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[RP-recrutement] Sang neuf pour la déesse

.elle


    Fin d'hiver, printemps approchant, la rose avait vu ses épines sorties et les pétales fortement abimés, pour autant sa charge restait honorée, et à les frimas de la fin d'année avaient vu le départ de certains employés, rien qui n'entrave le fonctionnement de l'Aphrodite, mais la rendant plus calme, moins mordante, et en tant que gérante résoudre cela était une évidence, un peu de sang neuf ne ferait pas de mal et elle savait très bien à qui s'adresser pour trouver ça sans avoir à courir elle-même les ruelles ou attendre un postulat potentiel.
    Plume et parchemin furent alors pris pour écrire à une vieille "connaissance".


    1er Février 1468



      Ma chère Théodora,

      Je vais avoir besoin de tes talents et de ton oeil aiguisé, le chat ronronne un peu trop fort au coeur de l'Aphrodite et quelques perles de plus en son sein ne serait pas une mauvaise chose.
      Je te charge donc de voir ce que tu es en capacité de me présenter pour le milieu de ce mois, écris-moi quand tu auras trouvé quelques bijoux et je te recevrais rapidement.
      Je te fais confiance pour débusquer quelques beautés dont tu as le secret.
      Si tu me trouves une blonde, je suis preneuse, c'est un joyau qui manque à la déesse et la dernière pépite dorée que tu m'avais livré n'a pas fait long feu disparaissant sans prévenir.

      Rien ne change, ta commission reste la même avec un bonus pour la pureté comme toujours, surprends-moi Théodora et je saurais en être reconnaissante.

      Que le Très-Haut te garde.





    Simplicité et efficacité, pas de fioriture avec la maquerelle de la Jussienne, rabatteuse occasionnelle pour l'Aphrodite, les deux femmes avaient depuis longtemps dépasser ce stade, ne resterait plus qu'à voir ce qu'elle dégoterait pour la florale.

_________________

Merci JDMonty
Maquerelle.theodora

La vie au bordel se passait sans grande surprise, des clients, des catins, des passes, du fric qui rentre et mon bas de laine qui grossit dans le dos du Julot, nan mais sans blague, je me tapais tout le boulot pendant qu'il se la coulait douce et encaissait, alors il croyait quoi ? Que je faisais ça pour la gloire ? Tsss c'est beau de rêver.
En parlant de rêves, j'avais reçu un courrier de la gamine quelques jours en arrière, elle avait bien mené sa barque la p'tiote depuis que le beau gosse de l'Aphrodite était venu la récupérer sur mes indications au Flavien, Gérante qu'elle était maintenant, rien que ça, quand je disais qu'elle avait du potentiel de la rose.
En attendant, j'avais fait le taf, elle payait bien et j'avais déjà quelques petites choses pour elle planquées dans une chambre à l'étage, un p'tit courrier serait pas du luxe pour la prévenir de mon arrivée avec sa "marchandise".



Bonjour la Duch,
J'ai travaillé pour toi, j'ai des perles pour ta déesse, je viendrais t'amener ça demain.
J'ai ta blonde, même deux.
Prépare ma commission, et hésite pas à la gonfler, tu verras que je me suis pas foutue de toi.
Théodora


L'air de rien fallait les nourrir les gamines et j'allais pas le faire pour la peau, alors dès le lendemain, ce serait direction l'Aphrodite, oui j'avais bon coeur mais le dire ça surement pas, et du coup ce soir là en amenant la tambouille à ma livraison, j'avais annoncé la couleur, demain elle changerait de crémerie pour une maison bien plus sympathique si elles se démerdaient bien pour s'y faire embaucher.


16 Février 1468


Et nous y voilà, la porte de service de la maison close de luxe, c'est qu'il faudrait pas faire tâche en passant par devant comprenez bien, fallait-il encore connaître cette porte et surtout y avoir ses entrées, après avoir toqué, j'avais bien entendu pas attendu qu'on me dise d'entrer, bien sûr que non.
Le début d'après-midi sonnait, l'heure des braves et du levé pour les gens de notre profession, j'espérais bien que la belle fleur serait déjuquée de son paje, ouvrant le passage, et la porte en logique, je m'assure que ma troupe suit le mouvement.

Allez les filles, on se bouge le popotin et on avance, vous allez pas être bouffées en entrant, pas tout de suite en tout cas. Hop hop hop, on se presse.

Elles étaient bien mignonnes, mais fallait les remuer un poil les donzelles, une fois la marchandise dans l'antre de la florale, je fermais derrière et pas qu'un peu, leur montrant l'office pour qu'elles entrent davantage.
Apercevant la petite blondine toute discrète que je croisais chaque fois que je passais, je m'approchais doucement.

Encore à l'ingrat ma petite Adelaïde, toujours les mêmes qui bossent à ce que je vois.
Comment tu vas ?
Dis-moi la duch', enfin "Elle" est dans le coin ou si tu l'as pas vu encore aujourd'hui ?


Les courses de la gérante étaient arrivées, manquait que la livraison finale et surtout qu'elle me file ma commission pour les filles que je lui ramenais, en attendant une pomme chopée sur l'office et que je t'en prend un croc pas piqué des hannetons pendant qu'à coté, les demoiselles se demandaient surement à quelle sauce elles allaient être bouffées.
Kahori
Le plancher grinçait à chaque pas, et le mouvement se répercutait sur les lattes branlantes que foulait Kahori avec la régularité d'une pendule. C'était une toute jeune fille, plus chanceuse que beaucoup d'autres, qui avait bénéficié jusque là d'une hypothèque sur sa virginité. Elle était née à Kyoto, à l'autre bout du monde, et mourrait probablement sans jamais y avoir reposer un pied. Avoir rejoint Paris depuis la Rochelle était déjà un petit exploit en soi.

Ce soir de Février, il faisait frais et une auréole de brume nimbait les rues parisiennes. Comme la veille et l'avant veille, l'asiatique avait battu le pavé à proximité des plus grands Salons, espérant être remarquée avant de devoir brader son pucelage à l'un des individus qui formait le gros de la clientèle. Des marins, des marchands et des artisans qui venaient trousser la catin la moins poivrée qu'ils croisent avant de rejoindre leur femme, leurs mômes et la chaumière branlante qui couronnait une existence ennuyeuse.

Kahori aurait pu s'y résoudre. Elle était à deux doigts de céder à la peur et à la faim lorsqu'une bonne femme charnue et trop fardée lui avait fait signe d'approcher. Elle l'avait tâté sans douceur, avait soulevé son menton pour inspecter son minois exotique et avait fini par lui faire signe de la suivre. C'était là le seul privilège d'une miséreuse née de l'orient et de l'occident. Beauté singulière attirait l'oeil aisément, pour peu qu'elle ai la bonne idée de retenir ses cheveux en arrière et de dégrafer un rien le corsage qu'elle avait déniché pour presque rien. Ses prunelles d'un vert doré scintillant étaient le seul trésor dont elle disposait. Il lui fallait en user avec parcimonie : Suffisamment remarquable pour une rabatteuse, aisément dissimulable quand on voulait disparaître dans la foule.

Pour l'occasion, on l'avait débarbouillé et ses cheveux étaient soigneusement relevés pour souligner ses pommettes hautes, son nez un peu rond et sa bouche étroite aux lippes boudeuses. Point de tenue haute en colère comme on aimait à l'en affublé dans sa précédente maison : On investissait point sur un embryon, et si la beauté Eurasienne ne tapait pas dans l'oeil de la gérante, on la renverrait presto dans la rue, aussi jeune et fragile qu'elle paraisse.

Ganbatte.
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Adelaide_lutecia
Comme toujours, tu es là et tu arranges l'office pour que ceux qui vont l'occuper le trouve chaud et agréable. Tu attises le feu du bout d'un tisonnier, tu t'assures qu'il y a assez de bois pour que la flamme ne s'essouffle pas. Tu vérifies que tout est en ordre avant de laisser place à ceux qui ont rendez vous. L'habitude est là, tu fais ça maintenant depuis tellement longtemps. Chaque pièce est ta maison, chaque recoin est un souvenir. Tu ne sais pas qui viendra mais tu sais l'instant important alors tu prends garde à chaque détail.

Le plancher est balayer dans un geste souple et habituel. Tu fredonnes un air que tu as entendu l'autre jour au marché. L'histoire parlait d'un chevalier pourchassant un monstre imaginaire pour aider un village non loin d'un marécage. Tu aimes cette histoire, tu aimes te la remémorer et c'est du bout des lèvres que tu la murmures tandis que ton balais de paille termine de faire un tas. Le sol sera ensuite astiqué du bout d'une brosse dure, tu ne veux pas qu'on ait à redire sur ta façon de faire. Tu tiens bien trop à ta place et chaque consigne est respectée à la lettre.

Alors quand enfin les lieux sont propres et rangés tu souris satisfaite. D'un revers de manche tu viens essuyer ce front qui ose perler sous la sueur. La matinée a filé à une vitesse folle, déjà le début d'après midi a débuté et tu te retrouves en retard pour les prochaines corvées. Tu n'as alors plus le choix, le repas devra attendre. Silencieuse et tel un fantôme, tu refermes la porte derrière toi et alors que tu t'apprêtes à aller vers les chambres tu tombes sur la Théodora et tout un tas de jeunes femmes. Ton regard glisse sur chacune d'elles tandis que la voix de la maquerelle glisse à ton oreille.

Les consignes sont données, chacunes pénètrent les lieux, la porte se referme que tu attires l'attention sur toi. Un fin sourire se dessine sur tes lèvres quand elle s'enquiert de ta santé et de ton bien être. C'est que tu aimes parler avec les gens. Tu es avenante malgré ton jeune âge et pas timide pour un sous. Peut être est ce du au fait de travailler dans une maison de passe ? Tu ne sais pas et après tout tu t'en fiches.


Bonjour Théodora, je vais bien merci.

Tes mains viennent se croiser devant toi tandis que tu poursuis de ta voix douce.

Je vais aller prévenir la patronne que vous êtes arrivées.

Et sur ces paroles, tu tournes les talons et tu pars en direction du bureau de la gérante. Enfin tu le comprends, tu vas avoir de nouvelles amies. De nouvelles demoiselles à entretenir et tu es contente à cette idée. Tu es contente de savoir qu'il y aura bientôt un peu plus de vie dans cette maison. Devant la porte, tu frappes trois petits coups et tu passes ta tête pour annoncer.

Madame Théodora est là.

Oui tu aimes donner de grand nom à des gens qui n'ont pas grand chose. Tu aimes imaginer la vie qu'ils ont. Tu as un esprit fertile et tu t'imagines toujours dans des histoires incroyable alors un petit madame ne fera de mal à personne. Tout le monde est même habitué à tes histoires et tes lubies.

Elle a pleins de belles jeunes femmes avec elle. Je n'ose imaginer d'où elles viennent, ni même leurs vécus. Je suis certaine qu'il y a une fille d'un noble au travers qui a tout perdu suite à un mariage arrangé qu'elle a fuit préférant vivre le grand amour et n'ayant plus d'autres choix pour vivre que de nous rejoindre.

Tout du long de ta tirade, tu as porté une main à ton cœur, puis à ton front offrant à Elle un spectacle que seul toi peut interpréter. Un sourire est posé sur tes lèvres et tu ne te lasses pas de ce que tu imagines de ces femmes.
Mariange
-





Elle avait dix-huit printemps. Elle était blonde & bien charnue. De grands yeux du bleu de la mer du Sud, une peau de lait. Elle se faisait appeler Mariange. Son prénom était comme son passé ; révolu. Loin, la Suède. Loin, son innocence. Loin, sa belle vie.
Belle vie ? Oui. Cinq mois merveilleux ! Ici, en France ! Puis... une tragédie hélas trop commune. L'abandon. La Rue. La mère des enfants perdus.

La Pulpeuse avait tenté de trouver une vie correcte. Ronde mais forte, elle avait été lavandière, trimant été comme hiver au lavoir ou au lac. Une famille l'employait. La maîtresse de maison était une unijambiste acariâtre qui la battait souvent. Son mari était très gentil. Il allait jusqu'à la rejoindre la nuit & oubliait sa politesse en la violant. Un jour, l'homme vint avec son fils de quatorze années. L'un après l'autre. Puis un ami. Puis deux. Et les coups de la mégère.

Mariange avait décidé de fuir. Paris. Quitte à user de son corps, autant être payée ! La Suédoise entendit des rumeurs. Elle traînait ici & là.
Jusqu'à ce qu'une femme trop fardée & plus grosse qu'elle vint lui causer. Elle lui tâta le bras & sembla ravie de son accent Nordique.
Voilà. Il ne restait qu'à voir si les rumeurs étaient fondées.

Mariange vint au rendez-vous, bien entendu. Elle avait laissé libres ses cheveux d'un blond pâle, mi-courts. Elle portait une robe d'un vert passé & des bottes usées. Rien de remarquable.

A l'entrée, son regard fut attiré par une jeune-femme brune. Une beauté, malgré sa mise. Elle avait de beaux yeux. Mariange la salua d'un sourire.
Elle vit aussi une fillette blonde & lui fit "coucou" de la main. Que faisait une enfant ici ?!
La petite avait l'air bien. Elle fila vite, le sourire aux lèvres.

La Scandinave se demandait ce qui l'attendait... Devrait-elle parader nue ? Dire des mots compliqués en français ?



Apolline.
Elles me répugnent, cette dondon de bonne femme et sa mouche sur la pommette. Ces petits points factices-là ont des noms en fonction de là où ils sont placés. Au milieu de la joue, normalement, on dit que c'est « une galante ». Il n'y a rien de galant chez cette femme qui se dandine en s'essoufflant comme un canard obèse. Tout en elle est coquetterie, jusque dans la manière dont elle caquette en nous entraînant derrière comme une traînée de canetons, dans le cliquetis de ses bottines sur le pavé humide de cette mi-février.

Tout en elle me semble « trop ». Trop bruyante. Trop assurée. Trop obséquieuse. Trop engoncée dans son collier qui me rappelle ceux que les vaches portaient au village. Trop à l'aise un peu partout pour qu'elle soit innocente ; ça se voit dans la manière dont elle franchit la petite entrée de service de cette grande Maison dont j'ai entendu parler. L'Aphrodite. On me disait jeune Vénus et me voilà conduite à travers Paris par une Io pas même gracieuse, qui nous presse le pas et se donne l'air d'une grande en passant par la petite porte. A quoi bon faire une entrée discrète si nous sommes menées ici par une femme qui hèle et qui gueule sur le chemin comme une poissonnière en plein mois d'août ? Quel orgueil peut-il y avoir à avoir des entrées backstage, quand on n'est pas du spectacle ?

Je réprime un soupir d'abord, puis une moue presque horrifiée quand elle s'adresse à l'enfant qui nous accueille. Un instant, j'ai de la sympathie pour la môme en imaginant les gros doigts de la maquerelle lui saisir le menton pour l'observer, comme elle l'avait fait de moi, pour vérifier mes dents, comme on fait d'une jument ou d'une génisse sur un étal de marché. Fort heureusement, elle porte sa main potelée à la rondeur d'une pomme – une vraie, pas la frimousse de la petite mignonnette qui nous fait face et sur laquelle je porte le regard. Est-ce une demie tendresse, une part de reconnaissance envers la gosse qui me rappelle un peu moi, naguère ? Une seconde plus tard, je chasse le souvenir d'un mouvement de tête, qui me porte à croiser un instant les silhouettes de mes compagnes de recrutement.

Une orientale, sans doute sang-mêlée. N'y a-t-il pas assez de femmes comme nous pour qu'on s'en aille recruter des étrangères ? Ne sommes-nous pas assez miséreuses pour qu'on nous colle dans les pattes des petites venues d'ailleurs, qui trouveraient sans doute à travailler sur les trottoirs de leurs contrées ? En soi, je ne la trouve pas moins belle – quoique si, elle est moins belle -, que moi ; simplement, j'estime qu'elle a moins le droit que moi d'être ici. Après tout, chacun pour soi est mère de pérennité, ou quelque chose comme ça, si on change un peu l'adage. Je retiens à peine la moue de désapprobation au coin de mes lèvres. Elle est jeune en plus, ça plaira aux grossiers qui s'estiment voyager en voguant aux peaux d'ailleurs. Ca m'agace.

Mon œil, lentement, hautain, méprisant, parcoure et s'attarde de haut en bas sur le corps rondouillet de la blonde à côté de moi. Elle est d'ici, celle-là, aussi ?! Avec ses airs de grosse gentille – ou de gentille grosse -, elle me fait déjà horreur. Elle ressemble à ces gamines de village que je trimballais derrière moi, partout où j'allais, quand j'étais petite. Moi, j'étais la jolie ; elles, étaient mes copines, ou du moins le croyaient-elles. Elle s'empiffraient des beignets, les doigts gras, me répugnaient de n'avoir pas d'autre ambition que de marier le palefrenier ou le berger, quand moi, je visais le seigneur ou le baron. C'était des mignonnes, des adultes déjà. En les regardant, portraits crachés de leurs mères aux seins lourds et tombants, on les imaginait aisément trentenaires, les joues rougies et bombées, trois gorets de lardons tétant leurs mamelles trop larges, heureuses – en plus ! - de leur sort. La nouvelle génération villageoise, la fine fleur de la bourgade qui tourne et vire sur des airs de flon-flon à la fête à neuneu, tous les étés pour fêter la moisson. Elle avait une mine de lavandière, une dégaine de nourrice ; qu'est-ce qu'elle foutait-là ?!

Non, franchement, au milieu de ces pauvresses, il y a moi. Et j'escompte bien qu'on me remarquera.

A vrai dire, sous mon sourire hypocrite qui n'atténue pas mes yeux froids quand je les pose sur elles, ces rivales qui seraient bientôt mes colocataires... Je n'en doute pas un seul instant.

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.elle

~~Bureau des gérants, le 16 février~~

    Esprit ailleurs, à classer les contrats, les va et vient des dernières semaines au coeur de la déesse avaient donnés du travail supplémentaire à la gérante, entre paperasse et autres joyeusetés, ayant laissé le soin à Théodora de lui ramener quelques filles, se doutant bien vu la rémunération que ça ne serait pas de la vieille carne ramassée dans le caniveau des rues sordides de Paris.
    A peine eut-elle le temps d'entendre frapper que déjà la porte s'ouvrait, pas la peine de chercher à savoir de qui il s'agissait, Adélaïde avait cette fâcheuse tendance à ne pas attendre qu'on l'invite à entrer, un jour peut-être comprendrait-elle qu'il était judicieux d'attendre une réponse, mais à la vérité, sa bouille encore angélique faisait vite oublier à la rose les remontrances possibles, adoucie par l'imagination débordante de la jeune fille.
    Amusée à l'entendre parler de ces demoiselles ramenées par la maquerelle, Elle avait légèrement déposée son bras sur l'accoudoir où manquait cruellement un brun assis, le menton gracile venant délicatement reposer sur le revers de sa main, émeraudes se délectant du théâtral récit de la petite blonde qu'elle avait toujours connue vivre ici, bien que discrète.
      Il va me falloir voir ça de mes propres yeux je crois.

    Tête se redressant et mains s'appuyant sur les accoudoirs, gérante quitta alors son fauteuil, contournant le bureau en lissant l'étoffe sombre de sa robe, simple, tout juste brodée de ses liserés floraux carmins, s'approchant de l'orpheline, caressant d'un geste tendre la soierie capillaire dorée de la soubrette.
      Il va vraiment falloir que tu apprennes à ne pas entrer sans qu'on t'y ai invité Adélaïde... mais en attendant... Tu crois qu'elle l'a trouvé le grand amour, cette noble cachée parmi celles qui m'attendent en bas ?

    Le ton se voulait doux autant qu'amusé, un peu comme celui d'une grande soeur qui chuchoterait une bêtise, mais point trop, il n'était pas à oublier qu'elle était la hiérarchie pour la petite blonde, la poussant vers la sortie d'un appui dans le milieu du dos, la porte du bureau fut close et les escaliers menant au sous-sol et à l'office descendus.

~~Sous-sol, Office-Réfectoire~~
    Les dernières marches arpentées, le pas se mit à glisser le long du corridor longeant cabinet médical, songeant que trouver un nouveau médecin serait une chose à laquelle il allait falloir penser, autant qu'un herboriste d'ailleurs, mais pour l'heure, passant réserves et dortoirs du petit personnel, déboucha enfin sur le réfectoire où, effectivement, Théo avait ramené quelques trouvailles, et le rapide coup d'oeil porté aux demoiselles démontrait un choix pour le moins hétéroclite.
    Elle, en mode gérante ON, fit donc son entrée, le cheveu relevé, comme toujours, ou presque, et le port altier, les émeraudes balayèrent davantage les jeunes femmes, plus ou moins d'ailleurs, la sylphide se déplaçant en passant derrière elles, détaillant sans s'en cacher mais sans se faire paysan jugeant d'une pouliche ou d'un quelconque bétail à mettre en besogne, même si au fond, le résultat était assez semblable, elle jugeait si oui ou non les prétendantes avaient le requis pour rejoindre ce qu'on aurait pu nommer "cheptel" de l'Aphrodite.

    La maquerelle rejointe fût saluée d'un signe de tête amical, tout autant que le sourire, la rose n'avait pas aimé la façon dont Théodora avait fourbement arrangé son départ de chez Julot pour revendre sa dette ici, épongée depuis, et clairement la florale savait à qui elle devait d'être où elle était aujourd'hui, d'où les bourses bien plus garnies que nécessaire quand la maquerelle lui rabattait des galantes.
      Tu as fait preuve de zèle Théodora, ça me prouve que tu te portes bien ?
      Tu en as l'air en tout cas.

    L'avantage en passant par la rombière au grand coeur, quoi qu'elle en dise, c'est que les vérifications d'usage auraient déjà été faites, nul besoin de vérifier dents et autres détails, ce qu'Elle n'aimait aucunement faire.
      Bien... Adelaïde sert à boire à ces demoiselles je te prie.

    Les observer, une à une, leurs mises, leurs silhouettes, ce qui ferait leurs différences ici, et au final, il n'y avait pas même besoin d'approfondir pour le savoir, une touche d'exotisme, une beauté froide et la douceur des rondeurs, chacune aurait son créneau, restait à en savoir un peu plus, et pour ça quoi de mieux que faire jouer la concurrence, à minima.
      On me nomme "Elle", je suis la gérante de l'Aphrodite, décisionnaire de votre devenir ici.
      J'attends de vous que vous vous présentiez, si vous êtes marquée, je veux le savoir.
      Dites moi qui vous êtes et pourquoi vous avez votre place ici.
      Vendez-vous, donnez-moi envie.

    La messe était dite, et sans attendre davantage, un siège fut tiré, celui qu'elle prenait habituellement quand elle descendait déjeuner au réfectoire qui servait autant aux galants et galantes, qu'au petit personnel, à horaires différents de part leur travail respectif, mais s'y croisant forcément.
    Mains passées sous les cuisses, pour lisser sa robe en s'asseyant, et ainsi éviter le pli disgracieux en se levant, le dos s'appuya contre le dossier lentement et à peine, mains se rejoignant sur ses cuisses après avoir invité Théodora d'un signe discret à prendre place à ses cotés, attendant son verre d'hypocras et que la première de ses demoiselles, ose prendre la parole.

    Avait-elle déjà quelconque opinion sur chacune d'elle ? Bien sûr....
    Une petite idée sur qui prendrait première la parole ? Evidemment...
    Des préférences, des réticences, un pressentiment ? Peut-être bien...


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Merci JDMonty
Kahori
Il fait chaud. Après des semaines à frissonner, le derme lentement grignoter par milles bouches hivernales, l'Eurasienne se sent comme dans les bras d'une mère. Il fait bon vivre entre quatre murs, comme autrefois. Il fait bon d'inspirer à pleins poumons l'odeur si propre aux lupanars : Un mélange de fleurs et fumée épicé d'un rien de stupre. Il n'y a plus reconnaissable que cet arôme d'amour qui flotte autour des métiers du sexe. Beaucoup l'ignorent, mais le foutre et la sueur s'imprègnent jusque dans vos cheveux et auréoles vos pas d'un sillage grivois jusqu'à définir votre identité même.

C'est une madeleine de Proust avant l'heure, un parfum irrévérencieux qui détend imperceptiblement le corps délié de Kahori. Elle l'ignorait encore, mais deux odeurs la frapperait de la même façon jusqu'à la fin de ses jours. Celui du yukata de sa mère qui sentait l'encens froid là bas à Kyoto. Puis celui de l'embrun qui flottait dans les cales du navire qui l'avait rapatrié depuis l'Empire jusqu'à l'Europe, encombrante bâtarde d'une japonaise raffinée et d'un marchand Aragonais. Petit nez rond hume l'air avec délectation. Esthète olfactive tressaille et se glisse entre ses compagnes pour se présenter devant la gérante. L'une sent le lait frais, gironde comme une nourrisse, exquis petit visage aux joues rebondies surplombés d'yeux candides. L'autre arbore le faciès peu aimable d'une femme légitiment consciente de sa beauté. Les épaules raides et le regard dur, elle la foudroiera probablement pour son audace. C'était de cette trempe là qu'on fabriquait les catins qui grimpaient le plus haut sur l'échelle du stupre, dans son bordel poitevin. Cruelle, maligne, arriviste. Le genre à vous souffler votre passe, et avec le sourire.

Qu'importe.

Hors de question de s'acclimater d'avantage à la puanteur des rues parisiennes. Le désespoir pousse l'Eurasienne à souffler la politesse pour imposer son petit corps malingre au regard de la dite "Elle". La gérante est digne. Sur d'elle. Magnifique. Kahori rassemble ses longues mèches brunes sur une épaule, soulignant l'ovale d'un minois aux pommettes hautes. Le nez légèrement rond, la lèvre inférieure plus gourmande que l'inférieur, les paupières bridés en guise d'écrin à deux iris vertes, héritage paternelle, qui s'accrochent aux quinquets de celle qui tient son avenir dans le creux de sa main.

Watashi...

Kahori entame par sa langue maternelle. Hypocrisie inculquée dans sa précédente maisonnée qui soignait tout autant son pucelage que ses origines. On pouvait ajouter presque autant de zéro au tarif de ses passes qu'il y avait de lettres dans le mot Japon.

Je m'appelle Mitsuki Kahori. Kahori, pour le travail. Je viens de la Rochelle. Oto... Mon père voyageait beaucoup. Il m'a confié à une maison fine qui m'a formé en danse, en chant, et quelques rudiments amoureux. La maison a brûlée. Je suis venue ici.

Mensonges. Mensonges mille fois répétés. On ne peut décemment venir offrir son pucelage à une maison, quand on à fuit la précédente. Elle soupçonne la gérante de se moquer éperdument des raisons sommes toute légitimes qui l'ont poussé à fuir. Ce genre de femme ne parle qu'en terme de profit. Et elle n'est qu'une marchandise qui se vend elle même. Elle ne mentionnera d'ailleurs pas son âge. Pas plus de quatorze, probablement un peu moins. Une pute n'a ni nom ni date de naissance, elle n'existe qu'à travers les apparences, et les siennes sont diluées d'orient, faussant les pistes.

Je suis vierge. Je n'ai pas de maladies. Je sais lire et compter.

Enfin, elle s'autorise à respirer. Et ses yeux verts tombent sur la petite blonde qui escorte la gérante. Une poupée occidentale, comme tout droit sortie d'un tableau. Elle était plus jeune encore quand elle avait été vendue au bordel, à la Rochelle. Et elle aussi se fascinait pour ces beautés qui disparaissaient avec de beaux messieurs aux étages supérieurs. Son monde se limitait à l'aspect le plus enviable du métier auquel on l'a préparait. Il n'existait rien, entre l'instant où la porte de la chambre se refermait et celle où elle se rouvrait. On pouvait préserver sa candeur jusqu'en enfer. L'eurasienne sourit à l'enfant émerveillée, fière d'être pour la première fois passée de l'autre côté d'un miroir dont elle ne connaissait pas vraiment la finalité.
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Apolline.
Après quelques minutes interminables, Elle fit son entrée. D'instinct, par je ne sais quel jeu de reconnaissance que l'on partage, dans le milieu, Apolline sut que s'il fallait convenir à quelqu'un, ce serait à Elle, et Elle seule, d'abord. Pas à cette rombière vulgaire qui aimait à se donner un genre, en les faisant entrer ici comme on fait rentrer des poules au poulailler pour qu'elles y soient nichées à la nuit tombée.

- Tu as fait preuve de zèle Théodora, ça me prouve que tu te portes bien ?
Tu en as l'air en tout cas.


Tu m'étonnes. Pour être en forme, elle l'était, littéralement. En formes. Bien en chair. Bien sûr, et il fallait l'avouer, cette boule de suif ambulante était bien moins rondelette que miss grassouillette à son côté. Un instant, d'ailleurs, Apolline hésita à faire un léger pas en avant, pour ne pas que son corps plus fluet soit caché par celle qui deviendrait sans aucun doute son souffre douleur en cas d'embauche et qu'elle surnommait déjà « Bouboule », en son for intérieur.

Elle, c'était autre chose. L'incarnation même de l'endroit. Le regard, captivé, attentif, la suivit comme il le put lorsqu'elle évolua dans la pièce, autour d'elle, dans une légère retenue du souffle. Pour la première fois, fille de lune appréhende, prend conscience que c'est son moment.

Lorsque ces dames prennent place aux fauteuils face à elle, elle n'a plus d'yeux que pour Elle, reléguant la dindonne à son rôle de spectatrice, maintenant qu'elle n'est plus metteuse en scène. Si elle a eu ce rôle et donc, la dévotion suffisante d'Apolline le temps qu'elle la récupère et la mène ici, c'est achevé, elle n'est plus qu'un personnage secondaire à cette petite pièce de théâtre prenant forme sous leurs yeux.

Les consignes formulées s'insinuèrent entre ses tempes. Elle allait faire un pas en avant, quand elle fut supplantée par la sang-mêlé, à en faire rehausser sa lèvre de dédain. Comment ose-t-elle, cette étrangère, passer devant une autochtone ?! A la regarder, elle est jolie. Elle a quelque chose d'exotique dans le charme, un je-ne-sais-quoi d'attrayant, à en comprendre, déjà, les hommes qui se voudront prendre l'orient, quand ils la croiseront. Mais tout de même, elle reste une petite venue d'ailleurs, et en cela, elle a moins de légitimité qu'elle à se trouver là.


- Watashi.

Elle aurait été en position de force qu'elle aurait répondu « à tes souhaits », comme le font les imbéciles racistes quand on formule un terme étranger sous leur nez, plutôt que de lever ostensiblement les yeux au ciel d'agacement. Et en plus, elle ne parle pas français. Qui va-t-elle séduire, des japonais de passage ? Combien sont-ils, ces bridés aux milles manières compliquées, qui voient de l'impolitesse dans un simple mouchage, quand eux, crachent la moitié de leurs boyaux par terre ou reniflent bruyamment en trouvant ça plus convenable ? Si ces gens-là ne sont pas de chez nous, c'est qu'il y a une bonne raison.

La suite de son discours, elle l'écoute moins, se concentrant sur sa gestuelle. Celle-ci, c'est une rivale sérieuse, pas comme la grosse lavandière qui attend son tour, sans doute en triturant ses doigts, comme le font toutes les greluches nerveuses qui ne savent pas cacher leur angoisse, en se dandinant d'un pied sur l'autre. D'ailleurs, un moment, elle se demande si la blonde ne serait pas la fille cachée de Théodora, mais l'idée même que la rousse aux cheveux mal crêpés ait donné naissance lui en filerait presque un haut le cœur.

La maison a brûlé. Ben voyons, faudrait en plus qu'on pleure sur son sort. De là où elle vient quand une maison est mal construite, on sait bien qui l'a bâtie. Et c'est pas des gens de chez nous. Elle espère, brièvement, que puisque Elle a parlé de mentionner d'éventuelles marques, elle dira que sa peau porte les stigmates de l'incendie mais... las, elle est indemne. Dommage. Les flammes n'ont pas rougi la peau trop jaune, c'est tout de même bien ennuyeux.


- Je suis vierge.

Elle retient de justesse un éclat de rire dubitatif. Cette femme sent le stupre à des lieues à la ronde, elle évolue ici comme un poisson dans l'eau et elle sait exactement comment tirer son épingle du jeu. Elle, vierge?! Et puis quoi d'autre ?

- Je n'ai pas de maladies.

Ca, franchement, on ne sait pas non plus. Elle en a croisé, des étrangères sur les trottoirs, et elle sait bien, elle, qu'elles n'ont pas toutes le même soin à se laver après chaque passe, qu'elles n'ont pas la même notion de l'hygiène, qu'elles ne sont pas toutes saines. Si elle était Elle, elle se méfierait. Déjà, clairement, la nippone a menti sur sa virginité, c'est évident. Si celle-ci est vierge, alors là, les bras lui en tombent.

- Je sais lire et compter.

Ouais, et ? On ne lui demandera pas de lire à haute voix – bien que certains soient un peu étranges, des fois, dans leurs demandes. Elle se souvient brièvement d'un type qui voulait qu'on lui raconte des histoires en caressant ses cheveux pour qu'il s'endorme. Ces gens là, ça lui fout les foies, c'est pas normal. Quand on vient voir une catin, on fait comme tout le monde ; on se vide, et on rentre chez soi auprès de sa femme. Quant à compter, elle a un vague regard vers la blonde à son côté, quand dans un sourire en coin, elle s'interroge elle-même. Oui, non, elle espère vraiment qu'elles ne seront pas rémunérées au poids, sinon celle-là videra les bourses de l'Aphrodite en moins de temps qu'il en faudra pour délester celles des mâles de par leurs charmes.

Elle se reprend, efface ce sourire de ses lèvres. De ce temps là, Kahori observe la petite fille avec un sourire que la Blonde trouve d'une hypocrisie sans bornes. C'est à son tour, hors de question de laisser Bouboule parler avant elle, déjà que Kahori, fourbe de par sa race, l'a supplantée, on va peut-être pas pousser non plus.

C'est assez insurgée, sous ses yeux froids, qu'Apolline fait un pas en avant, souriant avec la même hypocrisie à la Japonaise, main venant glisser à son ventre pour la faire reculer, dans l'attitude de louvoiement sulfureux que l'on peut attendre d'une putain. Menteuse, elle sait faire s'allumer ses prunelles de séduction factice, dès lors qu'elle prend son rôle de fille de la nuit.

C'est un métier de corps, de gestes, moins de mots. Aussi, rien de tel qu'une petite démonstration, la Blonde venant longer la mâchoire féminine pour lui glisser, d'une voix faussement admirative et de façon audible pour les autres, un « C'était passionnant, tu me raconteras tout ça plus en détails, dis? », dans le même genre de phrases rassurantes que l'on balance aux clients, pour les mettre en joie. Le sourire lui est maintenu, du temps qu'elle s'éloigne, la main venant cette fois se poser au dos de celle de Théodora qui, si elle la répugne fondamentalement, se fait nouvel outil de sa démonstration, avant que de remonter au bras, pour se poser à l'épaule.


- Je m'appelle Apolline, mais l'on peut m'appeler comme on le voudra. Une femme comme nous, on peut prendre ses lèvres, on peut goûter sa peau ; décider de ses gestes, même changer son nom.* Ce qui vous conviendra sera parfait.

Lentement, gracieuse, elle fait le tour des fauteuils, habite l'espace qu'elle parcoure. Prends-en de la graine, fille de l'Orient, c'est ainsi qu'on se vend. En suscitant l'envie, pas la pitié. Le visage vient se glisser entre les têtes de Théodora et d'Elle, pour que le timbre, bas, vienne susurrer, comme sa main libre vient caresser la nuque libre d'Elle, dont les cheveux sont relevés :

- Je peux être poupée russe, lady anglaise, fille de campagne ou haute bourgeoise, comme il vous sied. Je puis tout devenir, pour... votre bon plaisir.

Enfin, elle se redresse, reprend sa place à côté de miss Boulotte, à qui elle tend un sourire.

A toi, Bouboule.




* Goldman, Fermer les yeux, allusion.

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Mariange
-



C'était une situation totalement inédite pour la Nordique ! Elle n'avait jamais mis les pieds dans un bordel. Jamais.
Elle n'avait pas d'aprioris sur les filles-de-joie. Mariange jugeait plus facilement les hommes. Tous des salauds ? Mais non. Optimisme ridicule ? Peut-être. L'espoir donnait au sourire de Mariange une sincérité presque stupide. Stupide de croire encore à l'humanité. Une perle rare ! Surtout par ici... Sauf la gamine, sans doute. Mais Mariange n'était plus une enfant, loin de là.
Elle ne jugeait pas la maquerelle grossière qui était d'un archétype incroyable. En revanche, elle, elle se sentit jugée par une blonde, svelte, l'air supérieur. Détaillée des pieds à la tête comme un tas de merde, la Nordique fit un clin d’œil à sa juge. Amusée. Elle ne s'en ferai pas une amie ? Elle n'était pas payée pour ça. Dommage. Parce que Mariange était vraiment une gentille grosse. Oui, vraiment ! Et rigolote. Comme tout les gros, c'est connu.


La petite porte fut passée.
Une femme charismatique fit son entrée. De celles à l'autorité naturelle. Pas une visiteuse... Non, non. C'était "elle". Qui se présenta d'ailleurs ainsi. Elle était Elle. On pouvait parler d'Elle en disant "celle-là", pour changer ?
Théodora était l'obèse aux mouches. Adelaïde la fillette. Enregistré.
Mariange se tenait bien droite, comme à son habitude. Sa mère lui avait dit que se tenir voûtée faisait tomber les seins. Voulant les garder hauts & fiers malgré leur masse, la Scandinave se tenait bien. Elle n'était pas dénuée d'orgueil non plus. Malgré son enfance, l'abandon, les coups, les viols... Pas de quoi la casser. Mariange tenait plus du chêne que du bambou...

Un verre leur fut servi, par politesse. Elle mit les points sur les "i" tout de suite. Elle tenait leur avenir. Quel genre d'avenir ?
Elle s'assit. Celle-là. Lissant le dessous de sa robe.

L'Étrangère fit son entrée en matière. Mariange était fascinée par les "autres". Les peaux bronzées ou noires, les yeux bridés ou les lèvres prune. La Nordique aimait bien les Africains. Elle en avait vu un, un jour. Un exotisme si étrange qu'il l'attirait irrémédiablement. Elle, la fille du Nord...

Kahori. Joli nom. Mariange se demanda comment se présenter. Son prénom étranger serai peut-être une plu-valu. Elle essaierait.
Kahori termina.

Et... Merde. Foutu pestasse. C'était quoi, son problème, à elle ? Une jalousie mal cachée, comme tout les égocentriques. Très bien. Qu'elle fasse son numéro. Mariange ne se démontait pas. Cette fille serai une sacré putain. Elle l'était sans aucune rémunération...
Il pourrait y avoir des problèmes.
Après le sketchs vulgos de la Blondasse, celle-ci lui fit un sale regard que Mariange soutint sans ciller.

La Ronde s'avança à peine & parla, avec un fort accent, mais ses mots restaient bien compréhensibles.

Je m’appelle Mariange. Mon nom est aussi Magnhild. Je viens de Grövelsön, en Suède.
Se vendre ? Il fallait donc donner envie. Pas pitié.
Je suis ici par nécessité, c'est vrai. Mais j'aime les jeux de l'amour. Alors pourquoi ne pas en vivre ?
J'aime les hommes mais aimerais apprendre à découvrir les femmes. Je suis d'une nature curieuse.
Je suis une personne calme & je ne cause pas de problèmes sans raison. Et je suis motivée.
Dit-elle d'une voix un peu hachée par son accent.
Contrairement aux hommes Scandinaves, le sien n'était pas guttural. Sa voix était douce comme de la crème fraîche. Mariange - ou Magnhild - termina par un léger sourire.
Elle n'avait pas raconté de mensonges. Sauf sur le lieu d'où elle venait, mais qui s'en soucierait ? La Suède restait la Suède.
Autant qu'un Parisien & un Marseillais étaient Français pour un Suédois.

La Ronde n'était pas mal à l'aise. Que risquait-elle, mis à part - re - finir à la Rue ? Rien. Être acceptée serai un bonus & un gros gain de temps dans son escalade parcimonieuse du train de vie.



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Adelaide_lutecia
Tu souris sous la remontrance mais il t'en faudra plus pour prendre ombrage. Tu le sais la Rose à son piquant et tu as appris à apprécier chacune de ses facettes. Tu l'observes se lever, prendre soin de sa mise dans un mouvement remplit de coquetterie. Tu apprends chaque jour en observant les galantes les gestes et mimique à adopter. Le port altier, la démarche souple, il t'en faudra des heures d'entrainement dans ta chambre pour un jour pouvoir arriver à la cheville de celle qui t'offre le gite.

Je crois que la plus ronde est cette noble cachée... Mais pour moi, si elle avait trouvé l'amour, elle ne serait pas ici... C'est tellleeeement triste !

Tout du long du corridor, tu gardes le silence réfléchissant à l'histoire des autres filles présentes. Tu n'as pas vraiment eu le temps de les voir mais tu as envie d'en savoir plus et tu as hâte d'y être à nouveau pour pouvoir les observer tout ton saoul.

La porte se referme dans votre dos et déjà tu regardes Elle prendre possession de son rôle de gérante. Tu la regardes un instant admirative. A la demande, tu obtempères en te dirigeant vers les placards pour en sortir les godets propres. Tu te dépêches pour ne rien rater du spectacle. Tu prends soin de ne pas en mettre partout mais la cervoise de la cheffe est servie rapidement et déjà avec tes petites mains tu déposes les liquides non loin de ces dames. Tu ne souris plus, tu prends ton rôle avec sérieux. Plus tôt dans la journée, tu as vu des viennoiseries et à nouveau tu te hâtes de les présenter dans le panier en osier non loin d'Elle et de Théodora. Tu le sens, elles vont faire fureur.

Puis vient le moment où la première prend la parole. Une femme comme elle n'en a que rarement vu. Les yeux bridés, le teint pâle et une langue étrange qui te fait pencher la tête sur le côté. Ta curiosité est telle que tu en oublies les bonnes manières. Qu'importe, tu restes discrète un peu en retrait à attendre qu'on te donne les prochaines instructions. L'instant te plait, tu te dis que la fille doit avoir ton âge à quelque chose prêt. Peut être serez vous amies ? La question te taraude et tu as bon espoir que cela arrivera.

Ce sera ensuite au tour de la blonde à l'air revêche de prendre la parole. Et là... Là le spectacle est grandiose. Ta bouche s'ouvre sous l'admiration. Tu la regardes faire son manège. Prendre possession de l'instant, Son instant. Tu aimerais être comme ça un jour. Sure de toi. Prête à tout pour obtenir ce que tu veux. Ton souffle se coupe quand elle se penche entre les deux mères maquerelles pour clore son spectacle. Ce ne sera qu'une fois qu'elle aura rendu la parole que tu reprendras ton souffle. Ton regard brun se pose sur la Rose dans l'espoir d'y lire une approbation. Tu voudrais qu'elle soit prise de suite. Que le suspens prenne fin de suite. Si seulement...

Mais tu n'auras pas le temps de dire ou faire quoi que ce soit de plus, la blonde ronde prend à son tour la parole. La Suède... Drôle de nom de patelin. Jamais tu n'en as entendu parlé et tu n'as même pas idée d'où ça pourrait être. L'accent est étrange et tu n'arrives pas vraiment à savoir si il est agréable ou non. Un sourire vient sur tes lippes tandis qu'elle parle des jeux de l'amour. Tu ne comprends pas tout, surtout le passage sur les femmes. N'est elle pas elle même une femme ? Alors pourquoi vouloir les découvrir ? Pourquoi chercher à comprendre ce qu'elle est ? Il faudra que tu poses la question à l'occasion... Mais à qui ?
.elle


    Et la curée commence, à qui sera la plus performante et qui se vendra le mieux, un sourire discret venant orner ses lippes alors que les émeraudes se figent sur celle qu'elle s'attend à voir entamer la danse, son arrogance autant que sa vanité se humant à des lieues à la ronde, si elle ne crache pas son fiel pour les autres prétendantes à une place ici, il se devine e doit lui brûler la gorge.
    Et contre toute attente, c'est l'exotique qui se fait la part belle, se frayant un chemin au milieu de tout ça, plus jeune, plus frèle mais... combative, un point que la rose saura apprécier, qu'elle notera même en sa faveur. Aucun ordre de passage n'avait été donné, volontairement, et la stratégie s'avère payante, dévoilant davantage le caractère de chacune, confirmant pour certaines le premier ressenti.
    Trois femmes et trois personnalités qui réhausseront les couleurs de la maison, du mesquin à la douceur en passant par l'audace.

    Mais l'heure est à l'écoute, et le langage de la jeune femme, fille même, confirme son ascendance asiatique, si la florale n'y entend rien, le dialecte est typique, tout comme son nom, perles de jade détaillant la demoiselle un peu plus précisément en se laissant bercer par ce que sa voix avoue, le regard remontant brusquement vers le visage de l'eurasienne lorsqu'elle évoque une virginité présente, tiens donc.... Théodora aurait-elle fait plus que merveille.
    Un léger coup d'oeil à sa voisine, et un hochement de tête simple lorsque la petite brune cesse son récit, n'ayant guère le temps d'intervenir que l'orgueil égratigné de la vaniteuse s'imprime d'une hypocrisie évidente pour évincer la virginale du tableau.

    Changement de tactique, changement de charisme, changement... presque vulgaire de racolage, la grace est là, à n'en point douter, mais l'attitude... grossière, s'il est une chose que son passif lui fait connaitre c'est qu'il n'est pas aisé de vouloir renier ses origines, que l'on soit de la grosse bourgeoisie à devoir fouler les pavés du bas peuple, ou de la fange à vouloir se donner de grands airs, chassez le naturel et...
    Le ressenti sera silencieux, comme pour la première prétendante, mais rien que cette main apposée à sa nuque trahira surement par la raideur provoquée, tout autant que le soupir, fusse t-il léger, au chuchotement.

    Signe de tête similaire avant que la dernière à devoir se présenter ne soit engagée en visuel, ayant eu la gentillesse, ou la faiblesse, selon l'idée que chacun s'en ferait, de laisser autrui lui passer devant.

    La présentation est simple, il serait si facile de dire tout en rondeur et en douceur, comme celle qui la fait, pourtant ce petit truc en plus, cet accent qui ne parait pas sans qu'elle ne parle, exotisme ici aussi, l'accent nordique, et enfin la rose obtient une description qui lui donne les informations dont elle a besoin, avec franchise et sans fioriture.
    Efficace, un fin sourire pointant sur la délicatesse des pétales labiaux de la gérante, n'ayant rien manqué des réactions d'Adélaïde à son côté alors que cervoise s'est vu repoussée, la petite sans doute mal réveillée ou fatiguée pour lui présenter ce breuvage et non pas l'hypocras rituel.
      Bien...

    Portant son attention sur sa voisine, une mine approbatrice lui fut envoyée.
      Ces demoiselles me rappellent pourquoi je fais appelle à toi ma chère, je doute de voir plus efficace dans notre cour.
      Ton bas va se voir grossi considérablement, je t'enverrais porter ton dû dès qu'un détail aura été confirmé.

    Se levant, le tour de la table fut fait, s'approchant de Kahori, tirant une chaise en l'invitant à s'assoir d'un signe de main.
      Votre virginité devra être confirmée, je ne vous suppose pas stupide pour avoir menti sur un sujet si aisément vérifiable, tout comme vous devez savoir la valeur qu'elle présente dans un lieu comme celui-ci.

    Posant émeraude sur le minois de la jeune femme, digitales vinrent souligner du revers la finesse de la mâchoire eurasienne.
      Surtout avec vos origines... Bienvenue Kahori.

    Un regard vers Adélaïde suffirait pour qu'elle comprenne que servir de quoi se nourrir à l'exotique était la suite logique dès que le siège serait rejoint.

    Suivant sur sa route se vit être Apolline, à qui un regard fût fugacement adressé avant de la contourner pour se diriger vers sa voisine, la contournant tout autant pour lui tirer à son tour une chaise l'invitant à s'assoir également.
      A votre place je choisirais votre prénom nordique, au moins pour votre travail, il éveillera plus de curiosité et d'intérêt que Mariange, l'exotisme est une chose que certains apprécient.
      Je ne vous cacherais pas que vos formes seront votre différence ici, beaucoup sont fines, certaines voluptueuses, mais aucune n'a la générosité de vos rondeurs.

    Sourire franc adressé à la nordique, comme pour "rassurer".
      Ne le voyez pas comme un handicap pour autant, votre beauté n'a rien à envier aux brindilles, c'est votre atout, autant que votre accent scandinave, jouez-en. Bienvenue Mariange.

    Enfin le regard félin de la rose se porta sur l'orgueilleuse, les émeraudes la détaillant de pied en cape, comme elle l'avait fait précédemment sur ses comparses avec un dédain aussi palpable que les rondeurs de Magnhild.
      Apolline... votre "démonstration de séduction" ne m'a en rien apporté les réponses auxquelles j'aspirais.
      L'unique à avoir répondu pleinement à ma requête, pourtant simple, se trouve être Mariange, certaines informations manquantes dans la présentation de Kahori pouvant s'expliquer par sa virginité.

    Le ton était posé, professionnel, avec ce contrôle si caractéristique d'Elle, sans venin audible, sans animosité, tout juste une intransigeance et une froideur toute relative, mais quand une erreur de jugement sur un recrutement lui était reprochée par un Ligny désireux de s'affirmer... les conséquences pouvaient en être des plus désagréables.
      L'assurance dont vous faites preuve se peut être une qualité, assurément, encore faut-il en user à bon escient, et là... vous avez commis une erreur.
      Je vous ai demandé de vous présenter, de me dire en quoi votre place est ici et de vous vendre. Aucunement de tenter de me séduire. Encore moins de vous accorder la familiarité de me toucher.
      Je ne doute pas que vous puissiez être un atout pour notre maison, mais j'aime à ce qu'on entende ce que je dis quand je parle, et non ce que vous avez envie.
      Je réitères donc, qui êtes vous, je vous fais grâce de pourquoi vous avez votre place ici, j'en ai eu aperçu.

    Le ton était donné, oui la florale était douce et conciliante quand il le fallait, mais s'il était une chose qu'elle ne supportait pas c'était la familiarité, autant que l'impertinence, la suite dirait si la perle blonde, parce que la gérante n'était nullement aveugle pour ne voir le potentiel de la jeune femme, était capable de supporter une remise en place pour arriver à ses fins et faire ce qu'on attendait d'elle, au même titre que ce qu'un client pourrait lui demander en séance, se plier à ses exigences.

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Merci JDMonty
Mariange
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Trois filles. Si différentes ! Une Étrangère, une Vulgaire... Et elle. Étrangère aussi. Ça ne sautait pas aux yeux. Son poids gommait un peu la mâchoire volontaire des femmes Scandinaves. Il y en avait deux sortes - sans parler des Lapones brunes & trapues, bien-sûr. Les blondes longilignes & les rudes matrones. Même une fine pouvait avoir une mâchoire de crotale.
Mariange était en douceur. Douceurs. Singulier. Pluriel. Les deux.

Elle fit un petit sourire à la Blondinette qui écoutait tout. Elle semblait bouillir de curiosité ! Mariange avait très envie de discuter avec elle. Son enseignement serai très riche, nul doute. Et puis la Ronde aimait les enfants. Vu l'aise & le minois de la Petite, elle était bien traitée ici, malgré le fait que ce soit un bordel. En espérant que son avenir ne fut pas tout tracé... Son pucelage volé par un client avide.
Et celui de Kahori ?
Était-elle véritablement vierge ? Mensonge ou non, ce n'était pas son problème. Mais tout de même... Pourvu que ce soit vrai. C'était facilement vérifiable. Sauf chez les cavalières assidues, lui avait-on dit. Chevauche, Kahori ! Chevauche !


Etant la dernière, Elle prit la parole peu après sa présentation simple.
Mariange n'était pas déçue d'elle-même. Son message était limpide.

Elle prit la parole pour s'adresser à la rombière. "Pas plus efficace dans notre cour". Elle était donc satisfaite.
Kahori tout d'abord. La première à s'être présentée. Ses deux particularités furent bien-sûr évoquées. La première sautait aux yeux.
Oh, Kahori, sois vierge... Pour de vrai. Pensa la Ronde, empathique.

Au tour de la Pestasse blonde, Apolline. Qui... Quoi ? Elle passa devant elle en lui accordant un regard. Un de ces regards ! Rapide. On considérait plus un moustique. Le côté sombre - bien enfoui - de Mariange, se réjouit. Trop d'audace tuait l'audace ?
Elle lui tira une chaise & Mariange s'assit, jambes collées, droite sur son dossier mais souple pourtant. Aucun balai mal placé.

Elle lui conseilla de garder son prénom d'origine. Evidemment. Elle s'en était douté. Elle opina du chef sans oser interrompre sa future Patronne par des mots inutiles.

Je ne vous cacherais pas que vos formes seront votre différence ici, beaucoup sont fines, certaines voluptueuses, mais aucune n'a la générosité de vos rondeurs. Dit Elle, souriante & plutôt chaleureuse.
Mariange... Pardon. Magnhild sourit en retour, dévoilant à peine ses jolies dents blanches frottées au citron matin & soir. Qu'était donc une jolie femme aux dents gâtées ? Plus rien. Juste bonne à se donner dans un tripot ou à mourir en poulinière dans une chaumière vétuste.
Le sourire de Magnhild étirait joliment ses yeux à la couleur de ciel. Un bleu des pays du Sud. Le dais de son pays ne possédait pas ces fragrances. La Nordique avait un côté Méditerranéenne.


Ne le voyez pas comme un handicap pour autant, votre beauté n'a rien à envier aux brindilles, c'est votre atout, autant que votre accent scandinave, jouez-en. Bienvenue Mariange.
Merci, Elle. J'assume pleinement les rondeurs & mon pays. Je n'ai pas encore le choix pour l'accent... Dit-elle, justement avec ce dernier bien prononcé, un sourire aux lèvres. Je serai donc Magnhild, à nouveau.
Son "tour" était fini.
Comme Kahori, Mari.. Magnhild devint spectatrice.

Elle était curieuse. Pourquoi Elle avait-elle snobé la Vilaine ?
La ronde ne fût pas déçue du voyage ! Ouille. Elle piquait.

L'unique à avoir répondu pleinement à ma requête, pourtant simple, se trouve être Mariange.
Ce qui ferai très plaisir à Apolline, nul doute. Magnhild fut enchantée d'entendre ça. Sa simplicité honnête avait payé. Nul besoin de sauter au cul, pardon, au cou de ses employeuses. La Blonde n'avait pas entendu la chuchotis de l'autre blonde mais il n'avait pas fait sensation. Tant mieux. Elle était trop puante pour la gentille Nordique.

Les critiques s’enchaînaient & Magnhild fut légèrement mal à l'aise, sans rien en montrer. Elle avait pitié. Elle regarda Apolline avec pitié. Ma pauvre... Pauvre, pauvre fille...
Elle réitéra sa demande de présentation. Pauvre Apolline... Avec une bonne pique en cadeau ! " Je sais déjà pourquoi vous êtes ici ". HaHa Ha ! Mesquin... Mérité, mais mesquin.
Apolline devrait quand même être engagée... Sa gouaille n'avait pas que des inconvénients. Magnhild se promit de l'éviter. Mieux valait pour chacune.

La Nordique, assise, attendait, impatiente. Et contente.


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Kahori
L'eurasienne avait opiné. Une réponse somme toute simple à une demande cohérente. Elle ne s'inquiétait pas d'un examen : Là d'où elle venait, on vérifiait son pucelage sans guère s'encombrer de lui demander l'autorisation. Le doigt de la matrone fourrageait ses chaires les plus intimes deux à trois fois le mois, pour vérifier que pépite d'or ne se bradait pas à un quelconque garçon d'écurie. Avoir la sottise de faire sauter son hymen aurait marqué sans nul doute son arrêt de mort. On tablait beaucoup trop sur ce qu'elle rapporterait. Probablement plus en une seule passe que pour le reste de sa courte carrière de catin à marin, grignotée par la vérole avant la vingtaine.

Elle s'était donc assise sans hésiter, piochant un petit rien dans l'assiette tendue par la petite servante. Probablement à peine plus jeune qu'elle, mais le minois encore lisse et rond comme l'avait les occidentales. Kahori adressa ensuite à sa comparse rondelette un petit signe de tête, gardant pour plus tard les présentations moins formelles. Pour l'heure, elle s'épargnait surtout de poser les yeux sur Appolline qui indéniablement ferait de la première surprise à la regarder la proie de ses colères à venir. Et on devinait aisément que ce serait la porte ouverte à un quotidien infernal.
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Apolline.
Vint l'attente de la réaction de la femme qui leur faisait face. Lorsqu'elle se leva et évolua dans l'espace, il ne fallut pas plus que ce regard furtif pour pressentir ce qu'il adviendrait ; que le contournement, ensuite, pour confirmer ce qu'elle redoutait. Elle avait choisi la mauvaise approche.

Le regard se fit droit, alors qu'elle le gardait résolument posé au siège que Rose avait quittée. C'est tout bête, un dossier de chaise, si l'on y réfléchit, mais on peut trouver à y observer, si l'on s'en donne la peine, ou si l'on essaie, comme c'est le cas actuellement, d'oblitérer la séance d'humiliation que l'on doit supporter sans broncher. Elle avait connu ça, déjà, ce sentiment de sentir son ventre bouillir sous une rage qu'elle devait contenir, cette torture silencieuse de se savoir jaugée, jugée, désavouée et de n'être pas en position de répondre. Cette place, elle la veut ; elle doit faire ce qu'il faut.

Le dédain de Rose, elle ne l'a pas soutenu, cédant dans cette fuite des prunelles prétendument dignes, le terrain à son réel possesseur. Elle a fait un choix, tenté une approche qu'elle voulait sensuelle, provocante juste ce qu'il faut ; mais pas vulgaire, ça, c'est évident. Ses idées sont parfois nauséabondes - elle en a un peu conscience même quelque fois - ; mais jamais ne s'est-elle voulue « vulgaire », et ce, à double titre.

La vulgarité, ça tient à peu de chose. C'est la grossièreté ordinaire des gens qui ne s'élèveront jamais ; et Apolline, elle, a pris le pli de s'élever, en s'allongeant à la couche des hommes qu'elle espérait puissants. Jusqu'à prétendre que le contact dru et velu d'un bas ventre masculin à la tendre mollesse du sien peut lui être agréable, jusqu'à ne pas ciller quand leurs souffles rauques lui irritent la nuque d'insupportable, jusqu'à serrer les dents, doigts serrés aux draps, quand ils sont trop audacieux et veulent se prouver à eux-mêmes qu'ils incarnent la virilité.

Quand sous leur égide, sa joue est posée à la couche, dans ces moments là, elle ne se réfugie jamais derrière ses paupières – fermer les yeux, c'est fait pour rêver, pour se reposer l'âme. Sans y être invitée, sans sentir que c'est ce qu'ils attendent, elle n'échappe aucune plainte, ni appréciative, ni douloureuse quand ils se font ressac égocentrique aux orbes qu'ils martèlent, parfois comme des damnés en rut. Qui interrogent-ils alors, à qui lancent-ils ces questions rhétoriques qui demandent « tu aimes ça ? », « sens-tu ce que je fais-là ? », sinon à leur propre manque d'assurance ? S'il s'agit d'une condition sine qua non pour qu'enfin ils s'abandonnent, alors elle gronde légèrement, coopérative, ce qui suffit généralement à les satisfaire et par là même, à la libérer.

C'est un métier où il faut savoir endosser les costumes qu'on lui commande. Petite poupée sait se faire docile aux impérieux, dominatrice à ceux qui le souhaitent. Tout est masque et rien n'est vérité, au jeu des faux semblants. Et elle excelle à se parer des tenues qu'on veut lui faire porter.

Chaque passe est la même. Quand elle le peut, elle fait comme elle le fait actuellement : elle fixe un point au mur, au meuble, à n'importe quoi, et elle attend que ça passe, comme on dispose de son corps. Elle se donne un objectif, se détache, elle prend son « mâle » en patience ; elle sait qu'aucun assaut ne dure éternellement. Rose n'est qu'une personne de plus qui la consomme, comme elle endure, aussi expressivement mutique qu'une génisse de concours dans un comice agricole.

Ce regard, de bas en haut, s'il était moins méprisant que s'il fût de sens opposé, la heurta profondément. Blessure d'ego est la pire de toutes, pour celle à qui telle attitude trouve écho en sa mémoire. Ces femmes qui avaient ri derrière leur main, sans discrétion, quand elle était arrivée de la campagne, qui lui avaient fait sentir, d'un indéniable dédain, qu'elle n'appartiendrait jamais à leur monde, ces dames à qui elle n'avait rien à envier au niveau des traits, mais qui, de par leurs naissances ou leurs connaissances, avaient pouvoir de lui octroyer ou non entrée en leur cercle. Ces femmes qu'elle avait aussitôt détestées, et qui ne lui jamais avaient jamais pardonné des manières peu parisiennes, trop champêtres, jusqu'à moquer des expressions et une légère intonation, qu'elles imitaient en cancanant. Foutues garces, dont elle avait fui la présence quand elle les avait croisées aux comptoirs des bars qu'elles fréquentaient et où elle était assise, en attente d'y être listée parmi les consommations.

Bouboule fut complimentée ; elle était la seule à avoir répondu aux attentes de la jeune femme – elle décida aussitôt qu'elle la haïssait, cette petite cruche aux formes trop rondes, au corps difforme. Aussitôt incarna-t-elle à ses yeux l'étendue de son dégoût, et elle sut alors, comment elle devrait réagir. Avec Rose, il faudrait louvoyer.

Le soufflet fut rude, et, comme elle penchait légèrement la tête sous le poids de la remontrance, en apparente soumission, elle put saisir, d'une part, ce regard de pitié que lui tendait la blonde brioche, qu'elle abhorra sitôt le croisa-t-elle ; d'autre part, celui que lui épargnait l'Eurasienne. Ce fut un léger soulagement que celle qu'elle avait érigée en rivale la plus probable ne savoure cette victoire ; sentiment bien vite supplanté par celui du constat évident qu'elle était faible, et qu'elle manquait d'impitoyable. Son sang délayé avait dû affaiblir un peu sa perfidie, jusqu'à s'en faire une nouvelle tare. Ces gens là sont décevants, mais trouvent toujours de quoi être plus aigrefins.


« L'assurance dont vous faites preuve se peut être une qualité, assurément, encore faut-il en user à bon escient, et là... vous avez commis une erreur.
Je vous ai demandé de vous présenter, de me dire en quoi votre place est ici et de vous vendre.
Aucunement de tenter de me séduire. Encore moins de vous accorder la familiarité de me toucher. »


Allons bon. L'on pouvait lui reprocher d'avoir opté pour une approche douteuse, l'on ne pouvait toutefois lui ôter l'audace. Elle a mal interprété le « vendez-vous, donnez moi envie », certes. Encore que dans un bordel, a priori, elle ne serait pas là pour faire la conversation, mais plutôt pour occuper sa bouche, entre autres, dans l'espoir de faire bafouiller celle des hommes qui la voudraient goûter, pour alourdir sa note. Cette femme était-elle arrivée à cette place sans faire usage de son corps, pour accorder tant d'estime à la pudeur ? C'est justement ce qu'on attend d'elle, non ? Toucher, soupirer, chuchoter à l'oreille des hommes et proposer d'incarner ce qu'ils souhaient. Mais elle a pouvoir, et dans la main, le destin présent de l'orgueilleuse ; il lui faudrait donc accepter les mots sans répondre, quand bien même pensait-elle le contraire.

- Je ne doute pas que vous puissiez être un atout pour notre maison, mais j'aime à ce qu'on entende ce que je dis quand je parle, et non ce que vous avez envie.
Je réitères donc, qui êtes vous, je vous fais grâce de pourquoi vous avez votre place ici, j'en ai eu aperçu.


Elle ferait sobre, cette fois. Elle répondrait aux directives, puisque c'est là ce qu'on attendait d'elle.

- Je me nomme Apolline. Je suis arrivée à Paris il y a quelques mois, et je me présente ici parce que j'ai entendu parler de votre maison, et que je voudrais travailler dans un endroit où je pourrai être en sécurité. Je ne suis pas marquée, je suis en bonne santé, et je ne rechigne pas à la tâche, ni n'en néglige aucun aspect. Je fais d'ailleurs ma part de corvées – je suis extrêmement ordonnée et soigneuse -, et je m'accommode des autres.

Oui, elle jouait sur les mots. Oui, elle répondait, sans trop en dire, pas certaine de vouloir trop se dévoiler, déjà. Mais enfin, consigne avait été respectée, cette fois. Normalement, on ne le lui reprocherait pas.
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