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[RP] Les contes de fées ça n'existe pas

Dobro.mir
La France, je m’en souviens comme si c’était hier et pour cause. J’y ai tout connu et tout perdu. De l’amour d’une femme que je n’aimais pas à la mort d’un membre de ma famille. J’ai tout connu et tout abandonné pour qui, pour quoi ? Je me le demande parfois. Et aujourd’hui encore, je parcours le monde pour courir après une destinée qui n’était peut être pas la mienne mais qui l’est devenue par la force des choses.

Assis dans cette taverne, ce soir j’ai encore trop bu. Je me noie dans l’alcool afin de ne plus penser. Enfin surtout pour obliger mes pensées à me foutre la paix. C’est qu’à force je pourrais devenir dingue déjà qu’il parait que je le suis déjà pas mal… mais ils disent ça parce qu’ils ne me connaissent pas… je souris à cette idée en me disant que s’ils me connaissaient vraiment, les gens partiraient en courant.
Donc ce soir c’est noyade au fond d’un godet. Et plus il se remplit, plus je le vide à la vitesse de l’éclair afin de pouvoir me resservir. Cercle vicieux qui est le mien, je ne me sens bien qu’après avoir les sens anesthésiés par la chaleur qui coule dans mes veines. Là je suis certain de ne plus voir ressurgir les fantômes du passé… enfin ça c’est la théorie qui a toujours marché. Sauf que ce soir, allez savoir pourquoi, ça ne fonctionne pas. Mon esprit embrumé n’arrête pas de me rappeler aux cris d’une enfant abandonnée.

Je ferme les yeux une nouvelle fois afin de chasser cette scène cauchemardesque de ma mémoire, me focalise sur mon fils, Lubomir, laissé à la garde de mon cousin qui se fait maître de la horde depuis des années, là bas au pays, et j’essaie de détruire les autres souvenirs qui ont décidé de m’envahir. Et je dois dire que j’y parviens avec plus ou moins de réussite.
Une femme juchée sur mes cuisses se colle à moi. J’enserre sa taille, la presse contre mon torse avec plus de ferveur que de douceur, mon visage vient se perdre dans son cou à la recherche de ces effluves enivrantes qui aiment à charmer les hommes. Un baiser sur la veine qui palpite, mes dents mordillent la chair avec faim et j’entends le petit rire qui s’échappe de la gorge de cette catin pas trop mal vieillie qui fera l’affaire ce soir.

Lorsque la nostalgie me prend, je plonge allègrement dans des refuges malsains. Alcool, femmes et sang. Dans l’ordre ou le désordre, il n’y a pas d’importance. A ce niveau, je prends les choses comme elles viennent à moi. Je ne vais pas en plus faire le difficile. Ça serait de la provocation gratuite et les Dieux n’aiment pas ça. Fou peut être mais respectueux des choses spirituelles. Il manquerait plus que je dérape aussi de ce côté-là. Autant me pendre haut et court ça ira plus vite.
Ma main se faufile sous la jupe de la roublarde qui essaie de m’extirper quelques écus supplémentaires afin de gagner sa pitance. J’admets que tout service doit se faire payer mais à sa juste valeur et pour le moment elle ne m’a encore rien montré de ce qu’elle valait. Attention à ne pas aller trop loin dans ta démarche la donzelle sinon c’est toi que je vais plumer. Et comme elle se sent en confiance après tout ce que j’ai pu descendre, elle tente de prendre ma bourse de ses doigts longs et agiles. Sauf qu’un cosaque peut se noyer dans un tonneau de breuvage frelaté, il tiendra encore sur ses pieds.

J’arrache la main aventureuse de ma chemise tout en bousculant presque sauvagement la puterelle.


- Barre-toi avant que je te coupe la main. C’est comme ça qu’on récompense les voleurs chez moi.
- Non non j’t’assure, tu t’es mépris…
- Prends-moi pour c’que j’ne suis pas et c’est la vie qu’tu perdras…

Je vois déjà la patronne de l’auberge accourir avec un pichet remplit et une mine contrite.

- fais pas att’ntion messire, l’est un peu perdue c’te fille-la. On a beau essayer d’la t’nir, elle n’en fais qu’à sa tête

je secoue la tête histoire de désembrumer mes idées avant de lui tendre mon godet pour qu’elle le remplisse.

- Au lieu de bavasser, amène-moi de quoi écrire.
- Tout d’suite…

Et me voilà devant cette feuille, la plume en mains. Car oui je sais écrire. On n’est pas tous des sauvages et j’ai reçu une certaine éducation aux côtés de mes cousins. Moi le fils d’une esclave, on m’a permis d’avoir une vie et j’en serais toujours reconnaissant à mon oncle qui alors était chef de clan m’a pris sous son aile afin que l’on ne m’abandonne pas à mon triste sort. Et cela me fait repenser à ce que je suis en train de faire.
Trempant la plume dans l’encre, je cherche mes mots pour commencer ce fichu courrier. Inspiration profonde, je ferme les yeux et je me laisse porter par ce que j’ai envie de dire.




A toi Gwenevere, ma fille.

Tu vas s’en doute penser que c’est un fou qui t’écrit, qu’il s’est trompé de fille, que quelqu’un porte le même nom que toi et que ce courrier s’adresse à cette personne mais non, c’est bien à toi que j’écris. Comment je le sais ? Parce que je le sais !

Tu as sans doute oublié qui je suis bien que maintenant tu dois en avoir une petite idée. Il y a de ça presque 5 ans je vous ai abandonné toi et ta mère. Ça y est, ça te revient ? Tu ne peux pas avoir oublié ce souvenir… Un nouveau combat m’appelait, je vous ai dis adieu et je ne suis jamais revenu. Et pour cause. La vie de sédentaire ne m’a jamais convenu et moi l’étranger je n’avais rien à faire qu’à attendre que le temps passe entre toi et ta mère. Je suis homme de guerre pas fermier. J’aurais fini par vous détruire aussi suis-je parti… fuis me diras-tu ? Peut être que oui au final. C’est toujours mieux de prendre la tangente quand tu es certain que personne ne viendra te chercher car si tu ne le sais pas encore ta mère n’a jamais cherché à me retrouver non plus. C’était que la situation l’arrangeait. Tout comme moi.

Aujourd’hui je suis de retour en Terre de France et je souhaitais te revoir. Cela parait incongru mais je tenais à m’assurer par moi-même que tout allait bien pour toi, que tu ne manques de rien. Même si je ne suis pas là physiquement, je reste ton père dirait quelqu’un que je connais… j’ai mis beaucoup de temps à m’en rendre compte et peut être qu’il est temps de se retrouver pour en parler.

Si cela te dit, je dirais au coursier de te transmettre le lieu où je t’attendrais. Dans le cas où tu ne souhaiterais pas me revoir, remet ce courrier au vent et continue ta route comme si de rien n’était. Nos destinées n’étaient pas faites pour se croiser.

Dobromir, ton père.


Le godet à sa main droite fut rapidement attrapé et vidé. Il lui fallait bien tout ça pour ne pas déchirer ce qu’il venait d’écrire. Non pas qu’il craignait de retrouver sa fille mais simplement parce qu’il se demandait si cela allait leur apporter quelque chose que de remuer le passé. Peut être que la gosse s’en sortait bien mieux sans lui, peut être que lui espérait qu’elle le déteste assez pour ne pas faire partie de sa vie, peut être que tous les deux prenaient un risque que de laisser leur filiation les rattraper.
_________________
Gwenevere_


La jeune fille n'avait dans son voyage rien trouvé qui sache lui donner goût à l'aventure. Elle s'en trouvait amère, frustrée tandis qu'elle changeait de ville jour après jour, avide de trouver la joie.
Gwenevere avait passé plus d'un mois à Bruges sans que personne ne parvienne à la marquer. Sans qu'on lui donne l'envie de rester. Pourtant, elle avait tenté. Tenté de se mêler au monde, tenté de vivre. Alors elle avait décidé de redescendre, petit à petit. Et aujourd'hui, c'était Arras. Ennui Encore.

Ainsi, la décision fut prise, demain, elle serait ailleurs.
Demain elle serait encore une étrangère parmi tous.
Demain...

Elle fut interrompue dans ses pensées, assise sous un arbre, par le coursier qui lui remit le pli, elle écouta, paya et s'éloigna pour lire. Son père. Son père qui refaisait surface dans la vie fade et chaotique qu'elle menait et qui semblait vouloir renouer avec elle.
Allongée dans l'herbe, la jeune fille prit le temps de réfléchir, pensant le pour et le contre. Les heures passant elle finit par se redresser et aller poser ses affaires dans une auberge. Vin à ses côtés, elle sorti de quoi rédiger et s'y attela avant d'aller payer un coursier.


Citation:
A vous, Dobromir qui vous dites mon père,

Peut-être est-ce un fou qui m'écrit, peut-être est-ce vraiment mon père.
Ainsi, messire, je vous demande deux preuves de notre filiation. Racontez moi deux choses. Et pas n'importe lesquelles, deux choses que seulement vous, ma mère et moi puissions savoir.

Vous vous pensez oublié. On oublie pas les fuyards. Jamais. Parce que si on les oublie alors, on oublie la douleur causée et on leur ouvre une nouvelle porte pour une nouvelle douleur.

Mais, n'ayant pas grand chose de mieux à faire qu'arpenter les routes de ce royaume à la recherche d'une quête, je vous rejoindrais si vos propos me conviennent.
Mes pas se traînent actuellement en Artois, je redescend. Les Flandres c'est pourri. N'y allez pas.

Soyez mon père et racontez moi. Tout. Je veux absolument tout savoir.

Gwenevere.

Dobro.mir
Le coursier était revenu au bout de quelques jours. J’avais lancé des recherches depuis quelques temps afin de savoir si ma fille et sa mère se trouvaient toujours en Bretagne. Et même si on avait perdu la trace de la mère, ma fille elle se trouvait sur les routes. Bon sang ne saurait mentir. Apparemment elle avait hérité des cosaques la force du voyage et de la découverte. J’avais souri lorsque le limier m’en avait averti. Malgré moi.

Lubim, mon fils, était à cent pour cent cosaque. Sa mère en était une et moi… bien évidemment il vivait avec la bougeotte dans le corps, l’envie de grands espaces, le besoin viscéral de ne jamais être enfermé, l’arme au poing. Aujourd’hui il allait sans aucun doute faire ses propres pas au sein de la Horde, monter les échelons jusqu’à devenir indispensable à l’Ataman*. Et pourquoi pas devenir lui aussi l’Hetman** de toute une nation. C’est un rêve que je fais pour mon fils. Je sais qu’il est conquérant dans l’âme et j’espère qu’il est né sous une belle étoile. Qu’elles guideront ses pas jusqu’au firmament… Par contre, pour ce qui en est de ma fille, je ne sais pas grand-chose. Petite elle me suivait partout mais c’est le cas de toutes les petites filles. Je me rappelle ce jour déchirant où je lui ai dis au revoir… adieu serait le juste mot.

J’avais décidé de partir, j’en avais fais part à sa mère. Mais elle rechignait à comprendre, elle ne voulait pas que je l’abandonne avec la petite. Pourtant elle aurait dû le savoir que je m’en irais un jour ou l’autre, je ne l’aimais pas et dans mes gestes ça se ressentait. Si jusque là j’avais tenu bon c’était parce qu’il y avait Gwenevere. A dix ans, elle était en âge de se débrouiller. Je leur ai laissé une bourse remplit d’écus assez conséquente, toute ma fortune acquise auprès de Torvar. Et rien ne m’aurait fait changer d’avis. Je n’avais plus l’envie de rester. J’avais besoin de retourner chez moi, de me battre, de sentir l’appel du sang, de sentir le vent des steppes sur ma peau. Ici Stribog*** ne se déchaîne jamais et cela me manquait. On ne met pas un loup en cage ni un ours ni un oiseau. Je ne voulais pas finir comme mon cousin, dépendant d’une femme ou de plusieurs même, d’enfants qui poussaient comme des champignons en vous méprisant… Il valait mieux m’effacer de la vie de ma fille plutôt que de lui pourrir l’existence. Car si j’étais resté, je l’aurais rendue responsable de ma mise à mort.

Aujourd’hui j’ai décidé que je voulais la revoir. Pourquoi au juste, ma fibre paternelle qui se réveillait après tout ce temps ? Le besoin de me faire pardonner ? M’assurer qu’elle allait bien et qu’elle n’avait pas trop souffert ?
Je ne sais pas pourquoi, peut être tout ça à la fois. Mais une chose est certaine c’est que même si elle me rejette, je l’aurais revue une dernière fois. Je ne peux pas changer le passé et je n’aurais pas agit autrement mais certains matins, je me réveille avec ce gout d’inachevé en moi. Il me faut lui expliquer ce que je suis, qui je suis et qu’elle comprenne que cela n’avait rien à voir avec elle. Que je suis comme ça…

Arrêtant de me torturer les méninges, j'attrapais une feuille et une plume dans mon baluchon de voyage. Du temps de nos voyages avec Torvar c’était toujours lui qui embarquait le nécessaire à écrire, aujourd’hui c’est mon tour. Les choses ne changent définitivement pas. Profitant de la fraîcheur d’un ruisseau, je m’y installe tout près et je fais ma réponse, un sourire aux lèvres. J’aime la méfiance dont fait preuve ma gosse. Au moins, elle n’écoutera pas le premier venu qui lui chantera la mer.




Gwenevere,

Je dois au moins te dire ma fierté quant à la méfiance dont tu fais preuve envers moi. Tu ne crois pas ce que je suis ni ce que je t’affirme et cela n’a pas de prix. J’aime ça, je l’avoue. Et puisque tu me le demandes, je vais te confier deux secrets.

Tu as une marque au talon du pied droit. La même que moi. Enfant ma mère me disait que Jiva, la Déesse du printemps et des naissances, m’a retenu encore un peu parce que je serais arrivé trop tôt et que je n’aurais pas survécu. Ma mère a mis plusieurs jours avant de me mettre au monde. Un véritable calvaire à ce qu’il parait. Tu as hérité de cette marque des dieux, un peu comme une protection de leur part qui fait que malgré la rudesse des temps, nous survivons.

Quant à la seconde preuve, ce sera un souvenir que seul toi et moi connaissons. Ferme les yeux et imagine une rivière encore glacé à la fonte des neiges. Tu étais petite encore et nous étions partis toi et moi afin d’essayer de trouver un peu de poissons dans cette rivière. Comme cela ne donnait rien, j’ai décidé de m’y baigner. Le froid n’a pas de prise sur moi mais toi tu étais impressionnée. Et ce jour-là j’ai vu le courage cosaque dans le fond de tes yeux. Tu as décidé d’en faire autant. J’ai essayé de t’en dissuader parce que si ta mère l’apprenait ou que tu tombais malade, elle m’aurait tué mais tu n’as pas cédé d’un pouce. Et ce jour-là, je t’ai baptisé avec la bénédiction de Dana, la déesse de l’eau.
Quand nous sommes sortis de la rivière, je t’ai enveloppé dans ma chemise, fait un feu pour te réchauffer et te sécher avant de rentrer. Mais nous sommes restés toute la journée jusqu’à la nuit tombée où là, nous avons observé les étoiles, essayant de trouver la tienne et la mienne. Ta mère n’a pas apprécié et ce jour-là, nous sommes encore querellés… une fois de plus.

Voilà ce que je peux te dire déjà pour que tu saches que je suis réellement celui que je prétends. Et saches que si tu veux me voir, je suis pour quelques jours à Bourbon, dans le bourbonnais-Auvergne. Il n’y a aucune obligation quant à me suivre par après, tu restes maîtresse de ta destinée.

Dobromir.




*Chef cosaque
**Titre de dignité chez les Cosaques, le commandant des armées ou de plusieurs clans.
***Dieu des vents

_________________
Gwenevere_
Arras quittée, elle avait avancé.
Episode traumatique vécu, la jeune fille s'était terrée, ne sortant qu'à la nuit pour avancer encore et s'éloigner de cette ville qui était berceau de nouvelles terreurs. Quelques jours passant, elle était retournée auprès de la nature, s'installant sous un arbre, dans l'herbe ou encore sur une berge les pieds dans l'eau. Et lorsqu'on lui remit la missive en ville, elle ne l'ouvrit pas de suite, prenant le temps pour aller de nouveau près des berges y tremper les petons.

Une fois installée, dos dans l'herbe humide elle ouvrit le pli et s'attela à sa lecture. Sourire touché naquit sur ses lippes rosées alors qu'elle relisait des bribes d'instants partagés. Elle leva le pied droit pour en observer la petite tâche de naissance. Elle avait toujours été là, mais Gwenevere ignorait qu'elle la partageait avec quelqu'un.

Après la lecture, elle ferma les yeux, profitant de la chaleur doucereuse du soleil sur sa peau pâle et somnola. La presque enfant rêva à la mer, aux journées à courir sur les plages bretonnes pourchassée par son père en riant fort. Et lorsque la blonde se réveilla, se fut pour remettre ses bottes après avoir séché ses pieds pour aller rejoindre l'auberge et enfin répondre à la missive.

Moue s'étira à la relecture et elle failli déchirer ses écrits. Elle s'y sentait faible. Bien trop pleine d'espoir. Mais, avant de réellement se décider à les réduire à néants, elle alla les confier à un coursier, remettant avec une petite bourse dans laquelle trônait, maintenue par un ruban bleu, une mèche de ses longues boucles blondes.




Citation:
Père,

Ainsi, il semblerait que ce soit bien vous. Bourbon en objectif, j'arrive. Attendez moi.

Ce souvenir m'était flou jusqu'ici. Tant sont devenus flous. M'en rappellerez-vous ? Passerez vous au moins une soirée à me conter nos instants de vie ?
J'ai en mémoire les disputes avec Mère, les moments dans la nature où vous m'appreniez les noms de chaque choses. Mes premières fois à monter un cheval. Il n'y a pas que cela, si ? Est-ce là tout ce que l'on a fait en dix ans ?

Comme vous avez pu le lire pour Bourbon, j'arrive, je quitte l'Artois. La suite, nous verrons ensemble. Il me faudra un peu plus d'une semaine je crois, pour arriver. En attendant, écrivez, contez, mais n'installez pas de nouveau un silence je vous prie.

G.
Dobro.mir
La vie est-elle compliquée ? Je ne le crois pas, la preuve. Quelques échanges et quelques mots plus tard mon cœur manque quelques battements. J’ai l’impression que l’air se raréfie dans mes poumons. J’ouvre en grand la bouche, cherche à ne pas être terrassé par cet uppercut que je viens de me prendre en plein plexus. Et je relis cette première phrase écrite de cette écriture si fine et délicate.

"Bourbon en objectif, j'arrive. Attendez moi." Je vois ces mots danser comme s’ils festoyaient devant mes yeux, il ne manque plus que la fanfare d’un nobliau et tout serait au complet. Mon sang bouillonne et vient claquer contre mes tempes à m’en faire fermer les paupières afin de me calmer. Je ne sais pas pourquoi je réagis ainsi, c’est moi qui ai lancé toute cette histoire, qui ai voulu la revoir une nouvelle fois… Et je me rends compte que de me rappeler nos souvenirs communs me ramène à ce passé que j’ai tenté longtemps d’oublier.

Ce n’est pas sa faute. Cette petite aurait mérité une famille heureuse mais nous ne l’étions pas, nous ne l’aurions jamais été. Ma rencontre d’avec sa mère était un coup du sort, un coup d’un soir. J’ai été charmé par ses grands yeux et son sourire au point de la suivre jusque dans sa petite bicoque le soir même. Et durant les jours qui s’en suivirent, nous n’avons pas quitté sa couche.
Puis un conflit m’a rappelé et j’ai quitté cette femme en oubliant de me rappeler à son bon souvenir par la suite. Mais quelques mois plus tard un courrier me prévenant que j’étais père me trouvait dans un campement, installé dans le sud de la France, à l’automne tandis que les premières pluies me gardaient les pieds dans la boue jour et nuit. J’en ai hurlé… hurlé de rage, de colère, de stupeur, de frustration. Non pas que je n’allais pas assumer cet enfant mais de retrouver cette femme ne m’enchantait pas plus que cela. Le coup de cœur s’était transformé en oublie depuis belle lurette. Et pourtant, j’ai tenu quelques années… pour elle…

Et aujourd’hui, me voilà à lire et à relire ses courriers. Tout comme je le fais avec ceux de Lubim. Et je me rends compte que mes enfants prennent leur importance dans ma vie. Torvar avait donc raison sur ce point, rien n’était plus merveilleux que de sentir les siens proches et de les voir grandir. Et pour chacun de mes enfants, je suis bien obligé de constater que nos séparations durant des mois ou des années rend la tâche bien ardue car à chaque fois il me faut réapprendre à les connaitre, retisser les liens défaits et finalement… peut-être les aimer… mais je n’en n’étais pas encore là avec Gwenevere. Avec elle c’était un peu plus compliqué de part mon abandon mais surtout mon manque flagrant de pouvoir dire les choses que les gens aimeraient entendre.

Je pose la lettre et prend la petite bourse dans laquelle trône cette mèche de cheveux d’une blondeur soyeuse. Entre mes doigts, je la fais rouler et me rappelle de cette tignasse qui auréolait déjà son petit minois. Ma fille a toujours était belle. Heureusement elle ne tient pas de moi mais de sa mère que j’ai toujours trouvé être une belle femme. Sans doute que cela a bien contribué au fait que je succombe à ses charmes… Je range précieusement cette petite mèche, il me faut faire une réponse à ma petite.




Gwenevere,

Quel caractère fougueux tu as. A peine ai-je écris où je me trouvais que déjà tu arrives. Me voilà heureux de la situation mais fais attention à toi sur les chemins. Bien que je ne doute pas de tes capacités à te défendre, j’imagine que tout n’est pas tranquille sur les routes de France. D’ailleurs, si tu préfères que je vienne à ta rencontre…


Vais-je la vexer à imaginer qu’elle n’est pas capable de faire route seule ? Vais-je lui bousiller l’envie de me rejoindre en suggérant qu’elle pourrait être victime de brigands ? Vais-je tuer l’espoir naissant dans l’œuf à peine retrouvé ?
Je me demande si je dois recommencer ce courrier ou si je le laisse tel quel mais finalement je continue sur ma lancée.




Tu sais, tu peux me tutoyer. Il se trouve que chez moi, tout le monde se dit « tu » et ce n’est pas irrespectueux. Dans ton pays, on utilise trop de mots pour s’exprimer et cela embrouille l’esprit et le cœur. Et sache une chose c’est que je ne suis pas venu à toi pour juste te dire bonjour et partir. Bien sûr que je resterai tout une soirée avec toi et même plus si tu le désires. Et je te raconterais tout ce que tu voudras savoir. Je n’ai rien à te cacher. Tu es ma fille et tu as le droit de connaitre ma vie comme notre vie. Mes souvenirs t’appartiennent tout autant qu’à moi. Tu as vécu à mes côtés durant des années ou plutôt j’ai vécu avec toi et nous avons fait bien des choses… Je me rappelle la première fois que tu es montée à cheval… tu avais à peine quelques mois et je te tenais dans mes bras, ton contre mon cœur. Tu es une cosaque ne l’oublie jamais et tu as l’amour des chevaux qui coule en toi. Montes-tu encore ?


Cette première fois avec elle à cheval avait été un moment intense. Si pour Lubim cela avait été une formalité, pour Gwenevere tout avait été différent. Je l’avais ressenti tellement intensément. La petite babillait tout contre moi alors que je tenais les rênes d’une main. Elle est une sang mêlé et je pensais qu’il y avait une chance pour qu’elle ait peur des chevaux mais pas elle, pas ma fille. Je sentais bien qu’elle était en confiance avec moi et l’animal.



Bien sûr que non qu’il n’y a pas eu que ça. Toi et moi on a partagé des jeux dans la neige, des rires et des pleurs lorsque tu avais peur après une dispute entre ta mère et moi… je t’ai appris aussi à écrire quelques mots dans ma langue. Ce n’était pas facile mais tu le faisais avec beaucoup de concentration… Et puis tu me suivais lorsque j’allais couper du bois et tu ramassais les bûches sans que j’ai besoin de te demander tout comme tu nettoyais les peaux après que j’ai eu tué quelques animaux… Tu vois Gwenevere, on a partagé bien des choses qui lient un père et un enfant mais je ne t’en veux pas d’avoir oublié… le temps a passé… le temps passe toujours nous rappelant que nous passons à côté de beaucoup de choses alors non je n’installerais pas de silence entre toi et moi. Mais à une condition. Que tu me parles de toi de ton côté. Qu’as-tu fais ces dernières années ? Es-tu mariée ? Et pourquoi avoir quitté ta mère ?

Je t’attends de pieds fermes et n’oublie pas de regarder les étoiles. Elles brillent toujours pour toi.

D.

_________________
Gwenevere_
La réponse à son précédent courrier n'avait tardé, et c'est avec l'entrain d'une gamine pleine d'espoir à l'idée d'avoir de nouveau une famille qu'elle alla se mettre à l'écart pour lire calmement.

Avide de savoir et connaître un peu plus, Gwenevere déplia et se mit à lire. Sourcils se froncèrent dès le début. S'attendait-il à ce qu'elle soit une chouineuse de première et qu'elle pleure d'avoir troué ses bottes ? Bottes qui étaient d'ailleurs boueuses et usées mais ô combien confortables. Mais son père se rattrapait sur la suite comme les souvenirs l'attrapaient, elle. La jeune fille avait toujours aimé à écouter son père parler de son peuple et de chez lui tandis qu'ils étaient allongés dans l'herbe ou encore occupés à soigner son cheval, ou entrain de découvrir de nouveaux lieux toujours plus loin qui semblaient fantastiques pour l'enfant mais que l'adulte devait déjà connaître.

Elle continua de lire et satisfaite, se rassura sur les promesses faites à demi-mots. Il lui raconterait. Tout. Et il lui rappelait. Elle était une cosaque. Alors, museau haut, elle avancerait. Toujours.
Puis vint le sujet du mariage. L'adolescente grimaça et grogna. Pourquoi fallait-il toujours que les adultes lui parlent mariage ?

A museau froncé, elle lui répondit, rapidement et envoya sa missive sans se relire avant d'aller attendre, patiemment, la prochaine réponse.


Citation:
Père,

Je saurais me débrouiller. Mais, si tu désires amenuiser les jours nous séparant, tu peux venir toi aussi. Accordons nous sur une ville et nous nous y retrouverons. Si cela te va. Sinon, je reste sur Bourbon, qu'importe, nos routes se rejoindront.

J'espère bien que tu ne comptes pas repartir. Il n'y aura pas de seconde chance, je ne pourrais. Mais je veux savoir Père. Tout. Nos souvenirs communs, tes projets pour ton-notre futur. Tout.

C'est difficile d'oublier notre sang, et à la fois si simple. Mais l'amour des animaux et de la nature reste. Je monte quand je le peux, je loue parfois un cheval ici ou là, mais je n'en ai pas à moi. Comme tu le dis, je me souviens des disputes, des cris mais je ne me souviens pas des mots appris. En parlant de ta langue. Que m'as-tu murmuré ce jour là ?

Pour répondre à tes questions, non je ne suis pas mariée. Jamais. Je ne veux pas. Sans façon. Non.
Mère est partie. Quelques années après vous. A mes douze ans. Une fois que j'étais vraiment viable donc, sûrement qu'elle n'avait plus besoin de moi.
Alors j'ai voyagé. En Bretagne d'abord, avant de descendre vers la Gascogne, puis de remonter jusqu'en Flandres où j'étais il y a peu. Je n'ai rien fait de passionnant Père. Je mène ma petite vie en restant en vie.

Les étoiles brilleront ce soir.

Gwen.
Dobro.mir
Elle m’avait proposé de faire route vers elle, je n’avais pas hésité.
Si au début, j’avais voulu lui écrire pour etre certain qu’elle était toujours en vie et qu’elle se débrouillait, chaque courrier nous rapprochait inévitablement. Les enfants sont la vie pour notre peuple et si l’un des miens avait su que j’avais abandonné ma fille, j’aurais subi le fouet jusqu’à ce que je tombe, genou à terre, demandant pardon aux dieux d’avoir laissé un de leur enfant sans protection.

Si nous sommes barbares en temps de guerre, et même après avec nos esclaves, la chair de notre chair doit être traitée avec le plus grand des respects. J’ai manqué à tous mes engagements, j’ai fui une situation parce qu’elle m’arrangeait… elle me permettait de me détacher de la mère de mon enfant. J’aurais pu les emmener avec moi dans ma contrée mais je doute qu’elles auraient subsisté longtemps. Gwenevere peut être. Elle est à moitié de moi et mon sang coule dans ses veines. Mais sa mère… remarque, nous aurions été débarrassée de ses excès, de ses colères, de sa façon d’étouffer les autres avec ses sentiments… je me demande si elle a entouré la petite avec autant d’attention après mon départ ?

Je passe ma main dans les poils de ma barbe, lisse mon menton en pleine réflexion. Je me rends compte que Gwenevere a peut être subi le courroux de sa mère par ma faute, parce que j’ai été lâche et peu enclin à lui laisser la place qui lui revenait. Soupirant, je me rends compte rapidement que je ne m’attendais pas à ce que mes pensées prennent ce chemin. Encore une fois, je sens qu’il me faut faire le chemin à l’envers pour comprendre mes agissements. Ce vieux chaman avait donc une fois de plus raison et il m’a embarqué dans ce voyage que je ne souhaitais pas bien malgré moi. Si je recroise un jour sa route, je saurais lui faire comprendre le fond de ma pensée. En attendant, je prépare mes affaires, les fourre dans un sac de cuir et me rend à l’écurie du village dans laquelle j’y ai laissé Serko.

Je caresse son encolure, vérifie ses sabots, m’enquiert auprès du forgeron de savoir s’il a mangé et s’il est prêt pour une longue route. Je paie rubis sur ongle ce que je lui dois pour la pension de mon cheval et je m’en vais sans me retourner. Cette ville est triste à mourir. Les tavernes sont désertiques, j’aurais pu les saccager que personne n’aurait pointé son nez. Les gens de ce pays sont d’une tristesse à pleurer. Et je comprends qu’à la fin Torvar leur ressemblait. Il était devenu d’un chiant si bien que j’avais envie de lui coller des baignes à chaque fois qu’il tirait la gueule c’est –à-dire presque tous les jours.

Je monte Serko et nous voilà partis. Je sens qu’il est aussi fébrile que moi. Plusieurs jours sans bouger l’ont rendu lui aussi avide de liberté aussi donnai-je un coup dans ses flancs pour le lancer au galop. Et Striborg s’est mis à chanter. Le vent nous a fouetté durant un long moment avant de s’apaiser comme nous l’avons fais tous les deux. Serko a ralenti l’allure de lui-même et nous avons pu continuer notre voyage tranquillement. Et lorsque le soleil fut à son zénith, j’ai pris ma plume et un vélin afin de faire un message à ma fille, l’avertir que… moi aussi j’arrivais.




Ma fille,

Tu as suggéré, je l’ai fais. Me voilà en route pour te cueillir sur le chemin. Je prends la route la plus droite possible afin de ne pas te louper. Je pense que l’on se retrouvera à la frontière de la Bourgogne et de la Champagne. Ce sont des terres que je connais bien pour y avoir vécu. Prends garde à toi, les marauds aiment à faire des haltes afin de détrousser le badaud qui s’égare. Et ne soit pas trop à détailler ta route aux inconnus. Tu ne sais pas sur qui tu peux tomber.

Je me doute que tu dois froncer les sourcils et te dire « mais pour qui il se prend à la fin ». Ben je vais te dire… tout simplement pour ton père. Et parce que mon cousin m’a embarqué avec lui à la chasse aux brigands sur ses chemins, je sais de quoi je cause !

En ce qui concerne les mots que je t’ai dis le jour dans ma langue, je te les répéterais quand nous nous reverrons. Il faut les entendre pour les ressentir et les ressentir pour les comprendre. Ainsi je te donnerais leur traduction de vive voix si tu le permets. C’est important pour moi.

Ainsi donc elle t’a abandonné. Je la savais garce mais pas à ce point, pas avec sa propre fille. Tu n’étais donc d’un moyen de pression durant toutes ses années. J’aurais dû te voler à elle mais tu étais une petite fille, je pensais que tu serais mieux avec celle qui t’a donné la vie. Même ma mère eut le droit de rester à mes côtés jusqu’à sa mort malgré son statut d’esclave. La tienne n’est rien qu’une sans cœur. Elle dit aimer mais elle n’aime qu’elle-même et ce que les hommes peuvent lui donner. J’imagine que les écus que j’avais laissés ont dû fondre comme neige au soleil ? Et encore heureux qu’elle ne t’a pas mariée de force… J’aurais été obligé de tuer ton époux.

Tu dis non au mariage parce que tu n’as pas encore rencontré celui qui fera palpiter ton cœur épris de liberté. Il te faut un homme, un vrai, pas un de ceux de ce pays qui font des ronds de jambe à longueur de journée dans des habits de lumière pour impressionner la cour. Un guerrier qui sache prendre soin de toi, voilà ce qu’il te faut. Et que tu puisses lui donner beaucoup d’enfants afin d’assurer la pérennité du clan. Mais s’il faut, je te présenterais du monde ou bien je choisirais pour toi. J’ai l’œil pour ça, tu verras.
Plus sérieusement. Pourquoi ne veux-tu pas te marier ? As-tu l’intention de rentrer dans les ordres ? Ou bien te faire une place au soleil en tant que mercenaire ? Quel est ton rêve secret ?

Mais en attendant que tu me livres tous tes secrets, nous allons refaire connaissance toi et moi. Tu es une jeune fille maintenant et je doute de retrouver la petite fille d’autrefois. As-tu encore l’occasion de chasser comme nous le faisions toi et moi ? Sais-tu toujours poser un piège ? Je me rappelle le premier lapin que tu as pris… tu voulais absolument le relâcher. Y’a fallut que je te fasse comprendre que la faim justifie les moyens… ce ne fut pas une mince affaire je l’avoue. Tu montrais déjà ton caractère borné qui te va si bien. Coriace dirait-on par chez moi mais c’est à cela que l’on reconnait une zibeline, elle retombe toujours sur ses pattes.

Je te laisse là, Serko s’impatiente de repartir et ce que cheval veut…
A très bientôt ma fille



_________________
Gwenevere_
Nouveau matin et nouvelle lettre, l'adolescente, ravie s'empressa de lire la missive dont elle connaissait déjà l'expéditeur. Après tout, c'était sa première vraie correspondance à distance.

Alors, concentrée, étendue sur le lit, Gwenevere lit le pli. Rire s'échappa tandis qu'elle lisait qu'il arrivait. Elle le verrait. C'était réel. Il venait à sa rencontre. Il soulignait, appuyait sur le fait qu'elle était sa fille et ça faisait sourire la gamine.

La frustration la prit lorsqu'elle lu les lignes lui indiquant qu'elle ne saurait de suite ce qu'il lui avait murmuré presque cinq ans avant. Plus encore alors qu'elle lisait les mots sur sa mère, ne faisant qu'agrandir la rancœur que la jeune fille éprouvait. Gwenevere éloigna la lettre pour essuyer les larmes qui avaient coulées le long de ses joues tandis qu'elle s'était remémoré involontairement les deux abandons vécus.

Lorsqu'elle reprit le courrier, calmée, elle parcouru des eux les lignes restantes. Celles sur le mariage puis sur eux, jusqu'à arriver à la signature de son père qu'elle suivit du bout des doigts.

Malgré tout, la jeune fille avait hâte, elle ne tenait plus en place et les quelques jours restants lui semblaient être une torture.
La lettre terminée, elle prit de quoi répondre à son tour et s'y attela. Elle ne signa pas comme il lui avait apprit, pour son plus grand malheur, elle ne se souvenait plus. Il y avait tant de chose qu'elle avait oublié. Le sujet du père étant tabou, elle n'avait eu qu'elle même à qui en parler.

Réponse écrite, elle alla trouver un coursier avant d'aller chercher pitance, plus légère.



Citation:
Père,

Je suis heureuse de te savoir en route. Mais je pense être assez grande pour savoir me défendre sur les routes et ne plus être traitée comme une enfant de dix ans. Et puis il ne reste que quelques jours.

Ton cousin, m'en parlera-tu ? Je veux le connaître à travers tes mots. Je veux connaître notre peuple. Apprends moi.

Je trouve cela injuste de devoir encore attendre pour avoir leur signification... Mais j'attendrais, soit.

Je ne me souviens pas des écus, j'allais chasser de petites proies que j'échangeais aux commerçants aux alentours. J'ai fonctionné ainsi un bon moment. Mais peut-être que Mère avait une bonne raison pour partir ? J'en suis sûre. Elle avait bon fond parfois.

Père, avec tout le respect que je te dois, l'homme qui me choisira un époux c'est pas encore né. Alors tu te carres profond l'index jusqu'au trouffion si tu penses pouvoir l'être. C'est hors-de-question.
A la limite, si je dois épouser quelqu'un ce sera parce que je l'aime. Ou pas. C'est bien de rester seule aussi.
Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les ordres. Je ne sais pas non plus si je suivrais ta voie, mais je veux suivre ta route. Mon rêve secret est seulement d'être heureuse, libre et d'avoir un cheval. Rien de palpitant, Père.

Comme vous avez donc pu le lire, je chasse encore, je sais poser des pièges et je sais être assez convaincante pour revendre ma chasse.
Je ne me souviens pas d'avoir voulu relâcher le lapin, seulement de la joie d'avoir réussi et la fierté dans tes yeux.
Et je tiens à dire que mon caractère, je le tiens de toi.

A bientôt.


Gwenevere.
Dobro.mir
J’ai bien failli m’étouffer en lisant le dernier courrier de ma fille. Non en fait je me suis étouffé et j’ai même lâché quelques jurons bien sentis dans ma langue natal histoire que les gens qui étaient autour de moi dans cette taverne ne le prennent pas pour eux. Mais sérieusement, son éducation laisse à désirer… mais je sentais déjà mes lèvres s’étirer en un sourire immense en l’imaginant, mordante, à m’écrire ces quelques mots bien placés pour me faire comprendre que je n’avais pas à interférer dans sa vie. Ma petite Gwenevere c’est ce que tu crois mais un père digne de ce nom doit toujours garder un œil sur sa progéniture et moi j’ai des années à rattraper.

Finissant ma gamelle d’un bon brouet qui allait me tenir jusqu’à la prochaine ville, je faisais signe au tavernier de me resservir un godet de vin. Il fallait bien tout ça pour que je ne m’étouffe pas une nouvelle fois en relisant le courrier de Gwenevere. Je pris immédiatement un nouveau velin et ma plume pour écrire un mot… il me semblait important que de lui faire savoir que j’étais là et que le lien que nous tissions elle et moi était aussi important pour ma part. Il fallait qu’elle sache, qu’elle comprenne que désormais je ne la laisserais plus seule sauf si la mort venait à m’emporter.




Gwenevere,

Je passerais sous silence ta façon de non recevoir que tu m’as envoyée, elle était des plus plaisantes. Je t’assure, je devine presque tes crocs qui s’entrechoquent quand quelque chose te déplait. Quel caractère tu possèdes là ! Bon sang ne saurait mentir et je peux t’assurer que le jour où tu rencontreras ta famille cosaque, ils vont t’adorer. En attendant ce jour béni des Dieux, et puisque tu l’as demandé, je vais te parler de mon cousin. Torvar.

Il était le fils de notre Ataman, notre chef de clan, et mon oncle mais aussi l’ainé de ses enfants. Quand je suis né, Torvar avait déjà dix ans. Mon père, le frère du père de Torvar ne voulait pas de moi alors mon oncle m’a élevé et Torvar est devenu mon frère. Il m’a tout appris ou presque. Mais il était le jour et moi la nuit. Calme, patient et impassible, je suis tout son contraire. Sans doute la part nordique qui me vient de ma mère qui coule dans mes veines qui me rend différent. Ceci dit, Torvar a été longtemps un grand chef mais il n’était pas heureux. Il voulait être explorateur, découvrir le monde alors nous sommes partis tous les deux. Il a donné le clan à son neveu qu’il pensait être le plus apte à défendre les nôtres et nous avons plié bagages. Je peux te dire que le voyage fut long et extraordinaire. Nous avons guerroyé ensemble puis il est devenu noble. Petit seigneur en Bourgogne. Je te montrerais son domaine si tu le désires même si depuis, il a été sans aucun doute confié à une autre personne.

Torvar n’aimait pas son statut de noble. Il s’est mis à dépérir et puis les femmes furent sa perte. Je me demande encore combien il en a eu dans son lit tant il m’étonnait. Même balafré et moribond, il attirait la donzelle. Mais mon cousin n’avait plus l’âme joyeuse et il est mort comme il avait toujours vécu, l’arme à la main. Sa veuve vit encore en France, peut être que nous irons la voir… peut être qu’avec toi à mes côtés je me sentirais capable d’affronter son jugement de n’avoir pas été là pour Torvar comme je l’aurais dû. C’était à moi de veiller sur lui… mais passons…

Tu me dis vouloir une monture ? Cela te ferait plaisir, réellement ?
C’est à cela que l’on reconnait un vrai cosaque, à son désir de ne faire qu’un avec un cheval. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis fier de toi Gwenevere.

Je ne vais pas pouvoir m’épancher plus longtemps, il me faut reprendre la route sinon je mettrais plus de temps que toi et il est hors de question que tu fasses plus de chemin que moi. Question d’honneur !

A très vite ma fille

Ton père.


Cette fois je donnai quelques écus à un coursier pour qu’il trouve ma fille sur la route qui menait à Arras. Ce n’était pas bien compliqué, ils avaient l’habitude et pendant ce temps je ménagerais ma propre monture . J'avais tout le voyage pour réfléchir à comment lui offrir le cheval de ses rêves.
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Gwenevere_
Nouvelle réponse, l'adolescente impatiente se mit à rire en lisant les premières lignes. Les jambes en l'air, appuyées contre le mur de la chambre louée pour un jour, comme les fois précédentes elle dévorait son courrier.
Elle s'imaginait les réactions de son père, sûrement avait-il dû râler. Peut-être se rendait-il compte qu'elle n'était plus la petite fille qui courrait partout en riant dans la maison. Mais si il écrivait que cela lui plaisait, alors elle continuerait d'être elle-même, débridée.

Au passage sur le cousin de son père, elle se remémora encore, comme à chaque mots les souvenirs liés à ceux-ci. Torvar lui manquait. Jusqu'ici elle l'avait oublié, mais il avait toujours été protecteur envers elle. Doux, les accompagnant parfois elle et son père à une chasse décidée à peine une heure plus tôt. Elle ne se souvenait pas avoir entendu parler du neveu mentionné, mais sûrement faisait-il partie de la famille dont Dobromir parlait. Gwenevere s'imagina noble un instant avant de grimacer à l'idée, enfermée à devoir tenir des responsabilités ne lui plaisait pas. Museau se fronça et elle chassa cette idée de sa tête.

Au passage sur la monture, le sourire déjà présent sur ses lippes s'agrandit et la détermination à l'idée d'avoir un cheval se renforça. Elle allait s'y atteler sous peu. Elle se le promit. Après tout, elle l'avait bien mérité. Et puis il n'y avait personne pour lui interdire de suivre ses désirs.
Encore, il parla de leur peuple avant de souligner la fierté qu'il ressentait à son égard. La jeune femme sourit, fière à son tour et se dépêcha d'aller chercher son nécessaire à écriture pour lui répondre.


Citation:
Père,

Je tiens à dire pour ma défense que j'avais parlé de respect avant de dire la chose. Mais si cela te plaît, compte sur moi pour continuer ! Je ne suis plus une petite fille.
Tu parles de notre famille, vais-je la rencontrer ? Pour de vrai ?

Je me souviens de Torvar, un peu. Il était doux avec moi. Très doux. Je ne savais pas qu'il n'était pas heureux. Mais j'ai un peu de lui aussi. Je veux explorer Père. Toi et moi sur des chevaux, sans aucunes limites autres que notre imaginaire. Veux-tu ?
Tu n'attires pas les donzelles toi ? T'es-tu enlaidi avec l'âge ? As-tu une balafre qui te rend si repoussant ? Ou peut-être n'es-tu juste pas doué ? Ou juste laid ?
Ne t'en fais pas, moi je te trouverais toujours beau.

Je pense que tu as veillé sur lui. Comme tu as veillé sur moi. Et que tu as fais de ton mieux. Ne t'en rends pas malade. C'est du passé.

Et oui ! Je veux une monture ! Belle bien sûr, mais je le veux libre, fougueux. Je veux la monture parfaite qui me choisira, Père. Et si tu es fier de moi, j'en suis ravie.
Mais je ne veux pas une monture qui me claquera entre les doigts sous trois jours. Non. Une robuste !

Épanches toi à l'avenir, on sait déjà que de nous deux, la plus rapide et intelligente, c'est moi ! En plus, si tu regardes, j'ai déjà fais plus de lieues que toi !

A bientôt Père.

La meilleure que toi,
Gwen.
Dobro.mir
Les courriers échangés me permettaient de trouver la route moins longue mais cela augmentait aussi ma nervosité. Cinq longues années que j’avais préféré claquer la porte de la maison plutôt que de la garder près de moi, ma fille aurait de quoi m’en vouloir lorsque je serais en face d’elle. Et la question qui revenait en boucle était toujours la même : comment se comporter après tout ce temps ?

Même si ses mots m’assuraient une certaine forme d’amour retrouvé, je n’étais sûr de rien au final car Gwenevere avait grandi et ce n’était plus une enfant que j’aurais en face de moi. Elle allait certainement me demander des explications, le pourquoi je l’avais abandonnée, et pourquoi je n’étais jamais revenu prendre de ses nouvelles… j’avais pourtant été en France un moment après mon départ du foyer, auprès de mon cousin, sur son domaine en Bourgogne… j’étais son bras droit, il faisait office de mon Ataman ici dans ce pays étranger. D’ailleurs, il avait reconstitué une petite garde rapprochée de fidèles cosaques. Torvar était alors devenu notre chef de clan et je lui avais juré fidélité même si, de par mon sang, c’était un serment inutile entre nous.

Alors j’avais préféré faire le mort auprès de ma fille pour vivre libre auprès de mon cousin. Quel père je fais au final mais je n’aurais jamais supporté de rester auprès de sa mère. J’aurais fini par la tuer… mais peut être que cela aurait été mieux pour Gwen et pour moi. Je nous aurais libérés parce que lorsqu’on y regarde de plus près, c’est ma gamine qui a le plus morflé dans toute cette triste histoire. Si j’ai été lâche sa mère qui nous a fait vivre un enfer a préféré la solution de facilité… Si jamais je recroise son chemin, je nous offrirais la liberté tant méritée ! Mais pour l’heure, je me vois arriver à Troyes.

Le temps de prendre les chemins que j’ai parcouru autrefois, de découvrir une ou deux petites chaumières qui n’étaient pas là à l’époque et je me retrouve devant l’auberge dans laquelle j’ai donné rendez-vous à ma fille. Il ne me semble pas avoir grand monde aussi je prends le temps de mener Serko à l’écurie afin de lui offrir quelques bons soins. Le forgeron cogne son enclume avec force aussi je le regarde faire quelques minutes avant de lui demander de vérifier les fers de ma monture. Il faut qu’il soit bien ferré pour la route que nous ferrons à deux sur son dos si Gwen accepte de venir avec moi. Je suis toujours dans l’incertitude car elle peut ne pas m’aimer et préférer prendre sa destinée en mains… Bien sûr que je serais déçu mais elle est grande aujourd’hui, elle doit savoir ce qu’elle veut.

Je prends ma besace qui contient mes écus chèrement gagné à Paris, dans les bas fonds d’entrepôts clandestins où se déroulent des combats de chiens et d’hommes, la pose sur mon épaule puis me dirige vers la porte d’entrée que je franchis, le regard fouillant déjà la salle afin d’y trouver ma fille. Mais personne n’a encore pris place à une table, juste un péquin accoudé au comptoir. Et je n’ai pas besoin de m’approcher pour savoir que ma fille ne ressemble pas à ça.

Je m’installe près d’une fenêtre, appelle le tavernier tout en se frottant sa barbe nattée.


- Ton plus fort alcool, un pichet et deux godets. Et patron, t’aurais pas vu une jeune fille blonde au r’gard clair passer par ici ?
- Je t’amène ça de suite. Et aucune p’tite blonde ici depuis des jours… c’est même très calme…

Tant pis, j’allais boire jusqu’à ce qu’elle arrive… en espérant qu’elle arrive… qu’elle n’ait croisé aucun abruti qui l’aurait pris pour cible, qu’elle ne se soit pas blessée sur le chemin, qu’elle n’ait pas été enlevée… qu’elle… j’arrêtais de réfléchir et plongeais mon nez dans mon godet.

- Mouais pas mauvais c’t’truc-là… ça s’laisse boire…
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Gwenevere_
C'était aujourd'hui.

Ce jour, après des échanges de plis durant un peu moins d'une semaine, Gwenevere retrouverait son père. Chaque pas vers Troyes lui nouait le ventre et la gorge d'une angoisse silencieuse. Et si il détestait ce qu'elle était devenue ? Si leur caractère ne fonctionnaient pas ensembles ? Si la rancœur qui perdurait dans le cœur de l'adolescente malgré l'amour envers son père était bien trop forte ? Mais elle avait aussi hâte. Hâte de le retrouver, de rattraper le temps perdu. Lui raconter ce qu'avait été sa vie jusqu'ici et écouter la sienne. Lui poser des questions à propos de sa famille et de leur peuple. Savoir enfin ce qu'il lui avait chuchoté cinq années auparavant.

La veille, Luys lui avait donné des nouvelles de lui. Lui aussi était parti, la laissant seule en Bretagne. Mais il avait écrit, elle lui manquait, il avait besoin d’elle. Alors elle accourrait. Mais son ami l’avait rassuré quand à ses retrouvailles avec son père. Comme il le faisait enfant. Il lui avait dit combien elle était formidable et combien son père serait fier. Et si ce n'était pas le cas, tant pis. Lui serait présent pour elle.

Toute à ses souvenirs, aux bribes dont elle se souvenait et ceux remémorés par son paternel, la jeune fille passa les portes de la ville. Elle traîna un peu, tâchant de se trouver une assurance et du courage. Les rues furent visitées, observées jusqu'à ce qu'elle trouve l'auberge indiquée. Les cheveux lâchés, la besace à l'épaule, ses vieux vêtements sur elle et les traces d'un étranglement encore présentes, elle posa la main sur la poignée.

Alors, après une longue inspiration, Gwenevere poussa la porte et pénétra la bâtisse.
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