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[RP] J'te mentirais.

Andrea_
    D'avoir passé des nuits blanches à rêver
    Ce que les contes de fées vous laissent imaginer
    Des illusions déçues, passer inaperçu
    D'être tombé plus bas que la poussière
    Et à la terre entière, en vouloir puis se taire
    D'avoir laissé jusqu'à sa dignité
    Sans plus rien demander qu'on vienne vous achever.


Je n’ai jamais oublié de vivre. Et surtout pas cette fois.
J’avais oublié ton sourire pour embrasser d’autres lèvres, transformé jusqu’au plus profond de mon être tes promesses en chaînes, des chaînes que je n’avais pas mis longtemps à rompre. J’avais pris la route, trop vite, trop fort.
J’avais jeté mon dévolu sur ton opposé, là où la blondeur de ta tignasse reflétait le soleil, le noir de ses cheveux m’apportait la nuit. A ta douceur il avait opposé sa nonchalance, jusqu’à ce que j’en arrive à exécrer ce que tu étais.
J’avais refusé de prononcer ton prénom et celui du fruit de nos Amours, et repris mes habitudes taciturnes. Quand tes mains jadis retenaient la nuit, les siennes épousaient mes formes et célébraient le soleil.
J’avais oublié jusqu’à mes envies casanières pour braver les routes jusqu’à n’en plus pouvoir. Usé mon coeur pour qu’il oublie de battre pour un autre, balancé ton alliance en m’accrochant à l’idée que c’était la meilleure solution.
J’avais sali l’image que j’avais de toi pour encrer à mon esprit celle d’un homme qui ne me convenait pas. J’ai choisi le sens de tes mots comme on lit entre les lignes quand on ne veut pas comprendre ce que l’esprit sait déjà. J’avais souligné ceux qui faisaient naître des maux et les avais lu et relu jusqu’à noircir l’idée même de ce que tu étais.

Il avait suffi de te revoir, deux ans après, pour comprendre que tous mes efforts étaient vains, et qu’un cœur n’oublie pas d’aimer.

Je n’avais eu dès lors que l’obsession de te retrouver. Là où jadis tes missives restaient sans réponse je m’évertuais à répondre à tes mots par d’autres comme pour combler tout ce que nous avions loupé. Je donnais à tes phrases l’importance qu’elles n’avaient eu dans l’espoir d’y voir ce que j’espérais.
Te revoir a probablement été l’un des plus beaux moments de ma vie et je n’oublierai jamais le goût de tes lèvres lorsqu’enfin, main sur ma joue, tu étais venu cueillir un baiser.

Aux peut être formulés se sont ajouté les « toujours » et les « plus jamais » qui donnaient soudain un sens nouveau à ma vie.

Mais tu n’étais plus là depuis quatre matins déjà,
Et je m’étonnais de vivre encore.





Beren,


Le pli resta immaculé.
Rien ne venait.
Rien.
A chaque phrase qui semblait vouloir venir se coucher s’y ajoutait un « mais », comme Toi, quand tu m’as dit que tu m’aimais, mais que tu me quittais.
J’avais tenu mes promesses, et ne t’avais pas caché mon oubli dans les bras d’un autre. Sans en dire trop, par respect plus que par pudeur. J’avais omis la violence des baisers que je lui avais pris, oublié les ongles marquant sa peau, car peu importait au final. J’avais mis un coup de couteau dans le contrat et formulé des « pardon » à n’en plus finir.
Aux éclats de colère que j’avais imaginés, tu répondais par la douceur, et oui, oui, ça avait creusé d’autant plus ma culpabilité.
J’aurais pu supplier, Beren, pour que jamais tu ne t’éloignes de moi. J’aurais compris les injures et les insultes, accepté ta colère, ta haine et ton ressentiment. Je me serai battue, comme tu avais toujours promis de le faire quand je m’égarerais.
Je ne savais pas alors que tu t’étais perdu il y a longtemps, noyant ta culpabilité dans un silence qui creusait notre tombe, bien avant que j’y apporte la pelle.
Un silence, un mensonge un parjure qui ne faisait pas vraiment le poids face à nous.
Pourtant, quatre matins et toujours pas de nouvelles de Toi.

Quelques mots furent ajoutés et le vélin bientôt prendrait son envol.




Je t’aime oui, je t’aime mais*
J’envoie au diable nos adieux**



* Je t’aime mais, Zazie.
** Au diable nos Adieux, Zazie

_________________

Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Beren
Ce soir je ne dors pas
C'est la toute, toute première fois
Que je te sais loin de moi
Et le vide n'en finit pas



Je suis un homme de certitudes et ce soir, je ne sais pas. Je ne sais pas, Andréa, ce qui est arrivé, ce qui nous est arrivé pour que nous en soyons là.

Je me rappelle fort bien ces deux ans où je t'ai détestée. Je croyais que c'était dur et c'est pire, maintenant, parce qu'il n'y a pas de haine derrière laquelle se ranger. La colère, c'est pratique. Elle annihile tout le reste, elle change les bons souvenirs en erreurs ou en mensonges, elle accentue même les broutilles anodines dans lesquelles soudain, on voit des avertissements. Une fourberie dans chaque regard détourné, une mauvaise augure dans chaque geste d'avant. On se dit qu'au final, on l'avait senti venir et on se sent stupide de n'avoir rien fait alors, pour abréger le supplice. On réécrit tout à la sauce ire, comme si elle venait napper les desserts de baisers ou de sourires partagés. Et comme c'était commode, jadis, de te mettre tout sur le dos, de te traiter de salope et de t'éteindre dans d'autres corps, sous d'autres souffles et de soupirer à d'autres ce que je t'exécrais.

C'était confortable, je le réalise maintenant, la tromperie. C'était si pratique que tu sois coupable d'avoir trahi, d'avoir abandonné, d'avoir eu la lâcheté, même, de t'enfuir en même temps que la nuit, ce matin là où je m'étais éveillé sans toi. Tu m'avais laissé notre fils et je pouvais te considérer mère indigne ; c'est moi qui te le prends maintenant, qu'est-ce que ça fait de moi ? Si tu savais, de là où tu te trouves, que je ne peux même plus le regarder, ce Fils dont je m'occupe mais dont je fuis le regard, pour ne pas y voir la mer de tes yeux ; si tu savais comme je me sens indigne, moi qui me croyais père parfait.

Ce que le monde peut être vain, mon Dieu, Andréa. Ce qu'il peut être laid, ce soir, alors que je traîne sur la jetée en espérant que le bruit des vagues fasse taire mes tempes, quand j'essaie de me persuader que c'est le vent iodé qui pique mes yeux quand je relis ton pli lapidaire.

Je bois, trop ; je fume, aussi, beaucoup. Assez pour que parfois, ma tête tombe, trop chargée d'autre chose que mes pensées. J'ai des flashes imaginaires sous les paupières, parfois, quand je t'imagine avec lui, quand je me demande s'il t'a enlacée mieux que moi, si ses baisers étaient plus sauvages, si ses reins, plus grisants que les miens. Je me demande ce que tu lui as murmuré, quelles postures tu as prises, combien de temps ça a duré et ce qu'il a pu te dire. Si tu as souri à ses mots, si tu les as répété, si tu as exulté plus fort qu'entre mes bras. Combien de fois tu y as pensé avant de franchir le pas, si pendant que tes doigts s'agrippaient à ses épaules ou ses omoplates, tu as pensé à moi. Et je crois que jamais je ne pourrai poser ces questions là. T'entendre me dire « quand je fais l'amour avec toi, je pense à lui ; quand je fais l'amour avec lui, je ne pense plus à toi »*, je crois que ça m'achèverait.

Moi, je ne te raconterai pas. J'ai trop de respect pour toi, pour Elle, pour déballer comme sur un étal ce que j'ai pu ressentir à son corps. Tu ne sauras rien de cela ; ni où, ni quand, ni quoi. Pas davantage ce qu'on a fait, que ce qu'Elle me dit et ce que je lui confie, après l'ébat.

Mais je dois te répondre, parce que j'en ai besoin.

Parce que j'en ai toujours envie.

Parce que tu me manques, aussi.

Parce que ce soir, je ne dors pas.






Andréa,

Tes yeux, ta voix, tes mains sur moi, toujours ça reste là
Le jour et l'heure, ta peau, l'odeur, l'amour ça reste là
On n'oublie pas
Je ne t'oublie pas**

B.




* Cali, Elle m'a dit.
** Zazie, Ca.

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Andrea_
J'te mentirais Si j'te disais qu' j'y ai pas pensé
Si j'te disais,
Mon amour, que j'ai rien senti,
Rien entendu de ces non-dits
Qu'à ses silences, j'ai pas souri
J'te mentirais J'te mentirais *



J’avais toujours cru que ça serait moi, qui partirais, encore. Parce que je suis moins taciturne, plus joueuse, plus… Parce que j’ai moins de limites. J’étais tellement sûre de ça que je t’avais fait promettre de ne jamais lâcher ma main. Et cette pensée est amère maintenant que tu t’éloignes. J’avais annihilé le fait que tu avais changé, depuis la première fois, en gardant en tête que peut être je récoltais ce que j’avais semé sans en mesurer les conséquences. Que je n’étais plus digne de ta confiance, encore moins de ton Amour et que la fidélité était un concept qui, puisqu’il m’avait échappé la première fois, m’échapperait encore.
J’étais sûre de fauter, et tu étais sûr que je le ferais, et ce réveil est d’autant plus brutal qu’aucun de nous ne l’attendait.

Je me raccroche à l’idée que c’est toi, le connard de l’histoire, toi, qui m’a trompé sitôt les entrailles vidées d’un fruit que tu y avais déposé, peut être même avant. Toi, qui t’es payé ma tête en dégueulassant tout ce que nous avions dessiné, tu as salopé ma confiance, et c’est tellement loin de ce que j’avais imaginé de Toi. Tellement, tellement loin Beren.
Y a t-un poids dans les trahisons, car la mienne alors me semble tellement légère à côté.

J’avais toujours pensé qu’il était confortable d’être celui qui part. Un nouveau départ ouvrait le champ des possibles, tout était permis, puisqu’on avait déjà fait le pire.
Et je n’ai aucun mal à imaginer ce que tu vis toi. Libéré du fardeau de ma présence. Je n’ai aucun mal à imaginer ce qu’elle peut savourer de toi, ta tendresse comme tes colères. Je n’ai aucun mal à imaginer ses doigts sur ta nuque, et ceux sur ta barbe qu’elle posait déjà, impunément, devant moi.
Vois-tu, je n’ai nul besoin de savoir, pour imaginer comme elle t’apporte la douceur qu’il me manquait parfois, quand la fougue de Toi prenait le dessus, qu’elle soulage tes pulsions et dit ce que je taisais.
Je n’ai aucun mal à imaginer, puisque je l’ai vécu, voilà plus de deux ans.

Au manque de Toi, s’ajoute le manque de Lui. Si j’avais par le passé choisi de m’en éloigner, je ne peux oublier que c’est Toi, qui me l’as pris cette fois.
Laissé une première fois pour te maintenir en vie, arraché une seconde pour ce qui ressemblait à une punition. Tu n’as jamais vraiment su, Toi, ce que c’était d’être loin de son enfant. Et je t’aime assez pour te souhaiter de ne jamais le vivre. C’est se coucher chaque soir dans une chambre silencieuse, où jadis la succion d’un pouce troublait l’air. C’est n’avoir aucun front à embrasser, aucune main où glisser ton doigt. C’est être brisé, en imaginant ce qu’il fait, ce qu’il ressent, et laisser une larme couler en imaginant ses sanglots de ne pas avoir un baiser de « maman ». Que lui dis tu alors, qu’elle était plus jolie que moi ? Que sa mère est une catin ? Qu’elle ne valait pas la peine qu’on se batte pour Elle ? Qu’on a cru qu’on pouvait réussir, cette fois mais qu’on s’est trompé, c’est pas grave fiston on l’a fait une fois on y arrivera bien encore ?

Je ne veux pas être de ces parents qui se retournent sur chaque enfant en espérant que c’est celui qu’ils n’ont pas vu grandir. Et si pour croiser son regard, je devais maudire le tien, si pour le toucher encore, je devais te voir en toucher une autre, crois moi Beren, je n’hésiterai pas une seconde.


Ici la vie continue, et le destin s’acharne à me faire mordre la poussière. A ton départ s’était ajoutée une rencontre imprévue, Gilly. Et tu n’étais pas là, pour me dire que tout irait bien.
Et il n’avait pas fallu longtemps pour que je perde pieds. J’avais toujours pris soin de cacher mes faiblesses. A Nicolas qui surprotéger sa mère et qui risquait de réagir violemment, à Tyrell, qui semblait voir en moi une sorte de Déesse que rien ne pouvait ébranler, à Aertan, qui avait foi en ma détermination sans faille.
Mais Toi Beren, tu sais que la carapace parfois se fissure et laisse entrevoir les fissures d’une âme que le passé a ravagée.
Cette colère m’avait fauché sans que je ne m’y attendre vraiment, et c’est Aertan, qui en avait fait les frais. Aertan, et cette bouteille vide dont les éclats avaient lacéré le parquet. Et cette chaise que le mur avait arrêtée. J’avais dégueulé les mots comme des reproches, balancés à qui voulait l’entendre toutes les monstruosités dont j’étais capable, tous les abandons, les sacrifices que ma liberté m’avait coûté. Alexandre, et toi en tête.
J’avais craché mon venin à celui qui en cet instant était le coupable idéal. A celui qui avait fait renaître mes envies de plus grand quand je n’aspirais qu’à une vie tranquille à tes côtés. Tranquille, parfois pimentée.
Je réfutais ses mots, quand il me disait qu’on ne pouvait pas tout avoir.


Et que ce choix, c’est moi qui l’avait fait.



Beren,
Il ne suffit pas de te savoir loin pour que mon cœur oublie qu’il bat pour toi,
Je me demande à qui tu distilles tes sourires et tes soupirs,
Si tu as besoin d’éloigner tes pas des miens,
S’il est aussi difficile de voir mes yeux dans ceux de notre fils qu’il l’est pour moi d’imaginer ses nuits commencer sans mes baisers.

D.





* Patrick Bruel, j’te mentirais.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Beren
La pommette s'ouvre sous ce que s'abat le poing lourd, rageur, puissant, jusqu'à sentir la faille s'écarter, pulser d'un sang abondant qui s'écoule, chaud, sur la joue, macule les os, boules solides en dos de main . Il se redresse, l'homme. Bourru, large d'épaules, il vient essuyer sa bouche de la tranche de sa main, qui tremble encore sous la colère. Face à lui, l'autre est ployé vers le sol, non plus retenu par les deux types qui, jusque là, l'immobilisaient pas les bras.

- T'en as assez, maintenant?

La raison de ce règlement de comptes ? Un commentaire plus taquin que l'autre, répété sous la menace implicite d'oser le faire ; une bousculade, une insulte ? Peu importe, y en avait-il une, de toutes manières ? Le Fiole savait où il était et même, il était là pour ça. Et si sa pommette vibrait encore du dernier coup reçu, si son corps lui-même lui disait de fermer sa gueule enfin, et de laisser tomber, l'esprit, lui, en redemandait. Alors le visage se redressa dans un sourire provocateur, en dépit du goût ferreux du sang qui lui avait empli la bouche depuis le premier coup, il y avait un moment déjà.

- Pourquoi, tu fatigues, enfoiré ? Je suis en pleine forme. Ta sœur confirmera tout à l'heure. P't'être même ta mère, si elle est assez bonne.
- Putain, mais... ferme ta gueule, bordel !

Bientôt, un crachat souillé de carmin vint frôler les bottes de celui qui peinait à reprendre son souffle, trapèzes bandés et soulevés d'un air trop rare.

- Va te faire foutre, Ducon.

Fou comme ça lui redonne de vigueur, quand on évoque la sœur ou la mère d'un abruti de campagnard, comme ça peut le chatouiller de le titiller un peu en se foutant de sa gueule ouvertement. C'est ce que le parfumeur crut déceler dans le déferlement qui suivit, où les compères du premier se mêlèrent même à la fête. Enfin, le martèlement. Enfin, l'éclair noir des coups sourds, enfin la tempe, suffisamment cognée pour perdre à demie conscience, assez pour sentir les bottes cogner les côtes, buffet se soulevant de douleurs vives ; pas assez pour enfin, s'endormir.

Il fallut l'arrivée de Constant, qu'il repousse les trois lascars pour ramasser un Beren à demi mort, pour abréger le calvaire désiré. Les autres s'éloignèrent en conseillant à l'Ami de faire gaffe à son pote, tandis que le brun passait le bras du blond autour de ses épaules, pour peiner à le redresser.


- Bordel, Beren, c'est quoi ton problème à la fin ?! Tu vas finir par y rester avec tes conneries, qu'est-ce que tu cherches, putain?!

Grognant plus qu'autre chose, le Fiole voulut se dégager, sans y parvenir, ses forces déjà réduites ne pouvant rivaliser avec celles de l'homme de main.

- Tu m'fais chier, Constant. Laisse-moi.

D'une habile manière, du moins sans que Beren puisse comprendre comment il s'y était pris, l'Ami le soutenait par le col, à s'en faire blanchir les mains de colère.

- Si j'te laisse, Beren, t'es mort.

- Et alors, qu'est-ce que ça peut foutre ? Personne n'est irremplaçable.

Quelques minutes plus tard, le Fiole grimaçait, avachi sur une chaise, Constant debout devant lui à appliquer un linge humide sur son visage. Sifflant de douleur entre ses dents, il finit par claquer la langue d'agacement, sous les gestes pourtant doux de l'Ami, qui finit par tonner:

- Ferme la, Beren, fais pas ta tête de nœud. Tourne un peu la tête.
- Donne-moi ça. J'vais le faire.
- Ta tête, nom de nom !

S'il soupire, il cède, maugréant dans une apparente docilité.

- Dans quel état t'es, t'as vu la tronche que t'as, imbécile ?

Silence d'abord, avant qu'un œil boursouflé, noir de ce qu'il fait sa mauvaise tête, se fixe sur lui, à demi ouvert.

- T'as décidé de m'engueuler longtemps comme ça ?
- Juste le temps que tu sois con. Autant te dire que j'ai pas fini. Il faut que je recouse l'arcade et la pommette, quand j'aurai nettoyé le sang séché sur ta barbe.
- Fais ça vite. Demande qu'on me monte les enfants ensuite, que je leur dise bonsoir.
- Avec la gueule que t'as, c'est hors de question qu'ils te voient comme ça. T'es affreux, et j'ai pas encore bandé tes côtes. Si t'en soulèves un, tu vas hurler tout ce que tu peux. Eux aussi, et niveau môme à gérer, ce soir, j'en ai assez d'un avec toi qui te comportes comme un gamin de 16 piges.
- Je veux leur dire bonsoir.
- C'est toujours mieux qu'adieu. Si j'étais pas arrivé, c'est ce que t'aurais dû faire, ducon.
- Tu m'emmerdes, Constant. T'as pas fini?
- J'attends que tu te remettes pour te défoncer, pauvre crétin. Tu attendras qu'il fasse nuit, et tu resteras dans l'embrasure de la porte. D'ici demain, on trouvera une excuse. Ou une cagoule.

La séance de torture qui suit, et qui l'empêcha de rétorquer, ne vaut aucun détail, si ce n'est qu'à la crispation de ses doigts sur les accoudoirs de son fauteuil, l'Ami commenta:

- Abîme pas la gauche. T'as deux lettres arrivées tout à l'heure.

C'est éclairé à la bougie, le visage le lançant d'une douleur sourde et lancinante, qu'il répondit au pli d'Andréa:





Andréa,

Rien n'est aisé, c'est le moins que l'on puisse dire. Encore moins de regarder Ses yeux, dont je fuis le voile, même s'il a été en joie, je crois, de jouer au bord de la mer. Il a couru après des crabes, s'est extasié de coquillages, a hurlé de rire ou de peur mêlés, à la froideur de l'eau à ses petits pieds. Il pleure, le soir, j'imagine que c'est aussi difficile pour toi. Quant à mes sourires et soupirs, tu serais surprise d'apprendre qu'ils sont réservés aux crétins avec lesquels je... m'entraîne au combat. Je ne te demande pas où vont les tiens, je les imagine assez facilement, et ça n'apaise en rien ni la colère, ni la douleur, ni le dépit. Je me demande si parfois, ma chevalière brûle à ton doigt. Ou s'il te l'a ôtée, comme a pu le faire le précédent.

B.





La seconde suivit de peu.
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Andrea_
J’évitais soigneusement de parler de toi, avant ce soir Oh, je ne l’ai pas fait directement, préférant laisser ton prénom loin de mes lèvres. J’avais balancé nonchalamment « quelqu’un a des nouvelles des Autres ? ».
Les Autres, c’est comme ça qu’on vous appelle. Chacun irait de son petit commentaire sinon, chacun ayant un ressentiment bien ancrée pour un ou plusieurs membres de votre groupe. Moi, j’ai juste demandé si quelqu’un avait des nouvelles, puisqu’Ahlden devait m’écrire mais ne le faisais pas, et que tes lettres, à Toi, ne m’aidaient pas vraiment à répondre aux questions qui se bousculaient, parfois, dans mon esprit.

J’avais depuis plusieurs jours reçu ton pli, et avait préféré attendre avant d’y répondre. Je ne sais pas ce que j’attendais, sinon de ne plus avoir mal à écrire son prénom. Sinon ne plus avoir envie de te démonter la tête, à tes dernières phrases.
Je nourrissais à ton égard mille et unes rancœur que j’étais incapable de formuler de façon rationnelle. Me remémorant ses courriers que nous avions échangé, Sianne encore vivante, alors que je foulais la route pour te rejoindre. Que nous étions naïfs, alors, d’y coucher des mots à rendre sourdes les bonnes sœurs, à y noircir des phrases et des phrases de cet Amour qui sitôt retrouvé mourrait déjà à petit feu. Je suis amère, de repenser à ces missives que j’attendais avec impatience quand j’en viens à craindre les suivantes, maintenant que les reproches, déguisés, pointent sur la papier.
Mais puisqu’au troisième jour, rien ne semblait vouloir s’apaiser, j’avais pris la plume.





Beren,

Tu n’imagines pas à quel point il est difficile pour moi d’imaginer mon fils découvrir la vie sans que ma main ne tienne la sienne. Je pourrais te dire qu’il me suffit de fermer les yeux pour le deviner, mais il me semble que le temps m’échappe, et je crains d’un jour me réveiller en le sachant adulte, sans avoir eu la joie de le recroiser. Je sais que le temps viendra, bien trop vite, où il s’endormira sans pleurer, et qu’un jour il aura oublié jusqu’au son de ma vie.
Et c’est pour ça, aussi, qu’une part de moi te déteste.
Je sais qu’un jour viendra, où tu voudras qu’il embrasse une autre joue, qu’il se posera sur d’autres genoux, et peut être alors qu’il sera plus facile pour toi de perdre ton regard dans le bleu de ses yeux. Notre fils est pour toi ce que ta chevalière est à mon doigt.
Et je ne désire pas m’en séparer. Tu sais combien cette phrase m’a fait du mal, et je ne répondrais pas à cet appel à la haine, même si une part de moi s’est demandé si tu voulais la récupérer pour l’offrir à l’autre, à qui tu laboures les reins en échange de quelques soupirs.
Je n’oublie pas que si tu as pris la décision de partir, je n’ai pas tenté de te garder un peu sinon cette dernière nuit que je n’oublierais jamais. Je garde en mémoire la douceur de tes gestes et la douleur dans tes yeux. Et aucune autre image, aucun de tes mots, ne viendront ternir ce souvenir.
Je t’aime Beren, je t’aime mais… Peut être n’avons-nous plus rien à nous offrir sinon ces phrases dont nous savons pertinemment qu’elles vont détruire l’autre, peut être qu’elles semblent nécessaires pour chasser la douleur et expier les non-dits… Mais ces phrases, par le passé nous ont déjà joué des tours, et je ne veux pas jouer.
Je t’aime assez pour te dire de vivre ce que tu as à vivre, et tu m’as assez aimé pour me faire promettre d’un jour marcher à nouveau à tes côtés,
Je m’accroche à cette idée, malgré tout.

Embrasse mon fils et chaque jour planque lui un caramel, comme une pensée de sa mère pour son petit garçon, s’il te plait,
Je t’embrasse,
D.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Beren
Je parle de toi, moi. Je questionne les gens sur ce qui tourne entre mes tempes, peut-être parce qu'eux non plus n'ont pas les réponses, que je crains de t'entendre formuler. On me dit de cesser de me torturer, de me punir, d'expier. On me dit de ne plus penser à toi, Déa. Combien sont-ils qui me disent de t'oublier, d'abandonner ce que j'ai moi-même piétiné sans le vouloir ? Combien s'étonnent de me vriller l'âme d'interrogations sur ce que tu peux bien ressentir entre ses bras, quand moi-même, je me suis lové à d'autres ?

J'ai pensé revenir, mille fois. Mille fois, j'ai su qu'en revenant, je te priverais de tes rêves de grandeur, de sa compagnie, à lui, que je t'avais vue chercher davantage que la mienne. Je t'avais avertie, conscient qu'il ne serait plus possible de cumuler notre projet et votre présence jointe, si votre collaboration passait les digues ourlées de ton intimité. De ses promesses à lui de ne pas te toucher, je n'ai pas fait grand cas ; je n'avais pas confiance en lui, je ne tire pas de plaisir, cette fois, d'avoir eu raison. J'aurais voulu avoir tort, et j'aurais voulu ne pas en avoir, non plus. Mais j'ai fauté, et tu as confirmé ; je me demande si c'était pour jouer avec le feu, ou si nous n'étions pas assez.

Et nous étions assez.

J'ai pensé revenir mille fois, et j'ai su que je me demanderais toujours si lors de vos entrevues, il ne se passerait pas plus que des discussions. Je sais bien que je serais paranoïaque, que tu craindrais mes sourires à d'autres, que tu guetterais mes compliments, que je surveillerais tes regards. Alors, je suis resté.

Et quand j'ai dit que je partais, Elle m'a dit qu'elle m'aimait.

Alors, je suis resté.

Alors elle dort comme j'écris, là, tout à côté.

Et je ne sais pas, Déa, si je dois te parler de ça, si je dois te confier que mes nuits sont habitées, mais que je pense à toi ; te dire que mes mains, ma bouche, mon bassin, savent faire ce que je ne pensais pas, sans toi. Que souvent, quand je ris, je sais que tu rirais aussi ; que d'instinct, quand je plaisante, je cherche à t'entendre glousser et me reprocher mes sarcasmes de ce « Chaton ! » que tu râlais en ricanant. Est-ce que c'est terminé, quand on s'est absenté ? Est-ce que c'est terminé, quand on embrasse, quand on enlace quelqu'un d'autre ? Est-ce que c'est terminé, quand je forme un autre couple, quand je dis certains mots à une autre que toi? Est-ce que c'est terminé, Nous deux ? Est-ce que quand tu faisais l'amour avec moi, tu pensais à lui ; est-ce que quand tu fais l'amour avec lui, parfois, tu penses à moi?

Je me souviens nos lettres ; je n'en regrette pas un mot. Et si tu crois que l'amour est dans le préliminaire, que l'amour est dans le préambule, que s'il l'on rêve d'une romance hors pair, c'est dans la routine qu'on bascule ; que l'amour est dans le pressentiment, dans le prélude et qu'après tout n'est plus qu'habitude*... alors je dois te dire que nous ne sommes pas d'accord. Peut-être toi tu trouves que l'addition est amère, moi, je trouve que c'était beau, ces retrouvailles, et qu'on a bien plus vécu en quelques mois cette année qu'on n'a pu le faire en bien davantage, il y a deux ans. Peut-être que toi, tu trouves que ce chapitre là était le dernier. En tous les cas, ta missive a un goût d'adieu.

Je n'ai pas plus de réponse à mes questions qu'hier, j'ai le visage ravagé de m'être cogné avec trois péquenauds, le voyage continuera demain et je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien. Sinon que je dois absolument prendre ce parchemin, et t'écrire que...






Déa,

Je suis désolé d'avoir écrit cela ; pardonne-moi. C'était injuste et tu vois, cette fois, tu as plus de classe que moi.

Je sais qu'une part de toi me déteste, sans doute autant qu'une part de moi me déteste aussi. Ne crois pas que je me donne le beau rôle, moi-même je sais que je suis une pourriture de m'être comporté comme je l'ai fait.

Il n'est en aucune manière question que qui que ce soit te remplace dans la vie de Notre Fils ; ce n'est pas arrivé lorsque nous nous haïssions, il est hors de question que cela survienne alors que nous nous aimons encore. Tu es sa Mère ; Il le sait, je le sais, tu le sais, tout le monde le sait. On n'effacera pas ça ; on n'effacera rien. Ni le bon, ni le mauvais, et surtout pas ce qu'on a réussi à faire de plus beau, et qui a presque été couronné d'une suite à succès aux allures de petite sœur.

J'ai compris tous les mots que tu as écris, j'ai même saisi ce goût d'adieu que tu enrobais de fatalité. Je ne peux pas t'en vouloir ; pas cette fois alors que le scélérat, c'est moi.

J'espère que tes projets se concrétisent et que tu t'amuses en Artois. Nous quittons St Brieuc ce demain pour nous aller promener ailleurs où je ne sais pas si l'air sera plus doux, ou moins lourd.

Les enfants t'embrassent. J'ose le faire aussi.

Bien tendrement,

B.



*Archimède, L'amour est dans le pré- , allusion.

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Andrea_
Je n’ai jamais pensé à l’un quand l’autre m’étreignait. J’ai résisté, souvent, à ses regards insistants, à la douceur de ses doigts sur ma main, en réfrénant mes pulsions pour le soir venu, expier ma culpabilité dans tes bras. Je m’accrochais à tes lèvres autant qu’à tes mots, et j’y croyais si fort, Beren, que j’aurais pu vivre ainsi, peut être, durant des années. Je n’ai jamais autant eu peur de te perdre, que lorsque je pensais m’égarer, moi aussi. Nous prenions l’eau de toutes parts et pourtant il suffisait que nous soyons ensemble pour en oublier que l’on sombrait, doucement, mais sûrement, vers un ailleurs où « nous » ne serait plus Toi et Moi, mais un bout de chaque avec un autre.
J’aurais pu monter des murs entre Toi et Lui, j’aurais pu monter des dizaines de murs que l’on aurait explosé tout de même, le loup était dans la bergerie, bien caché derrière tes « mais elle n’est rien Andréa », « elle ne t’arrive pas à la cheville ». Et si je m’en veux d’avoir été si naïve, sache que je t’ai pardonné.
Peut être même te pardonnerais-je si j’apprenais qu’à son « je t’aime », tu es resté.
A tes mensonges je te dois la vérité.

Je gère ton absence comme on gère une tempête. Chaque vague semble être plus violente que la précédente, je me cramponne, comme je peux, à ce qu’il reste de moi. Parfois il me semble me noyer et puis…
Et puis le lendemain, l’océan ne semble n’avoir jamais été aussi calme et j’en oublierais presque avoir perdu des plumes dans la tempête. Je te mentirais si je te disais que j’y parviens seule, et que jamais l’acier de mes yeux se perd dans son regard avec une tendresse toute particulière.

Je ne regrette rien, il me semble qu’on aura tout essayé, promenades en été paysages et coucher de soleil. Aphrodisiaque en T, même les massages aux huiles essentielles*, j’aurais aimé un hiver, voilà tout. Un hiver, et les suivants.
Après ces années loin de toi, nos retrouvailles ressemblaient à la Toscane douce et belle de Vinci, à des images aux saisons tièdes des beaux jours, au silence après l’orage, au doux toucher de velours. C’était un peu comme ces musiques qu’on entend sans écouter, ces choses qui n’existent jamais tant que le manque qu’elles avaient laissées**. C’était beau Beren, c’était put’ainement beau. Mais tu es loin désormais et je me surprends à ne voir naitre aucune rancœur au creux de mon ventre. Je me demande seulement si une part de nous connaissait l’issue, pour que nous ayons vécu si forts, si intensément ce court interlude avant… Avant ça.

Tu ne sais rien et je suis pleine de certitudes. L’Artois me tend les bras et je n’ai jamais été si proche d’obtenir ce que j’ai toujours voulu, avant même de croiser ta route. Ce n’est pas la haine et encore moins la colère qui me poussent à foncer, tête baissée, mais bien cet Autre dont tu t’es tant méfié. Mon amarre s’est barrée et je m’accroche à sa lumière comme un phare dans la nuit. La nuit. Mes nuits n’appartiennent qu’à moi et même si parfois je me damnerais pour couler sur celui qui me tient encore debout un regard apaisé, je garde pour moi ces précieux instants où les songes me réveillent en sueur, personne, n’a à vivre ça sinon moi seule.
Car ce chemin, je l’ai choisi seule.






Beren,

L’Artois comme toutes les villes traversées jusque là n’est que tristesse et désolation, heureusement la bière y est bonne et si elle vient à manquer, le calva est bien assez dégueulasse pour me rappeler qu’il faut arrêter.
Nous avons longé la côte Normande et pu profiter de la clémence de Septembre. Il y avait dans l’air je ne sais quoi d’austère, la grisaille des premiers jours de l’automne. Comment me défaire, demeurer fière, quand le chagrin parfois m’étrangle ?***
Ici le passé chaque jour se rappelle à nous, les enfants Beren, sont une source incommensurable de bonheur et l’éloignement nous tue à petit feu. Mais je tiens bon, nous tenons bon, quoiqu’il advienne. Je sais qu’après la pluie vient le beau temps, qu’après la nuit toujours le soleil se lève.

J’ai cessé de renier le passé pour l’affronter, et si tu n’es qu’une pourriture de scélérat, je ne peux désavouer mes erreurs. Cependant je n’y changerais probablement rien. Nous avons tant de fois parlé de cela, Beren, qu’il serait injuste aujourd’hui de retourner ma veste. Les choix que nous faisons, nous transforment à tout jamais et celui-ci n’échappe pas à la règle.
Peut être que le Destin savait déjà le sort qu’il nous réservait lorsqu’il nous a arrachés cette suite que tu nommes « petite sœur », qui sait, ce qu’il nous réserve encore maintenant que les pas nous éloignent inlassablement l’un de l’autre.

Embrasse chacun des enfants avec la même hargne que je le ferais, si j’étais là,
Et ne laisse personne t’embrasser comme je le faisais, quand bien même ton cœur s’égare quelque part, contre le corps de la catin du Poitou, cette put’ain qui joue les saintes nitouches ou Aldraïen qui ne vaut pas mieux qu’elles.
Essaye de rester en vie,

Tendrement,
D.





* On aura tout essayé, Archimède.
** C’est pas d’l’amour, Jean Jacques Goldman.
*** Les premiers lundis de septembre, Archimède.

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Beren
C'est triste, l'ironie de se dire, après la chute, après la fin, qu'au final, on n'était pas malheureux. Qu'au final, c'était beau, pourtant. En dépit de ces Autres que l'on étreint maintenant et dont on ne semble pas vouloir abandonner la vie à leurs côtés. Il y a Elle, bien sûr, dont je ne parlerai pas, qui est à côté de moi quand je me réveille, qui a sûrement un contrat avec mon sommeil.*

Elle n'est ni putain ni poitevine, mais à quoi cela servirait-il de venir l'encenser dans un pli t'étant destiné ? J'ai les heures propices à lui dire ce que je pense et ressens, ici n'est pas la place pour d'autres compliments. Il y a Moïra, aussi, que tu évoques de façon injuste, qui m'épaule chastement, malgré ce que tu dois imaginer, si d'aventure ton esprit te mène à moi, et qui semble résolue à voir ce qui reste joli chez moi. Et puis Aldraien, dont je ne soupçonnais pas le besoin, qui s'est affirmée à mesure de nos discussions et confessions. Il aura fallu mourir presque pour sentir sa main ferme me tirer la tête de l'eau, et Dieu sait qu'il est difficile de faire cela, quand le noyé est volontaire. Et la voilà qui me dit « prends ma main », marchant vers la lumière ; et j'oublie qu'il fait noir.**

Je ne t'écrirai pas ce que je pense d'elles trois, je crois qu'il faut laisser la colère là où elle se veut figer ; toi c'est pour elle, moi c'est pour lui. On hait ceux qui entourent quand on aime le vrai coupable. Un jour le cœur niera lui-même et nous dira qu'il pouvait bien y avoir des centaines de commanditaires mais qu'une seule main a signé ; celle qu'on voulait marier, celle qu'on voulait serrer. Et on lâchera prise, comme on a su le faire, en rêvant des projets ; toi la gloire, moi la mer, des élans d'orgueil pour ne plus stagner, pour ne plus s'arrêter et avoir le temps de penser que tout ce qu'on a pas loupé le valait bien***.

Faut-il brûler tout ce qu'on aime pour aimer ce qu'on a brûlé ?**** Je ne sais pas quoi te dire, sinon que faut surtout jamais regretter, que même si ça fait mal, c'est gagné.*** Que ton visage et ton sourire resteront près de moi sur mon chemin.

Mais pour l'heure je regarde Alexandre jouer dans cette crique, sa petite silhouette gracile devant l'eau tranquille et je serre les mâchoires de le voir jouer dehors, le cœur das les filets, à défier le sort en jetant des galets. Un jour il partira, comme est parti son frère dont on parle tout bas le soir dans ses prières. Il cherche Nicolas ; je le lui écrirai.
*****







Andréa,


Je n'ai d'abord pas su quoi répondre à ton dernier pli ; je ne sais, du reste, s'il appelait une réponse. A bien le relire, dans et entre les lignes, je crois que tout est dit.

Je te dois toutefois des nouvelles de notre fils, et je m'en voudrais de t'en priver. Nos pas nous mènent pour l'heure en Maine, où il s'amuse de jeux avec ses sœurs, où il s'épuise de promenades et où il apprend beaucoup de ces choses qu'on trouve au final fastidieuses mais qui sont ludiques d'être à l'extérieur. Tout semble être un jeu, fors les couchers, fors l'écho des moments où vous aviez des entrevues privilégiées.

Bientôt la fraîcheur sera là et raccourcira nos balades ; nous partirons pour le Sud pour prolonger un peu l'été, et fuir un peu ce soleil froid qui nous cingle les os. Aller quérir un peu de novembre aux allures d'avril, moi chaudement vêtu, lui bien emmitouflé.******

Je crois qu'il n'y a que cela pour horizon, à bien y réfléchir ; troquer ce qu'on a contre un peu de chaleur.

Les hivers passent, et c'est heureux.

Je parle de toi, personne ne t'oublie dans cette famille.

Embrasse Nicolas et Tyrell pour moi, s'il-te-plaît.

A vous trois tendrement,

Beren.




Ça restera comme une lumière
Qui m'tiendra chaud dans mes hivers
Un petit feu de toi qui s'éteint pas





* Goldman, allusion
** Saez, allusion
***Goldman, allusion
**** Archimède, allusion
***** Calogero, allusion
****** Coppée, allusion

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Andrea_
Non je n’ai pas oublié ce qu’il y a de joli chez toi. Et c’est peut être en ça que je chasse souvent mes pensées lorsque d’aventures elles se parent de Toi.
Je pourrais te dire que je te déteste d’avoir tout gâché, mais ça serait oublier que j’ai ma part de trahison, et je ne suis pas encore assez mauvaise pour le nier.

Je n’ai rien oublié, ni ta douceur, ni les mots que tu es capable de distiller pour faire chavirer les cœurs. Je connais tes forces et tes faiblesses, je sais tes silences et tes douleurs. Je connais ce regard vide et cette manière de polir le tissu des accoudoirs de ton fauteuil. Je sais ce qui te lie à Constant, et ce que vous avez traversé ensemble. Je connais tes secrets, tes doutes. Et bien sûr que je crains qu’un jour une autre femme te connaisse aussi bien que moi.
Je sais que c’est la vie, qu’après avoir étreint son corps tu lui confieras peu à peu les morceaux de ce qui est mon trésor, dussè-je pour autant m’en satisfaire ?
S’il devait y avoir deux commanditaires à ce meurtre d’Amour, nous serions ceux là. Ce n’est pas pour autant que c’est plus simple. Il ne suffit pas de changer de chapitre pour en oublier le précédent. Et quand bien même l’un de nous devait ouvrir un nouveau livre, celui-ci ne pourrait nier qu’il y a un passé, et que l’Autre en fait partie. Il suffira simplement d’évoquer notre Fils.

Je n’ai jamais rien regretté, et je ne commencerais pas maintenant. Tout au plus j’emporterai mes silences et mes maux par delà les âges pour qu’un jour, Alexandre sache que sa mère, même loin de Lui, ne l’a jamais oublié et n’a jamais voulu lui faire du mal. Que ses parents se sont assez aimés pour lui donner vie, qu’ils se sont assez aimés pour le laisser grandir auprès de ce qui ressemble le plus à une famille.
Souffrir après Toi, c’est la preuve que Tu as fait partie de ma vie et que Ta place est immuable. Je garde la tristesse et la mélancolie, parce que c’était pour de vrai, tout c’qu’on s’est dit et tout c’qu’on a fait, que c’était pas pour de faux, et que c’était bien, c’est gagné donc*.




Beren,

Tout est dit, peut être.
Je ne devrais pas répondre, peut être.
Vois, mes certitudes s’égrainent, comme le temps. Lentement, mais inéluctablement.

Nicolas m’a écrit une lettre, et je pense que tu serais surpris de voir que malgré ses silences il pense toujours à Toi. Tu es son père, et il ne comprend pas que tu aies pu le laisser. On dit que les enfants s’adaptent à tout, mais il n’a jamais accepté autre homme dans ma vie que Toi. Il est tantôt en colère, parfois contre toi, souvent contre moi. Tantôt il se mure dans un silence qui ne me dit rien qui vaille. Il a longtemps vécu sans sa mère, il sait ce que c’est de manquer d’un parent, et alors qu’il touchait du doigt l’image d’une famille unie, voilà que nous lui avons arrachée. Bêtement. Et si sa colère est légitime, j’ai les épaules assez larges pour la tenir. Pour son chagrin par contre, c’est encore trop tôt. Mais je suis là, il le sait, je pense.


Mes pensées chaque jour accompagnent vos pas, en me demandant si là bas, tout est neuf et sauvage, si mes rêves y seraient à l’étroit**. Un jour, je l’espère, je pourrais à nouveau poser les yeux sur mes garçons réunis, peut être qu’alors on sera assez forts pour se sourire en se disant qu’on aura au moins réussi ça.
J’aurais eu la gloire et peut être toi la mer, ils seront tout ce qu’il nous restera quand le blanc aura parsemé tes cheveux d’or et les rides entourées mes yeux.


A vous quatre, bien tendrement,
Déa.





* Confidentiel, Jean Jacques Goldman
** Là bas, Goldman toujours.

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Andrea_
Je n’avais rien oublié. Mais le temps passait et emportait avec lui la mélancolie pour déposer à mes souvenirs de douces pensées.
Il fallait se rendre à l’évidence, et si longtemps elle avait pris son visage, la réalité nous avait rattrapées. Chaque personne sur terre, a ses ambitions, ses envies, ses rêves. Et personne ne devrait avoir à les sacrifier pour un autre. Quelqu’en soit le prix.

On a tous perdu un ami, un amant, un amour, un frère, dans cette quête du bonheur absolu. Est-il entier après ça ? Non. Mais ne vaut il mieux pas notre rêve ébréché que le rêve d’un autre ?

Jamais, je ne pourrais accepter qu’une femme prenne ma place, mais… Mais c’est la vie, et je ne me sentais pas aujourd’hui, de te faire miroiter des choses qui n’arriveront probablement jamais. Parce que je respecte ce qu’on a été, et ce que l’on est aujourd’hui. Parce que je respecte ce que tu pourrais ressentir pour une autre quand tes soupirs alanguis se posent contre sa peau, en ayant de plus en plus de mal à retenir mes mots lorsque le vert de ses yeux contrent les miens.

Parce qu’aucun de nous deux, ne devrait salir ou déprécier ce que nous étions avant, et ce que nous sommes maintenant.





Beren,

Je ne t’ai jamais menti. Jamais.
Alors aujourd’hui encore, je te dois la vérité. Je te sais suffisamment épaulé pour lire les mots qui suivront, et tu sais par les précautions que je prends, qu’ils ne seront pas agréables.
Tu me connais et tu sais que j’ai toujours été incapable de renier les élans de mon cœur, cette petite mélodie qui soudain s’emballe et montre ses premiers signes de faiblesse avant même que l’esprit n’assimile quelque chose.
J’ai souvent évité de te parler d’Aertan, à torts ou à raison. Par pudeur ou par respect. Mais je me surprends à penser à Lui, de plus en plus souvent. A espérer, peut être, qu’un jour franchiraient entre ses lèvres les mots que tu as parfois murmurés. Et en ça, je te dois la vérité.
Bien sûr je pense à Toi, et je mentirais si je disais que tu ne me manquais pas, parfois. Mais c’est l’ami qui me manque Beren. Sa douceur et son humour. Sa gaité et ses tourments. Pas l’amant. Pas l’époux.
Te mentir encore, plus longtemps, serait me mentir à moi-même, et lui mentir un peu. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais je n’oublierais pas en quoi hier l’a influencé.
Je pourrais te dire que j’ai aimé te voir si taquin, quasi charmeur auprès de ces dames, alors que je t’ai détesté pour cela. Mais je t’ai sorti de la torpeur qui te tuait à petit feu. Je t’ai remis sur les rails, vois tu, c’est moi, qui ai causé tout ça, s’il devait y avoir un coupable, j’endosse ce rôle, pleinement. Inconsciemment, il en a été de même pour moi.

Alors voilà, si nos chemins désormais nous éloignent un peu plus, tu gardes toute mon affection, et ma tendresse.
Embrasse nos enfants,
Tendrement à vous quatre,
D.

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Beren




Andréa,

J'ai reçu tes deux plis, coup sur coup ; permets que je n'en fasse qu'un seul pour répondre à tous deux.

Dans un premier temps, laisse-moi te rassurer au sujet de Nicolas. Je ne l'ai pas oublié, je n'entends pas me dérober à l'affection que j'ai pour lui et, du reste, je lui ai écrit une lettre pour le lui dire. J'en attends réponse, s'il veut bien me la donner ; je ne veux pas le brusquer.

J'entends ce que tu dis au sujet de l'ami qui te manque. Je me suis surpris, en parlant de ce qui nous faisais hurler de rire, à chercher ton gloussement d'un œil rieur, qui s'est éteint un instant dans ton absence. Tu me manques aussi, parfois. Tu me manques par nostalgie, pas par habitude ; tu me manques dans ces cas là où je pense à toi. Tu me manques dans certains rires, comme nous manquent ces bonbons d'enfance qui nous font des souvenirs doux amers et qu'on sait qu'on ne goûtera plus. Tu me manques comme un parfum souvenir de goûter en train de cuire, comme celui du bois ciré des tables d'étude, comme celui d'une course folle où nous riions, gamins saouls aux joues rougies par une bise d'octobre. Bref, tu l'auras compris: tout n'est que nostalgie, je t'aime en noir et blanc*. Tu me manques comme... Je ne sais pas quel statut tu pourrais bien avoir. J'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus ; amis, non, ni amants. Etrangers non plus.** Enfin, tu me manques quelque fois, aussi. Pas comme compagne. Pas comme amante. Aujourd'hui, il faut se le dire : on est défaits l'un pour l'autre.*


Nous étions complices, nous sachant sur le bout des doigts, du moins le croyais-je. Il y avait avec toi le sentiment d'être chez soi, dans ses chaussons, sans devoir paraître ni mentir ni tricher. Il y avait chez nous une tendresse assurée, qui nous permet d'échanger sans se haïr, cette fois. J'étais persuadé que tu me savais sur le bout des doigts, que tu me comprenais sans qu'il me doive parler pour cela. Je m'aperçois, à la lecture de ta lettre, que ce n'était pas le cas, ou alors que tu ne m'as pas entendu, même si tu m'écoutais. Oh, je ne t'en veux pas ; j'ai tout de même eu un pincement des lèvres de voir qu'à nouveau, tu te laissais aller à une déclaration pour un autre, dans une lettre m'étant adressée, quand tu sais que cela m'avait semblé inopportun et inélégant il y a deux ans. C'est à lui que tu dois dire les mots que tu retiens ; moi, je les dis comme je les pense, tu devrais en faire de même.

Tes lettres me rappellent celles que tu m'écrivais il y a deux années ; la différence c'est que moi, j'ai changé. Et je ne veux pas la guerre, ni que nos face à face deviennent des torts à torts. Tu écris que tu nous accompagnes à chacun de nos pas et je réalise que moi, je n'imagine pas les tiens, les vôtres et je ne m'en sens pas coupable. Je ne veux pas interférer dans ton avenir, quand notre passé est si imparfait de n'être plus composé. C'est au conditionnel que j'imagine tes journées, que je les invente pour les offrir en récits épiques à notre fils Alexandre ; Maman est au travail, lui dis-je, et il opine d'un air trop grave, comme s'il comprenait l'obscure notion de devoir. Il t'envoie un baiser soufflé où que tu sois avant d'enserrer son chiffon de lin contre sa paume et de s'endormir ; sa dernière pensée éveillée est chaque fois pour toi, la première de ses nuits rêvées l'est sans doute également. Peut-être que si tu envoyais l'une de tes chemises ou quelque chose de cet acabit, il pourrait avoir ton parfum avec lui quand il dort. Ca m'a hanté, moi, quand j'ai perdu ma mère ; j'en suis devenu parfumeur.

Sois rassurée ; Il va bien. J'espère que Nicolas sera bien vite apaisé.

Je te souhaite un profond bonheur, Andréa, et beaucoup de succès dans tes entreprises.

A continuer, parfois, à te manquer.

Affectueusement,


Beren.




* Grand Corps Malade, Je veux juste te manquer
** Goldman, Quand tu danses.

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Andrea_


Beren,

En deux ans, j’ai changé aussi, bien plus que tu ne le penses. Il y avait de la colère dans mes plis, de la rancœur. Il y avait de la culpabilité et l’envie de te faire payer tout ce que tu me racontais. Tu sais, jamais je n’oublierais jamais quand tu m’as dit faire nourrir notre fils par d’autres femmes.
Mes mots n’étaient pas pour rouvrir tes maux de l’époque, nous en avons suffisamment parlé. Peut être nos retrouvailles n’étaient alors que pour expier ce que l’on a vécu tout ce temps loin l’un de l’autre, pour s’excuser, peut être, des mots ou des agissements que nous avions eu alors. Mais je me plais à penser que ce n’était pas seulement ça.
Que les promesses n’étaient pas vaines, que tu y croyais au moins autant que moi. Que tu rêvais de cet enfant qui n’est pas né. Que comme moi, tu attendais ce jour où enfin tu passerais un anneau à ton doigt, en rêvant qu’il y soit glissé de mes doigts.
Que tu étais apaisé, lorsque le corps au repos et le souffle encore ébranlé tu te lovais contre moi.

Tu étais ma maison Beren. Peu importait où nous posions nos valises et qui voyageait avec nous. Peu importait la ville et qui nous croisions, une fois la porte fermée nous étions chez nous, car nous y étions ensemble. Je me demande parfois, si tu te sens chez toi où tu es. Si tu as le sentiment qu’il te manque une part de toi, ou si tu es convaincu que c’est mieux ainsi. Je suis apaisée, et je veux que tu le sois aussi.

Nicolas m’a présenté son fils, Biscotte. Et me voilà avec un galon de plus. Il est difficile de voir cet enfant au milieu de nous, quand je me suis persuadée que ce n’était pas la place du mien, du notre. Biscotte devait aller vivre à Momas, à Pau, avec Susi, mais Nicolas et Tyrell n’ont pu se résoudre à se séparer de Lui. Il est beau, vraiment, et peut être qu’en le voyant j’imagine qu’il est Nicolas, que je n’ai pas vu grandir. Nicolas réussit là où j’ai échoué, et je suis fière de Lui, plus que jamais.

La chemise en contre pli est l’une de mes préférées, je l’ai porté la nuit dernière, et y ai mis quelques gouttes du parfum que tu m’avais offert, de l’eau de rose, nous n’aurons pas eu le loisir de voir naître celui que tu devais m’offrir, et j’espère cependant que tu pourras rapidement cette activité que tu aimes tant. J’y ai aussi glissé quelques cailloux et coquillages, nous continuons à loger la mer, même si l’automne déjà rend l’eau beaucoup trop fraiche pour un bain. Le petit lien de cuir lui servira de bracelet, quand tu jugeras qu’il sera assez grand pour l’arborer, je porte le même.

Les choses sérieuses commencent bientôt me concernant, et quoiqu’il advienne, dis lui que je l’aimerai toujours. Ne lui mens pas, s’il devait m’arriver malheur.

Sois heureux Beren, car de ton bonheur dépend celui de notre fils désormais,
Tendrement, à vous quatre

Andréa.

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Beren




Argentan, le 25ème d'octobre 1467


Andréa,


J'ai eu ton courrier la veille de ce jour où tu pensais mourir ; je n'en ai rien cru, évidemment. Comment peux-tu encore craindre périr sur les chemins ? Toi qui as toujours su danser avec le danger, tu ne te laisses mordre que par la flamme de la passion charnelle, pas par la douleur cuisante des épées.

Il semble que la mort elle-même me refuse une valse intime. Nous effectuons actuellement une escorte et semblons tanguer dans un petit tango avec une armée étrangère. Nous nous frôlons souvent, et lorsque nous pensons nous croiser pour un corps à corps fiévreux, le sort s'obstine à nous faire bifurquer, nous repousser comme des aimants trop proches.

Enfin, nous ne cherchons pas non plus à nous faire égorger. Simplement, nous nous sommes engagés à rendre service et avons quitté Blois pour l'Alençon, un temps. Nous semblons revenir sur nos pas, et puis faire ensuite l'inverse ; je ne m'inquiète pas de la route sinon pour m'assurer que tout le monde voyage en sécurité. Je ne choisis pas l'itinéraire, j'ai accepté pour aider.

J'ai croisé Jiveli, c'est vrai, et ça m'a fait plaisir. Il y avait ce tournoi à Blois, et Sofie était là mais j'aurais trouvé déplacé d'aller la saluer alors je n'en ai rien fait. Je n'aurais pas osé avec Jiveli non plus, mais c'est elle qui est venue. J'aurais été bien bête, si j'avais persisté à me reclure un peu.

En ce qui concerne ce testament que tu m'as envoyé... Nous en reparlerons, si tu veux. Je suis assez surpris que tu aies voulu que j'en sois le légataire. J'ai du mal à saisir pourquoi tu veux que ce soit moi, j'avais cru comprendre qu'Aertan était plus que ce que tu imaginais au début. Tu te dis apaisée. J'ai eu une légère tension de lire ton "je suis apaisée", trois lignes après m'avoir dit ce que tu imaginais être l'apaisement : corps fourbu, souffle chaotique, corps lové à l'autre. Je n'ai pas envie d'imaginer tes apaisements, Andréa.

Enfin, pour l'heure, tes volontés sont conservées par principe, parce que je crois que ça te rassurera sans doute de les savoir en sécurité, que ça te libérera peut-être l'esprit, avant un combat. Comme une sorte de "je peux y aller, c'est réglé", peut-être.

Va d'un pas assuré, tes arrières sont gardées. Légalement, du moins, pour ce que j'en peux.


Beren.

PS: J'ai bien confié la chemise que tu avais envoyé dans ton courrier d'avant à Alexandre. Ca l'apaise beaucoup, je crois ; ses nuits sont plus calmes.




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Andrea_




Beren,

Que me restera-t-il le jour où je n’aurais plus peur de la mort ? Peut être le serais-je déjà, au fond. L’armée ne nous aura finalement jamais rattrapés, et je vis encore. Il faudrait cependant que je pense à me tourner vers la religion, histoire que mon enterrement ne soit pas qu’un vulgaire corps jeté dans un trou. J’imagine une cérémonie à l’église, bien longue, bien ennuyeuse, si possible en plein hiver, histoire que tout le monde se dise « ah, elle nous aura fait chier jusqu’au bout celle-ci ! ».
Vois, il me reste encore quelques petites choses à organiser avant de trépasser.

Nous sommes passés par Blois, voilà quelques jours, je ne te cache pas qu’après la missive de Jiveli m’y indiquant votre présence, j’avais bon espoir de serrer mon fils dans mes bras. Je me contenterais d’y penser très fort, tant que les songes m’accorderont quelques interludes à ses côtés. Je ne vois pas en quoi il aurait été déplacé d’aller saluer Sofie et Jiveli, elles ne mordent pas –bien que j’ai un doute concernant Jiveli-. Cette dernière devrait d’ailleurs nous rejoindre bientôt.

Il est possible que nous passions vers Toulouse, bientôt, aussi je voulais te prévenir qu’à cette occasion je débarrasserai le moulin de mes effets personnels. N’y voit pas une quelconque attaque, ce n’est plus mon foyer désormais, et si l’envie te prenait de t’y établir avec une autre personne, il serait fâcheux qu’elle dût pousser mes fringues pour y mettre les siens. J’y garde mon appartement, un pied à terre où je pourrais accueillir les enfants, quand tu auras retrouvé le chemin de ton havre de paix.

Concernant le testament, il n’y a rien à reparler, car il n’y a rien de négociable. La totalité de mes effets reviennent à mes enfants, tant que c’est toi qui les élèves, c’est Toi, qui dois en avoir la jouissance. Qu’ils ne manquent de rien, et qu’ils puissent, une fois adultes, jouir des richesses de leur mère. Rien n’a changé concernant Aertan, il est, en effet, bien plus que ce que j’imaginais au début, à Lui je donne de mon vivant, pour qu’aucune autre après moi ne puisse l’enrichir plus que je le fais.

Je suis apaisée Beren. Pas de ces apaisements dont tu parles, pas de ceux que tu ne veux pas imaginer. Je suis libre, j’arpente le royaume, je pose mes bagages quand bon me semble. Il y a de la peur et des frissons, des rires et des rencontres, il y a ce que je suis, en somme. Il y a des plans sur la comète et la réalité qui me ramène sur Terre.
Il y a Maurice et ses coussins, Tafar qui loge dans une poche –une grande poche quand même-. Il y a une Italienne un peu gitane, et une Dame blanche. Il y a Archibalde –oui, LE ARchibalde-, imbuvable et un peu amoché, on devrait tous avoir un infirme dans son entourage, surtout s’il est imbuvable, ça permet de relacher la pression et d’avoir un bouc émissaire. Il y a un empoisonneur un peu rustre. Il y a Vran et son égoïsme tellement flagrant qu’il n’ose même pas se payer à boire, des fois qu’il se ferait un coup dans le dos. Il y a Tyrell, Biscotte et Nicolas. Une drôle de petite famille. Mon sang, ma chaire, et que c’est dingue de se dire qu’ils ne seraient pas là sans moi. Que c’est dingue Beren, d’avoir donné la vie à un si petit être et de voir aujourd’hui quel homme admirable il est. Je suis si fière de Lui. Et il y a Aertan, bien sûr.


Je vais d’un pas assuré vers un ailleurs où je ne sais pas ce qui m’attend, encore persuadée que le meilleur reste à venir, si tant est que ça soit encore possible. La vie m’a tellement gâtée, j’ai eu ma part, et bien plus à tant d’égards.*


Sois prudent, continue de bifurquer, il parait qu’au bout d’un moment, on revient au point de départ,
Andréa.

PS : Pense à remettre un peu de cette eau de rose sur la chemise d’Alexandre, s’il te plait.


* Céline Dion, encore un soir.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Beren
Un pli, encore. Un petit dernier. Pour la route, pour le passé, pour l'avenir. Quelques mots encore, quelques griffonnages d'encre d'encore sur un parchemin qui n'aura pas besoin de plus d'une ligne noircie pour transmettre son message. Un petit mot, rien de plus, un point final. C'est bien assez, maintenant ; ça suffit.

Il ne serait pas ce légataire, parce qu'il ne voyait aucune raison à cela. Il était tout à fait capable de s'occuper financièrement de leur fils et il n'avait, du reste, besoin de rien.

Il était grand temps maintenant de mettre fin à cette comédie consistant à recevoir des plis de rien concernant des gens qu'il ne connaissait pas, à envoyer d'impersonnelles nouvelles qui ne disaient rien de lui. Et puisqu'elle irait à Toulouse récupérer ses affaires...





Pense bien à refermer cette porte derrière toi.

B.

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