Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] La cuisse de Jupiter

Alphonse_tabouret
Orléans, Février 1467







Cité tranche de ses toits un ciel clair et limpide ; vent froid traverse les ruelles mais ne chasse aucun de ceux qui se sont arrêtés au soleil, réchauffés d’une douceur jusqu’aux sourires qui éclairent les visages. L’hiver poursuit sa marche mais étourdi déjà aux premiers bourgeons qui percent timidement les branches dépenaillées, se laisse déborder de quelques inattentions.
Retrouvailles et adieux ponctueront l’escale, chacun le sait et chacun s’y est fait, étirant alors d’une insouciance bienveillante les instants communs ; pas de regrets, pas de tristesse, Temps est laissé seul maitre des liens salins, libre de ses envies ou de ses suspensions pour renouer les trames délaissées en bords de Loire.

Aux quais, Le Chat à la Fenêtre somnole ; l’agitation qui a vidé ses cales est désormais retombée et à l’exception d’une plume que l’un des rapaces a perdu en battant des ailes et qui persiste à signer le bas de la passerelle d’une ligne claire, le navire s’ensommeille à sa halte.

La taverne choisie est fréquentée sans être pleine, et la table, à l’écart d’un renfoncement, près d’une petite fenêtre nourrissant le décor d’une percée sur une rue inondée de monde. Le bruit de fond repousse le silence d’un ressac perpétuel et noie les conversations d’un anonymat bruyant ; quinze jours en mer rendent sensibles n’importe quelle oreille.
Ils sont trois, assis à la table, et deux discutent autour d’une vente quand Alphonse, nez à ses carnets, n’écoute que d’un réflexe exercé la transaction que Faust est en train de conclure. Pensées sont tournées ailleurs, projetées à une colonne de chiffres nets, et une série d’annotations ; au hasard des calligraphies, prenant de la hauteur, l’on remarquerait au carnet une étrange asymétrie de l’encre au vélin clair, et l’on ne saurait dire si l’on y voit l’esquisse de boucles brunes, ou blondes.
Tournant page pour y lancer la mine de plomb, l’œil redécouvre le dessin sommaire réalisé quelques jours auparavant, soirée marquée de raclements de gorge et de stupéfactions, de rires clairs dispersant momentanément de plus grandes angoisses: tête, bras et jambes s’étirent de proportions négligées, hâtives, le visage neutralisé d’un vide, le pubis marqué d’un triangle sec, pressé, et les seins réduits à deux demi cercles sans même l’aumône d’un téton.
La femme selon Faust.

Sourire s’étire malgré lui et le regard coule brièvement d’une rayure tendre sur son voisin dont le visage sérieux de négociant cache de toute évidence ses grands talents de dessinateur et son autistique misogynie. Jais se posent d’un instant sur la demoiselle qui lui fait face avant de retourner à son calepin, ses chiffres, leur fils ; les ventes de volatiles n’ont d’intéressant pour Tabouret que la soustraction qu’elles offrent: Un faucon vendu, c’est cinquante poussins de moins.


_________________
L_aconit
- C'est une belle bête, oui. Il vient des volières Grand ducales de Bretagne, vous ne trouverez pas de meilleure lignée sur le territoire...

A l'instar de Lug, le lévrier hérité de son père et offert à Alphonse, les faucons hobereaux qu'avaient acquis Nicolas auprès de la Grand Duchesse de Breizh se distinguaient d'une grande vitalité et d'un appétit féroce. Cinquante poussins vivants par tête pour la seule traversée prévue en mer entre Vannes - Bordeaux et Orléans. Un enfer au nourrissage . Une nécessité absolue de les vendre en moins de deux mois.

Il tendit la main à la jeune femme en gage d'accord pour deux cent écus l'oiseau, prunelles bleues attentives aux moindres signes d'hésitations. Ferrer le client était un art que Nicolas avait bien moins développé que celui de connaitre le cours de toutes les marchandises, les affaires dans lesquelles investir et les lieux où être quand il le fallait... Quant à faire les comptes, il n'allaient pas sans une minutieuse relecture de celui qui, au delà d'être son Amant, avait vécu plusieurs vie et revêtu plusieurs costumes, du comptable de bordel au Camérier diocésain.

D'un geste léger, il avança sur la table entre eux le gant de cuir brodé, indispensable au porté de l'oiseau , comme un déclencheur d'achat qui n'avait pas été mis en avant par hasard. Porter ce gant à toute personne passionnée de beaux oiseaux, revenait à vêtir l'armure pour le chevalier. Un vêtement d'une noblesse certaine, aussi beau qu'il n'était utile à protéger, dont le cuir était surpiqué et gravé de longues arabesques claires. Le sourire félin du blond marchand s'agrandit lorsque les yeux de la jeune femme se posèrent encore sur le faucon capuchonné, il reconnut immédiatement ce regard que Plume la Bohémienne avait eu juste avant de payer le sien. Un regard d'acheteur conquis.

_________________


(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Solyaane
    Curieux hasard que le faucon hobereau fût issu d'une lignée armoricaine. Un sourire fugace traversa le visage de Solyaane, avant que ses traits ne reprennent un air d'indifférence coutumière. Le futur binôme partagerait donc des racines bretonnes ; un détail insignifiant puisque la négociation était déjà scellée avant même d'être entamée, mais la jeune femme aimait les symboliques, et croyait assez peu au hasard.

    Les yeux aux nuances d'océan croisèrent ceux, tout autant bleus, du marchand. Son sourire ne lui avait pas échappé, pas plus que le mouvement du gant qui s'était glissé entre eux, sur la table, comme une invitation silencieuse à emmener l'oiseau de proie hors de cet endroit fermé. Elle se voyait déjà dans les plaines, où à la lisière d'une épaisse forêt, rapace au poing et regard affûté en quête de la malheureuse victime du jour. Il lui tardait de renouer avec le sentiment d'exaltation que seule la chasse au vol savait lui offrir. Le décès incongru et brutal d'Hélios, son précédent faucon, l'avait attristée, imposant la perte douloureuse d'un ami qui n'avait jamais eu à s'encombrer de mots superflus pour regonfler son cœur.


      “- Je le prends.”


    Ce disant, elle extirpait déjà la somme réclamée de sa bourse, guère touchée par ce délestage financier. Pas même pour un prix plus élevé, elle n'aurait cillé. Les années avaient accumulé les richesses, mais pas éveillé une quelconque sorte d'attachement à l'argent de la part de Solyaane, qui fit glisser les écus vers son interlocuteur. Une petite voix narquoise dans un coin de sa tête lui fit remarquer qu'elle venait avec succès d'acquérir un nouvel ami, après en avoir monnayé les plumes. Elle l'ignora. Était-elle responsable de l'ennui profond dans lequel le simple fait de côtoyer ses congénères humains la précipitait ? Les oiseaux étaient des compagnons bien plus fascinants.

    Main tendue serrant celle du marchand, l’accord fut conclu. D’un geste rendu nonchalant par l’habitude, Solyaane détacha de sa ceinture son propre gant de cuir, usé par le temps, et en revêtit son bras qu’elle avança vers le faucon. L’oiseau, bien qu’affublé de son chaperon, tourna aussitôt la tête dans sa direction, lui arrachant un second sourire discret. Elle appréciait la vivacité des rapaces, et un frémissement d’impatience se glissa le long de sa peau. Il lui tardait d’attaquer le dressage.

    Politesses d’usage échangées, faucon au poing, jets liés. Il était temps de prendre congé. Solyaane salua les deux hommes d’un dernier et cordial signe de tête, et s’éclipsa. Oubliant sur la table le gant de cuir avancé par le vendeur, trop obnubilée qu’elle était par l’oiseau...
Alphonse_tabouret
La Poignée de mains rompant l’horizon pose une césure aux concentrations ; Paris relève le museau à la vente conclue, et épouse d’une attention les gestes qui célèbrent un départ proche..
Sur le bras de Solyanne, l’oiseau aveuglé de son capuchon fait son nid de quelques pas vifs, assurés; a-t-il deviné qu’il ne retournera pas à la volière, qu’à compter de ce jour, il ré-apprivoise les airs ? Liens se nouent de cuir, d’intuitions ; jais s’attardent sur le crâne aviaire qui pivote par saccades, d’un intérêt à un déplacement d’air, ou à un son assez bruyant pour percer le calfeutrement du cuir aux ouïes, finissant par gagner la silhouette de la demoiselle qui, argent posé en guise d’échange, les salue d’un regard éclairé.

Bonne fin de journée demoiselle.

Politesse contre politesse, la banalité des usages rend service à toutes discussions que l’on n’attarde pas ; quand elle ne tend pas un pont aux gens que l’on aime, elle congédie sans aucun regret.
La silhouette les a à peine quittés qu’Alphonse glisse le résultat de ses rechercher d’un carnet ouvert entre eux. Messes basses qui ne le sont pas assez, à la quiétude du bateau, pampres d’intimité ont grimpé aux angles celluloses et l’on ne prête pas attention au gant qui est resté sur la table ; étape terrestre nourrit des rêves de multiplications, un point d’encre sur une page vierge, et y rêver, un peu, c’est l’accepter, déjà.


Trois retours, commence-t-il.

Melvil est né d’une seconde abrupte, tranché au ciel de Bretagne et nourri du ressac d’une première nuit sur l’eau. Succession d’instants que l’on ne vit qu’une fois, son existence à elle seule soumet l’esprit aux pragmatismes les plus nets ; si sa venue au monde s’est écrite jusqu’à l’âme, fœtus a déraciné à ses doigts translucides chaque pousse de romantisme pour ne laisser fleurir que le sens commun des affaires de ses pères.
Il faut un ventre pour faire un enfant, il faut s’enfoncer dans un ventre pour faire un enfant, il faut y aller chacun si l’on ne veut pas savoir qui en est le père ; envie a posé ses cadres, ses espoirs en même temps que ses limites : Il faut un ventre et un contrat.


La première ne me plait pas beaucoup. Elle est jeune, trop, quinze ans. Saintent lui vante des hanches faites pour la maternité et des seins comme des mamelles, mais elle n’a jamais eu d’enfants avant… Je crains pour ma part qu'une grossesse soit assez délicate à gérer sans y ajouter les angoisses et les humeurs d’une jeune fille...
La seconde a 26 ans, veuve, un enfant déjà, actuellement domestique dans une famille de petite noblesse. Tuvres dit qu’elle a un grand besoin d’argent, que son mari l’a laissé avec des dettes colossales et que si l’on assure les frais de bouche pour eux deux durant la grossesse, elle se contenterait de 8000 mille écus.


Au-dessus des équations, Melvil écoute, d’un air sage, embryon de rien pourtant concerné. Utopie, il ne se forge qu’aux aspérités les plus acérées de la réalité ; pour monnayer son ventre à des inconnus, en accepter les conditions de conception et s’y taire à jamais, il lui faut une mère empêtrée de désespoir, vénale, ou comme lui, tombée du ciel.

La dernière est nourrice. Moins de trente ans, nordique, quatre enfants déjà, tous des garçons, jamais le même père. Elle a quelques projets de commerce et estime son expérience et son expertise à 15000 écus plutôt que 10000.
Garmet et Huquart n’ont pas encore répondu, quant à Torel, il dit n’avoir rien trouvé encore de convenable, qu'il donnera nouvelles le mois prochain.


L’art odieux des marchands de l’ombre consistait à ne jamais déprécier une vente parce qu’elle était répréhensible, immorale ou dangereuse ; chaque marchandise quelle qu’elle soit se devait d’être l’objet d’une quête rigoureuse, d’un professionnalisme absolu ; bouche à oreille était le seul carnet d’adresses de ces gens-là.
Les doigts trainent autour du godet de vin quand le regard remonte cueillir les bleus d’un sourire, l’un de ceux qui gomme la folie d’une envie pour l’assurance d’un chemin.

Faisons un premier tri : Si tu étais un petit garçon à naitre, laquelle des trois voudrais tu que tes pères t’achètent ?
_________________
L_aconit
Ah, si toutes les clientes étaient ainsi. Celle ci n'avait même pas mégoté sur le prix... Sitôt écus et deniers en poche, cliente saluée, Montfort retrouve le moelleux d'un siège sans âge et s'y laisse avaler dans un léger soupir d'aise sans même plus vraiment y penser. Quelle longue journée. Gagner Orléans n'avait pas été une sinécure. Bateau coincé par la crue du fleuve, ils avaient chevauché longuement pour retrouver le jeune valet perdu et pour gagner la Capitale Orléannaise . Mais la promesse d'une auberge accueillante , d'un repas de mouton chaud - en trois façons - et d'un baquet pour se laver autrement qu'en toilette de Chat avait égayé les humeurs. Les écus qu'il fit miroiter au tavernier pour boire et manger achevaient le tableau; ils étaient arrivés.

L'oreille se tend tandis qu'il compte son argent. Les yeux savent sans même aller regarder ce que Alphonse observait un peu plus tôt, guidés par l'esgourde. Le vestige de leur conversation surréaliste: la Femme selon Faust.

    ______________________________


    Alphonse Tabouret extirpe mine de plomb et la pose devant Faust avant de remplir leurs verres.

    - Dessine moi ce que tu sais d'une femme.

    L'aconit reste un instant sur la mine de plomb. Ah.

    - Anatomiquement parlant...?
    - Oui. Disons, tout ce qui te semble pertinent de savoir. Anatomiquement parlant.

    L_aconit saisit la mine et cherche l'inspiration. Partie on ne sait où. Rapidement, griffonne ce qui ressemble à une paire de seins.

    - Seins. allaitement.

    Il occulte donc totalement le plaisir. Alphonse avise dessin, d'un air concentré. Montfort dessine à la suite, le ventre, le nombril.

    - Ventre, grossesse...

    Il dessine l'embouchure d'un pubis, un Y maladroit.

    - Pubis. Enfantement.

    L'aconit repose la mine de plomb. C'est à peu près tout ce qu'il sait d'une femme.

    - Voilà.
    - Bien...

    Faust Nicolas le regarde, museaux jumeaux, d'un sourire timide qui sait bien qu'il n'a pas toutes les données.

    ______________________________


Prévenant, l'amant avait souhaité s'assurer que le jeune Montfort savait les quelques détails essentiels de la physionomie féminine... Force était de constater que les femmes dans la vie étaient vaguement plus différentes que dans les livres d'anatomie . Pleines de mécanismes nébuleux, de boutons poussoirs inattendus, s'il en était ressorti avec une certitude, c'était celle que ces créatures là étaient plus compliquées encore que tout ce que son imagination l'avait poussé à supposer... Il n'était peut être pas un pur hasard que la première fois où il avait été confronté de très près à l'une d'entre elle, soit un jour où il s'échinait sur les mystères des mécanismes de serrures à pennes..


- Celle qui saura me tenir chaud jusqu'au bout et respecter l'accord. Le reste-importe-il vraiment?

Dit-il en se servant du cruchon apporté.

- Dix mille me parait être un prix correct pour porter un enfant. Jeune, veuve, trop de fois occupée, qu'importe. Pourvu qu'elle soit supportable en compagnie... La trouver dans le mois implique une grossesse pendant le voyage à Alexandrie.

" Neuf mois d'une vie et un silence à jamais". Oui, là était peut être le seul point de divergence des deux hommes quant à la future mère. Si Alphonse tenait à la garder près d'eux tout au long de sa grossesse pour s'assurer du bien de l'engeance à venir, tout du moins la loger à portée, Faust lui s'exaspérait de devoir tenir le crachoir à une femme pendant neuf mois. Et la trouver dans le mois impliquait donc, le huis clos d'un long voyage en bateau vers Alexandrie lors de l'été...

- Qu'elle soit agréable en compagnie. Je suis certain qu'il voudrait cela aussi.

Gorgée avalée, les bleus viennent aux noirs comme de longues paraphrases.
_________________


(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Bétail serait abordé de la même façon.
Le pragmatisme de l’un trouve en écho les angoisses de l’autre et réunit le jeune couple autour d’un postulat tacite que l’on pense gravé pour le savoir partagé. Tabouret est méticuleux ; là où Faust souhaite que l’animal sache se tenir, Alphonse en examine les dents et il ne lui vient même pas à l’idée de considérer la relation à d’autres auspices que celle règlementée d’un employé à son employeur : un temps donné, un but, une façon de faire, le tout rétribué d’une belle somme d’argent, un CDD dont l’encre n’admet pas un seul instant la possibilité d’y trouver une âme au-delà du service vendu.

Le reste importe. Une première grossesse est souvent plus angoissante, plus stressante que les suivantes puisqu’il s’agit d’une découverte. Seize ans, elle sera juste formée, n’aura jamais servi…

Bovidé de la race Charolaise.

Comment savoir qu’elle peut supporter une grossesse, qu’elle les fait en bonne santé ?... Et puis, te vois-tu palier aux humeurs d’une adolescente de seize ans au ventre plein? Elle ne sait pas ce que c’est qu’un enfant, le tenir dans ses bras en le sachant à soi… Elle pourrait s’y révéler à l’accouchement et créer plus de problèmes qu’autre chose…

Point besoin de ruban pour mesurer la taille au garrot : trop fine, trop incertaine.
Bovidé de la race Aubrac se souligne, et Tabouret y va d’un commentaire à la couleur de la robe, sans s'y arrêter .


Je n’aime pas traiter avec les gens dans le besoin quand un secret est en jeu… L’on ne sait jamais le cours du prix de la loyauté auquel ils sont soumis ...

Bretonne pie noire, dernière en lice, est considérée d’un œil plus doux que les autres.
Payer plus ne me dérange pas. Voilà quelqu’un qui marchande ses services car elle les estime de qualités, cela me plait… Bien sûr, la somme est considérable mais cela se réfléchit posément… Déjà mère, prête à louer son ventre contre de l’argent et ayant un projet à faire bâtir avec. C’est quelqu’un qui a tout à gagner à nous aider… Et puis, blonde, c’est une chance de plus qu’il ait tes cheveux plutôt que les miens…


Couple homosexuel cherche ventre 20-30 ans
pour saillie discrète moyennant rétribution de 10 000 écus.
Les employeurs souhaitant remettre au hasard la paternité
de leur progéniture, il conviendra que le ventre soit honoré
par chacun d’eux un nombre égal de fois, jusqu’à officialisation de la gestation.
Logé, nourri, blanchi, place assurée aux voyages entrepris durant les neuf mois de contrat.
Bonne santé obligatoire, pondération demandée, expérience exigée.
Rousse s’abstenir.



Épeires à leurs godets regrettent l’abri providentiel du mess où les gestes se tissent de spontanéités ; là un baiser, là une caresse, là un mot tendre que l’on ne chuchote pas.
Le poids des choses se devinent jusque dans les prunelles claires, tantôt flottant d’un rêve, tantôt chahuté de réalités, et voix basse tache de l’emporter d’un sourire en coin, conquis d’une image qu’il a déjà pensé cent fois.


De jolies boucles blondes avec de grands yeux noirs.
_________________
Solyaane
      “- Toi non plus, tu n’aimes pas la foule, n’est-ce pas ?” murmura Solyaane, frôlant son nouvel acolyte du regard.


    Dans les rues de la capitale orléanaise, l’agitation régnait. Les passants se bousculaient d’un pas pressé, quelques-uns allaient à cheval, un autre criait sur un âne qui s’obstinait à n’avancer qu’une fois sur deux, tirant une charrette chargée de blé. Certains remontaient en frissonnant leurs cols pour se protéger du vent encore froid. L’hiver, saison dont tant se plaignaient, mais qui apparaissait toujours comme un repos salvateur pour la jeune fauconnière qui, à l’inverse, fuyait l’été et son soleil de plomb.
    Ignorant les yeux curieux qui déviaient vers cet incongru binôme en plein cœur de la ville, Solyaane se fraya un passage dans la masse diffuse des flâneurs. Sur son poing serré, le faucon tournait nerveusement la tête à droite et à gauche, comme s’il tentait de capter la source de tout ce vacarme. Aveuglé, entravé et précipité au milieu d’un environnement qui n’était pas le sien, il ne pouvait s’en remettre qu’à la main qui avait échangé des écus contre ses plumes.

    Il lui fallut quelques mètres et le constat que le cuir s’abîmait sérieusement pour réaliser son oubli. Le gant ! Celui, en parfait état, que le marchand avait posé entre eux au moment de l’accord. Sifflant un juron entre ses deux serrées, elle fit aussitôt volte-face et revint d’un pas vif vers la taverne pour les retrouvailles avec la douce chaleur de l’intérieur. Regard circulaire parcourant la pièce, Solyaane repéra sans mal les deux hommes dont elle venait de prendre congé. Ils étaient encore là.
    Elle s’avança vers eux plus lentement, rechignant à interrompre la discussion dans laquelle ils étaient absorbés. Habituée à passer inaperçue, elle ne s’étonna guère de pouvoir s’approcher sans qu’ils ne relèvent son retour.
    Mais les bribes de conversation l’intriguèrent suffisamment pour l’empêcher de les couper tout de suite. L’homme aux cheveux d’argent venait d’évoquer un voyage à Alexandrie, et son comparse brun exposait sur le ton de l’expertise les compétences de quelques femmes pour… enfanter ?

    Quelques mots, surtout, achevèrent de piquer la curiosité de Solyaane. Qu’il ait tes cheveux plutôt que les miens. Elle ne put s’empêcher de les observer, à la dérobée, néanmoins incapable de définir ce qui la poussait à croire que ces deux-là désiraient une descendance qui aurait leurs traits. Elle avait forcément mal interprété, elle se faisait des idées et puis, tout cela ne la concernait pas.

    Mal à l’aise dans ce rôle d’espionne indésirable, elle finit par s’éclaircir la gorge, espérant que son intrusion semblât assez naturelle pour ne pas avoir l’air de les épier sans vergogne.


      “- Hum… Excusez-moi. Je… désolée de vous déranger, mais j’ai oublié… le gant.”


    D’un geste maladroit, elle désigna l’objet posé sur la table.


      “- Enfin, s’il est inclus avec le faucon. Il m’en faudrait un neuf, à vrai dire.”


    Les prunelles d’acier froid passèrent tour à tour sur les deux marchands, espérant qu’ils ne remarqueraient pas qu’elle avait attendu un peu trop longtemps pour intervenir, lui donnant l’occasion d’en apprendre davantage que nécessaire sur une potentielle rémunération pour un ventre.

    Ce fut à cet instant précis qu’une idée absurde lui traversa l’esprit, aussitôt chassée d’une pensée agacée. Ce n’était pas un cas de figure à envisager.
    Et pourtant.
    Solyaane avait les cheveux sombres de l’un, et les yeux bleus de l’autre.
L_aconit
Parle plus bas car on pourrait bien nous entendre
Le monde n'est pas prêt pour tes paroles tendres
Le monde n'est pas prêt pour nous
Il dirait tout simplement que nous sommes fous.*


Alphonse savait vêtir de velours ses plus bas instincts, ses plus primaires désirs, ses plus humains défauts. Tel étaient les lois de l'homme qui voulait s'assouvir. Prêt à y mettre le prix, pourtant pas à y assouplir ses exigences. Proches l'un de l'autre sans pour autant paraître se toucher, un pied se posa sur un autre, et les deux hommes échangèrent un geste presque anecdotique, coulant au verre le vin qui trompa toute proximité.

Parle plus bas mais parle encore
De l'amour fou de l'amour fort
Parle plus bas car on pourrait bien nous surprendre
Tu sais très bien qu'ils ne voudraient jamais comprendre.*


L'un n'aimait pas les femmes pour ne pas les connaitre, l'autre les avait abandonnées de les avoir justement bien trop connu. Leur pantomime s'exécutait toujours à la perfection en tout lieu, de fait qu'à moins de les surprendre dans l'échange d'un imprudent baiser, il n'était pas possible de s'imaginer l'inimaginable . Alphonse et Faust Nicolas n'étaient que "deux amis". Deux amis qui germaient des rêves aux graines de leurs libertés respectives. Deux amis qui ce jour là, la tête trop aux songes, en avaient oublié de baisser le ton.



    ______________________________


    Alphonse Tabouret désigne le pubis.

    - J'imagine que tu sais qu'il faut la mettre ici.

    Nicolas rit fort.

    - Alphonse, putain, arrête...

    Il rougit aussi sec. Parait-il si ignare?Alphonse étire sourire, pousuivant , docte.

    - Même si nos essais auront tout de mécaniques, l'on ne peut pas vraiment prendre une femme aussi simplement que cela.
    - C'est une forteresse, c'est ça?

    L'Aconit s'accoude, observant le dessin comme on étudie un plan d'attaque.

    - Oui, il y a de cela... Du moins, l'on pourrait, mais... Cela nous amenerait sur un chemin compliqué...
    - mmh mmh..
    - Il faut d'un point de vue tout à fait pragmatique, agrandir l'entrée pour y entrer...

    L'Aconit déglutit.

    - Pour qu'elle n'y ressente ni douleur ni gêne, une femme doit être un minimum excitée...
    - Comme un homme, en somme.

    Alphonse poursuit, concentré, posant main sur celle du blond.

    - Quand je mets ma langue, puis mes doigts, puis...
    - Exactement... Ah Dieu, cesse!


    Nicolas fait une bulle.

    ______________________________


La voix dans son dos vint se glisser comme une lame froide contre son échine. Les yeux de Nicolas coulèrent longuement sur son vis à vis, pétrifiés et glaciaires. Déterminant face à ce reflet masculin la gravité de leur imprudence. Tout aussi lentement, comme embourbé d'un effort catalysant toutes ses forces, il rassembla un masque de fausse sérénité et laissa sa main glisser mécaniquement sur le gant. Il était bien là. Entre eux.

    Putain de gant.


Les doigts pâles se refermèrent dessus tandis qu'il se retourna sur leur cliente et se leva, pour lui faire face, dans un long silence blême. Lui tendant son bien.


Pour toutes les violences, pour toutes les humiliations subies,
pour son corps que vous avez exploité, pour son intelligence que vous avez piétinée,
pour l'ignorance dans laquelle vous l'avez laissée, pour sa liberté que vous avez niée,
pour sa bouche que vous avez fermée, pour ses ailes que vous avez coupées...
Debout messieurs!
- Auteur inconnu -


*Dalida
_________________


(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Elle a entendu.
Certitude ne prend même pas la peine d’un frémissement avant de mordre la chair : elle a entendu et le postulat grave ses lettres d’une encre de plomb, coule aux veines d’une mauvaise note, et s’insinue au-delà des os jusqu’au spongieux de la moelle, l’y glaçant d’une fracture nette et cassante.



Tu étais d'une beauté étourdissante
Des oiseaux nous chantaient leur mélopée
Et nous vivions heureux dans la canopée


Elle a les yeux bleus, Alphonse ne l'avait pas remarqué et cela l’interpelle d’un reproche personnel, automatisme des inspections marquant à l’anecdote la partialité d’un jugement. Ils ressortent, billes claires sur un visage pale, et à l’instant, les regardent l’un-l’autre d’un voile troublant la sérénité d’une parenthèse Guèdes à noirs, l’on saute au précipice d’une même suspension et l’on dévale les vertiges des chutes funambules d’une densité noyée. Rien ; pas d’aspérités, pas d’imagination, pas de réflexe salutaire, seulement le vide coupable des conversations surprises, la calcification des espoirs qui semble alors éternelle et enlise la gorge d’un silence fautif.

La silhouette de Faust s’est étirée sans un bruit, mur dressé d’un instinct entre l’épingle et la bulle, père en devenir refusant d’une autorité muette la mise à mort d’un songe, et au gant qui se tend, Alphonse devine l’ordre aphone dispensé par le gel opaque des bleus à leurs échos océaniques : Pars. Pars à jamais.
A d’autres temps, à d’autres gravités, Patrocle en tomberait à genoux d’une ferveur; n’est-il pas beau, Achille lorsqu’il protège sa famille, n’est-il pas magnifique quand il s’interpose entre le monde et eux ?


D’autres temps, d’autres gravités ; possibilités se désagrègent d’une vérité et tend à la coupe de ses mains, une gorgée d’eau au Présent.



Créature de raisons, Tabouret ne tolère pas l’à peu-prés, l’approximation et moins encore le parfum des éventualités, et tandis que Faust exige, auréolé d’un silence qui chasse, d’une paume ouverte, rare, il contredit :

S’il vous plait…

Voix grave a perdu le ciselage des songes communs pour n’y laisser que l’austérité de la discussion à venir ; elle a entendu, ils le savent tous les deux, et Paris l’accepte: la main désigne l’espace occupé jusqu’à peu et dont on a trop vite oublié les contours de la présence quand les jais s’égarent brièvement à la surprise de l’amant d'une froide sérénité.

L’on ne compte pas sur le silence de quelqu’un que l’on ne connait pas.
L’on ne renvoie pas celle qui a votre nom et votre existence sur le bout de la langue. Vie ne ressemble en rien aux accords tacites des belles rencontres, s’y grise au contraire de courants, de vagues et de cyclones aux moindres variations ; le danger ne s’affronte jamais d’un dos tourné.
Ils ont sept ans d’écart, l’âme bariolée de cicatrices, et depuis peu le gout des rêves uniques; pour cela, Alphonse en est convaincu, l’on ne s’en remet à personne.



Asseyez vous.


Il en faut peu pour toi et moi
Prenons racine dans les bois
Enfants naïfs ou hors-la-loi
Les pieds plantés dans un ruisseau
Écoutent chanter ce drôle d'oiseau
Il nous invite un peu plus haut
À partager nos idéaux
Canopée, Polo et Pan

_________________
Solyaane
    La main qui n’était pas repliée en un poing offert comme perchoir au faucon se referma sur le gant. Les yeux bleus du marchand n’avaient plus la courtoisie des échanges passés. Le message était assez clair. Sourire crispé au visage, Solyaane articula un “merci”, et reculait déjà d’un pas pour disparaître loin du binôme. C’était l’évidente injonction que lui criait ce regard qui la toisait.
    Mais l’autre homme en avait décidé autrement. Celui qui n’avait guère participé aux discussions précédentes, si ce n’était pour les salutations d’usage, faisait enfin entendre sa voix. Pour lui demander de rester, et s’asseoir. Avec eux ? La jeune femme les dévisagea une nouvelle fois, tour à tour. Ordres contradictoires étaient donnés.

    Elle hésita. Il semblait assez aisé de refuser et de partir sans demander son reste. Et les amants surpris n’entendraient plus jamais parler d’elle.


      “- Je ne…”


    Quoi ? Je ne veux pas déranger ? Trop tard. Solyaane réprima un soupir et tira la chaise encore tiède qu’elle venait de quitter pour s’y laisser tomber. Retour à la case départ. Il ne servait à rien de perdre son temps à leur opposer un non ; ils insisteraient.
    Avants-bras posés sur la table, gant remis devant elle, à sa place initiale, elle joignit ses mains, gardant les liens du faucon serrés entre ses doigts, et planta son regard océan dans celui, plus obscur, de l’homme aux traits encadrés de mèches brunes. Plutôt que d’attendre leurs reproches, elle préféra les devancer.


      “- Ecoutez, je ne suis pas là pour vous attirer des ennuis. Vos affaires ne me concernent pas, et ne m'intéressent pas vraiment non plus.”


    Pas la peine de nier ce qu’elle avait entendu. Si elle avait vu juste, elle comprenait qu’ils s’estiment menacés par une inconnue dont l’oreille indiscrète avait capté des bribes d’informations beaucoup trop personnelles. Mais de là à les en convaincre, c’était une autre paire de manches.
L_aconit
    Philtatos,Voulais-je être comme toi? Voulais-je être toi? Ou voulais-je seulement t'avoir ? Ou être et avoir sont-ils des verbes totalement inadéquats dans l'écheveau du désir, où avoir le corps de quelqu'un à toucher et être ce quelqu'un qu'on désire toucher sont une seule et même chose? Que les rives opposées d'un fleuve qui passe sans cesse de toi à moi et de moi à toi, en ce va-et-vient perpétuel où les chambres du cœur comme les pièges du désir et les leurres du temps, et le tiroir à double fond que nous appelons identité, obéissent à une fausse logique selon laquelle la plus courte distance entre la vie réelle et la vie non vécue, entre qui l'on est et ce qu'on désire, est un escalier trompe-l'œil conçu avec l'espiègle cruauté d'un Escher ? Quand nous sépareront- ils, toi et moi, Alphonse? Et pourquoi le savais-je, et pourquoi ne le savais-tu pas ?



Les yeux bleus se turent à l'impératif déguisé en invitation d'Alphonse. Le coeur continua de cahoter d'une intolérable indécision. Il l'invitait. Fallait-il rester là, roid et manche, à écouter ce qu'il pourrait bien lui servir , ou bien prendre congé pour se liquéfier plus loin, contre un mur pour l'appui d'une main, à l'abri des regards?
Nicolas suivit la course de ce corps féminin prenant place à leur table d'un oeil atone, qui finit sa course sur la face brune, à la recherche des intentions Faunes.

Parfois, parfois seulement, Nicolas observait le sang froid du parisien d'une discrète sidération. Ce jour servit à l'exemple. Étouffant dans l'oeuf la crainte qui paralysait sa langue, il reprit place à leurs côtés et fit signe au tavernier. La première bouteille qui serait posée à table lui tiendrait lieu de verre. Les femmes qui se plaçaient entre eux tendaient toujours trop sérieusement les cordes de ses angoisses. Billes bleues revinrent s'ancrer à cette passagère clandestine, détentrice malgré elle de quelques vérités dont il espérait qu'elle ne sache que faire. Femme devint le centre de son attention, le centre de sa curiosité rétive, le centre de toute leur soirée.

Bien sûr que non. Vous n'allez pas nous attirer d'ennuis. Combien vous faut-il? Aurait-il demandé si Alphonse ne semblait pas tenir les rennes de la situation comme personne.




    ______________________________

    - Il n'est pas question de faire jouir notre ventre, c'est là le cadet de mes soucis... Il s'agit que cela se passe bien. L'on dit qu'elle mouille...
    - Comme un bateau au port?

    L'aconit arque un sourcil. Alphonse rit doucement.

    - Non, non... Quand elle est excitée, une femme produit une sorte de lubrifiant...
    - C'est vraiment laid, comme terme...

    Montfort ne peut pas s'empêcher d'y aller de son commentaire.

    - Mais pratique.
    - Ma foi, c'est tout à fait ce que cela est... C'est cela qui permet à la queue de venir sans mal à l'intérieur.
    - Soit.
    - Il faudra probablement... Qu'elle soit un peu excitée...
    - Ah. Mmh. Mhh.

    L'aconit a pris son menton dans ses doigts. Pli au front. Alphonse tourne museau blond vers lui.

    - Je n'y mettrai pas les doigts, toi non plus, elle le fera seule.

    L'aconit inspire. Soulagé.

    - Que cela soit clair, Faust, il ne s'agit même pas de baiser une femme, mais de la saillir... Nous aurons juste à jouir entre ses cuisses , chacun notre tour.
    - Ah ma doué !

    L'aconit en a un haut le coeur. C'est mal barré.

    - Je vais débander.

    Catégorique.


    ______________________________

_________________


(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Paroles des apaisements baignent à l’onde interrompue entre les trois silhouettes ; sont-elles vraies qu’elles flottent à l’œil noir de Paris, vides de sens, de réalité.
La parole d’un étranger n’a que la valeur que l’on souhaite lui donner, et Tabouret est trop pragmatique pour s’éloigner de cette vérité-là. Funambule connait les trous d’air, les vents contraires, les bourrasques qui fauchent jusqu’aux dégringolades ; poursuivre sa marche en espérant que le vent ne soufflera pas trop fort est une illusion réservée à ceux qui n’ont jamais perdu l’équilibre jusqu’à la chute.



Fractures bariolant le cœur grattent d’une démangeaison.



J’aurais aimé que vous n’entendiez rien, qu’un jour au hasard de la foule, nous vous recroisions d’une mémoire étonnée, d’une main qui se lève, vaillante mais hésitante pour vous saluer. " Ne serait-ce pas la donzelle à qui l’on a vendu faucon à Orléans? ".
Au lieu de cela, si nous vous recroisons un jour, cela sera pétris de certitudes, aiguillés d’une crainte qui reviendra après avoir sommeillé d’un instant au confort des dessous de tapis, " Celle qui sait ", à la faveur de regards qui ne tromperont ni le temps, ni la mémoire, ni nous, ni vous.
Il aura peur, moi aussi, et nos enfants aussi.

Vous êtes celle qui sait.
Vous ne vous attirez pas d’ennuis, vous êtes devenue une problématique…




Avez-vous déjà eu un secret, demoiselle ?

Voix calme se tend d’une question ; les possibilités sont réduites, autant que le temps, et l’inconnu des caractères rend aléatoire toute avancée trop brusque. Rarement agressif, aux distances précautionneuses de ses observations, Alphonse ne l’est pas plus à l’instant. Ordonné, tant dans ces colères que ses joies, il ne distribue les éclats qu’à ceux que le cœur a conquis ; aux autres, façade courtoise autant qu’appliquée est toujours offerte et Solyaane ne fait pas exception.
Une bouteille nouvelle a été posée sur la table et Tabouret laisse les doigts de Faust s’y raccrocher pour tromper la densité des secondes qui s’écoulent à leur temps commun, poursuivant :


Pour ma part, j’en ai beaucoup… Les miens, ou ceux des autres, différentes tailles, différents volumes… L’on en prend véritablement l’importance que lorsque l’on sait ce qu’ils impliquent au quotidien…


Dialogue a toujours eu la préférence aux menaces qu’il juge souvent stériles, mais Perspective plus que tout le reste , est la première valeur à laquelle Tabouret entreprend une négociation.
Il ne sait rien de celle assise en face d’eux et n’imagine rien ; pauvre dès lors qu’il faut supposer au vide, Alphonse se raccroche aux lectures qui ne mentent pas ; le point de vue de celle avec qui l’on marchande, la compréhension méthodique des enjeux au-delà des personnalités est un terreau que l’on ne peut balayer pour abréger le malaise de chacun.


Avez-vous remarqué que tous les secrets ont un point commun, quel que soit leur genre…?
Quand l’on vous en prend un sans que vous vous y attendiez, cela revient presque à vous en amputer… L’on se sent dépossédé, non ?



Museau aux ajoncs des berges mâles se tournent aux lotus ; l’œil s’est ajouré d’un sentiment et éventre la réalité d’une distinction.
Entendras-tu, Ventre, la sincérité des Rêves-garçons ?



Que feriez-vous à ma place, si après m’avoir rencontré une poignée de minutes, sans autre solvabilité acquise qu’un bonjour échangé en coin de table, j'en savais assez sur vous pour que vous vous sentiez dépossédée ?

_________________
Solyaane
    Le discours prononcé sur un ton impassible ne suffisait pas tellement à l’émouvoir. Solyaane lui prêta tout de même une oreille polie. Si elle comprenait les paroles d’Alphonse, elle ne s’y reconnaissait pas pour autant. Pourquoi avait-elle oublié ce maudit gant ?... Ses yeux glissèrent une fraction de seconde sur l’objet du délit, reposé entre les trois antagonistes, à sa place initiale. Retour à la case départ. Si seulement elle avait été un peu mon distraite, elle serait déjà loin. Au lieu de ça, il lui fallait réfléchir à des arguments qui aient assez de poids pour convaincre les deux hommes qu’ils n’avaient rien à craindre d’elle.
    Elle se redressa un peu, adoptant une posture plus confortable pour se caler contre le dossier de sa chaise. Le regard dériva encore une fois sur le marchand silencieux, avant de se rattacher à celui qui, à présent, réclamait qu’elle se mette à sa place. Que ferait-elle, si les rôles avaient été inversés ? Elle haussa simplement les épaules en guise de réponse. Parce qu’elle n’en savait absolument rien. Néanmoins, l’autre ne se contenterait pas de son indifférence, et plus vite elle s’extirperait de cette place épineuse d’étrangère qui en avait trop entendu, mieux elle se porterait.


      “- Honnêtement ? Je l’ignore. En général, quelqu’un d’autre connaît mes propres secrets bien avant que je ne sois moi-même au courant.”


    De la trahison de son géniteur à l’inceste involontaire en passant par le bûcher allumé pour sa mère, Solyaane avait eu sa dose de secrets dévoilés bien trop tard pour elle. De sordides histoires de famille, qu’il valait mieux ne pas déterrer.


      “- Je pourrais vous raconter un de mes secrets, en échange du vôtre, que l’on soit sur un pied d’égalité. Mais vous penseriez sans doute que j’invente, pour me débarrasser de vous, et rien ne pourrait vous prouver que je suis sincère.”


    Pourtant, révéler sa relation saphique avec sa propre sœur serait un excellent moyen de rétablir l’équilibre entre eux. Chacune de ces informations pouvant les mener droit à l’échafaud si elles venaient à tomber entre les mains des fous malveillants de ce monde…
    Regard en biais lancé aux alentours pour s’assurer qu’aucune ouïe indiscrète ne les épiait, cette fois, et elle reprit, d’une voix plus basse, juste assez pour n’être perçue que du couple masculin.


      “- Je ne suis pas une menace, quoi que j’aie entendu de vous. Et puis, que voulez-vous que j’en fasse ? Que je vous dénonce ? À qui, sachant que ma parole n’aurait aucune valeur face à votre influence ?”


    Nulle trace de flatterie dans ses mots, ce n’était qu’un constat élémentaire, aux yeux de Solyaane en tout cas, qui estimait n’avoir que peu de poids en comparaison d’un binôme de marchands suffisamment riches et prospères pour se permettre de claquer une dizaine de milliers d’écus dans un enfant.

    Si elle avait été opportuniste, elle aurait réclamé une confortable somme d’argent en échange de ce fameux secret, mais l’idée ne lui traversa pas l’esprit une seule seconde.
    Et si elle avait eu du courage, elle aurait pris la place du ventre à louer, non pour le prix proposé mais bien par son égoïsme de femme qui n’avait pas su garder son enfant en ce monde plus qu’une dérisoire paire d’années. Comme si porter la vie pour d’autres pouvait effacer ses manquements de mère à l’égard de son propre fils…

    Ses traits s’assombrirent un peu lorsque le visage de Dakeyras se dessina en son for intérieur, et elle interrogea, d’une voix sans timbre :


      “- Qu’est-ce que vous attendez de moi ?”
L_aconit
    ______________________________

    Alphonse les ressert.

    - Il ... faudra faire vite ... Ou bien... Si elle est à quatre pattes, tu n'y verras qu'un séant... C'est toujours mieux, non?
    - Ah oui. Un séant; ça me parle mieux, tout de suite.

    L'aconit inspire.

    - Bien, bien, nous ferons ainsi...
    - Il faudra que je ferme les yeux. Que tu te colles à moi. Ou que tu me la fourre dans la bouche.

    Faust; cru, a perdu son édulcorant naturel. Le sujet est grave.

    - Tout ce dont tu auras envie. En toi , contre toi... Je serai là, toujours.

    Alphonse pousse son verre vers lui pour l'inciter à desserrer la gorge.

    - Même dans l'oreille s'il le faut !


    Il boit le verre tendu, Alphonse y lâche un rire, main venant caresser la joue.

    - Je te dirai mille obscénités pour que tu sois raide comme une trique. Tu ne la prendras qu'au dernier moment. Quand tu seras au bord de jouir, tu me le diras et je t'aiderai...
    - Et elle? Criera-t-elle? Va-t-elle geindre?
    - Non.
    - Bien. Très bien. Bien bien.

    Montfort n'a pas l'air "bien", mais se détendra sans doute le jour où il fera connaissance avec "La" Fille.



    ______________________________


Il ne les écoute pas. Les yeux rivés sur la fille, il observe sa posture. La façon qu'ont ses lèvres de bouger, ou de rester immobiles. Ses yeux clairs changer de ton au gré des pérégrinations de deux sourcils mal décidés. Ses silences et ses mots. Il observe tout, jusque la pointe de son nez qui bouge un peu lorsqu'elle s'exprime, et ses doigts sur le gant finissant par s'y refermer.

Ainsi, c'est au delà de cette proximité de discussion de table qu'il faudra approcher une telle créature. Le pourra-t-il? Il n'en sait rien. D'ici, il sent ce qu'il pense être son parfum. Une odeur naturelle de femme. Celle dont Alphonse, comme toute autre odeur, définit souvent comme la clef d'une entente. "Passerais tu ta vie aux côtés d'une personne dont l'odeur te répugne? " avait-il objecté. Non. Assurément non. Faust ne passerait pas sa vie , ni même sa nuit aux côtés d'une personne à l'odeur repoussante. Et elle? Que sent-elle? La femme, ou elle même? Est-ce si désagréable? Se force-t-il à trancher. Une nuit avec une telle odeur, une nuit avec une telle personne, est-ce possible? Il n'en sait rien. Il sait juste qu'elle est là, et qu'il n'entend pas vraiment ce qu'ils se disent. Le ton diplomate résonne , rassurant, en fond sonore plantant le décor de ses habitudes. Mais le timbre qui lui répond lui, est tout à explorer. Ecoute-t-il seulement les femmes, quand elles s'adressent à lui? Il se pose pour la première fois la question. Il ne sait plus. N'en est plus certain. Sans quoi, il aurait remarqué que les femmes ont un timbre de voix plus rassurant et enrobant que celui des hommes. Il ne met pas bien le doigt dessus. Peut-être quelque chose de trop nébuleux pour lui qui n'a pas été bercé enfant. Pourtant, là, il le remarque.
Et c'est remarquable. Voix. Odeur.

Peut-être qu'il mesure soudain, dans un fracassant étonnement que la fille qu'il voudrait n'être qu'un ventre, ne pourra jamais l'être. Cela rend les choses plus complexes. Si complexes... Il triture ses doigts d'un geste nerveux. Les possibilités de satisfaire cette envie d'enfant que chérit tant Alphonse, et qu'il a fini par rejoindre, s’amenuisent sous le poids des contraintes qu'il redoute par ignorance.
Que remarquera-t-il ensuite? Qu'elle s'exprime avec tant d'aplomb qu'elle ne peut que représenter un genre humain protecteur, maître de ses idées, averti? Idéal pour porter et garder en son sein jusqu'à délivrance un enfant vigoureux? Qu'elle a assez d'esprit pour se protéger seule, et se sortir par la ruse ou la finesse d'esprit d'une position délicate? Il le remarque. S'en étonne presque, et s'en morigène en silence.
Oui. La fille qui portera leur enfant ne pourra, ne saura être qu'un ventre. Elle sera sans doute comme cette fille là, qu'Alphonse tient déjà d'une joute oratoire... Et si ... Et si c'était elle?

Trait d'angoisse de se tenir face à une possibilité à laquelle il ne s'est pas préparé étire un cri à l'archet de son violon. Panique s'anime d'une intervention. Enfin.


Rien ! Nous n'attendons rien. Vous ne pouvez pas être le ventre que nous recherchons.


Insensé Zèbre se roule dans ses névroses et sabote toute tentative d'une poignée de mots. Ventre, d'une évidence, elle ne pouvait être. Elle est femme, avant tout, femme pour toute définition. Alphonse avait menti. Ils ne pouvaient pas obtenir l'enfant d'un ventre sans considérer la femme qui l'enfermait. Et si les femmes étaient ainsi, si La Femme qu'ils recherchaient était ainsi, ce serait un crime ne serait-ce que d'essayer.

Alphonse, rentrons à l'auberge. S'il te plait. Elle.. Elle ne nous causera pas d'ennuis... J'en suis certain...


Dit-il en l'implorant d'une voix enrouée, les yeux restant à la femme dont il ignore même le prénom. Presque tout, si ce n'est tout, indiquait qu'aucune certitude ne s'était assise autour de cette table. Déjà Faust lui, était debout .
_________________


(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Mur transparent érige haut ses vertiges en bordure de fractures.
Tabouret reste au silence ; rien ne lui convient, sa canopée vient d’être éventrée et il n’y voit que ses horizons menacés.
La gratuité n’existe pas à de pareilles situations ; existe-t-elle seulement à d’autres ? Enfant vendu aux aspirations paternelles, automate aux qualités mercantiles, bordelier comptabilisant le poids des secrets, le monde a toujours été pour le jeune homme un océan de ferraille sonnante asservissant toute chose à son passage.
Les solutions se dissocient, rigoureuses, offrant les lignes de leur précipitation à l’esprit mathématique et chacune s’observe avec une méticulosité dénuée de sentiments, sans l’ombre d’une préférence. Tabouret énumère simplement les portes qu’il peut fermer convenablement.

Personne à cette table n’a envie d’être là et d’une solitude, Tabouret accuse le poids des mondes qui se jaugent, contraints par les circonstances. Demoiselle est seule à se savoir inoffensive et son indifférence l’accable plus que ne la disculpe ; ceux qui ne prennent pas la mesure des secrets qu’ils détiennent ont toujours semblé plus dangereux que les autres aux attentions de Paris. Ils les taisent parfois d’un oubli , les dispersent sans les savoir importants, ou selon l'humeur, y nourrissent des évidences jusqu’à les faire loi, jusqu’à l’impunité de la pensée.
A quelle race appartient celle-là
?

Rien ! Nous n'attendons rien. Vous ne pouvez pas être le ventre que nous recherchons.
Alphonse, rentrons à l'auberge. S'il te plait. Elle… Elle ne nous causera pas d'ennuis... J'en suis certain...


Pour la première fois depuis le début de cette pesante entrevue, fiel délayé à la gorge caresse le museau de la bancale silhouette lovée aux os, lui gratte les babines, sent sous doigts la forme effilée des crocs ; dans la voix de Faust, cette modulation épuisée, verdie de terreurs sourdes, piqué d’une fébrilité, l’angoisse opaque qui précipite le silence, qui supplie l’inertie de fondre jusqu’aux capitulations. Là, la pire douleur que puisse supporter un cœur amoureux : celle de ne pas avoir de baume, ni de certitudes à offrir.
Silhouette se dresse lentement tandis que la main extirpe de sa poche une aumônière qu’il ne prend pas la peine de compter, la posant au milieu de la table. Qu’elle la prenne ou pas, cela fera son bonheur ou celui du chanceux qui viendra s’asseoir après eux, cela rassurera Alphonse d’une superstition, cela justifiera tout virage à venir.

Entendu, rentrons. Au revoir Demoiselle. , cautérise-t-il sobrement

Automatisme des politesses éduquées pose malgré lui une conviction plate. L’on se reverra, fatalement ; le soleil, toujours rattache l’ombre lointaine aux collisions des corps. A l’instant, Tabouret est seulement trop affecté pour appréhender la largeur des inattendus, et qui lui en voudrait ? Le monde, dans son ensemble, s’est toujours montré désespérément prévisible aux confins prudents de ses déceptions.

Menton dessine un salut silencieux à la donzelle, courtoisie même sommaire aux rigueurs métronomes, et dos se tourne, entrainant Faust à son mouvement. La porte se ferme derrière eux, les vomissant au fracas d’une rue qu’ils n’attendaient pas ; est-ce la nausée qui musèle les gorges tandis que les pas, mécaniques, les éloignent, ou suivent ils les chiens qui fendent les pavés comme s’ils savaient où était l’auberge ?

A la vérité, ni l’un, ni l’autre ne se souviendront du chemin, seulement de cette étreinte muette, asphyxiée, blanchissant les phalanges une fois l’intimité retrouvée.

_________________
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)