Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Entre Renarde et Molosse

Helvalia
Tours, 30 octobre 1467


Spoiler:
Blois
Saint-Aignan
Chateauroux
Guéret
Bourganeuf
Limoges
Tulles
Aurillac
Rodez
Millau
Lodève
Montpellier

Tu pourras m'faire porter un courrier à ces destinations. En Anjou, fais écrire à l'Assommoir à Craon, ou dans l'bureau du Connétable à Angers. Prend soin d'toi, et d'ta santé mentale aussi, au passage. Puisque j'en suis le garant, normal que j'm'en inquiète.

J'attend le portrait avec impatience. Presque autant qu'le reste.

Jehan.


    Un coursier est payé, peu avant le départ, pour remettre la missive. Elle est accompagnée d'un petit paquet, qui contient une fiole d'huiles, les mêmes dont elle inonde ses bains, sucrées et épicées, et un sachet d'herbes.

Citation:

Au Géant,

J'essaierais de prendre de l'avance pour ne pas que mes lettres loupent votre passage. En remerciement de ma prévenance, tu pourrais me le dire, si vous brûlez des trucs en route, que je puisse me vanter de connaître le pyromane si les rumeurs viennent jusqu'à nous.

Je crains que tu ne t'ennuies en chemin, alors j'ai pensé à toi. Doucement sur les herbes, le dosage est plus fort que celui qu'on a goûté ensemble. Quant aux huiles, il m'a semblé que le parfum te plaisait... Tu peux toujours tenter d'attirer les gueuse des remparts -il me semble que ce sont tes mots- en leur offrant le flacon.

S'il te plaît, ne l'offre pas à une rousse.

Soyez prudents sur la route,

Hel'

_________________
Jehan_
Une taverne quelconque, à Blois. La crinière grisonnante, détrempée, a été rejetée en arrière pour ne point tremper la feuille. La plume trace son chemin, écriture incertaine, celle d'un homme qui a appris tardivement à écrire et qui manie plus souvent la bâtarde et l'écu que l'encrier et la plume.




Hel',

Je te réponds depuis une obscure taverne orléanaise. L'ennui est si intense que j'en regrette les conversations écervelées des nobliaux tourangeaux.
Je tâcherai de te donner des nouvelles détaillées de nos exploits, si tant est qu'ils vaillent la peine d'être racontés, pour te permettre de briller en société.

Merci pour tes deux cadeaux. Ils sauront rendre plus agréables les soirées de solitude au coin d'un feu de camp. L'un, en m'offrant un sommeil sans rêve et en ravivant le souvenir des étreintes, sur les bords de Loire ou lors de notre nuit commune. L'autre, en ravivant le souvenir du goût de ta peau sous mes lèvres. Je compte donc bien garder le flacon ; te proposer un bain à mon retour me paraît être un meilleur investissement que séduire pour une nuit une quelconque putain, rousse ou non.

Fais porter ta prochaine lettre à Saint-Aignan. Nous y serons demain à l'aube. J'ai la plume moins acérée que la lame, mais je tâcherai de te répondre tout de même.

Jehan



La missive est confiée, poignée d'écus en sus, à un coursier monté. Une pointe d'impatience à l'idée de la réponse, noyée dans un fond de mauvaise gnôle.
Helvalia
Tours, 2 novembre 1467


    L'aube se lève tout juste lorsque la Renarde, attablée devant une tisane dans une taverne vide, prend la plume pour rédiger la première missive de cette nouvelle correspondance. Le faux-départ, inespéré, n'a pu être apprécié à sa juste valeur. Il faudra désormais se contenter d'écrits, durant tout le mois de novembre.

Citation:
    Jour un.

Au Géant,

J'avais commencé, hier, la rédaction d'une missive à ton intention, quand bien même j'ai tenté de m'en défendre. Je l'ai froissée, songeant que les mots qui y étaient couchés n'avaient plus lieu d'être, (...) puisque tu étais revenu sur tes pas... Mais l'insomnie m'a encore tirée trop tôt des bras de Morphée ce matin, et savoir que je n'ai aucune chance de t'attirer en taverne , même en ouvrant les bouteilles les plus infâmes de Tours, me rend bien plus lasse que je ne l'aurais cru.

Il est tôt, à l'heure où je t'écris, trop tôt pour avoir vraiment des nouvelles à t'apporter, des choses à te raconter. J'ai passé la nuit à la belle étoile, dans une vieille tour de garde en ruines, à tenter de déceler la ville dans l'obscurité. Il commence à faire trop froid pour dormir dehors, malgré le feu et les couvertures, mais c'est quelque chose que je trouve apaisant. Je ne sais pas pourquoi, j'ai la sensation parfois qu'on est plus en sécurité en pleine campagne (alors que des types comme toi y rôdent pour nous détrousser) que dans la chambre douillette d'une auberge.

J'iamgine que ça t'arrive souvent, de dormir dehors ? Vous avez eu le temps de dormir, ou bien avez-vous voyagé toute la nuit ? Nous prenons la route ce soir, je ne sais si on dormira dehors...

Hier, tu disais trente jours. Je compte chacun d'entre eux, ne sois pas en retard.

Hel.

_________________
Jehan_
Le même jour, quelque part entre Touraine et Poitou.



Hel,

Ta missive me trouve dans les ruines incertaines et lugubres de ce qui semble être une vieille bergerie, un peu au sud de Loches. La bâtisse est abandonnée depuis bien des années, mais elle suffira sans doute à abriter un nouveau genre de bétail pour la journée. La désertification du royaume a cela de bon, au moins, qu'elle multiplie les abris pour les maraudeurs de passage. Si nous en sommes au moins protégé des caprices des cieux, le sol n'en reste pas moins dur pour ma vieille carcasse. Ce sera sans doute là un excellent prétexte pour raviver la sensation de tes doigts agiles sur ma peau, à nos retrouvailles.

Je n'ai pas grand-chose non plus à te raconter, pour tout dire. Pipe empruntée à la Magnifique entre les mâchoires, ton chanvre brûlant doucement dedans, je me prépare à sombrer dans les bras de Morphée. Mais avant cela, je dois encore ennivrer mes sens du contenu de ton flacon ; ainsi, avec un peu de chance, le semi-sommeil de la journée, à même des tommettes crasseuses, sera remplacé par le souvenir d'une nuit brûlante et de ta peau sous mes lèvres.

Il reste moins de trente jours, à vrai dire. Vingt-sept, vingt-huit, j'ai perdu le compte. Mais peut-être cèderais-je à la tentation de venir te ravir à Tours, dès mon retour, afin de gagner quelques jours précieux, quelques nuits brûlantes.

Tu peux m'écrire à nouveau ce jour, si le coeur t'en dis. Ton coursier connaît notre repaire de fortune. Ne le paye pas davantage, je me suis déjà chargé de glisser dans sa pogne une bourse rebondie, largement de quoi justifier d'avaler trente lieues au triple galop.

Jehan


De l'urgence immédiate, ensuite, de sombrer dans le sommeil sans rêve offert par le chanvre, souvenir d'un parfum, du goût d'une peau fraîchement ravivés aux tempes grisonnantes
Helvalia
Citation:
    Jehan,

N'avez-vous pas pensé à transporter des fourrures, des couvertures, pour vous protéger du froid ou de la dureté du sol ? J'ai bien fait, finalement, de ne pas me joindre à vous, je crois que j'ai fini par m'habituer à une certaine forme de confort... Peut-être aurais-je pu m'alanguir sur ton corps abîmé, ton torse comme rempart entre la rugosité des vieilles pierres et ma peau. Mais il me semble que tes nuits, sur les routes, sont déjà partagées.

En ce qui me concerne, je vais rassembler mes affaires aujourd'hui, pour le départ de ce soir. J'ai rendez-vous dans l'après-midi avec un client, de quoi remplir un peu ma bourse pour faire des emplettes en route. J'espère que Limoges sera à la hauteur de mes espérances, bien que je ne sache pas exactement ce que j'espère...

Je ne sais pas si je serais encore à Tours dans trente jours, dans vingt-sept non plus. Mais je m'assurerais de me trouver non loin de l'Anjou, pour ne pas manquer à ma promesse. Quoiqu'il en soit je te tiendrais au courant de mes déplacements, il serait regrettable que tes missives ne sachent plus me trouver. Où vis-tu, en Anjou, d'ailleurs ? Je suis curieuse de voir la demeure du futur Duc, fusse-t-elle une cabane dans les bois, à moitié rongée par les herbes. (...)

J'espère avoir bientôt de folles aventures à te raconter, pour t'écrire plus longuement.

Hel'.

_________________
Jehan_


Hel,

Je dois avouer avoir ressenti une forme de soulagement en voyant le coursier amener ton courrier à bride abattue, juste à temps pour occuper mes longues heures de garde, après un vague sommeil roulé dans mon mantel. Sans doute, ton corps chaud et si délicat lové contre moi aurait rendu la chose infiniment plus supportable. Te lire et te répondre sont assurément deux moyens parmis les plus agréables de faire passer le temps et de laisser l’esprit vagabonder, vers les souvenirs d’une balade sur les bords de Loire, sur le port fluvial ou d’une nuit nichée sous tes draps.

Je ne sais guère trop non plus ce que je cherche à Montpellier. La ville a la réputation d’être un bordel géant ; et si cela ne m’est en soit pas désagréable, la présence de la faune qui côtoie habituellement les putains m’intéresse bien plus. C’est souvent dans les bas-fonds qu’on trouve les personnes les plus intéressantes -parole d’un Pique adressée à une catin.


Dis-moi en effet ou tu seras. Peut-être tes pas te rapprocheront-ils de nous, peut-être pourrons-nous nous rejoindre plus tôt, gagner quelques jours pour des retrouvailles qui, je me plais à le croire, nous impatientent tous deux.


Ma demeure n’a rien de bien notable. Une maison à l’équilibre incertain, qui donne sur la grande-place d’Angers. J’y ai passé si peu de temps que mes meubles sont encore en vrac, dans un coin. Je te mettrai sans doute à contribution pour l’aménagement, je fais plus confiance à tes goûts qu’aux miens pour cela. Ma couche est étroite, mais je suis certain que tu verras davantage cela comme un prétexte à rapprochement que comme un défaut.


Prends garde, sur la route. Je ne sais pas ce que valent les talents de bretteur de Léon, et je m’en voudrais de devoir ravager la moitié du royaume pour retrouver ceux qui auraient eu la mauvaise idée de lever la main sur toi.

Jehan


Le grattement de la plume sur le parchemin brise, une fois n'est pas coutume, la monotonie d'un tour de garde. Resserrant un peu son lourd mantel autour de ses épaules, les jais perdu sur le feu de camp, brun étire dans sa barbe un discret sourire.
Helvalia
Loches, 3 novembre 1467


    Installée dans l'herbe, à l'ombre d'un pommier, panier rempli de fruits posés non loin d'elle, la Renarde profite du calme de l'endroit, et des températures clémentes, pour la rédaction de sa missive quotidienne.

Citation:
    Jour deux.

Jehan,

Ainsi donc tu souhaites de la lecture pendant tes tours de garde ? N'es-tu pas censé scruter l'horizon, et ne rien faire d'autre que guetter d'éventuels ennemis. Ne te moque pas de moi, je n'ai pas la moindre foutue idée de ce à quoi on s'occupe pendant un tour de garde, laisse donc mon imagination foisonner comme elle le souhaite. Je te visualiserais donc perché sur un rocher, une main en visière au-dessus de tes yeux, à scruter le lointain d'un air grave... Mais si tu le désires, je peux tâcher de glisser dans ma prochaine missive une histoire ou deux, et même des illustrations pour ravir tes yeux.

C'est du recrutement, que vous espérez faire à Montpellier ? Quoiqu'il en soit, en-dehors de ses bordels, on m'a dit que la ville était particulièrement animée, je suis certaine que vous ne vous y ennuierez pas. Il y a un port, là-bas, des bateaux qui arrivent du monde entier, il paraît... Si tu vois sur le marché quelque chose d'original, d'exotique qui pourrait me plaire -je me fie à ton jugement-, s'il te plaît prends-le pour moi. Je te rembourserais à ton retour.

Tu es bien confiant de me laisser le soin d'agencer ta demeure, j'ai peut-être, pour ce que tu en sais, les goûts les moins sûrs du Royaume ! Mais soit, je me prêterai donc à l'exercice, libre à toi d'ôter la décoration douteuse que j'aurais pu ramener, une fois que je quitterais les lieux. Je ne crois pas être jamais allée à Angers. Est-ce que c'est joli, animé ? Est-ce que ça me plairait, tu crois ?

Quant à moi, nous avons pris la route, enfin, cette nuit. Sans encombres, pour l'heure, et je ne suis pas mécontente d'être partie, je commençais à m'engourdir. Cela dit, je ne voudrais pas ravir le futur Duc d'Anjou à sa tâche, aussi je ferais de mon mieux pour ne pas m'attirer d'ennuis... Ou bien pour m'assurer que les ennuis en question ne parviennent pas à tes oreilles.

Vingt-huit jours. Ne bouscule pas mon décompte. Je préfère être agréablement surprise que nos routes se recroisent plus tôt, que déçue de t'attendre sans te voir arriver. Tu l'as dit toi-même, je suis trop sensible, imagine l'état dans lequel ça me mettrait.

Hel'.

_________________
Jehan_
3 novembre, à quelques lieues de Limoges.

Le vent s'engouffre, non pas dans les plaines armoricaines mais dans les interstices des volets de bois largement fendus de la vieille bicoque. Une vieille auberge abandonnée, bouffée par l'humidité qui s'écoule inlassablement d'un toit depuis longtemps pourri et à demi-effondré. Le crissement de la plume qui court sur le parchemin est étouffé par les plaintes du vent et le crépitement d'un feu incertain.




Hel,

J'avoue avoir sourit en lisant l'image que tu te fais de moi en plein tour de garde. N'y vois aucune malice, c'est simplement que je suis plus habitué à être décrit sous les traits d'un fauve, d'un ours ou d'une marmotte pour les plus imaginatives que sous les traits d'un rapace scrutant l'horizon. Drôle d'histoire que ce dernier surnom, d'ailleurs. J'espère avoir l'occasion de te la raconter, un jour, ton minois niché au creux de mon épaule, ensevelis sous quelques étoffes. Pourquoi pas maintenant ? Car, si une moquerie devait franchir tes lèvres en m'entendant, je compte bien bien pouvoir la faire taire dans un soupir.

A vrai dire, monter la garde, pour les Piques, cela signifie essentiellement préserver ses maigres effets de la convoitise de ses comparses. Je me défie tout spécialement de Yap, qui me regarde avec un air encore plus torve qu'à l'ordinaire. Je crois qu'elle n'a pas apprécié que je tape dans ses économies pour venir me nicher entre tes cuisses. Quoi qu'il en soit, cette charmante occupation, aussi typiquement Pique soit-elle, me laisse largement le temps de laisser mon esprit vagabonder. Je suis donc curieux de voir ces illustrations. Les feras-tu toi-même ?

J'ignore ce que nous allons chercher à Montpellier, si ce n'est des vivants qui ne fuient pas dès qu'ils entendent le mot "angevin". Nous sommes exigeants, je sais. Une histoire de butin de Yap, également. J'espère bien trouver quelques originalités à te ramener en effet, quoi que j'ignore à peu près tout des richesses de la ville.

Je réalise, en me relisant, combien ma missive est déjà longue. A croire que tu as su déceler une vocation épistolaire sous la carapace du mercenaire à la retraite.

L'Anjou est calme, pour l'heure. La plupart des angevins sont partis visiter les terres de nos chers voisins, avec des intentions hostiles plus ou moins prononcées. La ville s'étale paresseusement sur les rives de la Loire. Je mentirais en disant qu'elle n'est pas belle, mais je suppose que tous les parias dans mon genre trouvent le plus infâme coin de terre magnifique, quand il devient leur patrie.
Je ne veux pas trop te compter les beautés sauvages de l'Anjou rebelle. Je pense qu'elles gagnent à être vu, pour qui sait trouver de la beauté même dans les âmes et les paysages les plus sauvages et rustiques. Vu notre correspondance, je pense que c'est ton cas.

Nous ne sommes plus qu'à une demi-journée de marche de Limoges. Mon cheval est fourbu après avoir supporté ma grande carcasse, nous continuons donc à pieds. Pour la journée, nous avons trouvé une vieille auberge, abandonnée depuis longtemps. Je vais enfin sombrer dans le sommeil, ton parfum épicé fraîchement rappelé à mes sens, pour hanter mes quelques heures de sommeil d'agréables rêveries en ta compagnie, je l'espère.

Ne t'en fais pas, j'honore toujours mes promesses. Surtout quand elles impliquent la réalisation de celles qu'une renarde m'a faite.

Jehan


A nouveau, sombrer dans un sommeil peu réparateur, la tête calée sur la besace contenant les maigres possessions de valeurs.
Helvalia
La Trémouille, 4 novembre 1467


    Une fois n'est pas coutume, c'est à nouveau le comptoir usé d'une taverne qui accueille le vélin noirci d'encre. Comme s'il fallait que l'atmosphère embaume l'alcool et la fumée pour que vienne l'inspiration. A côté de sa plume, un petit tas de missives, chacune plus longue que la précédente, et que la Renarde relit chaque fois pour se remémorer leur échange, pour donner à leurs écrits des airs de discussion suivie, plutôt que de simple carnet de bord.

Citation:
    Jour trois.

Marmotte, puisque c'est ainsi qu'il faut te nommer.

Je n'aurais jamais pensé, vois-tu, que tu doives te méfier même de tes compagnes de voyage. J'avais jusqu'alors la naïveté de penser que vous saviez vous épargner les uns les autres. D'ailleurs, je ne savais pas non plus que Yap avait payé pour notre nuit ensemble, ça ne m'étonne pas qu'elle n'ait pas voulu que je prenne la route avec vous, elle devait craindre de finir ruinée ! Oserais-je admettre que je suis un peu déçue ? Je ne valais donc pas suffisamment à tes yeux pour que tu veuilles délester un peu ta propre bourse ? Je saurais m'en souvenir, sois-en assuré.

Je ne voudrais pas me vanter, mais il me semble avoir trouvé sous ton masque bien d'autres choses que tes désirs d'écriture. Et je suis d'ailleurs convaincue qu'il m'en reste d'autres à découvrir encore.

Il n'est aucun lieu, je crois, que je ne trouve pas beau. Seulement la beauté peut prendre différentes formes, il suffit d'être prêts à les déceler. J'ai même trouvé Loches charmante, pourtant Dieu sait à quel point nous nous y sommes ennuyés. Il n'y a, là-bas, aucune animation, même le marché semblait déserté par les habitants. Pour être honnête, je crois même que les paysages sauvages, comme tu le dis si bien, me plaisent plus encore que ceux sur lesquels l'Homme, partout, s'est étalé. La nature a l'état brut est d'une splendeur sans nom.

Je commence à m'inquiéter, en revanche, de ma propre destination. J'ai reçu ce matin une missive, d'un Ibère rencontré à Tours, qui me contait à quel point Limoges l'avait déçu. Si vous y êtes arrêtés aujourd'hui, rassure-moi je t'en prie, et dis-moi que je n'ai pas insisté à ce point pour un voyage inutile. Enfin, le voyage vaudra toujours le détour, ne serait-ce que parce qu'il me permet de changer d'air et de décor, mais j'aimerais autant que Léon ne soit pas trop déçu d'y être retourné pour un caprice de ma part. Il n'avait d'ailleurs pas l'air enchanté à cette idée.

Je suis curieuse de savoir de quelle façon tu utilises le flacon d'huile que je t'ai offert. Te contentes-tu de l'ouvrir pour en humer les effluves avant de sombrer dans le sommeil ? Ou bien en parsèmes-tu quelques gouttes sur ta peau, sur un vêtement peut-être ? Tu ne cesses d'espérer que le parfum me permettra de peupler tes rêves, mais tu ne m'as pas dis, Jehan, est-ce que cela fonctionne ?

Prends garde à toi sur les routes.

Helvalia.

_________________
Jehan_
Limoges, le même jour. Taverne municipale.

Ce jour, le crissement de la plume, parfois maladroite, sur le parchemin se mêle au bruit des godets posés sur la table de bois brut et de la conversation avec une locale. C'est qu'il s'agit, parfois, de socialiser un peu, ne serais-ce que pour se rappeler combien, au final, on est bien entre angevins.



Hel,

Rappelle-moi, si je l'oublie, de rougir la chute de tes reins de ma main, lors de nos retrouvailles. En... Récompense, pour m'avoir nommé Marmote. J'étais pourtant sûr que tu saurais trouver d'autres surnoms plus dignes de nos étreintes, de nos promenades et de nos ivresses. Oserais-je, à mon tour, être un peu déçu ?

Je t'écris, cette fois, depuis une taverne de Limoges. Je sais bien qu'à une heure aussi matinale, seuls les désoeuvrés ou les ivrognes traînent en taverne, aussi je tâcherai de te donner des nouvelles en fin de journée. Mais, pour l'heure, l'ennui est palpable. J'ai bien croisé une habitante, qui s'est immédiatement plainte à moi de l'ambiance de la ville depuis que la maire actuelle a été élue. Une romano, de ce que j'ai compris, mi-putain mi-diseuse de bonne aventure. Mais qu'est ce que j'y peux, moi, si la pleureuse a eu le mauvais goût de vivre et d'habiter en-dehors d'Anjou ?

Le souvenir de ton corps souple et chaud, du goût de tes lèvres et de ton parfum hante en effet mes nuits. De quelle sorte, je garde ces détails inconvenants pour enflammer tes tempes, à nos retrouvailles. Faut-il que les 27 jours prochains me paraissent si longs, interminables, pour qu'humer les effluves de ton parfum glisse de si douces pensées entre mes tempes ?

Je suis ce jour à la taverne municipale. Pour une fois, nous nous mêlons aux locaux. Et puis, j'ai paerçu les campements de deux osts royaux, dont celui du Grand Connétable. Je ne désespère pas de lui mettre un peu de plomb dans la cervelle, à ma manière, que tu devines déjà sans doute.

Jehan
Jehan_
Le même jour, au soir. Même taverne, comparses différents.



Hel',

Comme promis, je te redonne des nouvelles de la ville après y avoir passé la journée.

Me voilà, comme ce matin, attablé à la taverne municipale. Mais, cette fois, hasard des voyages, en compagnie d'une vieille amie irlangevine. Comme quoi, tous les chemins mènent à l'Anjou.

Je ne saurais trop te décrire l'athmopshère de la ville, mais elle n'est pas aussi décevante que je m'y attendais. Toutefois, évite de mentionner tout lien, même distant, avec les Piques. Je crois que nous avons fait forte impression. Un peu trop, sans doute, si j'en juge par une promesse comtal de nous pendre avec nos propres tripes.

Quelques faits en vrac -je t'en ferais le récit détaillé quand tu auras le bon goût de te nicher au creux de mes bras :
-Un nez presque cassé, et une belle balafre à l'arrière du crâne. Je sais désormais que ma tête est plus solide qu'une chaise. Ce qu'on ne ferait pas pour faire avancer la science...
-Le charmant museau d'une Comtesse incrusté à même le mur d'une taverne. T'ais-je déjà parlé de notre sens artistique ?
-Des retrouvailles avec une journaliste de l'AAP, ethnologue à ses heures, à qui j'avais confié la délicate mission de réaliser une enquète sur la suprématie naturelle des Angevins. Hélas, malgré mes relances musclées qui m'ont valu l'état de mon nez et la perte de deux mâchoires chez son mari et son ami, elle ne m'a toujours pas communiqué les résultats.
-Enfin, la mairesse est une ordure. Une de ces ordures que j'adore détester. Méfie-toi plus encore que son mari. Il est du genre à aimer briser le coeur des donzelles. Il répond au nom de Rolin.

Enfin, pour terminer par une note plus constructive, je voulais te demander si tes talents de dessinatrice sauraient être mis à contribution pour une affiche de campagne. Je laisse ton imagination libre pour ce qui est du texte, ou de l'image ; je pense ton goût plus assuré que le mien.

Nous reprenons la route ce soir, direction le sud, à dix lieues seulement. La Lépreuse a traînée en route, trop affairée à ramasser ses morceaux, je présume.

Prends soin de toi.

Jehan.
Helvalia
Sur les chemins, 5 novembre 1467


    La missive est froissée, ni datée, ni signée, et les mots qui y sont couchés ont visiblement été écrits à la hâte.

Citation:
UNE BALAFRE À L'ARRIÈRE DU CRÂNE ? UN NEZ CASSÉ ?!

Comment est-ce arrivé ? J'ai cru comprendre, pour le nez, mais pour la cicatrice ? As-tu trouvé un médecin pour t'examiner ? Comment pouvez-vous reprendre la route si tu n'as consulté personne ? Je suis certaine que tu n'as vu personne. Tu sais que la plaie peut s'infecter ? T'es-tu fait recoudre ? Il doit bien y avoir, parmi tes compagnes de voyage, une femme capable de manier une aiguille !

Je te ferais porter des soins si je le pouvais mais je n'ai rien sous la main. Tâche de trouver, si tu y parviens, un herboriste, où tu seras demain. Il pourra te préparer un onguent, à base de consoude ou de lavande, sans doute. Selon la préparation, elle pourra te servir pour la fracture, si c'en est une.

J'aurais dû venir avec vous. Je savais que j'aurais dû venir avec vous. Comment as-tu fait pour survivre toutes ces années avec une telle propension à t'attirer des ennuis ? Tu m'avais promis de faire attention à toi, je vais passer les vingt-six prochains jours à mourir d'inquiétude.

_________________
Jehan_
[Ecriture incertaine, hâtive. Le papier est par endroits détrempé.]



Hel,
Je t'écris depuis le dos de ma monture, pour ne pas aviver ton inquiétude. Je vais bien, ne t'en fais pas. La gnôle des Piques étant aussi capable de crâmer les infections que les papilles ou les neurones, je suis à peu sûr d'être épargné par une infection.
Il paraît que mon nez, pour l'heure, me donne un air de vieux joueur de soule. J'espère qu'il ne t'effraiera pas.

Pour mon crâne, un marchand a jugé utile d'en tester la solidité à l'aide d'une chaise pour sauver sa bourse. Une banale histoire, en somme.

Ne t'en fais pas pour moi, en somme. Non pas que l'affection que tu sembles avoir pour ma vieille carcasse me déplaise, loin de là, mais je m'en voudrais trop de troubler tes tempes par de l'inquiétude.



Jehan
Helvalia
Sur les chemins, le même jour


Citation:
    Jour quatre, ressenti douze.


Jehan,

Excuse-moi, pour la missive envoyée un peu plus tôt. J'aurais dû songer qu'étant en état de m'écrire, tu ne devais pas aller si mal, mais je n'ai pu m'empêcher de m'inquiéter. Je sais, pourtant, que tu as l'habitude de te battre, bien plus que la plupart des gens, en témoignent les mille cicatrices qui parsèment ta peau... Mais j'aurais voulu être là. Je sais bien que c'est ridicule, naïf d'imaginer que ça aurait changé quelque chose ou que tu avais besoin d'aide, je suis convaincue que tu n'as besoin de personne pour s'occuper de toi. Alors considère que c'est pour moi. (...)

Je suis tout de même soulagée que tu sois en état de monter à cheval, et que tu aies pensé à désinfecter la blessure. J'abuse sans doute en te recommandant malgré tout de guetter les signes de fièvre, et d'essayer de te reposer. Tu ne suivras sans doute pas mes conseils, mais j'aurais au moins la conscience tranquille de les avoir partagés avec toi.

Je t'écris de notre campement, perdu quelque part en forêt, non loin de Limoges où nous arriverons demain. Nos pas suivent de peu les vôtres, et j'ose espérer que l'ambiance à Limoges sera encore mouvementée... Sans que j'aie, pourtant, à assister à d'autres affrontements. Je n'aspire pas au calme, mais je me passerais bien de la vue du sang malgré tout. Je profite de notre halte pour dessiner, m'essayant au portrait que tu m'as demandé, pour les élections. J'espère obtenir un résultat satisfaisant à temps pour que tu puisses t'en servir. Enfin, quoiqu'il en soit, il me semble que tu ne doutais pas d'être élu, j'ose espérer que le portrait n'y changerait rien !

Vingt-six jours, donc, vingt-six nouvelles blessures potentielles... Tâche de n'énerver personne... Non, pardon, cette requête est ridicule, tu en serais bien incapable... Tâche donc plutôt d'apprendre à éviter les chaises qu'on te jette en pleine tête.

Hel.

_________________
Jehan_
Le même jour.



Hel,

Tu es toute excusée, à supposer qu'il y ait quelque chose à excuser. Ta douceur et ton affection sont deux baumes aussi précieux que la consoude dont tu me parlais, à vrai dire. Mais, en effet, le vieux Jehan est dur au mal ; n'ai crainte, aucune blessure ne me tiendra éloigné de toi un jour de trop. Tâche donc de ne pas trop te faire de soucis, encore que je pense la requète aussi vaine que la tienne.

Mais, par pitié, cesse de torturer mes vieilles tempes en rendant plus vif encore le regret de ton absence à nos côtés. Ou, plutôt, ne t'étonne pas que, pour avoir droit à un traitement si prometteur, je laisse un quidam imprimer la marque de ses phalanges sur la mâchoire. Tu pourras te vanter d'être la première à faire déposer les armes de si bon gré à un vieux soudard.

Tu goûtes donc à ton tour aux joies des nuits passées à la belle étoile. Apprécies-tu finalement, comme tu le disais, davantage la nature sauvage aux îlots de civilisation ?
Prends garde sur le chemin. Les brigands sont légions dans le coin, parole de Piques.

Vingt-six jours, vingt-six missives. Peut-être plus, je ne peux que l'espérer. J'ai déjà hâte de tenir la prochaine entre mes mains.

Jehan
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)