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[RP] Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux

Magdelon
Confusion in her eyes that says it all.
She's lost control.
And she's clinging to the nearest passerby,
She's lost control. (1)
Joy Division - She's lost control


    - Am, stram, gram,
    Pic et pic et colégram,
    Bour et bour et ratatam,
    Am, stram, gram.

Un filet de voix s'évade de sa gorge à la lueur des flammes qui vacillent, seule lumière diffuse éclairant la pièce au beau milieu de la nuit automnale. Déjà froide, glaciale, appelant l’obscurité hiémale de ses vœux. L'auberge est vide, huis fermé et verrou tiré donnent une fausse impression de sécurité, bien loin pourtant de l'esprit bouillonnant de la jeunette. Pucelle fait courir ses prunelles sombres sur les quelques cailloux accueillis en sa dextre sans vraiment les voir, trouble la saisissant depuis une poignée d'heures. Ces dernières s'écoulent en silence, seul le crépitement de l'âtre brouille la tranquillité des lieux. Le regard est hagard et se perd, tantôt sur les pierres grises, tantôt sur celles, plus imposantes, composant les murs irréguliers du bâtiment accueillant en son sein « Ta mère la catin ». Beau pied de nez pour celle dont la seule pensée de coucher contre un homme vraiment nu(2) lui file une trouille bleue, lui vrille le bide, l'angoisse au plus haut point. Pourtant Magdelon a quinze ans. Quinze ans. L'âge où, à longueur de journée, les personnes croisées au rythme de ses pérégrinations lui serinent à loisirs qu'il est temps, plus que temps qu'elle prenne époux. Vieux, riche, qu'importe, pourvu que l'anneau lui soit passé au doigt. Il lui vient presque en tête que le décès de son oncle est arrivé à point nommé, alors qu'un mariage se préparait avec un vieux paysan du coin. Un Berrichon, pur et dur. Un gars du coin. Un qui saurait la rendre sage et docile, qui ferait de l'adolescente grande gueule une femme. Une femme bien, respectueuse. Une mère. Cette idée la révulse au plus haut point, mais en ces heures qui s'égrainent, de matines à vigiles, ce n'est pas ce qui la préoccupe le plus.

Bleus qui picorent ses bras, ses jambes, morsures à peine cicatrisées au creux de la langue, muscles endoloris des convulsions et spasmes qui rythment ses nuits, et maintenant ses jours, sont au centre de ses obsessions. Le secret, jusqu'à présent, avait été bien gardé, mais Rouquine avait creusé, creusé, jusqu'à ce que, à demi-mots, Grenouille pousse l'aveu du bout des lèvres, sans vraiment réussir à décrire la cause réelle de son mal. Mais ses conséquences, oui. Ô oui. Et hier soir, ça. Il avait fallu que le mal arrive. Ici. Sur ce sol terreux qui avait été le réceptacle de sa folie et de son esprit malade. Devant lui. Évidemment qu'il avait été affolé à la vision de ce corps s'agitant en tous sens, de ces yeux convulsés, de ces membres laissés à l'abandon par l'encéphale parti loin, très loin, trop loin. A force que la brune lui parle de mort, LM avait forcément songé que la faucheuse venait faire son ouvrage en cette soirée de décembre. Mais Magdelon était revenue, hagarde, paumée, son corps n'étant que douleur et son cerveau que tourments. Allongée là, elle avait appris par la description comment son corps se jouait d'elle lorsque son esprit se faisait la malle. Et apparemment, ça n'était pas beau à voir, ce qui poussait irrémédiablement pucelle à se nourrir de la peur qu'on découvre son mal.

    - Tu vas pas me mettre dans un asile hein ? Tu promets que tu vas pas le faire ?
    - Mais enfin... non. Pourquoi j'te mettrais dans un asile ?
    - Parce que peut-être que je suis folle, et quand on est fou, on nous enferme, mais je veux pas être enfermée.

LM avait secoué la trogne.
    - J'te mettrai pas dans un asile. Mais faut pas qu'tu r'commences ça hein. C'dangereux.
    - Peut-être qu'il faudrait que j'aille vivre dans une grotte, comme ça personne pourrait m'enfermer. Mais ça m'arrive tout le temps, sauf que je sais pas ce qui se passe quand je tombe, je sais pas.
    - Ça... ça t'arrive tout l'temps ?
    - Ben oui, alors on va m'enfermer, c'est obligé, ou alors je vais mourir, bientôt.

Car oui, la mort, brunette savait qu'elle viendrait la cueillir tôt ou tard. Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux, et il était hors de question que jeunette se fasse surprendre par cette dernière.
    - Je... j'laiss'rai personne t'enfermer. J'ai promis.
    - T'en sais rien, les curés, ils s'en foutent, ils t'enferment quand ils pensent que le diable est dans ton corps, c'est comme ça.

Il avait alors passé un pouce tremblant sur sa joue, comme dans un geste de baptême. Un baptême en plein cœur de « Ta mère la catin ».
    - J'leur dirai pas. Personne leur dira. Ils sauront pas.

Les mots planent encore plusieurs heures après, lourds de sens. Et le feu crépite alors que ses paupières se ferment, loin du sommeil qui pourrait la prendre mais qui la déserte de plus en plus. Dans la nuit noire, dans la nuit noire et obscure, obscure et sombre, Magdelon se cognait contre les murs, les murs...(3)

Titre : Dolores Ibarruri
(2) Molière – Les Précieuses ridicules
(3) Oui, j'ai osé, et j'ai même pas honte !

(1) Le trouble dans son regard exprime tout.
Elle a perdu tout contrôle.
Et elle s'accroche au premier venu,
Elle a perdu tout contrôle.
Louis_marie
    [Die ! Die ! Don't die today !*]


La mort est, à tes yeux, un phénomène tout à fait étrange et incompréhensible. Tu ne l'as jamais vraiment côtoyée, ou seulement de très loin. Tu apercevais bien, quand tu étais enfant, ces quelques corps décrépits sur les pavés crasseux du Paris dans lequel tu as grandi, mais tu as toujours refusé d'y prêter l'attention qu'ils méritaient. Ils n'étaient pas de vrais gens. La mort t'est étrangère, parce que toi, tu es fait de vies, entouré de catins, heureux de la vie de ton aînée aimée, malheureux de la vie de ton cadet obstiné, surpris de la vie d'une nièce dont tu as ignoré jusqu'à l'existence pendant treize ans. Tu es enfant de la vie, LM, assurément. Et cela n'a rien d'étonnant lorsque l'on songe au fait qu'avant même d'être né, tu défiais déjà la mort à laquelle ta mère tentait en vain de te soumettre.

    - Vous d'vriez rester avec nous. On vous empêch'ra d'mourir.
    - Personne peut empêcher de mourir personne, vous savez ?

La révélation était tombée, comme la sentence sur le condamné. Personne ne peut empêcher de mourir personne, et tu ne fais pas exception à la règle. Tu aimerais tant. Magdelon est persuadée qu'elle va mourir, un jour, et peut-on vraiment la blâmer de connaître cette douloureuse vérité ? Tu n'oses pas lui donner tort, tu sais que nier l'évidence paraîtrait fou. Pourtant, chaque soir, au fond de toi, tu te complais dans l'illusion que tu ne mourras pas, qu'elle ne mourra pas, que vous êtes tous plus forts que la mort. Et lorsque l'absurdité de ta pensée te saute un peu trop au visage, tu acceptes, dans ton immense mansuétude, de faire quelques compromis : tout le monde meurt, d'accord, mais pas maintenant. Dans longtemps. En attendant, il suffit de s'armer d'un peu de courage, de se protéger mutuellement, de s'aimer, et ainsi, tout le monde vivra.

Alors que tu étais déjà travaillé par les paroles de la jeune fille, il a fallu qu'elle meurt. Enfin non, pas vraiment, elle n'est pas morte, mais c'est tout comme. Tu l'as vu souffrir, défaillir, s'interrompre dans sa phrase, s'effondrer, convulser. Et toi, gamin ignorant, tu n'as rien compris. Tu es resté là, pantois et impuissant, tenant entre tes mains fébriles un corps incontrôlé, comme si son âme s'en était défait et s'était envolée ailleurs, loin. N'est-ce pas là exactement la définition de la mort ? Alors évidemment, ce soir, tu ne dors pas, tu te tiens là, assis dans ton lit et, devant tes yeux, le souvenir traumatique passe, repasse, tourne en boucle. Tu as vu la mort. Tu as vu la mort. Tu as vu la mort. Putain.

Certes, Grenouille est revenue à elle, petit à petit. Sauf qu'elle est venue t'annoncer d'abord qu'elle avait mal, et ensuite, pire, que ce à quoi tu avais assisté n'est ni la première ni la dernière représentation de cet insupportable spectacle. Tu as vu la mort, une mort qui se répète inlassablement dans le corps de celle sur laquelle tu as choisi de veiller. Sans doute devrais-tu aller voir un prêtre, un médecin, un savant, n'importe qui qui puisse comprendre, l'aider et la sauver. Pourquoi ne le fais-tu pas ? Peut-être parce qu'au fond, toi, tu es convaincu qu'au coeur de ce chaos d'agitations et de crispations, quelque chose de grave, de sombre et de secret s'opère. Quelque chose qu'on ne raconte pas. Quelque chose qui ne plairait sans doute pas au barbu qui vous regarde, là-haut.


    - T'as ça d'puis longtemps ?
    Elle a secoué la tête.
    - Quelques semaines.
    - Ah ! Ben alors ça va guérir et tu vas red'venir comme avant.
    - Tu crois ?
    Tu as acquiescé, fort d'une conviction soudaine.
    - Moi je crois que ça arrive parce que je deviens adulte. Et que bientôt je vais mourir, alors voilà, c'est la transition.

Voilà qui agite encore davantage le flux de tes pensées. C'est parce qu'on devient adulte, alors, tout ça ? Le regard vert, pensif, s'attarde sur celle qui dort à tes côtés. C'est parce que tu deviens adulte, que tu l'aimes autant, cette silhouette rousse ? C'est parce que tu deviens adulte, que l'idée de voir mourir les autres, jusque là absente de ton esprit, commence à te hanter ? C'est parce que tu deviens adulte, que tu n'arrives pas à dormir, ce soir ? C'est parce que tu deviens adulte, que tu t'inquiètes autant, du sort de ta soeur et de celui de la Grenouille ? D'accord, mais comment on fait, pour ne plus devenir adulte ? L'impuissance t'agace et, finalement, tu quittes le matelas pour faire les cents pas dans ta chambre, en silence. Lorsque tu as vu Magdelon tomber, tu n'as rien pu faire d'autre qu'attendre. Et maintenant qu'elle va revivre ça encore et encore jusqu'à ce que quelqu'un trouve une solution miraculeuse, tu ne peux rien faire non plus. Elle se cogne partout, elle souffre, tu le sais de son propre aveu. Et il n'est pas dit que Louis-Marie Ponthieu restera sans rien faire. Alors, comme si tu y voyais là la solution à tous tes tourments, et à ceux de la brunette avec, tu saisis ton oreiller fatigué, précieux bien qui a été le compagnon de nombreuses nuits. Dans la pénombre, tu t'appliques à écrire un mot un tant soit peu lisible sur un bout de parchemin, et files déposer le tout devant la porte de la chambre voisine.

Citation:
Grenouille,
C'est mon oreiller. Il est un peu vieux et j'ai bavé dessus, mais ça ne se voit pas. Ou pas trop. Si tu en rassembles suffisamment dans ton lit, tu ne pourras plus te cogner la nuit. Prends-en soin, il est fragile mais bien utile. Il risque d'être un peu triste parce que je vais beaucoup lui manquer, alors n'hésite pas à lui faire des câlins.
LM


Piètre consolation à ton sentiment d'impuissance, mais consolation tout de même. Tu rejoins finalement ta chambre, léger sourire aux lèvres, satisfait d'avoir, au moins, fait quelque chose, et tu finis par te glisser sous les draps.

    - Mais... pourquoi ça t'arriverait à toi et pas aux aut' qui d'viennent adultes ?
    Elle a haussé les épaules.
    - Parce que j'ai un truc qui cloche, voilà.
    - On a tous des trucs qui clochent, t'sais.
    - Toi c'est quoi, le tien ?
    Tu es resté interdit un moment, gardant le silence comme si tu hésitais sur la réponse. Mais tu n'as pas à hésiter, il n'y aura jamais qu'une option : le mensonge.
    - J'sais pas. J'disais ça comme ça.

Le truc qui cloche chez toi ? Comme si tu ne le savais pas... La vérité peut être formulée en peu de mots. Ce qui cloche chez toi, c'est que cette nuit, faute d'oreiller, c'est sur le ventre nu de ta soeur que ta tête reposera.


*Yodelice.
Les dialogues sont extraits de différents RP taverne.
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