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[RP ouvert] Le roman inachevé...

Terwagne
"Dites ces mots, Ma vie, et retenez vos larmes." (Louis Aragon).

Les larmes, cela faisait bien longtemps qu'elles n'avaient plus coulé le long de ses joues... Non qu'elle n'eut pas le coeur bien lourd et triste, mais parce que même cela, elle n'en avait plus la force.

Elle se sentait vide, juste vide...

Et ces deux semaines passées loin de tout, dans la solitude d'un monastère, à écouter le silence pour essayer d'entendre sa voix à elle enfin rejaillir du fond de ses entrailles, n'y avaient rien changé. Sa voix était restée muette, et les seuls mots qu'elle avait entendus hanter ses jours et ses nuits étaient ceux qui encombraient ses souvenirs...

Des mots d'amour au rouge fané...

Des mots prononcés jadis par les deux hommes qui l'avaient faite devenir celle qu'elle était aujourd'hui, cette femme perdue et désenchantée... Des mots murmurés jusque dans son sommeil par la voix d'un homme mort sur un buché, avec qui elle allait se marier avant que l'inquisition s'en mêle, et puis des mots sortant des lèvres d'un deuxième homme, qui depuis bien longtemps n'était plus qu'une ombre, un absent, pour qui elle avait abandonné ce qui était sa vie et ses rêves à elle, qui l'avait demandée en mariage, lui avait pendu au cou le bijou transmis de génération en génération par les femmes de sa famille, et ensuite semblait l'avoir oubliée, peu à peu...

Zeltraveller, son premier amour, celui qui lui avait appris à jouer de la flûte, avec qui elle avait parcouru tant de lieues, visité tant de villes, chanté dans tellement de tavernes d'un soir, planifié un mariage et une vie de troubadours, faite d'amour et d'eau fraiche, mais que les flammes de la justice avaient emporté quelques jours avant la célébration.

Hugoruth... HIM...

Celui qu'encore aujourd'hui elle aimait, plus que tout, et espérait... Hugo... Celui qui, bien plus que son premier amour, avait modifié sa ligne de destin.

Elle se souvenait comme si cela avait eu lieu la veille de leur rencontre, dans une des tavernes de Sancerre, cette ville où elle se trouvait lorsque le ciel lui avait repris Zeltraveller...

Elle se souvenait aussi de chaque étape de leur histoire d'amour : de ses fuites à elle, qui refusait de prendre le risque d'encore souffrir un jour, de ses mots à lui, de l'énergie folle qu'il avait dépensé pour la rattraper, lui donner confiance, la main tendue, attendant qu'elle y glisse la sienne... De ses déchirements à elle entre lui et Maleus le petit flutiste amoureux, de leurs querelles à tous deux, du départ de celui-ci après qu'elle aie fait son choix... De sa difficulté à elle de s'installer dans une ville sans plus en bouger, abandonnant sa vie de troubadour pour l'amour d'un noble qui allait devenir Duc de Berry et voulait l'épouser...

Duc, il l'avait été, oui... L'épouser, elle attendait toujours, elle son éternelle fiancée.

Elle avait fini par s'investir à son tour dans ce Duché auquel il tenait tellement, le Berry, devenant Maire, puis conseillère ducale, reprenant même les rênes du mouvement politique qu'il avait fondé avec ses deux cousins, après le décès de ces deux êtres qu'elle avait elle aussi aimé, presque autant que lui, et son désintérêt à lui pour la politique, suite à ces deuils pensait-elle.

La politique, le Berry... Elle s'y était investie pour se rapprocher de lui, sans doute, mais aussi pour oublier tout ce qu'elle avait abandonné pour donner une chance à leur histoire d'amour de vivre, de grandir, de tenir, malgré tout ce qui les séparait à la base, lui le noble attaché à sa terre et sa famille, elle la troubadour sans attache, sans famille, qui ne rêvait que de vent et de routes.

La politique, le Berry... Elle y avait reçu des coups, forcément, comme d'autres avant elle, comme d'autres après en recevraient, et elle avait espéré qu'il l'épaulerait, la soutiendrait, lui qui avait traversé tout cela bien avant... Mais cela n'avait pas été le cas, pas même lorsqu'elle avait été victime d'un "accident" dans une des mines et avait failli y mourir... Hugo n'était plus qu'une ombre, un absent, trop pris par ses procès à la cour d'appel et ses ambitions pour faire attention à quoi que ce soit d'autre.

Elle, elle espérait... L'aimant, comme au premier jour, souffrant de plus en plus pourtant.

Et puis, il y avait eu ce voyage, ce déménagement pour Vienne qu'il avait voulu, afin d'aller retrouver sa famille à lui, les enfants de son défunt cousin, Anne et Gabriel, où, disait-il, ils pourraient tous deux construire quelque chose enfin, loin du Berry et de l'ambiance haineuse qui y régnait envers les Cornedrue, dont elle faisait presque partie.

Elle avait une fois encore abandonné tout, ses terres, sa taverne, sa fonction de Diacre, pour le suivre, espérant... Espérant follement que là-bas tout redeviendrait comme avant, qu'elle retrouverait le Hugo qui l'aimait.

Mais rien n'avait changé...

Depuis qu'ils étaient arrivés, il y avait de cela des semaines et des semaines, pas le moindre signe de vie de sa part... Il n'avait pas le temps, il était occupé à Paris, il continuait à n'être qu'une ombre...

Une ombre qu'elle aimait, et qu'elle espérait voir reprendre vie un jour... Une ombre qu'elle attendait, se disant qu'un jour, enfin, il se souviendrait d'elle.


"On se refuse longuement
De n'être rien pour qui l'on aime
Pour autrui rien, rien par soi-même
Ça vous prend on ne sait comment..."
(Louis Aragon)


La Dame de Thauvenay, cela ne l'avait pas encore prise...

Assise sous un arbre, comme elle aimait à le faire avant sa rencontre avec Hugo et le véritable amour, elle se demandait à quoi remplir ses jours et ses nuits, en attendant le réveil de celui qui détenait les clés de son coeur, le souffle dont elle manquait, le soleil dont elle avait besoin... Celui qu'elle aimait au point de se perdre...

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Thorvald_
"De la femme vient la lumière."*


Thorvald parcourait paisiblement la campagne, à la recherche d'un chaton qu'une amie lui avait confié en garde. (C'est que les animaux ne sont pas acceptés au couvent). La bête était reconnaissable à sa blancheur immaculée, à son collier de soie rouge, et à l'inoubliable parfum de la dame qui avait imprégné son duvet de bébé.

L'homme n'était pas pressé. L'enfant chat reviendrait, taraudé par la faim, certainement. Il marchait donc lentement, veillant surtout à ne pas l'écraser de ses énormes bottes noires. C'eût été fâcheux. Salir de si jolies bottes, finement travaillées, délicatement ourlées d'un pli qui retombait en une négligence feinte, donnant à sa jambe une grâce certaine. Et je ne vous parle pas de leur prix ...

Accessoirement, c'eût été fâcheux d'occire cet enfançon, et par là même se fâcher avec sa propriétaire dont les pleurs seraient des plus malaisés à tarir. Même pour un homme comme Thorvald, qui parvenait au bout des peines avec aisance et désinvolture, à force de patience et de fines attention. Mais pour la perte de ce chat, qui provoquerait à n'en point doute des torrents de larmes, le colosse n'était pas sûr de savoir faire des miracles ...

Bref, l'homme cherchait son chat. Sa carrure impressionnante se découpait dans l'aube aux teintes mauves. Au-dessus de ces fameuses bottes, il portait un habit pourpre dont la veste était demeurée ouverte, laissant l'air matinal s'imprimer sur sa chemise blanche. Quoi de mieux que la fraîcheur des premières brumes pour éveiller le corps au sortir de sa nuit ... qui fut courte. A ce souvenir, il passa sa grosse paluche dans sa chevelure brune, laissant deviner un éclat doré à son oreille. Le parme du ciel joua un instant dans le gris de ses yeux : il avait aperçu quelqu'un au pied de l'arbre.

Quelqu'un qui peut-être avait croisé le chat ?

Il devina au regard mélancolique de la jeune femme, que le petit vagabond serait le dernier de ses soucis. D'ordinaire, il laissait le spleen enserrer les âmes, jusqu'à l'excès, avant de tendre une main salvatrice, ou de passer son chemin. Craignant de s'y perdre avec elles peut-être ... Mais ce matin-là, quelque chose dans l'attitude, dans le port de tête peut-être, quelque chose d'altier et d'aérien à la fois, le poussa à s'approcher plus que sa raison ne le lui dictait.

Dame ...

Il la laissa sortir de ses pensées, veillant à ne pas lui provoquer une peur bleue. C'est que l'homme était imposant, inquiétant peut-être à croiser dans une campagne déserte. La voix s'était faite douce, quoique toujours aussi profonde et grave.

N'auriez-vous point croisé un tout petit chat blanc ?

Il avait accompagné ses dires d'un geste des doigts, mimant la mesure de la bestiole. Vraiment petit.



(*Louis Aragon)
Terwagne
"Il n'y a pas de lumière sans ombre." (Louis Aragon)

L'ombre... Les ombres...

Celles de son existence, celles qui sans relâche hantaient le théâtre de ses pensées, là où des marionnettes ayant pour noms souvenirs, regrets, questions, se disputaient le devant de la scène, dans un vacarme assourdissant bien qu'audible d'elle seule, laissant de moins en moins souvent venir s'y balader les figures de l'espérance et de la confiance en l'avenir...

Ces ombres, elle ne parvenait même plus à les faire disparaitre par la force de sa pensée, ne serait-ce qu'un instant, et lentement, sans peut-être en avoir encore bien conscience, elle empruntait le chemin qui elle même la ferait devenir une ombre... L'ombre de ce qu'elle avait été, l'ombre de celle qu'il avait aimée, l'ombre de celle qu'il avait trouvée si rayonnante jadis.

Jadis...

Jadis, elle jouait de la flûte, envoyait dans les airs des notes qu'elle écoutait non pas mourir, mais s'endormir sur une vague de vent, joignant son instrument à la mélodie si douce et parfaite que fait le vent lorsqu'il caresse les feuilles des arbres, et que les demoiselles chamarrées de vert en frissonnent de plaisir.

Sa flûte, elle la regardait encore parfois, glissée au fonds de sa besace. Quelques fois, elle allait même jusqu'à l'en sortir et la poser contre ses lèvres, mais aucun son n'en sortait plus.

La musique était devenue silence... Un silence bien trop lourd...


"Le silence a le poids des larmes." (le même)


Plongée dans sa solitude, les épaules calées contre l'arbre qui lui tenait lieu de compagnon de chagrin et dont les branches courbées comme par le poids des ans semblaient vouloir rejoindre les racines en se penchant vers le sol, la Dame de Thauvenay avait bien peu conscience que le monde autour d'elle bougeait, vivait, et que d'autres voix que celles de son passé risquaient de venir la troubler...

C'est sans aucun doute pour cette raison qu'elle mit un temps certain à relever la tête en direction de celui qui venait de s'adresser à elle, et plus encore à comprendre de quoi il parlait.

Tandis que ses yeux remontaient le long du corps de l'homme, parcourant lentement sa tenue comme pour se faire une idée du genre de personnage à qui elle avait à faire, Terwagne fit glisser sous elle sa jambe gauche, prenant dans le même temps appui avec sa main droite sur le tronc, et se releva lentement.


Un chat? Et bien... Non, je n'ai pas croisé de chat, désolée.

Ni un blanc, ni un noir.
Pas même un gris, malgré la nuit...


Il ne comprendrait sans doute pas pourquoi elle avait dit cela, mais peu importait. Rien n'importait, de toute façon, pas plus la poussière qui devait couvrir l'arrière de ses braies à elle, que son nom à lui.

Pourtant, en croisant son regard, elle sembla se souvenir au moins un peu qu'elle n'était plus une troubadour, mais bien une dame quelque peu noble, et que l'usage voulait que...


Pardonnez-moi, je ne me suis même pas présentée. Je suis Dame Terwagne...

Ôtant nerveusement un minimum la poussière présente sur sa tenue, qui était pour ainsi dire uniquement composée de rouge et de noir, mis à part la chemise, elle détourna le regard, semblant chercher comment revenir à sa recherche à lui.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Thorvald_
Tout en parlant, Thorvald avait dégagé les branches tombantes pour pénétrer dans le paisible halo de verdure.

Il savait qu'à pareille heure, au pied d'un arbre solitaire, on ne pouvait que se laisser voguer au gré de son âme, et rêver à des cieux plus cléments. (Quand on ne cherchait pas un chaton fugueur). Qu'il trouverait là idéaliste ou romantique en peine, plongée dans la contemplation des dernières étoiles. Il fut néanmoins déconcerté par le contraste des yeux rougis avec l'allure de la dame. Elle avait quelque chose de déterminé et d'implacable dans le regard. Et son geste nerveux sur le tissu vint confirmer sa sensation qu'elle tairait son histoire, comme si elle bâtissait rapidement entre eux une forteresse imaginaire, protégeant ses trésors intérieurs et ses pensées profondes d'éventuels assaillants trop curieux ou de voleurs de confessions.

Le colosse sourit en coin tandis qu'elle déclinait les nuances de gris, encore songeuse. Sa voix lui sembla belle et assurée, chantante presque. Il la laissa s'éveiller tout à fait à cette étrange rencontre.

Oh ... c'est moi.
Moi qui suis discourtois.
Thorvald, pour vous servir, gente Dame Terwagne.
J'étais si occupé par mon petit fugueur, que je n'ai plus songé à mes présentations.


Son regard suivi le sien vers les hautes herbes encore sombres. La petite terreur ne serait pas facile à trouver. Il leva les yeux sur l'horizon qui paressait dans des draps irisés et froissés. Revint à elle, admira son profil, hésita ...


La journée sera belle ... n'est-ce pas ?
Terwagne
La journée serait-elle belle? C'était bien la dernière question qu'elle se posait...

D'ailleurs, depuis quand ne s'était-elle plus posée ce genre de question? Et puis, que signifiait pour elle une belle journée, au juste? Qu'est-ce qui aurait pu faire qu'un soir en s'endormant elle se dise "cette journée était belle"? Quelle était la composante sine qua non à cette conclusion?

Se sentant replonger dans les méandres de ses inéquations aux inconnues par trop complexes, elle fit un effort sur elle même pour s'en empêcher, et répondre un minimum à son interlocuteur.


Je suppose que certains la trouveront belle, oui.

Tout en prononçant ces mots, elle lui fit à nouveau face et, par un réflexe ancien qui la faisait éviter les questions la mettant mal à l'aise en en posant elle-même, elle le questionna à son tour.

Que vous faudrait-il pour que ça soit votre cas?
Retrouver ce chat?
Le priver de la possibilité d'aller là où il en a envie, en vous donnant bonne conscience par quelques caresses?

Ensuite, un beau jour, vous aurez gagné...

Il aura perdu ses instincts, à force de domestication, et sera incapable de survivre sans vous...

Mais vous, vous n'aurez pas besoin de lui... Jamais...


Lui parlait-elle vraiment à lui? Ou bien s'exprimait-elle surtout pour se libérer de reproches adressés à un autre en silence depuis quelques temps? Son ton qui peu à peu avait baissé, tout en se durcissant, ne laissait pas grand doute possible.

Elle en eut bien conscience et, par un autre réflexe, se mordit légèrement la lèvre inférieure.


Mais bref, laissez tomber, je doute que ce genre de considération vous importe...

Ce ne sont que divagations de femme un peu lasse, mais néanmoins désolée de ne point pouvoir vous aider à réussir cette journée en retrouvant celui que vous cherchez.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Thorvald_
Thorvald n'y connaissait rien en matière de chat. Ni d'autres animaux quelconques d'ailleurs. (Même l'élevage de moutons de sa tante, en Provence, avait échoué, amaigrissant son héritage d'autant). Mais était-ce bien important puisque ni l'un ni l'autre ne parlait ici de la gent féline ...

Charmé par cette lèvre mordue et ces mots rattrapés avec maladresse, il lui fit un de ses sourires à renverser la plus revêche des intendantes* (ou du moins essayer), un sourire chaleureux et féroce à la fois qui illumina son visage enfantin et fit pétiller son regard gris. Intentionnellement, il laissa un petit temps flotter entre eux ; s'installer l'inconfort du silence et le suspens. Aussi bien aurait-il pu partir sur le champ, puisqu'elle refusait son aide. Mais il se décida à répondre, approchant d'un pas, l'air de rien :


Les vrais chats sont vagabonds. Ce petit polisson est libre, on sent déjà en lui un grand aventurier. D'ailleurs, n'a-t-il pas déjà franchi le pas de sa porte pour venir fureter jusqu'ici ? Pour respirer les grandes herbes, loin de l'ombre des murs. Pour un chaton domestiqué, je lui trouve déjà de belles dispositions à l'insoumission. Il vient ici, seul et sans défense, inconscients des dangers qui l'entourent, pour toiser le monde et ses possibles. C'est déjà une belle preuve !

Et tout cela le ventre vide, je suis sûr ...


Le ton de cette dernière phrase était presque interrogatif. Pour un peu, il offrait à la jeune femme un petit déjeuner en sa compagnie. Mais il reprit dans la même veine :


Et je ne donne pas cher de son collier de soie pourpre. Les ronces le grifferont, l'effilocheront, le vent l'emportera, et quand sa maitresse reviendra, il sera mis à nu, libre de choisir entre rester auprès d'elle et courir la campagne.

(Oui, parce que ce chat est à ma cousine).

Ou peut-être trouvera-t-il moyen de concilier les deux, avec les yeux qu'il a, il lui fera un tour de charme aisément et elle lui laissera la fenêtre ouverte.

Les vrais chats ont besoin de la lumière lunaire.


Thorvald accompagna ses dires d'un regard vers l'horizon, au-delà des basses branches qui la protégeaient encore de ses désirs d'ailleurs. Puis il lui tendit son bras, l'invitant :

Cherchez-le avec moi. Et si nous ne le trouvons pas, ma journée n'en sera pas gâchée pour autant puisque je vous aurai tenue à mon bras. Puis je vous raccompagnerai jusqu'aux portes de la ville. La campagne est peu sûre pour les demoiselles esseulées.





(*comme MM par exemple)
Terwagne
Le sourire qu'afficha l'homme la rassura sur le fait qu'elle ne l'avait pas vexé par ses paroles, chose qui l'aurait bien ennuyée, elle qui détestait blesser les gens, surtout ceux qu'elle ne connaissait pas.

Pourtant, sil elle finit par lui sourire légèrement à son tour, ce ne fut pas pour lui rendre ce sourire, ni par soulagement, pas plus que par politesse, mais bien parce que les mots qu'il prononça ensuite lui plurent.

Feignant d'ignorer le pas qu'il avait fait dans sa direction, de même que le ton qu'elle aurait juré interrogatif d'une de ses phrases laissées en suspens, elle écouta la suite de ses propos, ne pouvant s'empêcher de faire certains gestes inconscients à l'entente de certains mots...

Ainsi, lorsqu'il parla de collier, sa main droite alla-t-elle se poser sur le médaillon pendu à son cou à elle, celui accroché là un soir par ces mains tant aimées et aimantes, qui voulaient unir leurs deux vies, ou peut-être simplement s'attacher son coeur à elle avant qu'un autre un peu trop pressant ne parvienne à ses fins... ?

Elle ne savait plus très bien que penser, et aurait soudain voulu l'arracher d'un coup sec, laisser la colère remplacer la tristesse, cesser de se sentir comme un animal attendant son maître, devenir un chien perdu sans collier plutôt qu'un chat miaulant en silence et ayant perdu ses instincts.

Ce fut son bras à lui, qui se tendait dans sa direction, s'offrait, qui la fit prendre conscience de ce que ses doigts s'étaient crispés sur le médaillon.

Elle le lâcha alors, brusquement, avec la même expression sur le visage qu'une petite fille qui aurait été surprise la main levée en direction de la joue de son frère, tandis que le temps semblait avoir suspendu sa course folle, comme pour lui donner le temps de réfléchir à son prochain geste, celui qui ferait oublier le "flagrant délit".

Sa réflexion, rapide, fut-elle la bonne? Elle l'ignorait, mais ne trouva rien de mieux à faire, à cet instant, que de diriger sa main vers l'avant-bras de l'homme, finissant par l'y poser avec légèreté, même si une certaine nervosité la parcourait.


Cherchons donc, oui.

Peut-être même a-t-il envie d'être retrouvé, au fond, allez savoir...


Si les petits points pouvaient parler, ils en diraient, des choses et des choses...

Pourquoi ne pouvait-elle s'empêcher de terminer ses phrases de la sorte, depuis quelque temps? Elle détestait cela!

Alors, comme pour se rassurer sur le fait qu'elle était encore capable de faire autrement, elle prononça des mots décidés, sur le ton de quelqu'un qui soudain sait avec certitude ce qu'il veut.


Partons de ce côté, vers la gauche, en direction du cours d'eau!
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Thorvald_
La forteresse entre eux s'était ornée d'une coupole dorée, un petit médaillon qu'elle portait à son cou, qui achevait entre eux la construction du mur. Enfin, la main bâtisseuse, satisfaite de son travail certainement, s'envola avec grâce pour venir se poser sur le bras offert.

Thorvald éprouva un léger soulagement car rester dans le vide à pareille heure, sous une tonnelle de verdure silencieuse, avant même le chant du premier oiseau, c'eût été ... déconcertant.

Il sourit, rassurant, et posa sa main libre sur celle de la dame, afin de prévenir toute chute. Le terrain étant accidenté, on ne sait jamais. Mais elle avait le pas agile, ce dont il aurait dû se douter en analysant un peu sa tenue masculine.
Ainsi, prévenait-il aussi tout envol intempestif vers la reprise des travaux de construction de la muraille.

Ils sortirent à découvert. La campagne s'étirait, descendant effectivement vers un ruisseau. Le ton de la jeune femme s'était fait plus catégorique, plus enjoué peut-être. Cette quête du chaton semblait lui redonner vie. Envie ...

Ils firent quelques pas dans la rosée, silencieux. Envie d'être retrouvée ...


Oh, vous semblez connaître les lieux ? C'est une chance car je ne suis pas d'ici. Vous me guiderez.

Ah... il va être beau, en sortant des hautes herbes. Le poil trempé, les pattes gelées, le ventre affamé. Le chenapan ... Dans quel état vais-je le rendre à sa maîtresse.


Il sourit et baissa les yeux vers elle. Son large dos contrastait avec les fines épaules de Terwagne, dans le contrejour matinal. Au loin, un pépiement d'oiseau osa une timide complainte. A moins que ce ne fut un cri de détresse sous les morsures de l'enfant chat ? Le vent bruissa dans les arbres qui bordaient la rivière. Ils arrivèrent sur une plage dégagée. Thorval songea un instant que si le petit imprudent était tombé à l'eau, ils ne tarderaient pas à voir son petit corps flottant lugubrement entre les pierres. Mais rien de tel ne vint assombrir le tableau. Le chaton avait le pas agile.
Terwagne
Lorsque sa main à lui se posa sur la sienne, elle ne put empêcher une certaine tension de s'installer dans ses doigts à elle. Cette tension, il dut la sentir, certainement, mais comment l'analyserait-il? Chercherait-il seulement à le faire?

Elle, en tous cas, elle en connaissait la raison... Ce n'était qu'une réaction épidermique, une sorte de passage à la défensive, un geste de sa peau qui se rétractait au contact de leurs deux mains.

Deux mains qui se touchent... C'était ainsi que tout avait vraiment commencé entre Hugoruth et elle, elle s'en souvenait comme si cela avait eu lieu la veille... Son hésitation à lui, sa peur à elle, ses réactions épidermiques et incontrôlables, ses retraits, sa mise en confiance, et puis enfin les pétales de la rose qui s'ouvrent, lentement, laissant le papillon se poser sur son coeur où perlent quelques gouttes de rosée.

La voix de l'homme la fit sortir de ses pensées qui une fois encore l'entrainaient vers l'océan mélancolie, et elle prit une profonde respiration, comme quelqu'un qui vient de manquer de se noyer, avant de lui répondre.


Je crains de ne pas mieux connaître les lieux que vous, je ne suis pas d'ici, je ne suis installée dans la région que depuis très peu de temps, et ne m'y suis encore jamais baladée, pour être franche.

Mais il faut parfois faire comme si... , vous ne croyez pas?

Faire comme si l'on savait où l'on va, comme si l'on ne craignait pas de trébucher, et même comme si... tout allait bien... Avec un peu de chance, on finit par le croire soi-même, et tout devient alors bien plus simple.


Pourquoi cet aveu? A cet inconnu? Devenait-elle folle? Regrettant ces paroles qui lui avaient échappées, elle chercha une nouvelle échappatoire, et finit par en trouver une.

Dites-m'en plus sur ce chat, voulez-vous? Connaître un minimum les êtres aide à comprendre leurs envies, et donc l'endroit où l'on peut les trouver lorsqu'ils se cachent.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Thorvald_
La main de Terwagne sous la sienne, qui s'était faite de pierre au premier abord, s'assouplissait peu à peu au fil des paroles de la jeune femme, mais demeurait tendue, comme le témoin muet de ce cœur passionné et de ce tempérament déterminé qui semblaient la caractériser. Thorval, cependant, ne la lâcha pas en l'entrainant vers la rivière. Au contraire, la jeune femme l'intriguait et le touchait à la fois. Il était curieux de voir ses réactions, de creuser ses pensées, de la mettre à nu et de lui faire, peut-être, dépasser sa tristesse.

Il arrêta leur lente déambulation et sans lâcher sa main posée sur son bras, il se tourna vers elle tandis qu'elle le questionnait sur le chaton.
Thorvald sentait son parfum et presque le souffle du battement de ses cils. Un sourire se dessina sur ses lèvres délicatement dessinées et qui contrastaient avec sa voix profonde :


Ce chaton ... et bien, ce chaton est aussi blanc que l'opale de votre cou. Il possède un collier
(son énorme doigt courut sur la chaîne du médaillon un bref instant) ... rouge. Et est un incorrigible aventurier, prompt à franchir les rivières les plus vives pour découvrir des contrées inconnues ... Bref, il vous ressemble étrangement. Ses yeux quittèrent le médaillon et il la regarda d'un air faussement suspicieux. Vous seriez celui-là, qu'une fée aurait transformé en princesse, je ne serais pas étonné !
Avez-vous croisé une fée ce matin ? Avouez ...


Il sourit tendrement, et reprit le cours de la promenade sur un chemin qui, sous les arbres, remontait le cours d'eau. Un silence s'était à nouveau installé entre eux, mais Thorvald n'en éprouvait pas de gêne. Leur pas, régulier et paisible, le rassurait quant à la confiance qu'elle semblait lui accorder. Pourtant, un géant comme lui, de prime abord, inspirait plutôt crainte et soumission. Elle, non. Et c'était comme s'il avait à son bras un trésor ...

Savoir apprivoiser le silence ensemble, n'est-ce pas une marque de sérénité ? Pourtant, lui revenaient en mémoire les paroles amères qu'elle avait prononcées un peu plus tôt. Quelque chose dans son passé récent sûrement. Une blessure encore vive. Thorvald ne la questionna pas, préférant converser avec elle sur des idées plus générales, et craignant aussi de rouvrir sa peine à l'évocation de faits trop détaillés.

A retardement, redevenu sérieux, il répondit à ses questionnements :


Non.
Non, je crois pas qu'il faille faire comme si. En toute chose, il faut rester soi-même et faire part de ses doutes, de ses craintes, comme on fait part de ses joies. A trop avancer la tête haute, on oublie de profiter du chemin. Et ne sont-ce pas les petits détails de la vie, les rencontres, les moments de magie, si fragiles, qui nous rendent heureux ? Plus que l'horizon porteur d'espoir.
Faire comme si, c'est se mentir.


Peut-être avait-il été un peu rude dans l'énoncé de sa pensée, un peu catégorique. Mais Thorvald ne savait ni mentir ni haïr. On le lui reprochait, parfois, tant la vie semblait couler sur lui sans heurts. Jalousie, éclats, haine, n'avaient pas de prise sur lui. Amour non plus, peut-être, pensaient certaines.

Le chemin débouchait sur un gué qui, en été, se franchissait aisément. Quelques pierres avaient été posées ça et là, pour guider les pas sur l'autre rive et remonter vers un moulin que l'on distinguait plus loin.

Il la questionna d'un regard sur ses capacités à prendre ce petit risque. Voudrait-elle aller plus loin ? Prendrait-elle sa main pour franchir la rivière ?


Dans les moulins, il y a du blé. Le blé attire les rongeurs. Et qui dit rongeurs ... dit chat !
Terwagne
Lorsqu'il posa son doigt sur le bijou pendu à son cou, elle ne put réprimer un léger mouvement de retrait, tout en se raidissant, ni empêcher ses yeux de devenir très sombres.

Ce n'était pas à cause du rapprochement, ni en raison du contact physique entre la main de l'homme et sa peau à elle, pourtant... Non, c'était quelque chose de bien différent, une réaction bien plus profonde...

Cet homme venait de toucher cet objet qui n'appartenait qu'à Hugo et elle, qui symbolisait leur promesse d'union, leur projet de vie commune pour l'éternité! Quelqu'un avait posé son doigt sur la seule preuve matérielle que le "NOUS" existait! Ou du moins qu'il avait existé, un jour, et qu'elle y croyait encore...

Mais il ne pouvait pas savoir, il ne pouvait pas se douter de tout ce que représentait pour elle cette chaîne et son médaillon.

Elle tenta alors de calmer les battements de son coeur qui s'étaient affolés, et relâcha l'étreinte de ses doigts qui s'étaient crispés sur l'avant-bras de l'homme, tout en l'écoutant parler. Elle finit même par lui sourire, sans y prendre garde au début, puis plus franchement, allant même jusqu'à blaguer à son tour.


Une fée, dites-vous? Et bien, ma foi, cela se pourrait bien, en effet.

Mais si je vous dis ce que je lui ai demandé, garderez-vous le secret pour vous seul?


Ils reprirent ensuite leur marche, silencieusement, et elle se surprit, au bout d'un moment, à espérer que bientôt il rompe le silence, pour l'empêcher de continuer à s'interroger elle-même sur ce qu'elle aurait bien pu demander à une fée si elle en avait croisé une...

Un retour dans le passé? Et à quel moment exactement? Avant la mort de Zeltraveller? Le jour de sa rencontre avec Hugoruth? Ou plutôt celui où elle avait glissé sa main dans la sienne, en fermant la porte à tout ce qu'avait été sa vie avant?

Non, retourner dans le passé ne changerait rien à ce qu'elle vivait aujourd'hui, parce que si c'était à refaire, elle ferait les mêmes gestes, les mêmes choix...

La solution aurait sans doute été de demander à la fée d'ouvrir les yeux de Hugo, pour qu'il se souvienne d'elle, de ses promesses, de leur amour... Ou alors, demander à la fée d'enfin réaliser ce que si souvent elle avait souhaité : voir son coeur à elle devenir pierre, ne plus aimer, jamais, pour ne plus saigner...

L'homme sentit-il que le silence devenait trop lourd pour elle? Allez savoir... Toujours est-il qu''il le rompit, et que secrètement elle lui en fut reconnaissante, même si les mots qu'il prononça la laissèrent un long moment songeuse, et qu'elle sembla hésiter plus que de raison avant de lui répondre, d'une voix un peu faible et triste, de celles que l'on utilise pour parler de quelqu'un à qui l'on tenait mais qui n'est plus.


Vous vous seriez entendu à merveille avec la Terwagne que l'on surnommait "La Jolie Tempête". Terry, disait-on aussi, à Sancerre...

Elle ne feignait jamais, était incapable de se taire, et encore plus de mentir. On disait d'elle qu'elle se soulevait comme le vent qu'elle aimait tant, et redevenait tout aussi vite douce comme l'alizée.

Elle disait souvent que sa plus grande peur était de se perdre elle... Elle a fini par se perdre pourtant, et n'est plus qu'un lointain souvenir.


Regrettant immédiatement de s'être à nouveau livrée un peu trop à cet inconnu, elle s'apprêtait à se mordre la lèvre et à chercher une échappatoire qui lui permettrait de réajuster sa carapace, lorsqu'elle aperçut le gué et le moulin.

Le vent, et l'eau... Comme elle les avait aimés... Comme elle les aimait encore!

Prêtant alors à peine attention au regard interrogateur de l'homme et à ses paroles, elle retira prestement sa main posée sur son bras, et s'engagea sur le chemin fait de pierres, arrivant assez rapidement de l'autre côté, puis se retourna dans sa direction pour lui lancer quelques mots.


Vous serez témoin que si chat j'étais ce matin, je n'avais guère été échaudé par le passé.
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Thorvald_
Ses mots résonnaient encore dans l’esprit de Thorvald, tandis qu'elle traversait les flots avec une agilité et une détermination inattendues. La femme intelligente et courageuse qu'il avait sentie en elle au premier abord reprenait-elle le dessus sur le spleen ? Ses pas légers tels les alizés, soufflèrent sur l'onde un petit clapotis ... ou bien n'était-ce que l'ombre de sa silhouette ... Le reflet des feuilles reprit sa forme initiale sur la surface. Alors seulement, le regard du colosse se détacha des flots pour se reposer sur Terwagne, mi-surpris mi-amusé.

C'était elle qui l'entraînait, maintenant.

Il s'attendait presque à revoir naître sur ses lèvres le lumineux sourire qui les avait parcourues tout à l'heure. Innocente et pure ... sublime. Non, là il en rajoutait et devait avoir l'air d'un benêt sur l'autre rive. Il reprit rapidement contenance et en trois enjambées fut près d'elle.


Vous ne craignez ni l'eau, ni le vent. Auriez-vous dompté aussi les autres éléments ? Terry n'est pas si bien enfouie au fond de vous : vous n'avez pas tapé assez fort avec la pelle !

Un sourire éclaira ses yeux gris. Des taches de lumière fauve filtrées par les arbres, jouaient dans leurs cheveux. L’aube s’étirait au-dessus d’eux tandis qu’il prolongeait son regard plus que la bienséance ne le lui dictait. Ils venaient de franchir tous deux une frontière invisible que la rivière symbolisait à merveille.

Il approcha encore d’un pas, prêt à reprendre sa main, y déposer un baiser peut-être, ou oser redresser une boucle brune … quand un bruit dans les feuilles sèches attira leur attention. Un oiseau s’envolait, pépiant nerveusement pour les attirer loin de son nid. Thorvald, se contenta d'un sourire et ils reprirent leur cheminement vers le moulin.

Là-haut, point de meunier, ni de souris, ni même de chat. Le moulin était propret, la farine avait été balayée récemment. Tout semblait désert et silencieux, comme s’éveillant de la nuit. Ils contournèrent le batiment que les premiers rayons pâlissant avaient commencé à dévorer en son sommet. Et là, à leurs pieds, le Dauphiné se déroula soudain en contrebas, encore enrubanné de ses brumes bleutées qui s'étiraient à perte de vue. Un banc de pierre semblait inviter au spectacle.

Thorvald se tourna vers Terwagne :


Si j'avais croisé la petite fée, je ne lui aurais pas demandé autre chose que cet instant-là. Et puis tout bien réfléchi, ce moulin, et ses terres, des réserves de victuailles pour tenir un siège. Et un coffre empli d'or, aussi ... Et vous, dites-moi ce secret. Qu’auriez-vous demandé ?
Terwagne
Il la rejoignit assez rapidement, malgré l'effet de surprise qu'elle avait pu lire dans ses yeux posés sur elle, et ponctua son arrivée de quelques mots qui firent mouche, non pas dans l'eau, mais en elle. Elle laissa alors échapper, dans un faible murmure, presque comme un souffle douloureux, ces deux syllabes :

Terry...

A cet instant, en effet, elle la sentait se débattre au fond d'elle, voulant sans aucun doute ressurgir, reprendre la place qui était la sienne.

Mais il y avait ces chaines!

Ces chaines qu'elle s'était mises elle-même...

Ces chaines dont chaque jour elle resserrait un peu plus l'étreinte, craignant de la voir réussir à se libérer, ne sachant que trop bien ce qui se passerait si celle-ci reprenait le dessus sur la Dame de Thauvenay qui l'avait remplacée.

Terry aurait cessé d'attendre...
Terry aurait envoyé au diable ce qui la rendait malheureuse...
Terry aurait écrit une lettre incendiaire à Hugo, et prit la route pour suivre le vent...
Terry n'aurait pas hésité, pas laissé un homme absent détenir les clefs de son bonheur...

Terry aurait surtout tué tout espoir, en même temps que le désespoir!



Incapable de rendre son sourire à l'homme, autant que de lui répondre, la demoiselle profita qu'ils reprenaient leur marche pour tenter de faire taire ses pensées et rendormir la tempête qui couvait en elle. C'est d'ailleurs à peine si elle entendit l'oiseau et vit son manège, qui en d'autres temps et d'autres circonstances l'auraient sans aucun doute amusée.

Lorsqu'ils furent enfin parvenus au moulin, elle inspecta rapidement les lieux avec son partenaire de promenade, se remémorant son propre moulin, à Sancerre.

La vue qui les attendait de l'autre côté la laissa éblouie.Sans voix. Parce que la beauté, cela se passe de commentaires.

Laissant son regard se perdre dans l'immensité de ce qui s'étendait à leurs pieds, elle écouta Thorvald, sans pour autant se tourner dans sa direction, incapable de quitter des yeux cet espace qui lui rappelait sa vie de voyages, celle d'avant.

Mais il fallut que l'homme lui pose cette fameuse question à laquelle elle n'avait pas de réponse...

Sur le moment elle lui en voulut, comme quelqu'un de défiguré par un accident en voudrait à celui qui lui mettrait un miroir devant les yeux, lui faisant voir en face ce qu'il est devenu.

D'un geste brusque, dénotant avec son attitude depuis leur rencontre, elle se tourna dans sa direction, ses yeux devenus presque noirs, comme une nuit sans étoiles où l'on s'attend à voir apparaitre la foudre.

Cela dura-t-il longtemps? Sans doute que non... Elle baissa ensuite les paupières, quelques secondes, puis les souleva sur une nuit un peu moins noire, en décidant de ne pas répondre, mais de dévier la conversation sur lui.


Des avoirs... Terres, maison, nourriture, or... Est-ce là votre vision du bonheur?
A bien y réfléchir, Terry et vous ne vous seriez point entendus, je crois.


Terry... Elle recommençait à se faire entendre, ainsi que la question posée quelques instants plus tôt par l'homme...

Le temps lui sembla alors interrompre sa course folle, et le sol se dérober sous ses pieds, la laissant comme chancelante, en dehors de tout ce qui l'entourait, perdue.

Dans un vertige auquel elle ne comprit rien elle-même, elle tendit sa main pour s'agripper à quelque chose de réel, n'importe quoi, pourvu que cela soit réel et la retienne... Ce fut sa manche à lui.

Et en même temps, dans un murmure, l'aveu :


Je ne souhaite rien... Sauf peut-être de voir mon coeur devenir pierre.
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Thorvald_
La tourmenter pour la faire briser ses chaînes. La tourmenter sans toutefois blesser en elle la perle. Noire …
Lui faire toucher du doigt le possible équilibre entre la jeune fille libre et insouciante qu'elle était, et la femme droite et noble d’aujourd’hui. Entre la saltimbanque et la juriste ... des lieues ! Pour une personnalité si entière, la déchirure était palpable. Mais Thorvald n'avait nulle solution, nul pouvoir magique, il ne pouvait que lui tendre la main avec franchise et tendresse. Elle seule savait. Lui ...

Lui ne pouvait que contempler sa grâce, ses gestes élégants, et la force qui sourdait, jaillissait parfois dans un regard, un mouvement, une décision, et la rendait sublime. Lui ne pouvait que contempler, impuissant, le combat qui se jouait en elle et dont nul autre ne savait l'issue. Et sa tristesse l'imprégnait, insidieusement, lui l'éternel amoureux de la vie, le nonchalant, l'inconstant, s'éprenait lentement de sa mélancolie.



Sa question la gênait ? tant mieux, c'était ce qu'il avait escompté. Mais la remarque qui suivit étonna l’homme : Terwagne n'avait pas entendu l'humour de l’inventaire terre à terre avec lequel il avait atténué l'étendue de son véritable vœu : « cet instant-là ». Humour engendré par sa timidité, indécelable peut-être. Sa timidité … Le colosse, qui aurait tué d’une seule main le plus armé des maréchaux de Vienne, courbant devant cette femme gracile … qui pouvait l’imaginer, en effet.
De la femme vient la lumière ...
Il la regarda en souriant vaguement, mi-étonné mi-enchanté.

Elle regardait la plaine mais semblait ailleurs, si pâle, si … Allait-elle …? Thorvald eut à peine le temps de passer un bras puissant derrière la taille de Terwagne, l’empêchant maladroitement de s’effondrer sur le sol, luttant entre l’inquiétude pour son état et la brûlure de ce contact inattendu. Elle s’était accrochée à sa manche, comme une noyée à sa branche. Il n’était plus certain de vouloir servir de bouée. La réponse qui suivit l’acheva. « Un cœur de pierre … »

Dans le même murmure, il lui souffla :


Ce n’est pas une fée qu’il vous faut, dans ce cas, mais une sorcière.

Puis ses sourcils se froncèrent en la dévisageant, évanouie dans ses bras. Il s'agenouilla, la laissant reposer contre lui. Que ferait-il si ... ? La porterait-il jusqu'à la ville ? Jusqu'au moulin ? Jusqu'au banc ? Le soleil commençait à dévorer les lieux, étirant leurs ombres, et jouant avec l'or de sa boucle d'oreille.
Il se sentit plus désarmé que jamais ...
Terwagne
"Ce n'est pas une fée qu’il vous faut, dans ce cas, mais une sorcière."

"Sorcière"... "Sorcière"... "Sorcière"... "Sorcière"...

Ce même mot se mit à résonner dans sa tête, l'emplissant, et en appelant un autre, qui se mit à résonner encore plus fort : SORCELLERIE. Celle qui avait été la cause de l'arrestation de Zeltraveller, et ensuite de sa mort sur un bucher. Ces flammes qu'elle avait vues lui arracher son premier amour. Ces flammes qu'elles avait priées de l'emporter elle aussi, même si elle n'avait rien fait, même si elle n'était pas coupable, pas même soupçonnée.

Le mot résonna une dernière fois, et puis... Plus rien!
Le noir! Le silence! L'inconscience!

Une douce vague de chaleur l'enveloppa, comme le souffle chaud d'un vent d'été, et elle s'abandonna au bien être qui l'envahit alors.

Plus rien ne l'entourait, juste cette douceur, juste cette chaleur. Elle se sentait bien, légère, calme, sans plus aucune pensée d'aucune sorte, sans plus aucun poids sur les épaules ni dans le coeur. Il n'y avait plus non plus de bruit, ni dans les méandres de son cerveau, ni au dehors. Plus de voix non plus.

La sensation de légèreté s'accentua encore, et elle eut même l'impression étrange, à un moment, que son corps l'entrainait dans une autre position, où elle serait encore mieux, assise sur le sol, le dos posé contre la source de chaleur. Elle ne lutta pas contre lui.

Le temps continuait à s'écouler, et elle a être bien, tellement bien...

Au bout d'un temps, elle voulut ouvrir les yeux, mais une lumière aveuglante la frappa. Alors elle les referma. C'est à cet instant qu'elle entendit une respiration autre que la sienne, et prit peu à peu conscience que ce qui l'entourait étaient des bras.

Hugo?

Avait-elle rêvé toute cette longue absence? Cette longue traversée des jours, des semaines, des mois, sans lui, n'avait-elle en réalité duré qu'une nuit? Une nuit où elle avait fait un horrible cauchemar?

Et si c'était maintenant, plutôt, qu'elle rêvait?

Ne voulant pas prendre le risque de se rendre compte trop vite que la deuxième solution était la bonne, elle se laissa peser encore un peu plus, si tant est que cela fut possible, et garda les yeux fermés, encore un peu... Remerciant le ciel pour ce moment de bien être, à voix basse.


Merci... Pour cette douceur, cette chaleur...
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