L_aconit
- - Padoue. Vénétie. Italie. Hiver 67 -
Il fait froid en cette fin de journée , dans la campagne vénitienne. Le groupe - parmi lequel une jeune mère et son nourrisson - n'a pas eu le choix que de monter à cheval, les relais étant pris d'assauts et les voiture indisponibles. Essieu branlant, roue peu confiante, de quelques nature qu'ils soient, les ennuis sont toujours là où l'on ne les attend pas. Si Perceval, Adrian et Tabouret ont le sabot sûr - ce dernier ouvrant la file indienne en éclaireur - , Solyaane et Faust eux, traînent la patte. L'une affublée du fils prodige, petit paquet enveloppé de toutes les précautions, l'autre, myope et lourdement handicapé aux premières lueurs du jour fuyant.
Certes, ils auraient pu gagner Venise de jour, se déplacer toute la journée à la bénédiction du Soleil. Oui mais voilà. Venise est une ville sous haute sécurité. L'on n'y accède plus depuis des mois que sous le regard scrutateur des armées, armé d'un seul laisser-passer, et ce pour un temps très limité. Lorsque la nouvelle était tombée, Tabouret Victorieux, pas peu fier d'avoir obtenu le précieux sésame qui n'était habituellement pas accordé aux étrangers, avait sonné le départ: C'est un jour et pas un de plus, et ce sera demain.
Venise a son prix: celui du petit trot. Qu'il pleuve, vente, ou qu'il fasse sombre comme dans le trou du foin d'une belette. Fait inhabituel , Alphonse était tant emballé à l'idée de montrer la ville à Montfort, qu'il avait emporté tout le monde dans sa liesse. Avait-on calculé les risques? Point. Nous serions arrivés à bon port en quelques heures. Si tout allait bien...
En file indienne, le groupe avait laissé le confort de leur auberge près de la basilique Di San Antonio pour une traversée rapidement menée. En théorie. Tabouret en tête, Faust fermant la marche et gardant bon oeil - qu'on dit - sur le petit précieux. Antoine à son côté, bras fermement arrimés à ses hanches.
L'odeur de la campagne avait changé. Laissant place à ce fumet humide du soir qui prend sa part, étend son voile sur les sentiers, et ne laisse qu'aux cimes la découpe lointaine d'une lueur. Un dais épais s'était peu à peu abattu sur la ligne humaine, qui avait peut-être négligé la vitesse modérée dûe à ses petits voyageurs. Un arrêt au sein. Un arrêt pour soulager une petite vessie. Un arrêt pour un beau caillou , indispensable...
- Fausto. J'ai envie de faire pipi.
- ... Encore?...
Moment de solitude numéro 23. Peut-être aurait-il du laisser l'enfant au cheval de son père. Peut-être qu'en insistant, il aurait pu le convaincre que "non, veiller sur Melvil le temps du voyage n'était pas indispensable à deux". Peut-être qu'il aurait été crédible, quand il le veillait déjà à deux, et à trois, jour et nuit depuis les quelques jours les séparant de sa fraîche venue au monde... Faust Ralentit la cadence, rênes raccourcies, tentant de trouver un endroit propice pour un arrêt minute. Perdant de vue Solyaane.
- Attends un peu que l'on aperçoive au moins la rivière Bacchiglione, avec l'eau à tes pieds, je te garantis que tu vas vider ta vessie et ne plus avoir besoin de l'épancher jusqu'à Venise... J'espère.
- Est-ce vraiment vrai, que le Saint Patron de Padoue s'appelle Antoine?
- Vrai de vrai.
- Est-ce vrai, que Saint Antoine de Padoue peut nous aider à retrouver ce que l'on a perdu?
- Vrai de vrai.
- Est-ce que si je le prie, je pourrais retrouver Arnoul....
Faust, désarçonné par la question, tourna un peu le menton vers l'arrière, plissant le cou un peu renfrogné pour tenter d’apercevoir le visage de l'enfant et talonna son cheval pour arriver plus vite à la rivière.
- VLAN!
Une branche vint lui fouetter le visage de plein fouet. Miro, au soir tombant pernicieusement, n'avait rien vu venir. La chute fut immédiate.
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