Bordel. Qu'il était bon d'être ici avec lui.
Dana ne s'attendait pas à ça, pour tout dire elle pensait qu'à la rigueur il ricanerait bêtement, gêné par les mots qu'elle avait osé prononcer. Ou qu'il se contenterait de lui caresser une épaule d'un air de dire qu'elle est bien mignonne mais que leurs vies ne sont peut-être pas encore prêtes à se lier. C'est alors tout le contraire qu'il ose en lui avouant de but en blanc qu'il ne pourrait la voir partir. C'était cela un lien fort, destiné à devenir immuable ? Si soudain mais pourtant vrai, en tout cas il l'était dans l'esprit de la Kerdraon. Il ne l'imagine pas loin de lui, avait-elle envie de repartir ne serait-ce qu'un peu ? Non. Sa place actuelle était la bonne, là, ici auprès de Savian dans ce lac à barboter comme deux adolescents découvrant les prémices de l'amour. En lui elle ne revoit aucun des autres, pourquoi la Bête lui plaisait-elle depuis le premier jour de leur rencontre ? Il est l'inconnu et pourtant à ses côtés, la brunette se sent bien, en sécurité. Il est solide, et lui apporte en plus de cette protection innée, la quiétude recherchée depuis longtemps. Peut-être est-il du genre à boire, découcher et visiter chaque bordel du coin, qu'il aime les femmes au point de courir après le jupon de chacun d'entre elles. Peut-être, peut-être pas. Ont-ils les même principes ? Aiment-ils les mêmes choses ?
Si près, elle est si près de lui cette fois-ci qu'elle pourrait lui prendre les lèvres sans faire le moindre effort. Ce qui lui en demande, des efforts c'est justement de s'éloigner à nouveau, dans un geste flou son corps se déplace au gré de quelques vagues à l'eau, de quelques vagues à l'âme. La main toujours tenue dans la sienne se retrouve à l'extrémité d'un bras tendu. Avec ses doigts, Dôn presse une nouvelle fois la pogne voisine et vient ensuite en caresser le dos, jouant avec ce lien pour lui traduire combien l'envie qu'elle éprouve est contenue.
Ingeburge... Mais...
Vous êtes au service de la Princesse de Dourdan ?
Si son esprit n'était pas embrumé par le désir ardent, elle aurait pu réagir bien plus vivement, là, la sidération se couple à un état second. La situation est folle, joyeusement folle. Pareille nouvelle ne pouvait pas mieux tomber.
Mon fils aîné est élevé auprès d'elle... De son époux plus précisément.
Lorsque j'ai dû décider d'un avenir pour mon petit, Amarante Dehuit m'a mise en contact avec Actarius. Il a accepté de prendre en charge mon enfant.
Brutalement, l'entrelacement qui permettait le lien charnel se termine. Non par colère, ni par volonté de cesser. Non ! Dôn digère l'information qui vient de lui donner un trop plein d'espoir à la possible venue d'une providence nouvelle. Leurs chemins devaient se croiser, c'était aujourd'hui et par cette coïncidence : Une certitude.
Quelques brasses silencieuses sont exercées en arrière, quelques brasses pour lui donner le temps d'une réflexion urgente, quelques brasses jusqu'à retrouver pied, jusqu'à retrouver la rive. Nue, l'utopiste sort de l'eau mais ne fait guère un pas de plus. Naïade improvisée se retourne lentement après s'être passée la senestre sur le visage. Les idées sont claires et la gorge blanche est prête à répondre, sans moqueries, sans fuites et sans desseins malsains... La voix est expulsée en direction de ce grand bonhomme qui vient de lui offrir une semi-déclaration. C'est maintenant à elle, subissant les battements désordonnés d'un cur en émoi, de lui en donner une. A sa façon.
Doué ! Etes-vous sot pour penser un seul instant que votre situation pourrait être une entrave !?
Ne comprenez vous pas ? Nous empruntons enfin un sentier similaire. La Champagne, ce Lac, nos trop brèves rencontres, nos envies... Quelle preuve devrait s'ajouter à ces dernières afin qu'aucun doute ne vienne s'immiscer entre vous et moi ?
D'un geste vif, la main de fer vient désigner la distance géographique désormais existante entre eux deux.
Pourquoi être venue jusqu'ici ? Elle l'ignore, ça n'a aucun sens, ce qu'elle veut c'est être près de lui alors ses pieds reviennent s'immerger quelques secondes pour finalement reculer. Puis revenir et réitérer une approche que ses jambes refusent une nouvelle fois de franchir.
Dans la tête de la follette se déroule tout un tas de scénarii sans qu'elle sache lequel choisir ! Celui d'un baiser volé dans le lac alors que leurs curs noyés pourraient battre d'une même mélodie étouffée sous l'eau. Celui d'un saut maladroit dans ses bras, celui d'une escapade en course afin de vérifier s'il viendrait lui courir après. Mais au lieu de cela, la torturée se contente de rester là, le corps trempé d'avoir trop nagé. Un sourire se dessine à ses lèvres, étiré au possible et elle l'observe avant de rire un peu.
Bordel. Qu'il était bon d'être ici avec lui.
Evidemment ! Savian. OUI ! Evidemment.
Pourquoi serait-elle venue jusqu'à toi ?
Et même si la scène prête à rire, même si rien n'est cohérent, elle vient de faire son choix et de croquer dans ce dernier : Un morceau de chemin ? Diable pas ! Tout. Elle veut tout et le Walburghe en particulier.
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