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[RP] A la Folie répond la Détermination

Xandrya



RP en corrélation avec "A la Provocation répond la Folie" -> Par Ici



~ Limoges, Nuit du 17 au 18 juin 1468~

I see the look in your eyes,
I know you're thirstin' for blood
I feel it stirring inside,
But you got nothing on us

You want a war,
You don't know what you're asking for

(*)


~ Quand Le Mal gronde ~
    Fin d'un jour et orée d'un autre, Matines sonnaient déjà au clocher de l'église de Saint-Michel-des-Lions, adossée contre un arbre en bord de Vienne, le regard d'eau de la rouge se perdait dans les reflets lunaires miroitant sur l'onde de la rivière, songeuse autant qu'inquiète.
    L'incendiaire n'était ni devin, encore moins de ces voyantes fantasques, mais elle le connaissait, et si le doute aurait pu être sien au sortir de cette boucherie qui avait eu lieu dans cette taverne au nom étrange de "Boite à Meuh", l'entrevue, si fugace soit-elle, dans le bouge de Déa confirma ses appréhensions, rien de bon ne sortirait de tout ça, pour ne pas dire le pire.
    Le laconisme du grison et l'ambré de ses pupilles perdus ailleurs, sa caresse sur ce bout de chair sanguinolent portant son G, tout ceci n'offrait à comprendre qu'une foutue tempête intérieure, envers sa chose autant que l'infâme qui avait osé arracher sa marque.

    Tenter de le raisonner quand elle sentait sa rage bouillir ?
    Xandrya n'avait jamais été du genre suicidaire, et se mettre entre Gerceval et sa proie aurait été un très mauvais calcul.
    Pourtant son impulsivité, ou peut-être bien autre chose, la poussa à lui dire de ne rien faire d'inconsidéré sous le coup de la colère. Le regard qu'il lui avait offert à cet instant et le poing se refermant sur le morceau de peau ensanglantée, avant de le voir disparaître sans un mot de plus, ne put que la faire soupirer, autant que gronder.

    Plusieurs heures s'étaient écoulées, partager quotidien depuis plus d'un an permettait de savoir que les deux étaient à éviter lorsque l'ire était au rendez-vous, de l'un ou de l'autre, la solitude pour exutoire, laissant parfois cadavre dans le sillage.
    Noctambule au coeur de Limoges, voilà sans doute ce que certains auraient pensés à la croiser seule à cette heure, remontant la rive pour rejoindre son appartement, mais temps était venu.
    Et même si, comme chaque nuit, le sommeil ne viendrait pas, l'alcôve de la sorcière, comme il la nommait en voyant ses décoctions médicinales, verrait sa flamboyance capillaire rejoindre la couche luxueuse de sa demeure limougeaude, plus que probablement déserté par la chevelure argentée du barbu pour ce soir.

    Crinière de feu enfouie sous sa capuche, le phénix avait passé la voute de pierre donnant sur la cour de son appartement, léger coup d'oeil se portant, comme en réflexe, vers le box de sa jument, indéfectible compagne de toujours.
    Le paisible se dégageant de l'endroit la rassura, occultant l'étonnante présence d'une chandelle allumée, avant de gravir le quatuor de marche donnant sur le palier de son logis.
    Bien des secrets renfermés icilieu, d'évènements importants joués entre eux dans cet endroit, de soins qui ne furent pas prodigués par celle qui était médecin, à un baquet dont le souvenir des remous lui tira un léger sourire. Sans omettre ce moment d'ébriété du barbu, déliant les langues d'un confidentiel dont même lui ignorait la teneur exacte, mémoire capricieuse laissant à la rouge ce secret.
    Une longue inspiration fût alors prise, se remémorant ce soir là, et ce qui avait probablement scellé leur destin, alors que la dextre de la rouquine se posait pour ouvrir une porte, non close.
    La main arrimée sur la poignée de porte, le corps figea sur place au spectacle se dévoilant à son regard, phalanges blanchissant à la pression exercée sur le fer de voir le carnage qui avait eu lieu ici.

    Bordel...

    Lâchant la porte d'entrée, le pas de la rouge se fit minutieux, alors que poignard accroché à sa hanche avait rejoint dextre, jamais trop prudente, même si l'ouragan, quelque soit son engeance, semblait hors de ces murs.
    Qui ? Oui, la question lui avait effleuré l'esprit après ce qui c'était passé ce soir, supposant les deux bruns et la chose en capacité de ça, même si trouver son logis n'était pas chose aisée au demeurant.
    Son labo retourné, potions, bandages, onguents éparpillés et la bassine au liquide rougi, lui firent plisser un instant les paupières. Somme toute vraisemblance quelqu'un avait pris temps de se laver si pas soigner, confirmant son idée : Lui, il ne pouvait s'agir que de lui...
    Et puis...
    Un simple pivotement sur elle même, les saphirs se posant sur son lit... Le léger doute persistant devint certitude... La certitude se faisant inquiétude à voir cette marque apposée au drap, ce G sanglant, bras lui en tombant presque à le regarder.
    Interprétations multiples se firent en un temps si infime que s'en était effrayant, se bousculant au creux de la tête rousse, repensant à cette phrase prononcée lors de leur dernier échange, une des rares... Non... Impossible... Si leur relation avait toujours intrigué, interpellé, lui comme elle s'en amusant d'ailleurs grandement, il était tout bonnement inconcevable que le doute se soit instillé en lui, quoi que... le connaissant... rien n'était moins sûre.

    Approchant de la couche à pas lents, pulpes de ses doigts vinrent effleurer le sang imprimé sur son drap, le message carmin encore humide tâchant le bout de ses phalanges, index et majeur en appréciant la viscosité, dans un léger frottement, en revenant vers son visage, azurés se perdant sur le résiné maculant ses empreintes.
    Soudain les sourcils se froncèrent en réalisant un détail qui clochait : le barbu n'était pas blessé quand ils s'étaient quittés.
    D'où venait le sang de ce message laissé à son attention ?

    ~~~~~~~~~~
    (*)"Invincible"Ruelle
    Je vois le regard dans tes yeux,
    Je sais que tu as soif de sang
    Je le sens vibrer à l'intérieur,
    Mais tu n'as rien sur nous

    Tu veux une guerre,
    Tu ne sais pas ce que tu demandes
_________________

Xandrya

~ Limoges, Nuit du 17 au 18 juin 1468~

You got no place to hide
And I'm feeling like a villain
Got that hunger inside

One look in my eyes
And you're running 'cause I'm coming
Gonna eat you alive.

Your heart hits like a drum,
The chase has just begun

(*)

~Quand Le Mal explose ~
    La réflexion en cours sur la provenance de ce sang perturbait la rouge, n'ayant aucune envie de retrouver le grison dans un sale état, sachant à quel point un animal blessé pouvait être dangereux et imprévisible, Gerceval l'était déjà sans ça, et pour bien d'autres raisons aussi surement, avouables ou non.
    Et puis soudain... au coeur de ses pensées... ce détail, occulté, cette chandelle éclairant les écuries lui revint en mémoire, lui glaçant l'échine.

    Non...

    La brusquerie avec laquelle le corps fuselé du spadassin se précipita vers la porte, dégageant violemment de la main la chaise entravant son chemin, ne put que démontrer l'urgence du moment et l'ampleur de la crainte qui venait de l'étreindre.
    Courant à en oublier la douleur de son pied gauche, l'appartement se vit laissé ouvert à tout vent, alors qu'elle dévalait les marches pour rejoindre la cour.

    Combien de fois lui avait-il dit qu'un jour il tuerait son "foutu canasson" ?
    Combien de fois lui avait-il imputé les mauvaises rencontres de leur périple ?
    Combien de fois lui avait-il dit qu'il ne comprenait pas ce besoin de s'encombrer de cette "vieille carne" ?

    Parce qu'il ignorait tout de ce que représentait Nyx pour la rouge, parce qu'il ne pourrait jamais comprendre ce que ces deux rouquines là avaient pu vivre ensemble, ni qu'elle avait été sa planche de salut lors de ses jeunes années dans ce maudit couvent, ni qu'elle était celle qui l'avait porté pour fuir l'antre qui lui avait volé bien plus qu'une vie, ni qu'elle portait le poids de ses secrets, celui de son plus grand regret, elle qui se targuait de n'en avoir jamais aucun.
    La distance entre l'appartement et l'écurie était ridicule, et pourtant, Xandrya eut l'impression qu'un millier de lieues séparait ces deux endroits, se surprenant, elle l'hérétique, à prier de trouver Nyx saine et sauve.
    Prier "Qui?", ça resterait à jamais un mystère.

    Le claquement de la porte de l'écurie, laissa place à la stupéfaction, au souffle court et à l'air qui manque pour respirer, avec ce sentiment de sentir son palpitant s'arrêter, éclater...
    Box vide... pas de dépouille non... était-ce mieux...
    Paralysée et le regard figé sur la paillasse de foin de sa jument, quelque chose qui n'avait pas eu lieu depuis bien des lunes se produisit, traitresse saline filtra de son regard s'embuant, s'offrant glissade le long de la cicatrice filant sur la joue gauche de Xandrya. La dernière versée l'avait été pour Seamus.
    C'est ce moment que le palefrenier choisi pour émerger du box adjacent où il dormait régulièrement, observant perplexe celle qui le rémunérait grassement pour veiller sur sa précieuse compagne, bien mauvais calcul, mal lui en pris.

    Dans un accès de colère, de désespoir peut-être bien, l'homme se vit renvoyé sêchement au sol au creux de sa couche de foin, par une furie rousse se ruant sur lui pour le faire vaciller avant de lui grimper dessus.
    A califourchon sur lui, aigues marines rivés sur lui, l'emportement de le voir là, quand l'essentiel n'y était plus, fit mourir le poing droit serré sur la mâchoire gauche du pauvre ère, laissant le quidam à peine réveillé estourbi de la mandale qu'il venait de se manger.
    Au mauvais endroit, au mauvais moment, oui sûrement, car si la rouge en proie à la rage était dangereuse, elle l'était sans doute encore davantage à cet instant précis.

    Dextre récupérant une de ses lames, venant la loger d'une main tremblante sur la gorge, à lui en égratigner déjà la peau, bleutés fusillèrent son lad avec une haine sans nom, avant qu'elle ne s'adresse à lui d'une voix rauque et éraillée, ton glacial, dénotant les efforts pour ne pas le tuer sur le champ.

    Où Est Nyx ????

    La question avait été articulée mot à mot, espérant sans doute une réponse qui serait toute autre que celle qu'elle savait pertinemment être la bonne, et plus l'homme mettait de temps à répondre, plus la pression du tranchant de la lame l'enfonçait dans le derme du pauvre homme d'écurie.

    Elle... Elle... C'est que...
    REPONDS !!!!!
    C'est Monsieur, je croyais qu...
    ....


    La patience ne serait encore pas pour cette fois... Le gargouillis qui suivit la giclée de sang venant maquiller le visage de la rouge en attestait, le geste fut aussi précis que rapide, quand la lame glissa sur la gorge du fou qui avait osé laisser quelqu'un d'autre qu'elle prendre Nyx, tranchant net les artères vitales sans une once de remord.
    Pourtant, l'homme, ou du moins sa dépouille subirait bien pire, la fureur de Xandrya se libérant dans un cri rauque primal, le corps du palefrenier se voyant larder de dizaines de coups de dague, avec une violence dont elle n'avait fait preuve depuis longtemps, autant en perforant le torse de sa lame, qu'en plongeant index finement onglés dans chacun des orifices oculaires, lui crevant les yeux avant de les lui arracher.
    Tout remontait, tout ce qui demandait à se défouler depuis des mois, des années, de la geôle lyonnaise à sa cellule du couvent, de ce corps qu'on lui avait réquisitionné, de ce qu'on lui avait arraché du plus profond de ses entrailles à maintes reprises, de cet être qu'on lui avait volé, de cette vie qu'elle lui devait d'un sabre rougi au coeur d'une forêt poitevine.

    Essouflée, les mains maculées de sang, autant que son visage à la peau de porcelaine en était tacheté, le spadassin étira sa nuque, un craquement sinistre résonnant dans l'écurie alors qu'une sorte de soupir de soulagement se fit entendre, de ceux trahissant un besoin assouvi, pour un temps, celui du sang,

    Une pointe de contrôle retrouvé, la rouge se leva enfin du cadavre, ne lui offrant pas même un regard, objet défouloir insipide quand elle se devait de retrouver son sang froid pour réfléchir et analyser la situation.
    Ils étaient aussi semblables sur bien des points que différents sur d'autres, mais tout comme elle, il ne faisait jamais rien au hasard. Sans doute n'aurait-il fallu retenir que le coté pratique du cheval connu et de sa disponibilité immédiate, surtout avec une telle aversion pour les équidés.
    Oui, sans doute n'importe qui n'aurait retenu que cette option... Mais pas elle.
    Pour une raison simple, Gerceval savait que prendre Nyx lui vaudrait une traque en bonne et due forme, ça personne ne l'ôterait de l'esprit de la rouquine, et même rongé par l'envie de vengeance il n'aurait pas occulté cet état de fait.
    Alors que devait-elle en déduire ?
    Etait-ce là une vilénie, mesquinerie indigne de lui, basse vengeance, ou plutôt, comme elle le pensait, une façon de s'assurer de la voir rejoindre l'endroit où il se trouverait pour x ou y raisons ?

    Une chose était en tout cas assurément certaine... une traque débutait...
    Pour quelle issue ?

    ~~~~~~~~~~
    (*)"Monsters"Ruelle
    Tu n'as aucun endroit pour te cacher
    Et je me sens comme une méchante
    Avec cette faim à l'intérieur

    Un regard dans mes yeux
    Et tu fuis parce que j'arrive
    Je vais te manger vivant

    Ton coeur frappe comme un tambour
    La traque vient juste de commencer
_________________
Xandrya

~ Limoges, 18 juin 1468~

Like gravity from underneath
We can’t outrun our destiny
It’s in our flesh, it’s in our blood
This reckoning has just begun
There’s no escape
When fire meets fate

(*)



~ Nuit sanglante~
    La sortie de l'écurie avait vu la rouge se perdre dans les bas fonds pour déployer les ombres de la nuit à son profit, si la tueuse oeuvrait souvent seule, elle avait conscience que la situation exigeait une rapidité qu'elle ne pourrait obtenir en solitaire.
    Les mioches délaissés et affamés, qui trainaient dans les cités, s'avéraient sbires ponctuels fort efficaces. La plupart du temps dépourvu de scrupules, quand pas d'âme, n'écoutant que l'estomac criant famine, quelques écus bien brillants suffisaient à leur faire faire ce qu'on voulait.
    La menace de leur couper langue et oreilles était également une méthode approuvée, mais réduisant notablement la possibilité d'user de leurs services ultérieurement.
    C'est ainsi qu'au milieu de la nuit, la rouquine avait débusqué une demi douzaine de gamins au taudis du bled, les réveillant avec toute la délicatesse dont elle était capable avec les enfants. C'est donc de quelques coups de bottes pour les déjuquer, que la rouge avait promis monts et merveilles, ainsi que vie sauve, si renseignement sur le barbu et sa jument lui était ramené.
    Nul besoin de le dire deux fois, qu'une envolée de moineaux avait quitté l'endroit, sans doute le visage encore quelque peu "ensanglanté" avait fini de les convaincre du bien fondé de faire ce qu'elle demandait, ce point de détail "carmin" se voyant effacé d'un passage en bord de Vienne avant d'aller questionner les milices en poste.

    De son côté, la porte Ouest de la ville fût la première a être vérifiée, dans une certaine logique de raisonnement : Angoulême, fief de la "Chose", qui sans nul doute n'aurait qu'une envie après ce qui s'était passé... Fuir, loin, surement pas dupe de ce qui l'attendrait si elle recroisait la route de Gerceval.
    Ce qu'elle ignorait en revanche, c'est qu'à compter de ce soir, la brune chétive devenait coupable du destin de Nyx, possiblement de celui de bien d'autres choses, et si jusqu'ici l'incendiaire avait contenu certaines pulsions à son égard... l'immunité lui avait été arrachée avec la marque à sa chair.
    A son étonnement, la soldatesque en place lui certifia n'avoir pas vu passer quiconque avec un cheval depuis la fin de l'après-midi. Perplexe quand à la véracité de l'information, et, oui, un poil à cran, la force de persuasion que mit Xandrya dans le questionnement du milicien lui vaudrait de manquer l'appel à la fin de sa garde, vu le second sourire qu'il arborait au fond de sa guérite courant d'une oreille à l'autre.

    Une jument comme Nyx et un gaillard comme le grison, on ne pouvait pas le louper bordel, ça la rouquine en était persuadée, à moins d'être aveugle, et ça même si elle ne doutait pas de la capacité du barbu à se faire discret.
    Remontant vers le haut de la ville, quelques gamins étaient venus faire leur rapport, pas vu ni vers le Sud, ni vers l'Est... La bourse promise avait alors été jeté aux mioches, ils s'en débrouilleraient, la rouge était garce, mais suffisamment habile pour s'acheter quelques paires d'yeux ici.

    Porte Nord... La guérite du milicien fût approchée avec calme, nuque étirée à en craquer bruyamment, avant de s'adresser au quidam qui terminerait sa garde sous peu.
    En vie ? Tout allait dépendre des réponses qu'il offrirait à la rouquine, déjà deux cadavres dans le sillage de sa nuit, un de plus ne ferait pas grande différence pour elle.
    Pour l'heure, le ton du spadassin se fit suave, presque "aimable" dans la question, bien que le sentiment sous-jacent soit tout autre.

    Bonjorn... Avez-vous vu un cheval, alezan, avec un homme, plutôt... massif, passer ici.
    B'soir, vous lui voulez quoi ?


    L'envie de lui coller sa lame sous la gorge pour lui faire dire ce qu'il savait était plus qu'intense, mais l'emportement risquait bien de lui faire tuer le bougre avant d'avoir une certitude sur le passage de Nyx et Gerceval par ici, après une longue inspiration pour se contenir, réponse fut donnée.

    C'est mon compagnon et une fâcherie l'a fait partir, je dois absolument le retrouver avant qu'il ne soit trop tard.

    Jouer la comédie ? Uhm... non, le ton n'avait rien de larmoyant, mais bel et bien celui d'une femme déterminée, ses motivations étant surement loin de celles envisagées par le milicien cela dit.
    Mentir ? Uhm... non, Gerceval était bien son compagnon et c'est bien une chicane qui avait vu son départ, et le retrouver était clairement le but. Quel type de compagnon ? Eux seuls le savaient, ce qui en agaçait plus d'un. Trop tard pour quoi ? Ca...
    Le garde opterait surement pour une version à l'eau de rose, et franchement, la rouquine s'en foutait pas mal, pour ne pas dire que ça l'arrangeait bien tant que ça lui déliait la langue.

    Ah... Oui je l'ai vu, l'était pas fier sur son canasson, peut-être qu'il avait bu. L'es parti vers La Trémouille. J'espère vous l'trouv'rez et que ça s'arrangera.
    Uhm... l'avenir le dira


    Dans un hochement de tête pour le saluer, l'incendiaire avait vu un rictus mesquin poindre sur ses lippes, le savoir mal aise sur Nyx, en plus de l'amuser, lui laissait supposer qu'il irait moins vite qu'elle ne le pensait. Talons tournés, l'appartement fut rejoint après un léger détour par l'écurie d'un forgeron de sa connaissance pour donner quelques instructions à mettre en oeuvre pour Tierce. (neuf heures du matin)

~ Aube naissante ~
    L'aube et ses volutes orangées se reflétaient sur la chevelure de feu de la silhouette postée devant la fenêtre, scrutant la porte nord de la capitale limougeaude... Bientôt la cité serait quittée.
    Regard océanique rivé sur le soleil se dévoilant derrière les remparts , le phénix restait perplexe : Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ?
    Tellement de possibilités... Certaines tournaient en lettres de sang dans sa tête à lui en coller mal au crane, avant qu'elle ne s'immerge dans le baquet, eau refroidie lui saisissant les chairs dans un étonnant soupir d'aise.
    Moyen d'apaiser le feu intérieur qui la dévorait depuis qu'elle avait constaté la disparition de Nyx ?
    De calmer la rage qui laisserait deux dépouilles à peine reconnaissable dans le sillage de la rouquine ?
    Non... Seulement le bien-être d'un corps ayant subi les affres d'un incendie par le passé, appréciant la fraicheur salvatrice. Et quand bien même, cela calmerait une chose plus profonde, moins définissable, ou palpable, que des brûlures anciennes, jamais Xandrya ne l'admettrait.

    Peau délestée du sang de la nuit, l'habituelle tenue de cuir souple avait été revêtue et agrémentée de plus de lames qu'à l'ordinaire. Ignorant bien le temps de la chevauchée à venir, pied gauche fut bandé avant d'enfiler ses bottes. Celui qu'elle allait traquer n'avait rien d'un novice, et en prime, quelques heures d'avance sur elle.

    Il était hors de question que le moindre handicap ne la ralentisse... sans quoi.
    La fiole médicinale, prête à être rangée dans un des sacs de voyage, explosa dans le creux de la main à l'idée de trouver sa jument dans un piteux état... ou pire...
    Le grondement qui s'en suivi, ainsi que le soin rapide de la paume écorchée, termina la préparation pour son départ, en jetant un dernier coup d'oeil au carnage de l'endroit. Fort heureusement, ceux qui géraient ses logements ne posaient pas de questions et savaient tenir leurs langues, au risque de s'en voir "privé", à sa prochaine venue rien n'y paraitrait. Ni le passage sanglant de Gerceval dans l'appartement, ni celui de Xandrya à l'écurie.

~ Tierce sonnante ~
    Quartier Nord de Limoges, forge d'une personne de confiance qui gardait depuis maintenant plus d'un an, un présent qu'elle avait fait à Velasco peu avant sa disparition : Héméré.
    Le sombre étalon devait prendre la suite de sa jument, quand le temps serait venu, et à priori, ce jour venait d'être précipité, la fougue du jeune cheval serait sans aucun doute un atout pour remonter la trace de Nyx et de son reflet mâle.
    Sac glissé dans les fontes, l'encolure d'ébène fut flattée, souvenir des voyages avec le sicilien lui revenant en mémoire dans un soupir,secouant la tête pour chasser ces pensées. Rênes attrapées et pommeau de selle agrippé, pied gauche fut glissé dans l'étrier, bandage préventif insuffisant pour qu'une grimace n'anime le faciès du spadassin avant qu'elle ne se hisse cependant avec dextérité sur sa monture.

    Mercè, je te revaudrais ça. Fais porter ce pli à Djebel.
    Compte sur moi. Fais gaffe à ton cul.
    Toujours.


    La missive tirée de son mantel tendue vers le forgeron avait été saisi sans plus de question, capel rabattue sur sa crinière de feu, un sourire carnassier apparut au faciès de Xandrya en répondant, avant qu'un ricanement rauque ne fuse. La talonnade donnée dans les flancs de l'étalon sonna la fin des réjouissances et le début des hostilités, un trot soutenu l'amenant jusqu'à la sortie de Limoges pour passer la porte.
    Rempart dans son dos, une longue inspiration fut prise, prochaine étape : La Trémouille mais... ensuite ? Resterait à déterminer où.
    Quelques renseignements pris auprès d'un vieil ami, sur une personne en particulier, ne seraient sans doute pas superflus. Restait à espérer que le courrier transmis avant de partir s'avérerait fructueux, ou que le barbu et sa jument auraient été remarqués lors de sa chevauchée.

    Rênes claquant l'encolure et impulsion offerte à l'étalon, la traque débutait au rythme d'un galop effréné...

    ~~~~~~~~~~
    (*)"Fire Meets Fate"Ruelle
    Comme la gravité venant d'en dessous
    Nous ne pouvons distancer, notre destin
    C'est dans notre chair, c'est dans notre sang
    La course vient de commencer
    Il n'y a pas d'échappatoire
    Quand le feu rencontre le destin
_________________
Xandrya


~ Sur les routes de la folie, 19 juin 1468~


I've seen that look in your eyes
It makes go blind
Cut me deep, the secrets and lies
Storm in the quiet

Feel the fury closing in
All resistance wearing thin
Nowhere to run from all of this havoc
Nowhere to hide from all of this madness, madness, madness
Madness, madness, madness

(*)


~ Fin du jour, à l’aube d’un crépuscule ~
    Plusieurs heures de chevauchée déjà, sans que la raison vacille, ni que la colère l’emporte sur elle. La cime des arbres ne cessait de battre le jour déclinant au-dessus de la cavalière, noir destrier pourfendant les bois, le souffle chaud sortant de ses naseaux commençant à former une légère onde de vapeur à chaque foulée, d’un galop sans cesse relancé au moindre ralentissement.
    Pas de pause, pas de repas, pas de sommeil, l’horizon, embrasé par l’astre solaire, venant se mêler au feu capillaire de l’incendiaire, qui, d’ordinaire dissimulé, c’était vu dévoilé par la cadence infernale infligé à Héméré.
    La Trémouille lui avait dit le milicien, et pourtant c’est bien plus au Nord, qu’elle avait décidé de se diriger en coupant à travers bois. D’aucun aurait parlé d’intuition, de pressentiment, ou quelque chose de ce genre. Uhm, peut-être sans doute, mais il y résidait surtout une grande part de raisonnement. Plus d’un an à voyager avec quelqu’un, à partager son quotidien, ça permettait d’avoir quelques informations exploitables. Surtout quand il était question de le traquer et de le retrouver fissa.
    Alors les présages et dons divinatoires, elle les laissait aux croyances de bonnes femmes, à cette mystification que certains s'infligeaient, se faisant gentiment berner par les voyances à deux écus.

    Il était bien une connexion entre la rouge et le grison, ça oui. Singulière. Intrigante.
    Incompréhensible pour certains, et faisant cracher venin à d'autres. Pourtant, personne n'en connaissait l'essence à part eux, et même... le savaient-ils vraiment au fond ?
    En théorie, bien sûr que oui, ils étaient des évidences admises, et ça sans rechigner. Mais en pratique, il était des aspects qui se verraient niés, autant par l'un que par l'autre. Un lien de sang, assurément, restait à savoir ce que leurs natures profondes en feraient, et à ce moment précis, sûrement qu'aucun des deux n'en avaient une véritable idée...
    Elle connaissait ses blessures les plus secrètes, une partie de son passé, peut-être bien source de faiblesses. Et n'en avait jamais usé jusqu'alors, mais cette nuit... pour la première fois, l'envie lui était montée en gorge, comme ce reflux de bile amère brûlant son oesophage.

    Perles d'eau scrutant l'horizon, les pensées défilaient à foison sous la crinière rousse, sans que rien ne dérange le galop soutenu en direction de la capitale tourangelle. Ville ciblée de quelques échos glanés lors des haltes nécessaires pour ménager son étalon et, surtout, par un heureux coup de bol. Oh, l'incendiaire n'avait pas même eu à devoir jouer de la questionnette...
    Tout juste eu à écouter un groupe de voyageuses passant à proximité, alors qu'elle était juchée sur le dos de sa monture, dans le lit d'un ruisseau, pour apaiser ses membres fort sollicités et lui permettre de boire.

    Nan mais il aurait pu nous tuer, tu te rends compte un peu... On a pas idée d'aller aussi vite sans faire attention.
    Et puis ce regard de fou quand on lui a dit, j'ai bien cru que ses yeux allaient me jeter des éclairs !
    Ses yeux ? Mais et cette balafre sur son visage !!! Moi il m'a foutu la trouille ce vieux.
    Vieux, vieux... Je suis bien contente qu'il soit pas descendu de son canasson, t'as vu le morceau.


    Pour la première fois depuis son départ, la bouche du spadassin venait de s'étirer dans un léger rictus malsain, laissant fuser un rire sardonique attirant l'attention des gourdasses offusquées.
    Une lueur jubilatoire au descriptif de l'homme impliqué, le doute n'étant pas vraiment là, mais impression à confirmer. Si seulement elles avaient conscience de ce à quoi les bougresses avaient échappé.

    Alors que le piaillement commençait à se faire ouïr de la petite basse cour à jupons, un léger à-coup sur les rênes fut orchestré, de la senestre gantée de noir, pour faire revenir Hémèré en bord de rive, talonnade lui faisant grimper la berge et rejoindre le trio de pintades.
    Les toisant du haut de son sombre destrier, azurés se posèrent sur le bras en écharpe et les frusques abimées d'une des donzelles, mercenaire ne pouvant retenir un vague sourire, avant que sa voix rauque ne questionne.

    C'est arrivé quand... où... Le cheval, quelle couleur...
    Ca vous amuse nos déboires ?
    Si j'en avais le temps... Probable. En attendant, réponds...


    Intonation sèche, regard meurtrier, à moins que ce ne soit le sabot de l'étalon, qui avait frappé le sol d'une pression de talons bien placée, et fait sursauter les trois. Peu importait la raison exacte, toujours est-il que la bouche de la moins téméraire des trois dindes avait fini par s'ouvrir.

    Hier sur la route d'Orléans, et euh... roux...

    Sourire en coin esquissé, l'information était celle attendue, et la talonnade fut violente dans les flancs de l'équidé, bousculant au passage le bougresse qui lui avait tenu tête, l'envoyant, on ne peut plus volontairement, valser jupons par-dessus tête. Rouge rageant de ne pas l'avoir plus amochée, elle s'en sortait au final plutôt bien. En vie tout simplement.
    Orléans serait donc la ville à rejoindre, mais pas ce jour, poursuivre de nuit à travers bois fût envisagé... longuement...
    Déjà deux jours que la rouge n'avait pas pris un vrai repas et du repos, et même si la ligne droite vers Orléans n'allait pas en ce sens, ce serait donc Tours qui accueillerait Xandrya pour la prochaine nuit.

    Même s'il était certain que la moindre heure gagnée sur lui était bonne à prendre, et que la saison estivale ne s'opposait en rien à un arrêt à la belle étoile comme disait les fleurs bleues et autres adeptes du romantisme, la proie chassée avait du répondant, être en bonne condition pour l'affronter une fois retrouvée était donc nécessité.
    C'est donc la raison qui l'emporta sur la folle détermination cette fois. Héméré commençait à fatiguer, et même si elle ne l'admettrait sûrement jamais, elle aussi, d'autant que si altercation devait avoir lieu avec Gerceval, l'épuisement ne serait pas à son avantage.
    S'il était bien un élément commun à ces deux là, c'était la conscience des capacités de l'autre, de ses compétences autant que de ses faiblesses, raison tacite d'un respect à ce duo infernal, improbable, pour beaucoup inexplicable.

    Regard bleuté se relevant sur les remparts de Tours, les ruelles bien connues de la cité furent empruntées. Une part de son histoire avait été écrite à l'encre de chine ici même, mais ça... c'est un autre récit.


    ~~~~~~~~~~

    (*)"Madness" Ruelle
    J'ai vu ce regard dans tes yeux
    Ça rend aveugle
    Coupez-moi profondément, les secrets et les mensonges
    Tempête dans le calme

    Sentez la fureur se resserrer
    Toute résistance à l'usure fine
    Nulle part où fuir tous ces ravages
    Nulle part où se cacher de toute cette folie, folie, folie
    Folie, folie, folie
_________________

Gerard.

[Au coeur de la cité parisienne]

Y faisait chaud dans l'antre d'Hadès, et puis Paris... On pouvait bien en dire ce qu'on voulait, la Belle, le Joyau et patati et patata. N'empêche que c'était comme toutes les grandes villes, où qu'elles soient, quand chaleur et miasme se mélangeaient au coeur des ruelles, ça refoulait et pas qu'un peu !
C'est dans ce genre de moment là que les délices des villages de cambrousse m'manquaient. La fraicheur du matin, la petite fermière qu'on choppait rapidos dans la grange, pas b'soin de faire des courbettes aux duchs du coin, ni de ronds de jambes au baron de machin.
Et au moins quand ça schlinguait, c'était du naturel animal, genre lisier, bouse ou purin, pas de la chiure d'humain, noble ou pécore, macérée dans le caniveau.


[Campagne parisienne]

Bon cet épisode poétique et printanier bien narré, il va s'en dire que j'avais pris la tangente pour m'éloigner un peu sur la périphérie champêtre parisienne, la milice était plutôt calme ces temps-ci, même si le cerbère n'était jamais vraiment en sommeil. Pis au besoin La Bosse saurait où me trouver de façon.
J'étais donc là, tranquille pépère, à me la couler douce dans un baquet, les doigts de pieds en éventail et la queue à l'air. Parce que oui un gaillard comme moi, faut pas se leurrer un baquet à ma taille ça se trouve pas comme ça, ou on appelle ça des thermes, sauf que là y'a pas, alors on fait avec les moyens du bord, et ouais.
Quand un gaillard, que je connaissais d'ailleurs, un des lads d'un ami possédant un haras en Limousin, se pointa pour me déranger en plein dans mon bain, je vous jures y'en a qui choisisse leur moment, comme ci ça pouvait pas attendre un peu, franchement.

Un pli pour vous, à donner en mains propres.

Pour l'coup, elles peuvent pas êt'plus propres là !!!


Sortant mes grosses paluches de la flotte pour les poser sur le bord du baquet, je l'avais aspergé et pas qu'un peu. Si j'avais fait exprès ? Ouais ça se pourrait bien, non mais sans déc. J'savais faire preuve d'humour aussi à l'occase.
Mais là en attendant, une missive à remettre seulement au destinataire, j'en connaissais pas des masses qui m'adressait ce genre de courrier, déjà que j'recevais quasi pas de missives de base, alors il était temps de redevenir un poil sérieux.

Fil'moi le tissu, que j'm'essuie les mains et donne moi ce courrier, après va t'faire payer à boire.

Ni une, ni deux, chose fût faite et encore dans la flotte je décachetais la missive, un grognement accompagnant mon torse que je redressais en reconnaissant l'écriture. Ecrire juste pour prendre de mes nouvelles, pas trop son genre, même si ça lui était déjà arrivée sous un faux prêtexte, je le sais. Mais là la lettre était trop courte pour ça.




Djebel,

Faut que tu me trouves tout ce que tu peux sur un quidam : Montparnasse. Vite.

Ajajih


Oh, c'était pas l'expéditeur qui m'avait fait grogner, ça non. Plutôt content de savoir qu'elle respirait toujours en fait, mais le contenu... Concis, du genre clair, net, précis. Et avec cette rouquine là, je savais très bien ce que ça voulait dire. Vu le ton en plus, c'était pas pour un contrat, je la connaissais trop bien et depuis trop longtemps pour le savoir.
Elle et moi c'était... une très longue histoire. Là c'était personnel, et ça, j'aimais pas. Quand ça la touche de près, c'est jamais bon.

Terminé le bain, exit le plan bannette à la campagne, La Montagne reprenait du service et avec une sacrée motivation, parce que cette rousse là et moi... Rhoo je vous vois venir, bah non, même pas, ça m'aurait pas déplu remarque. Bref, je m'égare. Juste qu'elle est importante pour ma grosse carcasse, voilà.
Mains apposées sur le bois, ma masse s'était extirpée de la flotte sans trop de peine, les pieds déjà à demi au sol hors du bain de façon, et corps ruisselant, j'avais pris chemin de l'endroit où j'avais pris gite pour mon séjour.
Retour à l'auberge, après avoir fait gueuler deux trois donzelles de me voir passer nu comme un ver, pensez bien, un géant à poil qui traverse un bout de jardin et la salle commune d'un honnête commerce, ça fait tâche. N'empêche que je les avais vu reluquer le bébé les ingénues effarouchées, et ouais.

Cela dit pas le temps de leur démontrer quoi que ce soit aux damoiselles, mes affaires avaient été rassemblées fissa et la direction de Paris vite repris. Mais avant ça de faire ça, pour voir à trouver des infos sur le gaillard qui intéressait ma jolie flamme, j'avais écrit un mot à la hâte. Enfin pas trop quand même sinon elle allait encore râler les fautesqu'elle risquait de trouver et le côté cochon de mon écriture. C'est qu'elle en avait chié à m'apprendre à écrire l'embrasée.




Ajajih,
Ch'ai pas grand chose sur se ce le gars, mes j'connais son nom, l'es connu sur Paris. P't'ête k'il y crêche, j'crois bien il a travaier pour le bordel où j'étais.
J'te redis sa ça, j'me rensaigne. Fais attenssion à toi.
Djebel


Ouais moi aussi c'était court, mais je savais pas bien écrire comme elle, pis j'avais pas l'temps non plus. Aller en piste l'artiste, faut que trouves du grain à moudre pour le moulin de ta copine. Si la situation me faisait pas rire, l'imaginer la tronche pleine de farine, ça oui, ça m'avait toujours fait marrer, tellement peu probable quand on la connait. Fallait-y être con pour y croire franchement.

_________________
Xandrya


~ Tours, 20 juin 1468~


We're gonna break that glass, break that glass
We're gonna break what held us back!

This mirror's no illusion
Reflecting our demons
They're caught behind the glass, they're watching back
Talking to us through the mirror

Even when we're filled with anger - don't give up
We'll prove to them that we're stronger - let's stand up
Rising up to be much greater

(*)


~ Au coeur de Tours ~
    Tours... Une bâtisse que personne n'aurait remarqué plus que de raison, une maison tourangelle sans artifice, ses étages et le croisement de ses colombages, rien de notable en somme.
    Rien, à l'exception de cette femme au visage impassible nimbé de feu qui observait, depuis la fenêtre du second étage, la vie matinale sur la grande place du Quartier Plumereau.
    Rien, si ce n'était la silhouette se dessinant derrière la vitre, à peine vêtue d'un linge au sortir du baquet, le regard d'eau semblant se perdre bien loin des considérations de ce quotidien insipide qui déroulait son habituel scénario. L'esprit à des lieues du meunier repartant, la charrette vide d'avoir livré sa farine au boulanger. A des milles de ce gamin se mettant en place pour crier les nouvelles du jour. Loin dans ses pensées, loin dans son passé, et pourtant si proche d'une part de lui dans cette ville qui avait vu la renaissance d'un spadassin rongé par les flammes, au propre comme au figuré.
    Il est dit parfois qu'il faut combattre le feu par le feu, ce fût ici l'encre et les dessins d'un fils de La Louveterie qui avait combattu le sien.

    Mais ce qui la préoccupait, à ne pas avoir vu le messager de son ami limougeaud traverser la place, c'était bien Lui. Lui et sa jument. Cette partie d'elle qu'il lui avait pris. La respiration se voulait plus profonde que d'ordinaire, et senestre portée sur le drap l'enveloppant, se crispa brusquement. Froissant l'étoffe à en faire blanchir les jointures de ses doigts, rien qu'à songer de nouveau à la découverte du box vide de Nyx dans la cité limousine, quelques jours auparavant.
    L'expiration qui suivit se fit dans une lente fermeture de paupières voilant les iris bleutés de la Rouge, alors que le corps avait pivoté pour rejoindre l'intérieur de la pièce, afin d'y poser divin séant devant ce qui semblait être une coiffeuse. Pourtant plutôt dévolu à la confection de potions. Et l'esprit se prit alors à repenser à comment ils en étaient arrivés là, quand Carcassonne se profilait en ligne de mire. Comment elle se retrouvait à le traquer, alors que tout était à peu près cadré pour mener à bien leurs desseins.
    Comment ? Et le souvenir lui revint... Pour un rangement de plantes dans son appartement qu'elle n'avait pas eu l'envie de faire. Pour avoir repoussé leur départ d'une journée, après tout ce n'était qu'un jour. Oui, qu'un jour... Un foutu jour qui avait vu l'arrivée de la Chose, du Loup et du Balafré, et où tout avait basculé dans une taverne putride de Limoges, au nom tout aussi stupide que tout ce qui s'y était passé.

    Le grondement, qui se fit entendre à l'ouverture du regard noyé d'une rage sourde, se vit accompagné de l'écrasement du poing droit de l'incendiaire au coeur du miroir qui avait eu l'impudence de lui renvoyer son reflet. La colère qu'elle y avait vu, mais surtout cette note d'inquiétude et de tristesse, lui étaient purement insupportables. Nulle faiblesse ne serait admise, ni la moindre perte de contrôle.
    Un reflet... Rien que ce mot était chargé d'une signification singulière, depuis qu'une nuit d'ivresse avait mené à un échange particulier, autant qu'à maintenant et aujourd'hui.

    Les coupures, inévitables de l'impact ayant brisé la glace, laissant filer serpents de sang sur les phalanges autant qu'à l'argent du miroir, ne firent pas déloger le poing de sa place alors que la mercenaire toisait son double ébréché.
    Pourquoi ne pas vouloir voir ces sentiments ? A quoi pouvait-elle bien penser alors que les phalanges déjà serrées, rougies de sang, se mirent à trembler à voir leurs jointures blanchirent d'une pression supplémentaire ?
    Le craquement de sa nuque, tic significatif pour qui connaissait suffisamment la rouquine, ne fut sans doute jamais si audible, raisonnant dans la pièce de manière sinistre, en l'extirpant de cette espèce de transe entre elle et son reflet. Et quand, enfin, la main ensanglantée se détacha du point d'impact, emmenant avec elle quelques éclats argentés logés au coeur des chairs abimées, ce fut moment choisi pour que le messager se pointe chez elle.

    Entendant alors frapper, les azurés dévièrent vers l'entrée, pointe de langue passant sur l'anneau labial en se levant et doigts longiformes agrippant une lame, au passage, sur le meuble où siégeait les décoctions. Porte entrebaillée, et quidam reconnu, dextre armée l'invita à entrer sans protocole inutile, ni bonjour hypocrite.

    Tu m'apportes quoi.
    Un message de Ger...

    Pas le temps pour le bougre qui avait sorti le pli de finir sa tirade que la missive lui était arrachée des mains, empreintes de sang s'imprimant au parchemin, en lui indiquant de la pointe de sa dague la table où trônait de quoi se nourrir correctement.

    Dis à ton maître que je vais bien. Sers toi et dégage.

    Ce qui en langage xandryesque ressemblait, plus ou moins, à un merci en finalité, bien que le simple fait qu'il ait entamé de prononcer le vrai nom de l'expéditeur lui aurait bien donné l'envie de lui couper la langue, surtout dans l'état de nervosité où elle se trouvait quelques minutes auparavant.
    Le regard perplexe du gaillard sur sa main quand elle avait dit qu'elle allait bien lui aurait presque fait levé les yeux au ciel, si ça avait été de ses habitudes, mais il n'en était rien. Et elle n'allait clairement pas craindre pour quelques coupures, même si elle saignait abondamment. Le jeu de piste cicatriciel qu'était devenu son corps au fil des ans démontrait sans nul doute, qu'elle n'était pas à ça près, et encore moins douillette.
    Cela dit, le coursier n'avait franchement pas demandé son reste et était bien vite parti après avoir raflé et rempli son sac de voyage de tout ce qu'il avait pu y mettre, provoquant un infime, mais présent, sourire chez le phénix.

    D'un pas nonchalant, le baquet avait été rejoint, s'asseyant sur son rebord, missive en main gauche pour plonger la droite dans la flotte et nettoyer les entailles le temps de parcourir les lignes malhabilement écrites de ce gros tas de muscles de ses plus anciens complices. Eau se teintant de fines volutes carmin, ce ne fut pas la piqure de l'eau sur ses plaies qui la fit grimacer, mais bien l'orthographe approximative de son apprenti, bien que des efforts raturés soient à noter. Elle l'engueulerait à l'occasion, mais pas pour l'instant.

    Tsss Djebel...

    Si la lettre était courte, l'indication de lieu la confortait sur la route à suivre et validait l'information donnée par les trois pintades croisées la veille, Orléans était un passage judicieux, stratégique, même potentiellement, pour rejoindre Paris. Mais ce jour ne verrait pas l'ombre de la Rouge se balader en ville, bien que revoir Dekhaër lui aurait sans doute plu. Non, temps de guerre apportait un peu trop de mouvement soldatesque dans le coin, et vu que beaucoup confondait mercenaire et brigand, se voir prise pour une angevine et mise en geôle aurait été la cerise sur le gâteau du merdier actuel. Rien que l'idée de retrouver la crasse d'une cellule fusse-t-elle religieuse ou légale lui souleva tout simplement le coeur.
    Mais avant ça il lui faudrait prendre soin de sa main, encore... cela dit sur l'instant, c'est une fiole de sa composition qui fila au creux de sa main gauche, bouchon de liège se voyant mordu pour ouvrir la petite bouteille avant d'en faire glisser le contenu sur le moelleux de sa langue.
    Alcool ? Drogue ? Rien de tout ça... Pire ou meilleur ? Ca...

    Décoction prenant lentement possession de la gorge, de l'estomac et se répandant sans bruit en son sein, la silhouette fut prise d'un léger tremblement, réaction possible à cette ingurgitation qui n'inquiéta en rien le spadassin. Mais cette fois, quand l'eau de son regard s'effaça dans une révulsion, offrant à ses globes oculaires une blancheur effrayante. Dextre tentant de s'arrimer au dossier de la chaise, pour soutenir le corps en train de vaciller, n'eut aucun succès, posant genoux à terre avant de sentir son dos venir frapper durement le sol de son appartement.

    Bordel...

    Un mot, caractéristique, prononcé sans l'intonation connue, et puis, l'inertie.
    Qu'avait-elle foutu ? Où avait-elle merdé ? Allait-elle avoir réussi là où beaucoup d'autres avaient échoué ? Erreur de dosage lui coûterait-elle la vie ici et maintenant ?
    Colère était mauvaise conseillère, rage tout autant, et les deux, alliés à un sentiment d'impuissance, avait probablement rendu la fabrication de ses "potions" moins précises, et avec ce qu'elle se forçait à consommer depuis de longs mois maintenant, la moindre erreur se pouvait être fatale.

    Incertain était l'avenir, Orléans verrait-elle une Rouge se pointer ?

    ~~~~~~~~~~

    (*)"Mirror" Loïc Nottet
    On va briser cette glace, briser cette glace
    On va briser cette glace, briser cette glace

    Ce miroir n'est pas une illusion
    Reflétant nos démons
    Ils sont pris derrière le verre, ils nous surveillent
    Nous parlant à travers le miroir

    Même lorsque nous sommes submergés par la colère, n’abandonnez pas
    Nous allons leur prouver que nous sommes plus forts, levons-nous
    Nous élevant pour être meilleur
_________________

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