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[RP] Juste la fin du monde.*

Louis_marie
["Ta mère la catin" - Matin]


Aux premières lueurs du jour, la silhouette endormie s'agite. Toi, l'amateur invétéré de grasses matinées, tu te réveilles aux aurores et les rayons du soleil semblent encore trop timides pour pénétrer l'épaisseur des rideaux. Le réveil est brutal, la douleur vive, les souvenirs trop frais. Contre ton corps, qui jadis se réchauffait de la présence rousse, il n'y plus qu'un oreiller serré jusqu'à l'étouffement. À ton esprit, qui autrefois se laissait habiter par l'alcool, l'euphorie et la légèreté, il n'y a plus que des mots qui résonnent encore et encore. À ton annulaire, qui hier exhibait fièrement une alliance d'argent, il n'y a plus rien. Rien.

    GYSÈLE. – Tu m'aimes ?
    LM, fronçant les sourcils. – Arrête d'poser des questions débiles.
    VAELIA. – Réponds Louis. Fuis pas.
    GYSÈLE remarque qu'il ne répond pas à la question et se renfrogne.
    LM, allant jusque derrière le comptoir, histoire de trouver un truc à boire. – Je... j'fuis pas. J'ai pas envie d'en parler.
    GYSÈLE. – On est là pour parler LM. T'as pas le choix en fait. Si tu ne parles pas, ça va très mal se finir.
    VAELIA. – Très.
    LM retourne s'asseoir, bouteille à la main. Silence.
    GYSÈLE. – Je t'ai posé une question simple. Réponds !
    LM, les regardant tour à tour, mal à l'aise. – Je...
    GYSÈLE, qui l'aide. – Oui ou non ?
    LM, après avoir pris une grande inspiration pour mettre les mots dans l'ordre. – Oui. Mais seulement quand le... monstre aura disparu.

Ce que tu peux être con, LM. D'un mouvement qui ronge tout ce qu'il te reste de force, de muscle et de motivation, tu parviens à te redresser pour trouver position assise sur le lit. As-tu seulement dormi ? Tu ne sais pas vraiment, tant la rancoeur et la douleur ne t'ont pas accordé un seul instant de paix. Néanmoins, dans le flot chaotique de tes sentiments, la colère est plus forte et si le barrage a cédé et inondé tes yeux toute la nuit, ils sont aujourd'hui éclairés d'une rage muette et brûlante. D'un bond, tu sors du lit, sans prendre la peine de t'habiller, et saisit un cadre accroché au mur, le jetant sur le sol. L'objet explose, le bois vole. Tu détruis. Tu es un destructeur. Tu détruis tout ce que tu touches, des meubles à ta soeur, de ton fils à ton épouse. Soudain, c'est le silence de ta chambre qui se laisse écouter, inquiétant, oppressant, et tu retournes dans ton lit serrer contre toi le coussin usé, comme un garçon malheureux et blessé. Non. Ce n'est pas ta faute. Tu n'as rien fait, toi. Tu ne seras pas la victime de cette situation. Tu es un homme, LM, pas une larve, pas une loque, et elles pourront bien faire ton procès, elles pourront bien te couvrir de honte, elles pourront bien rouler ton orgueil dans la boue que la vérité demeurera : ce n'est pas ta faute.

    LM, hurlant. – Non ! C'pas mon chiard ! J'ai pas d'chiard ! C'est l'enfant qu't'as eu avec un connard !

Il est là, le vrai responsable. Sous ce nombril, dans ce ventre trop rond, abrité et nourri par le corps que tu aimes. Le monstre, abject et sournois, le déforme, l'épuise, le rend hideux et le dévore. Tu lui as dit, quand elle te l'a annoncé, que tu n'étais pas prêt à être père. Tu savais, alors, que le monstre avait pris ses quartiers et qu'il n'était pas prêt de les quitter. Tu as pourtant décidé de rester, toi aussi, allant même jusqu'à le protéger du sort qui aurait pu lui être réservé, la mort. Mais tout a changé, parce que désormais, le monstre, tu le vois. Il grandit de jour en jour, pour te cracher au visage son existence et tes échecs. Avant son arrivée, tout était parfait, absolument parfait. Et maintenant, comment pourrais-tu aimer celle qui, en son sein, porte celui que tu hais ?

    LM. – Tu... m'détestes ?
    GYSÈLE, prenant un instant de réflexion, regardant l'alliance puis son ventre. – Oui.


*Titre d'une pièce de Jean-Luc Lagarce.
Les conversations sont extraites de RPs joués en taverne.
Gysele
[Autre auberge- Matin]


Ta nuit a été difficile Gysèle. Depuis la veille, une forme de nausée ne te quitte plus, un poing te pétrissant le palpitant sans modération. Un poids s'est posé au fond de ta caboche et l'image détestable d'une alliance déposée sur la table devant toi reste ancrée à ta mémoire. Il a osé. Louis-Marie a lâché par ce symbole si précieux à ses yeux, l'union qu'il avait mis si longtemps à obtenir. Tu as manqué d'air, tu as hurlé, tu t'es essoufflée, tu n'as pas compris. Tout s'est écroulé au moment où il a arraché cette foutue bague et les mots sont sortis, décochés comme système d'auto-défense. Oui, tu le détestes. Tu le détestes pour sa lâcheté, pour son obstination et pour son incapacité à réaliser ce qu'il se trame sous ton ventre rond.

Ce sont des bras amis qui t'ont apaisée la nuit, les mots d'un autre qui ont fait office de baume, mais toi Gysèle, tu aurais aimé que ton mari, ton frère, ne te mette jamais dans cet état. Le cœur en vrac, tu as refusé de remettre les pieds à "Ta mère la catin" de crainte de le croiser et c'est donc un tout autre barbu que celui que tu as épousé, qui a subi toute la nuit tes pleurs et ta mauvaise humeur. Tu t'es réveillée avec une gueule de bois d'un autre temps, allongée dans un lit qui n'est pas le tien, près d'un homme qui n'est pas le tien non plus, avec la douloureuse sensation que cette journée serait pire que la veille. L'esprit vaporeux, les paupières lourdes, tu as mis du temps à te redresser et à analyser la pièce qui t'entoure. Un instant, tout est calme, même dans ta tête, t'es dans cet entre-deux entre sommeil et lucidité. Puis, vient la douleur, elle frappe à nouveau, en même temps que les souvenirs et tu te recroquevilles sur ce lit en étouffant un sanglot pour ne pas réveiller l'endormi. T'es dans la merde Gysèle.

Tu vas être mère et tu vas l'être seule. Ton Louis-Marie ne te suivra pas cette fois. Et toi tu n'as déjà plus le courage d'abandonner le truc qui grandit dans ton giron. Il ne t'aime pas, pas assez pour supporter la déformation de ton corps et pourtant Dieu sait que tu étais prête à le faire passer pour soulager vos consciences à tous les deux. "Je ne voulais pas vivre avec une meurtrière" t'avait-il dit. A défaut, il préférait ne pas vivre du tout. C'était tellement mieux ! Tes mains se font berceau autour de ton ventre. De plus en plus, tu protèges cette partie de ton corps comme pour empêcher les coups dont tu es la cible facile, de venir l'atteindre elle. Elle, tu te surprends à espérer une fille. Une fille, c'est plus facile, c'est plus doux et ça fait moins mal. Elle, donc, réagit, balance pieds ou mains en déformant ta peau d'une légère bosse éphémère. Même ton propre enfant a besoin de se défouler, décidément, vous les Ponthieu, n'êtes vraiment qu'un ramassis d'abrutis.

Tu finis par te lever, la tête tourne et les yeux piquent. Tu dois avoir une sale tête, tes cheveux en pagailles, tes yeux cernés et les prunelles rougies. Qu'importe, t'as pas envie de plaire là tout de suite. Tu couves ton hôte d'un regard plus doux, lui qui vit un vrai tourment aussi, tu ne peux que compatir à ses souffrances. Tes doigts viennent remettre une mèche brune, presque maternelle, mais tu ne le touches pas davantage, consciente qu'il a lui aussi besoin de récupérer de ses divers maux. Alors, tu t'éclipses de la chambre, sors de l'auberge, affrontes ce soleil radieux qui te fait plisser les yeux. Tu as l'impression que le monde entier te pointe du doigt, toi folle Gysèle à la gueule en sac. Et là, tu fais un pas, un seul. Tu n'en feras pas d'autres avant d'avoir vidé tes tripes dans la venelle. Les gueules de bois, ça ne t'a jamais réussi.

_________________
Louis_marie
["Ta mère la catin" - Après-midi]


L'oreiller n'en peut plus d'être si comprimé dans tes bras. Depuis des heures, depuis que tu es réveillé en fait, tu n'as pas bougé. Tu es là, prostré, caché sous tes draps. Et si les lambeaux de ce qui fut un cadre ne décoraient pas le parquet de ta chambre, on pourrait légitimement penser que tu n'existes plus, ne respires plus, ne vis plus.

    LM. – Tu... non non. C'pas possible.
    GYSÈLE. – Panique pas... tu vas m'faire paniquer. J'ai besoin que tu sois fort là... j'vais craquer.
    LM, doigt accusateur pointé vers le ventre coupable. – "Panique pas" ?! Mais bordel, comment tu veux que j'panique pas ?! T'es... Y'a... Là-dedans, y'a... Nan, c'pas possible.
    GYSÈLE. – Y'a un nuisible ouais. Une chose qui s'est accrochée à mon bide. J'y peux rien.
    Silence.
    GYSÈLE. – J'ai besoin de toi là LM.

Même si ta posture dit le contraire, tu vis, LM, tu t'agites et ne cesses de ressasser les mêmes pensées, les mêmes mots, en boucle. Tu vas mourir, si tu continues comme ça. Il faut au moins que tu manges. Ton estomac gronde de ne pas avoir eu ne serait-ce qu'un dixième de ce qui le remplit d'habitude. Lentement, un orteil finit par bouger et tu quittes ton lit pour te lever. Et rester debout de longues minutes. Bouge. Habille-toi. La tenue la plus morne possible est enfilée, et tu te mets à nouveau à attendre on ne sait quoi. Elle te voulait fort, et tu es faible. Elle avait besoin de toi, et tu t'es défilé. Lui rendre ton alliance, c'était lui montrer à quel point tu es mauvais. À quel point tu veux mourir. Sors, LM, vas te trouver à manger. Avec un peu de chance, ton teint sera un peu moins blafard après. Et arrête de penser à elle, arrête de te répéter que la Gysèle d'avant te manque, celle qui se réveillait à tes côtés et qui riait avec toi, qui te donnait chaud par sa seule présence et qui affichait un ventre plat.

    LUCIE. – Au regard de sa situation, elle a de bonnes raisons d'être pénible.
    VAELIA. – Voilà, écoute une sage parole au lieu de proférer des imbécilités.
    LM, les regardant tour à tour. – C'quoi ses bonnes raisons ?
    LUCIE, croisant les mains sur son ventre rond. – Elle a un autre être humain envahissant son ventre.
    VAELIA. – Crois moi, ça change une femme pendant quelques mois.
    LM, avisant le ventre arrondi de la Josselinière. – Ça vous rend pas pénible, vous.
    LUCIE. – Je suis là depuis à peine un quart d'heure.
    LM, glacial. – En un quart d'heure, Gysèle arrive à être extrêmement chiante.
    LUCIE. – Il faut dire qu'au regard de votre attitude, à sa place, j'aurais envie de vous tuer et pas seulement d'être pénible.


[Dehors - Après-midi]


Se remplir la panse, voilà un bel objectif dans la vie. Se remplir la panse avec autre chose qu'un monstre, évidemment. Le soleil est haut maintenant, le ciel est bleu, le printemps reprend ses droits, les arbres bourgeonnent, les oiseaux chantent, et tu t'en fous. Sous ton bras, l'oreiller demeure bien calé et tu avances, tête baissée, faisant fi des mouvements de la foule. Il y a trop de monde à Limoges. Et pourtant, Limoges est bien trop petite pour que vous ne vous croisiez pas. D'un chef relevé, tu la vois. Bien sûr qu'elle est là, avec son air mi-furieux mi-exaspéré. Tu t'es stoppé net dans ta marche. Tu as oublié ce que tu faisais là. Tu attends simplement, secoué par les passants sans parvenir à avancer, tanguant d'une jambe à l'autre, ne rompant le contact visuel qu'une fois ou deux à cause des ombres qui passent devant toi.

    VAELIA. – Je t'aime petit frère mais franchement, tu vas vraiment te prendre ma main dans la gueule.

Tes manches sont retroussées, tu approches. Tu es prêt. Prêt à parler. Prêt à gueuler. Prêt à la frapper s'il le faut. Prêt à lui dire que tu la hais autant qu'elle te déteste, que tu ne peux pas être époux alors que tu es déjà frère, qu'elle ne vaut pas mieux que votre mère et votre cadet, que ton alliance, c'était ton titre de propriété, que son corps t'appartenait, qu'elle t'a trahi en se faisant le réceptacle d'une engeance malfaisante, que son bide gravide est morbide, que la chose, qu'elle soit née de l'inceste ou de l'adultère, ne pourra qu'être monstrueuse et démoniaque, qu'elle ne mérite ni un prénom ni ton attention, qu'elle brûlera en enfer, et sa mère avec pour avoir donné vie à pareille abjection, que tu ne veux plus jamais la voir, plus jamais souffrir, que tout cela était une vaste erreur, une grosse blague, une parenthèse foireuse dans ta vie.

    MAGDELON. – Je peux le taper, là ?
    GYSÈLE. – Oui.
    MAGDELON lui colle une claque.

Après des mois à te murer dans le silence le plus complet, tu es prêt, LM. Tu vas lui dire tout ce que tu dois lui dire. Tu vas lui dire tout ce qu'un homme doit dire. Tu vas être un homme, un adulte, un mâle et un souverain. Tu vas être tout ce que tu n'es pas, et affirmer tout ce que tu ne penses pas. Grande inspiration et... :

– Je...

La voix s'étrangle et ne parviendra pas à aller plus loin. C'est que, sans avoir eu à bouffer la moindre madeleine, la gifle violente et impitoyable d'un souvenir oublié est venue te faucher.

    LM, debout, les joues rougies, le front transpirant et les braies tendues de sentir celle qui sera bientôt son épouse si proche de lui. – Je...
    GYSÈLE, bras enroulés autour du cou masculin. – "... t'aime." C'est ce que tu devrais me dire.
    LM, sans hésiter, sans balbutier. – Je t'aime.
    GYSÈLE, étirant un fin sourire, le cœur battant. – C'était pas si difficile...


Les conversations sont encore extraites de différents RPs joués en taverne. Je confesse avoir eu la flemme de demander à tous les gens cités leur autorisation. Si ça dérange quelqu'un, qu'il n'hésite pas à me le signaler.
--Gysele


[Après-midi – Limoges]


Elle esquive les coups
La boxeuse amoureuse
Elle absorbe tout
La boxeuse amoureuse


T’as plus rien dans le bide Gygy. Enfin si, tu as toujours un problème envahissant, mais tu as vidé ton estomac dans la ruelle et à présent, la faim te tenaille les tripes. C’est une sensation étrange, cette brûlure qui agace ta panse et à la fois ces gargouillis qui te l’affament. Il te faut mettre quelque chose sous la dent sinon, tu n’auras plus assez de force pour te porter. D’un pas chancelant tu déambules, le regard ailleurs, tes cheveux en pagaille, une main sous ton ventre comme si c’était le plus lourd fardeau que tu aies eu à porter. Tu as l’impression de prendre la rue à contre-courant, t’as mal choisi ton moment, c’est l’heure de pointe à Limoges. Les marchands s’égosillent, les coursiers s’éparpillent, les travailleurs font leur pause et les paysans ramènent leurs récoltes. Des charrettes te frôlent sans même que tu réalises, tu esquives poulets, sacs de farine, chevaux ou étales de quelques gestes. Tu avances, luttant contre les éléments, le cœur au bord des lèvres, les larmes au coin des yeux. Et ce soleil te tape sur les nerfs. Tu l'as attendu longtemps et aujourd'hui, tu le regrettes, il te fait mal au crâne, d'une migraine qui encercle tes tempes et presse de plus en plus fort.

Boum boum les uppercuts
Qui percutent son visage
Mais jamais elle ne cesse
De danser, de danser
Tomber ce n'est rien
Puisqu'elle se relève

Un sourire sur les lèvres
Un sourire sur les lèvres


Tu plisses les yeux et soudain il est là. Apparaissant comme l'ange noir au milieu des badauds. L'homme que tu aimes a perdu de son éclat. Il ressemble à tout sauf à celui que tu as épousé. Tu t'arrêtes face à lui, trop loin pour le toucher, pas assez pour ne pas sentir ses pensées passer dans son regard. Tu as toujours su lire en lui, il est un livre ouvert à toi qui le connaît par cœur. Surgissant dans ta bulle, Louis-Marie semble ramener avec lui les sons et les cris. Ça te surprend, t'agresse et te fait vaciller. Pire encore, tu perçois les hurlements de ses silences et ce « je » misérable t'arrache une crispation de la main.

Tu as toujours incité LM à parler, lui qui préfère cogiter, ressasser et ravaler ses pensées, toi tu t'évertues à les lui extirper, à lui imposer des mots là où il n'a que sacs de nœuds. Mais dans les situations les plus complexes, ton frère, ton époux, n'est plus à même de faire cet effort là. Tu te retrouves donc devant un mur, une paroi immense qui te semble insurmontable. Il t'a abandonnée. Et tu ne pourras lui donner satisfaction en abandonnant l'enfant pour reprendre votre vie d'avant. Tu réalises que c'est impossible et que l'être qui grandit en toi s'est emparé vicieusement d'une partie de ton cœur. Ton mari ne t'aime pas assez supporter ce partage là. Tes écarts oui, pas cet amour là. Mais si il est bien quelque chose que tu ne peux pas maîtriser, Gysèle, c'est bien ce sentiment particulier qui se renforce un peu plus chaque jour. Un instinct, une émotion primitive, un besoin de protéger cette fille à naître. Elle sera parfaite. Avec un peu de chance elle héritera des yeux de son père et Dieu qu'elle sera jolie. Tu imagines déjà comment elle sera, tu sais, tu sais que ce sera une fille, un garçon serait si difficile à élever. Elle est ta lumière dans cette obscurité actuelle. Et l'obstination de ton mari à te rendre hideuse et indésirable n'a de cesse de t'inciter à lui tourner le dos.

Une main caressant le ventre rond comme pour rassurer la chose que tu couves de ce qu'il va se passer, tu finis par arracher l'alliance que toi tu portes encore et tu la laisses tomber dans la poussière, sous le nez de celui qui ne parvient par à parler. Et si tu perçois un soupçon d'amour dans le regard de ton mari, un souvenir enfoui qui peut-être revient à la surface, tes instincts maternels eux, te poussent à ne plus risquer le moindre coup. Un instant tu voudrais te lover dans ses bras, sentir son odeur, inspirer dans ses cheveux et effleurer ses lèvres. Un instant ton pied s'avance et tu t'approches d'un petit pas. Mais toi Gysèle, toi l'orgueilleuse, toi blessée dans ta fierté, dans ta féminité, dans ta maternité, tu te rebiffes et lui annonces d'une voix tranchante :


    -T'as foiré ton épreuve. Là était l'obstacle de notre mariage et tu m'as abandonnée à la première difficulté. Sept mois. Sept mois sans toi. C'ne sera pas un de plus. J'te laisse les oreillers, l'auberge pour te saouler et même Suzon pour baiser. Tu m'enverras les papiers.

Et en disant ça, Gygy, c'est comme si tu te plantais toi-même un couteau dans le cœur. T'es sanguine, impulsive et irréfléchie. Tu ne sais pas tourner sept fois ta langue dans ta bouche. Tu es sans filtres et rentre dedans mais surtout, tu es sensible, très sensible. Et tu ne te sens plus capable d'encaisser plus, tu as l'impression que ton bouclier va céder, que tu vas refaire des crises d'hystérie et perdre toute raison définitivement. Sauf que, cette fois, tu sais que tu dois garder un peu de cette raison pour quelqu'un d'autre, cette fois, tes forces vont être économisées pour l'enfant à naître et cette fois, quelqu'un d'autre passera avant les états d'âme de ton mari. Et c'est avec cette certitude que tu t'éloigneras, contournant l'homme à l'oreiller d'un pas de côté pour ne plus te retourner.

Regardez la danser
Quand elle s’approche du ring
La boxeuse amoureuse,
La boxeuse amoureuse
Sur ses gants dorés,
Des traces de sang
De larmes et de sueur
Et de sang, et de sang



*La Boxeuse Amoureuse par Arthur H
Louis_marie
[Prologue datant d'un autre temps]

    GYSÈLE, glissant son index sur le torse fraternel, par-dessus la chemise. – Quoiqu'il en soit, des minis-toi ce serait bien. Mais j'promets pas d'être tendre avec leur mère.
    LM. – J'ferais un père affreux.
    GYSÈLE. – Ca s'apprend... tu l'vois bien avec la princesse.
    LM. – La princesse est une bonne mère, même si elle a b'soin d'apprendre des choses. Moi, j'aimerai pas mes gosses. Vaut mieux pour eux qu'ils existent pas.
    GYSÈLE, haussant les épaules. – T'auras qu'à me les donner.
    LM, souriant. – On f'ra ça, alors. Mais tu leur donnes pas des prénoms affreux, hein ? Hors de question qu'ma... ta... notre fille s'appelle Zézette.
    GYSÈLE. – Mmh. D'accord, mais tu choisis une jolie génitrice. Parce que je veux qu'ils soient beaux.
    LM, hochant la tête. – C'promis.


["Ta mère la catin" - Soir]


Le navire tangue, les pas chancellent, les yeux se noient dans les larmes. Magnifique allégorie du naufrage qu'est votre mariage. Évidemment, toi, mis K.O. par quelques mots dont la criante vérité est bien plus violente que tous les coups qu'on aurait pu t'asséner, tu n'as rien su faire d'autre que de rentrer chez toi pour boire à n'en plus pouvoir, appliquant à la lettre la prophétie délivrée. Tu aurais préféré qu'elle te frappe, mais qu'elle se taise, qu'elle te déteste, mais qu'elle continue à te protéger un peu. Maintenant, c'est trop tard, et il ne te reste plus qu'à oublier. Pourtant, l'alliance de Gysèle est là, ramassée par un époux défait, glissée à ton petit doigt, infime souvenir de ce qui ne sera plus.

    LM, s'approchant pour plaquer son alliance sur la table, sous le nez de sa femme. – J'vous emmerde.
    VAELIA. – Louis...
    GYSÈLE, regardant l'alliance, puis lui, puis l'alliance. – Alors là...
    LM. – Quoi ?!
    GYSÈLE, menaçante. – Attention à ce que tu fais ! C'est irrévocable si tu pars d'ici sans.

Tu as merdé, LM. À ton doigt, l'anneau vient te hurler à quel point tu as merdé et, comme si ça ne suffisait pas, celui qui manque à ton autre doigt te le confirme. Au lieu de te calmer, de choisir de baisser la tête et d'admettre tes erreurs, c'est Suzon qui a servi d'exutoire à ta rage. Tu l'as frappée et tu l'as faite pleurer. Parce que tu avais furieusement besoin d'alcool et qu'elle ne te servait pas assez vite. Ou bien parce que c'est son prénom que ta femme a prononcé, quand tu aurais voulu qu'elle n'ait que le tien sur les lèvres. Ta colère est basse et cruelle, tu t'en rendras compte, et alors cette culpabilité s'ajoutera au poids de tes regrets. Mais pas ce soir. Ce soir, tu ne fais rien d'autre que picoler, encore et encore. Tentative tout à la fois ridicule et vaine d'effacer la débâcle et de faire disparaître l'échec.

    VERA. – Le mariage suppose que les deux époux s'engagent l'un vers l'autre librement et sans contrainte, qu'ils se promettent amour mutuel et respect pour toute la vie, qu'ils accueillent les enfants que Dieu leur donne, et les éduquent selon les écrits d'Aristote et la pensée de Christos. Gysèle et Louis-Marie, est-ce bien ainsi que vous voulez vivre dans le mariage ?
    LM, tortillant ses doigts. – Heu... Oui m'dame... heu... ma soeur.
    GYSÈLE, blêmissant un peu au sujet des enfants, mais concentrée. – Oui !
    ELISE. – Oui bah j'les plains les enfants...

C'est sa faute, encore et toujours. Si elle ne t'aime plus, LM, c'est parce qu'elle n'aime que lui, le petit être hideux s'agitant sous son nombril et tambourinant pour réclamer son attention et son affection. Et, à ce jeu là, il est meilleur que toi, l'enfant de salaud. Car elle l'aime et elle ne t'aime plus. Dix-huit ans qu'elle t'aime, et en à peine quelques mois, l'immonde voleur a tout balayé et tout pris. C'est là que tu as merdé : tu aurais dû le chasser, t'en débarrasser, comprendre bien avant que son cœur n'était pas assez grand pour vous deux et qu'il fallait le tuer, lui, l'autre. Ce constat fait se serrer tes poings, et un instant tu crains que les meubles ne se fassent à nouveau la cible des coups que tu voudrais et que tu ne peux pas porter sur le monstre. Mais tu te retiens. Elle ne veut plus de toi, et, à dire vrai, tu ne veux plus de toi non plus. Les dés sont jetés. C'est trop tard. Bientôt, tu ne seras plus son époux. Si tant est que tu l'aies un jour été.

    LM. – J'ai jamais été un époux parfait. J'suis ton p'tit frère.

Il faut que tu dormes. Tes jambes ne te portent plus, la tête tourne, les murs vibrent, tu as besoin de t'allonger. Et c'est par terre que tu t'allongeras, après t'être approché du lit seulement pour récupérer l'oreiller sur lequel elle dormait. Ce lit a tout vu, de votre première étreinte à l'aube d'un mariage désespérément immoral à cette nuit où deux adolescents heureux, rieurs, insouciants et inconscients ont fait un enfant. Alors oui, tu te refuses l'accès à un lit soudain devenu trop sacré pour que tu le profanes. Et cette nuit, même tes ronflements d'ivrogne ne parviendront pas à faire taire les voix qui s'entêtent et les mots qui se répètent.

    LM. – Tu... m'détestes ?
    GYSÈLE, prenant un instant de réflexion, regardant l'alliance puis son ventre. – Oui.
    LM, se levant et usant de toutes ses forces pour réprimer les larmes qui montent. – D'a... d'accord. Je... bonne... bonne nuit.
    VAELIA, se levant, essayant de l'attraper au bras. – Louis, attends !
    GYSÈLE se renfrogne presque aussitôt, les regrets déjà plein la bouche. Elle déglutit.
    LM, dents et poings serrés, l'air soudain pressé. – Quoi ?!
    VAELIA. – Reste... S'il te plaît.
    LM, après avoir secoué vivement la tête pour dire "non". – J'ai compris.
    GYSÈLE, les bras croisés comme pour s'enlacer elle-même, mal au ventre, nausée, chose qui s'agite. – Tu ne comprends que ce que tu veux.
    VAELIA, prenant la main du cadet, inspirant un grand coup, chuchotant doucement. – Elle ne le pensait pas. Elle est juste à bout de nerfs.
--Gysele


[En vadrouille, loin de Limoges]

Roméo kiffe Juliette et Juliette kiffe Roméo
Et si le ciel n’est pas clément tant pis pour la météo
Un amour dans l’orage, celui des dieux, celui des hommes
Un amour, du courage et deux enfants hors des normes


T’es partie. Sans un regard, sans un mot, sans un adieu. Tu l’as abandonné à ton tour, le laissant à sa haine, son rejet et ses ondes néfastes. T’as tout lâché, Gysèle. Ta sœur, ta famille, ton mari. Tu les as plantés là, dans le décor de Limoges, leurs vies chaotiques délaissées sans pitié. T’as pensé qu’à toi, Gygy. T’avais peur de craquer, de pleurer de criser. Tu craignais de ne plus te relever. Alors, c’est avec un autre que tu as filé. Le cœur en miettes, le corps épuisé, t’as pourtant fait le voyage jusqu’à l’océan, jusqu’à cette horizon particulièrement hypnotisant. Tu t’es consolée dans les bras de cet ami, dans le lit de cet amant, cherchant cette touche d’affection que Louis-Marie n’arrivait plus à t’offrir. Et à chaque fois que tu te prenais de remords, repensant aux airs tristes de ton époux-frère et ses belles déclarations passées, le souvenir douloureux d’un « Oui. Mais seulement quand le…monstre aura disparu » revient te plonger dans tes noires pensées.
Tu es dans un dilemme. Tu ignores comment te sortir de là sans perdre un morceau de toi. D’un côté LM, votre amour, votre mariage et vos cœurs. De l’autre, votre enfant, ton sang, ton cœur et…ta vie. Déjà, tu sais au fond de toi que tu as fait ton choix. S’il te force à choisir, ce ne sera pas lui. Et pourtant, si il te laissait faire, tu te sais capable de les aimer tous deux, de ne pas en négliger un pour l’autre.Tu voudrais le lui faire comprendre, mais votre maladresse constante n’a de cesse de vous éloigner. Si il te blesse, tu fais en sorte de frapper plus fort. Coup pour coup. Jusqu’au jour où l’un de vous cède.

Tu passes des heures à contempler l'océan, tâchant de faire le vide dans ta tête, d'y faire le tri. Revoir tes priorités, penser au futur, comment nourrir cet enfant, le soigner, l'éduquer. Tu ne sais pas faire tout ça, Gysèle. Tu es effrayée et tu aurais besoin de ton mari à tes côtés pour te rappeler qu'à deux ça ira bien. Deux jours à la Rochelle suffisent à te faire reprendre des forces, du moins celles nécessaires pour une future confrontation. Tu as fait le plein de coquillages, espérant consoler ta sœur, par quelques coquilles ramassées avec soin dans le sable chaud. Ton teint est rougi par les coups de soleil qui ne t'ont pas épargnée, tes tâches de rousseur se sont accentuées, couvrant ton nez et tes pommettes d'une teinte plus brune. Ta démarche, elle, s'est alourdie, ton bidon pèse plus lourd, te fait mal aux reins, te fait peiner à des tâches simples comme enfiler tes souliers. Tu râles à chaque fois que tu mets ta robe ou ton corsage dont tu délaces un peu plus les liens chaque jours. Tu dors mal et tu te sers du brun comme coussin de maternité pour apaiser la pesanteur de ton tour de taille. En somme, tu commences à ne plus supporter ton état et même si la délivrance t'effraie au plus haut point, tu commences à te dire que plus vite elle arrivera, mieux tu seras.


      Gysèle,

      Reviens.
      Tout ça n'a aucun sens.
      Il faut qu'on parle.
      Ou qu'on ne parle pas.
      Mais reviens.
      On tuera le monstre.
      On lui fera payer de nous avoir séparés.
      Mais reviens.
      Je t'aime.
      Et il paraît que tu m'aimes aussi.
      Alors reviens.

      LM

Une lettre tâchée d’encre te parvient. D’abord tu t’enfermes pour la lire, le cœur battant, croyant recevoir là des excuses, une tentative de paix ou une déclaration. Puis, la déception vient peu à peu troubler ton regard et serrer le palpitant affolé. C’est la merde Gysèle. Il ne comprend rien à rien et tu ne sais pas comment lui faire comprendre que tu ne tueras pas ce « monstre ». T’as beaucoup de défauts, mais pourtant là, tu as comme l’impression que tu ne te trompes pas en faisant ce choix. Si au début tu voulais détruire cette engeance, tu t’es depuis laissée amadouer, séduire et complètement apprivoiser par cette vie qui se fait sous ton ventre rond. Mais il t'aime. Il te l'a écrit. Tu le crois ? Oui. Tu l'aimes ? Oui. N'est-ce pas suffisant pour au moins accepter de lui parler ? Tu cèdes. D'une plume trempée dans l'encre, tu attrapes un vélin vierge et rédiges ce qui sera ta réponse tout en massant le ventre tendu dont quelques bosses peuvent être aperçues.

      LM,

      Ton bébé et moi allons bien.
      Nous avons bien reçu ton courrier et nous acceptons de venir te parler.
      Lui et moi ne sommes pas d'accord pour qu'il disparaisse,
      Mais je saurai te convaincre qu'il...Non elle, doit faire partie de notre vie.
      On sera ensemble, si tu m'aimes.
      On sera ensemble, si tu m'aimes en entier.
      Il n'y a que toi qui nous sépare.
      Je rentre, arrête de boire et sois frais.
      Je t'aime.

      Gysèle
      .

Votre départ se fait juste après que tu aies remis la lettre au coursier. Oui, il est temps de rentrer. Et si le pauvre Benjen supporte tes râleries au moindre caillou qui fait tressauter la charrette, c'est surtout l'angoisse qui noue ta gorge qui te met dans cet état là. Tu te surprends à prier pour que ton frère s'adoucisse. Tu te surprends à espérer qu'il se ressaisisse. Car définitivement, toi Gysèle, tu n'es rien sans ton LM.

La nuit on n'dort pas, on danse
Et quand on n'danse pas, on pense
On cherche des réponses
À toutes ces questions qu'on ne pose pas


*Roméo kiffe Juliette - Grand Corps Malade
*La nuit - L.E.J.
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