur tour raconter leurs tourments mais l'évêque leur coupa la parole.
- C'est Aristote qui m'envoie ce dragon pour m'éprouver. Un tout petit dragon n'est-ce pas?
- Nenni Monseigneur ! Un énorme dragon !
- Haut comme le donjon d'un château !

Saint Front se mit à marcher de long en large, pas s'arrêta face aux visiteurs et d'un geste les bénit .

- Soyez rassurés mes amis. Votre évêque va vous débarrasser de cette épouvantable créature..

Il appela son serviteur et ordonna:
- Qu'on m'apporte une épée, qu'on selle mon cheval !

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L_aconit
Piochant dans les palets bretons , Faust poursuivit son histoire en mimant avec les mains certains passages. Deux doigts devinrent ainsi les jambes de l'évêque héroïque à l'ascension de la falaise.


Un peu plus tard, le Coulobre rejoignit sa grotte au sommet de la falaise, portant Lilette dans sa gueule. Mais il n'avait pas l"intention de la croquer ni de lui faire le moindre mal. Avant de s'approcher du village il avait rencontré un troupeau sans berger et il avait déjeuné d'un mouton et d'un cabri.Puis il avait aperçu la petite fille, il avait été attiré par sa robe rouge et il avait eu envie de jouer avec elle, car maintenant qu'il était rassasié, il se sentait bien seul.
Quand le soleil couchant rougit l'horizon, saint Front apparut à l'entrée du village, monté sur un grand cheval blanc,une courte épée de bronze à la ceinture.Derrière lui les suppliants se traînaient, épuisés mais triomphants.
Il descendit de cheval sur la place du marché, une lueur surnaturelle auréolait sa tête. Bien vite les villageois se rassemblèrent autour de lui.

L'évêque posa sa paume sur les yeux d'une aveugle et lui rendit la vue. Le père de la jeune fille, un vieil homme paralysé d'un bras et d'une jambe se traîna vers la miraculée en pleurant de joie. Saint Front lui toucha l'épaule.
- Lève la main mon fils.


Buvard comme tout enfant, était-ce de façon consciente ou inconsciente qu’Antoine tissait déjà d’ombres la silhouette des hommes d’église ? Il n’avait jamais connu Nicolas que capitaine, commerçant, médecin, professeur et conteur, mais il savait qu’une vie d’avant l’avait mené au prieuré, une vie dont on ne parlait jamais, et dont le silence asseyait de premières angoisses distinctes un rapport précaire aux hommes de foi.
Il n’avait pas aimé Saint Front quand on était venu le chercher, il l’aima encore moins quand il se mit à faire des saintetés : Faust passait assez de temps à soigner des gens avec des crèmes et des potions pour ne pas voir une entourloupe à tout miracle à la chaine.


Et le vieillard leva les deux mains vers le ciel et se mit à sauter de bonheur. L'évêque accomplit ainsi quelques prodiges, bénit les fidèles puis s'écria:

- Maintenant, sus au dragon !

Et il piqua des deux , brandissant son épée. La bataille s'annonçait chaude. Pour n'en rien perdre les villageois se répandirent entre la ville, le château, la falaise et le bord de la rivière, chacun ayant son idée sur le meilleur poste d'observation. Les femmes, main dans la main, récitèrent de ferventes prières et les hommes entonnèrent un chant patois en hommage au preux évêque.
Guidé par un jeune garçon leste et hardi, saint Front arriva à la falaise, devant l'entrée de la caverne et lança un terrible cri de guerre.

- Par Saint Michel ! Par Saint Gabriel ! Par Saint Daniel ! Sors de ton antre, dragon maudit !

Le dragon effrayé par ces menaces mit prudemment le nez hors de son logis.Il reconnut en face de lui un ennemi implacable de sa race. Il cracha quelques flammèches et battit en retraite. Il essaya, bien qu’il fut difficile de reculer, sa queue le gênant beaucoup. Il ébranla les parois de son repaire et un gros bloc de roche se détacha et obstrua le fond. Le dragon ne pouvait plus se replier, il devait se forcer un passage en avant.
C'est alors que saint Front vit la petite Lilette en train de jouer à quatre pattes sur le sol moussu à l'entrée de la grotte. Il pensa: seigneur, la pauvre enfant est inconsciente du danger!
Mais Lilette n'était pas en danger.Le Coulobre aurait eu mille fois le temps de la dévorer s'il l'avait voulu. La fillette était pour lui une compagne de jeu et non une proie.


Une main d'enfant sortit à son tour de l'espace du lit clos pour venir faucher un biscuit. Tension à son paroxysme avait enlevé le moindre filet de voix à la gorge engourdie : il n’y avait désormais plus que le réconfort du beurre et du sucre pour faire taire l’inquiétude qui grondait ; le pauvre dragon n’avait plus même d’ailes en bon état pour s’échapper de là…
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L_aconit
Sortilège! Sortilège !

S’écria l'évêque. Le Coulobre avait saisi Lilette dans sa gueule comme pour la dévorer. En réalité, croyant que l'évêque voulait faire du mal à l'enfant, le dragon s'était résolu à la protéger. Saint Front tira son épée et brandit la lame gravée d'une croix. Le dragon parut fasciné un instant par la lueur surnaturelle qui nimbait son ennemi. Au vrai, il tendait tous ses muscles pour se préparer à bondir et à s'envoler. Saint Front se glissa entre ses pattes et chercha le cœur, puis d'un geste vif enfonça son épée entre deux écailles.
- Meurs donc, serpent de Satan !
Par chance, le Coulobre avait une épaisse carapace et la blessure n'était pas très profonde; seulement quelques gouttes de sang giclèrent à l'entrée de la grotte.L'évêque se prépara à porter le second coup. Le Coulobre sentit ses forces multipliées par son désir de protéger l'enfant et s'éleva dans l'air avant que son ennemi n'ait eu le temps de frapper de nouveau. Mais au lieu de prendre son essor, il s'enfonça lourdement vers la Dordogne. Les gens qui observaient la bataille crurent qu'il allait s'abîmer dans la rivière. Sans doute voulait-il rapporter Lilette de l'autre côté, où il l'avait prise. La petite fille se débattit et il la lâcha.

Les villageois virent un coquelicot descendre en planant vers la rive: la jupe lourde de Lilette s'était gonflée et la retenait dans sa chute.


Enfant ne se souviendrait pas du jour où il avait commencé à trouver quelques défauts aux coquelicots, mais tête aux genoux de Morphée et yeux mi-clos, destin venait de se tracer d’une rayure nette. Lilette et sa corolle étaient toutes deux répudiées du royaume d’Antoine

Alors le dragon s'enfuit. Il passa d'un vol maladroit au dessus des rapides de la Gratusse, où il parut bien près de s'écraser. D'ailleurs, la légende raconte qu'il s'abattit dans l'eau à cet endroit là. Elle ajoute même que son sang teinta l'eau de la rivière d'écarlate. Balivernes!

L'enfant sursauta. Faust aussi surpris que lui de ce spasme qui lui indiqua qu'il mettait sans doute trop de coeur à la ponctuation de son récit, posa une main sereine sur l'épaule du petit garçon.

L'évêque revint au village et affirma aux Lallindois que le Coulobre avait été blessé à mort et qu'ils ne le reverraient jamais. Éperdue de reconnaissance, la populace entama un cantique à la gloire de leur héros. Rentrée chez elle, la blanchisseuse examina longuement sa Lilette. L'enfant portait tout juste quelques traces de brûlures sur le tissus de sa robe, et sa blanche peau n'était même pas égratignée. Le soir même avant de dormir, entourée de sa mère et de ses cinq soeurs, Lilette sourit aux anges et murmura d'une voix rêveuse avant de fermer les yeux :
-Elle était si gentille, la grosse bête!


"Bien sûr qu’elle est gentille", songea Antoine d’un sourire que la fanfare des exclamations faustiennes échancra d’un bâillement ; émotions achevaient de gangrener la réalité jusqu’à troubler les paupières des poids auxquels l’on ne résiste plus.

Mais qu'advint-il du Coulobre après sa fuite?Il vola longtemps au dessus de la Dordogne. Sans réussir à s'élever plus haut que les arbres. Il rasa le pont de Bergerac, ce fut un miracle qu'il ne le heurte pas.Enfin il se posa deux ou trois lieues plus loin et trouva refuge à proximité du Fleix, où personne ne vint le tourmenter. Là, il peut se reposer et dégourdir ses muscles, à la recherche de sa nourriture, poissons, poules d'eau et grenouilles...


Les doigts fins et pâles vinrent redessiner une boucle brune. Antoine avait de solides ressemblances paternelles, jusque dans ses moments de silence.


Comme il vivait désormais au grand air ses blessures se refermèrent bien vite et il s'envola bientôt vers de nouvelles aventures.

Une chapelle à l'effigie de Saint Front, le bienfaiteur de Lallinde fut érigée au sommet de la falaise. A l'entrée de la grotte on peut voir encore des traces qui font songer à des gouttes de sang séché... Le sang du grand méchant Coulobre.


Dextre étira la courtepointe sur les épaules enfantines. Antoine s'était depuis longtemps endormi, mais Oricle que trahissait son ombre écoutait discrètement sur le seuil de la porte.
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