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[RP] De grès et de jais

Khaerdalis
Bien des choses avaient changé durant les semaines passées. Une étrange impression, sur laquelle il était difficile de mettre des mots précis. Comme un élément indéfinissable ayant altéré l'atmosphère, pour lui conférer une apparence nouvelle. Laquelle avait fait l'objet d'encore davantage de mutations au cours de ces derniers jours. Khaerdalis avait bien conscience que rien n'était immuable en ce monde, et ses plus récentes observations n'avaient fait que le conforter dans certaines de ses idées. Ce fut d'un commun accord que sa compagne et lui avaient décidé que l'heure était venue. L'heure de reprendre la route, de naviguer vers un ailleurs sans avoir à se soucier de quoi que ce soit, ni de qui que ce soit. Leur véritable premier voyage en tête à tête. Seuls.

Le moment du départ avait été convenu pour la fin de semaine, le temps de terminer certains préparatifs. Mais alors qu'ils discutaient en taverne, Antanasia extirpa soudainement une carte de sa besace, qu'elle déplia devant lui sur le comptoir. Elle s'interrogeait sur l'itinéraire à emprunter, et émit la suggestion d'anticiper la date au soir même. Il n'y voyait aucun inconvénient, rien ne le retenant sur place, et s'amusa de la voir jouer distraitement avec sa plume tout en réfléchissant. Ils en discutèrent un moment, échangeant sur les possibles étapes, se rappelant les recommandations les plus élémentaires en vue du périple qui se profilait. Cette échappée serait pour eux l'occasion rêvée de se consacrer du temps, et d'apprendre à mieux se connaître tout en évitant la monotonie éventuelle d'une routine trop marquée.

L'après-midi touchait à sa fin lorsqu'ils décidèrent de se rendre chez la jeune femme. Il l'observa un moment tandis qu'elle faisait du tri dans ses affaires, sélectionnant avec minutie les tenues qu'elle emporterait avec elle ou non. Une lourde malle posée sur le rebord du lit, elle semblait avoir du mal à se décider, et fouillait sa garde-robe avec une délicatesse toute "antanasienne". La priorité serait donnée aux tenues pratiques et confortables, au détriment des longues robes élégantes et encombrantes qu'elle n'affectionnait pas plus que cela, pour des raisons parfaitement compréhensibles. A moins qu'ils n'aient un jour l'occasion de s'inviter à un bal ? L'idée émergea, davantage par provocation que par réelle intention. Elle le railla sur sa probable envie d'admirer de jolis costumes, et il ne priva pas de lui suggérer l'idée d'un décolleté plongeant.

La réponse ne se fit guère attendre. Une chemise projetée en plein visage, un échange de sourires en coin, et la retenue ne fut brusquement plus de mise. La malle se retrouva aussitôt propulsée sans ménagement, tandis que les robes soigneusement pliées s'éparpillaient à même le sol dans un amas de tissus froissés. Étendue nue sur le lit, elle le regardait se dévêtir avec envie, et ne sut résister à la tentation de caresser son torse. "Le reste aussi", susurra-t-elle. Il s'agissait davantage d'une requête que d'une suggestion. N'écoutant que leur désir, les deux partenaires se muèrent alors en amants fougueux, le temps d'une de ces étreintes passionnées dont ils avaient désormais le secret.

Une fois la tempête passée, le calme resurgit comme si de rien n'était. Un moment de tendresse, puis la jeune femme reprit tranquillement là où elle s'était arrêtée après avoir rassemblé les affaires disséminées à travers la pièce. De son côté, il retourna brièvement chez lui pour s'occuper de récupérer les siennes.
La chienne noire le scrutait, attentive. Fidèle à ses habitudes. Elle l'interrogeait longuement en silence, consciente que quelque chose se tramait. Il lui accorda un moment, vint la caresser, et lui raconter le voyage à venir. Il lui parla encore de cette femme qui avait changé sa vie, et dont elle ferait bientôt la connaissance. Il était impatient de les voir se rencontrer, même s'il savait qu'un temps d'adaptation serait nécessaire au canidé.

Il empaqueta ses affaires après s'être assuré de n'avoir rien oublié. Des vêtements de rechange, de la nourriture pour plusieurs jours, une poignée d'écus, et quelques indispensables. La chienne sur les talons, il prit la direction de l'écurie pour y chercher Sleipnir. Le cheval l'accueillit de sa manière habituelle, en lui assénant de légers coups de tête affectueux, et il lui flatta l'encolure en réponse. Le trio reformé, ils quittèrent alors les lieux sous le ciel crépusculaire. Ils se postèrent à l'orée de la maison, là où avait été convenu le moment des retrouvailles en vue du départ. Adossé à la clôture en bois, Khaerdalis caressait d'une main distraite la tête de Linnae tout en guettant d'un œil la venue de sa bien-aimée.

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Antanasia
Une main dans ses cheveux désordonnés, Antanasia observait le contenu de sa malle encore ouverte. Il n'y avait finalement pas grand-chose, et elle se fit la réflexion qu'elle pourrait acheter de nouveaux vêtements plus pratiques en cours de route.
Elle sourit à l'idée d'un Khaerdalis traîné de force d'étal en étal, et se dit que cela en vaudrait la peine, juste pour voir son sourire si particulier. Mi-moqueur, mi-stoïque. Indéfinissable.

Elle ajouta un nécessaire de toilette, une bourse avec quelques écus et un paquet bien emballé contenant des provisions pour deux jours. Elle appela Lucian qui vint gracieusement se poser sur son épaule, lança un dernier regard vers sa maison, où elle n'habitait que depuis quelques jours, mais dans laquelle elle reviendrait finalement, et prit sa malle à deux mains pour la hisser dans la charrette.

Elle alla chercher Hélios tandis que Khaerdalis semblait vouloir amadouer son propre cheval afin de pouvoir le harnacher. Elle n'en était pas certaine, mais il lui sembla que l'homme susurrait des mots doux à l'oreille de l'équidé alors celui-ci avait les oreilles couchées, visiblement contrarié. Riant sous cape, elle rejoignit sa propre monture, qui s'ébroua en signe d'impatience et la suivit docilement. Passant fièrement à côté d'un Khaerdalis toujours en proie à des négociations et l'interpella en lui jetant une pomme à l'attention de Sleipnir, qu'il réceptionna avec un signe de tête renfrogné.
Rejetant ses cheveux en arrière avec une satisfaction non dissimulée, elle attela son destrier sans difficulté.

Elle vit la chienne tant mentionnée, et l'étudia tandis que celle-ci observait son maître avec inquiétude. La jeune femme attendit que son aimé revienne avant de se présenter à Linnae. Celle-ci resta sur la défensive mais ne prit pas la fuite, visiblement rassurée par la présence et le calme de son humain. Une légère caresse fut donnée, non rejetée mais non appréciée pour autant. Antanasia ne força pas, elle savait qu'elles auraient le temps de faire connaissance.
Embrassant l'homme de sa vie, elle le relâcha pour le laisser prendre les rênes. Mais alors qu'elle allait s'installer à ses côtés, le canidé la devança et prit la place qu'elle convoitait. Haussant les épaules amusée, elle s'installa à l'arrière de la charrette, et s'accouda au dossier du conducteur. Son amant se retourna rapidement pour lui adresser un sourire moqueur et revanchard qui la fit rire, et il lui tapota la tête avant de lancer le départ.

Lucian s'envola au dessus d'eux, et elle l'observa en s'installant confortablement. Elle resta silencieuse un moment, ne brisant le silence que pour des « On va bien dans la bonne direction ? » ou encore des « Combien de temps de route encore ? ». Elle faisait cela d'avantage par envie de l'embêter que par réelle curiosité. S'il s'en agaça, il le cacha prodigieusement, et elle entreprit alors tout le long de la route de le taquiner. Le reste du trajet se passa de la même façon jusqu'à ce qu'elle s'endorme.

Quand elle ouvrit les yeux, elle était dans un lit confortable, son homme dormant paisiblement à ses côtés. Elle l'observa un long moment, tandis que les premières lueurs de l'aube pointaient. Les traits de son aimé étaient plus apaisés dans son sommeil, et elle ne pouvait se lasser du spectacle d'un Khaerdalis endormi. Elle effleura tendrement son visage, passant le bout des doigts sur la mystérieuse cicatrice, puis déposa un baiser aérien sur ses lèvres, et le sentit doucement réagir.
Elle ne fut soudain plus une jeune fille timide, mais une femme amoureuse d'un homme qu'elle ne considérait autrement que comme merveilleux et magnifique. Laissant ses craintes de côté et n'écoutant que son courage, elle entreprit de réveiller son amant d'une façon dont elle était certaine qu'il apprécierait.

Plusieurs étreintes et une lecture plus tard, les deux amants étaient prêts à sortir. Comme prévu, Antanasia l'emmena au marché, et quémanda son avis sur plusieurs vêtements et choix de couleurs, une fois encore plus pour pouvoir se moquer de son côté « Adorateur de mode » que par sérieux.

Le voyage commençait sous les meilleurs auspices. Taquineries, rires, moments passionnés, confidences... La jeune femme souhaita ne rien en changer. La progression de leur histoire avait été fulgurante, et les projets qu'ils avaient en commun ne feraient que renforcer encore leur couple. Depuis que leurs chemins s'étaient croisés, elle ne s'imaginait plus sans lui.

Ils continuèrent à se promener main dans la main. S'arrêtant dans un parc et s’asseyant à même le sol pour manger. Linnae toujours proche de son maître, celle-ci semblait presque plus sereine loin de la foule. Mais il était impossible de rater ses sursauts lorsqu'elle entendait un bruit ou percevait des mouvements. Dans ces moments, son humain avait toujours un geste de réconfort envers elle, et Antanasia s’émerveilla de sa patience et de l'affection qu'ils avaient l'un pour l'autre.
De son côté, Lucian était tout à son aise, il semblait presque se moquer du canidé en sautillant vers lui, tandis que ce dernier plaquait ses oreilles en arrière, craintivement. La jeune femme était alors obligée de distraire le corvidé avec des fruits secs pour qu'il se désintéresse de sa cible.
Khaer et elle les observaient en s'amusant, n’intervenant que lorsque le corbeau allait trop loin. Il restèrent ainsi l’après-midi durant, se câlinant et souriant des interventions de leurs compagnons à plumes et à poils, tout en se racontant des anecdotes amusantes à leur propos.

La soirée était bien avancée lorsqu'ils reprirent le chemin de la chambre. En bon gentleman, Khaer porta la malle jusqu'à la charrette pendant que la jeune femme faisait une toilette avant le départ. Elle n'avait pas encore terminé que l'homme la rejoignit. Elle le vit se dévêtir du coin de l’œil et sa dernière pensée fut que le départ souffrirait d'un léger retard...
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"Audaces fortuna juvat"

Khaerdalis
La princesse se faisait attendre. Histoire de gagner du temps et éviter tout retard supplémentaire, Khaerdalis décida de s'atteler à la préparation de son vieux compagnon de route. Mais si Sleipnir savait - parfois - se montrer docile, il pouvait également faire preuve d'un entêtement remarquable. En l'occurrence, l'étalon refusait de se laisser harnacher, et faisait peu de cas des instructions de son propriétaire. Les demandes amicales ne menèrent nulle part, les ordres autoritaires retentirent dans le vide, et les tentatives de manipulation variées n'eurent guère de meilleur résultat. Un ultimatum fut finalement lancé, impliquant une suppression totale de nourriture jusqu'à nouvel ordre. Les oreilles du dissident se plaquèrent en arrière à l'énoncé des menaces proférées à voix basse, et il sembla se décomposer à vue d'œil.

Antanasia estima judicieux de choisir ce moment précis pour refaire surface. L'air ostensiblement narquois, elle lui lança une pomme qu'il rattrapa au vol avec une expression de dépit. Ce simple geste anodin venait de réduire à néant ce qui lui avait semblé être de longues heures d'âpres négociations. Probablement les plus difficiles de toute son existence. Sleipnir ne se fit pas prier pour subtiliser le fruit des mains de son bourreau ayant perdu toute crédibilité, et savoura tout sauf discrètement sa victoire à grands renforts de sons de mastication. De son côté, Linnae observait la scène d'un air affligé, sans toutefois parvenir à en saisir tous les tenants et aboutissants.

Une fois tout le monde fin prêt, l'heure du départ put enfin sonner. Les deux amants échangèrent un baiser avant d'embarquer, mais la chienne ne se priva pas de se rappeler au bon souvenir de son maître. Avec une insolence dont elle n'eut probablement même pas conscience, elle se hâta de s'approprier la place à ses côtés, prenant de vitesse une Antanasia visiblement partagée entre offuscation et amusement. Khaerdalis se retourna en direction de sa compagne comme pour s'assurer que tout allait pour le mieux à l'arrière. "Le carrosse de sa majesté est-il à la hauteur de ses exigences ?" se moqua-t-il ouvertement, un sourire au coin des lèvres. Ce qui eut pour l'effet de déclencher l'hilarité de la jeune femme, dont le rire bruyant provoqua un violent sursaut de Linnae, confortablement installée à l'avant.

Le trajet se déroula dans un calme relatif. Fidèle à ses vieilles habitudes de voyageur solitaire, le brun gardait un œil attentif sur les environs, à l'affût de la moindre menace. Une concentration de laquelle sa compagne semblait prendre un malin plaisir à l'extirper régulièrement, comme pour s'assurer de sa présence. Les questions répétées trouvaient généralement pour seule réponse une série de grognements sans substance, mais Antanasia ne semblait pas découragée pour autant. Au contraire, la situation donnait l'impression de la divertir au plus haut point, et ce ne fut que lorsque l'interrogatoire céda la place à une symphonie de ronflements retentissants que le jeune homme put enfin savourer un semblant de moment de paix. Même si, à la réflexion, il se demanda s'il y gagnait véritablement au change. Il interrogea Linnae du regard, mais celle-ci ne sembla pas en mesure de l'aider. Elle se contentait de le fixer en jetant régulièrement des regards anxieux autour d'elle.

La prochaine étape du voyage se dessina après quelques heures de route. Les bâtiments se découpaient dans la pénombre comme autant de silhouettes indistinctes, ombres insaisissables nichées au cœur des ténèbres. Le convoi - presque - exceptionnel fit halte à une auberge, en vue d'une bonne nuit de sommeil. Sa belle toujours endormie dans les bras, il prit la direction de la chambre indiquée en tâchant de ne pas laisser sa tête heurter quelque obstacle malencontreux. Il la déposa en douceur sur le lit pour la border, et donna un baiser sur son front en repoussant une mèche de cheveux rebelle. Il l'observa un moment, songeant qu'il ne l'avait pas vue aussi paisible depuis un certain temps. Profitant - enfin - du silence, il s'allongea à ses côtés pour jouir à son tour d'un repos bien mérité.

Il émergea aux aurores, alors que les premiers rayons de soleil filtraient à travers le carreau. La première vision qui s'offrit à lui fut le visage souriant et mutin de sa belle, penchée au-dessus de lui. Elle devait estimer qu'il avait assez dormi, et paraissait déterminée à rattraper le temps perdu. Ne refusant jamais un moment privilégié avec elle, il se prêta volontiers au jeu, et la journée débuta de la meilleure des façons possibles. Ils restèrent une grande partie de la matinée à paresser au lit, entre confidences, lecture et moments de tendresse, avant de se décider à faire un tour en extérieur.

La première tâche du jour était une mission de la plus haute importance. L'étoffement de la garde-robe princière de dame Antanasia. Il la suivit à travers les allées du marché, l'air sombre, tandis qu'elle prenait plaisir à déambuler entre les étals. Lui-même précédait une Linnae fortement préoccupée par le brouhaha ambiant, tellement pressée contre lui qu'elle manqua à plusieurs reprises de le faire trébucher. C'était donc une bien une étrange escorte qui accompagnait la jeune femme. Elle se tournait parfois vers lui, sollicitant son avis sur telle parure, ou telle autre robe. Ce à quoi il se contentait généralement de répondre par un haussement d'épaules ou autre grognement cordial. "N'étions-nous pas censés voyager avec un minimum d'affaires ?" Grommela-t-il alors qu'elle lui montrait sa dernière acquisition avec un sourire taquin.

Une fois le pillage du marché accompli en bonne et due forme, la visite du village put enfin reprendre son cours. Ils se promenèrent quelques heures dans les rues, main dans la main, avant de s'accorder un nouveau temps de répit dans un parc. Un repas en plein air, qu'ils mirent à profit pour plaisanter et échanger tout en gardant un œil sur leurs compagnons de voyage et de vie. Khaerdalis veillait constamment sur sa chienne, et celle-ci ne le quittait jamais des yeux. Il était son seul repère au sein de cette foule de visages et odeurs inconnus, et elle restait sur le qui-vive en permanence, guettant chaque mouvement ou bruit suspect. Lucian semblait s'intéresser à elle et s'en amuser mais, de toute évidence, les sentiments n'étaient pas réciproques. Elle ne devait d'ailleurs probablement pas savoir de quel genre de créature il pouvait bien s'agir. Ils auraient cependant tout le temps d'apprendre à se connaître et, à défaut de s'apprécier, au moins s'habituer à la présence de l'autre.

Le soleil déclinait lorsqu'ils reprirent le chemin de l'auberge afin de récupérer les affaires restées dans la chambre. La jeune femme se hâta de ranger ses nouvelles tenues dans une malle déjà bien portante - qui donna l'impression d'avoir soudainement doublé de volume - avant d'aller se refaire une beauté. Conscient de la durée potentielle de la chose, et peu désireux d'attendre les bras croisés, le brun y vit l'occasion idéale pour commencer à transporter les bagages vers la charrette. Il attendit un moment en compagnie de la faune domestique, vraisemblablement impatiente de reprendre la route. Ne voyant toujours pas revenir sa compagne, il décida de remonter dans la chambre afin de vérifier la progression des travaux d'embellissement. Sans surprise, elle n'avait pas encore terminé. Décrétant qu'ils n'étaient plus vraiment à cela près, il entreprit alors de se dévêtir pour l'arracher à son occupation. La méthode de diversion porta ses fruits, et elle ne tarda pas à le rejoindre dans un concert de gloussements et tissus froissés.

Lorsque la petite famille fut à nouveau réunie après ce léger retard supplémentaire, le voyage put reprendre là où il s'était interrompu. La charrette se remit en branle, et la ville fut assez rapidement derrière eux. Cette fois, Antanasia était parvenue à se hisser à côté de Khaerdalis, sous le regard autant envieux que silencieux d'une Linnae consternée. Elle avait beau n'être qu'à un mètre de lui, elle vivait tout de même cet éloignement comme une mise à l'écart. Son regard suivait chaque mouvement de main du couple, chaque rapprochement fugace, et son oreille était à l'écoute du moindre mot prononcé. Il se tournait régulièrement vers elle pour lui donner une caresse et la rassurer, et elle s'en contenta bien malgré elle.

Les lueurs du village suivant leur apparurent après plusieurs heures sans encombre. A mesure qu'ils approchaient, la première sensation à leur parvenir fut celle de l'air iodé. Mais si l'idée d'une baignade nocturne pouvait se révéler tentante, il était sans doute plus raisonnable de remettre cela au lendemain, lorsqu'ils seraient plus frais et mieux disposés. Les affaires furent entreposées dans un coin de la chambre sous l'œil toujours attentif de Linnae, installée à proximité de la porte. Laissant sa compagne se préparer pour la nuit, Khaerdalis s'aventura sur la terrasse pour se perdre quelques instants dans la contemplation de l'étendue céruléenne s'étirant à perte de vue. Une main délicate posée sur son épaule l'extirpa de ses pensées, et une nouvelle vision, enivrante, s'offrit à lui. Le cadre idyllique semblait avoir donné des idées à Antanasia, et ils partagèrent un nouveau moment passionné à la faveur de l'astre nocturne.

Ils parvinrent à se lever tôt le lendemain, en dépit d'une certaine langueur matinale. Le programme de la journée fut rapidement décidé. Après une virée - non optionnelle - au marché afin de satisfaire la curiosité sinon les exigences de la coquette blonde, ils arpentèrent les rues du village jusqu'à atteindre la plage. La langue sablonneuse se prolongeait sur une longue distance, tandis que les cris des mouettes faisaient écho au lent ressac de la grande bleue sur le rivage. Ils plaisantèrent et discutèrent de tout et de rien, sans même voir le temps passer, se prenant à rêver de voyages à l'autre bout du monde. Un défi fut également lancé, et ils se livrèrent à une course effrénée le long de la berge. Si la jeune femme était moins athlétique, elle n'en demeurait pas moins sournoise, et employa différentes ruses pour tenter d'amadouer son adversaire, qui n'en démordit pas pour autant. La compétition s'acheva sur une baignade romantique durant laquelle ils restèrent longuement enlacés l'un à l'autre, à savourer un moment de tendre complicité. Sagement restée au bord de l'eau, la chienne noire les observait d'un air outré.

La journée touchait à sa fin lorsqu'ils décidèrent de faire une halte en taverne. D'un signe, ils saluèrent deux femmes visiblement bien occupées avant d'aller s'installer à une table. L'une d'elles ne tarda pas à prendre congé, et ils discutèrent avec celle restante. Au programme, un sujet de discussion parmi les préférés d'Antanasia, au grand dam de son compagnon. Ils parlèrent donc chiffons, et il l'observa gesticuler tandis qu'elle avançait que les femmes devraient pouvoir être libres de porter les mêmes vêtements que les hommes. Il s'imagina un moment revêtir l'une des robes de sa belle, puis secoua la tête pour chasser cette image de son esprit. Lorsqu'ils se retrouvèrent seuls, ils profitèrent du temps à profit pour se taquiner entre deux chamailleries. D'autres personnes firent irruption alors même qu'Antanasia brandissait un verre menaçant au-dessus de la tête du jeune homme, ce qui ne manqua pas de susciter chez elle un embarras dont il se délecta avec un sourire en coin. Malgré quelques dommages non collatéraux.

La soirée se poursuivit sur d'autres sujets de conversation. Khaerdalis s'amusa un moment à chercher à en apprendre davantage sur leurs interlocuteurs, mais il gardait constamment un œil sur sa compagne, et remarqua qu'elle commençait à éprouver une certaine difficulté à rester éveillée. De toute évidence, elle n'éprouvait plus le même engouement que lorsqu'il était question d'évoquer son impressionnante garde-robe. La fatigue semblait la rattraper à vive allure, et elle finit par somnoler contre son épaule. Ils ne s'éternisèrent donc pas sur place, et s'éclipsèrent afin de regagner leur chambre. La journée avait été bien remplie, et il leur fallait encore reprendre la route le soir même. Ils s'accordèrent ainsi un bref repos bien mérité afin de reprendre des forces, lovés l'un contre l'autre. Sous le regard inquisiteur de Linnae.

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Antanasia
Installée à côté de son amant, Antanasia évita de croiser le regard accusateur de la chienne par peur de culpabiliser. Elle glissa sa main sur la cuisse masculine pendant que l'homme dirigeait les chevaux, profitant du calme environnant pour réfléchir à certaines idées qui revenaient régulièrement ces derniers jours, et dont elle voulait faire la surprise à son aimé.

Ils arrivèrent assez tard jusqu'à leur chambre, et elle profita des commodités pour se rafraîchir un instant mais, au moment de s'habiller, elle vit son amour de dos.
Les rayons de lune se réfléchissaient sur l'eau, enveloppant son homme d'une aura de mystère..
Ainsi de dos, elle le trouva magnifique. Il était grand, fort, fier, mais en cet instant il lui apparaissait comme un mirage, une vision trop parfaite pour être réelle, et qui pouvait se volatiliser à tout moment.
Elle s’avança derrière lui, et posa une main frêle sur son épaule, cherchant à le ramener à elle.
Il intercepta son éclat d'envie, et son regard s'assombrit de désir en retour.

Le lendemain elle l’entraîna de nouveau de force au marché, toujours avec la même excuse, mais ayant cependant un but secret, dont elle savait qu'il ne se doutait pas un instant. Espiègle, elle lui demanda encore et toujours son avis sur des choses qu'elle ne regardait pas réellement, simplement pour le plaisir de l'entendre grogner.
Un peu plus tard, sur la plage, elle délaça ses bottes et jeta l'une d'elles sur le dos de Khaerdalis suite à l'une de ses provocations habituelles. Continuant leurs taquineries, ils se mirent à concourir l'un contre l'autre, mais elle le savait plus rapide et endurant. Mauvaise perdante, elle décida donc de jouer la carte de la fourberie, tentant de le faire tomber, ou de l'épuiser en grimpant sur son dos, finissant même par tenter la corruption qui, à son grand dam, n’atteignit pas son but.

Ils arrivèrent à un endroit de la plage plus dissimulé, et ils décidèrent de profiter de la chaleur estivale pour passer du temps dans l'eau.
Elle n'avait jamais été se baigner dans la mer, aussi poussa-t-elle de petits cris peureux quand elle sentit des choses la frôler sous la surface. Elle s’accrocha à son aimé, et avait la ferme intention de rester ainsi agrippée à lui. Elle lui dit en riant qu'il était un plus gros morceau qu'elle, et que si quelque chose dans l'eau était pris d'une faim subite, c'était logiquement lui qui se ferait mordre.

Exténuée de leur journée d'insouciance, elle n'avait qu'une hâte, se poser en taverne et soulager ses jambes endolories. Ils interrompirent un petit moment romantique entre deux femmes, et se retrouvèrent rapidement seuls avec l'une des deux compagnes. Le sujet dériva rapidement sur les vêtements, de toute évidence le métier de leur interlocutrice, et Antanasia s'appliqua à masquer son hilarité face à un Khaer visiblement contraint de parler chiffons à nouveau.
Elle en rajouta pour la forme, mais il fallait avouer que le sujet la passionnait plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre, et ainsi fut-elle prise à son propre jeu.

Lorsqu'ils furent seuls, elle loucha sur la chope de son amant mais il devina ses intentions. De nouveau, ils se chamaillèrent puérilement, aussi tenta-t-elle de lui faire renverser le contenu de sa chope, mais il était bien agile, et elle trop prévisible.
Délibérément provocateurs, ils se menacèrent tout en cédant à leur envie de proximité.
Alors qu'ils s'embrassaient, et que Khaer avait reçu un peu du contenu de la chope le long de son bras, une femme fit interruption et la jeune blonde se recula vivement de son amour, gênée d'être surprise dans un tel moment de laisser-aller.

Khaerdalis s'appliqua à faire la conversation et, de son côté, sa compagne se fit plus silencieuse, ne parlant que très peu. Elle se désintéressa rapidement de la discussion, n'aimant pas les comportements trop hautains. Elle finit par se poser sur l'épaule de son homme et somnola doucement jusqu'à ce qu'ils décident d'aller se reposer dans leur chambre avant de reprendre la route. Une petite routine qui s'était installée naturellement.

-*-*-*-*-*-

Cela faisait un bon moment qu'elle l'attendait, l'homme s'était levé peu de temps après qu'ils s'étaient posés, et il lui avait dit de ne pas la suivre alors qu'il sortait de leur chambre. Mais son intonation était étrange, son expression tout autant. Il semblait moins assuré que d'ordinaire.

Elle avait d'abord pensé qu'il souhaitait peut-être rejoindre la femme imbue d'elle-même et qui ne parlait qu'à renforts de « moi je ». Cette égocentrique avait semblé beaucoup s’intéresser à lui, peut-être même un peu trop. Mais cela ne lui ressemblait pas, Khaer n'était pas comme cela, elle en était convaincue.
Mais alors quoi ? Il n'était pas dans son état normal...

Elle s’habilla à la hâte et entreprit de le retrouver. La taverne était plongée dans l'obscurité, et elle ne le vit pas en fouillant les ombres. Elle sortit alors, et jeta un regard attentif autour d'elle. La lune était pleine et le ciel dévoilé. Grâce à cela, elle n'eut aucun mal à se diriger vers une source de bruits étranges. Ils se firent plus distincts à mesure qu'elle se rapprochait , et son odorat la piqua vivement, l'obligeant à couvrir d'une main le bas de son visage.
Ainsi tout prenait sens... Le pauvre était malade, et il ne voulait probablement pas qu'elle le voie ainsi.
Mais elle était sa compagne, et bien décidée à être présente même dans les moments les moins... « charmants ».
Aussi se précipita-t-elle à l’intérieur de la taverne afin de récupérer une chope qu'elle alla remplir d'eau fraîche au puits à proximité.
Quant elle revint, les pétarades avaient cessé, ainsi devait-il l'avoir entendu se rapprocher de lui, elle s'annonça d'un « Comment te sens-tu ?» inquiet, avant d'entrouvrir la porte des latrines pour lui tendre la chope d'eau fraîche.

Quand il sortit, elle vit qu'il gardait une attitude la plus neutre possible, mais la fine pellicule de sueur sur son front, et sa cicatrice qui ressortait sur sa peau pâlie par son état de faiblesse, le trahissaient.
Elle lui proposa de rester se reposer, quitte à retarder le départ prévu. Après tout, ils n'avaient aucun impératif, mais le bougre était têtu. Il maintint fermement sa décision de reprendre la route.
Elle s’inquiéta un instant de l'avoir vexé en l'ayant vu à son désavantage, puis se dit qu'il s'y ferait. C'était la première fois qu'elle le voyait malade mais sans doute pas la dernière. Elle ne douta pas de sa présence lors d'une situation inverse.

Elle l'attendit à l'avant de la charrette, bien décidée à prendre le convoi en main pour l'épargner, pendant que le malade devait probablement se rafraîchir. Antanasia resta un moment avec Lucian, le cajolant de ses caresses, et celui-ci avait l'air pleinement satisfait de l'attention.
Quand Khaer revint, Linnae sur les talons, il avait déjà repris quelques couleurs. Il haussa un sourcil de la voir rênes en main, mais ne dit rien en s'installant à côté d'elle.
Elle se pencha pour attraper une gourde d'eau fraîche, puisée quelques minutes plus tôt, et la posa sur les genoux de son aimé. Il la gratifia d'un signe de tête, et elle lança le départ une fois Linnae bien installée à bord.

Le trajet fut un peu plus long, la jeune femme était moins coutumière des voyages nocturnes que Khaerdalis, ses yeux moins habitués à la vigilance du chemin à emprunter. Elle prit donc le soin de faire adopter un rythme plus lent aux chevaux.
Après plusieurs heures de route, guidés par la lumière de leurs lanternes et des rayons de lune lorsqu'ils n'étaient pas filtrés par d'opaques nuages, il arrivèrent dans une clairière accueillante et décidèrent alors de coucher là pour le reste de la nuit.
Pendant que Khaer se démenait à allumer un feu, elle prépara le camp et détacha les chevaux, leur laissant plus de liberté pour brouter. Une fois fait, elle rejoignit l'homme de sa vie et ils s’installèrent pour la nuit. Elle caressa son visage, et se rendit compte que son front était de température normale. Rassurée, elle s'installa contre son torse et se laissa sombrer en écoutant le rythme apaisant des battement de son cœur.

Plusieurs heures plus tard, la matinée était déjà bien avancée. Le feu était encore légèrement fumant, mais bien éteint. La jeune femme se frotta les yeux, encore gagnée par le mauvais rêve qui l'avait réveillée abruptement, et dont elle avait encore du mal à se défaire. Elle observa autour d'elle, puis se releva vivement, soudainement alerte, et son expression devint paniquée.
Ils n'étaient plus là ! Khaerdalis et Linnae n'étaient plus au campement...
Affolée par leur absence, elle alla jusqu'à Sleipnir, le fixant stupidement en essayant de chasser ses craintes. « Non il ne va pas disparaître brutalement », « Non il ne m'a pas abandonnée »... Litanie de chuchotements auto-rassurants qui n'avait pour effet que de laisser poindre une légère hystérie.
Un craquement se fit brusquement entendre derrière elle, et elle se retourna hâtivement. Elle vit alors l'homme de ses songes apparaître de derrière un arbre, Linnae sur les talons.
Le jeune promeneur matinal n'eut que le temps d'apercevoir une chevelure blonde l'enlacer subitement. La jeune fille s'accrochant désespérément à lui, rassurée par sa présence et laissant le cauchemar enfin s'échapper, jusqu'à presque l'oublier.

« Je t'ai autant manqué que cela ? »
Sa voix profonde la fit frissonner, et elle pouffa en réponse. Quelques minutes avaient effectivement suffi pour qu'il lui manque atrocement. Elle répondit cependant qu'elle avait simplement eu peur de perdre son garde du corps et son porte garde-robe.
En relevant la tête, elle croisa son regard orageux, crut y déceler de l'inquiétude, et la jeune fille déposa ses lèvres sur les siennes en réponse.
Le couple s’installa sur des grosses bûches face au feu éteint. Ils observaient Lucian faire un manège bien étrange pour un corbeau. Il semblait avoir trouvé en Linnae une source de distraction inépuisable.
« Il est un peu pénible quand il s'y met, non ? » question de Khaerdalis faisant davantage office de constat que d'une réelle interrogation.

Afin de calmer l'agaçant mais non moins attachant Lucian, Antanasia lui jeta des fruits secs dans le but de le distraire de la pauvre Linnae. La manœuvre était aisée, l'animal raffolant de ces friandises. Il délaissa complètement son nouveau jeu favori. Temporairement.
Le regard de la jeune femme se porta sur la pauvre chienne qui peinait à reprendre contenance, malgré la main rassurante de son maître.

A la suite de quoi, Antanasia lui expliqua que son compagnon volant n'avait jusqu'alors jamais agi de manière aussi légère, que par sa faute il n'avait pas eu de vie insouciante, sans cesse inquiet pour son humaine. C'est ainsi qu'elle avait toujours vu les choses, et le corvidé le lui avait prouvé chaque jour. Elle l'observa d'un regard rempli de tendresse et d'affection. Se disant qu'il était celui qui la connaissait le mieux, celui qui avait tout vu d'elle, et qui l'avait soutenue toute sa vie. Elle lui devait plus, lui sauver la vie n'était pas suffisant, et elle voulait le rendre heureux également.
C'était également grâce à lui qu'elle avait trouvé sa moitié. Le savait-il seulement ? Son intelligence était-elle à ce point développée ? Elle ne connaissait pas la réponse, mais ne l’oublierait jamais.
Du coin de l’œil, elle vit son amour secouer la tête, mais n'en comprenant pas la raison elle continua leur échange.

Cela l'amena à penser aux circonstances de la rencontre entre son aimé et sa compagne toute tremblante, et elle lui posa la question.
Pressentant que le passé de Linnae, au vu de son comportement, n'était pas un conte de fées, elle se leva et se posa à même le sol entre les jambes de Khaerdalis, s'installant contre son torse et essayant de faire le moins de gestes brusques pour ne pas effrayer d'avantage la chienne.
La réponse lui confirma ses doutes, et elle écouta gravement les paroles de son aimé derrière elle.

Antanasia n'eut aucun mal à se représenter une Linnae plus jeune, affamée, sale et maigre. Maintenue de force sur place par une solide corde. N'ayant aucune chance de survie ainsi liée... Tremblante de peur face aux bruits environnants. La détresse personnifiée.
Elle ne serait plus de ce monde si son sauveur, en la personne de Khaer, n'avait pas croisé sa route.

La jeune femme ne pouvait comprendre autant de cruauté, et elle se promit en fixant la chienne qu'elle ferait tout pour l'aider à s'adapter au changement que sa présence provoquait. Elle sentit des mains douces baisser sa capuche de voyage, et glisser le long de ses cheveux en de douces caresses. Jamais elle n'avait connu de sensations aussi merveilleuses que les attentions de son aimé.

Elle lui dit qu'il avait la capacité de sauver les âmes égarées, et il lui répondit qu'il était également possible que ce soit l'inverse.
Suite à leurs échanges, elle se mit à genoux face à lui et prit son visage entre ses mains frêles. « je l'ignorais mais je t'ai cherché désespérément » Une phrase qui sonnait à ses propres oreilles comme un aveu sans limites. Il était sa vie, sa destinée.

Après plusieurs paroles échangées, son amant lui proposa une balade, rien que tout les deux. Elle se leva et lui tendit la main en réponse.
Il la gratifia d'une révérence, son magnifique et tout autant provocateur, sourire au coin de ses lèvres. « Gente dame, si vous voulez bien me faire l'honneur d'une balade romantique en ces contrées. J'assurerai votre protection, n'en doutez pas. »
Il l'amusa et elle entra dans son jeu en répondant sur le même ton, se sentant d'humeur espiègle avec lui.
Ses intention étaient bien évidemment très claires, et elle retint un petit rire en jetant un dernier regard à Linnae, s'inquiétant que son ouïe développée lui fasse entendre la nature de leurs... échanges.
Plus tard, ils reprendraient la route. Plus tard, il s'occuperaient de leurs compagnons à plumes et à poils. Mais pour le moment, ils souhaitaient juste profiter l'un de l'autre...

-*-*-*-*-*-

Dans la ville suivante, ils avaient fait quelques promenades, un repas accompagné des membres de leur familles, Lucian étant plus calme ce jour là, ils avaient profité paisiblement.
Plus tard en soirée, ils étaient allés se poser en taverne, Khaer la taquinant sur un jeu bien à eux, bien que cela soit au grand dam de la jeune femme. En effet, depuis son arrivée au village, et grâce à Marie qui avait lancé la blague, et à d'autres arguments de son cru, il se plaisait à l'appeler « Princesse », « Majesté » ou n'importe quel jeu allant dans ce sens. D’où les révérences répétées...
Chaque fois, elle levait les yeux au ciel mais, ne sachant répliquer, elle se promettait de réussir à riposter intelligemment la prochaine fois.
Quelque phrases échangées, des jeux de mots dont ils avaient le secret, et la discussion dériva sur des sujets plus personnels.
Il voulait en savoir plus, et elle répondit honnêtement à toutes ses questions, se sentant parfois en marge de la normalité bien qu'il essayait de la rassurer.
Elle avait raté beaucoup de chose, et n'avait pas eu une évolution « classique ». De ce fait, elle se sentait en marge des gens de son âge.
Il allégea l'atmosphère avec son humour, dont elle s'amusait à chaque fois, mais la sensation resta malgré tout.
Ils furent interrompus par une dame qui leurs souhaita la bienvenue au village, et ils entreprirent de lui faire la conversation.
Un peu plus tard, ils se retrouvèrent de nouveau seuls. Khaerdalis s’enquit de son état, craignant que leur échange, avant d'avoir été interrompue, n'ait mis la jeune femme mal à l'aise. Elle le rassura et ils reprirent à converser, partageant l'un sur l'autre, se découvrant encore, se confiant quelques craintes, surtout celles de la jeune femme, et de ses petites jalousies féminines...
Lui se montrait attentif, compréhensif, le compagnon rêvé et idéal, mais surtout : le sien.

Ils rencontrèrent de nouvelles personnes, notamment la dame qui les avait accueillis et son compagnon, ainsi que des petites filles bien vives. Tous passèrent un moment à parler avant que le couple de voyageur n'aille dormir dans une chambre à l'étage.

Ils reprirent la route à nouveau, s'arrêtant çà et là pour pique-niquer lorsque les endroits leur plaisaient, pour laisser Linnae marcher un peu, ou détendre leurs jambes avant de reprendre la route. Ils mettaient ces haltes à profit pour se câliner et se taquiner.

La jeune femme se rendait compte à chaque instant de la chance qu'elle avait de l'avoir à ses côtés. D'avoir été choisie parmi les « autres ».
Elle avait bien remarqué les regards sur lui avant leur départ, et elle se souvenait encore du dialogue et du comportement de l'amie du jeune homme. Ainsi que d'autres.
Et pourtant il était là, avec elle.
Elle savait que la vie ne serait pas toujours aussi parfaite, qu'il y aurait des petits moments où ils se confronteraient, car ils apprenaient encore à se connaître. Elle-même se découvrant encore à ses côtés. Il lui semblait même parfois qu'il la devinait mieux qu'elle ne le faisait.
Cependant, elle pouvait regarder vers l'avenir sans crainte, car elle avait confiance en leur amour.
Ils avaient décidé de faire un nouvel arrêt en dehors de la ville afin de se retrouver seuls le lendemain, voulant profiter de ces moments où ils pouvaient être intégralement dans leur bulle.

En attendant, elle profitait de leurs habituelles pauses avant de reprendre la route. Elle caressait sa cicatrice tout en le dévorant des yeux. Le découvrant et le redécouvrant à chaque instant.
Un éclat dans son regard, son éternel sourire en coin et soudain la tendresse de mua en étreinte passionnée, alors qu'il la piégeait entre ses bras robustes...
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"Audaces fortuna juvat"

Khaerdalis
Le retour vers la chambre s'était effectué dans le plus grand des silences. Antanasia montant les marches à grand-peine telle une marionnette désarticulée, guidée par la main bienveillante et salvatrice de son compagnon. Une fois parvenus sur place, Khaerdalis tenta de susciter un semblant d'intérêt pour la discussion chez la jolie blonde, mais celle-ci paraissait trop épuisée pour pouvoir réagir d'une quelconque façon. Il évoqua alors avec nonchalance l'idée de renouveler une partie de sa propre garde-robe. Non pas qu'il en eût véritablement l'intention, mais il connaissait les points faibles de sa dulcinée, et comptait bien en jouer. Le résultat fut celui escompté, car la réaction ne se fit guère attendre.
L'azur féminin s'éclaira aussitôt d'une étincelle nouvelle, dans laquelle pouvait se lire une myriade d'émotions. Comme si le simple fait d'aborder le sujet suffisait à raviver en elle une flamme momentanément éteinte. Il parvint ainsi à attiser un soupçon de curiosité et, selon toute probabilité, une part importante de désir. Elle l'imaginait probablement déjà arborer une nouvelle tenue seyante - et certainement très cintrée - qu'elle s'évertuerait bien prestement à lui arracher afin de laisser libre cours à ses envies. Heureusement pour elle, le brun n'était pas en reste, et ils mirent derechef en application certaines des idées qui leur avaient traversé l'esprit.

La tempête passée, la somnolence sembla gagner à nouveau la jeune femme. Mais une pensée jaillit sans prévenir, et elle lui demanda de bien vouloir patienter un instant tout en s'appliquant à fouiller dans ses affaires. Il l'observa avec amusement tandis qu'elle se démenait pour essayer de retrouver quelque chose, toujours dans une nudité dont elle ne semblait même plus avoir conscience. Elle finit par récupérer un paquet soigneusement confectionné, qu'elle lui tendit avec un sourire. Un grognement interrogateur accueillit l'offrande, et elle lui expliqua avoir pensé lui faire plaisir en lui achetant une gourmandise au marché, le matin même. Une douceur sucrée qu'elle refusa de partager, prétextant qu'il était le seul à pouvoir la déguster. Ce qu'il fit, non sans une pointe d'appréhension. En fin de compte, pas une seule miette ne fut épargnée, et le sort du mets fut rapidement scellé. Une petite sieste acheva de s'imposer aux amoureux dans l'attente du départ prévu, et ils s'endormirent dans les bras l'un de l'autre.

La soirée était déjà bien avancée lorsqu'une sensation étrange tira Khaerdalis de son repos. Il se redressa sur le lit et posa une main sur son ventre, manifestement en proie à une lutte intérieure. Des grondements féroces faisaient écho à des tiraillements tout sauf plaisants, et ses traits se muèrent en une grimace crispée. Un bref coup d'œil lui permit de s'assurer de la présence d'Antanasia à ses côtés. La belle était plongée dans un sommeil imperturbable, et étonnamment muet. De là à y voir un silence coupable, il y avait seulement un pas que son esprit s'empressa - plus ou moins - allègrement de franchir.
L'échine à moitié courbée, il sortit de la chambre dans la pénombre et tâtonna afin de se frayer péniblement un chemin dans le couloir. Il étouffa un juron lorsque son pied rencontra celui d'un foutu pot de fleurs que quelqu'un avait eu l'excellente idée de poser là. Il aurait bien pris le temps de s'imaginer féliciter vertement le responsable de la décoration s'il n'avait eu de préoccupation plus urgente en cet instant. Il dévala donc les escaliers avec une prudence qui ne sembla pas satisfaire les exigences de son estomac, et prit la direction de la sortie. L'opération "Latrines dans la nuit" était lancée, et son succès ne tenait qu'à un fil.

Le teint livide, il émergea dans l'arrière-cour de l'établissement sous l'éclat d'une lune blafarde, tel un vampire quittant son antre en quête d'une victime potentielle. L'astre nocturne avait un bien meilleur aspect que lui, et donnait l'impression de le narguer de toute sa hauteur céleste. D'un regard, il estima la distance qui le séparait de la cahute providentielle, et se fendit d'un long soupir à mi-chemin entre la complainte étouffée et l'envie de meurtre pressante. A la manière d'une animal blessé qui se terre pour agoniser, il s'engouffra dans la cabane située au fond du jardin après s'être à moitié écroulé contre la porte grinçante. Les haut-le-cœur se firent plus violents, et il tambourina plusieurs fois du poing contre la paroi en bois de l'abri de fortune tout en exorcisant le mal qui le rongeait.
Après ce qui lui sembla être une éternité, et alors qu'il commençait vaguement à reprendre ses esprits, il entendit la voix étouffée de sa compagne venue s'enquérir de son état. Il se redressa instantanément, peu désireux d'être surpris dans pareil moment de faiblesse, et pivota à temps pour réceptionner la chope tendue. Il articula un semblant de remerciement et vida le récipient d'un trait, puis se décida enfin à sortir. L'air inquiet d'Antanasia ne lui échappa guère, mais il préféra mettre fin à toute discussion éventuelle en affichant un air qui se voulait aussi neutre que possible, et refusa catégoriquement de repousser le départ à cause de ce léger désagrément. Il avait toutefois bien conscience de ne tromper personne, et lui fut intérieurement reconnaissant de sa discrétion et sa sollicitude sur cet épisode quelque peu embarrassant.

Il retourna à la chambre afin d'empaqueter ses affaires, et en profita au passage pour faire un câlin rapide à une Linnae visiblement préoccupée. Une fois le tout récupéré, il rejoignit à la hâte sa compagne à la charrette, suivi comme son ombre par la chienne au pelage sombre. Il lança à la jeune femme un regard qui semblait signifier "Es-tu vraiment certaine de ce que tu fais ?" et grimpa à ses côtés pour s'installer confortablement. Il récupéra la gourde tendue avec un remerciement de tête et en profita pour se désaltérer une nouvelle fois, avant d'en verser une part dans un récipient pour permettre au canidé d'en faire autant. Quelques vérifications de dernière minute furent effectuées, et tout le monde fut fin prêt. Le voyage pouvait enfin reprendre son cours.

Le trajet se déroula dans un calme absolu, mais non moins appréciable. De son côté, Antanasia semblait particulièrement absorbée par la conduite, veillant à éviter toute sortie de route imprudente ou autre accident regrettable qui aurait bien pu leur valoir un retard supplémentaire. De toute évidence, ce n'était pas un rôle auquel elle semblait habituée, mais force était de constater qu'elle n'était pas si maladroite qu'il aurait pu le redouter. Le brun l'observait de temps à autres, et ils échangeaient alors un sourire sans nécessairement avoir besoin de discuter. C'était l'un des aspects de leur relation que Khaerdalis savait apprécier. Les mots étaient parfois futiles, dispensables. Et tous deux savaient apprécier les instants de sérénité comme celui-ci, savourant en silence la présence de l'autre sans avoir à se sentir contraints de prendre la parole pour rester en harmonie.
Les effets de la fatigue finirent cependant par se faire ressentir. Les yeux de la jeune conductrice avaient tendance à se fermer d'eux-mêmes, et le convoi effectuait par moments de dangereux écarts sur le côté. Tant et si bien qu'ils décidèrent d'effectuer une halte en pleine nature. La prochaine ville pouvait bien attendre, aussi convinrent-ils de passer la nuit dans une clairière légèrement à l'écart. L'endroit était idéal, suffisamment proche de la route, tout en étant dissimulé par la végétation. Ils installèrent leur bivouac, et y passèrent une nuit paisible à la belle étoile.

Il se réveilla de bonne heure, le lendemain matin. Sa compagne était encore plongée dans le monde des rêves, et il resta quelques instants à la contempler sans chercher à la tirer de son sommeil. Il se redressa sur ses pieds, sous le regard attentif d'une Linnae jamais véritablement endormie. Elle demeurait constamment en alerte, attentive aux moindres gestes de son maître, et releva aussitôt la tête pour mieux le surveiller. Il passa un moment à la câliner et jouer à se bagarrer avec elle. Elle répondait en grognant et en donnant de violents coups de pattes qui provoquèrent l'hilarité du brun. Il aimait toujours ces moments de complicité, quand elle était suffisamment détendue pour se montrer réceptive aux jeux et taquineries. Chose autrement plus difficile lorsqu'ils étaient en présence d'autres personnes, a fortiori des inconnus.
Le duel se termina sur un ex-æquo et il lui proposa une promenade matinale, que la chienne s'empressa d'accepter à grands renforts de mouvements de fouet. Il lança un regard rapide à Antanasia, toujours assoupie, et quitta le camp en compagnie de Linnae, sans toutefois trop s'éloigner. Ils marchèrent tranquillement dans la forêt, profitant du calme matinal et de l'éloignement de la civilisation. Pour Khaerdalis, rien ne valait ces moments de quiétude loin du tumulte citadin. Il observait la "louve" en liberté, occupée à renifler quelques odeurs environnantes, et songea au moment où il l'avait recueillie. C'était quelques années auparavant, au détour d'une route boueuse, et chaque détail de cette rencontre resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Il lui adressa un sourire tandis qu'elle s'arrêtait une nouvelle fois pour le scruter, et siffla le signal du rappel. Il repartit au pas de course, rapidement suivi par une Linnae trottinante, et bien décidée à ne pas se laisser distancer.

Ils ne tardèrent pas à regagner le campement. Le souffle légèrement court, le ténébreux pénétra dans la clairière, où il s'attendait à retrouver une jolie blonde toujours aux prises avec Morphée. Il eut tout juste le temps de l'apercevoir qu'elle se jeta dans ses bras, s'accrochant à lui avec la force du désespoir. Il manqua presque de suffoquer sur le moment, et lui rendit son étreinte tout en balayant rapidement les lieux d'un regard inquiet. Lorsqu'il fut enfin assuré que tout était en ordre, il s'autorisa à la taquiner, et elle plaisanta en retour. Mais une certaine émotion demeurait palpable dans la voix féminine, et son cœur battait la chamade. Il apparut clair qu'il n'aurait pas dû la laisser sans au moins un mot pour la prévenir, et il se promit intérieurement de se montrer plus attentif à l'avenir.
Ils échangèrent un tendre baiser, comme pour célébrer leurs retrouvailles suite à une trop longue séparation. Malgré son côté solitaire et indépendant, lui-même devait bien admettre ne plus pouvoir se passer de la présence d'Antanasia. Et s'il n'en dévoilait rien, cela sonnait désormais pour lui comme une évidence. Ils s'installèrent un moment, profitant du temps à disposition pour discuter plus sereinement. Ils couvaient leurs compagnons animaux d'un regard protecteur, s'amusant ou s'étonnant de certaines de leurs réactions, et le jeune homme répondit aux questions de sa belle concernant le passé de Linnae. Les circonstances de leur rencontre, réunion de deux âmes errantes à la croisée des chemins d'une existence à l'horizon décadent. La comparaison avec leur propre rencontre fut pour ainsi dire inévitable. Le hasard leur avait permis de se retrouver alors même qu'ils n'avaient pas conscience de se chercher, unissant leurs destinées pour n'en faire qu'une. Et leur vie serait désormais commune.
La discussion se termina par une invitation du brun. Officiellement, il s'agissait une petite promenade forestière en amoureux, en parfaite innocence. Si la formulation était galante, la finalité n'en était pas moins dénuée d'implicites intentions. Mais chacun connaissait suffisamment l'autre pour deviner certaines de ses pensées, et ce fut avec un regard entendu qu'ils s'éloignèrent pour profiter d'un moment à eux. De préférence, sans se donner en spectacle devant leurs compagnons à truffe, bec et naseaux.

Le voyage reprit finalement son cours, et Khaerdalis n'eut pas à négocier bien longtemps pour récupérer son rôle de cocher. Sa dulcinée n'était certes pas une - trop - mauvaise conductrice de charrette, mais il se sentait généralement un peu plus confiant lorsqu'il prenait lui-même les choses en main. Le bougre avait ses habitudes, même s'il n'avait encore jamais réellement dirigé pareil convoi jusque là. Mais quand il se mettait une idée en tête, il était souvent assez difficile de la lui ôter. Et sa compagne avait bien dû le comprendre, car elle n'émit guère trop d'objections.
La route ne leur réserva aucune mauvaise surprise, et ils mirent ce temps à profit pour continuer de discuter et plaisanter tout en profitant des paysages qui s'offraient à eux. Ils traversèrent plusieurs contrées, et passèrent notamment un bref séjour dans un village plutôt agréable. L'occasion pour eux de croiser certains habitants, et échanger à propos de tout et de rien. Le couple eut également l'opportunité de se consacrer un peu de temps à l'écart, saisissant l'opportunité pour s'ouvrir et se confier toujours un peu plus l'un à l'autre.

Le lendemain, ils échappèrent une nouvelle fois à la civilisation, et la journée s'écoula à arpenter les étendues verdoyantes. Celle-ci fut ponctuée de diverses haltes, consacrées aux moments de détente et de relâchement. Rien ne les pressait, et ils étaient libres d'avancer à leur rythme en toute insouciance. Parfois, Antanasia réclamait un moment de répit en se plaignant de douleurs aux jambes ou aux pieds, et elle devait alors subir les moqueries de son compagnon.
"Sa Majesté souhaiterait peut-être que je la porte sur mes épaules jusqu'à la lointaine charrette ?" la railla-t-il en désignant le véhicule posté à seulement quelques pas de leur position. La réaction ne tarda pas, et il esquiva de justesse une botte qui partit s'écraser violemment contre un arbre. Une discipline qu'elle semblait avoir récemment adoptée, mais pour laquelle elle manquait encore de précision. Il considéra le projectile d'un œil expert en secouant la tête, et s'amusa de voir sa compagne contrainte d'aller récupérer son bien à cloche-pied tout en maugréant. A son regard noir, il se contenta de répondre par un sourire provocateur qu'elle ignora avec superbe avant d'aller brosser la crinière d'un Hélios qui n'avait absolument rien demandé.
Paisiblement assis dans son coin, il observait la maltraitance animale se dérouler devant lui. L'innocent équidé se vit affublé de tresses censées lui simplifier la vie, mais il perçut bien la détresse sous-jacente dans son regard. "Regarde cette malheureuse bête, jadis si fière et altière" déplora-t-il à haute voix, mais il ne put rien faire pour l'arracher à son triste sort.

Une fois sa sinistre besogne accomplie, Antanasia prit la direction du ruisseau à proximité afin d'entamer sa toilette du soir. Elle se déshabilla sans éprouver de gêne quelconque, et réclama comme si de rien n'était une chope à son aimé, prétendant en avoir besoin pour se laver les cheveux. "Parce que tu crois qu'en raison de ma profession, je me promène toujours avec une chope dans la poche ?" s'offusqua-t-il en réprimant un sourire. "Dans la charrette, idiot.." le fustigea-t-elle en le regardant avec insistance, mains sur les hanches.
Il lui répondit d'un grognement appuyé et se dirigea vers la charrette en question. Il échangea un regard compatissant avec Hélios, promettant de lui obtenir rapidement une capuche afin de retrouver un semblant de dignité, et prit délibérément son temps pour fouiller le fatras ambulant pendant que sa belle s'impatientait. Elle avait d'ailleurs achevé de se dévêtir, comme par provocation. Il récupéra une chope et une bouteille, puis s'installa tranquillement sur un rocher proche de sa naïade afin de l'admirer tout en se servant un verre de vin.
Ils se provoquèrent un moment par les regards et les paroles échangés, puis elle approcha de lui d'une démarche féline afin de lui subtiliser la chope et en boire une gorgée. La suite sembla s'écrire d'elle-même. Unis dans une étreinte passionnée, ils firent longuement l'amour aux abords du ruisseau. Leurs corps nus baignés par l'astre lunaire, ondulant au rythme des clapotis et de leurs gémissements de plaisir. Une soirée empreinte de magie et de volupté, durant laquelle ils s'offrirent un petit moment d'éternité.

La suite du périple se déroula dans une grande cité, pour le plus grand déplaisir de Linnae. La chienne restait prudemment sur les traces de son maître, tandis que le petit attroupement gagnait la résidence secondaire de Khaerdalis pour y passer la nuit. Il fit visiter les lieux à sa bien-aimée, et l'invita à prendre ses aises. Antanasia y était chez elle, et donc libre d'installer ses affaires comme bon lui semblait.
La belle ne se fit évidemment pas prier, et il eut à peine le temps de terminer sa phrase qu'elle était déjà vautrée sur le lit, son imposante malle dangereusement juchée près du rebord. "Encore un peu, et tu vas me mettre à la porte, si je comprends bien ?" ironisa le propriétaire légitime non sans une touche d'amusement. En guise de réponse, elle s'étala un peu plus tout en affichant un large sourire, puis l'informa de son intention d'aller acheter quelques éléments décoratifs dès le lendemain matin pour conférer à l'endroit un aspect un légèrement plus engageant. Une moue sarcastique se dessina sur les traits du jeune homme, et il débarrassa le lit de l'encombrant bagage afin d'y rejoindre sa compagne. Une bonne nuit de sommeil se profilait mais, avant cela, une petite mise au point avec sa moitié semblait s'imposer. "Tu ne verras aucun inconvénient à ce que je te rappelle qui commande ici, n'est-ce pas ?" murmura-t-il d'une voix empreinte d'autorité, un mince sourire flottant au coin des lèvres. Et à en juger par la posture et l'expression alanguies d'Antanasia, l'idée ne semblait effectivement pas trop pour lui déplaire.

Contrairement à ses habitudes, le brun émergea assez difficilement de son sommeil. La matinée semblait déjà bien entamée, et il considéra d'un œil brumeux les vestiges de la nuit passée. Les draps défaits et les affaires éparses témoignaient de l'agitation nocturne, mais sa belle manquait à l'appel. De toute évidence, elle avait mis sa menace à exécution, et s'était probablement rendue au marché ainsi qu'elle l'avait annoncé la veille. Il l'imaginait déjà dévaliser plusieurs échoppes, puis revenir avec quantité de meubles en tout genre et jeter l'ancien mobilier par la fenêtre.
Il s'extirpa du lit et s'empara d'un miroir pour examiner brièvement les traces de griffures zébrant encore son dos et ses épaules. "Tout de même.." marmonna-t-il en frottant sa barbe naissante d'un air songeur. Il enfila le minimum dans un souci de décence et rendit visite à Linnae, qui était couchée dans son coin. Accroupi devant elle, il la gratifia d'une caresse appuyée à laquelle elle s'empressa de riposter avec force léchouilles. "J'espère que tu as réussi à dormir un peu, cette nuit" s'enquit-il avec un léger sourire tout en lui gratouillant la tête, avant de se rendre dans la pièce voisine. Là, il prépara un baquet en vue de prendre un bain matinal pour délasser ses muscles encore engourdis, et profita un moment des bienfaits aquatiques. Son brin de toilette effectué, il revêtit des vêtements propres et retourna consacrer du temps à la chienne.
Un bruit sourd interrompit la séance de jeu, et aussi bien l'humain que le canidé tournèrent vivement la tête en direction de la porte d'entrée. D'autres sons succédèrent au premier, entrecoupés de paroles peu châtiées exprimant un mécontentement évident. Khaerdalis gloussa en reconnaissant la voix de son aimée, manifestement en proie à quelques difficultés d'ordre logistique. Bon prince, il alla ouvrir la porte et surprit une Antanasia aux prises avec un chargement pour le moins encombrant, qu'elle s'efforçait de traîner tout en récupérant des babioles tombées au sol. "Besoin d'un coup de main, peut-être ?" hasarda-t-il non sans un sourire narquois, auquel elle répondit par un grognement assorti d'un regard assassin. Il ne lui laissa pas le temps de protester outre mesure, et la déchargea d'une partie de son attirail pour l'emmener dans l'appartement tandis qu'elle le suivait en pestant.

Ils dédièrent une partie de l'après-midi à déballer les innombrables marchandises que la jolie blonde avait cru bon de rapporter, à l'exception d'un étrange paquet refermé par une cordelette qu'elle lui défendit expressément de toucher. Il n'en fallut évidemment pas davantage pour attiser la curiosité de Khaerdalis, qui lançait des regards circonspects à l'objet mystérieux tandis que sa compagne s'occupait de remettre la décoration au goût du jour. Mais la sournoise le surveillait du coin de l'œil. Sourcil arqué et index menaçant braqué sur lui, elle le rappelait à l'ordre dès qu'il osait esquisser le moindre geste suspect, et il en joua effrontément pour mettre sa patience à l'épreuve, ne ratant jamais une occasion de la voir s'agacer. Il avait également remarqué une certaine nervosité chez elle, à un moment où il s'était approché de sa besace. Il avait feint de ne rien remarquer, mais son observation avait eu pour effet de multiplier les interrogations muettes qui agitaient ses pensées. A croire que la jeune femme avait plus d'un secret à lui dissimuler..
Ses prédictions se vérifièrent finalement en fin d'après-midi. Après une partie de la journée consacrée au rangement intempestif des caprices de son Antanasienne majesté, celle-ci le congédia purement et simplement de sa propre habitation. Elle prétexta avoir une surprise pour lui, et insista pour qu'il l'attende dans la taverne attenante, le temps des préparatifs. Il protesta - calmement - pour la forme, et consentit à accéder à sa requête après lui avoir fait comprendre qu'il le faisait uniquement pour lui rendre service. Sous-entendu, qu'elle aurait tout intérêt à se montrer reconnaissante pour son geste. Il lui déroba un baiser fugace, et referma la porte derrière lui tout en prenant congé.

Les jambes croisées sur une chaise et le regard plongé dans le vide, il errait dans ses pensées. Flot abstrait d'images et de sons incertains, il voguait dans un imaginaire évanescent, loin du monde réel des mortels. Mais la rêverie prit fin, soudainement remplacée par une autre.
Elle était là. Dévalant lentement les marches, elle se révéla à lui comme jamais auparavant. Revêtue d'une longue robe somptueuse, sa chevelure dorée cascadait sur ses épaules à mesure qu'elle avançait vers lui d'un pas hésitant. Son visage était également paré de discrètes traces de maquillage qui se confondaient avec le rouge de ses joues. Elle l'observait timidement tout en triturant ses doigts avec une nervosité manifeste, et s'excusa pour l'attente. Puis elle resta immobile, lui donnant l'impression d'attendre son avis avec autant d'impatience que d'anxiété.
S'il n'en montra - peut-être - rien, le ténébreux en eut cependant le souffle coupé, et il se redressa aussitôt sur sa chaise. Voir la jeune femme lui apparaître ainsi, telle une créature éthérée jaillissant d'un songe nocturne, lui fit réellement prendre conscience de toutes les sensations qu'elle provoquait en lui, et de tout ce qu'elle représentait à ses yeux. Et en cet instant plus que tout autre, il réalisa à quel point elle était importante pour lui, et combien il l'aimait.
Passé le bref moment d'égarement, il vint à sa rencontre pour l'aider à prendre place, et lui affirma que l'attente en avait valu la peine. Ils restèrent un moment à se dévorer du regard en silence, tous deux comme hypnotisés, et elle lui réclama finalement un verre de vin pour se remettre de ses émotions. Il se hâta d'aller chercher deux chopes du breuvage demandé, et ils conversèrent tout en se taquinant un peu pour essayer de reprendre contenance. L'effervescence restait toutefois présente, et il fit semblant de ne rien avoir remarqué lorsqu'elle s'empressa de récupérer au sol un objet lui ayant échappé des mains. Ils reprirent alors à discuter et plaisanter comme si de rien n'était, ou presque.
Leur petit jeu se poursuivit un moment, puis elle finit par saisir sa main pour y déposer un écrin en velours noir qu'il ouvrit avec intérêt. A l'intérieur reposaient deux anneaux identiques, qu'il détailla avec minutie et émerveillement, et son visage s'éclaira d'un léger sourire à la lecture des inscriptions finement ciselées. Ils se remémorèrent la discussion qu'ils avaient eue quelques jours plus tôt, et leur envie de symboliser leur relation. Non sans une certaine émotion, ils échangèrent alors leurs anneaux comme pour sceller leur volonté de ne jamais se séparer, et d'unir à jamais leurs destinées.

Il commençait à se faire tard lorsqu'ils évoquèrent, presque à regret, l'idée de reprendre la route. Antanasia mentionna d'ailleurs l'existence d'un autre paquet à récupérer avant de partir. D'après ses dires, il s'agissait d'une caisse plutôt encombrante, ce qui ne manqua pas d'alimenter une fois encore la curiosité de son compagnon. Mais cette soirée spéciale ne pouvait guère s'achever de manière aussi impromptue, et il leur fallait encore récupérer leurs affaires dans la résidence.
Khaerdalis lui offrit donc gracieusement ses services pour la porter à l'étage. L'excuse invoquée étant d'éviter qu'elle n'abîme sa précieuse étole, et elle ne formula aucune objection en retour. Sa promise à bout de bras, il la conduisit à destination, tandis qu'elle commençait déjà à retirer sa capuche et sa cape tout en l'embrassant et le mordillant en chemin. Après tout, le départ pouvait bien attendre encore un peu..

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