Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] - Je t'écris du futur.

Tigist


    Déambulant dans les rues de Bazas après avoir quitté Bordeaux, l'éthiopienne jette un oeil sur ses enfants glapissant de plaisir à la vue d'un étal plus chargé qu'un autre, quant à elle ? Elle réfléchit aux lettres auxquelles elle devra répondre ce soir quand les enfants seront couchés.
    De ces priorités de femme. D'abord eux, après elle.
    Toujours qu'importe le destinataire du courrier, même quand on l'aime.

    Et pour cause, elle aime les deux hommes qui lui ont écrit, de façon différente, l'un plus que l'autre, l'un de plus en plus et l'autre de moins en moins car le coeur a ses raisons que l'épistole ignore.

    Dans sa besace, il y a des courriers qu'elle a reçu et auxquels, elle a déjà répondu et puis, il y a les nouveaux arrivés, ceux qui lui enflamment le coeur et lui brûlent les doigts, à moins que ce ne soit l'inverse. Et il y a celui qu'elle a eu l'envie d'écrire ce matin même quand les cloches ont sonné les mâtines et que cela l'a réveillé.


    Barbu a écrit:
    Mon Amie,

    Que serais-je si je ne te surprenais jamais ?
    Je suis vivant et, je dois l’admettre, heureux. Je découvre la vie de famille et l’insouciance. Je ne me demande pas sans cesse si Neijin et mes fils sont en sécurité et je ne ressens pas le besoin de ne dormir que sur une oreille. Même si, tu t’en doutes bien, je ne peux m’en empêcher. Les bons réflexes ont la vie dure.

    Là, je t’imagine dans un appartement confortable, les mômes qui s’occupent dans leur coin, et toi qui bûche sur des lettres incompréhensibles et des concepts foireux, peut-être jamais vérifiés. Et ça me fait sourire. Je t’ai trop vue courir, et je ne me souviens que trop bien de ce pli soucieux entre tes sourcils. Tu mérites le repos. Mais je vois bien que ce repos n’en est pas vraiment un. J’admire ton choix de vie. Très sincèrement, c’est là un sacrifice, à mes yeux. Abandonner tout ce que tu connais pour découvrir un monde où tu te sais malvenue. Je ne doute pas que tu sauras te faire ta place, à coup de griffes, ou de mots. Un jour, on verra que Tigist de Nerra, reine noire, a le cul posé sur un trône en France, et peut-être, alors, que tu pousseras le monde à changer.

    J’ai hâte de revoir Moïra et Menelik et de voir comme ils ont changé. C’est la beauté de ta fille et son entêtement tout féminin que tu me vantes là, et je suis ravi d’apprendre qu’elle grandit comme il le faut et comme son sang l’exige.

    Si tu ferais une bonne évêque ? Que faut-il pour être bonne évêque, au juste ? Faut-il savoir conseiller ? Aimer ? Détourner des fonds ? Tu sais faire les trois, alors je pense que tu pourrais faire une très bonne évêque. Quant à ton sort, je doute que Deos pardonne plus volontiers ceux qui se consacrent à lui. Je crois qu’il voit en chacun de nous un potentiel, mais que nous ne sommes pas aptes à comprendre. Si j’étais Dieu, je te pardonnerai et même plus encore, car ton seul crime est d’avoir souhaité protéger ceux que tu aimes. Qu’importent les accusations de trahison. Dieu est au dessus de tout ça.

    Mon espionnage, en fin de compte, ne porte pas réellement ses fruits. Il s’avère que l’on ne voyagera finalement pas à leurs côtés. Tant pis, tant mieux, je n’en sais rien. Je te tiens au fait, pour le mariage, naturellement.

    N’oublie pas de prendre soin de toi,

    J


    Berhan a écrit:
    Regina mia,

    Je sais, je devrais vous écrire beaucoup plus souvent. Tu connais mon assiduité dans les courriers épistolaires, ça n'a jamais été mon fort. Comme tu sais également que ce n'est pas parce que je n'écris pas que je ne pense pas à vous. Chaque jour, mes pensées vont vers les enfants et toi. Je vous imagine à Bordeaux, marquant les esprits de chaque manant que vous pourriez croiser. Je vois les progrès de Menelik sur son cheval bien trop grand pour lui. J'entends les babillages de notre Moïra qui s'apparentent de plus en plus à des mots. Je regrette de ne pas voir tout cela avec vous, mais tu sais combien la vie de sédentaire ne me réussit pas.

    Nous nous serions complètement anéantis si j'étais resté avec vous. Et pour cause, depuis la mort de Makeda, nous peinons tellement à nous comprendre. Nous nous aimons, mais nous ne savons plus nous le montrer. Je préfère t'aimer de loin, que de vous perdre tout à fait. J'ai eu des actes qui sans doute te feraient souffrir encore plus, je le conçois, et je ne vais pas te les conter pour ne pas alourdir ta peine, tu sais de quel bois je suis fait. Tu sais combien la fidélité m'est une affaire délicate, et combien cela n'a pas d'impact sur mes sentiments envers toi.

    Dis à nos enfants combien je les aime, je garde chacun de leurs présents, même les cadavres, dans une boîte toujours dans mes affaires. Et chacune de tes lettres aussi. Félicite notre Prince pour ses progrès, je n'ai jamais douté de tous les talents en lui.
    Offre-lui le poignard que j'ai mis dans ce paquet, il est pour lui, afin qu'il puisse défendre notre famille. Quant au bracelet, offre-le à notre fille. Il rappelera ses illustres origines, et combien son père pense à elle.
    Le collier, Regina mia, est pour toi. J'ai promis de te couvrir d'or, et je n'ai pas oublié cette promesse. Ainsi, vois le butin que ton imbécile d'époux est capable de t'offrir.

    Je suis certain que tu es l'étudiante la plus brillante de l'Université. De nous deux, tu as toujours été la plus intelligente. Si je trouve un dragon au cours de mes péripéties, dis à Menelik que je lui rapporterais.
    Les relations avec Romeo sont compliquées. Il me demande de passer du temps avec lui, mais il me repousse lorsque je tente de communiquer. C'est pas simple, à cet âge-là, vraiment pas simple. Et je pense qu'il m'en veut d'avoir été absent de sa vie tout ce temps-là, et de ne pas le laisser faire tout ce qu'il veut.

    En tout cas`, j'ai une bonne histoire à vous écrire.

    Après les événements avec l'armée, nous nous sommes dirigés vers le tournoi dans les Flandres. En binôme. Je me suis mis en équipe avec Daeneryss, et nous avons fait des ravages. Elle depuis les arbres, et moi dans les fourrés pour me battre au corps à corps.
    Nous avons affronté 2 adversaires la première nuit. J'étais évidemment moins invisible que toi, mais toujours assez pour surprendre mes ennemis d'un soir. Deux victoires. Une nuit qui nous a mis en confiance pour la suite. Le soir suivant, nous avons affronté 4 adversaires. Une nuit agitée. Nous n'avons pas eu le temps de réfléchir. A trois reprises, nous sommes parvenus à mettre nos adversaires à genoux. Au dernier moment cependant, nous avons été battus. Et le comble : par un binôme que nous avions vaincu la nuit précédente. Je pense qu'ils ont compris notre stratégie,

    Cette défaite ne nous a pas empêché de terminer deuxième de ce tournoi. Nous avons aussi recruté deux personnes supplémentaires. Maintenant, nous allons tenter de nous refaire un peu plus d'argent encore. J'espère que mes pas m'amèneront rapidement à venir vous serrer à nouveau dans mes bras. Ne doute pas de mes sentiments pour nos enfants ou pour toi. Je n'écris pas beaucoup, mais vous portez mon bras à chaque combat.

    Je vous aime, pour bien plus de mille et unes nuits.
    Gabriele.


    Il sera temps d'y songer plus tard quand Moïra ne sera plus en train de se lancer dans un de ses sempiternels charabia incompréhensibles mis à part pour son frère, tandis que celui-ci tente un numéro de charme sur une boulangère pour obtenir une oublie trop cuite à moindres frais.
    Cela pourrait la lasser, car sa vie n'avait été jusqu'alors que splendeur orientale ou rapine occidentale, mais la bourgeoisie lui sied, quand bien même elle foule aux pieds cette envie qu'elle a certaines fois de reprendre la route avec les petits et Lili.

    Plus tard, elle répondra à son courrier. Plus tard.


    Citation:


      Barbu, mon Barbu,

      Les mots se bousculent pour répondre à cette lettre et il faut bien les ranger pour qu'ils ne t'étouffent pas, d'autant que le vin du Bordelais n'aide pas en la matière.

      Tu écris que tes fils vivent avec toi, est-ce à dire que Lars est avec vous ? Loin de moi l'idée de ne pas déceler le bonheur paternel derrière cette situation, mais tout de même, je ne m'y attendais pas. Cela ne change rien au fait que ton bonheur est mon bonheur et qu'à vous savoir heureux réunis et sereins, une partie de moi aimerait être à vos côtés pour profiter de cette paix retrouvée. Comme je vous vois tous les deux, marchant main dans la main en bord de plage, guettant du regard une voile qui passerait à l'horizon pendant que les petits jouent à entasser des coquillages.
      Tu vois, nous avons troqué nos rêves de grandeurs pour des joies plus simples, des joies qui se comptent sur des dizaines de petits doigts douillets. Je crois que nous avons vieilli et qu'il était temps de raccrocher même pour un temps l'arbalète ou le sabre.

      Cela peut peser certains jours quand on voit un voyageur de passage qui s'apprête à reprendre la route ou qu'une bourse trop grassouillette pend après la ceinture d'un nobliau vaniteux et il y a ceux où l'on se réveille avec un petit être à ses côtés qui ne demande qu'à profiter de cette journée, alors qu'on voudrait pouvoir dormir encore. Et si je te disais que je suis désormais capable de me lever aux environs de tierce grâce à leur détermination à croquer le monde.. Si on m'avait dit.

      Quant à Dieu, je ne sais pas s'il me pardonnera mais figure-toi que j'ai rencontré un évêque qui a aussi la singulière particularité d'être le nouveau Duc de Guyenne. Et il a accepté de considérer ma demande de confession autant que celle d'avoir une terre vénale. Je crois bien que cet homme est fou mais je n'irai pas lui jeter la pierre d'autant plus qu'elle serait la première à former l'édifice de notre ascension sociale. Aujourd'hui une seigneurie, demain un duché, et samedi avec un peu de bonne volonté le Royaume de France à t'en croire.

      As-tu des nouvelles des autres ? Lénù ? Tafar ? Corbeau ? Comment va donc ce bon capitaine ? Où vivez-vous ? Comment va Neige et comment occupez-vous vos journées ? Dis m'en plus. On s'ennuie beaucoup en Guyenne d'autant que j'y suis seule et que Gabriele a préféré la compagnie de Daeneryss à la mienne et celle de ses enfants. Nous ne risquons pas de le voir avant un temps certain et je ne sais plus quoi dire à nos enfants, c'est bien ce qui me pèse le plus dans cette affaire.. Dois-je leur mentir quant au fait que leur père préfère vivre avec leur frère ou bien leur expliquer la vérité ? Ils sont si jeunes, et je suis un peu lasse.

      J'ai parlé à Menelik de votre mariage futur et même s'il n'a pas tout compris, je crois qu'il a retenu qu'il reverrait Hlodovic. A croire que votre fils compte plus à ses yeux que son parrain, il faudra lui faire payer cet affront m'est avis. Et dis à ta fiancée que si elle ne m'invite pas expressément, je m'arrangerai pour foutre le feu à sa robe.

      J'ai noirci bien trop de lignes pour ne pas m'arrêter. Je prie pour vous chaque jour et vous aime de toute mon âme. Gardez-vous bien.

      T.


    Citation:


      Berhan,

      Ta lettre a fait plaisir à nos enfants et j'ai du leur relire à de nombreuses reprises cette histoire de tournoi jusqu'à ce que Menelik veuille bien cesser de la froisser pour faire mine de la lire de lui-même. Quand sa carrière de chevalier sera terminée, peut-être deviendra-t-il un notable lettré ou un illustre savant, je crois qu'il n'a pas encore décidé et il a bien le temps à vrai dire, nous avons tout notre temps, eux surtout.

      Le temps de t'attendre et de te réclamer, le temps des mensonges et des jolies histoires, le temps de regarder vers la sortie de la ville ou sur les bords du port un père qui ne revient jamais, tu te doutes bien que je leur ai tu ce que tu m'as écris avant l'histoire, et que j'ai tu aussi le passage sur ce père qu'ils ne voient pas mais qui s'attache à combler un vide dans le cœur d'un fils délaissé. A passer d'une femme à l'autre, on délaisse souvent quelqu'un.
      Je ne dis pas cela avec animosité, je n'en ai plus et n'en ai jamais réellement eu. Ce n'était pas moi, ce n'était pas nous. Je n'ai ni à commander ton attachement ni ton désir, ne l'ai jamais fait et ne le ferait jamais. Mais le fait est que ces enfants pâtissent tous de tes indécisions et je ne sais plus quels mensonges leur servir pour les faire attendre.

      Quant à moi, je n'en veux plus, n'en ai pas besoin et ne me leurre pas Gabriele, ce n'est pas mon nom que tu soupires la nuit et je ne t'en veux pas pour cela. Mais ne reviens pas vers moi en pensant que je t'attendrai ou t'espérerai. Je t'aime, cela ne cessera pas si facilement mais pour autant, il faudra bien que tu choisisses pour cesser de les faire souffrir autant Romeo que Menelik et Moïra, et dans ma couche, il n'y a plus aucune joie qui t'attend.
      Dis-moi juste quoi leur dire, trouve une nouvelle histoire, un nouveau mensonge ou une vérité plus acceptable, mais ne m'oblige plus à leur cacher que leur père les a désertés.

      Salue Daenerys pour moi, offre-lui ce collier car cette pierre lui ira mieux au teint qu'à moi, embrasse Romeo s'il l'accepte, cet enfant a déjà tellement souffert.
      Je prie pour toi, pour que tu restes en vie et que tes relations avec ton fils s'améliorent.

      T.


    Quant au dernier courrier, il était temps de l'écrire un jour.

    Citation:


      Edele,

      J'ai passé ces derniers jours à Bordeaux sans avoir rien d'autre à faire que de lire des manuscrits épais et indigestes sur les vertus et le dogme aristotélicien et m'est apparu que je ne pourrai jamais montrer à mes enfants quelle voie emprunter pour suivre le bon chemin si je n'en étais pas capable non plus.

      Où que tu sois, je prie pour ton âme, pour que la paix t'ait enfin été offerte.
      Quoi que tu fasses, je gage que tu le feras avec plus de tolérance envers toi-même que celle que je t'ai connu.

      Mais plus que cela, Martin de Castel-Vilar, je te pardonne d'avoir été le plus grand con que cette terre ait porté. Dieu jugera lui-même de tes faits et paroles, quant à moi, je n'ai plus l'envie et la force de nourrir une rancoeur qui aurait du mourir avec Judicael.

      Dieu te garde.
      T.


_________________
Jurgen.
    Il s'était endormi à Arras, et s'était réveillé à Arras, alors même qu'il avait payé pour louer des chevaux. C'était peut-être la quiétude et le bien-être qui l'avaient poussé à se laisser aller dans les draps et à n'en sortir que tardivement, forcé à remettre le voyage à ce soir. C'était ce matin l'occasion de répondre à l'Amie, et la plume courut plus que jamais. Il aurait fallu lui bâillonner les mains pour le faire cesser d'étaler l'encre.

    -Lars, tu me livres ça au courrier, bitte?
    -Oui, Jur... Vater.

    Il arrivait à l'enfant de reconnaître sa filiation avec le barbu, et "Père" était un mot si doux à entendre qu'un sourire tendre et sincère s'étira sur les lèvres du pirate.


Citation:

      Mon Amie,


    Je n’ai pas été bien explicite, j’en conviens. Lars est à mes côtés depuis quelques semaines. Je n’ai aucune raison de ne pas profiter de mon fils. J’admets que je l’ai trop longtemps négligé, et il est temps de faire changer les choses. Je voulais que Hlodovic connaisse son grand frère, et que Lars connaisse son petit frère. Je ne sais pas combien de temps tout cela durera. J’ai l’impression qu’on apprend vraiment à se connaître. Il m’en a voulu, et m’en veut encore, je ne peux que le comprendre. Il est vif, et intelligent. Corbeau l’a eu sous sa garde quelques temps, en passant en Orléans. Il a du y apprécier son séjour, et je ne sais pas vraiment ce que Corbeau lui a dit, mais il s’entraîne dur. Il livre mes lettres et mes colis en ville, et il se fâche lorsqu’on tente de l’arnaquer, et c’est bien simple, il n’accepte que les écus sonnants et trébuchants.
    C’est une merveille. Mais je dois t’avouer que je suis un peu inquiet. J’imagine volontiers mes fils marins, ou hommes des chemins, mais je sais qu’il n’y a pas de repos là dedans. J’espère un jour pouvoir leur proposer une vie plus confortable, plus stable.
    D’ailleurs, je ne me souviens plus si je te l’ai écrit, mais j’ai fait construire une petite maison, en bord de mer et proche d’une forêt aux abord de Sant-Maloù, en Bretagne. Elle devrait être bientôt terminée, ils y travaillent depuis novembre. Quant à savoir si on l’habitera… C’est compliqué, là encore. Je crois que c’est la promesse d’un avenir plus clément.

    Tu ne voles plus ? Jamais ? Même quand t’es sûre de ne pas te faire prendre ? On ne vole pas uniquement pour l’argent, mais aussi pour la satisfaction. Si tu ne voles pas, est-ce parce que tes manuscrits te satisfont tout autant ?
    Cet évêque est-il un saint ? Tu te présentes à lui, toute noire, étrangère, avec un dossier juridique noirci, et il consent ? S’il ne s’agit pas d’un signe de pardon de Dieu,d’une petite tape sur l’épaule l’air de dire « T’inquiètes, Tigist, l’avenir est lumineux ! », je ne sais pas ce que c’est.

    J’ai eu l’occasion de croiser Lénù au tournoi. Elle semble aller bien, même si je n’ai pas vraiment eu l’occasion de passer du temps avec elle. Tafar, je ne le connais pas vraiment, et si j’ai croisé son ombre, je ne l’ai pas côtoyé. Pourtant il me rend bien curieux... Pour Corbeau, tu t’imagines, il y a beaucoup de choses à dire, mais peu de choses qui peuvent se permettre d’être écrites. Alors je te dirais simplement qu’il est au service d’une femme de haut rang et qu’il ne daigne pas répondre à mes lettres. Je m’y suis habitué, mais il pourrait tout aussi bien être au fond d’une geôle parce que sa présence aurait dérangé.

    On occupe nos journées avec les garçons. On les emmène pêcher, mais ils sont encore trop jeunes pour la chasse. Peut-être que Lars est en âge, lui. A vrai dire, on mène une vie terriblement ordinaire, et c’est plaisant. On n’habite nulle part, comme toujours, d’auberges en auberges, même si à Limoges, on est mieux lotis. C’est bientôt l’été, et comme les étoiles crèveront les yeux, je pourrais commencer à leur apprendre. A côté de la vie de famille, je mène mes affaires. Elles ne sont pas très florissantes, mais je ne suis pas sans le sou pour autant. Tu sais, vider des caisses de mairies ne me passionne plus autant qu’avant. C’est beaucoup d’efforts pour bien peu. Peut-être qu’il est temps aussi pour moi de blanchir mon nom ? Au moins partiellement. Mais on n’engage pas aisément quelqu’un comme moi. On préfère encore les gars qui n’ont jamais été mordu par l’acier et qui se pissent dessus au moindre appel nocturne d’un loup à ses congénères…

    Concernant ce petit ingrat de Menelik, je lui ferai parvenir un cadeau. C’est vrai, je suis responsable, je ne le couvre pas assez d’attention. Quel parrain dois-je être? Je dois être celui qui fronce les sourcils, ou celui qui prend sa défense et sape ton autorité ? Le second rôle me plairait davantage, et je crois qu’il lui plairait davantage aussi. J’en doute, mais manque t-il de quelque chose ? J’ai un entrepôt à Limoges, il est plein d'objets en tout genre, et il pourra choisir quelque chose. Il trouvera forcément quelque chose qu’il ignorait désirer !

    Pardonne moi de garder ce sujet pour la fin, c’est le plus houleux. Je doute que Gabriele préfère véritablement la compagnie de son ex-femme à la tienne et à celle de vos enfants. Je ne connais pas bien Dae, je n’ai jamais été très proche d’elle, mais avec tout le respect que je lui dois, je ne crois pas qu’elle puisse te supplanter. Je me souviens, un jour, il m’a dit avoir mis les choses au clair avec elle. Et quand bien même le fond du problème ne me regarde pas, je ne pense pas qu’il abandonne Menelik et Moïra. Fut une époque, j’ai aussi du faire un choix. Je ne préférais pas Lars à Hlodovic, ou Hlodovic à Lars. J’essayais d’être raisonnable, même s’il n’y a pas de raison là dedans. Je ne saurais te conseiller… J’ai joué le mauvais rôle. Mais ne doute pas qu’il aime ses enfants, et ne te dit pas qu’il préfère ceux d’un autre lit à ceux de ta couche. Aussi différents puissions nous être l’un et l’autre, nous sommes des pères, et on n’apprend pas aux hommes à en être, aussi nous devons souffrir et faire souffrir pour jouer un jour le rôle correctement. J’espère que Gabriele y parviendra.
    Ceci dit, je crois qu’un gros mensonge vaut mieux qu’une grosse vérité, même si la vérité finit toujours par se savoir. Tu es jeune, belle, et forte, et la pire ennemie que tu pourrais te trouver ne t’arriverait pas à la cheville. Tu tiendras, je n’en doute pas.

    J’ai transmis à Neijin ton désir de la lire. Je suis certain qu’elle tient à épargner sa robe ! Moi je me suis dit qu’elle serait bien jolie, en mariée nue comme une nymphe, mais tu dois savoir que je suis plus pudique avec son corps qu’avec le mien et que je préfère garder jalousement cette vision pour moi.

    J’ai rarement autant écrit de ma vie. Tu me pousses à être bon élève, et si tu parviens à me contraindre à écrire, alors peut-être que Dieu t’a sous sa sainte garde.
    Embrasse les pour moi, que votre quotidien soit doux.

      J.


    Lars rentra à l'auberge une heure plus tard, après avoir flâné en ville. Il avait l'interdiction pure et simple de s'exercer au fauchage de bourses tout seul, et s'il n'était pas toujours obéissant, il avait eu la trouille de désobéir et de potentiellement se faire prendre. Jurgen aimait trop ses fils pour tolérer qu'ils ne se mettent en danger, et la dérouillée que l'aîné aurait reçu s'il avait violé les règles aurait été entraînée par l'inquiétude. Il n'en demanda pas moins un écu à son paternel, un salaire justifié, et Moineau avait feint de négocier, pour finalement le laisser fièrement gagner.

_________________
Tigist


    Plus calmement que la dernière fois, allongée sur le lit pendant que les enfants à côté d'elle, comptent les cailloux qu'ils ont ramassé sur le port pour les comparer, l'éthiopienne n'en finit plus d'écrire, s'agaçant sur la plume à certaines reprises, retenant une larme à d'autres moments mais toujours en jetant un oeil aux petits qui jacassent sans se soucier d'elle dans un dialecte qui leur est propre mélangeant l'italien, le français autant que l'amharique.

    Comme ils sont beaux, comme ils ont l'air heureux sur ce lit à s'extasier d'un caillou plus rond et lisse qu'un autre.


    Citation:


      Barbu,

      Si on m'avait dit que je trouverais la sagesse et la sérénité dans une lettre, j'en aurais écrit des centaines, mais c'est sûrement car c'est toi qui tiens la plume que cela m'aide autant à mettre de l'ordre dans mes pensées. Je ne sais pas si Dieu me pardonnera mais je sais que je n'aurai pas assez d'une vie pour le remercier de t'avoir mis sur ma route.

      Tes interrogations ont été les miennes et j'ai trouvé une solution à cela : Jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de choisir d'eux-mêmes, ils auront une vie paisible mais dans la mesure du raisonnable. Ils ne resteront pas enfermés entre quatre murs, nous rencontrerons des gens et dans le privé, ils apprendront ce qui doit être appris pour qu'ils puissent rester en vie quand ils auront l'âge de Lars de façon progressive. Et après ? Ils feront leurs choix, Jurgen. Nous avons fait les nôtres et le dernier de ces choix consiste à les protéger d'une vie composée de fuites et de procès, de blessures et d'armées. Mais rien ne nous oblige à les priver de toutes les expériences qu'ils pourraient vouloir vivre sous réserve que cela ne les abîme pas trop et en la matière, nous savons à quoi nous en tenir.
      Lars a été séparé si souvent de son père que sa réserve est légitime, ne force pas son affection et il viendra à toi d'abord parce qu'après avoir vécu avec Corbeau, il serait ridicule qu'il ne s'attache pas au marin que tu es, mais aussi parce que tu es son père et que ces choses-là, mon Ami, ne s'oublient pas, c'est dans notre chair et dans notre sang. Il viendra à toi si tu restes celui que tu es car celui que tu es est aimable autant qu'aimant.

      Quant à la satisfaction, je la trouve dans l'aménagement de l'appartement de Bordeaux. J'ai acheté quelques tapisseries du meilleur goût, un verrier est venu poser des fenêtres qui nous permettent de voir le soleil se lever sur le port, le verre est presque clair, c'est un vrai travail d'artiste. Et j'ai même une chambre avec une alcôve où j'ai pu mettre de quoi prendre des bains, te rends-tu compte ? Des bains, mais pas dans une chambre, pas là où le sol sera encore humide après mes ablutions Je t'avoue que ce confort retrouvé me comble d'aise, c'est l'éthiopienne en moi qui danse de satisfaction quand la brigande se tait pour apprécier ce délassement. Il n'y a plus de vol, pourquoi volerais-je d'ailleurs ? J'ai tout ce que je veux matériellement ici bas et ma plus grande satisfaction en la matière a été d'être assez vive pour empêcher un va-nu-pied de me délester de ma bourse. Il n'a rien vu venir, figure-toi. Mais moi, oui. Pas encore trop vieille.

      Pour ce qui est de l'évêque, il ne m'a pas entendu en confession et je n'ai rien dit concernant notre passé qui pourrait nuire à ma requête pour l'instant, j'attends de le voir sous le secret de la confession. Tu vois, Barbu, repentie mais pas stupide. Est-ce que l'évêque sera en mesure de taire au Duc ce qu'il a appris ? J'espère en tout cas que l'homme saura jongler avec les deux postes qu'il occupe pour ne pas me jouer de mauvais tours.

      Et tu pourrais de ton côté en faire autant. T'engager dans l'armée ou dans la prévôté. Tu sais mener des hommes, tu n'as pas peur de la Mort et l'as trompée assez souvent pour savoir quand elle approche. La charge serait accompagnée d'une solde plus élevée que simple soldat et te permettrait de renflouer les caisses. Mais je t'imagine mal le temps d'arriver à un poste satisfaisant te contenter du simple rôle du troufion pour un homme qui n'arriverait pas à la cheville de Corbeau.

      Nous reviendrons à Limoges quand tu y seras, tant pour qu'il voit son parrain que pour qu'il puisse choisir son présent. Je viens de lui en parler et il est en train de faire la liste de tout ce qu'il aimerait y trouver. Mais je doute que tu aies un dragon dans tes malles. C'est sa dernière marotte, je leur ai raconté une histoire où un génie se transformait en dragon et Menelik s'est mis en tête d'avoir un dragon à lui et d'être chevalier pour le mener où bon lui semble. Va faire entendre à un enfant de trois ans à peine qu'il ne s'agit que d'un conte, il ne veut rien savoir, il aura son dragon et il sera chevalier.

      En ce qui concerne le sujet le plus houleux de ce courrier. A toi, je peux le dire. Le fait est que j'aime toujours Gabriele, bien sûr mais, car il y a un « mais » Jurgen, tu t'en doutes et je prie pour que tu survives aux lignes qui suivront et à la trivialité féminine qui les accompagne. Mais, donc, en dépit du fait que cet homme est le premier à m'avoir offert du plaisir et à m'avoir fait femme, je n'ai plus envie de me battre pour lui, je n'ai plus envie de lui, je n'ai plus envie tout court. J'ai essayé, craignant que ce ne soit Gabriele qui avait réussi à me faire passer l'envie en baguenaudant à droite et à gauche, mais le fait est que je n'ai plus d'envie tout court, et je me suis sentie si stupide cette nuit là dans ma couche vide à essayer de .. Je ne sais pas ce que j'espérais. La preuve que mon corps faute d'être désiré, était toujours en mesure d'éprouver du désir. Le résultat : Néant.
      Pourquoi donc voudrais-je me battre pour lui offrir le dos de son épouse et une absence évidente de désir ? Ce n'est pas pour lui que je me bats, c'est pour eux. Pour qu'ils voient leur père ou qu'au moins, ils soient au courant qu'ils ne le verront plus et ainsi qu'ils puissent continuer leur vie sans guetter s'il reviendra.
      Ma mère est décédée lorsque j'étais jeune, j'ai très vite compris qu'elle ne reviendrait jamais, un enfant survit à ces choses là, il survit à l'absence d'un parent et plus que cela, il vit. Mais quand il vient, repart, revient et ainsi de suite.. Je vois Romeo. A chaque fois que j'ai croisé ce petit, il ne savait pas quoi faire avec Gabriele et Gabriele ne savait pas quoi faire avec lui, et là, ils se retrouvent dans la même situation. Les enfants sont des êtres fragiles, il ne faut pas simplement les garder en vie, il faut les garder dans un chemin qui n'est pas sinueux et tortueux faute d'être réellement droit.

      Grand Dieu, quand je vois les pages que j'ai noirci, je prie pour que tu aies du temps devant toi pour les lire ou que tu aies assez d'alcool dans le corps pour les supporter. Embrasse Neige et fais-le quand elle sera nue dans un bain, elle saura que je l'aime toujours qu'importe la distance.

      Gardez-vous bien et montre aux enfants les premières étoiles dès qu'elles paraîtront, ainsi nous leur montrerons peut-être les mêmes et nous serons tout à côté même à plusieurs centaines de lieues les uns des autres.

      T.


    A relire les mots, elle se jure de réessayer dès le soir venu. Par Dieu, son corps ne peut être mort à ce point, au point que l'absence d'un amant l'ait privé de tout ressenti.

_________________
Jurgen.
Ah, tu verras, tu verras
Tout recommencera, tu verras, tu verras
L´amour c´est fait pour ça, tu verras, tu verras
Je ferai plus le con, j´apprendrai ma leçon
Sur le bout de tes doigts, tu verras, tu verras
Tu l´auras, ta maison avec des tuiles bleues
Des croisées d´hortensias, des palmiers plein les cieux
Des hivers crépitants, près du chat angora
Et je m´endormirai, tu verras, tu verras
Le devoir accompli, couché tout contre toi
Avec dans mes greniers, mes caves et mes toits
Tous les rêves du monde
Claude Nougaro - Tu verras.



    C’était un petit portrait de famille divin. Il y avait le père, grand, presque solide, à la face cabossée, allongé dans l’herbe, les bras étendus en croix. Il y avait la mère, vision enchanteresse, toute blanche, des pieds à la tête, lovée contre son fiancé. Le fils aîné, pareil à un renard, avait le sommet du crâne qui touchait celui de son paternel, et son petit frère était roulé en boule comme un chaton à son côté, endormi de frais.

    Jurgen leva une main vers les étoiles pour en montrer une, et entourer la constellation d'un ovale tracé dans l'air. Lars en particulier avait un point de vue sensiblement identique.


    -C’est Karlavagen, mais ici, on dit « La grande ourse » ou « Septem Triones » en romain.
    -Karlavagen...
    -Ja. Retiens surtout le nom français, c’est le plus utile ici. Elle montre quoi à ton avis, Septem Triones?
    -Mon chemin.

    La naïveté de ces parole le toucha. Lars n’avait pas tort, dans un sens. Moineau se dit qu’il aurait mieux fait de la regarder plus souvent, cette constellation..
    Et parce que le bonheur peut aussi se poivrer, le sourire qui naquit sur les lèvres de Jurgen lorsqu’il vit l’épais pli sous la porte de leur chambre était radieux.



Citation:

      Mon Amie,


    Je crois que tu as raison. Et je crois que c’est ainsi que je fonctionne. C’est pourtant délicat. J’ai parfois peur que Lars parle trop, fier comme il sait se montrer. Tu te rends compte ? Ce n’est qu’un enfant et il a déjà le vice de la profession : la vantardise ! Et je te parle même pas de son avarice. C’est de ma faute. Je travaille à tourner ces défauts en qualités, et je m’estime heureux, car il me reste encore nombre d’années pour l’éduquer. Quand j’imagine qu’il y a six ans j’aurais voulu me tuer pour avoir couché ces mots sur le papier… Je ne veux que leur tranquillité, et elle a un prix : L’honnêteté. Je ne sais pas si je saurais l’être.
    Je ne savais pas non plus que je savais aimer, et je dois te l’avouer, non plus qu’on pouvait m’aimer. Darria, Neijin, toi, et même Jeni, Sextus et Cig finalement, avez oeuvré à m’ouvrir les yeux. Car oui, on peut m’aimer, même si je peine à comprendre pour quelles raisons bien souvent, et moi,[début de rature sur la première lettre avant de se raviser] j’aime comme je respire. Je ne peux pas le nier, c’est bien trop évident. Et si j’ai décidé de ne pas rejeter l’amour que l’on me porte, je sais que je dois mériter celui de mes fils. Leur vie est bien au dessus de la mienne. Leur personne au dessus de n’importe quelle autre. Je me ferai mendiant si c’était là une condition pour qu’ils soient heureux. Mais cela ne me diminue en rien, cela ne me retire pas toute dignité, bien au contraire. Aujourd’hui, c’est avec eux que je suis, et pas avec Corbeau. Je crois qu’il le fait exprès de me laisser loin de lui. Il me donne parfois des instructions simples, comme des commandes à passer dans les villes où je voyage, mais je me rends bien compte de ce qu’il fait. Il me laisse vivre. Alors je vais vivre, et paraître honnête, parce qu’il le faut. Mais je ressens l’ennui.

    Tu as raison aussi lorsque tu dis que je ne supporterais pas de servir des pleutres. Toute ma vie, je me suis battu, et je refuserai catégoriquement qu’un garçon passe hiérarchiquement devant moi simplement parce que son sang est bleu et que son nom contient une particule. J’estime avoir déjà fait mes preuves, et vu comme les autorités se pissent dessus en nous voyant arriver, c’est bien que j’ai prouvé mon efficacité et démontré leurs lacunes. Va t’en leur faire comprendre que mes conseils et mes bras pourraient leur être fort utiles… Ils sont bien trop orgueilleux.

    Tu parles de bain, et Deos, que ça sonne bien ! C’est toujours ce que j’ai eu à l’esprit les fois où je songeais à la tranquillité : Avoir son propre baquet, qui ne sert à soi-même, et que l’on peut utiliser quand on le souhaite. Ces bains là doivent être les meilleurs. Je me souviens que j’en avais un quand j’étais gamin. On n’avait pas d’alcôve dédiée, ni de verre presque clair, mais je me souviens que j’aimais y passer mon temps… En même temps, j’étais tout le temps crade, Neijin pourra le confirmer. J’envie la vie que tu mènes, je crois. Le pas vers l’aisance, que tu as su faire. Tu as été brillante, mon Amie. Tu mérite encore plus que tout ce que tu as désormais. Et même si tu n’as pas tout ce que tu souhaites, je ne doute pas que ce sera le cas un jour.

    A l’heure où tu recevras cette lettre, je serai déjà à Limoges. Je pense y rester quelques temps. On s’est mis d’accord avec Neijin pour y prendre le temps d’organiser notre mariage, à voir combien de temps ça prendra. A ce propos, je suis assez pessimiste. Tu savais que j’avais choisi Jeni comme témoin ? Parce que c’est elle qui m’a poussé à faire ma demande, mais il s’est passé des choses depuis, et je ne crois pas la revoir de si tôt. Neijin a choisi Gabriele. Je ne sais pas ce qu’il en est. Moi, je veux simplement l’épouser, c’est tout. Je regrette que l’on ait si peu de monde à inviter parmi les gens que l’on a connu durant des années, mais ainsi va la vie.
    D’ailleurs, je dois t’apprendre une nouvelle qui te réjouira. Cig est en vie. Quelque part en mer, et peut-être qu’il nourrira les poissons sous peu, mais il fait ce pour quoi il est fait.

    Menelik risque d’être fort déçu, parce que je n’ai pas réussi à capturer de dragon et encore moins à l’amener à Limoges. Mais j’ai une tapisserie intéressante de Saint-Michel qui terrasse le dragon. Elle est colorée, et je trouve que la scène a l’air en mouvement quand on secoue le tissu. Qu’il en fasse une quête. Les enfants ont besoin d’avoir de l’ambition, même mal placée. Et puis rien n’exclue qu’une telle créature puisse exister et que ton fils ne sera pas celui qui libérera un pays de son joug en le domptant ! Je dois aussi y avoir des figurines en tout genre, il y a probablement des dragons. Je jetterai un œil à mon inventaire, mais j’aimerais mieux qu’il trouve ses trésors lui-même.

    Ce n’est pas trivial, les plaisirs du corps. Au contraire, ils sont très importants. Ils nous donnent un but quand on n’en a plus, et ils adoucissent notre quotidien. Alors je suis peiné d’apprendre que tu rencontres quelque soucis. Certains hommes disent que les femmes n’éprouvent plus de désir, passé un certain moment. Moi je n’en crois rien, je pense plutôt que c’est quelque chose de trop compliqué à comprendre qui finit forcément par se tarir un jour. Nous avons une tête pour penser, des jambes pour marcher, mais les mains et l’entrejambe ne servent pas qu’à travailler et à produire des mômes. Ces derniers temps, je rencontre beaucoup de femmes qui se mettent à délaisser les hommes au profit de leurs consœurs. Peut-être regardes-tu du mauvais côté ? Loin de moi l’idée de t’inciter à ce genre de déviance, mais Dieu souhaite notre bonheur, c’est une certitude.
    Je suis convaincu que ton combat est le bon. Lorsque j’ai remis le pied à Terre, j’étais en rage d’apprendre que Neijin avait connu des hommes et j’en ai eu des mots regrettables. Aujourd’hui, j’éprouve une certaine reconnaissance à leur égard, dans une certaine mesure. Je l’ai abandonnée, ils ont pris soin d’elle. On peut aimer de loin et avoir… Sehnsucht. [quelques lignes noircies, tachées d’encre] Pas de mot, en français. Mais ça veut dire quelque chose comme [mots raturés] « nostalgie du désir » ou peut être qu’on désire quelque chose, un sentiment, qu’on n’a jamais vraiment connu, [quelques mots illisibles, généreusement raturés] ou qu’on estime si loin qu’on a l’impression de ne pas l’avoir éprouvé. Ca n’empêche pas de vivre des instants heureux. Une vie n’est jamais entièrement heureuse, alors il faut en profiter lorsque le sort est clément.

    Roméo et Gabriele connaissent ce que je connais avec Lars, et un peu avec Hlodovic, pour qui j’étais tout-à-fait un étranger, mais qui m’accepte plus facilement. Tu as raison. Un enfant doit connaître la stabilité, et savoir dire qui est son père et qui est sa mère. Il doit pouvoir les aimer sans rancœur. Mais quel enfant n’a jamais éprouvé de rancœur pour ses parents ? Je ne connais aucun adulte qui puisse l’assurer. J’aime ma mère, et si j’ai désiré rencontrer le paternel, je l’ai vite regretté. J’aurais au moins pu l’imaginer digne de respect et mort en héros. Je pense Gabriele capable d’éviter que son fils préfère ne jamais l’avoir rencontré. De même pour Menelik et Moïra. Un père doit être digne pour en être un.

    Veille-toi autant que tes enfants. Je vous aime. Je l'écris car c'est la lettre des confessions.

    J.

    PS : Il y a des femmes comme Neijin chez toi, là où le ciel est toujours bleu ? Comment se protègent-elles les yeux ? Tu penses qu’un chapeau de paille suffirait pour qu’elle n’ait pas à plisser les yeux au soleil ?
    PPS : Tu as beaucoup raison dans cette lettre. J’ai fait l’erreur de me relire et je vais cesser de le faire parce que je ferai comme les pucelles amoureuses, qui gâchent le matériel en le froissant. Et aussi, on a regardé les étoiles.
    On devrait se parler face à face, avec du vin et de la gnôle. Ramène donc ça ! Parce qu'il y a moins d'encre sur mon corps que sur cette lettre.


_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)