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[RP] Avant, tu étais mienne. Mais ça, c'était avant.

Misan
Quinze écus ? Pour UN putain de feuillet ? Tu t'fous de ma gueule ?
Hé, tu crois que t'es où Dedieu ? Tous les produits de richards coûtent la peau d'une fesse dans le trou du cul du monde ! Abruti.

L'arnaqué tire la tronche mais dégaine l'escarcelle : quand y'en a besoin, y'en a besoin. Le dalleux désespéré est prêt à tous les sacrifices pour ken son fantasme incarné, surtout quand ce dernier fut autrefois pratiqué. Mille fois pratiqué. L'esseulé est prompt à toutes les dépenses pour remplir le vide abyssal de sa chambre. Puits sans fond.
Alors le tailleur, solitaire et affamé, les mains encore blanches de poussière, se voue à ce qu'il ne fait jamais : la correspondance. Aucun doute, le tourment est à son apogée.

Citation:
Albi, Comté de Toulouse (encore et toujours)
Le cinquième jour du mois de décembre 1467

    Helvie,

    Ca fait un moment, déjà, que tu t'es tirée, je ne sais où, pour je ne sais quoi.
    Cruelle succube.
    Que faire, maintenant, sans ta putain de merveille de corps ? Comment occuper la nuit (et parfois le jour), sans nos charnels divertissements ? Comment tuer le silence sans l'armée de tes gémissements et de tes rires ?
    Tu me manques, et pas que ton cul, crois moi. Est-il besoin de le préciser, d'ailleurs ? J'aime à croire que tu me connais après tous ces mois de sensuel "copinage". A la façon d'une épouse, tu m'as coûté une fortune, ma jolie.

    Cette lettre me coûte aussi, tant en vélin qu'en orgueil. Tu n'es pas sans ignorer que j'écris à peu près aussi souvent que tu choisis l'abstinence et, foi de moi, ça me pompe le jonc de constater qu'au bout du compte c'est bien pour de la donzelle que je débouche l'encrier. Encore une fois, je renie ma foutue fierté masculine pour tes beaux yeux effrontés.
    Chipie du Marais, va !

    Réponds-moi, s'il te plaît, que je me sente un peu moins con.
    Misan

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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    « M'dame, du courrier pour vous. »

    Michel-Edern, qui commence sérieusement à prendre ses aises au château puisqu'il se balade désormais flasque à la main à toute heure de la journée, dépose le pli sur le bureau déjà recouvert de parchemins, et quitte la pièce en sifflotant.

    La dissonance est telle, entre les souvenirs évoqués par la missive, et l'environnement dans lequel la Renarde évolue actuellement, qu'elle doit relire cent fois les mots qui s'alignent sous ses yeux, avant de songer à prendre la plume pour y répondre.

    Citation:
    Angers, Duché d'Anjou
    Le 6 décembre 1467

        Sanichou (oui, j'innove, encore et toujours),


      Si je brûle d'avoir de tes nouvelles, je tâcherai tout d'abord de répondre à ces questions que tu ne sais pas poser comme le ferait le commun des mortels...
      J'ai presque traversé le Royaume, après avoir quitté Albi, pour m'attarder quelque peu en Touraine, m'échouer à Limoges, redescendre cueillir la mer à Montpellier, avant de remonter enfin, me perdre en Anjou, d'où je t'écris.

      Quant à la raison de mon départ, tu le sais bien, au fond : je n'ai jamais su tenir en place. Il faut le vent dans mes cheveux pour m'aérer l'esprit, le froid gelant mes mains pour que je sache encore apprécier la chaleur du feu, les longues nuits passées à la belle étoile, pour mesurer ma chance de retrouver le confort d'une couche. Vois comme la crainte de rester prisonnière d'Angers durant deux longs mois -au moins- me rend poétique, Misan, c'est la mélancolie qui parle ! Un jour, je t'emmènerai sur les routes.

      Tu n'imagines pas à quel point mon quotidien s'est transformé, depuis mon départ, et si je te contais ce qui me retient aujourd'hui en Anjou, tu ne me croirais sans doute pas. Je te passe donc, pour l'heure, les détails pourtant croustillants, pour ne garder que l'essentiel : tu as l'honneur de correspondre, à l'heure où tu lis ces lignes, avec la nouvelle Connétable du Duché d'Anjou. Repose donc ta pipe avant de t'étouffer.

      A présent que je suis certaine d'avoir éveillé ta curiosité, je n'ai plus à craindre de ne pas recevoir de réponse à mon tour.

      Parce que toi aussi, tu me manques.
      Même si je ne m'en fais pas pour toi, et tes complaintes larmoyantes ne m'émeuvent qu'à moitié ; je suis certaine que les lieux où tu traînes ta carcasse sont emplis de donzelles qui ne demandent qu'à geindre sous tes mains.

      Conte-moi tout de même, je t'en prie, ce que tu deviens.

      Helvalia



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Misan
Helvania n'avait rien perdu d'une de ses meilleures capacités, toute féminine : le surprendre. La réponse le fit tout à la fois éberlué, agacé, penaud et, surtout, pantois.
Cette lettre faisait l'énoncé de trop de faits contraires à ses croyances, à l'ordre établi par son pauvre entendement, à sa vision d'elle, pour qu'il puisse y demeurer indifférent et y prêter l'importance de simples nouvelles expédiées par une amie perdue de vue.
C'était autre chose.

Citation:
Albi, Comté de Toulouse
Le septième jour du mois de décembre 1467,

    Helvie,

    La curiosité ? Des barres.
    La perplexité, le doute, le souci, oui, indubitablement.
    Si ce n'étaient tes pattes de mouches, tes surnoms improbables et tes envolées lyriques d'apprenti poète je crierais à l'imposteur. Mais c'est toi. Toi et bien toi. Alors soit.

    Ainsi donc tu fricotes désormais avec la Haute dont nous riions bien fort sous les vieux toits si pourris que nous aurions aussi bien pu nous aimer à la belle étoile ?
    Je fume moins la pipe que tu en tailles mais, sans mentir, j'ai cru à un arrêt du coeur. Connétable en Anjou, toi qui ne soulèverais pas une épée en y mettant les deux mains ? Tu es la Reine incontestée de bien des braquemarts, Renarde, mais pas de ceux là. Boudu, mais qu'est-ce qui a déconné pour que tu en sois rendue à pareilles extrémités ? Je me doute qu'avec une telle fonction tu ne pioches désormais la clientèle que parmi les noblaillons. Mais tu n'avais pas besoin, pour que tes acheteurs sentent le savon, de foutre ton nez dans les élections !
    Es-tu restée celle qui, dans la misère, partageait son quignon ? Quelle plaie ce serait que de devoir faire le deuil de cette Helvie-ci.

    Figure toi que j'ai trouvé les routes avant que tu me mènes à elle. Les chantiers m'ont peu à peu écarté d'Albi, puis de Toulouse, puis du Comté lui-même. Toi plus que quiconque, tu connais les bienfaits du bouche à oreille : le travail ne manque plus, les maîtres d'oeuvre se bousculent et mes ornementations de feuilles de vigne sont parfois très spécifiquement réclamées par des richards blindés. Je bosse actuellement et par intermittence sur le chantier de la basilique Saint-Denis. De fait, oui, je me cogne régulièrement l'enfer de Paris. Avec un ou deux avantages non négligeables, c'est vrai : si les lieux où je campe ne sont généralement pas "emplis de donzelles qui ne demandent qu'à geindre sous mes mains", la capitale se révèle très...généreuse en la matière.

    Je n'ai donc aucune raison de me plaindre : je vis. Et relativement bien. Dieu me donne du travail, du vin de paille et , en cas de nécessité, un corps de femme à honorer.
    Je crapahute à Bordeaux, sur le domaine royal et, sous peu, en Limousin. Il y a là-bas de la Comtesse qui désire me voir redonner un coup de neuf à sa bicoque. C'est sympa le coin ?
    Malgré tout, il aurait été beau de pouvoir adjoindre le petit renardeau au tableau.

    Dis m'en plus. M'en veux-tu d'ordonner ainsi à la grande Connétable ?
    Misan

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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    Le décor a déjà changé, et il n’est plus question, cette fois, d’écrire au sein du luxueux château angevin. Renarde a retrouvé ses repères, instinctives habitudes toujours tapies au creux de son ventre, et c’est d’une vieille taverne saumuroise qu’elle prend la plume, cette fois, pour répondre à Dedieu. Jointe au pli, une petite fiole d’eau-de-vie.

    Citation:
    Saumur, Duché d'Anjou
    Le 8 décembre 1467

        Misan,


      Tu ne mérites pas de ces surnoms dont je te gratifiais autrefois, tant ta lettre m’a déçue. Je dirais même mieux, tes mots m’ont peinée, vexée, j’en ai pleuré des litres de larmes, prostrée dans mon lit, et pour que tu mesures toute la gravité de tes actes, je t’en fais même porter un flacon. Ah, si avec cela tu ne vis pas une nuit d’hallucinations -merveilleuses, puisqu’elles auront mon visage-, c’est que j’ai perdu tout talent.

      Figure-toi, bougre d’âne, que c’est un Pique, qui a pris le contrôle du Duché d’Anjou. Je suis certaine que tu as déjà entendu parler des Piques, d’autant plus maintenant que tu traînes ta carcasse dans les ruelles parisiennes. J’ai donc pris une place au conseil angevin, entourée de malfrats, pilleurs de châteaux, ivrognes… et d’une lépreuse. Je ne fréquente toujours pas les gens de la haute, et pour être tout à fait honnête je garde de mauvais souvenirs de chacune de mes rencontres avec les nobliauds. Et au grand dam des bandits avec lesquels je traîne aujourd’hui, oui, Misan, je distribue toujours des biscuits à ceux qui croisent ma route, fussent-ils en train de menacer de m’arracher le sourire à coups de hache (je parle de vécu, mais je te conterai cette histoire un jour prochain).

      Tu me vois malgré tout ravie d’apprendre que la fortune te guette. Même si je suis mortifiée de déception à ton égard, je ne peux m’empêcher d’être heureuse pour toi, c’est dire si ma bonté me perdra. Mais je te l’assure, Dedieu, voyager seul -ou accompagné, d’ailleurs- ce n’est rien, en comparaison de l’aventure que représentent les routes à mes côtés. Un jour, te disais-je donc, je t’emmènerais en voyage. Et crois-moi, ce sera autre chose.

      J’étais à Limoges il y a encore peu de temps, tu n’imagines pas ma déception de savoir que nous nous serons loupés de quelques semaines à peine… Peut-être, si tu trouves en toi une once de bonté à ton tour, auras-tu le courage et l’envie de pousser ta route jusqu’en Anjou, pour visiter la Renarde.

      Puisque j’ai décidé de semer des indices au gré de mes réponses, en voici un autre : il y a un homme, dans l’histoire.

      Prends soin de toi.

      Helvalia



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Misan
Jamais le toulousain n'avait usé de tant de vélin. La proximité de sa défunte femme ne nécessitait pas ce genre dépense autrefois jugée futile. Elle était maintenant primordiale.
Il comptait, ce tendron. Quand bien même le cul rémunéré avait longtemps été la base de leur relation. Aujourd'hui, l'attachement planqué derrière la fesse blanche tendait à se manifester. Maladroitement.

Citation:
Entre Albi et Villefranche-de-Rouergue
Le huitième jour de décembre 1467


    Helvie,

    Si les larmes te viennent, c'est que, du bout de ma plume, j'écorche des plaies déjà ouvertes, des blessures que tes propres pensées t'infligent. L'émotion est étrangère à l'indifférence et elle fut toujours, chez toi, débridée. Le pli d'un ex-client, tout pétri de jugement soit-il, ne devrait pouvoir causer chez toi pareil ébranlement. Tes pleurs sont des aveux. Madame la Connétable, vous n'êtes point si épanouie que vous le prétendez.

    Tu te dis déçue. De ma lettre, de moi, des rencontres loupées.
    Mais à quoi t'attendais-tu ? Ne vois-tu pas, entre mes lignes, l'inquiétude poindre ? Cette inquiétude qui est la confession de mon affection ?
    Je peux, si tu le souhaites, louer ton succès, me parer d'hypocrisie, me faire le chantre des lauriers moissonnés. Mais voici la vérité : j'ai peur de perdre l'Helvie que je connais et de te trouver changée, un jour, au détour d'un sentier. Si tu fus si heurtée par mes craintes c'est qu'elles te tracassent sans doute aussi, ou que, du moins, elles t'ont parfois effleurée. Tu te rassures en même temps que moi, et cela fonctionne en partie, crois moi.

    La réputation des Piques les précèdent. Je ne peux donc pas t'écrire que t'apprendre en leur compagnie me fait apaisé. Je te sais bonne et je ne te conçois pas truande. Il plus aisé, cependant, de t'imaginer au sein de cette bande de dégénérés, dans cette sorte d'environnement-ci. J'espère que tu y trouves ton compte, en dépit de ton habitude de donner plutôt que de piller.

    Je n'épargne pas ton orgueil et, pourtant, j'aime à le lire. Si tu te perds, ce sera davantage dans ton adorable vanité, toute consciente que tu es de ce que tu vaux. C'est à dire plus que tout. Je prends régulièrement du bon temps avec une prostituée parisienne et vous partagez, entre autres choses, ce péché (mignon).
    Je ne doute pas des mille attraits d'un voyage en ta compagnie. Le destin est farceur et nous avons toute la vie.

    Il y a toujours un loup.
    Qu'il prenne soin de ta frimousse.

    Gaffe à toi.

    Misan

    P.S. Ta fiole me fournit plus que tu ne le penses. Je t'épargne les détails, même toi en rougirais.
    J'ai quitté Albi ce jour, le limousin en ligne de mire. Le temps de mes travaux décidera de ma bonté.


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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    Par-delà, encore, la déception, c'est presque une pointe de colère, qui perce sous la carapace mouchetée, à la lecture des lignes tracées par la main masculine. Colère mêlée d'émotion, pourtant, en un maelstrom indéchiffrable, si représentatif de la Renarde.

    Citation:
    Chinon, Duché de Touraine
    Le 9 décembre 1467

        Misan,


      Tu ne devrais pas faire de si grandes suppositions à partir d'un bien mince vélin, cela ne te réussit guère. Je crains bien des choses, Dedieu, plus encore sans doute depuis que j'ai rejoint les Piques, il est vrai, mais certainement pas de perdre ce qui fait l'essence même de ce que je suis. Je vis avec l'angoisse sourde que ces choses qui te plaisent tant, chez moi, et que tu crains de voir disparaître, ne soient plus acceptées, qu'elles ne soient pas à la hauteur de ce qu'on peut attendre de moi ou pire, qu'elles mènent à mon rejet. Mais je sais, déjà, avec une certitude inébranlable, que je ne saurais jamais faire autrement que d'être ainsi. Je pensais que tu le savais, toi aussi.

      Si c'est pour ma couenne que tu t'inquiètes, je puis te jurer que je ne crains rien des Piques, je ne crois pas qu'un seul d'entre eux lèverait la main sur moi. Si ma chair est désormais marquée à vie, plaies encore à vif, ce n'est que d'une rencontre que je fis en la capitale, loin des Piques ou des membres du conseil angevin. Si tu voyais, Misan, comme la peau d'albâtre que tu aimais tant éprouver de tes lèvres, autrefois, est aujourd'hui gâchée, je crois que tu ne regretterais pas tant ma présence au creux de ta couche.

      Pour ce qui est de la truanderie, en revanche, je n'ai pas non plus basculé de ce côté-ci. Je n'ai toujours levé la main sur personne, et jamais je n'ai rien pillé. Si d'aventure il parvenait à tes oreilles de sombres histoires concernant la prise du Berry, sache que rien de ce que nous avons fait n'était hors-la-loi, et que les Berrichons ne sont pas dignes de confiance.

      En somme rassure-toi, Misan, et crois-moi je t'en prie lorsque je t'assure que je suis toujours celle que tu as connu. Seules mes fréquentations ont changé.

      Je souffre de bien des défauts, comme chacun de nous, mais je ne crois pas que la vanité en fasse partie. C'est une promesse, que je te fais, celle de te transporter dans une aventure plus plaisante que celles que tu connais déjà, je ne crois pas que l'orgueil ait quelque chose à voir là-dedans. Bon sang, ma vie serait bien plus simple, si je savais me faire orgueilleuse.
      J'y travaille, sais-tu ? A gagner cette confiance qui me manque et m'autoriserait à m'imposer sans plus avoir à courber l'échine. Mais le chemin est long.

      Et toi, Dedieu, combien as-tu changé, depuis nos dernières étreintes ?

      Helvalia



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Misan
Et la surprise, encore. Stupide étonnement, d'ailleurs, puisque qu'il n'avait su cerner sans se tromper la donzelle en question. Que d'incompréhensions entre ces deux êtres, exhumées alors qu'ils se trouvaient si loin l'un de l'autre. Tristesse.

Citation:
Villefranche-de-Rouergue, auberge de "l'Aventuresse tombée"
Le neuvième jour du mois de décembre 1467

    Helvie,

    Ainsi donc je me méprenais sur la nature de tes craintes. Là où je voyais excès de confiance j'en constate aujourd'hui la déliquescence. A nos dernières entrevues, certes tu courbais obscènement l'échine mais tu suintais aussi l'assurance par tous les pores de ta peau magnifique, sûre de ta valeur, certaine de ta beauté et de mon désir de toi. Le mot d'orgueil est, c'est vrai, fort maladroit et je te prie de l'oublier au profit de « l’aplomb » ou de « l'affirmation de soi ». Je n'ai jamais été, tu le sais, bien habile du verbe.

    J'ignore quelles sont tes tâches ou la qualité des personnes qui t'entourent mais, de cela, je suis persuadé : non seulement tu es à la hauteur de tous mais, plus encore, tu culmines à des sommets inatteignables. Je ne te permets par le doute à ce sujet.
    Le regard de l'homme évoqué ne t'inspire-t-il pas l'estime de toi ?

    Pardonne mon angoisse, comprends sa violence quand je lis l'agression dont tu souffris et la torture morale de songer que je me trouvais peut-être alors non loin de toi. Ivre mort dans une ruelle adjacente, qui sait. Insoutenable pensée que celle-ci.
    Tu te méprends quand tu affirmes qu'une cicatrice, aussi ostensible soit-elle, puisse me faire moins envieux de ton corps. C'est le subtil mélange de ton âme, de ta prestance et de ta chair que je voulais à m'en damner. « Je pensais que tu le savais ».

    Nul bruit concernant une prise du Berry n'est parvenu à mon oreille. Je ne sais rien du pauvre autochtone mais je ne te soupçonne pas une seconde, crois moi, d'une brutalité envers quiconque.
    Le proverbe « Qui fréquente des vulgaires et des impolis en contracte les qualités » ne me paraît applicable qu'aux faibles d'esprit et tu m'as mille fois prouvé que tu ne l'étais pas pour un sous.

    L'escapade partagée viendra, une fois que tu te verras libérée des frontières de l'Anjou.
    Me concernant, puisque tu le demandes, sache que j'ai certainement gagné en rides, en cynisme et en expérience ; que j'ai perdu en douceur, en foi et en tempérance. Les années de deuil impossible forgent piteusement un homme. Tu m'as connu au lendemain de la plus terrible des pertes, alors que je venais d'enterrer, avec ma femme et mon petit garçon, tout ce que j'avais de cœur. Le temps aggrave mon cas.

    Te trouves-tu parfois nostalgique du passé tout différent de ton présent ?
    Misan

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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    L’émotivité, à fleur de peau, sans cesse, a toujours été caractéristique du tempérament trop entier de la Renarde. Elle n’a jamais su se complaire dans le tiède, dans l’à-peu-près, dans la sécurité d’émotions tempérées. Tout, pour elle, n’est jamais qu’intensité pure, et la violence brute des sentiments qui la heurtent est toujours épuisante. L’agression, trop récente, n’a participé qu’à l’écorcher un peu plus, et ses nerfs à vifs peinent à encaisser les chocs. Le vélin du jour est accueilli de larmes, qu’il lui faut prendre le temps de sécher, avant de trouver la force d’y répondre.

    Citation:
    Sur les routes, entre Chinon et Tours
    Le 9 décembre 1467

        Misan,


      Je n’ai jamais douté de mon aptitude à plaire, à attirer d’une oeillade enjôleuse les mâles même les plus retors dans mes filets. Je sais, depuis le temps, les désirs qu’inspirent mes courbes et mes yeux clairs, les passions auxquelles pousse ma chevelure de feu. C’est le reste qui pêche.

      Ce que d’aucuns osent appeler naïveté, quand ils ne savent rien de la vie qui fut la mienne. Mon désir maladroit, sans doute, d’être appréciée de tous, et l’incommensurable déception qui me ronge, lorsque par malheur je n’y parviens pas. Je pourrais te faire la liste, encore, de toutes ces fort discutables qualités, mais tu la connais déjà.

      Je ne me suis jamais sentie si idolâtrée que dans le regard du loup dont tu parlais -encore que le concernant, parler d’ours serait plus juste-, mais je ne peux m’empêcher de craindre la chute. Avant que tu ne t’angoisses, ou te mette en colère inutilement, laisse-moi t’assurer qu’il ne me fera jamais le moindre mal… Mais j’ai cru comprendre, une fois ou deux, qu’il aimerait me voir plus féroce, impitoyable comme les Piques savent l’être. Je crois qu’il me rêve guerrière à ses côtés, et toi qui me connais sais bien que je n’en aurais jamais la carrure. Pire, je n’ai pas l’envie de devenir ainsi.
      Crois-tu qu’il m’abandonnera, quand il s’en rendra compte ?

      Pardonne-moi, mes mots doivent te faire rire, courtisane éprise d’un Colosse, craignant de ne pas savoir le retenir entre ses cuisses… Moque-toi donc, je t’y autorise.
      Je t’accorde la raillerie, parce que te lire me rassure, plus que je ne saurais dire. Tes mots sont un baume sur mes plaies, Misan, sans doute auront-elles cicatrisé, quand nous nous reverrons.

      T’imaginer amer me peine, et je paierais cher pour te faire oublier, le temps de quelques heures, le lourd fardeau que tu traînes.
      Je suis certaine que les rides et le cynisme te vont bien, et comme l’expérience, elles attirent les femmes, tu dois l’avoir déjà remarqué. Quant à ta douceur perdue, je ne doute pas que tu la retrouves, quand la bonne personne croisera ta route.

      Je mentirais, en prétendant que la mélancolie ne m’étreint jamais, elle est d’autant plus présente lorsque je te lis.
      Mais je me console en songeant que, si le Destin accepte de m'épargner enfin un peu, nous nous reverrons bientôt.

      Helvalia



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Misan
Le large dos est courbé sur le vélin, cachant tout l'ébranlement d'un visage ému.

Helvania et Misan s'étaient, à l'aune de leur corps, conté mille histoires. Ainsi, avec elle, en elle, il se croyait dépositaire des secrets sur lesquels l'intimité lève le voile. Et pourtant, force était de constater que jamais, aussi proches qu'ils aient pu être de chairs, ils ne s'étaient livrés à de pareilles confidences. La plume permet bien des prodiges.

Citation:
Cahors, "Gîte des Templiers"
Le dixième jour du mois de décembre 1467

    Helvie,

    Je ne ris pas. Te déchiffrer m'ébranle, m'émeut, m'échauffe la bile mais jamais ne m'inspire la gouaillerie. J'aime à te taquiner mais aujourd'hui le sujet ne s'y prête pas ; je ne veux que gauchement te rassurer. A-t-on d'ailleurs le droit de se moquer de l'amour, que l'on ne choisit pas davantage qu'une infortune ou une malédiction, et des peurs maudites qu'il engendre : abandon, rejet, indifférence, déception ?
    J'ai aimé, j'ai même adoré, et je puis affirmer que personne n'est épargné.
    Si j'en venais un jour à me moquer des émois de ton cœur, je t'en prie, fais moi bouffer de la salade de phalanges sur le champ. Ne m'accorde que la gentille lecture de mes épîtres maladroites.

    Je pourrais en effet énumérer l'arsenal de tes qualités, de tes mérites, des beautés de ton esprit. Je m'exécute incontinent et de manière non exhaustive, fort de la chandelle, de mon encrier et de mes souvenirs.
    Parlons d'abord de ton cœur. Énorme, sublime, que ce tambour de chair battant la mesure de ta vie. Cette existence, pourtant parsemée de douleurs, tu la vénères comme l'enfant adule sa mère. Tu saisis le beau en toute chose ; ces splendeurs appellent des larmes à tes yeux. Tes pleurs vont au bon comme au mauvais car l'émotion naît chez toi tant de l'éclat sublime du monde que de sa prégnante misère.
    Tu es bonne. Au sens le plus pur du terme. Blesser un corps ou une sensibilité, de quelque manière que ce soit, est à tes yeux une faute impardonnable. Tu ne souhaites inspirer que sympathie, tendresse, joie, et ce désir se meut en une exigence personnelle et intransigeante ; mais le don de ta personne est toujours désintéressé. Tu pénètres les consciences, les âmes et, n'y opposant aucun obstacle, ce que tu vois te bouleverse. Tu ressens avec l'autre, tu endures avec lui. Est-il qualité plus humaine que celle-ci ?
    Tu portes tes démons, ramassés au fil des ruelles, mais tu n'en crains pas les crocs acérés ; tu n'as pour eux que de la compassion et ce courage allume dans tes yeux la lueur des braves.
    Et, bigre, tu sens si bon.

    Ceux qui te voudraient changée ne sont que des ânes, des demeurés. Vandale celui qui souhaite modifier l'oeuvre d'art que tu es. Monstre hideux que celui qui te délaisserait à la vue de ton cœur tout nu.
    Voilà bien tout ce que je crois.

    Arrive la fin de ce vélin. De moi il ne fut pas question, et tant mieux.
    Les femmes que je côtoie ne sont attirées que par les écus sonnants et trébuchants. La bonne personne pourrit entre les quatre planches qui lui servent d'ultime lit. Et pourtant, il faut tenter de vivre.

    Le Destin n'a pas son mot à dire : nous nous reverrons bientôt.
    Misan

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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    Le court voyage l'ayant menée à Tours prend déjà fin, et les frontières angevines ont été franchies durant la nuit. Bientôt, les bras aimants, rassurants, seront retrouvés, et sans doute Renarde pourra-t-elle coucher sur le papier des mots plus optimistes.
    Pour l'heure, c'est encore seule qu'elle se trouve, à peine protégée du froid par les murs d'une vieille bâtisse abandonnée en pleine forêt.

    Citation:
    Sur les routes, entre Chinon et Saumur
    Le 12 décembre 1467

        Misan,


      Je ne te savais pas si habile à manier le verbe, et j'ai l'impression soudain d'avoir tout loupé de toi, puisque j'ignorais cela. Crois-moi, j'aurais écrit bien avant que tu ne le fasses, si je t'avais pensé sensible aux échanges épistolaires. Et si j'avais deviné, surtout, que tes mots me réchaufferaient l'âme aussi sûrement que tes mains enflammaient ma peau.

      Je n'ai pas ton talent, je le crains, et je ne saurais décrire l'émotion qui fut la mienne de constater que tu as su voir bien au-delà de la courtisane qui partageait ta couche. Aurais-tu profité de mon sommeil, pour plonger les deux mains dans ma poitrine et en tirer si justement l'essence même de ce que je suis ? Je t'ai toujours su observateur attentif, Misan, mais jamais je n'aurais cru que tes suppositions visaient si juste.
      Je n'ai pas la prétention de me penser foncièrement bonne, comme aucun être-humain ne saurait l'être sans doute, ni de me croire dotée de ce courage que tu sembles me prêter. Mais le reste de tes mots fait en moi un écho douloureux de vérité... Jusqu'au compliment concernant mon parfum, qui ne saurait être plus vrai.

      Je n'ai plus qu'à prier, à présent, pour que l'homme qui partage mes nuits parviennent à me voir comme tu le fais. M'autoriserais-tu à emprunter tes yeux, pour qu'il ajuste son regard au tien ?

      Trêve de plaisanterie, je ne saurais jamais te montrer par des mots toute la reconnaissance que j'éprouve à ta réponse. A dire vrai je crois que je n'ai jamais déploré si fort d'être partie loin de toi, tant je voudrais pouvoir te serrer contre moi. Tu le sais, mieux que bien des gens sans doute, je suis plus à l'aise avec les gestes que je ne le suis avec les mots.

      Tu m'en voudras, j'en suis sûre, d'achever cette lettre par une énième tentative de te redonner l'espoir que tu as perdu, mais je prends le risque malgré tout. Je ne prétends pas que quiconque sur cette terre serait capable de remplacer la perfection qu'était ta femme, et d'ailleurs personne ne te demande de céder sa place à une autre...
      Mais si tu pouvais ouvrir ton cœur, Misan, et pas seulement tes bras, à celles qui croisent ta route, je serais prête à parier ma vie que l'une d'elles saurait te redonner foi en ce monde.

      J'ose abuser en te demandant de me distraire des sombres pensées qui me hantent... sans doute parce que je rêve d'avoir l'impression de partager, encore un peu, ton quotidien dont je me suis pourtant trop éloignée...
      Conte-moi ton voyage, Misan, tes rencontres, tes projets.

      Et fais attention à toi, toujours.

      Helvalia



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Misan
Les jours se succèdent, chacun chargé de son lot de drôleries, de surprises ou d'ennui. Chacun chargé de son inestimable lettre. Misan, bien conscient du possible caractère éphémère de cette correspondance, en profite avec force détermination, jusqu'à s'endormir sur le parchemin après une journée à dos de canasson.

Citation:
Entre Sarlat et Tulle, "Taverne du Chardon Noir"
Le treizième jour du mois de décembre 1467

    Helvie,

    Tu te trompes : je ne manie rien avec habileté, si ce n'est peut-être le maillet aux rares jours où, l'esprit clair, l'inspiration vient me visiter. Il se peut, aussi, que mes gestes soient assurés quand il s'agit d'embraser le fourneau d'une pipe ou de battre les cartes. Mais la plume, je ne la prends onques. Je dois bien te confesser que jamais je n'ai tant écrit. Ma défunte Mathilde goûtait davantage les bals que les mots ; mon frère n'est l'heureux destinataire que de brefs plis que je ne sais comment noircir. Tu es, une fois encore, l'exception.

    Si mes lignes ont visé juste, mes précédentes épîtres ont largement démontré ma propension à sérieusement me tromper. Il n'est donc aucune reconnaissance à avoir, aucune lucidité à louer. Ta poitrine, je l'ai touchée, palpée, embrassée, mais en des moments d'adoration où tu te trouvais toujours (très) éveillée et je n'ai jamais été au delà du derme blanc et des mamelons rosés.
    Si je plongeai, ce fut dans tes yeux, alors que tu jouissais sous moi : sans doute n'imagines-tu pas ce que tu livres de toi en cet instant où la plus absolue des confiances permet l'entier abandon.
    Je t'ai regardée, voilà tout. Riant. Pleurant. Aimant. Priant. Fumant. Rêvant. Songeant. Grognant.
    Je t'ai vu déborder. De sentiments, d'émotions, de larmes, de sensations. De moi, parfois. Je n'ai été que le témoin de la joliesse de ton âme et je ne fais rien d'autre que tenter de la retranscrire, avec moult maladresses, en espérant de tout cœur que tu me croiras, du moins a minima.

    Je ne prêterai pas mes yeux, plus encore à l'homme aveugle qui partage ta couche. Mon fier ego masculin me l'interdit.
    Il t'a. Qu'il s'en montre digne.
    Ce privilège que tu lui offres devrait le faire attentif au moindre de tes soupirs, au moindre froncement de sourcil, à la moindre lueur de ton œil qui sont autant de notes sur la partition de ton être. Puisqu'il a la chance de pouvoir jouer la mélodie de ton cœur, qu'il en connaisse l'air sur le bout des doigts et qu'il ne s'avise pas de vouloir en rectifier la portée.
    La métaphore est, je te l'accorde, bien niaiseuse et bien pauvre. Pardonne moi de n'avoir su trouver plus parlante image.

    Ta gratitude est, en soi, imméritée. Une étreinte le serait plus encore. Dangereuse, même, si ton compagnon se révèle porté sur l'excessive possessivité. Ma curiosité veut d'ailleurs que la question soit posée : avez-vous convolé en justes noces, faisant ainsi de lui ton Unique à jamais ?

    Je te pardonne volontiers tes gentils mais vains encouragements : le veuvage n'est pas pour moi un état temporaire. J'ai juré, devant l'autel, l'éternité. Cela ne m'en fait pas pour autant enclin à l’ermitage ou à l’asociabilité, et encore moins à l'abstinence, comme tu le sais.
    Et puisque je ne puis rien te refuser, je me fais conteur improvisé, à condition que tu veuilles bien m'écrire tes « sombres pensées ». Cependant tu ne me demandes rien de moins que de faire du distrayant avec de l'ennuyeux et je crains n'avoir nul talent pour combler le vide.

    J'ai, ces derniers jours, traversé le Périgord, faisant halte en les villes de Sarlat puis de Cahors. Les périgourdins, bien que dynamiques, n'ont pas le sens de l'accueil des rouergats, que cela soit su. Peu importe, dira-t-on, puisque leur vin est bon. Traînant savates du côté de la grand place de Villefranche, j'ai honteusement profité d'une animation célébrant...l'Avent ? (la chose est floue tant j'étais alors proprement foncedé). Mais les festivités étaient gratuites donc...Tu me connais. J'en suis ressorti avec l'immonde ours en peluche que je te fais parvenir, le pauvre ayant subi quelques accidents de parcours : les sentiers, les ronces et la selle du canasson ont eu raison de son œil droit et de sa papatte arrière. Que ton « Ours » à toi n'y voie rien de personnel, surtout.
    J'ai pu, en route, m'attirer l'affection de quelques donzelle et l'inimitié d'un ou deux petzouilles (l'un ne va jamais sans l'autre, il semblerait). En bref, beaucoup d'insignifiant et rien d'intéressant.
    Je griffonne dans un relais entre Cahors et Tulle. J'ai franchi, il y a une ou deux lieues de cela, les frontières du Limousin. Malheureusement, on encensa la province à l'envi et le risque de déception se voit donc décuplé, quelle plaie. Je n'aurais jamais pensé l'écrire mais, vois tu, je me languis parfois de Paris : on y trouve, mine de rien, très bonne compagnie.
    Je n'ai pour seul projet que celui d'un voyage vers l'Anjou.

    A ton tour, Renarde.
    Misan

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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    Le retour en terre angevine n’aura pas été à la hauteur des songes qui, pourtant, peuplèrent l’esprit de la Renarde six jours durant. Angers l’aura accueillie avec son lot de larmes, de colère et d’incompréhension, et si elle feint d’avoir tourné la page, ce n’est que pour mieux s’empoisonner de la déception distillée dans ses veines. Consciente, pourtant, de la nature éphémère de pareils sentiments, elle n’en contera pas les détails à celui devenu, en quelques jours, son plus fidèle correspondant, de crainte d’altérer ainsi son jugement.


    Citation:
    Angers, taverne « Piques et Piques et Gnôle et Gramme »
    Le 16 décembre 1467

        Misan,


      Je ne peux t'en vouloir de dévaloriser ainsi tes talents, quand je suis encline au même travers. Te lire m'aide seulement à prendre conscience d'à quel point ce doit être insupportable pour les autres. Aussi poserais-je seulement les faits, sans attendre approbation ni contestation de ta part : tes lettres sont les plus agréables qu'il m'ait été donné de lire. Et je clos, ainsi, le débat.

      Je suis désolée, si tu t'es mépris sur le sens de mes propos. Ce n'est pas une étreinte charnelle que je déplorais. Cependant je te l'accorde, c'est une habitude qu'il me faut perdre, j'ai toujours tout donné de moi, pour tenter d'apaiser les âmes d'autrui, et donner mon corps en pâture a toujours été une extension de mon empathie à fleur de peau. Bien peu rentable courtisane que celle qui, pour l’œillade triste d'un homme esseulé, offre ses charmes sans penser à réclamer les écus supposés les acheter.
      Si je ne me perds plus, comme tu l'as deviné, entre les draps d'autres que celui qui partage ma vie à présent, je ne sais toujours pas faire sans étreindre, sans offrir mes bras en réconfort ou en félicitations, sans baiser les joues de ceux qui me bouleversent... Et ma propension à toujours rechercher le contact d'autrui est souvent mal interprétée. J'ai appris à me canaliser, néanmoins, depuis l'agression, de la plus désagréable des manières. Tu serais sans doute surpris, toi qui m'a connue si expansive, si tu me voyais aujourd'hui.
      Je me soigne, pourtant, c'est promis.

      J'ai légèrement digressé, mais j'en viens aux faits, raison première de cette attente que je t'ai imposée. Vois-tu, tes talents divinateurs ont encore visé juste, puisque le Pique m'a bien passé la bague au doigt. Crois-moi, tu seras invité lors de la véritable cérémonie. Pour l'heure, il s'agissait seulement d'une formalité, un peu étrange, puisque nous étions seuls, en compagnie d'un curé de fortune trouvé je ne sais où...
      Mon retour en Anjou a été, de toute façon, chaotique, entre des retrouvailles... blessantes et une union... bien loin de ce que j'imaginais.

      Ca doit sembler étrange, et nombriliste sans doute, mais j'ai connu des jours meilleurs, aussi j'espère que tu me pardonneras l'amertume légère des nouvelles que je te conte. Je n'ai, pourtant, pas encore perdu mon optimisme, encore qu'il semble être plus difficile à déloger ces dernières semaines, et je suis certaine que les choses sont vouées à s'améliorer.

      J'aurais voulu pouvoir te tenir compagnie sur les routes, je crois que je tourne un peu en rond, ici, mais je suis heureuse néanmoins de savoir que tu sais toujours te faire une place où que tu ailles. J'espère que Limoges te plaira, la ville m'a, pour ma part, beaucoup déçue lorsque j'y suis allée... Si tu t'y ennuies, Tours n'est pas loin, et je l'ai trouvée bien plus agréable. Et comme j'ai toujours une idée derrière la tête, une fois en Touraine, l'Anjou est tout proche.
      Mais tu dois, depuis, être arrivé à destination, as-tu fais d'agréables rencontres ? As-tu commencé à travailler ?
      Nous ne parlons que de moi, depuis des jours, inversons la tendance, veux-tu...?

      Quand viens-tu me voir ?

      Tu me manques.

      Helvalia

      PS : L'ours en peluche est parfait.




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Misan
La plus petites des piaules de la Porcelaine d'Aristote souffre une ambiance bien studieuse. Il est tard mais, ce soir, le papier prime sur l'oreiller. La correspondance endure déjà quelque retard et, si Misan n'a pas la prétention de penser que Helvalia puisse attendre ses lettres, il désire qu'elle devine, dans la régularité de ses plis, l'importance qu'il accorde lui-même à cet échange épistolaire. Morphée patientera donc, au profit non d'autres bras, puisque désormais interdits, mais d'un sourire imaginé sur son charmant minois.

Citation:
Limoges, auberge municipale
Le dix-neuvième jour du mois de décembre 1467
    Helvie,

    Je rouvre le débat pour le plaisir de pouvoir le fermer, privilège du dernier mot que tu ne m'as jamais accordé, habituée que tu étais de me rabattre sans cesse le caquet, parfois de la plus délicieuse des manières.
    Même de la noblaillonne élevée aux bons soins d'une armée de poètes n 'aurait pas une plus belle plume que la tienne. Que la chose soit dite.
    Clôture de la discussion (bis).

    Pardonne-moi d'avoir brisé le rythme effréné de nos échanges. Je n'ai pour excuse que les menus travaux réalisés à droite à gauche pour le compte de quelques richards du coin. Sans surprise, la déception fut au rendez-vous, portée aux nues par des limougeauds aux humeurs changeantes et l'âme bien peu accueillante. J'ai su profiter de la compagnie de nouvelles trognes, néanmoins : n'est-il pas triste de constater que les plus intrigantes et remarquables d'entre elles sont celles d'étrangers à la province ?
    Enfin, peu importe en vérité : la Comtesse dont je devais retaper la bicoque ayant déserté sans rien m'en dire et plusieurs mines du Comté étant fermées, je vais promptement me voir dans l'obligation de tailler la route, ne serait-ce que pour grailler. Les chantiers payés à la journée ne nourrissent pas leur homme et il me faut encore pouvoir manier la pioche pour bouffer.

    Trêve de bavardages. Je reviens à toi, au moins du bout de la rémige.
    Je ne veux pas être surpris. Je veux pouvoir te fournir de l'accolade de compet'. M'en diras-tu davantage, de cette agression par deux fois évoquée ? Je doute que ma rage m'épargne le désir de meurtre mais je ne veux rien ignorer de toi. Ce maudit événement, s'il fut capable d'altérer tes tactiles et adorables manies, est sans doute plus grave encore que le pire des scénarios que je lui octroie. Ne me préserve de rien. Laisse moi le droit de haïr par tendresse pour toi.

    Nul talent mais une simple supposition : l'institution du mariage, quand vient le bon, est dotée pour toi d'un sens profond. Je suis bien navré de lire que ces débuts d'épousailles ne correspondent pas à l'idée que tu pouvais t'en faire mais je me doute qu'il est inutile de te dire que toute union, maritale ou non, suppose ses écueils à éviter, ses tempêtes à essuyer. Je te vois tout à fait consciente du caractère éphémère de ces flots tourmentés. La sagesse des anciennes habite déjà ta chair nivéenne.
    L'engagement de l'alliance fut pour moi la meilleure décision de toute mon existence. Je souhaite qu'il en soit de même pour toi, avec une fin certes moins prématurée que celle que j'endurai.

    N'aies, par ailleurs, aucune crainte quant à ce que je pourrais songer : je sais que le nombril des autres t'occupe bien davantage que le tien. Si je ne conte pas davantage de moi c'est que tout est dit. Ton histoire n'est que succession de péripéties quand la mienne n'a connu pour plus gros sursaut, ces temps derniers, qu'une enfilade d'ampoules aux doigts de pieds. D'ailleurs, tu me dis peu expansif mais ma dernière lettre était interminable quand les tiennes sont justement proportionnées.

    Il se peut, en effet, que je pousse jusqu'à Tours en attendant la noblaillonne limousine. Si la conjoncture le permet, je ferai même un crochet par ton Anjou adorée. Ne te méprends pas : j'ai aussi hâte que toi.

    Bien à toi
    Misan

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Ban by JD Eldearde.
Merci.
Helvalia
    Retours au point de départ, ou plutôt boucles infinies en terres angevines. Quatre villes, à visiter encore et encore, puisque ses nouvelles fonctions ne lui permettent plus de mettre un seul pied hors du Duché. Ne reste qu'à prier pour ne pas devenir complètement folle, et se raccrocher aux missives qui lui offrent une fenêtre sur le reste du monde.


    Citation:
    Saumur, « La Grange du Chaudron Penché ».
    Le 20 décembre 1467

        Misan,


      Si le constat est triste pour toi, je suis néanmoins soulagée d'apprendre que nous semblons avoir le même avis sur Limoges. Beaucoup de bruit pour pas grand chose et, au fond, un accueil déplorable. Cette ville est, pour moi, l'exemple même qui prouve que se fier à la population en taverne est ridicule. Ces dernières sont pleines, oui, mais certainement pas de vie ! Lorsque j'y suis passée, en tout cas, il m'a été difficile de tirer le moindre sourire aux habitants. Dire que j'avais dû faire des pieds et des mains, pour convaincre mon amant de l'époque de m'y emmener.
      Amant que j'ai finalement abandonné dans ladite ville, pour repartir sur les routes. J'espère que les rencontres que tu fais là-bas seront, malgré tout, plus enrichissantes que les miennes. Et oui, je te trouve bien avare d'histoires, en réalité, je refuse de croire que tu n'as rencontré aucune personne digne d'intérêt, je crois seulement que tu oublies de me conter ces choses-là.

      Il y a pour moi aussi, je l'admets, des choses que je ne peux te conter. J'ai mentionné l'agression, c'est vrai, je mentirais donc en prétendant que c'est un secret. J'aurais pu peser mes mots, taire ces lignes-là pour que tu ne te doutes de rien, jamais. Je crois en réalité que j'ai besoin d'extérioriser, mais que je ne suis pas encore prête à le faire. Alors je balance des indices, maladroitement, sans en dire plus. Je distille au compte-gouttes des détails, quand bien même je suis sûre que tu devines qu'il ne s'agit là que d'une toute petite partie de ce qu'il s'est passé. Et j'en suis désolée, Misan, j'espère que tu pardonneras ma maladresse, je ne sais pas comment gérer tout ça.

      Sache, pour l'heure, qu'un « M » orne mon aine, scarification en cours de cicatrisation, plus douloureuse pour mon esprit qu'elle ne l'est pour mon corps. Je voudrais en rire, on pourrait prétendre, tous les deux, que je t'ai demandé à toi de le graver, dans un élan de romantisme, à l'époque où, trop occupée à me perdre dans tes draps, j'en oubliais mes autres clients... Ce pourrait être M pour Misan. Ç’aurait été plus supportable que cette hideuse vérité. J'ai hérité de cette marque indélébile dans une venelle de la Cour des Miracles, et je suis encore incapable, pour l'heure, d'ôter le bandage qui la dissimule aux yeux de mon mari.
      J'espère, malgré tout, que tu seras rassuré de savoir qu'il panse mes plaies avec une précaution infinie, et qu'il ne laisse plus personne s'approcher de moi à moins de trois mètres.

      Ne te méprends pas, je ne regrette pas un instant de m'être mariée. Si j'ai toujours été fort impulsive, souvent irréfléchie, je ne le suis pas pour ce genre de décisions, et Jehan -puisque je réalise que je ne l'ai pas encore nommé- m'est apparu comme une évidence. Je crains seulement d'avoir été, une fois de plus, trop naïve.

      Je pensais-vois-tu, que la première année de mariage n'était qu'amour fou, bonheur infini, un long fleuve tranquille en somme. Je croyais que les embûches viendraient après, plus tard, quand la Vie nous aurait laissé le temps de nous construire l'un avec l'autre. Mais le Destin ne semble pas être de mon côté, non pas qu'il l'ait déjà été. J'ai peur d'être en train de m'embourber dans une situation dont je n'ai pas pris la mesure, en m'y engageant. J'ai épousé un Pique, vois-tu, et si je n'ai jamais eu la velléité de courir le Royaume pour brûler des villages, je m'attendais malgré tout à vivre la grande vie. Je pensais que ses ambitions ducales n'étaient qu'une lubie de plus, une case à cocher pour le plaisir de dire « voyez, je l'ai fait ».
      Mais il semble qu'il se plaise dans ce rôle, qu'il se soit pris au jeu. Il envisage déjà de rempiler pour un second mandat, peut-être pour d'autres ensuite. Je vois peu à peu l'avenir dont j'ai rêvé se dérober sous mes pieds, les routes sinueuses du Royaume remplacées par les dédales du château ducal, les longues nuits d'ivresse autour d'un feu de camp effacées par l'image de soirées penchés sur des piles de parchemins plus hautes que moi. J'ai omis de te le dire, mais il est plus vieux que moi, sans doute aspire-t-il à se poser, après une vie d'errances et de méfaits. Il est déjà couvert de cicatrices, usé, comment pourrais-je lui en vouloir d'aspirer à un peu de repos ? Ce n'est pourtant pas ce dont je rêve, et l'idée de rester cloîtrée en Anjou pour les dix prochaines années... Ou même pour les six prochains mois, me fait suffoquer. Nous ne sommes pas mariés depuis un mois que, déjà, je me demande comment faire concilier des aspirations qui divergent à ce point.
      Je l'aime, je t'assure, plus que ma propre vie, et je suis prête à bien des sacrifices pour lui, même à celui de me terrer ici... Mais je suis suffisamment lucide pour savoir que j'en deviendrais folle.

      Voilà, je crois qu'on peut dire, cette fois, que ma lettre n'est pas justement proportionnée.

      Tu viendrais donc en Anjou « si la conjoncture le permet » ? J'espère pour toi, Dedieu, que je compte suffisamment à tes yeux pour que tu trouves le moyen de plier la conjoncture à ton bon vouloir, autrement je peux t'assurer que les représailles seront terribles, lorsque nos routes viendront à se recroiser. Et elles le feront.

      Helvalia




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