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[RP] Le front de libération d'Albert le cochon

Actyss
Fin Avril 1467

Le ciel est particulièrement clair en cette journée de Printemps. Ç'aurait pu être une journée vraiment parfaite. Mais la veille au soir, tandis que je passais ma dernière soirée de tranquillité avant de commencer, dès le lendemain, mon nouveau travail de serveuse dans une taverne proprette, une information était remontée jusqu'à moi. Un certain Monsieur Lafourche allait égorger son cochon. Un cochon que j'imaginais sympathique, mais qui avait eu la malchance d'être l'héritage de ce jeune Monsieur Lafourche. Feu son père avait été fermier, lui-même était devenu notaire. Et un notaire n'avait pas à s'encombrer d'un morceau de viande sur pattes, comme le qualifiait cet homme ignoble.

Ce qui m'amène aujourd'hui sur les chemins de l'arrière pays. Je n'ai pas pris Emma avec moi. Ma fille de quelques mois est bien trop petite pour que je prenne le risque de l'emmener. Je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Depuis mon naufrage - et l'amnésie totale qui en résulte - je n'ai plus qu'elle au monde. Puisque je ne sais pas d'où je viens, mais que je me suis réveillée auprès d'un homme, sans aucun doute mon époux, ma fille est tout ce qui compte. C'est pour lui offrir un vrai toit que je travaille dans l'auberge la mieux cotée de la ville. C'est pour elle que je compte chaque sou dépensé. J'ai la chance d'être hébergée au couvent du coin, ce qui m'évite de payer un loyer ou les repas. Ce qui facilite les économies. Car il faudra des vêtements pour ma fille, et pour moi aussi, en plus d'une foule d'autres choses indispensables à la vie.

J'ai sur le dos une robe bleue que m'a donné ma patronne. Je n'ai pas porté le noir très longtemps. Madame Bernard, ma patronne, m'a dit que ce n'est pas la couleur qui fait le chagrin. Elle a raison. Je pleure mon époux et ma vie envolée chaque soir avant de fermer les yeux, le nez dans les cheveux de mon bébé. Mes bas blancs glissent un peu sur mes mollets tandis que j'avance à grands pas. Les pieds glissés dans des godillots usés, je martèle le sol avec détermination. Mes sourcils sont légèrement froncés et ma bouche pincée. J'ai l'air d'une femme de dix-huit ans qui part faire la guerre. En vérité, ça y ressemble un peu.

Lorsque je parviens enfin au village de Radis-sur-gratin1, j'essuie mon front d'un revers de main. Ce n'est que le Printemps, mais la route m'a donné chaud. Je bois une gorgée d'eau fraîche d'une petite fontaine percée dans le mur dont le jet continuel retombe dans un bassin de pierre, et je poursuis mon avancée. J'ai glané suffisamment d'informations la veille pour savoir où vit Monsieur Lafourche. D'après ce que j'ai entendu, le massacre aura lieu à midi, juste après la messe. D'après le nombre de coups qui brisent le silence de ce dimanche matin, il est dix heures. Parfait. Cela me laisse deux heures. D'un geste décidé, je resserre ma queue de cheval, les sourcils plus froncés que jamais. Je coupe le village sans regarder autour de moi. Et enfin, après dix minutes de marche, je tombe sur le panneau, planté de travers, qui indique que je me trouve devant la propriété des Lafourche.

Ni une, ni deux, je m'avance, tête baisse pour ne pas attirer l'attention. Il n'y a personne, fort heureusement. La maisonnée semble vide, ou ses habitants encore endormis. Je remarque presque immédiatement la soue. Un cochon solitaire fouaille la boue de son groin, à la recherche d'un peu de nourriture qu'il ne semble pas trouver. Je pousse un juron particulièrement grossier. Je ne sais plus qui j'étais, mais je sais que je ne supporte pas la maltraitance animale. Je sais aussi que feu Monsieur Lafourche, le père du fils indigne, tenait beaucoup à ce cochon. Il y tenait tant qu'il l'a nommé Albert. Je repère une corde, suspendue aux poteaux qui entourent l'enclos. Sans doute celle avec laquelle ils comptent attacher l'animal par les pattes avant de l'égorger. Je lance un nouveau juron, particulièrement vulgaire. Je détache la corde, passe les jambes par-dessus la barrière de bois, et m'accroupis devant Albert.

« Pas de panique, Albert. Je viens te sauver. »

Je fais un nœud et glisse la grosse tête rose dans le collier de fortune. Je m'avance vers le portillon, qui refuse de céder. Je suis bloquée dans la soue du cochon, avec ledit cochon, et je remarque que dans la maison, il y a un peu de vie qui danse derrière les carreaux.

« Et merde. »

Je donne un violent coup de pied dans le portillon, qui cède sous une telle démonstration de brutalité. Cela produit un boucan d'enfer. Je ne prends pas le temps de réfléchir. La porte de la maison s'est ouverte. Un grand homme maigre, en vêtement de nuit, surgit dans l'encadrement de la porte.

« MON COCHON ! AU VOLEUR ! »


Alors, sans plus hésiter, je détale, Albert derrière moi.


1 Radis-sur-gratin : ville totalement fictive, dont les habitants ne sont pas plus friands de radis et gratins qu'ailleurs, semblerait-il.

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Gloria.
Comme à son habitude, la demoiselle s’était levée aux aurores. Elle avait quitté son lit de campement: une modeste couche en bois, rembourrée de paille, drapée d’un tissu rêche et couverte de peaux usées. C’était sommaire mais ça lui permettait de mettre l’argent des auberges dans ses économies. Elle avait récité sa prière puis ses leçons avant de tracter sur son dos un énorme sac en toile contenant plusieurs kilos de cailloux. Le fardeau hissé sur ses épaules, la jeune fille eut pour ordre de faire trois fois le tour des bois avant de pouvoir savourer son quartier-libre du dimanche. Ni une ni deux, elle se mit à tracer son parcours à petites foulées. L’objectif du jour: faire les trois tours avant que sonne la messe au village. Il était tout bonnement hors de question pour la blonde de louper la prière du dimanche. Elle s’efforça donc d’accélérer le pas et surtout de maintenir la cadence. Le premier tour fut revigorant, le second fut fatiguant et le dernier fut éreintant. Mais elle progressait à vue d’oeil, son dos se musclait autant que ses trapèzes, ses cuisses ou encore ses mollets. Bientôt, Gloria pourrait tenter de porter une cotte de maille toute la journée sans se tasser sur elle-même. Satisfaite plus que fière de son exercice matinal, son maitre d’armes lui octroya le reste de la journée pour se reposer. Un peu juste dans les temps, la nonne finit de rejoindre Radis-sur-Gratin en trottinant, bâton de marche au poing. Elle se sentait si légère sans son sac de pierres. Elle aurait pu bondir jusqu’au ciel et virevolter comme une plume à la descente!

Passant devant une fontaine, la jouvencelle se rafraichit le visage et les avant-bras et déambula dans les ruelles escarpées du village. Sur sa route, peu de monde, ce n’était pas une grande ville et l’heure de la messe approchant, il était logique de ne pas croiser beaucoup d’habitants. Les cloches ameutaient la populace tandis que Gloria se perdait dans les dédales de rues. Pas qu’elles furent nombreuses mais si indifférenciable! La jeune pousse blonde en robe de moniale abîmée tenta de frapper aux portes afin de retrouver son chemin mais en vain, tout semblait désert...Tout? Les obsidiennes s’étrécirent un instant avant s’écarquiller de plus belle en voyant la scène improbable se jouant devant ses yeux. Une jeune femme déboula au coin de la rue suivi d’un énorme cochon qu’elle tenait maladroitement en laisse. En fond sonore, des exclamations inaudibles et des cris de colère. Les sourcils blonds se froncèrent quand la clameur se fit nette à ses oreilles:
“AU VOLEUR!”

Messe ou non, justice avant tout pour l’apprentie chevalier! Armée de son bâton de marche, un poing relevant les pans de sa tenue, voilà que la jeune fille prend en chasse la belle et sa bête:

“Halte là!” cria-t-elle en sommation, brandissant son manche de bois avec menace.

“Stoppez-vous de suite!” haletait-elle en semant le reste des villageois pour gagner du terrain sur la voleuse.

Gloria courut jusqu’à perdre haleine et bientôt à l’écart des badauds, les pas des deux blondes ralentirent.


“Halte-là! Ce cochon ne vous appartient pas!” gronda Gloria en lui barrant la route.

Plis de robe moniale au poing gauche, poing droit armé de son bâton, les obsidiennes se figèrent sur les traits de la jeune femme.
Actyss
Je m'arrête, dérapant sur les pavés en une courte glissage, le cochon toujours derrière moi. J'ai réussi à m'éloigner de la petite fermette des Lafourche, mais comble de malheur, ce misérable tueur de porc a la voix qui porte suffisamment pour interpeller les passants et les habitants. Une femme, qui me semble plutôt jeune, en tenue de nonne, m'arrête en brandissant son bâton. Des mèches se sont échappées de ma queue de cheval et, les sourcils froncés, je regarde autour de moi. La course a rosi mes joues et mon souffle est plus rapide. L'inconnue semble prête à me donner un coup de bâton si je lui résiste. Mais je ne peux pas m'attarder. Le fils Lafourche va me tomber dessus, reprendre Albert et me faire jeter en prison. Or, j'ai une fille à élever, moi. Je n'ai pas de temps à perdre avec ces sornettes.

« Je sais bien qu'il n'est pas à moi mais comprenez ! »

J'attire Albert plus près de moi. Le cochon, groin au vent, renifle l'air frais. Mes yeux se posent sur lui. Je ne peux pas le laisser tuer. Pas après lui avoir promis la vie sauve. Ce serait horrible. Jamais plus je ne pourrais me regarder dans une glace si je me laissais faire maintenant.

« Cet homme, celui qui hurle que je lui ai volé Albert... Il veut le tuer ! Le cochon de son père ! Vous vous rendez compte ? Son père adorait Albert, et son propre fils, dès que son père meurt, veut égorger ce pauvre animal pour le revendre ! Le revendre ! En morceaux ! Vous aimeriez qu'une fois morte, votre meilleur ami soit vendu bout par bout pour qu'on en fasse du rôti ? »


Je m'emballe un peu, mais cette fille doit comprendre. Les animaux sont toute ma vie. J'irai sauver le dernier hérisson au sommet de la plus haute montagne du monde s'il l'avait fallu. Il n'est pas question qu'Albert finisse en jambon. Bien sûr, les gens ne comprennent pas toujours. Peut-être même que cette jeune femme va me traiter de folle et me dire que c'est le sort habituel des porcs que de finir en boudin. Sauf que je ne suis pas d'accord. Toute créature mérite le respect, depuis la fourmi jusqu'au cheval, en passant par toutes les tailles et tous les gabarits. Je dois sauver Albert. C'est ma mission divine. Mais le temps presse, et il me semble déjà entendre les pas précipités du fils Laforge. Ce n'est pas en plaidant ma cause que je vais sauver Albert. Je ne dois pas la supplier de m'épargner en expliquant que je suis mère, amnésique et pauvre. Parce que ça n'a rien à faire là. Que mon mari soit mort noyé n'ira pas accorder la vie sauve au cochon. Aussi je n'en dis rien, mais jette un regard suppliant à la jeune femme. J'espère, de tout mon cœur, qu'elle prendra mon nouveau compagnon en pitié.

« S'il vous plaît, je vous en prie. Je ne suis pas une voleuse, je ne veux pas tirer le moindre bénéfice de ce vol. Je ne compte pas le revendre, je veux juste lui sauver la vie... Aidez-moi. Par pitié... »

Elle est mon seul espoir. Dans mes rêves les plus fous, elle m'aidait à sauver Albert. Dans mes rêves les plus raisonnables, elle me laissait partir. Je ne peux pas concevoir qu'elle reste insensible. Ce n'est pas envisageable.
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Gloria.
Gloria était prête à assener le moindre coup si la jeune femme résistait mais à voir ses yeux doux se poser sur l’animal, elle lui offrit tout de même la chance de s’expliquer. La voleuse n’avait que peu de temps pour adoucir la colère de la nonne, les pas de la petite foule s’entendaient déjà au loin. Au fur et à mesure des propos de la belle sur son cochon, le bâton en l’air s’abaissa jusqu’à regagner le sol sans menace. Ah l’empathie, la faiblesse de la jeune pousse. Les paroles avaient saisis le coeur de la blonde qui ne savait résister à un tel appel. Combattre pour le Très-Haut et le Trone, pour la veuve et l’orphelin...Pourquoi pas pour la voleuse et le bétail en détresse?

Les obsidiennes se posèrent un instant sur le dit Albert, croisant ses billes noires luisantes. Il fallait agir! Non, ce cochon ne méritait pas le sort atroce que son propriétaire lui réservait. Il devait avoir le droit de vivre! Liberté à Albert! L’engouement soudain pour la libération de cet animal fit frémir l’aspirante chevalier dont l’attitude avait clairement changée. Etait-elle influençable ou la voleuse était-elle bonne comédienne? Qu’importe le choix de Gloria était fait. L’objectif était aussi distinct que les voix à l’autre bout de la rue. Fourches et gourdins en l’air, un sale quart d’heure allait se produire si les deux jeunes femmes et le cochon ne détalaient pas de suite.

Faisant signe à la sauveteuse d’Albert de courir dans la direction qu’elle lui indiquait, la nonne fermait la course en pressant l’animal qui grouinait.


“Silence, Albert! C’est pour ta survie qu’on presse le pas alors suiiiiis! Par là!”

Et de un paté de maison contourné.

“Ici!”

Et de deux, la placette de la fontaine franchie.

“Plus vite!”

L’amas de populace déjà peu nombreux de base se dispersa davantage à mesure que le trio disparaissait à travers les ruelles. Bientôt, le souffle court, le duo de blondes s’adossèrent au mur en torchis d’une maisonnée. Albert sifflait par l’effort, un peu plus et sa graisse commencerait à fondre.

“Nous n’avons pas le choix, il faut traverser le champ, Albert ne suit plus”

La remarque étant faite, Gloria renversa l’eau tièdie de son outre sur le groin de l’animal.

“Encore quelques mètres et on aura fini par les tous semer et…Adieu ce maudit village!”

Mais était-ce sincèrement une bonne idée de mener le cochon dans un champ qu’il pourrait engloutir?

Peu de temps de réflexion, place à l’action!
Actyss
Si j'avais eu le temps, j'aurais poussé un cri de soulagement. Cela n'aurait pas été très intelligent, toutefois. Nous sommes poursuivis, Albert et moi. Hurler bêtement sa joie aurait permis à nos poursuivants de nous attraper en moins de deux minutes. La jeune fille semble bel et bien adhérer à ma cause. Ou plutôt à celle d'Albert. Je suis au comble du bonheur. Sans hésiter, m'en remettant tout à fait à la nonne blonde, je la suis dans les rues de la ville. Je ne réfléchis pas, je fais confiance, aveuglément. Si j'avais été du genre méfiante ou farouche, peut-être que j'aurais craint qu'elle ne nous jette droit sur le fils Laforge. Mais je ne suis ni méfiante, ni farouche. Je crois en notre sauveuse, comme je crois au Bon Dieu. Sans une once de doute.

Je tire Albert de toutes mes forces, sans pour autant l'étrangler, à travers le village. Mon pauvre ami souffle et traîne la patte. Il a toujours vécu comme un coq en pâte, chez lui. Il ne doit pas être un grand habitué de l'exercice intense. Pourtant, il va bien falloir qu'il fasse un effort aujourd'hui. C'est sa seule chance de ne pas finir en saucisson. La nonne blonde m'aime aussi à l'entraîner, mais Albert est têtu. Il aspire à plus de repos. Ce que nous ne pouvons absolument pas lui offrir.

« Le champ ? Oui ! Excellente idée ! Allons-y ! »

Une secousse à la laisse de fortune et je remets le cochon en marche. Ses petits yeux brillants ont l'air d'exprimer une certaine angoisse. Pauvre Albert ! Il doit se demander qui nous sommes et pourquoi nous l'arrachons à sa paisible soue. S'il pouvait savoir ! Je suis certaine qu'il détalerait en courant et que nous aurions bien du mal à le rattraper.
Nous atteignons enfin le champ. Je sais au bout de trois mètres qu'on va avoir un sérieux problème. Il a du pleuvoir la nuit dernière, mes godillots s'enfoncent légèrement dans la terre. Mais ce n'est pas ça le problème. Nous sommes au beau milieu d'un champ d'orge. Les épis sont peut-être encore très verts, il n'empêche qu'Albert manifeste sans équivoque son intense désir de manger deux ou trois tiges. Mais vraiment, cela ne va pas être possible. Et cela pour deux raisons.

La première, c'est que le fils Lafourge ne semble pas près à nous abandonner Norbert. Je le vois qui court à travers les rues, en chemise de nuit et en sabots, agitant son chapeau. La seconde, c'est parce que le cultivateur à qui appartient le champ vient de sortir de sa ferme et qu'il voit deux filles et un cochon en train de saccager son champ. Et pour une raison mystérieuse, cela ne semble pas lui faire plaisir. Du tout. Il se met à brailler en brandissant une fourche et, même si le fils Laforge me fait peur, la fourche remporte largement la première place en terme de trucs à éviter dans les plus brefs délais. Un peu plus loin, heureusement pas très loin de nous, se trouve une charrette. Sans doute le matériel de travail du paysan. Le terrain est suffisamment en pente pour que l'idée stupide qui vient de germer dans mon esprit fonctionne. Au moins un peu. Je regarde mon alliée, puis Albert. Nous n'avons pas le choix.

« Faut piquer la charrette du fermier, faire monter Albert dedans et... pousser de toutes nos forces. La charrette va rouler toute seule, le terrain est assez incliné pour nous permettre de distancer nos poursuivants. »

Qui a dit que perdre la mémoire rend les amnésiques plus sages, déjà ?
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Gloria.
Quelques enjambées dans le champ pour comprendre que la terre meuble et détrempée ne serait pas leur alliée. La nonne retroussa les pans de sa robe de moniale dévoilant ses bas blancs et pataugea dans la boue. Elle tenta la vitesse puis dérapant deux ou trois fois, céda à la stabilité. Un pas après l’autre précautionneusement, elle écartait de son bâton l’orge jeune pour frayer un chemin à ses acolytes. Parfois, elle regardait en arrière pour savoir si la jeune femme et l’animal suivait mais c’était toujours avec un temps de retard. Le cochon se débattait pour pouvoir se rassasier de pousses d’orge. Malheureusement pour le trio, la fourche du fermier et le chapeau du propriétaire d’Albert se rapprochaient dangereusement chacun de leur côté mais tout deux dans la même direction: la leur. C’est en croisant la charrette que l’acolyte lança l’idée suivante: Voler la charrette, mettre Albert dedans et laisser la pente faire la suite. Gloria n’avait jamais voler quoique ce soit auparavant et l’idée d’emprunter la carriole sans la permission du propriétaire l’embêtait. D’abord le cochon puis la charrette? Jusqu’où irait la jeune femme pour sauver Albert? Mais comme elle se le disait mentalement, c’était bien pour le sauvetage. La nonne fit gagner du terrain aux coléreux en hésitant si longuement. Cependant avec un peu d’insistance de la part de l’alliée puis le souvenir de son regard doux à la bête, la jeune blonde céda. Elle en aurait des choses à avouer à la confesse se dit-elle en pensées.

Quelques longues minutes plus tard et non sans mal, l’animal tronait fièrement dans la charrette, une bouchée d’épis verts dans la gueule. Mais le plus dur restait encore à venir, il fallait encore pousser la carriole dans la pente afin de lui faire prendre de la vitesse et ce, tout en ayant pu grimper à bord avant qu’elle ne dégringole le terrain! Aie, Aie, Aie! Et les propriétaires qui se rapprochent toujours.


On pousse à trois et on saute! Un, Deux, Trois!

Chacune d’un côté d’une roue, les deux blondes se mettent à pousser la charrette mais le terrain mouillé de la veille n’aide pas. Premier échec.

Allez, on recommence! Plus fort! Un, Deux, Trois!

La force des deux femmes ébranle misérablement la charrette qui glisse sur quelques centimètres sans plus de succès. Derrière elles, les vociférations des hommes résonnent. Et comme le danger est là, l’adrénaline montent dans les corps féminins:

UN, DEUX ET TROIS!

Miracle, les roues se désengorgent et commencent à tourner, tourner, tourner. Vite, voilà que le duo courent manquant de déraper pour rattraper Albert paniquant dans l’engin en marche. L’une saute à bord tend la main à la seconde qui semble peiner à monter.

Sous les jurons des deux hommes, la charrette glisse et roule le long du terrain pentu. Gloria regarde alors son alliée et éclate d’un rire aussi joyeux que nerveux. Les demoiselles sont-elles enfin au bout de leur peine?

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Actyss
Je ruisselle de sueur à force de pousser cette charrette. J'en ai mal aux bras, mais je continue. Hors de question d'abandonner. Enfin, lorsque l'engin se met en branle, je pousse un cri de victoire. Mes godillots et mes bas sont couverts de boue, j'ai les joues rouges et le souffle court, mais je prends le temps d'exécuter un bref pas de danse avant de suivre ma comparse derrière la charrette. Une fois à bord du véhicule improvisé, je pousse des cris d'allégresse et me mets à rire à gorge déployée. Nous avons réussi ! Je peux voir cet imbécile de Lafourche avec son chapeau ridicule, qui tempête et qui jure. Le fermier n'est pas en reste, mais semble moins énervé. Il doit se douter qu'il récupèrera son bien à un moment ou un autre, ou alors il intériorise davantage sa rage. Cependant, le fils Lafourche s'enfonce à travers champs, toujours en chemise de nuit. Il a vraiment l'air ridicule.

« Merci ! Vous m'avez aidé, merci infiniment ! Je ne connais même pas votre nom ! Moi, c'est Alice. Alice Vignoux. »

Je souris à mon acolyte, mais je m'arrête bien vite pour pousser un cri de surprise. L'une des roues de la charrette est entrée en collision avec quelque chose. Probablement un gros caillou ou une branche. En tout cas, l'essieu se brise net et nous envoie dans le décor, la jeune fille, le cochon, et moi. Étalée de tout mon long dans la gadoue, je crachote un brin d'herbe et me relève difficilement. Ma robe est couverte de terre. Je n'ai vraiment pas l'air très fraîche, dans l'immédiat.

« Oh lala ! Nous ne pouvons plus nous servir de ça, maintenant... Il va falloir continuer à pieds... Eh mais attendez ! Où est passé Albert ? »

Le cochon s'était éloigné pendant que nous nous relevions, et je ne le voyais plus. Je pousse un cri de détresse. C'est bien ma veine ! Le cochon s'est fait la malle. Je jure et regarde autour de moi. Un cochon de cette taille, ça doit forcément se voir. Les épis d'orge s'agitent un peu plus loin. Un grognement se fait entendre. Ce doit être lui. Je me précipite vers l'endroit d'où proviennent les bruits et parviens à remettre la main sur le large dos rose d'Albert. Il est occupé à manger tout ce qui se trouve à portée de son groin. Soudain, un cri me fait relever la tête. Le fils Lafourche n'a pas abandonné. Il a commencé à traverser le champ.

« Mon Dieu ! Faut y aller ! Tout de suite ! »


Plus facile à dire qu'à faire... Nous sommes trop visibles, en plein champ. Une forêt se dessine à l'horizon. Si nous parvenons à franchir les cents mètres qui nous séparent des bois, nous serons sauves. Encore faut-il qu'Albert coopère.
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Gloria.
"Moi, c'est Alice. Alice Vignoux."

Enchantée, Alice. Moi, c'est Gloria.

Les rires mêlés des deux blondes, teinté de soulagement, empreint d'une complicité naissante. Tout cela aura fait une belle rencontre et une drôle d'aventure mais ce n'est pas encore la fin...Pas tout à fait.

L'essieu se brisa, envoyant valser dans les airs le trio. Gloria retomba mal. Elle réprima un couinement de douleur lorsque sa cheville heurta un gros caillou dans sa retombée. La douleur l'électrisa jusqu'au genou et elle se redressa tant bien que mal. Dans la foulée, un cri, une autre mauvaise nouvelle, le cochon se faisait la malle dans sa chute. Il fallait marcher? Le rattraper?! Non, la Nonne ne se sentait pas de courir avec l'état de son pied. Brièvement, elle analysa la situation mais très vite, Alice la pressa. Il n'y avait plus le temps à perdre, l'animal fuyait et le propriétaire se rapprochait dangereusement. Inspirant profondément après avoir ramasser son bâton, la décision de la jeune pousse était prise. Elle les protégerait dans leur course en affrontant la colère du Lafourche. Les sourcils froncés, les grands yeux noirs étrécis pour scruter l'arrivée de l'adversaire en devenir, Gloria déclara:


Allez rattraper Albert, je m'occupe du propriétaire! Je vous retrouverai à l'orée de la foret...

Sur ce, elle se campa sur ses positions tandis que la sauveuse s'en retournait récupérer l'échappé. L'aspirante chevalier ne bougea pas d'un centimètre, hautement visible dans le champ, elle pria pour que la provocation de son immobilisme détourna le colérique de ses alliés et son voeu fut exaucé!

Bientôt, le chapeau et la silhouette de son propriétaire s'avancèrent sur elle. Les jointures de sa dextre blanchies sur le manche en bois, elle attendait patiemment. Lui, rageux, hurlait à en perdre la voix:


Mon cochon! Rendez-moi mon cochon, voleuses!

Gloria sentit toute la fureur du Lafourche s'abattre en injures sur sa personne. Ce à quoi, elle répliqua d'un coup de baton sur le crane dénudé du fils. Un second en estoc dans le ventre pour lui faire perdre son souffle et un troisième...

Aie, Ouille!
Imaginez que ce pauvre animal aurait eu un sort bien pire que le votre entre vos mains!
Aie, Outch!


Le voilà qui recula, pris de crainte, face à la demoiselle armée. Il tenta une plongée pour se saisir de l'arme mais la donzelle fut plus agile et lui asséna un autre coup derrière la nuque en retour.

Retournez-en d'où vous venez et oubliez ce cochon! Albert ne vous appartient plus, il est vivant et libre! Et le restera!

Toc. ponctua le baton dans les jambes de l'ancien propriétaire. Beaucoup de menace mais peu d'action. Le fils Lafourche usé de se prendre des coups rebroussa chemin colérique et peureux. Inutile pour Gloria de le courser, il n'avait pas le coeur à se battre pour un vulgaire jambonneau. Elle l'observa fuir, immobile puis se retourna guettant l'avancée de sa complice et de l'animal. Les silhouettes atteignaient la lisière du champ et la jeune demoiselle fut rassurée. Peut-être son acolyte avait du user de fins stratèges pour guider le cochon mais chacune avait finalement réussi sa mission.

Soulagée, un rire clair perça ses lèvres et elle emboita le pas en claudiquant. L'histoire -et la cheville enflée surtout- voulut que le chemin des deux blondes s'arrêta dans ce champ.

Depuis souvent, l'aspirante chevalier observe les champ d'orge à l’affût d'un groin rose et de deux billes noires rondes et luisantes et un sourire lui vient. Et un jour, peut-être, les cheminements de la chevalier et de la voleuse se recroiseront...Qui sait?

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