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[RP] Des mots qui traînent trop

Evroult
    - Mon passé se meurt.

    Trois paires d’yeux écarquillés se posèrent sur le minois figé. On n’avait plus vraiment l’habitude, depuis des mois déjà, que les lèvres gourmandes s’ouvrent pour autre chose qu’un plaisir financé. Les plus anciennes des filles avaient cessé de s’inquiéter pour les cernes profonds, le corps amaigri & les mauvaises humeurs ; les plus nouvelles trouvaient l’homme sévère, voire antipathique, & ne comprenaient pas que nombre de clientes le quémandent encore.

    Somme toute, Chasseur s’était résumé drastiquement à son métier. Tout contact aux souvenirs, amis, famille, relations, le rendait exécrable depuis la – seconde – disparition de Blanche. Les morts s’étaient enchaînés, les multiples deuils glissant sur l’âme décharnée sans qu’il ne soit plus capable de réagir vraiment ; il avait pris l’héritage libéré par la mort de Yohanna de Chambertin, devenant propriétaire du bordel où il n’avait été que maquereau intérimaire, & s’était bien gardé de pleurer, et Eldearde, et Blanche, & Yohanna, et la floppée d’autres qui auraient dû l’assommer.

    Pourtant, cette dernière annonce avait su réveiller quelques cicatrices profondes & bien palpables. Il avait déclamé cette vérité douloureuse d’un ton neutre & effacé, mais la réalité seule de ces mots prononcés prouvait la violence de ce qui venait de se dérouler.

    « Géant est mort, & mon passé se meurt » avait-il affirmé. Puis il s’était levé, devant cette assemblée de prostituées médusées dégustant un dernier repas avant l’ouverture des portes, avait monté les marches d’un pas lourd & trainant, & s’était enfermé en son étroit bureau, repoussant la masse de paperasse chiffonnée d’un mouvement agressif pour libérer la table & démarrer sa lettre.

    Citation:

      D’Evroult Ponthieu,
      A Hel af Nærbøfj-Røykkness, si tu es encore en vie,

      Que Théodrik, de ce même patronyme, repose en paix.
      Que vos dieux l’accueillent comme un prince de retour, & qu’ils se gardent de t’emmener trop tôt. Géant qu’il est, je sais, d’ailleurs, qu’il prendra garde à t’éviter toutes sortes d’embûches… pour quoi d’autre les frères auraient-ils été créés ?

      Loupiot.



    - Vrai, ça… pour quoi d’autre.

    Onyx se perdit sur une liasse froissée de parchemins rongés des rats & des moisissures, coincée entre deux gros livres de comptes soutenant une étagère. Ce trophée, abandonné & oublié, ne servait plus qu’à rappeler à son propriétaire combien il avait eu la haine pour amie.
    Peut-être même l’avait-il toujours.

    Citation:

      D’Evroult Ponthieu,
      A mon aîné,

      Ceci est un pavé d’excuses.
      Ai-je ton attention ? as-tu jeté mes mots au feu ? as-tu lâché cette lettre comme si la peste la recouvrait de bout en bout ? non, LM. Tu peux garder tes ongles noirs sur ce parchemin. C’est une blague, pour la peste.

      Il se trouve que j’en ai fini, avec l’aversion des Ponthieu. Ne me demande pas pourquoi. Moi-même ne suis pas certain de la réponse. Ai-je passé trop d’énergie à vous détester suffisamment ? ai-je assez souffert de vous croiser après vous avoir si bien rendus dingues ? en ai-je eu assez de rejeter ces liens du sang, quand il me suffisait d’abhorrer Marie-Gertrude ? Peut-être. Qu’importe.
      Ceci est un pavé d’excuses.

      Bien sûr, tu ne crois pas ces lignes. Tu penses, & j’ai longtemps donné de bonnes raisons d’y croire, que je m’adonne encore à un de ces jeux vicieux qui n’avaient pour but que de vous démontrer combien je nourrissais d’aversion à votre égard. Tu penses que je cherche encore & toujours à vous détruire, parce que je suis le mal-aimé, parce que je suis l’abandonné, parce qu’il n’y avait pas de place entre Gysèle & toi, tant l’amour que vous vous portiez écrasait tout le reste.

      La vérité, LM, c’est que je ne vous ai jamais haï. La vérité, LM, c’est que Gysèle était ma tare, à moi. Que poser mes yeux sur elle me renvoyait un reflet de moi-même que je ne supportais pas, parce qu’il était si proche, si proche ! de notre satanée génitrice. La vérité, LM, c’est que parce que tu aimais tant Gysèle, il m’était impensable de te laisser une chance.
      La vérité, LM, c’est que j’ai été con. Et que, peut-être, au fond de moi, je le regrette. La vérité, LM… ah ! la vérité est si loin de ces passes faussées, de ces masques brisés, de tous ces coups ratés qu’on s’est bien balancé.

      Tiens. Ceci est un pavé d’excuses.
      Tu sais combien je ne sais les formuler.
      Mais je peux faire une liste, je crois.
      • pour t’avoir frappé ;
      • pour l’avoir frappé ;
      • pour avoir déchiré son bustier ;
      • pour t’avoir volé tes jouets ;
      • pour avoir fait croire que je l’avais baisé ;
      • pour avoir fait croire que je la désirais ;
      • pour n’avoir supporté que vous vous aimiez plus que vous ne m’aimiez moi ;
      • pour vous avoir reproché d’être les rejetons de notre mère ;
      • pour avoir dit que tu ne pouvais bander ;
      • pour avoir dit que tu bandais tout le temps ;
      • pour m’être moqué de ta barbe parce que je n’en avais pas ;
      • pour n’avoir jamais, ô grand jamais, été à la hauteur ;
      • pour tout ce que j’ai oublié, ce que j’ai effacé, ce que je n’ose ajouter ;
      Pour tout ça, voici un pavé d’excuses.

      Loupiot.


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[REFONTE]
Gysele
Il a fallu que tu relises plusieurs fois ce courrier qui t'a chamboulée, Gysèle. Tu ne t'attendais pas à recevoir une lettre d'Evroult, encore moins qu'elle soit destinée à Louis-Marie. Ton petit frère, sans le vouloir, vient de te blesser d'un nouveau petit coup dans le cœur. Mais Evroult est comme ça, insouciant des conséquences de ses gestes, de ses paroles, il fait et laisse la vie en décider. Toi, de l'autre côté, tandis que le benjamin pense avoir fait une bonne action, tu sens une plaie se rouvrir et c'est douloureux.

Tu regardes Marcel, treize mois et tout autant de temps que LM a disparu. Ton fils détient d'ailleurs la plupart de ses traits, et certaines de ses expressions t'arrachent parfois quelques sanglots quand Salviac ne te voit pas faire. Tu as changé de vie, tu es plutôt heureuse, tu es anoblie, mairesse et tu as déménagé. Tu es amoureuse aussi, encore. Oui, encore. Et puis, quand cette forme de plénitude et d'équilibre semble se stabiliser, il faut qu'un élément vienne faire vaciller le tout.

Au deuxième jour, tu te décides à répondre. Il faut poser des mots, ne pas laisser cette démarche courageuse sans réponse. Il ne faut pas non plus se montrer trop naïve, car Evroult est rusé et il t'a déjà eu plusieurs fois. Alors, tu prends du temps sur chaque mot, chaque phrase, comme si tu réfléchissais à la manière dont il percevrait tes écrits de l'autre côté. Finalement, courrier est confié à un coursier et toi, tu attendras la suite en gardant cet événement marqué dans un coin de ta tête.



Citation:
De Gysèle Ponthieu,
A mon benjamin, Evroult,

Il y a eu erreur de destinataire. Ce que tu espérais arriver auprès de notre frère m'est arrivé à moi. Tes excuses ne lui seront donc pas parvenues et je ne pourrai pas les lui transmettre puisque j'ignore où il se trouve.

J'ai lu. J'ai tout lu et je m'interroge sur ce revirement après tant de mois de silence. Te serais-tu assagi, petit frère ? Tu comprendras que j'ai quelques craintes à le croire. D'autant plus que ces mots lui sont adressés à lui, mais qu'en est-il de moi ou de Valentine ? As-tu envie de t'excuser auprès de nous aussi ?

Sache que je n'ai rien à voir avec MG. Notre génitrice est une plaie et je n'ai aucun désir de lui ressembler de près ou de loin. Si malheureusement je ne peux rien changer pour le physique, sache moi, en tant que personne, je suis différente. Et ça, tu n'as jamais voulu le croire.

Si tu es sur le chemin de la rédemption, il faudra que tu passes par Périgueux où nous nous sommes installés. Si vraiment tu es sincère et que tu cesses de mordre, alors peut-être serais-je en mesure d'en faire autant.

Si je suis ta tare, tu es la mienne. Mais il est temps que nous grandissions.

Nous t'attendons.

Gysèle

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Evroult
    Citation:


      D’Evroult Ponthieu,
      A mon aînée,

      Salut.

      C’est une belle introduction, je crois, après ces mois de silence & ce contact forcé par un pigeon étourdi. Tu t’en es doutée, je sais. Je ne comptais pas t’écrire de si tôt, tant ton visage m’était encore intolérable.

      J’ai appris que tu avais troqué la lanterne rouge contre une couronne d’or. L’argent des bourses contre celui des politiques. La moiteur parisienne contre celle du Périgord. Je crois, à la nouvelle, en avoir été presque heureux pour toi. Encore aujourd’hui. Je crois.

      Pour te répondre, alors : oui.
      Il est temps. Je refuse de te voir encore comme une tare, bien que tu ais endossé ce rôle avec brio. J’ai fait la paix, en mes tripes, avec ce sang vicié qui continuera de couler en nos veines jusqu’à nos morts. Rien ne sert de luter lorsqu’on se sait damné.

      Si le hasard m’offre encore ta présence à Périgueux, sache que je quitte dès demain la parisienne à la recherche de nouveaux produits à commercialiser. J’aurais bien un ou deux mois devant moi avant que la boutique ne s’écroule, il ne me coûte rien de détourner mes pas vers ta contrée.

      Ceci n’est pas un pavé d’excuses.
      Pour toi, il ne suffira pas.

        Loupiot.



_________________
[REFONTE]
Gysele
Citation:
De Gysèle Ponthieu,
A toi, mon tout petit frère,

Evroult,

Il aura fallu bien des maux et des violences pour obtenir ce courrier de toi. J'ai mis du temps à te répondre, car si je l'avais fait sous l'impulsion, je crois que je n'aurais jamais eu assez de vélin pour y coucher mes tripes. Tu m'inspires bien trop souvent de vilains propos, mais j'ai préféré quitter cette habitude et attendre de relativiser.

Comprends bien qu'une part de moi est heureuse de ce revirement, de ce changement positif quand l'autre me hurle de me méfier de tes farces trop souvent mauvaises.

Je ne sais pas où tu as appris tant de choses sur moi, à t'entendre ma popularité s'étend jusqu'à Paris. Mais pour une fois les rumeurs sont vraies. Je suis vassale, mon domaine est en Guyenne et je tente de m'accoutumer à cette vie que j'ai choisi pour mon fils principalement.

Si, comme tu le dis, tu souhaites me revoir, viens à Périgueux, viens voir ton neveu, ta sœur, ta cousine et moi-même. Je ne croirai rien de toi par écrit. Tu m'es beaucoup plus lisible en face à face.

Sache une chose : si j'avais pu choisir mon visage pour ne pas te heurter à chaque fois que tu me regardes, je l'aurais fait.

Je t'attends,

Gysèle.

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