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[RP] Chroniques Floréal 1465

Emelyne.alois
___ Le matin poignait à peine. Le ciel gardait ses teintes sombres de la nuit, repoussée peu à peu par la lumière naissante à l'horizon flavescent, qui grandissait, grandissait. Une légère halte dans l'avancée des voitures pour reposer les chevaux et les hydrater, et Emelyne, qui avait eu un sommeil agité, en profita pour s'asseoir sur le marche-pied, et croquer dans une pomme, bien emmitouflée dans une couverture. Elle avait sorti un ensemble de feuilles reliées entre elles par des lanières, et recouvertes de cuir pour les protéger, lorgnant sur la première page où elle avait pris soin de noter en grandes lettres entrelacées pleines et déliées :


Chroniques d'un voyage entre filles, ou presque

Au bout d'un moment, elle finit par froncer le nez, et gratta l'encre de sa main libre pour effacer ces mots. L'adolescente se promit de trouver un meilleur nom à ce qui lui servirait de journal de bord lors de ce périple. Plus tard. Lorsque l'inspiration lui viendra.

___ Elle tourna la page, et réfléchit un moment devant la suivante, encore vierge de mots. La jeune brune croqua à nouveau dans la pomme, et arma sa plume avant d'inaugurer le grand carnet de voyage.



Samedi 11 Mars 1465, Mâtines.
Entre Verneuil et la frontière orléanaise.


Cher journal,

Nous y sommes. Nos premières lieues ont été avalées dans ce voyage qui nous mènera sur les terres lyonnaises de Maman.
La date a fini par être décidée par la décision de Papa de rentrer, pour retrouver sa compagne, et participer aux Ducales d'Orléans, mais la Providence a voulu que le départ coïncide avec l'arrivée de beaux jours. Les arbres sont toujours dénudés, les fleurs timides, mais tout dans l'air fait penser au Printemps. Il est là, il se fait sentir en emplissant nos poumons d'un regain d'énergie et d'envie, et les oiseaux sont en liesse. Même la nuit certains continuent leurs tours de chant. Cela fait un bien fou après ces quelques jours de giboulées précoces et de tempêtes, dont on ne trouve plus trace à présent tant le ciel est dépouillé de nuages pour laisser la lumière nous inonder en lieu et place de la pluie.

D'aucun dirait que le voyage commence sous les meilleurs augures. Pourtant... Pourtant, je n'arrive pas à avoir un avis tranché sur ce voyage. Je suis partagée. Je suis à la fois heureuse et excitée de voyager à nouveau, de revoir des paysages, de retrouver des connaissances, de retrouver le Dauphiné. Et à la fois, je sais que des choses difficiles nous attendent.

Ne serait-ce que parce que chaque foulée nous rapproche du moment où l'on sera séparé de Papa. Je préfère ne pas y penser. Je sais que c'est horrible de penser cela, et je m'en veux terriblement... Mais une part de moi voudrait que l'on n'arrive jamais dans l'Orléanais, bien que nous en sommes tout proches, afin qu'il puisse rester encore avec nous. Ce mois ensemble a été au-delà de mes espérances, moi qui n'a jamais pu beaucoup profiter de Papa, et qui avait désiré le voir durant toute mon enfance. Savoir que ce sera terminé plus tôt que prévu me peine. Je m'y attendais, je me fais une raison, je ne veux pas le montrer pour ne pas culpabiliser Papa, et je préfère ne pas y penser, alors je préfère penser positivement et profiter de chaque moment qu'il nous reste ensemble. Et puis, j'ai déjà une bonne réserve de merveilleux souvenirs avec lui.
Mais je préfère ne pas y penser.
Sinon...


En écrivant ces mots, la jeune Malemort pensa soudainement qu'elle ne ne souvenait pas avoir vu Papa cette nuit. Il devait sans doute être dans l'autre voiture, et n'a pas dû le remarquer à la faveur des ombres de la nuit.
Emelyne décolla son nez de sa feuille en sentant un frôlement contre sa jambe. C'était Satin, son jeune renard, assis sur son séant, qui arborait un air fier et heureux, sa douce queue duveteuse ondulant de satisfaction derrière lui. Il venait de déposer un mulot fraîchement tué à ses pieds. La petite brune retint un soupir et s'efforça de sourire au jeune animal pour ne pas prendre une mine dégoûtée et ne pas pousser un hurlement de frayeur comme son instinct lui commandait de faire. Elle prit avec crainte le bout de la queue du rongeur -paix à son âme- entre son pouce et l'index, fébrilement, et fit semblant de le gober après l'avoir fait glisser dans son dos, et de mâcher dans le vide devant l'air absolument ravi de Satin. Emelyne offrit ce qu'il restait de pomme à son renard en échange, et il s'en alla en sautillant de joie. Puis, elle fit voler le mulot dans les airs, loin, très loin, avec un air horrifié.



Et puis, il y a le passage à Dijon. Je n'y ai pas de bons souvenirs. Et surtout, Andreaaa devra se confronter à son frère qui y vit avec son épouse, et qui n'avait daigné lui répondre alors qu'elle a tenté de prendre contact avec lui et a attendu des mois de ses nouvelles. Je serai avec elle, je la soutiendrai. Mais je sais que ce sera pénible.
Et que dire du Dauphiné ? L'AAP relatait il y a quelques temps les incursions de Renards. La situation s'est calmée, paraît-il, mais il vaut mieux rester prudents. On sait ce que le retour des beaux jours ont comme effet sur les hommes : ils sortent de leurs torpeurs, et leurs instincts guerriers se réveillent. N'importe quel prétexte ferait l'affaire.

Mes frères vont me manquer aussi. Kÿe aussi. Ils restent à Argentan. Cela dit, Kÿe me manque depuis plusieurs mois, à présent.

Et puis... La dernière soirée à Argentan ne s'est pas très bien passée. Elle a été si éprouvante que je n'ai pu véritablement trouver le sommeil. Guise était d'humeur querelleuse, et il semblait bien irrité par le fait qu'Andreaaa parte du Duché avec nous. J'ai commis une erreur affreuse et présomptueuse. Je l'ai provoqué, pour qu'il dirige ses griefs contre moi et qu'il n'en veuille pas à Andreaaa. Il n'en a pas fallu beaucoup, d'ailleurs, pour qu'il me lance injures sur injures, gratuitement, et j'encaissais sans répondre, car c'était ce que je voulais après tout. Mais, je n'avais pas prévu qu'Ehmée s'en mêle. Peut-être que Guise avait tout compris, peut-être qu'il avait vu que ses insultes n'avait pas d'effet sur moi, peut-être qu'il voulait me faire mal autrement, ou peut-être qu'il a juste agi sans réfléchir. Mais il a administré une gifle magistrale à ma pauvre petite soeur.
J'en ressens encore l'impact dans mes entrailles, plus durement que si c'était moi qui avait reçu cette gifle. J'ai appliqué de l'arnica sur la joue d'Ehmée, et je l'ai sermonnée qu'elle était allée trop loin et que ce n'était pas la peine et qu'elle ne devrait pas agir ainsi. Mais elle était dans un état de colère et de haine pour Guise bien trop grand, et moi-même le coeur n'y était pas tant je m'en voulais. C'était de ma faute.
Je ne l'ai pas encore raconté à Maman. Cela aurait sans doute pris d'autres proportions si elle avait été mise au courant sans attendre, et de toute manière elle l'apprendra d'une manière ou d'une autre rapidement.

J'entends du bruit. Je vais voir qui s'est réveillé. Peut-être Papa ? Il y a une aire aménagée, pas loin. Peut-être y passerons-nous un peu de temps avant de reprendre la route.
Je te laisse pour l'heure, Journal, bien que je n'ai jamais compris pourquoi on devait s'adresser au journal, dans un journal. Mais ce sont les tous premiers mots de ce voyage de Printemps. Garde-les précieusement, s'il te plaît.
A bien vite.

Le matin avait pris ses aises, les ombres de la nuit étaient effacées, jusqu'à la prochaine.
Et Emelyne se rendit compte que Papa n'était pas là.
_________________
Elisa.malemort
    «On s'en va parce qu'on a besoin de distraction, et l'on revient parce qu'on a besoin de bonheur.»
        Victor Hugo




Quelques jours déjà, que les filles avaient quitté Argentan. Mère et filles avaient prit la route, accompagné de Bel, pour un petit voyage. Elisa avait ressenti le besoin de s’aérer l’esprit. Elle tournait en rond, chez elle, elle n’avait rien à faire de ses journées et n’avait pas non plus envie de faire. La Malemort mettait son rôle de Mère en priorité, s’occupant de ses filles lorsqu’elles étaient malades, tristes ou bien pour faire des attaques de chatouilles.
Et puis, elle en voulait à Kye. Depuis quelques temps, il avait reprit l’habitude de prendre les décisions qui impliquaient toute la famille, seul. Et ça, la Malemort, elle avait du mal à l’accepter. Elle avait dû mal à digérer que durant deux mois, elle devrait le voir travailler, car il avait décidé de faire d’une liste ducale, alors même que le reste de la famille n’avait pas encore déménagé dans la province. Il s’était engagé, pour deux mois. Deux longs mois, sans même en parler avant d’accepter.

Alors, elle avait décidé de partir en Lyonnais. Là-bas, elle prendrait un peu de repos. Là-bas, elle pourrait se reposer. Là-bas, elle pourrait même se retrouver, peut-être. Elle irait se balader, sur ses terres, le long du petit ruisseau qui coule à l’Est du château. Elle irait se recueillir sur la tombe de son défunt époux. Elle pourra, peut-être retrouvé des amis qu’elle avait laissés là-bas, le jour de son départ. Elle pourrait s’occuper de ses terres, s’asseoir aux pieds des cerisiers que Rotule avait fait planter pour elle, afin de leur murmurer de douces histoires pour qu’au début de l’été, ils soient garnis de cerises.
Là-bas, elle sortirait de sa routine et ça lui ferait du bien. Voilà ce que la Malemort c’était dit. Et voilà pourquoi la Malemort était partie, amenant avec elle ses filles qui souhaitaient être du voyage.

Aujourd’hui, elle était arrivée dans la capitale orléanaise, alors, assise au bord du bureau de la chambre qui l’accueillait pour la journée, elle s’était mise à écrire à Argentan, à sa routine, à ses fils et à Kye.




Citation:
    Mon Vieux Loup,

    Je prends enfin la plume, tandis que j’ai retrouvé le confort d’une chambre. Nous sommes arrivés ce matin, à l’aube dans la capitale orléanaise. Nous nous portons bien et jusque là, nous n’avons eu aucun problème.
    Emelyne nous a prévu, a tous quasiment contraint et forcé, une visite chez le médecin de la ville. Elle sait être très convaincante. Nous allons donc tous y aller.

    Nous ne restons néanmoins pas. Demain, nous serons déjà à Montargis, aux portes de la Champagne. Nous nous séparerons alors de Bel, pour poursuivre notre chemin, seules, entre filles. Mais nous ne resterons seules que deux jours, normalement. J’ai écris à Gannicus, et il va venir nous chercher à la frontière bourguignonne pour nous accompagner une partie de notre voyage. Nous serons donc, un peu plus en sécurité.

    Et vous mon aimé comment vous portez-vous ? Comment se portent les garçons ? Et votre travail… J’espère que vous ne passez pas trop de temps derrière votre bureau et que vous avez encore un peu de temps pour les petits et aussi pour vous. Prenez vous soins de vous ? Mangez vous correctement ? Je ne doute pas qu’Eli doit être sur votre dos pour veiller à tout cela.
    Savez-vous que vous nous manquez ? Vous ratez de belles rencontres. Je ne sais pas si c’est l’air d’être voyageur, mais je trouve les gens accueillants et tout à fait charmants dans les villes que nous avons visitées jusque là. Je regrette que vous ne soyez pas là, avec nous pour partager ces moments ensemble.

    Je pense à vous, mon vieux Loup.
    Prenez soins de vous. Embrassez les garçons pour moi, fortement, et dites leur que je les aime et qu’ils me manquent terriblement.

    Je vous embrasse.

    Votre étoile,
    E.


    Nb : Je t’aime

_________________
Kye
Malgré toutes les demandes et tous les efforts de Kÿe, Elisa avait quand même fini par prendre la route. Heureusement pour Kÿe, elle n'était pas partie avec tout le monde, comme elle avait pu l'annoncer à prime abord. Les garçons étaient rester avec lui, son fils et son filleul. Ainsi, il ne serait pas seul avec Kaïzer, le chien de la famille, comme seul compagnie. Eli aussi était restée, parce qu'il fallait bien s'occuper de ce petit monde.

Le Vieux Loup avait mis les choses au clair avec Eli; il allait s'occuper des garçons. La vieille s'était contentée de sourire et d’acquiescer, cette volonté de la part du Noircastel l'amusée et elle savait qu'il ne tiendrait pas longtemps, mais soit, ce que Noircastel veut, Noircastel l'a. Les garçons n'étaient jamais venus jusqu'à son lieu de travail et par conséquent, ils n'étaient jamais restés pour le voir travailler. C'était donc une grande première, lorsque le lendemain il les prit avec lui jusqu'à son bureau de héraut d'Alençon, et plus tard dans la journée, celui de Commissaire au Commerce d'Alençon.

Chose à laquelle le Noircastel n'avait cependant pas pensé, c'était une occupation pour les deux garçons. Alors une fois dans son bureau de héraut, il se retrouva bien bête, lorsque les deux petits lui demandèrent ce qu'ils pouvaient faire. Dès lors, il s'improvisa enseignant en hérauderie, il leur expliqua son travail, le fonctionnement de la hérauderie, de la noblesse, c'était chiant et long, mais de toute façon il fallait bien passer par cette case un jour ou l'autre, car ils finiraient tous les deux par être noble.
Et après le cours, l'amusement. C'est lorsqu'il présenta les différentes frontières héraldiques de l'Alençon que le jeu s'improvisa. Quelques soldats disposés sur les cartes, des lancés de dès et des conquêtes de territoire. Louis, lui, se contentait de s'amuser avec les petits soldats de plomb, prêtant attention lors des explications stratégiques car en tant qu'hommes, les deux garçons allaient un jour diriger des armées et autant affûter leur esprit de tacticien le plus tôt possible. Emery, lui, prenait la chose très au sérieux, il expliquait ses démarches, le pourquoi du comment, un fin stratège déjà.
Cette partie dura toute la journée, Kÿe n'était finalement pas passer à son bureau de Commissaire au commerce. A la tombée de la nuit, ils rentrèrent tous ensemble et cette petite partie allait continuer les jours suivants voir même les semaines suivantes. Une sorte de fil rouge jusqu'au retour de la femme tant aimé; Elisa.

Le soir, une fois les enfants au lit, c'était l'heure de trier et répondre à quelques courriers. Il ne s'occupa que d'une seule lettre, celle qui avait été mise au-dessus de toutes les autres, surement une décision d'Eli qui avait reconnu l'expéditeur de celle-ci ou plutôt l'expéditrice. Sourire aux lèvres, il répondit.


Citation:

    Mon étoile,

    Je dois bien vous avouer que depuis votre départ, je n'ai pas vu le temps passer. Contrairement à ce que vous pourriez vous imaginer, ce n'est pas mon travail qui occupe le plus clair de mon temps. En fait, je passe mon temps avec les garçons, la dernière activité en date, c'est ce jeu que nous nous sommes inventés dans mon bureau de héraut. Nous avons plusieurs cartes de la région, sur lesquelles nous déplaçons des petits soldats de plomb, représentant des armées et des troupes. Un simple jeu de capture de territoire des plus passionnants dont nous étayons les règles chaque jour, peut-être qu'à votre retour, vous voudrez vous y essayer ? Si tel est le cas, prenez garde aux garçons, même sous ses airs de petit ange, Louis, est déjà un grand stratège, qui donne du fil à retordre à son vieux père.
    Maintenant que je vous ai dit cela, vous dois surement vous inquiéter que je ne passe plus de temps à jouer qu'à travailler. Ne vous inquiètez pas, je gère mon temps parfaitement et s'il fallait que je travaille pour rattraper un quelconque retard, Eli s'occuperait d'eux à ma place.

    Je suis content que votre voyage se déroule bien. Je ne vous cacherai pas que vous savoir loin de moi m'inquiète énormément. J'aimerai tant pouvoir être présent avec vous, ne serait-ce que pour veiller sur notre petite famille. Hélas, je dois me contenter de cette impuissance dû à la distance. Soyez prudentes à votre approche du Lyonnais-Dauphiné, j'ai entendu que la situation là-bas était quelque peu tendue et je sais par expérience que souvent cela déteint sur la Bourgogne.

    Désormais, je déteste notre couche. Je sais que je l'ai toujours trouvé trop petite pour nous deux, puisque nous étions toujours collés l'un à l'autre, mais aujourd'hui, je la trouve trop grande. Trop grande et trop froide. Toutes les couvertures et toutes les bouillottes que je rajoute ne remplaceront jamais la chaleur brûlante de votre corps. Votre odeur me manque également, bien que vous m'ayez laisser quelques flacons de votre parfum, l'odeur pure de ce dernier n'est pas aussi délectable que son mélange à votre peau. Vos soupires me manquent tout autant et aucun vent de ce monde ne saurait les remplacer. Je ne parlais de votre voix ou de votre rire, vous savez très bien ce que j'en pense, je donnerai n'importe quoi pour pouvoir les entendre à nouveau et pour ne pas avoir à attendre votre retour.

    Vous me manquez, mon étoile,
    Prenez soin de vous et embrassez les filles pour moi.

    Je vous embrasse tendrement,
    Votre vieux loup,
    K

    PS - Je t'aime tout autant.


_________________
Emelyne.alois
___ La barque glissait sur l'eau. Sans bruit, lentement. Les clapotis qui se refermaient sur la coques étaient couverts par les oiseaux en parades, le long des branches tombantes qui se couvraient de fleurs pour certaines, le long des berges du Loing, du Puiseaux, du Vernisson. L'eau était encore légèrement brunâtre des pluies du début du mois, mais elle étincelait sous le ciel lumineux et sans nuage, et miroitait des écailles dansantes sur le dessous des ponts sous lesquels ils passaient.
Emelyne riait parfois, en entendant les mots que ses parents et elles s'échangeaient, admirait les environs, tentait de reconnaître les hôtes à plumes et à poils des affluents du Loiret, regardait, amusée, quelques bancs de canards leur voler la politesse en passant devant eux, en voyant s'envoler les hérons loin avant leur approche, en faisant signe aux cormorans qui agitaient leurs ailes pour les sécher, et en ratant chaque sautillement de poissons hors de l'eau. Emelyne sourit tout le long de la promenade. Elle était heureuse, d'être là, sur cette barque, avec Maman et Papa. De vivre un de ces nouveaux moments dont elle avait tant rêvé quand elle était petite, et qu'elle se demandait où était son père et quand elle pourrait le voir. Il y a avait tout de même comme une fragilité en elle, une pénible fébrilité, un lancinant pincement de coeur à l'idée que cela allait s'arrêter.

Elle priait pour que la promenade sur l'eau dure, encore, et encore. Qu'elle n'ait pas de fin. Même si elle se rendait bien compte que le bout du chemin aquatique approchait. La petite brune souriait, elle était heureuse, elle profitait pleinement du moment. Mais une partie d'elle était comme absente. Le Printemps s'amorçait, tout reprenait vie, les jours gagnaient sur la nuit, hommes comme animaux retrouvaient un regain d'envie de faire et de vivre, de sortir. Et malgré tout, une mélancolie étreignait Emelyne. Lorsque la promenade sur les canaux de Montargis s'achèverait, ce serait encore une étape de passée, une des dernières, et il en restait vraiment peu, avant la nouvelle séparation avec son Papa.
C'était leur dernier jour ensemble avant longtemps.

___ Le soir, lorsqu'elle s'isola avant le départ, et après avoir dit au revoir à Papa, Emelyne retrouva son journal de bord, et y écrivit comme à son habitude.

Elle avait soigneusement tout consigné, jusque là. Elle y avait conté presque tous les détails de cette petite semaine en Orléans, la première semaine de leurs voyage. Elle avait raconté lorsque Papa les avait vite retrouvé après avoir eu quelques soucis avec ses trop nombreuses marchandises à transporter. Elle avait raconté sa bataille de châtouilles avec Maman, ses fous rire avec elle, dans l'herbe, en regardant la Lune pleine, et leur promesse de regarder les étoiles ensemble en Eté. Elle avait raconté leur rencontre avec Edward, le Maire de Patay, qui était très sympathique et avait fait revivre la ville. Elle détailla aussi sa journée à Orléans, les visites médicales avec Arthur d'Amahir, où Maman et Papa l'avait chaperonnée pour qu'elle ne se retrouve pas seul avec un jeune homme célibataire, et son embarras à ce moment-là. Et le soir son plaisir d'avoir revu certaines personnes croisées rapidement lors de son dernier passage. Elle fit une longue description des Terres de Papa et des plans et des aquarelles, pour garder le plus de détails possibles en mémoire, des alentours et du Domaine de Papa qu'elle visitait véritablement pour la première fois. Elle fit même un inventaire complet de la chambre qu'elle eut pour y dormir. Elle parla enfin de sa rencontre avec quelques voyageurs à Montargis, la veille.

Et pourtant... Pourtant, ce soit-là, elle ne fit jamais mention de la promenade sur l'eau. Elle ne raconta non plus le coucher de soleil qu'elle avait admiré en compagnie d'Andreaaa, toutes deux assises sur un rebord de fenêtre, les jambes ballantes au-dehors. Elle ne dit mot non plus de ses retrouvailles avec Acapi qu'elle n'avait pas vu depuis Octobre dernier, depuis le Taudis d'Autun.
Ce qu'elle écrivit ce soir-là, dans son journal, était confus. Elle avait eu ce besoin urgent d'écrire à propos de quelque chose qui occultait tous les évènements de la journée. De jeter les mots comme pour se confier, comme pour s'en débarrasser.
Elle déchira ensuite la page, et la laissa se perdre dans les eaux du Loiret, comme pour tout effacer. Comme pour que personne ne puisse jamais lire ce qu'elle avait écrit ce soir-là. L'encre de brou de noix se mêla à l'eau, et la page coula au bout d'un moment.

C'était un jeudi*. Le 16 Mars 1465.
_________________
Kye
Les journées se ressemblaient toutes. Kÿe passait plus de temps avec les enfants qu'à travailler. Fallait-il nécessaire en arriver là, pour qu'il se rende compte de tout cela ? Apparemment oui. A aucun moment, il ne regrettait de ne pas travailler. A aucun moment, il ne regrettait de ne pas continuer à mettre à jour tel ou tel dossier. A aucun moment, il ne regrettait d'avancer sur une recherche ou sur une autre. La seule chose qu'il regrettait, c'était le peu de temps que lui demandait son poste de Commissaire au Commerce. Pour lui, ce peu de temps, c'était déjà trop de temps accordé à des tâches qui ne l'intéressaient pas plus que ça.
Et puis les journées passèrent et petit à petit il se mis à peser les pour et les contre de chaque poste. Au final, il se retrouvait avec beaucoup de contre et très peu de pour, voir aucun. Mais étrangement, alors qu'il avait pris ses décisions tout seul, cette fois, il ressenti le besoin de demander l'avis de quelqu'un.



Citation:

    E,

    Je ne sais pas comment commencer cette lettre. Tu vas probablement me détester à la lecture de ces mots, j'espère que tu sauras me pardonner et que tu pourras m'apporter tes précieux conseils.

    Depuis que tu es partie avec les filles, je m'occupe des garçons chaque jour. Et depuis, que tu es partie avec les filles, je n'ai pas touché à un seul dossier héraldique. Le plus étrange dans tout cela, c'est que je ne le regrette absolument pas, bien au contraire. Quant à mon travail au conseil ducal, je n'en fais que le strict minimum et même cela, je trouve que c'est déjà trop. En ce moment, je n'ai plus le goût à rien. Je n'ai plus envie de travailler. Je n'ai plus le goût de m'investir dans une institution. Et ce ressenti, je me rends compte que je l'ai depuis quelques temps maintenant. Je ne saurais dire depuis quand exactement, avant ton départ c'est sûr. Cependant, c'est ce dernier qui m'a offert ce dé-clique.

    Alors détestes-moi. Détestes-moi de te laisser partir, pour au final me rendre compte à quel point tu es important pour moi. Détestes-moi de tout faire pour te retenir, alors que tout serait plus simple si je venais avec toi. Détestes-moi, de ne pas te demander conseil quand il faut. Détestes-moi, de ne pas l'avoir fait plus tôt, car nous aurions pu éviter tout cela. Détestes-moi, car finalement, je pense arrêter hérauderie et conseil ducal dans la foulé.

    Cela dit, tu me connais et tu sais à quel point j'attache de l'importance à ce que les choses soient bien faites. Plusieurs contrats sont en cours avec les provinces avoisinantes et avant de déposer une quelconque démission, je pense qu'il serait bon d'au moins mener tout cela à terme. Pour la hérauderie, je pense qu'au moins tenir la cérémonie d'hommage de la Duchesse d'Alençon, est le moins que je puisse faire avant de rendre mes caducées.
    Une fois cela fait, je prendrai la route avec les garçons et Eli pour te rejoindre. Pour vous rejoindre. Pour réunir notre famille. Je ne sais pas où vous serez à ce moment-là, peut-être en Lyonnais-Dauphiné. Peut-être ailleurs, peu importe, je viendrai.

    Voilà, je t'envoie cette lettre pour te tenir informer de cela. Pour te demander ton avis aussi, sur la chose. Et si tu me le demandes, je prendrai la route aussitôt que j'aurai reçu ta réponse.

    Je n'en peux plus de tout cela,
    Je n'en peux plus d'être loin de toi, de vous,
    Je n'en peux plus de passer mon temps derrière un bureau, alors que je pourrai être avec toi,

    Ton vieux loup,
    K

    PS : Détestes-moi, mais pas trop quand même, parce que je t'aime en toute sincérité.

_________________
Elisa.malemort
    «L'insomnie est mauvaise conseillère ; surtout, elle exagère les images. Elle transforme facilement l'inquiétude en effroi, l'effroi en épouvante.»
        Yves Thériault



19 mars 1465 – Dijon – Duché de Bourgogne.

Pouvait-on faire pire journée ? Malemort et filles étaient arrivées dans la capitale bourguignonne en même temps que le soleil commençait à éclairer les chaumières. Elles avaient prit quartier dans l’appartement Dijonnais qu’Elisa avait acquit il y a quelques temps, lorsqu’elle avait vécu à Dijon, officieusement, avant de rejoindre le Maine.
La Malemort s’était d’abord reposée, elle avait remit en état l’appartement donnant consigne aux domestiques pour que les draps soient retirés des meubles, que la poussière soit retirée et surtout que les grandes vitres soient ouvertes pour que le soleil puisse venir baigner la pièce de sa chaleur et son intensité. Elle s’était assise, et avait profité du moment, le soleil réchauffant la peau de son visage qui finirait légèrement teinté de rouge.
Et puis, elle avait rejoint une taverne dijonnaise, où elle avait pu recroiser une des personnes qu’elle était venue voir… Mais finalement, cela n’avait pas duré bien longtemps. A croire qu’un homme ne peut parler à une femme, sans que la femme soit forcément traitée de catin... C’était ça aussi la Bourgogne. Elle avait donc rejoint sa demeure, où elle s’était enfermée dans la noirceur de sa chambre, rideaux tirés pour que le soleil n’entre plus.
Et finalement, après un temps, la Malemort avait décidé de répondre à la lettre que Bel lui avait adressée la veille au soir, comme chaque jour, depuis son départ de Montargis. Les mots s’étaient alignés, petit à petit, jusqu’à remplir le vélin. Le courrier était parti direction Montargis, où il devait de nouveau se trouver.

L’après-midi avait fini par passer. Et la soirée était venue. Le soleil s’en était allé. La Malemort décidé de tenter une deuxième fois sa chance en taverne, celle-ci fut bien plus heureuse –si on retire l’épisode où elle avait dû boire une bière-. Elisa avait finalement était rejointe par Emelyne et Gannicus et ils passèrent la soirée ensemble. En grande discussion sur les nougats, les hommes, Dijon tout en ponctuant cela de chatouilles et de cheveux ébouriffés. Emelyne avait fini par rentrer, et Elisa était restée seule avec le vieil épi. Tout deux, avaient continué de discuter sur la journée, mauvaise que la Duchesse venait de passer. Et comme d’habitude, Gannicus avait su la rassurer et la consoler sur ce qu’il était arrivé. Demain serait meilleur… Car demain, il lui avait promis de lui faire redécouvrir Dijon. Alors oui, forcément, demain serait plus agréable…

Il avait fini par la raccompagner jusqu’à la porte de son appartement. Elle l’avait remerciée, et il était parti. La Malemort s’était alors retrouvée seule, montant dans sa chambre, elle avait alors sorti la lettre qu’elle avait glissé plus tôt dans sa poche… La fameuse lettre d’Irina, que Emelyne lui avait donné, pour qu’elle puisse la lire. Les mots étaient tous plus dur les uns que les autres à lire. Et c’est difficilement qu’elle était arrivée au bout de la lecture, elle avait replié le pli et l’avait soigneusement posé sur son bureau pour le rendre à Emelyne, le lendemain. C’est à ce moment là, qu’elle se rendit compte que deux lettres l’attendaient.

Une de Kye, une de Bel. Son sang se glaça.
Elle les récupère et retourne s’asseoir sur son lit. Posant les lettres devant elle, assise en tailleur sur le lit. Finalement, ses doigts viennent d’abord attraper la lettre de Kye, son vieux loup, son fiancé, son égal Alpha… Tandis que ses yeux parcouraient la lettre, la colère l’envahit. Elle lui en voulait, elle le détestait à ce moment précis. Elle le détestait d’avoir prit la décision seul de faire parti de ce conseil, elle le détestait de l’avoir laissé partir comme ça, elle le détestait de le voir désormais reprendre la décision seul de tout quitter, elle lui en voulait désormais de tout abandonner alors que c’était ses choix, et que justement les choix vont parfois si mal Elle avait envie de crier, elle aurait voulu lui jeter tous ce qui lui passait par la main dessus. Mais il n’était pas là, non il n’était pas là, car il avait préféré l’hérauderie et la politique… Ces choix que désormais il abandonnait !
Alors sa main vient froisser le papier, et le parchemin se retrouve rapidement balancé à l’autre bout du lit. Elle ne veut plus lire, elle ne veut plus continuer. Elle le déteste !
Elle s’allonge dans son lit, ses yeux regardent le plafond, ses yeux noirs qui s’embrument à cette idée. Elle l’imagine, lui, seul s’occupant de ses fils avec l’aide d’Eli. Lui qui ressent son manque à Elle et qui décide de tout plaquer… Qui veut venir la rejoindre… Et elle ? Elle qu’a-t-elle fait…

Elle se redresse, et ses prunelles se posent désormais sur la deuxième missive. Elle décachette et se remet à lire les mots de son ex-époux. Elle lit, elle lit encore, et finalement ses yeux embrumés se transforment en larmes. Elle pleure, tandis que ses onyx continuent de lire le moindre mot qu’il a posé pour elle sur le vélin. Elle lit, et malgré les larmes, ses lèvres s’étirent en un sourire en lisant le « PS ». Elle se souvient alors, des doux moments passés dans cette auberge de Montargis. Elle l’imagine alors avec l’étole entourant son cou. Et tout à coup, ses doigts viennent froisser de nouveau le vélin, et il vient rejoindre son confrère aux pieds du lit.
La Duchesse se retourne, ventre contre lit, tête dans son oreiller, elle pleure. Elle pleure, et elle cri… Elle réalise que deux hommes l’attendent, elle réalise qu’elle est fiancée à l’un d’eux, et qu’elle a été mariée à l’autre. Elle réalise qu’elle n’a jamais su éteindre les sentiments du premier époux, mais qu’elle est aussi folle amoureuse de cet homme… Son fiancé qui accompagne sa vie depuis plusieurs années désormais. Elle sait, elle sait qu’elle doit parler, car elle est tout simplement incapable de lui mentir. Elle sait qu’elle lui dira tout, car, il mérite de savoir. Mais elle ne sait pas si le dire la fera rester.

Choisir. Pourquoi lui laisse t-on le choix ? Pourquoi ? Ses yeux rougit continuent de pleurer dans son coussin. Ses doigts serrant plus que de raison, les draps. Rien ne pourra la réconforter ce soir. Rien ne pourra la faire cesser de pleurer. Car ce soir, elle a deux hommes dans le cœur. Deux hommes qui méritent tous les deux le bonheur. Deux hommes qui ont su la rendre heureuse et malheureuse. La nuit serait longue, car demain, elle devra leur répondre. Demain, elle devra dire à Kye combien elle le déteste de ne jamais savoir faire les bons choix. Mais elle… Sait-elle faire les bons choix également ?

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Elisa.malemort
    «La solitude n'est pas l'absence de compagnie, mais le moment où notre âme est libre de converser avec nous et de nous aider à décider de nos vies.»
        Paulo Coelho



Pouvait-on dire que la nuit avait été longue ? Pire que cela… Interminable. La Malemort n’avait pas réussi à s’endormir. Elle avait relu les deux courriers reçus durant la journée. Puis les autres lettres que Bel lui envoyait chaque soir depuis son départ. Ainsi que le précédent courrier de Kye. Elle les avait lu encore et encore. Et puis, elle avait fini par se lever de son lit pour rejoindre le petit secrétaire de sa chambre. Durant de longues heures, elle était restée devant le vélin blanc. Impossible d’écrire, impossible de répondre à Kye. Elle ne trouvait pas les mots, elle ne savait pas comment faire.

Elisa avait peur. Elle avait honte aussi. Mais surtout, elle était complètement perdue. Elle s’imaginait Kye qui devait s’occuper des garçons le plus possible la journée, laissant ensuite le relais à Eli. La Duchesse n’avait aucune crainte à se faire, elle savait que Kye était tout à fait a même de s’occuper des petits. Et puis ensuite, ses pensées partaient vers l’Orléans, et elle essayait d’imaginer ce que Bel pouvait bien faire désormais, elle l’imaginait envelopper dans le foulard qu’il lui avait volé avant son départ et qu’il n’avait avoué son crime que le lendemain, dans un courrier.

Et l’aube avait fini par apparaître, la nuit était passée, le soleil commençait tout doucement à se lever. La Duchesse était complètement épuisée par cette nuit blanche. Les filles commençaient à bouger dans l’appartement, alors la Malemort n’était préparée pour aller les rejoindre. Cet après-midi, Gannicus devait venir la chercher afin de lui faire redécouvrir Dijon. Mais avant… Avant son départ, elle avait fini par écrire cette lettre… La lettre la plus difficile de sa vie sans aucun doute….




Citation:
    Kye,

    Tu as raison : Je te déteste.
    Comment pourrait-il en être autrement ? Tu nous as demandé d’abandonner le Maine, mes charges, notre vie là-bas pour nous installer en Alençon, et seulement quelques semaines plus tard, tu souhaites démissionner de ce poste que tu as choisi de prendre et qui nous a obligé à déménager.

    Pire que cela, tu as fait le choix, seul, de t’investir dans la politique de la province. Ce qui t’a obligé à rester en Alençon tandis que je suis seule en Bourgogne. Ce qui nous a valu des disputes. Pour finalement après seulement deux ou trois semaines tout abandonner car… tu t’ennuies ?

    Mais je crois que le pire dans tout cela, c’est qu’à chaque fois tu as pris la décision seul. A chaque fois, je t’ai expliqué que j’aurais aimé que ces décisions qui impliquent notre famille nous puissions les prendre ensemble. A chaque fois, tu m’as dis que tu le ferais la prochaine fois… Et à chaque fois suivante, rien n’a jamais… Et aujourd’hui encore. Tu fais le choix de tout abandonner, tout quitter et tu m’écris alors que ta décision est prise. Tu dis vouloir mes conseils mais en tiendras-tu compte ?

    Alors voici ce que moi j’aimerais. J’aimerais que tu tiennes ton engagement, car la Duchesse d’Alençon compte sur toi et que son équipe est déjà affaiblie, alors, elle a besoin de tes connaissances, de ton talent. Alors, oui, j’aimerais que tu tiennes l’engagement que tu as prit envers elle et envers l’Alençon et que tu termines ce mandat. Tu l’as voulu, tu l’as, alors assumes. Tu n’es plus un enfant qui rejette quand il n’a plus envie de jouer. Tu es un adulte, alors même si cela t’ennui, tu dois aller au bout des choses.
    Donc oui, je te demande de terminer ton mandat ducal, au poste de ton choix, mais de le terminer.
    Quant à la hérauderie, je ne sais pas quoi te dire. Cela fait des années que tu souhaites pouvoir travailler les caducées, et maintenant que tu peux cela t’ennui… Peut-être alors, devrais-tu demander une autre province d’affectation ? Peut-être que l’Alençon ne te convient pas. Bien que tu n’en aies fait que peu pour pouvoir avoir cet avis tranché, je pense.

    Dans tous les cas, je sais que cela va être difficile à lire pour toi… Mais je ne souhaite pas que tu me rejoignes. J’ai des choses à te dire. Des choses qui ne sont pas facile à expliquer, à dire, à entendre aussi. Et je ne suis pas certaine qu’elle soit beaucoup plus facile à lire. J’aurais préféré te le dire en face… Mais j’ai encore besoin de temps, seule.
    Lorsque tu n’étais pas très présent en Alençon, Bel et moi nous sommes rapprochés. Nous avons passés du temps ensemble à deux ou avec Emelyne. Du temps que nous n’avions jamais pu partager, tous les trois. Et puis le voyage a commencé, et nous nous sommes rapprochés un peu plus. Sans aucun doute beaucoup trop pour la femme fiancée que je suis avec toi. Je dois certainement te paraître horrible, mais il était impossible pour moi de te cacher la vérité.

    Je suis perdue, et aujourd’hui, je suis incapable de faire un choix. Je suis incapable de savoir si c’est toi ou lui que je souhaite près de moi pour l’avenir.
    Tu as le droit de m’en vouloir, je m’en veux moi aussi à moi-même. Mais tu avais le droit de savoir. Peut-être aurais-je mieux fait de ne rien te dire, mais je n’ai jamais su te mentir, et je ne saurais jamais le faire.

    Je te demande pardon.

    Une étoile perdue,
    E.



    Ps : Pourquoi attends-tu toujours que je parte pour réaliser ?

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Kye
La nuit avait fini par tomber et avec elle, le calme s’était répandu dans la maison. Les garçons couchés, il ne restait plus qu’Eli et Kÿe d’éveillés, tous deux dans la salle à manger. Le Noircastel était assis en bout de table et la vieille dame s’occupait de quelques tâches ménagères autour de lui.

- C’est une lettre d’Elisa, non ?


Le vieux loup l’avait laissé devant lui, sur le plateau d’argent des courriers. Il avait posé les coudes sur la table, entrelacé ses doigts à hauteur de visage et il regardait fixement la lettre qui n’avait pas encore était ouverte. Kÿe ne répondit pas avec des mots à Eli, il se contenait d’un léger bruit de gorge et d’un faible hochement de tête pour lui répondre par l’affirmatif.

- Et tu ne l'ouvres pas ?

Une grande inspiration, suivit d’un long soupire. Il fallait bien lui expliquer pourquoi il ne l’avait toujours pas ouverte.

- Il y a quelque jour, je lui ai écrit...
- Ah ? C'est bien.
- ...Et c'est sa réponse...
- Tu ne veux pas la lire ?

Il reposa ses mains sur la table, les doigts toujours entrelacés puis repris.

- Dans la lettre que je lui ai écrit, je lui disais que je ne voulais plus être au Conseil Ducal et encore moins continuer à être Héraut...Elle doit surement me détester et dans cettee, elle doit surement me dire à quel point c'est le cas... Peut-être même qu'elle me dit aussi à quel point elle ne me supporte pas du coup, et qu'elle ne veut plus de moi...

Dans le genre, paranoïaque, ça se pose-là. Mais en même temps, ce qu’il disait faisait sens. Les disputes de ces derniers mois étaient toutes centrées sur les dernières décisions qu’il avait pris, seul sans la consulter et son départ aussi, en état le résultat. Une conclusion amère, difficile à avaler.
Eli s’approcha de lui et glissa une main sur son épaule, se voulant un peu rassurante.


- Kÿe, veux-tu que je la lise pour toi ?

Les mains de Kÿe se détachèrent et l’une vient se poser sur celle d’Eli, il serra légèrement, un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Elle était et serait toujours pour lui, d’une certaine manière, c’était ce qu’il y avait de plus rassurant pour lui ce soir. Puis il commenta.


- Non...mais j'aimerais que tu restes pendant que je la lis...

Et pour signe d’approbation, Eli tira la chaise à côté de lui puis s’installa, après avoir retiré sa main de l’épaule. Elle lui attrapa la main une dernière fois, soutenant son regard.

- Ça va bien se passer Kÿe...


Puis, elle retira sa main, pour attraper le courrier et le rapprocher du Noircastel. Il s’en saisit d’une main, détacha le sceau de cire à l’aide de l’autre et déplia le courrier. Il se mit à le lire, la paume de la main libre sur la bouche, le bout des doigts caressant la barbe comme pour la replacer.
Si au début, il relevait les yeux en direction d’Eli pour essayer de lui sourire afin de lui montrer qu’il avait confiance en elle et que effectivement, il n’y avait aucune raison que ça se passe mal. Rapidement son regard devient plus rouge et embrumé. Pour au final, laisser quelques larmes perler sur ses joues.
Il n’en fallait pas plus à Eli, pour qu’elle se lève et viennent se rapprocher de lui pour l’enlacer dans ses bras. Elle ne connaissait pas tant le contenu, mais elle savait rien qu’à la réaction de Kÿe, que ce n’était pas de bon augure. Kÿe, lui, glissa son visage au creux de l’épaule de la vieille dame, comme il avait eu l’habitude de le faire, étant plus jeune.

Les secondes passèrent, puis les minutes avant qu’il ne se calme. Aucune des deux ne disaient rien, Eli ne se détachait pas du Noircastel, même pas pour lire le courrier. C’est alors que le vieux loup brisa le silence, avec une voix presque enfantine, troublée à tous les coups et sans aucun doute triste.


- Avant de partir...Elle m'avait dit que ça ne serait pas comme en Berry...La gorge se serre sur la fin de ce début de phrase. Il prend une grande inspiration et essaie de finir tant bien que mal le reste...Finalement...je n'arrive pas à la retenir...elle part...se rapproche d'un autre homme...Quelle différence y a-t-il dans tout cela...?

Et à cette question, il n’en faut pas plus pour le faire sombrer à nouveau. Eli ne prononce toujours pas un mot de son côté. Elle est surprise par ce qu’elle vient d’entendre en témoignent les sourcils qui se sont légèrement froncés et le petit pincement de lèvres. Eli ne prononce toujours pas un mot, car elle ne les a pas. Tout simplement.

Les secondes passent à nouveau, suivi des minutes avant qu’il ne retrouve un semblant de calme. C’est lui qui se détache en premier de l’étreinte d’Eli. Il reprend la lettre et la lit à nouveau, afin d’être sûr d’avoir tout bien compris. La vieille nourrice en profite pour lire par-dessus son épaule et elle aussi, pose sa main sur ses lèvres à la lecture.


- Et en plus, elle veut que je la laisse seule...alors que c'est justement cette solitude qui l'a fait se rapprocher d'autres hommes à ce point...

Il lâche à nouveau la lettre et penche la tête en avant cette fois, à la verticale, parallèle à la table. Un long soupire qui porte les cicatrices des larmes précédentes.

- C'est bien différent du Berry...je m'en rends un peu compte...Avant de partir, elle ne m'a pas quitté...Elle était toujours engagée...Mais là...Avec ça...Eli...Il relève la tête, sans pour autant la tourner pour la regarder...Je dois faire quoi là...? Comment puis-je la pardonner...?

La vieille dame ne sait toujours pas quoi dire. Elle déglutie difficilement et se racle la gorge ensuite, puis déplace la main qui était sur la bouche jusqu’à sa poitrine, à plat sur le torse. Elle essaie de retrouver un peu de consistance, sans grand succès. Mais heureusement, Kÿe n’attend pas de réponse, puisqu’il reprend la parole.

- Au final, moi aussi je suis perdu...Je ne sais même pas si j'ai envie de la revoir là...alors que je l'aime toujours autant...Enfin, je crois...Et puis, même si je la revoyais...je ne sais même pas comment réagir ici...alors en face d'elle...?

Cette nouvelle avait eu comme coup de massue sur sa tête. Il était fatigué, aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Il se leva de sa chaise et balbutia quelque chose comme :

Je crois que je vais aller me coucher...la nuit porte conseil, parait-il...

La nuit passa et le Noircastel ouvrit ses yeux en même temps que les rayons du soleil perçaient à travers les rideaux de la fenêtre. C’était un doux matin en apparence qui donnait à la chambre une atmosphère presque irréelle et pendant quelques instants, il se demandait s’il n’avait pas rêver ce qui s’était passé la veille. Un cauchemar, dû à l’absence d’Elisa, à l’attente entre chaque courrier. Ses yeux se posèrent sur le bureau de la chambre, où était posée la lettre et il constata avec effroi que tout cela était bel et bien réel. Le cauchemar avait fini par rattraper la réalité.
Il referma les yeux, espérant s’être juste réveillé dans un autre rêve, mais rien n’y faisait. Il avait beau s’enrouler dans les couvertures, se cacher de la lumière tout était bien réalité. Tout était devenu horrible, dans son petit monde.

Il était midi passé, quand il réussit finalement à quitter le lit. S’installant au bureau, il voulait répondre à cette femme. Papier vierge, encrier, plume en main, tout était prêt. La soirée arriva et finalement la page était toujours vierge. Il ne trouvait pas les mots pour lui répondre, tout comme il ne savait pas par quoi commencer. Même trouver un surnom, ou simplement écrire son prénom lui semblait une tâche impossible à réaliser.
Alors, comme dans ce genre de situation il n’y avait rien à faire, il fit surement ce qu’il y avait de pire : Recasser ce s’était passé jusque-là. Il passa en revu tous les moments d’Alençon et du Maine, tous les moments depuis l’arrivée de Bel et il se demandait si déjà à cette époque il n’y avait pas quelque chose. Il se mit à douter de tout, des quelques moments heureux qu’il avait passé avec Elisa, des mots doux échangés, des preuves d’amour.
Il en était arrivé au point où pour lui tout ce qui s’était passé jusque-là n’était qu’une simple mascarade, qu’elle profitait de la distance pour lui annoncer la chose, prétextant de vagues doutes pour ne pas qu’il la rejoigne à nouveau.

Si en partant, elle avait su atténuer le feu de ses doutes, craintes et peur. Aujourd’hui, c’était un incendie qui le consumait de l’intérieur. Les journées s’égrenèrent sans qu’il n’écrive un seul mot. Il passait son temps à penser à elle. Se demandant ce qu’elle faisait, où elle était et avec qui. Ce qui aurait semblé être mignon, n’était en réalité que le reflet d’une paranoïa que la lettre avait déclenchée.
Il finit par se souvenir que dans une précédente lettre, elle devait passer par la Bourgogne. Il ne fallait pas plus pour que son cerveau face une connexion avec Gannicus et se mette à imaginer tout un tas d’autre chose. Son cœur était malade, sa tête totalement déboussolée et il semblait doucement sombrer dans une folie amoureuse, mais la mauvaise cette fois.

Et puis quelques jours plus tard. L’esprit épuisé par toutes ses machinations. Le cœur meurtri par toutes les imagines qu’il avait pu se faire, les mots vinrent.


Citation:

    Elisa,

    Jusque-là, je n’avais pas pris de décision concernant la hérauderie et le conseil. Je te remercie de m’avoir donné ton avis sur ce sujet. Et je pense en effet qu’il est mieux que je respecte mon engagement auprès d’Eulalie, autant que faire se peut, même si cela m’en coûte visiblement.

    Pour information, en aucun il ne s’agit d’un ennuie. Depuis longtemps, je m’intéresse à la politique, souviens-toi j’étais maire de Valence. Je n’avais jamais eu l’occasion de m’élever à un niveau ducal en cette matière. Au début, je pensais que le problème venait du Rouergue, alors je me suis essayé en Berry et puis finalement, je me suis rendu compte que le problème était le même. J’ai voulu me laisser une chance, une troisième, une dernière et je me rends compte au final que la politique n’est pas faite pour moi.
    Pour ce qui est de la hérauderie, l’Alençon est une province morte et je ne pense pas qu’aller ailleurs changerait grand-chose de toute manière. En effet, je serai toujours bloqué dans une même province, sans possibilité de voyage. Qui plus est, aussi saugrenu que cela puisse paraitre, pour changer de marche, il faut repasser l’examen héraldique, même s’il s’agit d’une marche provinciale aussi. Peut-être que si les hérauts de province, comme tous les autres, avaient la possibilité de voyager sans restriction, cela changerait quelque chose…Peut-être, oui…



    Aussi douloureux que cela puisse être, j’ai toujours apprécié ta sincérité. Je l’ai toujours fait, car jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours réussi à surmonter la douleur que tu pouvais procurer avec tes mots ou tes gestes. Mais aujourd’hui, je ne sais pas si j’y arriverai, je dois bien l’admettre.
    Je ne sais pas si je dois te pardonner, ou si je dois t’en vouloir. Je ne sais pas si je dois t’aimer ou si je dois te détester. Je ne sais pas si je dois parler ou si je dois me taire. Je ne sais pas et je pense être autant perdu que toi en cet instant.

    Alors, je me demande ce que tu ferais à ma place, si nos rôles étaient inversés. Et il faut bien reconnaitre que cette perspective ne me plait guère. Je me demande donc, ce que je dois et je fais comme à mon habitude, je regarde l’anneau qui se trouve à mon annulaire gauche. Je me rappelle alors sa signification, cette promesse vers l’avenir que nous nous sommes fait, vers l’infinie. Je me dis que peu importe les fantômes du passé qui reviennent, peu importe les obstacles qui nous attendent sur le chemin, nous y arriverons toujours.

    Je vais te pardonner. Mais pas tout de suite, car il me faudra du temps pour guérir de cette blessure profonde que tu m’as infligé. Je pense que comme toi, j’ai besoin d’être seul aussi, ne serait-ce que pour arrêter ce saignement, en espérant ne pas me vider complètement.


    Un vieux loup blessé et déboussolé,
    K.



    PS : Parce que je suis un idiot, très certainement.

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Elisa.malemort
    «Tout le plaisir et toute la joie que l'amour peut faire ressentir se paient un jour ou l'autre en souffrances. Et plus on aime fort, plus la douleur à venir sera décuplée. Tu connaîtras le manque, puis les affres de la jalousie, de l'incompréhension, la sensation de rejet et d'injustice. Tu auras froid jusque dans tes os, et ton sang fera des glaçons que tu sentiras passer sous ta peau. La mécanique de ton coeur explosera..»
        La mécanique du coeur


21 mars 1465 - Dijon – Duché de Bourgogne

L’aube s’était levé, et la Malemort s’était réveillée avec un affreux mal de tête. Elle avait grogné, marmonné et finalement elle s’était levée après avoir embrassé le front de sa fille, Emelyne avec qui elle avait dormi. Discrètement, elle avait quitté la chambre de sa fille pour rejoindre la sienne. Elle s’était enveloppée dans son lit, sous les draps, elle ne voulait voir personne, elle ne voulait être vu de personne, elle voulait simplement être seule.
Sa tête la tapait, fortement. Comme les cloches d’une église qui balance d’un côté de sa tête à l’autre, laissant raisonner un bruit épuisant. Elle aurait voulu se taper la tête contre les murs, si cela avait pu faire cesser la douleur. Mais cela n’était-il pas plus profond ? Bien entendu que si.

Elle n’avait toujours pas de réponse de Kye. Il savait, il savait tout et il n’avait pas encore prit le temps de lui répondre. Avait-il lu le courrier ? Bien sur qu’il l’avait lu. Eli avait certainement dû mettre la lettre sur le dessus de la pile, et Kye n’avait pas dû tarder à la lire. Il savait… Il savait désormais ce qu’il s’était passé en Orléans. Il savait qu’elle l’avait trahit, il savait qu’elle était perdue, il savait tout. Et à cette pensée, les larmes coulèrent un peu plus sur son visage. Les larmes inondaient ses joues, sans pouvoir cesser de couler. Oh oui, elle souffrait terriblement mais c’est son cœur qui lui faisait bien plus mal que le reste. C’est la douleur de son cœur qui la faisait sombrer un peu plus dans l’abîme. Elle se souvint des mots qu’ils ont échangés avant son départ, elle se souvient de la crainte qu’il avait évoqué qu’elle ne revienne jamais, alors elle réalise Ô combien il doit la détester, combien il doit être mal à cet instant, combien il doit avoir peur.
Alors, elle sait. Elle sait que plus jamais cela ne sera pareil. Elle sait qu’elle a brisait le lien invisible de la confiance qu’ils s’accordaient l’un à l’autre. Elle sait que plus jamais, s’ils se retrouvent, ils ne revivront ce qu’ils ont vécu par le passé. Et cette idée la fait d’autant plus pleurer. Elle cri, elle frappe son lit, elle a besoin d’extérioriser son mal. Elle se déteste. Elle se déteste de lui faire du mal. Elle se déteste de ne pas savoir choisir, de ne pas être certaine, de douter.

A force de pleure, le soleil au zénith, la Malemort fini par s’endormir de nouveau, épuisée par les larmes qui n’ont cessé de couler, épuisée par les coups qu’elle a donné à ce pauvre lit qui n’avait rien demandé, épuisée par la douleur. Un sommeil agité, prise dans des cauchemars, prise par la violence extrême des mots que Kye pourrait avoir. Elle le sait, il sait manier la langue, il sait, en quelques mots réduire en poussière la personne en face de lui. Elle a déjà subit cela de sa part, elle a déjà souffert des mots qu’il lui avait balancé dans un sang froid incroyable. Elle savait qu’avec seulement quelques mots, il aurait pu la tuer une nouvelle fois, l’achever à tel point qu’elle ne pourrait s’en relever. Alors, elle avait fait des cauchemars de tous les mots qu’il aurait pu lui dire…
Et lorsqu’elle se réveilla, tous les draps avaient bougés, son corps trempé par la fièvre qui avait brûlé son corps durant toute la journée. Ses yeux étaient encore rougit par les larmes. Elle se retourna pour regarder de l’autre côté du lit, mais il était vide, désespérément vide. Alors, elle fini par se lever. La nausée vint envahir sa bouche et son ventre, sa tête tournait.

Elle s’approcha du secrétaire, où la veille, elle avait couché les mots pour tout avouer. Où hier, elle semblait si sûre d’elle en écrivant. Elle s’assit devant celui-ci. Elisa récupéra les lettres que Bel lui avaient envoyées, les deux dernières restées sans réponse. Et doucement, elle se mit à lui répondre. Elle alignait les mots l’un après l’autre, elle se souvenait des moments passés avec lui. Elle ressentait encore le contact de sa main qui avait prit l’habitude de venir se loger sur son ventre. Alors, sur le vélin, elle coucha les doutes qu’elle avait afin de lui expliquer. Elle lui demanda de lui pardonner, elle lui expliqua que la veille elle avait trop bu, vraiment trop bu. Elle continua en expliquant la situation du Lyonnais et de la Bourgogne et le retour d’Andreaaa dans leur groupe. Et finalement, elle conclut sa lettre en lui disant que cette nuit, elle avait dormi avec leur fille, que cela lui avait faite du bien. Mais elle s’arrêta là. Elle ne dit rien sur le mal qui la rongeait à ce moment précis, sur les milliers de larmes qui avaient coulés sur ses joues… La lettre fut pliée, et elle partie : Direction Orléans où il devait de nouveau se trouver.

Une fois le courrier parti, les onyx de la Malemort se posèrent sur le petit ciseau qui se trouvait dans le secrétaire. Ce petit ciseau qui lui permettait parfois, à découper des vélins ou bien décoller des cires un peu résistantes… Les doigts fins viennent se glisser dessus. Se faufilant par la suite dans l’emplacement prévu à cela. Le ciseau roule autour de l’un de ses doigts. Puis finalement, elle le repose sur le petit bureau. Un nouveau vélin déposait devant elle. Et la plume se remet à glisser.


Citation:
    Kye,

    Je ne suis même pas certaine que tu prendras la peine d’ouvrir ma lettre. Je ne suis même pas certaine que tu souhaites encore entendre parler de moi. Je ne suis même pas certaine que tu te souviennes encore qui je suis… Je dois te paraître… Comme une étrangère. Je sais que tu ne me détestes pas… Tu dois me haïr. Je te comprends, je pense la même chose de moi.

    A dire vrai, je ne sais même pas quoi te dire. Car je sais que tous les tords sont pour moi. Je sais que j’ai brisé la confiance que nous nous portions. Je sais que même si je te choisi, et que tu m’acceptes encore… Cela ne sera jamais plus comme avant.
    Je ne sais pas de quoi demain sera fait Kye, je ne sais pas comment le soleil va se lever demain, si le ciel sera bleu ou si l’orage grondera.
    Mais je sais qu’aujourd’hui je suis malheureuse. Je suis malheureuse car je t’ai fais du mal. Et je ne me le pardonnerais jamais.

    Je…


Les larmes recommencent à venir brûler ses joues. Elle n’arrive pas à continuer à lui écrire, c’est plus fort qu’elle. Elle ne peut pas.
Alors, une fois l’encre sèche, la lettre est rangée, proprement dans son coffre à bijoux. Enroulée par un nœud de soie, bleu. La demi lettre ne sera jamais envoyée. Jamais, Kye ne pourra lire ce qu’elle a écrit, jamais il ne saura. Jamais.
Toujours entrain de pleurer, violemment, ses doigts viennent attraper le ciseau, tandis que son autre main attrape une mèche de cheveux… Et là, sans attendre, sans réfléchir, elle coupe. D’un coup sec, et les milles et un cheveux viennent s’envoler pour s’écraser sur le secrétaire. La Duchesse prend une autre mèche et elle coupe encore et encore et encore… Elle coupe sans s’arrêter, jusqu’à qu’il n’y ait plus une seule longue mèche de cheveux ébène. Oui, Gannicus avait raison, elle doit devenir laide. Elle doit devenir moche, ainsi, plus jamais elle n’aura ces problèmes, plus jamais les hommes ne se retourneront sur elle. Plus jamais elle ne plaira, plus jamais ! Et finalement posant ses bras sur le plat du bois, sa tête s’écrase à l’intérieur et elle recommence à pleurer si fort qu’elle en cri de douleur. Cela dure encore de longues, très longues minutes. La nuit finira par tomber, et c’est l’obscurité de la pièce qui la fera se calmer. Elle tremble, la fièvre étant revenue brûler son corps, la douleur de son cœur déchirant sa poitrine. La belle au désormais cheveux court vient allumer une bougie sur le secrétaire, elle récupère un nouveau vélin vierge et la voilà qui se remet à écrire…


Citation:
    Eli,

    Je t’en prie ! Je t’en supplie ne déchire pas cette lettre avant de l’avoir lue.

    Je suis désolée. Je suis terriblement désolée. Je sais que toi aussi tu dois m’en vouloir. Je sais que je dois te décevoir, tellement !
    Je ne t’écris pas pour te demander de me pardonner, car je sais que cela est impossible. Je ne suis même pas capable de me pardonner moi-même, je ne l’envisage même pas d’ailleurs. Mais je devais t’écrire. Je sais qu… qu’il ne lira aucun des courriers que je pourrais lui envoyer, et d’ailleurs, je suis incapable de terminer de les écrire. Mais je sais qu’avec ta sagesse, et malgré la rancœur que tu dois avoir envers moi, tu me liras et peut-être, certainement, tu m’écouteras. Non pas pour l’amour que tu me portes, car je sais que j’ai fragilisé celui-ci, et je ne sais même pas si tu seras capable de m’aimer encore. Mais plutôt pour l’amour que tu portes à Kye, car je sais cet amour infini, au déla de toutes les limites et de tous les temps. Car depuis son plus jeune âge tu es près de lui, tu veilles sur lui, tu t’occupes de lui. Et je sais qu’en ce moment il va avoir besoin de toi.

    Je t’en supplie, Eli, je t’en supplie. Continue de veiller sur lui, et de t’assurer qu’il aille… Qu’il survive, et qu’il reste l’homme imparfait qu’il est. L’homme que j’aime et que j’ai aimé depuis toutes ces années.

    Je t’en prie, éloigne Louis et Emery. Ne les laisse pas trop proche de Kye, car je ne veux pas qu’ils voient leur père et leur parrain comme il ne souhaiterait certainement pas se montrer. Je t’en prie Eli, veille sur mes enfants, veille sur lui…

    Je suis tellement désolée… Dis leur que je les aime…

    E.


La lettre s’envole vers l’Alençon. La Malemort se lève, elle s’approche de sa coiffeuse, et elle regarde alors ses cheveux s’arrêtant désormais juste en dessous de ses oreilles. Ses longs cheveux d’ébènes n’existent plus. Elle n’existe plus…
Délicatement, elle rouvre sa boite à bijoux pour sortir un papier de soie qu’elle déplie avec tout autant de délicatesse. Laissant découvrir à l’intérieur la mèche de cheveux de Kye, cette mèche qu’il lui avait donné il y a des années, cette mèche qu’elle avait d’abord enroulé autour de son poignet et qui désormais se trouve dans sa boite à bijoux. La Duchesse vient alors doucement déposer une mèche de ses cheveux ébène, fraîchement coupée, qui vient se mêler aux cheveux du vieux loup. Elle plis le papier de soie, et referme la boite.

La nuit sera longue. Car cette nuit, elle devra prendre la route et veiller sur les filles. Cette nuit, elle ne pourra pas pleurer, car elle devra être forte pour les petites. Cette nuit sera si longue…

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Emelyne.alois
La lanterne oscillait par à-coup.
Emelyne avait mis des caches sur toutes les faces sauf celle tournée vers elle, ne voulant éblouir les autres alors que la nuit était si avancée que les heures n'avaient plus de sens. Elle l'avait accrochée au plafond de la voiture, ne voulant risquer que les caprices de la route ne fasse tomber la lanterne de la banquette jusqu'au bois sous leurs pieds. Et la lueur dansante qu'elle projetait vers son côté de la voiture se balançait au rythme des cahotements.
L'adolescente regardait son carnet, ouvert sur ses genoux. Sans ciller. Sans bouger. Au-dehors, les ombres inquiétantes des arbres défilaient sur les côtés de la route, et l'indifféraient. Le paysage autour d'elle avait toujours capté son attention, même la nuit, même les jours de pluie. Mais ce soir-là, rien n'existait en dehors de la vue de son journal de bord.

Ce journal qui avait la fâcheuse tendance à toujours s'ouvrir sur la page déchirée.

Une secousse légèrement plus forte la fit sortir de son immobilisme. Le sommeil se refusant toujours à elle, la petite brune prépara un peu d'encre, et bien que les conditions n'étaient pas les plus confortables pour cela et qu'elle fera de son mieux pour éviter les tâches, elle se mit à compléter les évènements à relater.



21 Mars. Ou 22 Mars, c'est selon.
Sur la route, entre Dijon et... ?


Décidément, la Bourgogne ne me réussit pas.

Cher Journal,

La pluie est revenue. Le ciel s'est couvert au fil des jours, l'air s'est refroidi peu à peu, l'air de rien. Le vent chasse les quelques rares pétales tombées au sol. Les bourdons se sont tus. Les oiseaux se cachent à nouveau. Maman s'est coupée les cheveux.

Andreaaa nous a enfin rejointes, nous permettant de reprendre la route. De quitter un Dijon sur le qui-vive à cause de la menace Fatum, et de ses tensions avec la Savoie. Il paraît que des combats ont éclaté la nuit passée, dans le Dauphiné, et que de nombreuses victimes soient déjà à déplorer.

Je n'ai rencontré personne d'intéressant à Dijon.

L'insouciance du début de voyage et de ses jours ensoleillés me semblent si loin...
Mais ils reviendront certainement, je ne m'en fais pas. Nous ne sommes pas à la moitié du voyage, et je ne doute pas que de belles choses nous attendent.

A demain.


Emelyne pinça la pointe de sa plume pour la vider. Puis, elle la plongea dans un peu d'eau pour l'en charger, avant d'écrire à nouveau à la suite, d'une traite, de manière plus confuse, moins froide, sans se soucier de la forme, du phrasé. Juste écrire.



J'ai voulu écrire à Kÿe. A Emery. Cela fait plusieurs jours. A chaque fois, j'essaie, je me mets devant le vélin, j'écris la date, leurs noms. Et rien de sort. Je voudrais leur écrire, je voudrais tant, mais j'ai la sensation que tout ce que je pourrais leur écrire ne pourrait être que mensonge. Je ne saurais être naturelle dans ma lettre, tout sonnerait faux, et je n'y arrive pas.

Hier soir, je m'en suis prise injustement à Gannicus. Maman est venue me trouver dans ma chambre, et nous avons discuté, et je me suis excusée auprès d'elle. Je m'en suis voulue de l'avoir encore inquiétée pour des broutilles, alors qu'elle a déjà tellement à penser, alors qu'elle n'est pas bien. Nous avons dormi ensemble, et cela m'a fait beaucoup de bien. J'avais la sensation de lui être utile, de lui faire du bien. Mais au réveil, elle n'était plus là. Et je n'ai jamais eu autant l'impression que ma chambre était aussi vide. Je l'ai cherchée, naturellement, je me suis approchée de sa chambre, mais je suis restée à distance. J'ai entendu des bruits sourds, des éclats de voix inaudibles, du silence. Je n'ai pas réussi à m'approcher davantage. Je n'ai pas supporté d'imaginer ce qui se passait dans sa chambre, alors qu'elle était seule. Elle n'aurait sans doute pas voulu être vue dans cet état... Ou alors, est-ce que c'est moi qui ne voulais pas ? Je me suis lâchement enfuie.

Je me suis rendue compte que je suis bien plus confuse que j'essayais de me convaincre. Qu'est-ce que je peux faire ?... Qu'est-ce que je peux faire ? Maman a des tourments, et la vérité, c'est que je ne peux rien faire. Je ne peux rien faire. Maman m'a toujours dit que c'était la mère qui consolait ses enfants, et pas le contraire, et je comprends ce qu'elle veut dire par là. Mais je l'aime, et comme toute personne qu'on aime, tout ce qu'on souhaite est de la voir heureuse, et on ferait tout pour ça. Ça me fait tellement mal de la savoir ainsi, et de ne rien pouvoir faire. Elle ne nous le montre pas, mais je sais bien à quel point elle doit être mal. Peut-être que je l'imagine à peine à quel point. Et je ne peux rien faire.
Je ne peux rien faire.
Je ne peux rien dire.

Je me sens triste aussi, pour Papa, tout seul, qui a rompu avec Irina. Parce qu'il ne pouvait plus être avec elle. Parce que ses sentiments sont pour Maman. Que ça a dû être pénible pour lui, tout de même... Il est tout seul.
Je me sens triste pour Kÿe aussi... On vit avec lui depuis tant de temps. Il m'a tant appris, et il nous a tant donné. Kÿe a quasiment toujours été là. Et Papa que j'ai découvert aux cours de la fin de l'hiver et avec qui j'ai enfin pu passer du temps comme j'en rêvais depuis toute petite. Je les aime, tous les deux aussi, ils me manquent. Ce sont mes deux Papa. Et... si je suis incapable de les départager et de dire lequel je préfère, j'imagine à peine la souffrance que ce doit être pour Maman.
Et pour eux ?... Qu'est-ce que je peux faire ?... Qu'est-ce que je pourrais faire ?

Maman ne nous montre rien. Elle ne le voudra jamais. Pourtant, j'aimerais tellement qu'elle me parle, qu'elle ne s'isole pas... Qu'elle ne garde pas tout pour elle. Qu'elle ne se punisse pas. Qu'elle ne se punisse plus.

La situation me pèse, d'autant que je garde tout en moi, et que je sais qu'il n'y aura aucun bon choix, aucun choix facile. Je n'en veux à personne, sincèrement. Je sais que les choses de l'Amour ne se contrôlent pas, que cela en fait leurs beautés et leurs tourments. Ils nous tombent dessus. Quoi qu'il arrive, j'ai dit à Maman que je la soutiendrais. Mais... En aurais-je vraiment la force ? Me laisserait-elle un peu de place pour essayer de le faire ?
Je suis si inutile... Si inutile...


La plume tomba de ses doigts.
Emelyne avait battu les paupières plusieurs fois, pour endiguer les larmes qui lui venaient au coin des cils. Elle s'était promis qu'elle ne pleurerait plus. Plus jamais.
Pleurer lui semblait vain. Comme une perte de temps. Les larmes ne lui apportaient jamais de réponse, seulement de la confusion supplémentaire.
Elle avait décidé d'être plus forte, de s'endurcir, pour garder toujours la tête froide, et devenir un véritable appui pour ceux qu'elle aime. Fiable, stable, inaltérable.

Elle battit doucement des paupières, encore, lentement. Le sommeil l'avait rattrapée.
L'eau guidée par la plume séchait sur les pages. Les mots resteraient invisibles. Peut-être même qu'à son réveil, la petite brune ne se souviendrait pas les avoir écrit. Et bientôt elle réécrira par-dessus ces mots invisibles et oubliés, pour les recouvrir d'autres mots qui les enterreront définitivement.
C'était bien plus économique et moins voyant que de déchirer encore des feuilles.

La lanterne oscillait encore.
La mèche avait été dévorée jusqu'au bout, et bientôt la lumière mourut sans bruit entre les parois de verre recouvertes.
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Elisa.malemort
    « Après qu'il se soit brisé, j'ai voulu le refermer. J'ai sans doute oublié le plus important. En me précipitant je ne t'ai pas effacé, et derrière cette plaie mal cicatrisée tu te caches encore. Et souvent, je ressens ces deux sentiments extrêmes, des fois je te hais, des fois je t'aime. Pourtant je l'ai trop caché, encore moins prouvé tout en me croyant fort. Oui de peur, d'être à nouveau blessé, je l'ai refermé mon coeur, mais en te gardant malheureusement à l'intérieur. »
        Smain Smailo


22 mars 1465 - Chalon – Duché de Bourgogne

Arrivée à l’aube, la voiture des filles Malemort s’était arrêtée devant l’auberge municipale. La Duchesse n’avait pas prévu de passer la nuit ici, mais elle avait quand même fait réserver deux chambres pour qu’elles puissent toutes se reposer durant la journée. Elles descendirent de voiture, et rapidement, Elisa les monta jusqu’à leur chambre, afin qu’elles puissent y terminer leur nuit un peu plus paisiblement que dans la voiture. Une fois les trois filles couchées, la Malemort redescendit à la voiture pour donner les ordres au cochet. Les chevaux devaient être nourri et mit au repos pour que ce soir, ils puissent reprendre la route en forme afin de les mener jusqu’à Macon.
Serrant son châle sur ses épaules, la Malemort regarda un instant le ciel bleu de la ville qui était revenu, elle se demanda a cet instant, si le ciel était aussi bleu de l’autre côté du Royaume… En Alençon. Un long soupire sorti d’entre ses lèvres, puis elle retourna pour rentrer de nouveau dans l’établissement. A ce moment là, l’aubergiste l’interpella.


Vostre Grâce. J’ai reçu un message pour vous.

La Malemort s’imaginait déjà un courrier du douanier de la ville qui allait lui poser les traditionnelles questions afin de savoir si sa route s’était bien passée, si tout allait bien et le rappel des lois… Mais lorsqu’elle ouvrit le pli, elle reconnu immédiatement l’écriture : Kye.
Elle se stoppa, juste devant les escaliers qui devaient la conduire à sa chambre. Elle referma la lettre, et elle resta immobile. Paralysée. Il lui avait répondu. Enfin… Déjà…C’était trop tôt… Trop tôt pour qu’il lui dise qu’il l’avait pardonnée, trop tôt pour qu’il lui dise qu’il l’aime et qu’il ne veut pas la perdre… C’était bien trop tôt… Elle ferma les yeux, ses doigts glissaient sur le vélin plié. Elle espérait, elle priait même. Elle priait que ses mots ne soient pas trop forts, elle priait pour qu’il… qu’il ne l’abandonne pas…
Elisa se décida enfin à monter les escaliers, pour rejoindre sa chambre. Refermant la porte derrière elle, la Malemort alla s’asseoir sur le bord du lit. Elle lâcha un long soupire tandis que ses doigts rouvraient la lettre, prunelles contre vélin, les battements de son cœur prêt à exploser dans sa poitrine.

Elle lue… Elle lue… Elle lue… Le ton froid de sa lettre, arriva à glacer son corps tout entier. Ses yeux se stoppèrent lorsqu’elle lu qu’elle lui avait souvent fait du mal. Doucement, ses larmes viennent de nouveau mouiller ses joues. Ne peuvent-ils pas simplement vivre sans se faire souffrir ? Comment cela avait-il pu arriver… Depuis leurs retrouvailles, ils en étaient déjà à ce point là ? Elle continuait de lire… Et elle comprit alors qu’il n’était plus certain de vouloir d’elle. Quoi de plus normal après tout, elle était partie, elle l’avait trompé, elle avait douté. Que pouvait-elle attendre de plus ? Pensait-elle qu’il allait accourir pour venir la retrouver et lui crier combien il l’aime ?
Les larmes continuent d’affluer sur son visage quand elle pose la lettre sur le lit à côté d’elle. Ses doigts viennent alors se poser sur l’anneau qu’elle porte à son doigt. Elle le caresse, le fait tourner dans un sens, puis dans l’autre. Un tour complet, un quart de tour à gauche, puis un demi-tour à droite. Comme la combinaison d’un coffre, cette combinaison qu’elle n’a pas encore réussi à trouver entièrement. Le cliquètement des premiers chiffres lui ont permis d’avancer… Mais il reste toujours les deux derniers chiffres… Les deux derniers qui les ont peut-être empêché de s’abandonner entièrement. Ces derniers chiffres qui les obligent à n’avoir que des mots, sans jamais réussir à passer aux actes.
La Malemort fini par s’allonger sur le lit, enfouissant son visage dans le drap. Finalement, elle mérite cette souffrance. Elle mérite tout ce qu’il est entrain de lui arriver, toutes ses pleures, tous ses cris, elle mérite tout. Elle aurait aimé à cet instant précis pouvoir s’enfuir, loin, très loin en Pologne ou plus loin encore. Elle aurait aimé tout abandonner car la souffrance pour eux aurait peut-être était difficile au départ, mais les maux finissent toujours pas s’apaiser, la peine devient moins lourde à porter, l’absence moins difficile à supporter… Ils auraient su, ils auraient tous pu…
Mais est-ce qu’elle aurait su ? C’était moins sûr.

Elisa avait fini par passer la journée entière dans sa chambre. Lorsque le soleil avait fini par se coucher, elle s’était levée, contrainte et forcée. Elle avait passé de l’eau sur son visage pour tenter de cacher ses yeux rougis et son teint blanchâtre. Et finalement les filles avaient fini par reprendre la route. Direction Macon, direction la frontière bourguignonne, un peu plus proche du but, un peu plus loin d’eux.
Durant la nuit, les filles avaient fini par s’endormir, Elisa, elle, n’avait pas su. Emelyne était venue s’allonger à côté d’elle, sa tête posée sur ses jambes. La mère avait glissé ses doigts dans ses cheveux pour les caresser doucement. Elle dessinait les traits de son visage avec le bout de ses doigts. Une nouvelle larme coula le long de sa joue, qu’elle effaça rapidement d’un revers de main. Elle fini par fermer les yeux après avoir regardé Ehmée et Andreaaa qui dormaient aussi. Il fallait qu’elle dorme elle aussi… Il le fallait, car la fatigue se voyait désormais sur son visage. Elle ne voulait pas inquiéter Emelyne. Elisa savait pertinemment que sa fille aînée était déjà inquiète, mais elle ne voulait pas aggraver la chose. Elle s’en voulait, de ne pas savoir préserver sa fille de sa propre souffrance. Elle s’en voulait d’être une si mauvaise mère en ce moment… C’est sur ses pensées qu’elle fini par s’endormir, tandis que le soleil commençait à se réveiller au loin.

Une heure plus tard, elles arrivaient à Macon. Même rituel, une chambre réservée pour les filles, une chambre pour elle… Une chambre où elle y passerait certainement la journée entière, enfermée. Une chambre où son corps alternerait de nouveau entre la fièvre des cauchemars et la glace à la relecture des courriers. Une nouvelle journée perdue. Une nouvelle journée perdue…


[*Just say you won't let go
Just say you won't let go
Just say you won't let go
Oh, just say you won't let go*]






[*Say You Won't Let Go By James Arthur]
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Kye
A cette heure, le précédent courrier de Kÿe avait surement dû trouver sa destinataire. Elle l’avait très probablement lu et qui sait comment elle avait réagi à ses mots. De ça, il s’en souciait peu pour le moment.
Il se sentait trahi et blessé. Il ne supportait pas l’idée qu’elle lui avait menti en partant, car c’était bien de cela qui était question ; un mensonge. Enfin, ce n’était pas une idée, c’était la vérité et il avait du mal à l’accepter. Et pour la première fois depuis son départ à elle, il se mit à travailler.

Le travail comme seul refuge. C’était un bon moyen pour penser à autre chose. Pour penser à tout, sauf à elle. Pour éviter de ressasser ce courrier et laisser libre cours à l’imagination. Non, il n’avait certainement pas besoin de ça en ce moment, alors le travail était la bonne solution. Il reprit lentement les contrats qui étaient en cours de finalisation, les étudiant rapidement, puisqu’on attendait plus que sa signature dans la plus part des cas. Il reprit aussi son travail de héraut, continuant recherches et autres dossiers à traiter. Les choses commençaient enfin à aller dans le bon sens, elles ne stagnaient plus parce qu’il préférait jouer avec les enfants.

Les enfants d’ailleurs, avaient compris qu’ils devraient se passer de leur père/parrain pour quelques temps. Emery comprenait la chose, Louis un peu moins, mais Kÿe était un adulte et il ne pouvait pas toujours se permettre de jouer, parfois il devait aussi travailler. Alors dans son rôle de parfait grand frère, Emery s’occupa de son cadet comme il le pouvait, comme des garçons le pouvaient.

Quelques journées passèrent et un jour, sur son bureau un courrier de sa suzeraine, Victoire. Il ne l’ouvrit pas tout de suite, au contraire, il prit tout son temps. Non pas qu’il n’ait pas envie de la lire, il avait très envie d’en connaître le contenu. C’est juste qu’en voyant ce courrier, il se souvenait du jour de la cérémonie, il la revivait dans sa mémoire et il se souvenait du pourquoi de cette cérémonie, de ce qui l’avait surtout provoqué.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. C’était pour un mariage, initialement. Leur mariage. Alors évidemment, depuis le temps, Victoire devait demander où s’en était. Ou peut-être que simplement elle lui demandait son aide dans la guerre à venir en Lyonnais-Dauphiné, chose tout aussi logique que la précédente.

Il détacha la cire et en lu le contenu dans sa tête :

Citation:


Mon cher vassal,

Depuis le début de ce mois de mars, sur ma liste, votre nom est noté en majuscules, en très grand quoi.
J'avais en tête de vous écrire il y a déjà de nombreuses semaines, cependant je ne sais si vous ressentez la même chose également, j'ai l étrange impression que le temps rétrécit chaque jour un peu plus, serait-ce un signe que je ne suis plus aussi jeune ?
Surtout je vous interdis d'approuver cette idée cela m'attristerait atrocement, ôtez-vous cela de la tête et passons à la suite, car l'objet de ma lettre n'a aucun rapport avec cela, il s'agit de vous.
De vous, de votre tendre Elisa, et de vos épousailles.
Quand donc allez-vous m'annoncer cette bonne nouvelle ? Le printemps est la saison idéale pour convoler, tout comme les fleurs, votre amour ne demande qu'à éclore plus encore.
Là encore, ne haussez pas le sourcil, si vous trouvez dans mes propos un lyrisme exacerbé, que voulez-vous, ma grossesse me rend fébrile, et la guimauve est devenue mon parfum préféré.
Néanmoins, il me plairait recevoir de vos nouvelles, rapidement, par retour de courrier, je sais que vous le ferez, pour faire plaisir à votre suzeraine.

Celle-la même vous adresse ses chaleureuses salutations et qui n'oublie pas de prier le Très-Haut pour qu'il vous protège.

Avec l'assurance de mon soutien indéfectible,





Ils ne s’étaient pas côtoyés longtemps et pourtant, elle le connaissait très bien. Evidemment qu’il sourit en coin lorsqu’elle aborda sa vieillesse et qu’il haussa un sourcil lorsqu’elle se prit d’une envolée lyrique. Et tout cela, le fit sourire, car elle commenta ses réactions.
Le Noircastel détourna son regard vers la fenêtre de son bureau, perdant ses azures vers l’horizon. Elle posait une question à laquelle il n’avait pas de réponse pour l’instant, ou peut-être qu’il l’avait mais qu’il ne voulait pas la donner, qu’il n’en était pas encore sûr. Il senti quelque chose lui tirer le bras et lorsqu’il regarda de ce côté, il y vit Louis avec un grand regard triste, semblable à celui de sa mère.


- Papa…papa…on la revoit quand Maman… ? Elle me manque…

Le père leva les yeux, cherchant Emery dans la pièce. Il était un peu plus loin et le petit frère avait échappé à la vigilance de l’ainé. Le grand frère avait bien entendu la question et il s’était arrêté de jouer à son tour, attendant la réponse du paternel, du parrain car il se posait la même interrogation aussi. Le vieux loup regarda à nouveau le courrier de sa Suzeraine, puis vers la fenêtre et lâcha un léger « pfeuh » pour lui-même.

- Bientôt, je vous le promets.

Puis il se leva et lança aux deux garçons :

- Vous venez ? On rentre à la maison.

Le retour à la maison fut des plus courts. Il n’y avait eu aucun détour et le rythme avait été imposé par Kÿe au cochet. Les garçons montèrent dans leur chambre pour continuer leurs jeux et Kÿe, dans la sienne aussi où il s’installa au bureau pour répondre au courrier de Victoire :

Citation:

    Ma chère Suzeraine,

    Je ne sais pas comment débuter cette réponse à votre courrier. Il y a tant de chose que vous devriez savoir, mais tout cela serait trop long à mettre par écrit, le plus simple serait peut-être de le faire de vive voix mais quand pourrons-nous le faire ? Peut-être qu’avec notre âge grandissant à tous les deux et de ce fait, notre mémoire de plus en plus défectueuse nous allons laisser tomber cela dans l’oubli.
    De mon côté, j’ai entendu qu’il y avait des problèmes en Lyonnais-Dauphiné et que la guerre était sur le point d’y éclater. Je ne doute pas que vous allez réussir à gérer la situation seule. Néanmoins quel vassal serais-je si je ne venais pas prêter main forte à ma Suzeraine ? C’est pourquoi, je vous informe par la présente de mon arrivée prochaine en Lyonnais-Dauphiné afin de gonfler les forces de ceux qui résistent à l’envahisseur Fatum.
    Pour répondre à votre questionnement, notre mariage aura lieu peu de temps après que la situation se sera calmé en Lyonnais-Dauphiné. Ou peut-être que je n’attendrai pas jusque-là et que le mariage aura lieu pendant une légère accalmie. Je veux qu’Elisa sache que je suis entièrement à elle et qu’elle est entièrement mienne, qu’il n’y a aucun doute à avoir à ce sujet et je pense que se marier est la meilleure façon de le lui rappeler. Je ne sais pas si Elisa est au courant de cette volonté, libre à vous de la tenir informer en tant que votre vassale/suzeraine.
    Prenez soin de vous et saluez votre mari de ma part,
    Votre dévoué Vassal,




Puis, dans la foulée il sorti un deuxième vélin ainsi qu’un ruban bleu. Lui-même ne se souvenait pas depuis quand il n’avait plus utilisé ce procédé mais c’était aussi la meilleure manière de démarquer son courrier des autres. Cela avait aussi une signification particulière comprise que par eux seuls. Il écrivit une première lettre, qu’il arracha. Il en commença une nouvelle, mais il y avait déjà des ratures, pas grave ce serait un brouillon.

Pendant l’écriture, il se leva, marcha, fit les cent pas, s’approcha de la fenêtre et regarda au loin. Il cherchait aussi dans son petit carnet, son petit journal. Il regarda un peu le tableau d’Elisa, senti son parfum, relu quelques lettres qu’il avait su conserver d’elle et puis, quelques heures plus tard le deuxième courrier était prêt :


Citation:


    Elisa,

    Mon étoile,
    Aujourd’hui, je prends enfin la plume pour t’écrire cette lettre, qui me parait ô combien importante en ce moment. Tu as fait preuve de sincérité envers moi dernièrement et je vais faire de même avec toi. Et rien qu’avec ce début de ce courrier, j’ose espérer que tu devines le contenu de ce courrier. Ou du moins, le ton de ce dernier. J’ose espérer aussi qu’il te fera du bien et que c’est ce que tu attendais de moi depuis…depuis quand d’ailleurs...? Excuses-moi pour l’attente.
    Revenons sur notre histoire, si tu le veux bien.
    Il y a maintenant 8 ans, nous nous sommes rencontrés dans une taverne de Valence. Je pense que tu t’en souviens aussi bien que moi, peut-être même un peu mieux. Soyons honnêtes, nous ne pouvons pas vraiment dire que c’était la meilleure des rencontres qui puissent exister et je me demande s’il est possible de faire pire que cela. Et pourtant, aussi horrible qu’elle puisse être, c’était la nôtre, différente de toutes, comme nous, comme notre histoire.
    Occasionnellement, nous nous sommes revus suite à cela. Nous nous sommes parlé, enfin tu m’as surtout écouté. Tu as écouté mon histoire, sans vraiment me juger. Tu m’as laissé me rapprocher de toi et quelques semaines plus tard, mes lèvres goûtaient aux tiennes pour la première fois, le même jour que la naissance d’Ehmée et Eyvin. Une part de bonheur pour tous les deux.
    Nous avons ensuite voyagé. Un peu partout dans le royaume. Nous sommes allés voir ta famille en Limousin, tu m’as présenté ton cousin et j’ai fait connaissance de sa longue hallebarde. Encore aujourd’hui, je ne saurais dire s’il m’apprécie, je pense qu’il me tolère et que c’est déjà pas mal.
    Suivant notre voyage, nous avons fait de nombreuses rencontres, intéressantes, heureuses et parfois tout le contraire. Et puis finalement, nous sommes installés à Montpellier. La vie là-bas, bien que certains moments furent heureux, nous a laissé une cicatrice que je ne vais pas m’amuser à gratter aujourd’hui.

    -

    Nous avons de nouveau voyagé. Et de notre amour est né, en Touraine, un magnifique petit garçon. Je me souviens encore de la raison de son prénom. Excédé par tes « non », Louis était un bon début pour t’apprendre à dire « oui ». Ainsi, tu allais apprendre à le dire au travers du prénom de notre fils et in fine tu finirais bien par le dire, tout simplement. Puis nous nous sommes installés en Rouergue, pour quelque temps et là-bas tu m’as prononcé ces trois voyelles, qui me font encore sourire aujourd’hui. Finalement, nous avons repris la route de nouveau.
    Oublions le passage du Berry. Je n’ai pas envie de revenir dessus. Il y a eu des erreurs de commises et je les regrette tellement encore. Je m’efforce chaque jour pour ne pas les reproduire et pourtant, j’ai l’impression aujourd’hui d’avoir échoué, quand je vois où tu es, ce qui nous arrive.
    Ultimement, nous nous sommes installés en Maine. Enfin, plus exactement je t’ai rejoint là-bas. Nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes aimé à nouveau. Nous nous sommes aussi dits oui, à nouveau. Et puis, mes choix ont fait que j’ai dû m’installer en Alençon et pourtant tu m’as suivie. La suite, nous la connaissons tous les deux.
    Si je suis revenu sur notre histoire, ce n’est certainement pas pour en écrire le point final, bien au contraire. Je compte évidemment continuer de l’écrire, page après page, ligne après ligne et mot après mot. Alors oui, je te pardonne. Alors oui, je t’aime. Je sais aussi que j’ai oublié de parler de certains moments. Comme de notre voyage à Venise, où je meurs d’envie de t’emmener à nouveau. Ou bien de mon envie de te faire l’amour, encore et encore, de voir ton ventre s’étirer, bouger, de te voir porter la vie à nouveau. Là où je veux en venir surtout, c’est que notre histoire a commencé à Valence et je pense que le prochain chapitre s’y déroulera aussi.

    Ton vieux loup,
    K

    PS : Il y a un message caché dans ce courrier. Trouve-le, arrêtons les bêtises et faisons-le.


Satisfait, il prit les deux courriers qu’il avait écrits et descendit voir Eli, qui s’occupait de choses en cuisine. Lorsqu’il passa la porte, il lança un joyeux :

- Eli ?!

Elle de son côté, l’entendant arriver se retourna vivement, cachant quelque chose dans son dos, un morceau de papier visiblement. Une lettre ? Le Noircastel plissa des yeux en la regardant :

- Que cachez-vous là ?

Eli redressa les épaules, haussa un sourcil et lui répondit le plus calmement du monde.

- Cela ne te regarde pas, Kÿe.

Il continua de plisser les yeux, pinçant ses lèvres l’une contre l’autre avant qu’elle ne rajoute :

- Que voulais-tu ?

Ces grands yeux s’ouvrent à nouveau et un large sourire apparait sur ses lèvres. Eli voit très bien les deux courriers et elle reconnait celui au ruban bleu, comprenant très bien à qui il est destiné.

- Sors des draps, il faut recouvrir les meubles, nous partons !

- Nous partons ?

Il avait déjà fait demi-tour pour aller préparer ses propres affaires.

- Oui ! Nous partons ! Et aides les enfants à préparer leurs affaires aussi ! Nul besoin de tout prendre, ils ont déjà tout ce qu’il faut où nous allons !

Elle fit un pas en avant répondant un peu plus fort à mesure qu’il s’éloignait de son côté :

- M’enfin ! Vas-tu me dire où nous allons comme ça ?!

Un silence en guise de seul réponse et alors qu’elle allait soupirer, elle entendit sa voix à nouveau.

- Retrouver ma fiancée pardi ! Et l’épouser !

Eli en resta bouche-bé. Il y a quelques jours, le monde de Kÿe s’effondrait et aujourd’hui il était totalement déterminé. Elle ne comprenait pas ce qui avait bien pu provoquer ce changement si soudain dans son comportement, mais elle en sourit, car elle était heureuse de le voir ainsi et surtout, la réponse qu’elle devait écrire à Elisa en serait que plus simple.
Elle ne s’exécuta pas tout de suite à l’ordre du Noircastel, avant toute chose, elle voulait répondre à la Duchesse et surtout s’assurer que son courrier à elle arrive avant celui de Kÿe, juste par acquis de conscience.


Citation:

    Elisa,

    Même si le courrier que tu as envoyé à Kÿe, m’a aussi beaucoup touché, j’ai toujours autant de respect pour toi, pour au moins lire tes courriers.
    J’ai vu que Kÿe allait t’envoyer un courrier avec un ruban bleu. Je ne sais pas si tu vas recevoir le mien avant le sien, je vais tout faire pour et si dans le cas où tu les as reçu tous les deux en même temps, alors j’espère que tu auras lu le mien avant.
    Aujourd’hui, Kÿe va très bien. Il a retrouvé son visage des beaux jours et sa détermination qui fait qui il est. Je ne sais pas quelle bête l’a piqué ce soir, mais il a pris la décision de partir en voyage, avec nous tous, pour je cite « Retrouver ma fiancée pardi ! Et l’épouser !».
    Je ne connais pas la teneur de son courrier, mais j’imagine que cette phrase prendra tout son sens pour toi à la lecture des mots qu’il a écrit.

    Je sais que la situation où tu es, est difficile alors soit prudente et veilles bien sur tes filles ainsi que sur toi-même. Nous arrivons bientôt et toute la famille sera de nouveau réunie.
    Eli.

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Emelyne.alois
Le froid retombait insidieusement sur la ville, après une journée chaude et ensoleillée. C'était une nuit sans lune, sans nuage. Les étoiles en profitaient pour briller avec insolence. Le bruit sourd, continu, entêtant, du murmure des eaux sombres sous ses pieds couvrait leurs scintillements, et tous les bruits alentours. Emelyne s'appuyait sur le garde corps d'un pont qui surplombait le Rhône, regardant l'absence de reflet des étoiles dans la noirceur du courant qui filait sans attendre qui que ce soit, quoi que ce soit. Il y avait quelque chose d'effrayant et de fascinant à écouter, à regarder le Rhône, la nuit.

___ - Tu savais, Satin ? Il paraît que le Rhône a le plus puissant débit d'eau du Royaume.

Le jeune renard stoppa sa tentative d'escalader les jambes et la tenue de l'adolescente pour retrouver ses bras. Il posa son séant, et leva ses yeux toujours tristes vers elle, penchant la tête, comme pour essayer d'entendre ce qu'elle disait. Il n'y avait qu'une torche sur le pont, pour l'éclairer en son milieu, et empêcher les malheureux quidams retardataires surpris par la nuit de dévier de ses pas pour passer par-dessus bord malencontreusement.
Emelyne venait de quitter Maman, après avoir insisté pour l'accompagner jusqu'aux remparts où elle prenait son tour de garde. La jeune Malemort était à présent sur le chemin retour vers leur appartement. Elle n'avait pas cherché, comme la veille, à faire la ronde avec Maman. Elle se montrait raisonnable. Mais parfois, elle en avait assez d'être raisonnable, elle se détestait de l'être. Parfois, se disait-elle, la raison n'était pas ce qui était le plus nécessaire et le plus adéquat pour que les gens aillent mieux. Parfois, l'obstination et la vésanie apportaient plus.
La petite brune n'avait pas envie de rentrer tout de suite. Alors, elle s'était arrêtée depuis quelques instants, sur ce pont déserté, près de la torche. A regarder les eaux noires.

___ - Il paraît que ce pont est fameux. Il paraît que c'est celui que les gens préfèrent, pour se donner la mort. L'endroit idéal pour disparaître dans le courant. Il y a même des comptines qui relatent certaines histoires.

Prise d'un vertige, à force d'être soumise à ce bourdonnement incessant, en suspension au-dessus de ce courant puissant et inarrêtable sous elle qu'elle sentait vibrer jusque dans son ventre, et due à une certaine fatigue, hypnotisée par ces eaux sombres qu'on distinguait à peine, qui semblaient impénétrables, empreints de vie, de mort, d'un mystère menaçant, insondable, Emelyne se dit que ce serait facile...
Et si c'était de sa faute ?... Si elle n'avait pas été là... Si elle n'avait pas été là, peut-être que... Non. Si elle n'avait pas été là, la vie aurait choisi un autre chemin, pris un autre prétexte, l'histoire n'aurait pas changé. Ou peut-être que si ?... Et si tout ça, toute la souffrance de Papa, de Maman, c'était de sa faute ? Juste... parce qu'elle existait ?...
Les eaux noires... Ce serait facile... Si facile... Juste un pas...

Satin émit un gémissement. L'adolescente le prit dans ses bras, et rentra.
Être raisonnable avait du bon, parfois.

Elle pénétra dans l'appartement en silence, et se posa au même endroit qu'hier. L'adolescente entrouvrit la le fenêtre, et laissa son regard se perdre un moment à travers le verre, tandis que le jeune renard ne tarda pas à prendre place sur ses genoux, et que Flocon fit le tour pour se percher sur le rebord le plus proche. Le temps ne s'écoulant pas assez vite à son goût, elle prit la lettre de Papa reçue ce matin, et la relut, avant de prendre de quoi lui répondre.

Citation:
    Le 27 mars 1465.


    Mon Papa,
    Le bonsoir à toi,

    Tu es tout excusé. Je sais que tu as beaucoup à faire et que le Duché a beaucoup de travail, depuis la félonie de l'ancien Bailli. Et puis, ce n'était pas à toi de te dépêcher d'écrire, le plus important était que l'on te rassure.
    Et aujourd'hui encore, tout va bien.

    Nous sommes toujours à Lyon. Maman participe à la défense depuis hier soir, et elle fait une ronde ce soir encore. Bien que je comprenne pourquoi elle refuse que je l'accompagne, ça me fait un peu de peine de pas pouvoir être avec elle, en sachant qu'elle court peut-être un danger. Alors la nuit, je veille, je guette le moindre bruit suspect qui traverserait le silence de la nuit, qui proviendrait des portes de la ville, du Château, ou de la Mairie.
    Je ne dors pas, j'embête Satin et Flocon pour qu'ils m'aident à tenir, j'attends son retour. Et lorsqu'elle rentre, tard, avant le petit matin, je fais semblant que je dormais et je l'embrasse tout plein lorsqu'elle vient m'embrasser dans mon lit, rassurée que rien ne se soit passé. Je prie encore très fort, ce soir, pour que rien ne se passe. Je ne sais pas si je le supporterais cette fois, pas dans son état.

    Nous n'avons pas encore pu parler. Le moment ne s'est pas présenté. Elle semble aller mieux, mais elle reste fermée à moi, contrairement à ce que tu me disais dans une de tes lettres. Mais ce n'est peut-être que parce que le moment propice ne s'est pas encore présenté. Il y a, comme tu t'en doutes, beaucoup de monde, en ce moment, à Lyon. Je ne change rien, je reste moi-même lorsqu'elle est là. J'ai toujours peur d'en faire trop, de la gêner, lorsque je la câline ou que je lui fais des bisous, mais heureusement elle ne me repousse jamais. Je voudrais faire plus, pourtant. Parfois, j'ai l'impression qu'un câlin n'est pas suffisant, que ce n'est que superficiel. Je ne la forcerai jamais à me parler. Je me tiens à sa disposition, si elle en ressent l'envie, le besoin. Elle le sait. Mais je ne veux pas qu'elle se force à le faire.

    Cela dit, tout n'est pas noir, elle arrive toujours à trouver du temps pour nous, et je passe toujours des moments délicieux lorsque je suis en compagnie de Maman. Je l'adore toujours, plus que tout. Comme elle est. Elle est toujours mon modèle, mon étoile, cela n'a pas changé. Et ses câlins et ses bisous sont les plus doux du monde, malgré tout, malgré les tempêtes dans sa tête qu'elle nous cache.
    Satin est d'accord avec moi, il confirme pour les bisous et les câlins.

    Tu sais, ça me fait du bien de t'en parler. Je ne peux le faire avec personne d'autre. Même Andreaaa, alors que je ne lui ai jamais rien caché jusque là, même à elle, je ne peux rien dire. Alors heureusement que tu es là, et que je peux m'épancher un peu sur ton épaule, même si tu n'es pas là, même si tu me manques.

    Et euh, hum... Nan, Papa vilain curieux, je n'ai rencontré personne. Du moins pas que je sache. Il faut dire que j'ai un papa qui a mis la barre très haute au niveau de mon idéal masculin ! Plus sérieusement, même si je ne plaisantais qu'à moitié, je n'ai croisé personne sur les routes qui aurait éveillé chez moi une quelconque réelle curiosité ou un début de souffle amoureux. Et je ne cherche pas spécialement, de toute façon. Je ne pense pas que ce soit le moment. Je ne veux pas créer de complication supplémentaire.

    Pour la Duchesse Xalta, oui en effet, elle nous a proposé de passer voir son éléphant au retour. A dire vrai, elle m'avait déjà parlé de son éléphant la première fois que je suis venue à Orléans, avant que je ne te rencontre. Je m'en suis rappelée, et elle a accepté qu'on vienne admirer cette curiosité, et convenu que la visite devait être préparée. Elle a l'air vraiment très sympathique, tout comme son compagnon.
    Et elle m'épate qu'elle ait pu comprendre... Pour toi et Maman. Alors que moi-même ne me doutais de rien. Cela dit, Nerval, le Suzerain et Vassal de Maman, semble se douter de quelque chose également. Il lui a dit qu'il aimerait lui parler, car elle n'avait pas l'air d'être dans son assiette. J'ignore s'ils ont pu discuter. J'espère tout de même que pas trop de gens vont s'en mêler... Lui et son épouse sont amis avec Kÿe. Je souhaite que personne ne cherche à influencer Maman, et qu'elle choisisse ce qui la rendrait la plus heureuse, indépendamment de tout le reste, de tous les autres. Que juste ce qu'elle préfère elle entre dans la balance. Rien d'autre.

    Je t'embrasse fort, Papa. Prends soin de toi aussi, promis ?
    Je t'aime, j'attends de te revoir.

    Ta fille,
    Emelyne.


Elle prit une autre feuille, et la regarda un moment. Puis la repoussa. Elle n'arrivait toujours pas à écrire à Kÿe, à Emery. Pourtant, elle leur avait promis. Elle brûlait aussi d'avoir de leurs nouvelles, de savoir ce qu'ils faisaient à Argentan. Mais, elle n'y arrivait tout simplement pas.
Lorsqu'elle finit de compléter son journal de bord, son journal d'omissions comme elle voudrait l'appeler, le silence de la nuit, de l'appartement la frappa. Combien de temps la séparait-il encore de l'aurore ? Du retour de Maman ? Glissant pensivement ses doigts dans la fourrure du jeune renard endormi, elle repensa aux eaux noires, tumultueuses, du Rhône. Le ciel paraissait si paisible en comparaison. Elle y perdit son regard, ses pensées. Elle y cherchait une étoile.
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Elisa.malemort
    «J’ai peur de nous, J’ai pas envie de résister,
    J’ai peur de nous, la raison n’est pas notre allié.
    Le jour se lève, la fièvre prend fin,
    M’aimeras-tu demain ?
    Et mes lèvres posées sur tes mains,
    M’aimeras-tu demain ?»

        Brigitte – A bouche que veux-tu


24 mars 1465 - Macon – Duché de Bourgogne

L’armée bourguignonne venait de revenir du Lyonnais. Entrant à l’aube dans la ville de Macon, amenant avec elle le blond porte parole. Il n’avait pas tardé à venir la rejoindre, et rapidement, la Malemort lui avait dit combien elle le détestait de l’avoir laissé durant ces trois jours sans aucune nouvelle. Elle l’avait inspecté de haut en bas, afin de s’assurer qu’il n’avait rien, qu’il était entier, et que les fatums ne l’avaient pas blessé.
Et puis, la journée était passée, l’après-midi était déjà bien attaquée, quand elle reçu deux nouvelles lettres… Dont l’une avec un ruban bleu… Un ruban bleu oui… Lorsqu’elle le vit, elle se stoppa net, gardant le vélin dans les mains. Elle ne comprenait pas ce que le ruban faisait là. Ça n’était pas… Logique.
Elisa n’était pas capable de l’ouvrir, alors, elle commença par le petit pli : C’était Eli. La Malemort était rassurée, elle avait eu si peur, qu’Eli lui en veuille, qu’elle finisse par prendre le parti de Kye. Elle aurait pu, elle aurait eu le droit de le faire, la situation s’y prêtait après tout… Mais elle ne l’avait pas fait, c’est ce qu’elle lui disait. Et le reste de ses mots furent tout aussi étonnant. Kye allait mieux, Kye allait bien même. Comment cela avait-il pu arriver ? Elle continua de lire, elle fronça les sourcils, elle n’arrivait pas à lire les mots qui avaient été raturés par Eli. La Duchesse essayait de bouger le vélin dans tous les sens, mais rien n’y faisait, les mots n’étaient désormais plus lisibles. Seule Eli savait ce qu’elle avait écrit.

Puis tout à coup, la Malemort stoppa ses onyx sur les derniers mots d’Eli : « Nous arrivons bientôt ». Son corps se figea, ses yeux restaient bloqués durant quelques instants sur les mots, encore et encore. Et finalement, la lettre d’Eli est jetée sur le secrétaire, pour que la Malemort récupère le vélin enroulé dans le ruban bleu. Ses doigts parcourent la lettre, puis le ruban, doucement, jusqu’à tirer sur celui-ci pour déplier la lettre, découvrir, ce qu’elle n’avait certainement pas cru possible…

Les prunelles noires lisent chacun des mots avec détail et attention. Pesant la valeur et le symbole de chacun, sachant pertinemment qu’il les a choisit et mesuré avant de les installer là. Elle sait que chaque mot est étudié pour venir se graver dans son cœur. Et ça marche, ça marche tellement bien, que les larmes viennent se joindre à la lecture, que ses mains se mettent à trembler à l’évocation de tous ses souvenirs. Elle se souvient parfaitement de leur première rencontre dans une taverne de Valence. Elle se souvient parfaitement de la deuxième fois qu’elle l’a vu, de l’autre côté de la route, face à la Cathédrale de Lyon, le jour des funérailles de son défunt époux. Elle se souvient des soirs transformés en nuit pour écouter le récit de sa vie, de ses aventures bonnes ou mauvaises. Il s’était livré à elle, il n’avait pas eu peur qu’elle puisse le juger ou bien le repousser comme il l’avait déjà été.
Elle se souvient parfaitement de cet après-midi là, où pour la première fois, leurs lèvres s’étaient touchées après quelques haussements d’épaule de trop. Elle se souvient de leur jeu, elle se souvient de son inquiétude lorsqu’elle avait accouché d’Ehmée et d’Eyvin. Elle se souvient de son visage et de ses cent pas à attendre la délivrance alors qu’il n’était même pas le père. Elle se souvient de son sourire, de tous les sourires qu’il lui avait fait. Elle se souvient des bains contre lui, des nuits de folies, des jours entiers enfermés dans leur chambre. Elle se souvient des promesses, des retrouvailles. Oh oui, elle se souvient parfaitement de tout. Du bon et du mauvais, mais aujourd’hui, elle n’a pas envie de repenser au mauvais. Elle n’a pas le courage de se souvenir les épreuves difficiles qu’ils ont partagés. Aujourd’hui, elle ne veut se souvenir que des bons moments. Elle ne veut se souvenir que de ces 9 ans de vie commune. Elle ne veut se souvenir que de ça. Alors elle ferme les yeux, tandis que ses doigts viennent se poser sur ses lèvres, elle se souvient du goût de ses lèvres, de leur douceur, de leur tendresse contre les siennes. Elle se souvient de ses dents venant pincer son corps entier. Elle se souvient de sa langue qui parcourt son corps qui le goûte entièrement, totalement, follement, amoureusement. A ce souvenir, un frisson vient parcourir ce corps qu’il a goûté de sa langue, de ses lèvres, de ses doigts.

Les yeux toujours clos, les larmes continuant de couler le long de ses joues, ses lèvres finissent par s’étirer pour dévoiler un sourire.
Ce sourire qui n’était pas apparu ses lèvres depuis si longtemps. Faut-il à chaque fois qu’ils soient séparés pour réaliser combien ils s’aiment ? Sont-ils toujours obligés de se faire souffrir pour réussir à se dire les mots qu’ils ont toujours eu du mal à se dire ? Car, malgré tout l’amour qu’ils se portent et qu’ils se montrent au quotidien, parfois, oui parfois, les mots sont bon à être rajoutés. Parfois, les actes ont besoin d’être liés à la parole. Et cette lettre… C’est exactement les paroles qu’ils manquaient…

Mais cela sera-t-il viable ? Cela durera t-il dans le temps ? Car les habitudes reprennent rapidement le dessus. Ils l’ont déjà vécu, ils l’ont déjà vu il y a encore de cela quelques mois. Et finalement, même si le bonheur était revenu, même si ensemble ils ont survécu à la plus difficile des aventures d’une vie : la perte d’un enfant… Mais finalement ont-ils vraiment survécus ? Ont-ils vraiment réussi à surmonter cette tragique étape de leur vie ? Alors, à ce souvenir, les larmes reprennent le dessus, ses doigts glissent de ses lèvres jusqu’à son ventre, désespérément vide. A cette heure, elle devrait avoir dans ses bras un nourrisson. Son enfant, sur qui elle devrait veiller, qui n’aurait d’yeux que pour elle. Qu’elle mangerait de bisous, respirant cette odeur si particulière qu’ont les enfants lorsqu’ils sont si jeunes.
Sans quitter la main de son ventre, la Malemort vient se recroquevillée sur elle-même. Le chagrin est revenu…



28 mars 1465 - Lyon – Duché du Lyonnais & Dauphiné


La veille au soir, la Malemort avait été confrontée à la folie fatum. L’un d’eux avait osé menacer sa fille Ehmée par courrier lui étant destiné. Sans réfléchir, la Duchesse avait accouru vers le brigand pour le menacer de directement de mort s’il s’approchait de sa fille. La soirée avait été faite de menace, mais le brigand n’en avait strictement rien à faire. Ça n’est que le lendemain, après réflexion, que la Malemort se demanda si lorsqu’elle s’était rendue dans cette taverne brigande, elle ne s’était pas jetée dans la gueule du loup. Elle n’avait pas réfléchit un seul instant lorsqu’elle avait pensé sa plus jeune fille en danger. Elle n’avait pas réfléchit un court moment à sa propre sécurité. La louve enragée s’était réveillée, et rien n’avait pu l’arrêter.

Elle s’était retrouvée face aux fatums, seule, dans une taverne. Si d’extérieur, elle ressemblait à une louve sauvage, à l’intérieur, ses os s’entrechoquaient entre eux de peur. Elle faisait tout pour le cacher, pour se montrer strict et menaçante… Mais lorsqu’elle fini par quitter la taverne, et que ses pas la guidèrent jusqu’aux remparts, où elle devait passer sa nuit de garde, elle avait fini par coller son dos contre la pierre, glissant au sol, se recroquevillant sur elle-même. Elle crevait de peur ! Littéralement. Elisa était restée durant de longues minutes dans cette position, tentant de reprendre ses esprits, retrouver son courage et sa bravoure. Ça n’est seulement qu’après un petit moment, qu’elle réussit à reprendre force pour se redresser. La nuit avait été longue, très longue. Et le matin venu, la Duchesse avait fini par rejoindre son appartement où les filles et elle avaient élu domicile le temps que les routes soient assez sûres pour rejoindre ses terres. Arrivant à domicile, elle était montée dans la chambre d’Ehmée, Emelyne et d’Andreaaa pour déposer un baiser sur le front de chacune, puis elle avait rejoint sa propre chambre. Rapidement, elle s’était changée avant de s’allonger dans son lit et s’endormir, épuisée par cette nuit, épuisée par ses émotions.

Elisa avait fini par se réveiller, lorsque le soleil commençait déjà à redescendre près du sommet des montagnes. Se frottant les yeux, elle réalisa qu’elle avait dormi durant toute la journée. Aucune des filles n’étaient venue la réveiller et le silence semblait d’or dans l’appartement. Profitant encore quelques instants du lit, avant de se lever pour rejoindre le petit secrétaire qu’elle commençait à bien connaître désormais.
Un vélin posait sur le bois et une plume pour glisser sur le papier tous les mots qu’elle avait du mal à dire, et que pourtant, elle devait se libérer….




Citation:
Kye,

    Peut-être aurais-je dû répondre avant à ton courrier. Peut-être aurais-je dû prendre le temps de le faire. Ou alors, peut-être que j’attendais l'événement qui me ferait comprendre que justement, je devais le faire.
    Peut-être qu’hier soir finalement, cet événement s’est produit. Hier soir, j’ai compris que je n’étais pas aussi forte que je pensais l’être ou que je voulais le faire paraître. Hier, j’ai ouvert les yeux, et je me suis rendue compte que ces derniers jours, je me suis repliée sur moi-même. J’ai fermé la porte de mon cœur pour que personne ne puisse entrer, pour qu’aucun mot, ou qu’aucun geste ne puisse m’atteindre, car je me pensais inconsolable. Car je pensais, et je le pense toujours d’ailleurs, que je méritais la souffrance que j’éprouvais et que j’éprouve toujours. Car je t’ai fais du mal, car je t’ai trahis, car je nous ai fais du mal à tous les deux, et bien plus encore : à notre famille.

    Hier, alors que j’étais entourée de quatre fatums autour de moi, tentant de défendre l’honneur de notre fille, j’ai compris que je n’étais strictement rien. Que j’avais beau être une louve sauvage à l’extérieur, à l’intérieur j’étais terrorisée comme une enfant. Et alors que je leur faisais face, je n’avais qu’une envie, c’est que la porte s’ouvre pour que tu viennes poser ton bras contre le mien, que tu te mettes à côté de moi et qu’ensemble nous leur faisions regretter les paroles qu’ils ont eu envers notre famille. J’aurais voulu que tu sois là, avec moi. Que tu me rendes tout le courage que j’ai perdu depuis des jours. J’aurais voulu qu’à travers le toucher de nos mains, tu me rappelles que nous sommes invincible lorsque nous sommes ensembles.

    Et pourtant hier soir, j’étais seule, j’étais seule et complètement vulnérable.

    Je sais que tu es en route. Je le sais, car Eli me l’a dit, je le sais car Bel m’a dit que tu avais été vu à Patay. Je sais que tu t’approches petit à petit de nous. Je sais que bientôt tu seras là, ici, à Lyon. Qu’à l’aube, tu passeras les ports de la ville, ces mêmes portes où peut-être j’y aurais passé la nuit peut-être arriveras-tu avant mon départ… Ou bien, peut-être pas.
    As-tu aussi peur que moi ? Car oui, j’ai peur d’affronter ton regard. Car je sais que celui-ci va me juger, et je ne suis pas capable de le supporter. Je ne suis pas capable de voir la tristesse et la douleur que je t’ai infligée. Car malgré tout ce que j’ai pu imaginer, je crois que tout cela est bien faible par rapport à la réalité. Je ne suis pas capable de voir la déception dans tes yeux bleus lorsque tu me verras.

    Alors mon cœur est partagé entre l’envie terrible que tu sois déjà là et le fait de ne jamais recroisé ton regard pour ne jamais te voir déçu de moi. Oui, tu l’auras compris, je suis complètement perdue encore aujourd’hui car j’ai terriblement peur. Aucun mot ne saura apaiser mes craintes pour le moment. Et si moi je suis si mal, l’idée de ton état me torture encore plus. Car oui, c’est une réelle torture que je subis depuis des jours. Je ne me plains pas, je mérite de souffrir, je mérite d’avoir mal, je mérite d’être aussi mal car je suis la seule fautive d’avoir provoqué tout cela.

    Mais s’il te plait, puisque quoi que je puisse dire, tes pas te mènent déjà à moi, alors sois prudent, pour les garçons, pour Eli, mais aussi pour toi. Je ne le supporterais pas…



E.


Ps : De quel message caché parles-tu ?

_________________
Kye
Quelque part, pendant le voyage, avant la Bourgogne.


Ce matin-là, comme tous les autres depuis le départ et comme tous ceux jusqu’à l’arrivée, ils étaient partis très tôt. Rideaux fermés pour garder un semblant de nuit à l’intérieur de la voiture, il n’y avait que celui de Kÿe qui était légèrement entrouvert. Le paysage défilait lentement sous ses azures.

- Nous ne nous arrêtons pas à Orléans ?Demanda Eli, remarquant qu’ils n’avaient pas pris la route de la capitale orléanaise.

- Non. Répondit simplement Kÿe.

- Et pourquoi donc ? Cela aurait pu permettre aux enfants de se reposer…

- Et nous n’allons pas, non plus, nous arrêter à Dijon lorsque nous serons en Bourgogne. Répondit-il dans un soupire. Je n’ai pas envie de les voir, aucun des deux, mais assurément l’un plus que l’autre.

- Que tu ne veuilles pas voir Bel, je peux le comprendre. Mais Gannicus ? Ça fait longtemps quand même et puis, il a accepté le choix d’Elisa avant de quitter le Maine la dernière fois.

Le vieux loup esquissa un sourire. Une manière de dire qu’Eli était bien naïve de penser et dire cela. Il détourna son regard de l’horizon pour la regarder.

- Les hommes de parole sont rares en ce monde. Elisa était seule et perdue en Bourgogne, s’il n’y a pas vu une opportunité, alors je serais agréablement surpris par cet homme, mais je ne me fais pas trop d’illusions à ce sujet.

Tout comme il ne se faisait pas d’illusions sur le fait qu’Elisa l’avait repoussé si ça avait dû être le cas. Ce n’était plus lui le problème. Aujourd’hui, le sujet de tous les maux c’était ce qui s’était passé avec Bel, ce qui se passé avec lui. Eli continua de regarder Kÿe quelques instants, puis elle tourna son visage pour regarder ailleurs, relançant sur un autre sujet.

- Je pense que les enfants ont hâte de retrouver leur mère.Elle détourna légèrement les yeux vers lui, relevant quelque peu un sourcil d’un air de lui demander « Et toi ? »

- Comme nous tous ici. Acquiesça-t-il dans un mouvement de la tête, ce qui fit sourire Eli.

- Tu as hâte alors ?

- Evidemment…bien que je ne sois absolument pas rassuré…Tu sais, je lui ai écrit avant de partir et je n’ai toujours pas eu de réponse.

- En même temps, Kÿe, nous sommes partis très vite. L’as-tu seulement prévenu du trajet dans ton courrier ?Un non de la tête du Noircastel comme réponseAlors, si elle a répondu, le courrier est à la maison.

- Et ça ne me rassure pas du tout ! Merci Eli ! Dit-il sur un ton empli de sarcasme

- Mais de rien mon petit, tu sais que tu peux toujours compter sur moi.Lui dit-elle sur le même ton, avec un sourire narquois et lui de soupirer de son côté. Et que lui disais-tu dans ce courrier ?

Il était toujours en train de regarder le paysage qui avançait toujours aussi lentement, quoiqu’un peu plus vite depuis qu’ils parlaient.

- Beaucoup de choses. Peut-être trop, je ne sais pas ? Je suis revenu sur notre histoire, plus ou moins. Et je lui ai dit que je voulais que l’on continue à l’écrire, que je l’aimais et que je la pardonnais pour ce qui s’était passé. Je lui disais vouloir continuer à agrandir notre famille et…que j’allais l’épouser à Valence.

Eli se mit à sourire légèrement.

- En effet, ça fait beaucoup de choses…

- Tu vois, j’en étais sûr que je n’aurai pas dû dire tout ça !

- Mais laisses-moi finir ! Je suis sûr que cette lettre a dû beaucoup la toucher et qu’elle attend ton arrivée avec autant d’impatience.

- Mouais, enfin, la dernière fois que tu m’as dit quelque chose dans ce genre, ça ne s’est pas vraiment passé comme prévu…

Les mots du Noircastel étaient sortis ainsi. Sans filtre. Et ils avaient légèrement blessé la vieille nourrice. Oui, elle s’était trompée et elle en était extrêmement désolée. Alors, elle baissa légèrement les yeux, pinçant ses lèvres l’une contre l’autre avant de détourner son regard à son tour vers la fenêtre opposé à celle de Kÿe. La conversation semblait s’arrêter là, lorsqu’un soupire du vieux loup eu lieux.

- Je suis désolé Eli…Je ne devrais pas te dire ça…Tu n’y es pour rien…Tu fais de ton mieux à chaque fois…Bref…Nous serons bientôt en Bourgogne, une fois que nous aurons passé les frontières de la Champagne, je chevaucherai avec les gardes, afin d’assurer la protection du convoi. Ça va aller avec les deux garçons ?

- Ne t’inquiète pas, se sont de vrais petits anges. Dit-elle dans un sourire en le regardant

Les deux adultes baissaient les yeux pour regarder l’enfant qui dormait. Sur Kÿe, il y avait Louis, qui avait trouvé comme coussin les cuisses de son père et du côté d’Eli c’était Emery qui avait fait de même avec elle. Chacun caressait les cheveux de l’enfant, les deux garçons réussissaient à profiter du luxe qu’était le sommeil à défaut des adultes, qui commençaient à avoir les traits tirés par la fatigue du voyage.


Autun, en Bourgogne, deux nuits avant l’arrivée

Ils touchaient presque au but. En fin de journée, aux dernières lueurs d’un soleil de fin mars, ils passèrent les portes de la ville. Jusqu’ici tout s’était bien déroulé. Comme prévu, Kÿe avait chevauché avec les gardes après leur départ de la Champagne, faisant parfois monter un des garçons avec lui pendant quelques heures, laissant même les reines à celui qui était devant. Le voyage était long et il fallait bien les amuser un peu, alors parfois c’était les « Plus vite papa ! » de Louis qui rythmaient la course et d’autres fois, c’était Emery qui prenait la direction, sous la supervision de Kÿe.
Autun donc, petite ville de Bourgogne, où Kÿe avait vécu il y a de cela bien des années. L’endroit n’avait pas vraiment changé, malgré le temps qui s’était écoulé depuis. Pour sûr que les habitants n’étaient plus les mêmes, mais les lieux principaux étaient toujours aux mêmes endroits. La petite famille se dirigea vers l’auberge donc, pour y prendre des chambres et s’y reposer avant de reprendre la route et c’est Kÿe qui parla avec l’aubergiste en entrant, alors que les enfants et Eli se dirigeait déjà vers l'étage.


- Bonjour, nous allons prendre deux chambres pour la nuit à venir.

Les voyageurs étaient rares dans le coin, alors l’aubergiste dû réfléchir quelques instants pour trouver un prix correcte.

- Bien, dans ce cas, ça fera 5 écus. Je mets ça à quel nom ?

- Disons 7 écus et on oublie le nom ?

C’était la politique de Kÿe pour le voyage, ne pas se faire remarquer ainsi que ne pas laisser de trace afin de ne pas être vu et ne pas avoir de problème sur les routes. Cela avait porté ses fruits jusqu’à aujourd’hui et le signe de tête de l’aubergiste lui indiqua que cela allait continuer ainsi.

- Bienvenue à la jument pavoisée messire Jean.

Le Noircastel lâcha un léger sourire de satisfaction devant la remarque de la personne qui se trouvait en face de lui. Il lâcha les quelques écus sur le comptoir et avant de se retourner, il jeta un coup d’œil sur le paquet de courriers qui traînaient sur le côté. Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’il aperçut le scel de la lettre du dessus. Elle avait répondu.
Il s’en saisit et alla prendre possession de sa chambre, pendant qu’Eli et les garçons s’installaient dans l’autre.

La nuit avait fini par obscurcir complètement la chambre, il alluma quelques bougies avant de s’installer sur son lit, lettre à la main. Il ne savait pas quoi en faire. Depuis qu’ils étaient partis, il espérait une réponse et maintenant qu’il l’avait, il n’était pas sûr de vouloir la lire.
Que pouvait-elle bien lui dire ? Lui disait-elle de faire demi-tour ? Avait-elle fait son choix ? Etait-ce lui ? Ou lui disait-elle de se dépêcher ?
Tant de questions dont les réponses se trouvaient dans le courrier, mais il semblait ne pas avoir la force de le lire. Il quitta pendant quelques instants la lettre des yeux, regardant la flamme d’une bougie danser dans l'air. Oui, pendant ces mêmes instants, l’idée de brûler cette lettre lui traversa l’esprit et lorsqu’il reposa les yeux sur cette dernière, il se rendit compte qu’il avait détaché le scel. Visiblement, une partie de lui, voulait connaitre le contenu.

Les minutes passèrent sans qu’il ne sache quoi faire et puis, il finit par prendre son courage à deux mains, dépliant le courrier et lisant le premier mot de celle-ci. « Kÿe ». C’était ainsi qu’elle commençait, évidemment qu’un « mon vieux loup » ou tout autre signe de tendresse étaient hors de propos, il aurait dû le savoir mais il espérait que d’une certaine manière…mais non.
Le Noircastel lâcha un soupire à cette première découverte et puis, lut la lettre d’une traite. Ah, qu’est-ce qu’il lui en voulait. Qu’est-ce qu’il lui en voulait de s’être mis en danger de la sorte. Et pourtant, à l’idée de la voir les affronter de la sorte, il se mit à sourire, mordant même sa lèvre inférieur. Elle était complètement folle, mais c’est aussi cette folie qui faisait son charme et qui le rendait follement amoureux d’elle.
Au moins, de ce courrier, il savait qu’elle attendait son arrivé. Il pesta légèrement contre Eli d’avoir vendu la mèche, mais grâce à cela, Elisa avait pu lui écrire, par chance elle avait su envoyer le courrier dans la bonne auberge, au bon moment. Par chance oui, ou alors quelqu’un d’autre lui avait donné plus de précisions.

Alors à l’idée qu’elle l’attende, qu’elle lui demande d’être prudent, il se mit à sourire. Puis le vieux loup sorti une petite fiole de l’une des sacoches posées non loin de lui et s’adossa au sommier du lit. Il ouvrit la fiole, l’approcha de son nez et prit une grande inspiration, ce qui eu pour effet de lui faire légèrement pencher la tête en arrière, en même temps qu’il fermait les yeux.
Et soudain, c’était comme si sa fiancée était là, avec lui. Par l’odeur d’abord, puisqu’il venait de prendre une grande inspiration de son parfum. Et puis, il se mit à entendre son léger rire qui lézarde les murs de la chambre, sentant même le frisson de ses doigts parcourant son cou ainsi que la chaleur s’approchant de ses lèvres. Et alors qu’en temps normal elle aurait pressé ses lèvres aux siennes pour un tendre baiser, il eut un léger sursaut qui le fit ouvrir les yeux. En temps normal, il l’aurait vu être penchée sur lui, sourire aux lèvres de le torturer de cette manière, mais il n’y avait personne aujourd’hui. Il était toujours dans cette petite chambre d’auberge, seul et le frisson de tout à l’heure se répandit dans tout son corps, le glaçant totalement. Ce soir, il n’y aurait aucune chaleur pour le réchauffer. Il n’y aura pas non plus les bras d'Elisa qui viendraient prendre sa tête, pour la presser contre sa poitrine afin qu’il entende les battements de son cœur. Non, tout ce qu’il y aurait ce soir ce serait des souvenirs, aussi vite reparti qu’ils étaient arrivés. Et à cet instant précis, il se rendit compte qu’elle lui manquait terriblement, encore plus qu’au début et très certainement moins que demain. Alors que les yeux du Noircastel lui piquaient, il se les frotta avec ses mains, essuyant quelques larmes au passage.

La nuit allait être courte, car très vite ils reprendraient la route à nouveau. Plus deux jours.


Quelque part entre Autun et Lyon

Pour calmer l'impatience des enfants, qui savaient aussi que le voyage arrivait à son terme, le Noircastel leur avait dit que les montagnes qu'ils pouvaient voir au loin, étaient celle du Lyonnais-Dauphiné. Là où se trouvait Maman. Là où se trouvait Elisa. Là où se trouvait sa fiancée. Si au départ d'Autun, elles étaient à peine visible par temps clair, maintenant elle grandissait à mesure que les journées passaient, comme un être humain en pleine croissance.
Kÿe, lui, continuait de chevaucher à côté de la voiture, parlant avec Eli restée à l'intérieur avec les enfants.


- Elle m'a répondu. Dit-il avec un léger sourire

- Ah ? N'est-ce pas merveilleux ? lança-t-elle sur un ton jovial à la vue de son sourire, si ça s'était mal passé, il ne serait pas ainsi.

- Elle nous attend.

- Et comment va-t-elle ?

Kÿe prit le temps de se rappeler de la lettre pour répondre à la question. Elisa n'avait pas donné beaucoup d'informations sur sont état à elle, du moins son état physique.

- Elle se porte bien et évidemment elle reste elle-même.

Eli pencha légèrement la tête sur le côté, interloqué par cette remarque

- Comment ça ?

- Et bien, l'autre jour, elle n'a pas hésité à se rendre dans une taverne rempli de fatum pour défendre l'honneur de notre fille Il sourit légèrement, ricanant même légèrement Cette femme est complètement folle... Puis il tourna la tête pour regarder Eli, se mordant la lèvre inférieure Et c'est comme ça que je l'aime.

Eli eu un sourire à d'abord à ce que venait de dire Kÿe, mais aussi à sa réaction à lui

- On peut dire que vous vous êtes bien trouvés tous les deux !

- C'est-à-dire ?

- C'est-à-dire qu'à sa place, tu aurais réagi exactement de la même manière !

- Grumpf. Lâcha-t-il en souriant. Elle avait raison, c'est vrai qu'ils faisaient bien la paire et dans beaucoup de situation ils se complétaient parfaitement.

- Et lui as-tu répondu du coup ?

- Non. A quoi bon ? Si je lui réponds, le courrier arrivera en même temps que nous. Je ne vois pas trop l'intérêt. Quitte à faire ça, autant que je lui apporte le courrier en main propre...ou que je ne réponde pas...

Eli pencha la tête une fois sur le côté avant de la redresser, elle comprenait la remarque du Noircastel.

- Tu as raison, oui. Et puis, peut-être que ce courrier n'attendait pas de réponse particulière ?

- Ah ça...apparemment, elle n'a pas trouvé le message caché de ma lettre...Dommage pour elle...Mais bon, je le lui montrerai quand nous serons arrivés

- Le message caché ?

- Oui.

- Quel message caché ?

- Si tu savais Eli...

- M'enfin ! Vas-tu me dire ?

- Non.

- Pfeuh. Sale gosse.

Et ils rirent tous les deux en même temps. Kÿe avait son petit jardin caché qu'il refusait parfois de partager avec Eli. Mais ce message caché, elle le connaissait, il le lui avait dit avant de partir. La vieille nourrice voulait simplement qu'il le dise, encore une fois, parce que ça lui faisait très plaisir de l'entendre dire

- Et la suite ? C'est quoi ?

Le Noircastel continuait de regarder droit devant lui, répondant en levant légèrement la tête pour signaler la direction droit devant eux.

- Et bien, dans quelques temps nous serons en Lyonnais-Dauphiné. Une fois que nous aurons passé la frontière, Lyon ne sera plus très loin. Il tourna légèrement les yeux vers Eli et il comprit à sa tête, que ce n'était pas de ça qu'elle voulait parler. Alors, il se mit à sourire, un léger sourire taquin. La suite, tu la connais voyons. Nous allons retrouvé ma fiancée, une mère pour certains...une petite-fille pour d'autre...? lança-t-il vers Eli avec un sourire en coin Ça me rend vraiment heureux que tu t'entendes bien avec elle, vraiment.

Eli avait un large sourire, bien qu'elle s'occupe des enfants, elle voyait aussi Elisa comme sa petite fille. Passer tant d'année à s'occuper d'un seul garçon, cela faisait aussi du bien de s'occuper d'une fille, parfois femme.

- Je ne vois pas de quoi tu parles...

- Mouais, ton sourire me fait dire le contraire.

Et elle haussa les épaules comme aurait pu le faire Elisa. Laquelle des deux avait déteins sur l'autre ? Difficile à dire, peut-être était-ce une réaction qu'elles partageaient tout simplement. Et puis, une autre voix sorti de la voiture, suivi rapidement par la petite tête brune de Louis, grand sourire aux lèvres.

- Papa ! Papa ! Papa ! Je peux monter avec toi Papa ?

Puis d'une seconde voix de répondre, suivi d'une autre tête brune poussant la brune.

- Non moi d'abord ! Moi d'abord !

Kÿe se mit à sourire et répondit calmement.

- Du calme les enfants, ça sera chacun votre tour, comme d'habitude...Il tendit la main vers la porte. Attrape ma main fils.

Eli sourit à son tour et les fit reculer tous les deux avant d'ouvrir la porte. Le plus jeune attrapa la main de son père qui le porta jusqu'à son monture et l'aida à se mettre en place. Rapidement Louis s'agita et lançait des :

- Allez papa ! Va plus vite ! Plus vite ! Plus vite !

- Hé après c'est mon tour ! cria Emery avant qu'ils ne partent rapidement, Eli refermant la porte à ce moment-là

Kÿe tapa des talons et fit un léger bruit de la bouche pour signaler à sa monture de monter rapidement au galop et plus il allait vite, plus Louis riait aux éclats. Il ne fallait pas grand chose pour l'amuser et le rendre heureux, c'était parfait. Et ainsi, le reste du voyage se déroulerait plus rapidement.
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