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Info:
Après les évènements de Bourgogne, Nattascha rentre à Saumur où elle retrouve un petit angevin du nom de Karyl.

[RP] et pourtant il faut vivre... ou survivre

Nattascha
rp ouvert à tous... enfin, ceux qui voient quelque chose à y faire ^^


Dernier jour d’errance – 25.07.1457


Des jours et des jours de cheminement. Des jours le ventre tordu par un chagrin qui ne lui laisse aucun répit, épaules tombantes, les yeux perdus dans le vide devant elle. L’impression d’avoir perdu sa route. De ne plus en avoir, de route. Les yeux pleins de pluie et de brume. Chaque pas, chaque lieue parcourue étant comme un voyage vers l’enfer que serait à présent son quotidien. Sans lui.

Saumur en point de mire, demain elle y serait.
Pour quoi faire ?
Personne pour l’attendre, personne pour la rejoindre chez elle. Personne à serrer dans ses bras. Solitude involontaire, subie, déchirante. Là bas ils sont tombés. Là bas ils sont restés.
Il est resté. L’autre moitié d’elle-même.

Pourtant… Elle le sent, elle sent sa présence et sa force près d’elle malgré tout. Elle croit goûter par instant comme une sensation de chaleur qui l’étreint, comme son souffle sur sa nuque, lui arrachant un frisson.
Au travers de sa peau qui frémit à cette brise chaude, qui la remue au plus profond de ce qui lui reste d’envie de vivre, elle espère… peut être… peut être que comme à Angoulême il a été recueilli, peut être qu’on le soigne quelque part, qu’il vit, qu’il lui reviendra. Un espoir infime qui l’aidera à ouvrir les yeux chaque matin. Un espoir qui chaque jour la fera regarder vers l’est, appelant de tout son être le galop d’un destrier noir répondant au nom de Viento de Abril, portant sur son dos un Andalou aussi fougueux que dans son souvenir.

Elle avait passé tellement de temps à errer dans Joinville, à fureter dans la moindre ruelle sordide, pieds trempés dans les miasmes suivant les averses, à questionner l’autochtone, à appeler dans le vide. Elle avait attendu, des heures, en solitaire, à la taverne de son Andalou, espérant voir s’ouvrir la porte sur deux émeraudes brillantes.
Mais aucun signe de vie, aucune information, rien… ils étaient tombés, Il était tombé. Comment faire le deuil d’un homme qu’on aime avec autant de force mais dont on n’a même pas retrouvé un cheveu, un signe… le corps.

Depuis… c’est comme vidée et sans objectif qu’elle avance. Là bas, à Saumur sont leur maison, sa forge, leurs champs. Le début d’une vie qu’ils n’avaient pas eu le temps de gouter ensemble. Mais elle se battra, comme elle l’a toujours fait, pour ne pas sombrer totalement dans ce tunnel qui lentement l’ensevelit peu à peu.

Dans ses bras, leur fille. La descendance andalouse qu’ils avaient espérée et attendue avec tant d’impatience. Petite Estrella.Iona. Petit morceau de femme en devenir, yeux clairs, cheveux aussi sombres que ceux de ses parents, gazouillis pour mélodie en toile de fond. Sans ce petit bout d’humain elle aurait rejoint son Autre du côté sombre, à peine quittés les chemins de bourgogne.
Mais non… elle doit vivre. Oh, pas pour elle. Mais pour leur fille. L’aider à grandir, lui raconter ce père qu’elle ne connaitra peut être jamais. Lui apprendre sa force, sa douceur aussi, son rire, son regard pour lequel elle aurait déplacé des montagnes, de muscles ou de roche. Lui raconter ses combats, les lui donner en héritage. Elle devait lui apprendre à aimer cet homme qui pourtant ne la tiendra peut être jamais dans ses bras. C’est pour ça, et juste ça qu’elle continuerait à vivre. Elle lui apprendrait aussi sa propre haine. Sa haine de la Bourgogne, de ceux qui avaient assassiné son père. Assassiné celui qui faisait battre le cœur de sa mère depuis ce soir là, où ils s’étaient croisés sur les chemins.

Pour l’heure, elles avancent. Loca trainant lentement, très lentement une carriole au sol jonché de foin, leur permettant quelques heures de sommeil rapide à l’occasion. Pas une nuit entière n’a été consacrée au repos. Fuir au plus loin de cet abject duché avait été une priorité. Quelques petites haltes pour nourrir la petite, se rafraichir à un ruisseau ou une rivière, laver un peu de linge et elles repartaient. Dans le ciel au dessus d’elles, quelques pigeons passent de temps en temps, entre aperçus dans le bleu du ciel entre les branches des arbres qui apportent un peu d’ombre et de fraicheur, dans ces journées assommantes de chaleur. Pas un ne vient se poser près d’elle pour lui apporter la nouvelle qu’elle espère plus que tout au monde. Dans le silence profond de cette campagne environnante, il lui semble parfois entendre sa voix, son rire…

Couché au fond, contre les panneaux de bois qui retiennent l’herbe sèche, dort Ven Aqui, le chien qu’Alix lui a offert lors de son passage à Langres. Un molosse sensé veiller sur leur sommeil en rase campagne. Une bête capable de courir des lieues près de la charrette sans jamais s’essouffler. Ce genre de chien que les nobliots utilisent pour aller tuer le sanglier ou la biche. Une bonne pâte, au caractère bien affirmé. Lui aussi avait un nom venu du pays de son Autre. Une façon comme une autre de l’avoir près d’elle.

Les lieues se suivent… et apparaissent enfin les remparts de Saumur. A-t-elle vraiment envie de s’y arrêter ? De retrouver leur toit recelant les trésors laissés derrière eux au moment du départ ?
Envie ou pas, elle doit prendre sur elle, lutter contre cette hâte d’aller toujours plus loin qui ne la quitte plus depuis le départ de Joinville. Leur chez eux, c’est aussi là qu’Estrella apprendra à connaitre son père… alors elle fait claquer doucement les rênes sur le dos de Loca, et la carriole passe la porte des murailles.

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Karyl
[Le lendemain matin]

L'aube venait de se lever faisant briller la chevelure blonde de l'enfant assis au bord du lac. Voilà des heures que celui-ci regardait le vent rider la surface de l'eau, insensible à la brise légère qui venait caresser sa peau. Impassible, il fixait obstinément l'étendue bleue devant lui sur laquelle déjà quelques téméraires étaient à pieds d'œuvre. Lui qui hier encore courait sur les berges en riant, saluant d'un signe de main les pêcheurs était à présent inexpressif, perdu.


"Ils sont tombés... Ils sont tous tombés"


Ces quelques paroles ne cessaient de tourner dans sa tête depuis la veille où au détour d'une taverne il avait appris le destin tragique de la zoko en Bourgogne. Il avait refusé d'y croire tout d'abord cependant face au désarroi évident de Nattascha il n'avait eu d'autre choix que de s'y résoudre. Un sentiment de culpabilité s'était alors insinué en lui. Lui resté en Anjou alors que ses amis se faisaient tuer pour des raisons dont il ignorait tout. Une larme solitaire vînt perler sur sa joue, larme qui fut vite effacée d'un geste rageur. Les hommes ne pleurent pas et puis il fallait être fort pour la brune et Estrella.

Fourrant la main dans sa poche, le petit garçon en retira une nouvelle fois le parchemin reçu de Félina bien des semaines plus tôt à Thouars. Les mots mille fois lu et relu prenaient aujourd'hui un tout autre sens comme les vestiges d'un temps révolu. Était-elle morte la dagueuse ? Et le colosse? et Maleus? Les questions s'entrechoquaient dans la tête de Karyl. Des questions auxquelles il devrait donner des réponses. Réponses qui se trouvaient en Bourgogne. Nattascha avait promis de l'emmener avec elle lorsqu'elle y retournerait mais pour l'heure la jeune maman avait besoin de repos et l'enfant, malgré son jeune age, avait la ferme intention de la soulager un peu du fardeau qu'elle semblait porter.

Il ne la connaissait pas très bien la brune et surement que George lui aurait encore dit de ne pas trainer avec cette "racaille" s'il avait été là mais Karyl s'en fichait. La jeune femme avait dans le regard un éclat qui l'attirait. Elle semblait seule.. un peu comme lui en somme. Alors l'enfant s'était donné pour mission de veiller sur elle lui proposant de garder le nourrisson quelques heures ou bien encore d'aller promener le molosse. Surement était-ce là sa façon à lui de payer la dette qu'il pensait avoir envers ceux tombés sous les coups bourguignons.



Ce n'est que la voix de Marcel qui ramena le petit blond à la réalité lui faisant lever la tête. Le soleil était à présent haut dans le ciel ce qui sembla surprendre l'enfant qui posa un regard interrogateur sur le pêcheur à quelques mètres de lui déjà entrain de débarquer sa prise de la mâtiné.
"Enc'ore là l'môme? T'veux d'la poiscaille?" lui fit l'homme en souriant. Karyl se leva alors l'air un peu hagard, bredouilla une petite phrase d'excuse avant de se mettre à courir vers la ville, sans plus d'explications.

Ce n'est que maintenant qu'il semblait se rendre compte qu'il avait passé la nuit sur les rives du lac à penser. Il n'avait pas eu le courage de rentrer chez George après sa rencontre avec Nattascha. Tant que questions, de doutes l'assaillaient et les remarques du vieux bougon n'auraient fait qu'attisait la colère qui coulait dans ses veines. Il n'avait pas été à la hauteur, lui qui se targuait d'être un homme. Nattascha lui avait pourtant assuré qu'il n'aurait rien pu faire, que jamais Eik ou les autres ne se le seraient pardonné si un malheur lui était arrivé, et bien qu'il pouvait comprendre cela, le sentiment de culpabilité qu'il ressentait continuait de lui coller à la peau.


Il couru de longues minutes avant d'arriver enfin tout essoufflé à la propriété de l'Andalou où la jeune mère s'était installée avec sa fille. Passant devant la forge, Karyl atteignit rapidement la porte d'entrée de la demeure, un sourire ornant ses lèvres.


- Nattascha? t'es là?

L'enfant frappa doucement à la porte, parlant d'une voix à la fois forte et douce comme s'il avait peur de réveiller le nourrisson ou peut-être même sa mère. N'osant guère trop insisté il fit un pas en arrière et attendit patiemment qu'on lui ouvre la porte. Le travail à la ferme attendrait aujourd'hui et tampis si George se mettant en colère et le menaçait de le mettre à la porte comme il le faisait quand l'enfant rechigner à obéir. Aujourd'hui, il allait passer la journée avec une petite étoile et c'est bien tout ce qui lui importait.

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un simple gamin des rues...
Nattascha
Le temps passe



Elle avait trouvé le petit coin idéal dans lequel Estrella serait bien à l’abri du bruit et de la lumière.
La lumière oui, mais le bruit ? Quel bruit ?
La forge à côté était toujours fermée, elle n’arrivait pas à simplement imaginer en ouvrir la porte. Elle avait attendu pourtant, durant ces longs jours de voyage qui les avaient emmenés aux quatre coins du royaume, et même plus loin. Attendu d’entendre le son du marteau qui viendrait frapper l’enclume, l’odeur du métal qui chauffe, et le front luisant de son Autre.

Pour l’heure, la vigne qui avait poussé et recouvrait une grande partie des murs, avait réussi à s’immiscer jusque sous la porte de la forge. Montant petit à petit jusqu’à la poignée. Elle avait à de nombreuses reprises frôlée la crémone du bout des doigts, mais une sensation de mal être l’avait incitée, chaque fois, à faire demi-tour. Elle ne s’en approcherait plus. Tant qu’il ne serait pas revenu.

Alors elle agrémentait son quotidien de ballades avec son enfant. Après tout elle connaissait si peu Saumur et ses environs. Les bois alentours étaient relativement nombreux, et c’est là qu’elle allait se ressourcer lorsqu’elle sentait le chagrin l’envahir trop intensément. Quelques petits tours au village, histoire de prendre au marché le nécessaire pour se nourrir, et puis une ou deux haltes en taverne. Mais c’était tout. Elle n’était pas prête à se confronter aux questions concernant sa vie, "qui est-elle, qui est le père de son enfant, où est-il… " non, elle n’était pas prête.

Le seul visage souriant qu’elle avait croisé était ce sacré gamin de Karyl. Petit blondinet parisien au caractère bien trempé, s’imaginant déjà dans la peau d’un héros sauveur de dames en détresse. Dans un sourire elle se souvint de sa proposition de l’escorter à Joinville pour les protéger sa fille et elle lorsqu’elle partirait pour de nouvelles recherches. C’est bien volontiers qu’elle l’emmènerait. Un sourire enfantin et le cristal de son rire agrémenteraient des journées certainement emplies d’appréhension. Le petit garçon l’émouvait. Parce qu’il parlait de leurs amis tombés en bourgogne avec autant de peine que celle qu’elle pouvait ressentir elle-même. Oui il était courageux, oui il était fort… mais comment lui dire que la place d’un enfant n’est pas sur un champ de bataille ? Alors que lui n’aurait rêvé que de combattre près de ses amis.
Cet enfant là lui donnerait une raison supplémentaire de garder le sourire. Se laisser glisser dans le marasme n’allègerait pas la peine du petit. Il fallait lui donner espoir. En donner à Karyl serait en trouver un peu pour elle aussi.

Dans la maison, elle avait installé ici et là quelques souvenirs ramenés de leurs vadrouilles. Dagues, poteries et autres bricoles pleines de signification. Au dessus de la cheminée, là où normalement Il accrochait sa lame, elle avait déposé le portrait d’elle qu’Il lui avait offert un soir, loin d’un chez eux éventuel. En le regardant elle imaginait Ses mains s’appliquant au trait et aux couleurs, et son cœur se serrait davantage.
L’andalou était un artiste qui s’ignorait…. Pourquoi pensait-elle au passé… non, Il EST un artiste qui s’ignore.

La petite Estrella demandait chaque jour un peu plus d’attentions. Curieuse de ce qui l’entourait. Alors la vagabonde lui parlait, lui expliquait. Ce qu’elle faisait, ce qu’elle voyait. Lui parlait déjà de son père aussi. Mais pas trop. Parce que la voix se brisait rapidement. Fort heureusement l’enfant n’était pas en mesure de comprendre les mots. Le son de la voix de sa mère suffisait à la faire sourire, à la rassurer. Chaque instant avec sa fille était pour la brunette une éclaircie dans les journées sombres passées à se souvenir.

Et puis lui revint comme un poignard dans le cœur, comme une lumière qui lui ferait exploser la tête, la promesse qu’ils s’étaient fait de partir voir la mer ensemble.
Elle s’était juré de le faire pour eux. Elle s’était juré de garder en mémoire chaque petite chose qu’elle verrait une fois les pieds au bord de cette immense étendue d’eau qu’elle appréhendait autant qu’elle l’espérait. Parce qu’elle était persuadée que… où qu’Il soit Il verrait, entendrait, ressentirait tout ce qu’elle pouvait vivre. Alors elle partagerait avec Lui ces moments de découverte. Elle en était persuadée.
Pourquoi rester ici à attendre ? Pourquoi ne plus vivre, mais juste survivre, dans cette maison qui n’était pas la sienne, mais la leur ? Pourquoi ne pas partir au plus vite ? Pourquoi ne pas réaliser leur rêve sans tarder ?

Alors son esprit s’était plus longuement laissé entrainer vers autre chose que sa peine. Prévoir le voyage, ne rien oublier, accumuler suffisamment de nourriture pour le cas où il faudrait s’arrêter en pleine campagne, faire affuter sa lame et ses dagues… oui elle avait trouvé une raison d’avancer. Elle en trouverait une autre ensuite, puis une autre…

Une amie en Normandie, pas vue de longue date saurait l’accueillir durant son périple en bord de mer. Elle lui avait si souvent vanté les bienfaits de l’air marin, et si souvent demandé de lui rendre visite. Le regard se porte vers sa fille dans le berceau de fortune fait d’un demi-fut de bière et empli de ces tissus que son Autre affectionne tant. Un sourire éclaire le visage de la brune à la vision de cette petite bouche qui suçote dans un sommeil qui semble profond.
Sa fille verra la mer, sans tarder.

En silence elle se lève, s’approche de la grosse armoire et en sort le nécessaire pour écrire. Elle doit prévenir son amie de son arrivée imminente.
Mais le chien dans la maison commence à s’impatienter. C’est qu’une bestiole comme ça, ça a besoin de courir et de se dépenser… d’un geste elle lui intime l’ordre de se poser près du berceau, lui grommelle qu'il va devoir patienter encore un peu et s’assied à la table pour coucher sur le parchemin, les quelques mots qui expliquent le pourquoi de ce besoin de se rendre en Normandie.

Plongée dans son écriture, elle n’entend pas le mouvement à l’extérieur de la maison. Elle n’entend rien d’autre que le souffle de son enfant qui dort, et le grattement de la plume sur le vélin.
Et puis l’on frappe…
Quelques mots, d’une voix fluette qui pourtant semble vouloir se donner des airs de voix d’homme, parviennent à ses oreilles et la sortent de sa réflexion scribouillarde.


Nattascha? t'es là?

Elle sourit, dépose doucement la plume sur la table et va ouvrir la porte. Devant elle, des cheveux blonds un peu malmenés par la course qui avait dû amener le petit Karyl jusque chez elle.

Oui mon grand je suis là… j’ai une petite bricole à finir et après je suis à toi… entre…

D’une main posée doucement sur son épaule elle l’invite à la suivre à l’intérieur. Le premier visiteur ayant osé venir frapper à sa porte.

Les joues rougies de l’enfant essoufflé étirent davantage le sourire de la vagabonde.


Tu dois avoir soif, assieds toi, je t’amène quelque chose…

Retour à la grosse armoire aux portes ciselées. Sur l’étagère supérieure elle prend une bouteille de lait et une chope volée quelque part dans une taverne il y a bien longtemps, et dépose le tout devant l’enfant…

Tiens bois donc un grand verre de lait, ou deux, ou trois… fais comme chez toi. je finis mon courrier et je suis à toi.

Un clin d'oeil vient sceller la complicité qui désormais les unit, et elle se penche à nouveau sur son parchemin, reprend sa plume et ses écritures.
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Hosta
Immobile, appuyée contre un mur de pierre, je regarde les personnes qui passent et repassent devant moi. Je me demande ce que je fais ici. Chacun à ses occupations. Et moi... J’observe. C’est tout. Je suis inutile. J’ai fini mon travail dans le champ d’un habitant de la ville. Qu’est-ce que je peux bien faire pour m’occuper, maintenant ?

Une femme. Qui semble perdue dans ses pensées.
Une fille. Quel destin aura-t-elle ?
Un chien. Au fond de la charrette.

Je regarde cette petite famille passer devant moi. Je hoche la tête, pensive. Et je suis bêtement l’attelage. J’ai trouvé mon activité de la journée. Puis ça me fait marcher, et c’est bon pour la santé.

Je sifflote doucement, les mains derrière le dos, et regarde les événements qui ce déroulent autour de moi. Et je retiens les lieux importants, telle la mairie ou le marché. Autant profiter de cette balade pour visiter Saumur et connaître ses moindres recoins. C’est ici que j’ai décidé de m’installer.

Je fais tout de même attention de ne pas perdre de vue la charrette, à quelques mètres devant moi. D’ailleurs, celle-ci s’arrête. Je fais de même. Et m’installe sur la racine d’un gros arbre, alors que tout ce petit monde se met à l’abri dans une bâtisse.

Je m’endors, la tête appuyé contre le tronc du grand frêne...


Le lendemain matin

Je me réveille avec un mal de dos terrible. Je suis aussi entourée de trois badauds, qui repartent à leurs activités après que j’ai ouvert les yeux. A croire que je n’ai pas le droit de dormir dans une rue. En même temps, qu’elle idée de dormir ici alors que j’ai une masure, certes peu luxueuse, mais où je pourrais passer une nuit tranquille. Mais, je préfère dormir dehors. Je n’aime pas être enfermée.

Je me frotte les yeux, me lève, et m’assomme presque avec une branche de l’arbre qui ce trouve malencontreusement juste au dessus de mon crâne. Pour évacuer ma colère d’avoir reçu ce coup, je donne un coup de pied au frêne, et me met à tituber, mon gros orteil me faisait à présent un mal de chien.


-Lamentable...

Après avoir sautillé plusieurs fois sur place, je me frotte le cuir chevelu. Je réfléchie à ce que je vais faire de ma journée, tout en jetant des regards noirs à toutes les personnes qui me fixent comme une bête de foire. Tandis que je suis dans mes pensées, un blondinet passe devant mon nez, et va frapper à la porte de la bâtisse qui ce situe devant moi. La femme que j'ai suivie hier va lui ouvrir, et referme l'habitacle.

Et moi, finalement, je m’assoie par terre, et reprend mes observations, comme j’ai l’habitude de faire depuis les lustres.
Nattascha
Les jours passent, la vagabonde se fait de plus en plus discrète au village.

Accaparée par les préparatifs de son départ, elle ne voit pas grand-chose de ce qui l’entoure. Karyl passe de temps en temps la saluer, emmène le chien pour de grandes ballades ou se pose dans un coin avec la petite Estrella sur les genoux. Le premier éclat de rire de la petite a été réservé à un gamin pas beaucoup plus vieux qu’elle. Pas que la brunette en fut frustrée mais presque. Le fait est que la joie de vivre et l’innocence du petit blond sont certainement plus contagieuses que l’angoisse d’une semi bohémienne à l’idée d’un nouveau voyage seule avec sa fille.


Dans la maison, près de la porte, s’accumulent des choses qui pour la plupart ne serviront à rien. Un tas de nourriture incroyable et du linge pour ne plus sentir la fraicheur de la nuit. Dans un coin qu’ils avaient gardé secret son Autre et elle, elle a récupéré quelques centaines d’écus. Ils avaient envisagé cet achat, ensemble, alors elle s’est rendue sur un marché parallèle à celui du village pour acheter une roulotte digne de ce nom.

Quelques tziganes de passage faisaient là des affaires, et tant qu’à donner ses écus en échange de marchandise, elle préférait leur donner à eux plutôt qu’à un noble argenté qui n’aurait rien à faire de 300 écus supplémentaires.

Leur accueil fut chaleureux, d’autant plus qu’elle leur raconta sa rencontre avec l’une des leur, lui ayant promis de prier pour le retour d’un compagnon disparu.
Ils avaient partagé le vin et la musique. Elle les avait regardés, observés, avait même ri avec eux par instant. Une femme d’un âge certain lui avait doucement pris Estrella des bras. La vagabonde n’avait même pas cherché à retenir l’enfant. Confiante, elle était confiante. S’en étaient suivies des paroles et sortes de prières auxquelles elle n’avait rien compris. Mais le sourire, et la tendresse dans les yeux de la vieille femme lui avaient ôté toute crainte de voir son enfant subir quoi que ce soit de malfaisant.
« Ton enfant vivra en bonne santé la brune, Sara-la-Kâli veille sur elle »…

L’émotion avait alors été intense. La vagabonde, réalisant soudain vraiment, qu’à part elle, personne n’était là pour protéger sa fille. Quelques larmes discrètes avaient coulé près d’un feu tardif. Un enfant devrait toujours avoir son père près de lui. Et une femme son époux ou compagnon.
Une jeune femme, Mala, s’étant aperçu du désarroi de la brune s’en approcha, s’assit près d’elle, et elles parlèrent longuement. Lorsque le mot « andalou » fut prononcé, de nombreuses paires d’yeux se tournèrent vers elle, et elle sentit alors qu’ils étaient nombreux à espérer aussi fort qu’elle. On lui expliqua, les tziganes, les andalous… mêmes combats, même famille.

Elle ne comprit pas tout ce qui se disait, leurs paroles étaient un mélange de françois et de ce qu’elle apprit plus tard être le Kâlo, la langue des tziganes.

La soirée s’était prolongée, entrecoupée de danses auxquelles elle assista les yeux ébahis. Qu’elles étaient belles ces femmes qui exprimaient au travers de leur flamenco ce qu’est la vie.

Elle but. Pour la première fois depuis son départ de Joinville elle sentit son corps se détendre sous l’effet de l’alcool.

Elle les écouta lui raconter leur vie, la faim, les portes qui se ferment ou les coups qui pleuvent sur hommes femmes, et même enfants, parce qu’ils ne vivent pas… « comme tout le monde».

Elle eut, un peu ébouriffée par le vin maintenant servi chaud, l’envie de les rejoindre dans leurs périples, l’envie de claquer la gueule à quiconque n’était pas capable de comprendre que derrière les yeux plissés de ces hommes, et sous les chevelures longues et brunes de ces femmes, il y a tout simplement des gens libres. Peut être était ce d’ailleurs pour ça qu’on les chassait bien souvent… libres ils l’étaient, alors que les gens « normaux » bataillaient chaque jour pour gagner une heure de liberté.

L’envie, la jalousie peut être…

Elle, elle n’oublierait jamais cette fin de journée et cette partie de la nuit passée avec eux.

C’est sous le regard puissant d’une lune pleine, et le pas titubant qu’elle regagna sa maison. Estrella, paisible dormait dans ses bras. Près d’elle, deux gitans ayant souhaité la raccompagner. Luis et Lorenzo.
Sur le pas de la porte qu’ils ne souhaitèrent pas franchir, ils lui expliquèrent que l’un d’eux viendrait déposer la roulotte le lendemain matin. Qu’elle ne devait pas s’en faire. Lui répétèrent qu’ils prieraient pour le retour de Fablitos en bonne santé, et s’en furent dans la nuit sans se retourner.
Un sentiment étrange s’était emparé d’elle durant cette soirée. En quelques heures elle avait trouvé plus de chaleur humaine et d’amitié que durant des mois de cavalcade au travers du royaume.

Il est des rencontres qui changent la vision des choses et de la vie.

Aujourd’hui, elle était à la veille de son départ. La roulotte avait bien été amenée devant chez elle comme promis. Quelques affaires y avaient déjà été déposées. Les tziganes ayant laissé à l’intérieur de petites paillasses fabriquées de leurs mains, elle se vit soulagée du souci de se procurer une couche.

Encore une journée à Saumur, le temps de préparer Loca à son futur boulot de cheval de trait, et la Normandie serait au bout du prochain voyage.


je donne ici des explications pour la suite. Natt part donc en normandie. mais c'est pour aller récupérer ljd Estrella. la petite aura donc environ quatre ans au retour à saumur d'ici quelques jours. Pas très réaliste mais tellement plus agréable à jouer. je jouerai une absence plus longue, enfin je verrai... je joue avec l'intemporalité dans les rr. première fois mais pas facile à gérer quand même. merci de votre future compréhension. ^^

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Karyl
[Chez Nattascha, le premier jour]

Les mains fourrées dans les poches, les yeux rivés sur la porte à un bon mètre devant lui, Karyl attendait que la jeune mère vienne lui ouvrir. Elle était là, il en était certain et outre sa promesse de veiller sur elle et sa progéniture, il fallait avouer que le môme avait aussi besoin d'un peu de chaleur humaine et ce n'est pas auprès du vieux Georges qu'il aurait trouvé le réconfort qu'il cherchait.

Le gamin n'eut pas longtemps à attendre, à peine quelques instants et déjà l'antre de Nattascha s'ouvrait laissant apparaître la jeune femme. Karyl bien qu'un peu intimidé par cette femme ne put réfréner un sourire qui s'illumina d'avantage lorsque la brune prit la parole. "Mon grand" cela devait faire bien des années maintenant que personne n'avait prit la peine de l'appeler ainsi. Qualificatif qui aux eux de Nattascha pouvait semblait anodin mais qui, dans le cœur d'un enfant solitaire qui voulait jouer les durs, représentait un monde à lui seul. Le p'tit n'était pas du genre à s'émouvoir et pourtant, l'espace d'un instant lorsqu'elle posa sa main sur son épaule pour le laisser entrer, il se surprit à penser que l'Etoile avait beaucoup de chance. Et c'est sans se faire prier qu'il entra alors dans la demeure pendant que la maitresse de maison s'en aller un instant vaquer à ses occupations. L'môme laissa son regard flirter avec les murs, étudier la décoration... des poteries, un portrait, des dagues. "Des dagues" ...Le cœur de l'enfant se serra devant le l'éclat des lames alors que déjà ses pensées repartait en bourgogne comme la veille...

Une nouvelle fois Karyl dodelina de la tête, pas l'moment de penser à tout cela. Nouveau sourire. Nouvelles observations. Une maison chaleureuse, vivante, accueillante.
Pas loin de lui, un grand fauteuil, regard sur la brune occupée auprès d'une grosse armoire, et le voila qui prend place attendant qu'elle revienne vers lui. Et puis, son regard se pose sur un molosse veillant sur un couffin. Contemplation fugitive et sourire teinté de mélancolie.


Tiens bois donc un grand verre de lait, ou deux, ou trois… fais comme chez toi. je finis mon courrier et je suis à toi.

Sursaut. Comme prit en faute Karyl regarda le jeune mère avec les yeux ronds, bredouillant un vague merci avant de s'enfoncer dans son fauteuil gardant les yeux rivés sur le lait dont la surface clapotait doucement contre le verre, se maudissant d'un nouvel instant de faiblesse.
Il se souvînt alors ce de jour parisien ou l'oncle du petit benjamin était venu le chercher au sein même de leur antre. Pas une vie pour un gamin avait-il dit en regardant la crasse des lieux et les bouilles sales des minots devant lui. Pour sur qu'c'était pas le luxe et il méritait mieux le p'tit ben, pour ça qu'ils l'avait laissé faire le vieux. Mais pour tous ces gamins, c'était un membre de leur famille qui leur était une nouvelle fois arrachée... Ne pas pleurer, ne rien ressentir, ne rien montrer... jamais....

Perdu dans ses souvenirs qui devenait de plus en plus flous à mesure que sa vie saumuroise s'étirait, le garçonnet n'entendit par Nattascha revenir avant que sa voix ne raisonne une nouvelle fois à son oreille lui arrachant un nouveau sourire. Il leva alors les yeux vers elle avant de sauter sur ses pieds et de s'approcher d'un molosse calme et d'une étoile gazouillante.


T'as une corde pour le chien? Première phrase prononcée depuis son entrer dans la masure. Nouveau sourire accompagnée d'une petite grimace pour faire rire l'enfant couchée dans le berceau. Et puis l'enfant se retourna faisant de nouveau face à la brune. Il se mit à se balancer d'un pied sur l'autre, se mordillant la joue avant de demander à voix basse : On pourrait peut-être aller se promener?

Caresse au molosse, nouveau regard furtif sur la brune et nouvelle décision. Aller, on va pas rester la toute la journée, en plus fait beau dehors!!

Et voilà le petit blond et le gros chien partis vers une nouvelle aventure à travers les chemins saumurois, jouant au bord du lac. Éclats de rire répondant aux aboiements du molosse. Bataille d'eau et course poursuite dans le champs de la mère Lucette. Insouciance retrouvée, complicité attachante d'un enfant et d'un animal oubliant ainsi l'espace d'une journée que la vie ses galères et se rappeler enfin qu'elle a aussi ses bons moments.



[Quelques temps plus tard]


Une famille, illusion salvatrice d'un gamin perdu dans un monde trop grand pour lui. Illusion qu'il sait éphémère et pourtant chaque jour il revient un sourire au coin des lèvres vers ce lieu, ce chien, cet enfant... cette femme.

Une famille, illusion salvatrice d'un môme qui veut taire les nuits passés en compagnie d'une larme silencieuse. les jours ont passé il est vrai mais toujours aucune nouvelle. Le vieux Georges? Karyl l'évite ses derniers temps prétextant beaucoup de travail, à la ferme bien sur mais aussi chez tisserand qui lui à trouvé un petit quelque chose à faire. A peine levé alors que l'aube dort encore, l'enfant se met déjà au travail, trait les vaches, surveille les cultures, ramasse les légumes. Et lorsque l'aube à laissé place à un soleil éclatant l'enfant s'en va courir sur les berges du lacs taquiner le Marcel en quête de poisson pour le repas du midi. Et ce n'est qu'alors qu'il retourne dans la demeure familiale d'un forgeron absent. Une famille... Une illusion...

Rituel auquel l'enfant ne déroge pas, même lorsque Louis vient le chercher pour une ballade en forêt. Son temps, c'est à l'étoile qu'il le consacre et au chien auquel il à commencé à s'attacher, montrant à Louis avec une fierté non feinte, les tours qu'il a appris au canidé. Après le lancé de dagues, place au lancé de bâtons.. jeu innocent qui divertie l'animal et amuse l'enfant.

Et pourtant, ce matin là, alors que le blondinet se réveillait sur une nouvelle journée réglée comme un papier à musique, un espoir abandonné trouva enfin réponse... Une lettre.




L'écriture est tremblante, hésitante mais bien là. il a du mal à le croire le Karyl et se maudit ne de pas lire avec plus d'aisance. A la lueur d'une bougie il tente de déchiffrer les quelques mots posés sur le vélin les mains toutes aussi tremblante que l'écriture alors que son cœur bat en rythme dans ses tempes. Lire, il avait promis au Juge cendres de faire des progrès. Promesse tenue chaque soir auprès de son professeur improvisé. Le temps passe, l'excitation et la frustration augmente mais la lecture progresse... "Vivant" le mot est enfin lâché.. Ils sont vivant.

Le gamin ne prend même pas le temps de lire la fin de la lettre, il le ferra plus tard. Pour leur c'est une joie insoupçonné qui le fait sortir de son refuge en sautant et hurlant. Peu importe le bruit c'est au monde entier qu'il veut dire la nouvelle... Ils sont vivant.

Pas le temps de s'occuper des vaches ou autres tâches agricoles, juste passer au lac apporter la bonne nouvelle et courir droit devant vers une forge qu'il commence à bien connaitre. Il est plus tôt que d'ordinaire mais le soleil de juillet est déjà bien haut dans le ciel.
Courant à perdre haleine, l'enfant arrive sans tarder et pour la première fois ne prends garde à rester silencieux. Il frappe à la porte criant le nom de la brune dans un enthousiasme débordant. Il frappe, il frappe mais ce n'est que le silence qui répond à son appel. la brune n'est pas là.

Attendre dans l'excitation la plus pure. Attendre le retour de la mère pour la bonne nouvelle. Attendre des heures et voir son excitation diminuer à mesure que l'appréhension augmente. Où est-elle? Ne pas partir, ne pas risquer de la rater mais sentir peu à peu la fatigue et la déception s'accroître. Que fait-elle? Lutter, veiller... mais finir par s'endormir bercé par les premiers rayons de lune, ronde amie au teint blafard berçant les rêves d'un enfant.

Tapis dans l'ombre à quelques pas de la porte restée close toute la journée, à l'abri du vent qui à commencé à souffler rafraichissant l'air, Karyl ne put lutter contre le sommeil qui après des heures d'une interminable attente engourdit son corps et étourdit son esprit. Le vélin de Félina dans la main, c'est vers la bourgogne que tous ses rêves se tournèrent, vers cet espoir retrouvé.



    bientôt...

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un simple gamin des rues...
Nattascha
un autre jour s'en va


Le sommeil avait tardé à l’emporter. Trop de pensées, trop de questions… Des heures à se tourner et se retourner au creux des étoffes et coussins qui faisaient leur lit, juste devant la cheminée. Alors c’est la tête un peu embrumée que la brune s’éveille, s’étire, soupire un grand coup, et repousse d’une jambe encore engourdie, la matière soyeuse qui la recouvre en partie. Enfin, d’un mouvement indolent, elle allume la chandelle posée sur le manteau de l’âtre.
Non loin d’elle, Estrella commence à s’agiter. L’instinct surement avait réveillé la mère. D’un pas léger elle rejoint le berceau sourire aux lèvres, d’une main repousse doucement les cheveux qui viennent lui recouvrir le visage lorsqu’elle se penche, et la pose dans une caresse sur la joue de son enfant, qui maladroitement tourne la tête pour poser son regard dans celui de sa mère.
Quelques mots rassurants murmurés et elle prend la petite dans ses bras. De retour à la cheminée, elle s’enfonce à nouveau sous les étoffes, repousse celle qui couvre son épaule et son sein… et débute alors l’un des rituels les plus merveilleux dans la vie d’une mère. Nourrir son enfant.
Les minutes passent en silence, mère et fille renforçant davantage le lien qui les unira.

Une heure, deux peut être ont passé.
Estrella endormie à nouveau, la vagabonde n’avait pu retrouver le sommeil. Elle en avait profité pour terminer les derniers préparatifs du voyage et… avait tourné en rond chez elle, rangé du mieux possible la maison, déposé la dernière bouteille de champagne vidée la veille sur la cheminée… comme un message, un code. Pour Lui… si jamais.
Besoin d’air tout à coup…
Sur le pas de la porte elle lève les yeux vers le ciel. L’aube pointe déjà à l’horizon, là bas, à l’est. Dans un soupir elle fait du regard le tour de qui est maintenant son chez elle, sa maison, ses terres… Tout est tellement calme.
On se secoue, pas le temps de plonger dans les méandres du chagrin. On a de la route à faire.
Quelques grenouilles au loin lui font part de leurs conversations, quelques grillons entament leur chant quotidien, une légère brise soulève légèrement quelques mèches noires.
Elle a hâte de revenir.

Alors qu’elle se retourne pour passer à nouveau sa porte elle aperçoit un paquet posé non loin et s’approche. Un cadeau des Gitans avant de partir ?
Méfiante tout de même elle se penche pour attraper le tissu qui recouvre le paquet, et sursaute en réalisant qu’il s’agit là d’un petit bout d’homme endormi. Sans bruit elle repousse les quelques branches qui cachent le visage de l’endormi et avise quelques mèches blondes qui s’échappent d’un galurin un peu miteux. Recroquevillé sur lui-même pour se protéger du froid, les mains serrées sur un parchemin à demi froissé, Karyl dort profondément. Son cœur de mère se serre à voir ce gamin frigorifié. Souvenirs d’une enfance dont elle garde quelques traces à l’âme. Elle s’était promis que jamais ses propres enfants n’auraient à vivre ça. Et Karyl, même s’il n’est pas le sien, fait maintenant partie de sa vie.
Les rires qu’il arrive à lui arracher par ses pitreries, sa peine qu’il lui permet d’oublier quelques heures dans la journée, tous ces services qu’il lui rend, sourire affiché en permanence aux lèvres… ce gamin est une bénédiction dans la solitude de la vagabonde.

Elle ne va pas le réveiller. L’au revoir c’est quelque chose de trop douloureux depuis… combien de temps maintenant qu’elle a quitté la bourgogne ?

Doucement elle le soulève et l’emporte dans la maison. Il est lourd le bougre. Tant bien que mal elle arrive à le déposer sans l’éveiller sur le lit andalou, le recouvre lourdement de tissus et attrape une couverture plus chaude dans l’armoire pour réchauffer l’enfant perdu dans ses rêves.
Quelques instants dans le calme de la maison qui abrite deux jeunes enfants endormis. Les yeux vont de l’un à l’autre. Elle aurait tué pour son andalou. Elle massacrerait pour ces deux là.

Le voyage ne durera que quelques jours, pourquoi embarquer Karyl dans ce petit périple ? Il est bien mieux là avec ses marques et son Georges qu’il faudra qu’elle rencontre un jour d’ailleurs pour causer deux minutes.
La chandelle quitte la cheminée pour se poser sur la table. La vagabonde ouvre l’armoire et prend le nécessaire pour écrire. Dans le silence de la nuit qui s’échappe, elle a la sensation d’être ailleurs.
Puis la plume se met à gratter.


Citation:
Karyl,

Je pars quelques jours pour la Normandie, une amie à voir en urgence.
Je reviendrai bientôt et nous pourrons partir pour la Bourgogne comme je te l’ai promis. Alors en attendant je te laisse la clé de la maison, l’armoire avec de quoi manger dedans, et assez de lait pour quelques jours.
Je te la confie pendant mon absence. Tu en seras le gardien. Et je verrai à mon retour si le travail a été bien fait si tu mérites quelques écus.
Fais comme si cette maison était ta maison. Tu trouveras quelques écus en cas d’urgence, cachés sous la pierre blanche derrière la maison, dans une petite boite enterrée.
J’emmène Ven Aqui avec moi puisque tu ne pourras pas être là pour nous protéger Estrella et moi. Je pense qu’il pourra essayer de faire aussi bien que toi pour veiller sur nous. En tout cas j’espère.
Fais bien attention à toi mon grand.
Je t’embrasse

Nattascha


Laissant la plume et l’encrier sur la table elle s’approche du galopin endormi et dépose près de la couche le parchemin plié dans lequel elle lui confie une mission. Lui faire comprendre qu'il est important pour elle, cette mission est un moyen comme un autre.
Un baiser sur son front pour un au revoir silencieux et elle s’active à nouveau aux préparatifs du départ.

Estrella est transportée dans la roulotte, déposée sur une paillasse et recouverte suffisamment pour ne pas attraper froid. Les allers retours se suivent ensuite dans le jour qui se lève pour transporter tout ce qu’elle avait prévu d’emmener. Une fois fait, elle prend quelques instants pour regarder son chez elle, en écouter le silence, espérant, si les miracles existent, entendre à son retour la voix chaude de son Autre meubler ce calme déroutant.
Son dernier regard est pour Karyl. Il ronflerait presque. Dans un sourire elle passe la porte à reculons, pour enfin la fermer sans bruit.

Loca piaffe. Elle sent le départ imminent. le chien ouvre grand sa gueule pour bailler. Certainement un peu contrarié d'avoir été réveillé à l'aube. Il a déjà trouvé sa place... sur le banc. assis. Etrange ce chien, mais bien brave.
Elle attrape dans la roulotte une couverture pour mettre sur ses épaules. La journée sera certainement chaude mais le petit matin est frais. Jette un œil à Estrella qui pour l’instant dort encore, et vient s’assoir près du chien qui la regarde l'air de dire, "toi j'te quitte pas des yeux".
D’une main elle attrape les rênes, respire un grand coup et claque le derrière de sa jument, un éclair allumant le sourire de son regard.


On va à la mer mi amor…

édit pour lien sous le titre

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Hosta
Les journées défilent...


Et j’essaie de me sortir de cette situation misérable. Je crois que je n’ai jamais autant travaillé au cours de ma vie. Mais je suis poussée par l’envie de servir à quelque chose dans cette ville. D’aider...cette famille. Celle que j’ai suivie il y a de cela quelques jours. Pourquoi ? Je n’en sais rien.

Je frappe avec le plus de force possible sur les parois de la mine. Je récupère les quelques morceaux de fer. Que je mets ensuite dans un sac. Puis je recommence. J’ai mal aux bras, mais je continue, j’enchaine les coups. J’essuie quelques fois les gouttes de sueur qui perlent sur mon front devenu luisant. Puis, tard le soir, je sors de ce lieu sombre, et ayant le ventre vide, je vais à la taverne manger une miche de pain, avant d’aller me poster devant la maison, le dos contre le frêne.

Les choses ont changé. Il semblerait qu’un voyage ce prépare depuis quelques temps déjà. Et j’en ai la preuve quand, une autre soirée comme celle-ci à rester devant l’habitacle, la grande brune s’en va accompagnée de l’enfant et du molosse, après avoir fait mettre à l’abri le garçon qui s’était écroulé de fatigue dans le jardin.

Je ferme les yeux. Un vent glacé fouette mon visage, ce qui me fait du bien, après avoir passé tellement de temps dans la chaleur atroce de la mine. Je dois atteindre mon but. Avoir une étable avec des cochons. La vie sera sans doute plus facile. Et...je voudrais apprendre à pêcher aussi. Ca m’a toujours tenté. De beaux poissons, que je pourrais faire cuire sur un feu de bois. Et je pourrais en offrir quelques uns à ce garçon. Ce petit blond...

Je rouvre les paupières. Tellement de projets dans ma tête. Est-ce que je pourrais les réaliser ?

Je me lève, pour prendre le chemin qui mène à ma masure, que je devrais d’ailleurs retaper quand j’aurais assez d’écus pour le faire. Puis je m’arrête. Le blondinet avait l’air mal en point quand la brune l’avait récupéré dans le froid. Peut-être que...


« Ah non, c’est pas vrai, c’est quoi cet instinct maternel qui prend le dessus ?!? »

Mais impossible de faire un pas sur les dalles de pierre du chemin qui mène à ma baraque. J’ai besoin de m’assurer qu’il va bien. Je fais demi-tour. M’avance vers l’habitacle à petits pas. Pourvus que les voisins ne me remarquent pas, ils vont penser que je suis une espionne, ou une voleuse, ou une personne dans ce genre là...

Je me retrouve dans le jardin. Et me prends les pieds dans une ronce, et comme je n’ai pas de chausses, je souffre le martyr.


-Grml...

Après avoir sautillé plusieurs fois, je continue à m’avancer, arrive près de la fenêtre, et m’agrippe au rebord. Je regarde à l’intérieur, curieuse. La chandelle est éteinte, et je ne vois quasiment rien. A part un tas de tissus là bas, qui...un tas de chiffons qui respire !


Je reste bouche bée, puis me frappe le front avec mon poing. Le garçon doit être surement en dessous, et sa tête doit être face au mur et non à la vitre de la fenêtre. Bon, surement qu’il va bien. Je n’ai pas à m’en faire pour si peu. La femme brune a dû faire attention avant de partir. Je n’ai plus qu’à aller à ma masure, et dormir les quelques heures qu’il me reste avant que le soleil ne se lève, et repartir pour une nouvelle journée de travail, pour atteindre mes objectifs.

Je fais donc demi-tour en prenant soin de ne pas poser un seul de mes orteils sur les ronces, je préfère le moelleux des touffes d’herbes, et disparaît après avoir passé l’ombre d’une ruelle...
--Nattascha
Bayeux. La mer.

Les jours passent et passent, Estrella grandit près de sa mère. Les jours, les semaines passent mais pas la douleur. Et puis un jour l’enfant pose des questions au sujet de son père. Entendre sa mère en parler si souvent lui donne des envies de le connaitre mieux.

Alors c’est le soir que la vagabonde lui raconte. Les journées passées à travailler la laissent fourbue et encline aux souvenirs. Assise sur la plage, les yeux fixés sur la mer. Sa fille entre ses jambes, les bras l’enserrant. Le nez plonge parfois dans la brune chevelure soulevée par un noroit rafraichi par le soir, de la petite pour en respirer le parfum.

Et puis… Son regard, sa force, son amour, elle lui décrit, lui explique la liberté qu’il chérit tant, lui fait partager leur rencontre, leurs voyages et cette envie de construire ensemble une famille dont elle est le ciment. Des détails lui reviennent, amusants ou pas, elle n’oublie rien de ce que sa fille peut entendre. Et Estrella écoute, les yeux grands ouverts. Pose des questions, encourage sa mère à plus de développement. Il faut lutter à chaque instant pour ne pas crier dans le vent marin. Il faut donner une image de courage et de force à son tour. La petite a besoin de croire qu’elle va retrouver son père un jour. Et c’est dans le sourire de sa mère qu’elle trouve la force d’y croire.

Ces yeux. Les yeux de cette enfant. Verts. Mais pas l’émeraude de son père, non. Un vert sombre. Il est là le partage de leurs sangs. L’émeraude et le noir mélangés, dans le regard de leur fille. Et lorsque la vagabonde plonge l’enténébré du sien dans la prunelle de leur descendance, elle décèle par instant la lumière si souvent entre aperçue dans les yeux de son Autre.

La mer elle a vu, s’est laissée porter par les vagues et parfois, l’envie d’y plonger pour ne plus remonter l’avait même saisie.

Elle l’a senti près d’elle lorsque ses pieds se laissaient couvrir par les vagues moussues, elle l’a senti vibrer en elle lorsqu’elle s’est jetée à corps perdu dans cette immensité. Et puis elle s’est lassée. Même à le faire pour Lui, Il n’est pas là, le charme est inexistant. Alors la mer elle ne l’a plus regardée qu’avec l’espoir de la revoir un jour, près de Lui.

Le sentiment, la conscience coupable même, d’avoir abandonné l’autre moitié d’elle-même à l’opposé du royaume se fait insistante davantage chaque jour. Même mort, elle se doit d’être près de lui. Tout du moins près de là où il a laissé sa vie.

Il faudra préparer Estrella. Mais lui dire quoi ? Mort ? Blessé ? Perdu ? Et s’il n’avait plus souvenir d’elle ou de sa fille ? Si ça expliquait ce silence ?

En l’instant l’enfant court sur le sable ocre qui précède le réservoir à poulpes et autres bêtes avec lesquelles elle préfère garder ses distances. Innocence tellement enviable.

Le rire cristallin et les joues rougies par le vent marin… cette petite est magnifique. Mais mieux encore, elle a déjà le caractère de son père et de sa mère mélangés. L’insolence aussi, parfois, que sa mère prend plaisir à jeter au visage de certains.

Elle fait de son mieux la vagabonde, mais sent qu’il manque quelque chose au quotidien de sa fille. Souvent elle demande «
c’est quand que z’vois mon papa ? » ou « ze veux voir mon papa ».

Les projets que la petite fait quant au moment où elle croisera le regard de son père, le cadeau qu’elle veut lui faire, ses jouets qu’elle veut lui présenter comme ses premiers trésors… Il faut le retrouver. Bordel, cette famille elle y croit, elle la veut.

Alors ce soir, la vagabonde est décidée.

Il est temps de repartir en bourgogne. De reprendre les recherches. Et de le trouver. Mort ou vif. Elle restera jusqu’à la mort si besoin, mais ne quittera pas Joinville sans lui. Mourra près de lui s’il est tombé là bas. Estrella grandira dans le souvenir d’un père qu’elle a si peu connu, mais adulte, elle le connaitra aussi bien que s’il avait vécu près d’elles.

Pour l’heure elle pense qu’elles vont partir à une chasse au trésor. Le trésor étant un andalou. Comment lui dire qu’elle ne sait pas si elles le reverront ? Alors elle a inventé un jeu la mère désemparée. Lui a expliqué que là bas, tonton Mal et tonton Eikorc les aideront à chercher son papa. Que c’est un jeu. Qu’il se cache jusqu’à ce qu’ils le retrouvent. Et que lorsque ce sera fait, alors elles repartiront pour leur chez eux. La gamine est enthousiaste à l’idée d’une quête de son père. Mais l’impatience qu’elle a dans les veines laisse à penser à la vagabonde qu’elle ne résistera pas longtemps à ce besoin qu’elle a de sentir les bras de son père se refermer sur elle.

Elle ne peut pas lui dire non plus que de ces « tontons », elle n’a pas eu de nouvelles non plus lors de son dernier passage à Joinville. Rien, elle ne peut rien lui dire. Elle ne sait même pas quoi lui dire. Elle ne sait rien. Il faudra aviser sur place… mais l’idée de mentir à sa fille lui est difficile. Même si c’est pour la protéger.

Un passage par Saumur avant tout.

Vendre ses champs ou pas ? Elle verra une fois de retour chez eux.

Karyl attend aussi surement avec impatience. Il quittera Joinville avec ses amis de la zoko s’ils se sont relevés. Mais elle… elle ne partira jamais sans Lui.

Respirer un grand coup et reprendre la route pour un voyage qui durera longtemps. Prendre toutes les précautions pour que les enfants ne courent aucun danger.

C’est pas comme ça qu’elle imaginait les choses la brune. Les rêves et la réalité. Deux mondes si éloignés… on finit par se résoudre.

Elle le retrouvera…

Un jour, elle veut y croire
Nattascha
Mi casa es tu casa

C’est toujours à l’aube que la vagabonde termine ses périples. Cette arrivée ci n’échappe pas à la règle. Rentrer au petit matin lui permettra, après quelques heures de repos, d’aller s’occuper l’esprit en travaillant.
Lorsque la roulotte s’arrête devant la porte de la forge, le soleil pointe déjà à l’horizon, comme embrassant les racines des arbres alentours. La brune soupire de fatigue, assimile le calme qui l’entoure et en jouit quelques instants.

Estrella, réveillée par le défaut de cahotement sur le chemin, passe sa petite frimousse par la porte entrouverte de la maison roulante. De ses petites mains encore potelées elle se frotte les yeux et demande d’une voix ensommeillée
« pourquoi on s’arrête m’man ? »
Doucement, sa mère l’attire contre elle et s’enivre de la chaleur et du parfum de ce petit corps encore endormi.
« On est arrivées trésor, te voilà chez toi »
Sa poupée serrée contre son cœur, un pouce dans la bouche, l’enfant regarde autour d’elle un demi-sourire aux lèvres. Elles restent quelques minutes ainsi, instants de tendresse partagée en silence. Rien n’a bougé constate alors la brune. Le lierre a encore poussé, la porte de la forge est toujours fermée.
Durant quelques secondes elle resserre l’étreinte autour de sa fille. Il faudra repartir. Elle s’en voudrait presque d’imposer à son enfant une vie sur les chemins. Mais elle a toute la vie devant elle la petite étoile, pour se poser. Alors elles partiront. Comme prévu.

Pour l’instant, il faut vider la roulotte, prendre le temps d’un petit somme récupérateur, et surtout faire découvrir à Estrella son chez elle.

Après un dernier grignotage dans la tendre nuque enfantine, d’une voix enthousiaste, elle invite la petite à la suivre. Espérant que Karyl n’a pas tout fermé avant de partir à ses tâches quotidiennes.
Mais non, la porte s’ouvre tout aussi facilement qu’au premier jour. Elle laisse Estrella passer devant elle. Celle-ci entre, à présent bien éveillée, mais d’un pas quand même intimidé.

En silence, étrange pour une gamine aussi bavarde à l’accoutumée, en silence donc, elle regarde, étudie et touche tout ce qui passe à portée des ses petites mains. Les questions ne vont pas tarder…

Un baiser sur les cheveux de sa fille, un sourire, un
« explore trésor, tout ce qui est ici est à toi » et la mère s’en va vider la roulotte. Les jouets, les nippes, la nourriture qu’il reste… on aura bien le temps de la remplir à nouveau pour le prochain départ.

Alors qu’elle range dans la grande armoire ce qu’elle peut y fourguer, elle remarque sur la table quelques parchemins enroulés. Un sourire étire ses lèvres alors qu’elle constate que Karyl a pris à cœur son rôle de maitre de maison.
Un regard, un sourire adressés à la petite andalouse maintenant bien éveillée qui furète un peu partout, et elle s’attable quelques minutes pour lire les parchemins.

Une très vieille amie, perdue de vue depuis bien longtemps, qui lui annonce son départ pour les iles angloises et l’invite à l’y rejoindre dès qu’elle le pourra. Pensées qui vagabondent quelques minutes dans les souvenirs d’autrefois, les rires et secrets partagés avec cette amie… elle sera encore plus loin maintenant.

Une autorisation de circuler dont elle avait fait la demande bien avant de partir pour la Normandie, arrivée bien trop tard.

Et puis un dernier parchemin, aux allures officielles. Le cœur de la vagabonde manque quelques battements lorsqu’elle imagine qu’il contient peut être LA nouvelle qu’elle redoute tant. On l’aurait retrouvé, on lui demanderait de venir s’occuper du… corps, des funérailles. C’en est trop, le courage lui manque, le sol semble s’éloigner petit à petit, elle ne veut pas lire ça. Alors elle repose le parchemin comme s’il lui brulait les doigts et file prendre un peu l’air, laissant Estrella installer nounours, poupée et autres jouets comme bon lui semble.

Assise sur le banc devant la maison, elle sait. Elle le sait qu’elle devra l’ouvrir, tot ou tard. Mais en l’instant son ventre ne forme plus qu’un énorme nœud qui l’empêche de respirer.
Penser à autre chose, tenter d’envisager que ce vélin ne contient pas ce qu’elle craint tant…

Alors elle se lève, détache Loca, l’entraine vers le pré près de la forge sur laquelle elle ne peut déposer les yeux, bouchonne la jument énergiquement, en un mot comme en cent… laisse s’écouler du temps.

Et puis le trottinement d’une fillette, non loin, la ramène à la réalité. Difficilement elle s’arrache un sourire qu’elle adresse à sa fille toute guillerette d’être enfin chez elle, chez eux… et fonce dans la maison en direction de la table pour ouvrir brusquement ce maudit parchemin.
A mesure que les mots défilent sous ses yeux et pénètrent dans son crâne, la peur et l’angoisse laissent place à une colère grandissante. Elle lit et relit le parchemin une fois, deux, trois fois et plus…



Citation:
Yop la raclure de bidet,

Je viens de découvrir la lice de mon village et voici une proposition de duel pour t'enfoncer mon épée dans le rectum. Le 13 août, 13h, ça te va, faquin ?

J'imagine que ta couardise te fera refuser, mais au moins ça prouvera ce que je savais depuis le début. Que tu n'as pas de couilles.

Je ne te salue pas.

Cosmik-Roger Penthièvre de Charnée-Chandos, seigneur de Pannard.



Elle fulmine à présent, contient sa rage uniquement parce que sa fille est quelque part, non loin d’elle. Le 13 ? mais le 13 c’est dans deux jours. Il veut un duel ? il va l’avoir.
Estrella ? Estrella ? Ma puce ? Viens vite, on doit aller au village !!!



Le sourire est réapparu sur le visage de la vagabonde. Mais, qui la connait, sait qu’il n’est pas de bon augure. La flamme de colère qui danse dans ses yeux contredit les lèvres qui s’étirent.

Estrella arrivant comme un cheval au galop vient percuter sa mère à toute allure et rit de son insouciance. La brune joint son rire à celui de sa fille, la relève, lui prend la main et plus sérieuse soudain, lui dit en la fixant dans les yeux


« ma chérie, tu viens avec moi, je vais te montrer comment on répond à un affront."

Et les voilà parties, laissant derrière elles une porte qui claque sur les vestiges d’un voyage qui en appellera un autre sous peu.
Dans son poing serré, la vagabonde tient le parchemin dont le verbe n’est qu’insultes pour celui qu’elle aime, le père de son enfant.
Ce Cosmic, elle l’a croisé déjà au village lui semble t’il… peut être l’a-t-il oubliée… mais cette fois, ça ne risque pas d’arriver.
Malgré la fatigue qui la terrasse après ces jours de voyage, elle va lui montrer ce qu’est la famille andalouse.


(suite à venir autre post en gargote)

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Nattascha
Retour de la lice.

Les choses avaient été vite.
Le verbe avait été haut et les nerfs mis à rude épreuve.

Remontée comme une horloge la vagabonde. Mais un peu inquiète de ce que sa fille pouvait bien penser de tout ça.
C’était peut être une mauvaise idée que de l'avoir fait assister à cet échange entre Cosmik et elle.
Bah, il n'est jamais trop tôt pour apprendre qu'on ne se laisse marcher dessus par personne.
Elles sont passées par le marché en rentrant, elle a offert quelques fruits à Estrella. Quelques douceurs après les secousses.
Alors que la petite croque sans grand appétit dans une pomme, elles sont assises sur le banc devant la maison.
La brune lui explique…


Tu vois je vais devoir partir demain. Je vais aller me battre. Parce que quelqu’un a sali ton père et ta mère. Personne ne doit jamais salir ton nom ma puce.

Elle la prend sur ses genoux, lui passe les bras autour de la taille et respire l’odeur des cheveux de son étoile.

Ne t’inquiète pas pour moi, j’ai de la force et je sais me défendre. Je reviendrai dans quelques jours, et j’espère t’annoncer que j’ai gagné. Mais tu vois, même si je perds. Au moins je me serai battue jusqu’au bout pour nous.

D’une main légère elle caresse les bras de son enfant qui hoche la tête à ses paroles. Elle n’a pas le temps de s’attarder sur ce qu’elle peut lui dire. Il faut lui expliquer maintenant qu’elle ne peut pas suivre sa mère. Pas la peine de l’emmener assister à un éventuel bain de sang. Elle doit déjà encaisser ce qu’elle vient de voir.

Alors tu vois ma puce, ton amie Calyce, sa petite sœur, et tous les autres que je ne connais pas encore… tu vas pouvoir profiter d’eux tout ce que tu veux pendant mon absence. Je ne peux pas t’emmener avec moi, la route est trop dangereuse pour une petite fille. Tu comprends j’espère ?

Et un mensonge supplémentaire. Elle n’aurait jamais imaginé devoir autant mentir. Mais protéger sa fille, c’est tout ce qu’elle peut faire.

Je vais demander à Finam si vous pouvez aller jouer jusque chez lui…

Elle rit la vagabonde, en imaginant des gamines survoltées courant et criant dans le château du grincheux.

Je suis sure que vous vous amuserez beaucoup

Et puis surtout ça lui permet de se rassurer. Finam, même s’il a une tête de cochon ne laisserait pas quiconque faire du mal à un gamin… enfin…. Si si elle veut y croire.

Tu vas jouer avec tes amis, et moi je vais jouer avec heu… de mon côté. Chacun ses jeux. C’est drôlement bien fait la vie hein ?

Sourire forcé, enthousiasme faux qu’elle tente de partager avec Estrella.

Dis tu m’aides à préparer mes affaires ?
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Estrella.iona
Estrella avait assisté à l'altercation de sa mère avec le nobliot. Elle n'avait pas tout compris, toutes ces insultes, toutes ces paroles, mais une chose était sûre, le noble avait manqué de respect à ses parents ... Et ça, ça n'était pas pardonnable. La petite fille aurait bien voulu balancer un coup de pied au malotru, mais elle sentait que ce n'était pas le moment.

Sur le chemin du retour.

Sa mère semblait soucieuse. Soucieuse mais déterminée. Et malgré son jeune âge, la petite savait que quiconque s'en prenait à ses parents le paierait cher. Elle marchait à grand pas, et sa main dans la sienne, la petite trottinait à ses côtés. Passant par le marché, le regard d'Estrella fut attiré par les couleurs vives des fruits et Natt, répondant à son appel silencieux, lui en prit quelques un.
Estrella avait quelque peu saisit l'échange ... Il était question d'une bagarre ... Mais elle avait besoin d'éclaircissements, et elle sentait qu'ils n'allaient pas tarder à arriver.

De retour à la maison.

Elles s'assirent sur le banc et Estrella prit une pomme, rouge vif. Mmmmh, les pommes, elle adorait ça ... Presque autant que les bonbons !
Un temps de silence. C'est quelque chose d'important qui vient de se passer, Estrella le sent bien. Puis sa mère prit la parole :


Tu vois je vais devoir partir demain. Je vais aller me battre. Parce que quelqu’un a sali ton père et ta mère. Personne ne doit jamais salir ton nom ma puce.
Ne t’inquiète pas pour moi, j’ai de la force et je sais me défendre. Je reviendrai dans quelques jours, et j’espère t’annoncer que j’ai gagné. Mais tu vois, même si je perds. Au moins je me serai battue jusqu’au bout pour nous.


Estrella hocha la tête, la bouche pleine. Elle était fière de ce que sa mère faisait pour son honneur et celui de la famille. Elle ferait de même quand elle serait grande, si jamais quelqu'un s'en prenait à ses parents, à sa famille. D'ailleurs, elle comptait bien aller avec sa mère et participer au combat, nan mais oh, on s'en prenait pas comme ça aux siens.

Avalant un bout de pomme, elle dit d'une petite voix.


Ze sais, m'man ... Mais ze suis sûre tu vas gagner ! Le m'sieur qui a mal parlé il va regretter d'avoir mal parlé ! En plus, t'es la plus forte du monde ! Et pis en plus, ze serai là pour que ze t'aide !

Sa mère marqua un temps d'hésitation, à peine perceptible. Eludant la question, celle ci renchérit :

Alors tu vois ma puce, ton amie Calyce, sa petite sœur, et tous les autres que je ne connais pas encore… tu vas pouvoir profiter d’eux tout ce que tu veux pendant mon absence. Je ne peux pas t’emmener avec moi, la route est trop dangereuse pour une petite fille. Tu comprends j’espère ?
Je vais demander à Finam si vous pouvez aller jouer jusque chez lui…
Je suis sure que vous vous amuserez beaucoup.


Alors elle n'allait pas pouvoir se battre aussi ! Estrella tourna la tête et regarda sa mère de ses grands yeux verts foncé. La route était dangereuse ... Mais Estrella avait envie de rester avec sa mère, elle venait à peine de la retrouver enfin ... Cependant, la perspective de rester jouer en compagnie de Calyce et Clélie plaisait aussi à la petite fille. De toutes façons, c'est sa mère qui décidait. Cela elle le savait très bien, elle serait inflexible ... C'était en vain qu'elle avait tenté plusieurs fois de la faire changer d'avis, elle n'avait jamais réussi ... Alors autant approuver de suite, et faire comme sa mère l'avait décidé.

Oh, oui ! On va zouer, avec Calyce et Clélie ! Dans le château de le vieux Finameuh, on va amener nos zouets, on va zouer à la dinette, on va le déguiser en princesse et tout ! On va bien s'amuser ! Et puis ze serai saze, ze ferai pas des bêtises, et pis ya Manon, et ya le p'pa de Calyce aussi, ze serai pas toute seule !

Tu vas jouer avec tes amis, et moi je vais jouer avec heu… de mon côté. Chacun ses jeux. C’est drôlement bien fait la vie hein ?

Estrella hocha la tête en signe d'acquiècement. Même si pour le coup, le "jeu" de sa mère lui semblait pour le moins dangereux. Mais bon, elle parraissait heureuse et enthousiaste à l'idée d'aller se battre, et la petite fille n'y vit que du feu.

Chouette alors, m'man ! Z'espère tu vas t'amuser et tu vas gagner !

Dis tu m’aides à préparer mes affaires ?

Estrella hocha vigoureusement la tête, sauta lestement des genoux de sa mère, déposa le trognon de pomme sur le banc, lui tendit la main après que celle ci se soit levée et toutes deux entrèrent dans la maison.
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Nattascha
La jument a été sellée prestement.
Estrella est entre de bonnes mains, tout du moins essaie t’elle de s’en convaincre pour se rassurer. Quelle mère elle fait... enfin bon il est trop tard il faut y aller.
Pas besoin de roulotte, pas besoin de quoi que ce soit. Le bon vieux balluchon a été ressorti de dessous les fagots. Dedans elle a mis de quoi manger pour le trajet, quelques petites choses bien personnelles qui lui rappelleront le pourquoi de ce voyage et de ce duel.
Sa lame pend à sa taille, taureau gravé sur le pommeau qu’elle caresse sans même y penser.

Dans son ventre deux émotions ont entamé leur propre duel, contre lequel elle ne peut pas grand chose
La rage. L’envie d’en découdre. Et, pour maintenir cette colère à un niveau suffisamment élevé pour la motiver, elle se répète comme un leitmotiv les mots employés par Cosmik pour parler de l’autre moitié d’elle-même.
Et la crainte.
La crainte d’encaisser tant de coups qu’elle ne pourra prendre la route pour la bourgogne et aller le chercher, le trouver. Oh ça n’est pas tant la douleur, ni même les bosses ou les bleus qui lui font peur. C’est l’idée d’être si mal en point qu’elle ne pourra voyager. Et puis quelle image elle donnerait à sa fille si elle venait à rentrer le visage gonflé par les coups reçus… bah... revenir à la colère.
Les bleus se soignent.

Elle va laisser la maison ouverte. Estrella y a ses jouets et les marques qu’elle commence à peine à prendre. Pas de raison de lui fermer la porte de chez elle. Le chien veillera sur leurs biens en son absence. Sacré lascar de Ven Aqui. Qui la regarde enthousiaste, l’air de penser que c’est reparti pour un p’tit périple assis sur le banc à l’avant de la roulotte.


Nan tu restes là toi.

D’un geste de la main elle lui intime l’ordre d’aller se pieuter devant la porte de la maison. Il pleut pas, il fait pas froid, et c’est qu’un clébard. Il peut bien rester dehors quelques jours à veiller.
Pis de toute façon elle n’a pas l’âme à s’apitoyer sur le sort d’un chien. Ya le sien en jeu… mine de rien.

Son dernier détour avant le départ aura été pour la taverne du Cosmik aux chevilles enflées. Pas bavard. Juste hautain comme il semble l’être au naturel.
Volontairement elle est allée là bas. Histoire de le défier au moins du regard et du verbe avant de partir.
Si elle a encore la possibilité d’ouvrir sa bouche en revenant y’a une cuite promise. Toujours ça de pris. C’est qu’il a l’air radin en plus le noble. Genre qu’il faudrait supplier pour s’faire payer une chopine. Plutôt crever.
Elle aime bien l’agacer la brune. Elle ne pourra pas lui taper dessus, mais c’est pas demain qu’elle lui foutra la paix. Il aime pas être tutoyé ? Elle balancera du « tu » à tout bout de champ. Il aime qu’on se courbe devant lui ? Elle se tiendra droite comme jamais. Le duel qu’il lui doit sera nerveux plus que physique.

Enfin bref, là il faut filer.
Un inconnu l’attend au bout du chemin.

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Estrella.iona
Sa mère partie pour rosser celui qui avait osé s'en prendre à sa famille, Estrella se retrouvait donc seule. Enfin seule en théorie, puisqu'elle avait ses amies maintenant, ses compagnes de jeu, et elles ne se quittaient pas d'une semelle. Et puis même la nuit, elle dormait dans le chateau du vieux Finam qui les hébergeait gentiment, lui qui était " doux et trépident comme une pincée de pissenlits". Bon d'accord, elles dormaient à même le sol, mais au moins Estrella ne se sentait pas seule et abandonnée, à sa plus grande joie.

Elle aurait quand même aimé accompagner sa mère à La Flèche, au moins regarder le combat, puisque c'était de cela qu'il était question, crier dans la foule le nom de sa mère afin qu'elle sache qu'elle était bel et bien là, à ses côtés, et même si présentement elle se trouvait à Saumur, elle voulait que Natt ressente les encouragements de sa fille ... Vainqueur ou pas, peu importait à la petite fille. Bien sûr, elle était persuadée que sa mère était la plus forte des mamans, et même des femmes du monde, et que la victoire aurait permis de faire ravaler son affront au nobliot, Estrella était fière que sa mère ait relevé le défi. Elle voyait tout ce courage et se dit que vraiment, c'était comme cela qu'elle voudrait être une fois devenue adulte. Aussi belle et courageuse que sa mère qui n'hésitait pas à se défendre et à défendre sa famille. Mais elle voulait ressembler aussi à son père, son père qu'elle ne connaissait pas et qu'elle devinait par les portraits et les descriptions que sa mère faisait de lui ... La petite avait hâte de le rencontrer enfin, de lui sauter au cou, de le serrer dans ses bras et de lui conter toutes les aventures qu'elle dont elle avait d'ores et déjà été l'héroïne, malgré son jeune âge. Bientôt elles partiraient pour Joinville, à sa recherche, et il était question de le chercher et de le trouver, mais aussi de le ramener à Saumur pour vivre leur vie ... Vie qu'Estrella imaginait jour après jour et dont elle voulait qu'elle devienne réalité au plus vite. Sa place était entre son père et sa mère, et cela personne ne pourrait rien y changer, même pas un défi, rien. Pour toujours elle serait fière d'eux, envers et contre tout.

La petite fille prit donc le chemin de la maison que Natt avait laissée ouverte à son départ. Cela faisait quelques jours qu'Estrella n'y avait pas mis les pieds, occupée avec ses amies à des jeux divers. Le chien, Ven Aqui, était là, couché devant la porte. Il veillait, les yeux mi clos, se dressa à son approche et accourut vers elle. La petite réprima un mouvement de recul, mais le chien se contenta de sautiller autour d'elle.

Arrivée à la porte, elle se hissa sur la pointe des pieds et l'ouvrit. Là rien n'avait changé, normal, rien ne change en deux jours. Il faisait sombre et les yeux de la petite mirent quelques secondes à s'habituer à l'obscurité. Puis elle entra tout à fait et se dirigea vers son petit coin. L'endroit où elle avait installé toute sa petite famille de jouets et d'objets. Ceux ci étaient rangés dans un ordre plus que relatif, et sur une étagère, les dominait la toile donnée par un messire sur le chemin entre Bayeux et Saumur. Le petit tableau représentait Séville, la plus belle ville d'Andalousie, dict le messire, et sa mère lui avait dit que son père était originaire de cette contrée.... Estrella perdit ses yeux verts dans les couleurs de la toile. C'était magnifique. Elle se promit, dès qu'elle verrait son père, de lui demander de lui conter la vie là bas. Et même de lui demander de l'emmener là bas. Un voyage, son père, sa mère et elle. Une perspective qui faisait pétiller les yeux de la petite fille.

Détachant son regard de la toile, elle sortit de la maison à la recherche d'une brouette. Elle en trouva une, mais celle ci était deux fois plus grande qu'elle... Elle entreprit de la pousser à l'intérieur de la maison, mais elle était trop large pour passer la porte. Aux grand maux les grands remèdes, Estrella fit plusieurs allers retours pour chercher Zor et Martine les nounours, Méline la poupée de chiffons, Léo le lapin, le chat, le cheval et son poulain en bois.

Son petit monde regroupé dans la brouette, elle referma la porte derrière elle.


Ven Aqui, tu gardes la maison, hein ! Sois saze mon chien !

Tape amicale sur la tête du chien de ses petites mains potelées. Puis, empoignant les bras de la brouette, elle avanca à petits pas sur le chemin caillouteux, à la recherche de ses amies.
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Nattascha
Retour boiteux et honteux chez elle.

Estrella n’est pas là, c’est pas plus mal. Pas la peine qu’elle voit sa mère dans cette situation. Dans sa main, un parchemin qu’Alatariel lui a donné avant de partir. Il est fermé par ce même sceau qui fermait celui contenant tant d’insultes. Elle sait de qui il vient, elle sait ce qu’il doit contenir. Elle n’a pas pu se résoudre à l’ouvrir jusqu’à présent. L’humiliation qui suivra la honte. Elle n’a plus grand-chose pour elle la vagabonde. Même plus l’honneur.
Alors elle y réfléchit depuis que le poulain de Cosmik l’a fait se ramasser dans la poussière. Aller en bourgogne ? Pour quoi faire ? Si elle Le trouve elle ne pourra même pas Le regarder en face.

Le chien est là, fidèle à sa place, qui se lève, et s’étire pour venir à la rencontre de sa maitresse. Au moins lui, il s’en fout de l’honneur. Quelques caresses sur le museau encore chaud de la sieste canine qu’elle a interrompue, quelques petites tapes sur les flancs de l’animal, une bonne friction sur l’épine dorsale et elle se pose en grimaçant sur son banc. Ven Aqui la regarde, queue remuante, comme attendant une partie de jeu.


Pas maint’nant mon pèpère… plus tard, on verra…

La voix sourde et fatiguée qu’elle utilise, le chien a l’air de comprendre que non, ça n’est pas le moment. Il se couche aux pieds, non, sur les pieds de la brune.
Rien n’a changé. Rien n’a bougé. Pas qu’elle soit partie bien longtemps, mais elle pensait voir les choses dans un panel de couleurs bien différent à son retour. Elle imaginait du jaune soleil, du rouge andalou, elle imaginait voir les fleurs dans le champ en face avec plus de lumière que ce qu’elle aperçoit maintenant.
Est-ce que les coups pris dans la tête l’ont rendue aveugle à la beauté de ce qui l’entoure, ou est ce que tout simplement elle n’a pas envie de voir les nuances qui s’offrent à elle ? tout est en demi-teinte.
Faudra s’y faire.

Le parchemin lui brule les doigts. Faut croire que c’est une habitude chez elle de ne pas aimer lire les mauvaises nouvelles. Attendre, jusqu’à ce que la curiosité l’emporte sur la crainte, c’est visiblement ce qu’elle fait de mieux. En même temps, se précipiter sur quelque chose qui, on le sait, nous laissera défait, ça ressemble plus à une attitude de débile. Alors du coup elle se rassure en se disant qu’elle n’est pas encore trop cinglée… on se console comme on peut.
Longue inspiration, fraicheur et parfums du jour qui se lève sur leur maison. Elle s’imprègne de tout ça, et décachète le pli.


Citation:
Yop.

Tu t'es bien battue pour une gueuse. Mais il faudra régler les détails de notre affaire pour qu'elle soit bel et bien terminée. J'ai des choses importantes à achever, pendant que tu es soignée au frais de la familia. Donc ne t'attends pas à me voir à Saumur d'ici quelques temps.

Pour résumer, des excuses puis une biture. C'est ce dont nous avions convenu.
Tu t'excuseras, si tes genoux peuvent encore se plier, pour t'être mal conduite vis à vis de moi, au mépris de mon noble sang.
Quant à Fablitos, je considère l'affaire réglée. Mais s'il revient à m'insulter, mon courroux sera terrible et tu pourras considérer que l'état dans lequel mon champion t'a mis serait comme un radis avant un repas monstrueux chez Levan le Parricide.

S'il se tient à carreaux, l'affaire est close. S'il revient à la charge, je ne réponds plus de rien. Tenez le vous pour dit.

Après tout c'est lui qui a commencé à m'insulter et à souiller mon nom. Je n'ai fait que lui répondre. Je suis désolé que tu aies eu à payer pour lui, mais tu l'as choisi.


Nous organiserons une libation au Mistral pour sceller le pacte.

A bon entendeur.

Cosmik-Roger Penthièvre de Charnée-Chandos, seigneur de Pannard.




Et voilà.
S’attendait pas à mieux ou à une éventuelle évolution dans son sens. Il veut des excuses, il en aura. Et après, elle verra.
Pour l’instant elle doit penser à sa fille. Quelques bonnes âmes croisées à l’entrée de Saumur lui ont raconté qu’elle traine beaucoup chez le citronné. C’est surement pas là bas qu’elle a envie d’aller trainer ses bottes. Elle imagine les insultes et autres railleries qui viendront ajouter à son mal être.
Croiser celui là serait l’achever.
Alors elle va prendre sur elle, baisser les yeux et aller en taverne. Peut être que la p’tiote passera avec ses « coupines » et qu’elle pourra la ramener à la maison.


Tavernes de saumur.

Elle en a fait le tour. Excepté le Mistral ou elle se refuse à foutre les pieds.
Pas de descendance andalouse pour lui sauter au cou. Pas grand monde tout court. Tant mieux, moins elle croisera de monde, moins elle aura à justifier de quoi que ce soit. Moins elle craindra les remarques narquoises et mordantes, qui ne tarderont pas à lui tomber dessus de toute façon.
Elle n’est pas plus pressée de ça, que de recevoir un nouveau pli avec un sceau officiel.
Bah on va s’installer chez jacky. Bien que ce soit l’antre secondaire du barbu qui pue le citron à des lieues. C’est encore là que sa fille pensera à venir la chercher si on lui dit que sa mère est revenue, et qu’elle ne la trouve pas à la maison.
Une chopine, deux… et pas envie de plus…
Et puis, comme un tourbillon, la prunelle de ses yeux fait son entrée en criant « m’mmmmmmmmannnnnnnnnnnnn » s’approche en courant et puis s’arrête brutalement, perplexe devant les marques sur le visage de sa mère. « t’as bobo m’man ? »
Surtout pas lui dire que oui… au moins la préserver elle.
« ça va ma puce, t’inquiète pas ça va… »
S’ensuivent quelques instants de tendresse dont la vagabonde a bien besoin. L’odeur de miel des cheveux de sa fille, son petit corps blotti contre le sien. Elles sont heureuses de se retrouver.
Et puis le moulin à paroles de sa fille se remet en marche… encore pas tout à fait remise, la vagabonde tente du mieux qu’elle peut de suivre le débit enflammé. « papi, le vioc, le château, les monsieurs en fer, les tableaux avec des yeux qui bougent, les copines, les jouets, les spinozic... »
Un flot ininterrompu de paroles enfantines, pleines d’enthousiasme, accompagnées de gestes des fois que sa mère ne comprendrait pas bien hein. Le rayon d’soleil de la vagabonde il est dans cette voix là, dans ces yeux là, dans ce p’tit bout de femme là.

Et puis le coup qui fait mal.
Elle préfère dormir dans le château du vioc que de rentrer dans leur nid à eux… là bas y’a mes copines, là bas on joue aux princesses, là bas… c’est un château.
Elle sourit la vagabonde, malgré elle. Elle sourit à sa fille, lui fait croire qu’elle comprend. Mais à l’intérieur c’est pire que les derniers coups reçus sur la lice.

Là bas y’a aussi un vieux con qui s’empresse certainement dès qu’il le peut de salir l’image de sa mère.
Contre lui elle ne peut pas grand-chose. C’est quoi une vagabonde sans le sou et cassée, face à un vieil acariâtre bourré d’écus et qui plus est… propriétaire d’un château.
Alors c’est le cœur serré qu’elle regarde sa fille partir avec son amie Calyce, direction le château des princesses bouchères.
Elle n’a pas la force pour l’instant d’aller contre ça.

Elle a vu le champ de son Autre prêt pour la récolte.
Elle va aller contre les côtes qui se remettent tant bien que mal et s’occuper de ça…

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