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Novembre 1464, chronique de la vie dans un campement des armées, pendant la guerre en Anjou

[RP] Tout pour la France... ou presque.

Theodemar
[RP presque libre, ceux qui voudraient intervenir le peuvent, jouons, écrivons, amusons nous un peu... l'idée générale est quand même de centrer l'histoire sur Théo, Fanette et leurs amis de campagne comme Samsha, tous ceux là]

[Saumur - le Départ].

Les temps sont devenus difficiles. De mauvaises relations entre voisins, entre frères, entre eux et nous. Plus eux et eux que nous notons le bien. Quoi que, ce serait là l'occasion d'aller en découdre, se venger de l'Anjou qui lui avait fait passer une nuit dans les geoles pas très confortables de la prison ducale. N'avait il pas, auparavant essayé de prendre le pouvoir dans une ville pourtant de réputation aisée à soumettre ? On les avait vendus et forcément, attendus. De là à se faire écrouer, il n'en fallait pas plus...

Lui, parti loin dans le grand sud, en route vers le Languedoc, ces terres chaudes, baignées de soleil et dont l'accent chantant lui titilleraient l'oreille pour une longue et paisible retraite. Retraite du moins en apparence car si en matière d'armes ce serait le repos, dans les affaires il serait question d'ouvrir une maison de passe pour s'assurer une correcte subsistance, maison de passe dans les bas fonds de laquelle on préparerait quelques coups, comme au bon vieux temps...

Et puis, après les projets, et bien avant ceux là il y a les femmes, au nombre de trois : une rousse difficile à dompter, que dis je ? Impossible à faire reculer. C'était si vrai qu'ils ne tardèrent pas à voir une fois de plus leurs chemins se séparer jusqu'à ce que de nouveau, la vie les fasse se raccrocher ou pas. Et deux autres, sa protégée à qui il s'est attaché et la sienne, compagne rencontrée sur les routes et pour laquelle il ne connaissait pas le "non", elle discrète, attentive et très subtile, une eau tranquille dans le sein de laquelle il peut trouver la paix.

Un beau jour, sur la route du sud, une missive et puis une rencontre, l'ancien maire de Tolosa de qui l'homme est un camarade, il n'en faut pas plus pour raviver des rancunes pourtant sagement mises de côté contre l'Anjou. Pour la France, pour le roy, où plutôt la reyne car cette fois ci, il n'est qu'un sceptre qui fasse marcher aussi droit le royaume et non deux, comme de juste coutume.

L'ennemi donc, on le connaît et ça ferait grand bien de pouvoir y aller, commettre quelque délits mineurs ou majeurs sous le couvert de la guerre. La destination est connue, le temps de route aussi, reste à faire quelques provisions, prier le bon dieu que rien ne survienne qui soit de mauvaise augure sur la route et s'éloigner, plutôt se rapprocher d'une échéance qui lui serait soit fatale, soit banale mais somme toute glorieuse, comme chaque conflit auquel il aura pris part dans sa vie.

Parvenu à Saumur, Fanette enfin retrouvée le rassure quant à son état de santé. Elle qu'un lourdeau à eu l'ignoble idée d'inculquer eux jeux de l'amour peut désormais dormir sur ses deux oreilles, Théodémar, le vaillant se fera son plus pieux chevalier... pour toujours. Si si.

Et voici donc les soirées qui s'arrosent, les tables qui ne désemplissent plus de succulentes victuailles, on en oublierait presque la mobilisation générale du royaume contre le frère angevin auquel il devient temps d'aller expliquer l'art de faire des courbettes et de laisser en paix son voisin poitevin. L'armée sera bientôt formée, on parle même d'une couleur spécifique, histoire qu'on ait peur d'eux, le rose ! Du corsage aux fagnons en passant par l"étendard et le pommeau de chaque lame, les ordres sont stricts, il faut voir la vie en rose.

De rose pour le moment, il en est dans les soirées que Théo passe, auprès de ses amis de longue date enfin retrouvés et de cette enfant si grande, déjà femme et tellement fragile qu'est Fanette...
Lison_bruyere
Saumur, le 26 novembre 1464

Fanette avait pris ses marques dans la cité angevine, depuis ces dix jours passés. Elle avait accepté, malgré les blessures qui la tiraillaient encore un peu, de veiller à ce que le bureau du bourgmestre reste fermé chaque nuit, et qu'aucun saumurois ne puissent y pénétrer. La présence de Shaomye et de Dereck à ses côtés l'avait un peu rassurée, car elle se trouvait bien piètre défenseur, une boiteuse sachant à peine manier son épée. Sur le matin, quand les premières lueurs du jours écartaient le danger, elle allait prendre un peu de repos.

Elle vivait désormais au rythme des allers et venues des armées et de ses compagnons. Elle regardait partir les troupes, le cœur serré, et chaque jour, en leur absence, elle guettait le retour de ceux que l'on ramenait, espérant ne jamais reconnaître, dans les visages tuméfiés, souillés de boue et de sang, les traits de ceux qu'elle connaissait. Mais la guerre grondait à quelques lieues plus au nord, et il était illusoire de croire qu'aucun n'y paierait son tribu. Filou était tombé, et peu de temps après, son épouse Marylène, qu'une sale blessure avait contrait à abandonner le commandement de son armée. Fanette se souvenait d'eux, à Poitiers, quand ils s'affairaient dans leur taverne, ne veillant à rien d'autre qu'au bien être de leurs clients. Il leur faudrait quelques semaines sans doute pour se remettre de leurs blessures, mais au moins étaient-ils vivants.

La veille, les armées étaient de retour. Fanette s'étaient doublement réjouie. Non seulement, elle pourrait revoir ses amis, mais en plus, elle les accueillerait avec Lolizy, arrivée un jour plus tôt pour retrouver Théo. Pour cette fois, aucun d'eux, si ce n'est Filou et Marylène n'avaient eu a souffrir. Silurius dont l'épée s'était brisée en parant un coup, avait une légère entaille, mais il lui avait assuré que ce n'était rien d'alarmant et qu'au lendemain il n'y paraîtrait plus.

Mais où était Théo ? Quand la nuit avait repris ses droits sur la cité angevine, quand les hommes harassés avaient enfin posé leurs armes et ôté leurs cottes engoncées dans une carapace de crasse et de boue, personne encore ne l'avait revu. Un messager était venu la trouver, ruisselant de pluie. Il avait glissé devant elle le pli qu'elle avait envoyé au mercenaire. Un rapide regard sur le sceau intact avait suffit à la jeune fille pour constater qu'il n'avait pas été lu. Ses yeux s'étaient assombris en entendant l'homme lui jeter avant de s'en retourner, annoncer à d'autres de tristes nouvelles :

Damoiselle, nous poursuivons les recherches, votre ami n'est encore point réapparu ni n'a répondu à aucun appel, dès que le jour sera levé, nous ferons une battue.

Ce jourd'hui, la même inquiétude la tenaillait, l'angoisse sourde s'insinuait au fur et à mesure que le jour avançait, et ce n'est pas Lolizy qui la rassura, car la femme n'avait pas eu plus de nouvelles qu'elle. Fanette imaginait le champ de bataille, le sang qui ruisselait dans les ornières, sur les heaumes, les cottes, les boucliers. Sans doute que, bien à l'abri dans leurs tours de garde les arbalétriers angevins pilonnaient sans cesse les soldats poitevins et leurs alliés, tuant en priorité ceux qui actionnaient les trébuchets ou tentaient d'adosser les échelles aux murailles.

En contrebas, la jeune fille se doutait bien du fracas et du désordre, des hommes usant leurs dernières ressources, enjambant ceux tombés sans vie, pour se ruer sur les armées ennemies venues les repousser dans un corps à corps où la violence ne pouvait être qu'à la mesure de la haine qui animait les cœurs. Puis, quand les troupes battaient en retraite, abandonnant aux vautours les corps ennemis, ramenant à la hâte leurs morts et leurs blessés, n'était-il pas exclu que, dans la confusion d'une aube pluvieuse, les hommes harassés laissent derrière eux quelques compagnons d'armes tombés sous une flèche angevine ? Si Théo était là, gisant dans une ornière, sous la muraille d'Angers, le visage baignant dans la fange, et le cuir de son gambison traversé d'une flèche mortelle ?
Theodemar
[Portes d'Angers - Baptême du feu]

Bien que les adieux aient étés durs, dans ces cas là autant tout prévoir... Théo qui avait donné ordre très strict à Fanette de prendre note qu'il lui faudrait rejoindre les Carmes s'il ne revenait pas. Qu'il lui faudrait le faire une fois la chevalière de Théo récupérée, que cette bague d'or était plus une clef qu'un sceau, que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et vice versa, ces choses quelque peu maçoniques que Théo avait eu envie de lui confier, comme une mission sainte. Une fois les Carmes raliés, il serait question de s'entretenir avec le Père, lequel était lui aussi très au fait de ce que Théodémar, dans ses terres, avait une maison dans laquelle un coffre tenait enfermé quelque secret pareil au Graal.

S'il n'était question là bas que de lettres, de chartes et de textes, il y avait aussi toute une série de traités très peu connus qui parlaient en outre, de ces choses qu'un Albert Le Grand lui avait transmis par une filiation d'initiés, lourd était donc le secret qui en cas de mort, se retrouverait dans les mains de la jeune demoiselle, comme un imparable joug promis à lui peser sur les épaules telle la gloire des plus grands.

On savait beaucoup Théo passioné, aimant se réfugier des jours durant dans son appartement, dans quelques recherches, expériences alchimiques. Le mage autodidacte, pas si seul que ça d'ailleurs, lui qui avait tant voyagé pour courser le soleil, cet astre des lumières qui ne se laisse approcher qu'aux prix d'y brûler ses ailes... Théo donc, était un homme de sciences, comme de lettres mais surtout et avant toute chose, un mercenaire qui n'hésiterait pas à se faire porter mort si cela s'avérait nécessaire. D'ailleurs, il l'avait déjà fait une fois, quand l'Inquisiteur le traquait pour ses pratiques peu orthodoxes... Le voyage aux Indes étant devenu cette virée de Galerne qui pour lui serait salvatrice.

Le front. Les soucis de côtés mais pas encore assez. Le campement, un feu, de quoi se restaurer, de quoi boire entre amis, car la guerre c'est aussi des liens qui dans le sang versé peuvent se renforcer plus fort que toutes les alliances. Le peu de repos avant l'aube serait l'occasion de ressasser un peu ce qu'ils s'étaient dits tous les deux. Eux qui s'étaient jurés de se retrouver, l'une interdisant à l'un de mourir et l'un faisant promesse de donner de ses nouvelles pour rassurer celle qui ayant encore un coeur innocent, avait fait naître dans le coeur de cet homme un feu d'amour, mais pas de ces feux dont on brûle pour une femme, c'était plus spirituel, un père pour sa plus précieuse que fille.


[GUERRE ! GUERRE ! GUERRE !]

L'aube, les premiers rayons du soleil qui déchirent le voile de la nuit, une rosée fine et abondante, d'une qualité presque rare, fraiche comme le peut être une femme le jour de ses fiançailles... Les colones des armées du royaume de France en place, drapeaux, étendards, jamais on ne vit autant de Lys occuper tout l'espace, artillerie, infanterie attendant le signal, le premier coup de feu qui tiré serait décisif face à des angevins résolus à se battre pour on ne sait trop quelle raison, d'ailleurs, le grand frère français se bat sans trop savoir où il va. Du moins, est-ce l'avis de Théo qui doit bien être le seul à penser ça... Qu'importe, lui n'est là que pour casser de l'angevin, pour se venger d'une nuit passée en les geoles, nuit au cours de laquelle on l'avait copieusement battu, roué de coups, s'il en était revenu la machoire brisée, des côtes fêlées et un pied plâtré, il porte dans son coeur la même rage que celle de l'homme à qui on a tout pris, car ce fut bien le cas. Amis, compagnons de route et compagne, toute la troupe y était passée cette fois là. N'avait-il pas d'ailleurs longuement ironisé sur ce qu'il passerait une éventuelle convalescence à monter la prise du castel ducal...

Le chef d'armée, l'étendard rose flotant fièrement dans le vent ordonne que soient formés les battaillons. L'assaut se donne comme une salve qui veut déferler avec plus de hargne qu'il ne serait permis de le dire, les murs de la ville forte subissant des jets de pierres, ce sont plus de cent trébuchets qui s'arment et envoient leur gracieuses amitiés aux tourelles ennemies, lesquelles répondent par un tir coordoné de flèches, dans un concert de cris au milieu duquel du sang et quelques larmes illustre déjà le sort de nombreux blessés...

Une brèche, une autre. Un pan de mur qui tombe sous les assauts répétés des pierres si grosses qu'on est certain que Dieu nous aide à les y envoyer.... Des soldats ennemis sortent, l'épée en l'air, la lance droit devant, dans un même cris les armées royales chargent, cheveux, hommes à pieds dans un tumulte qu'on n'a plus vu depuis les grandes battailles du passé.

Théo hagard, fier, robuste, charge lui aussi, de son épée certie du ruban rose d'usage "Pour la France ! Sus aux félons !" la main du tout puissant au devant de lui, l'homme se bat avec vaillance, parrant là un premier coup, y répondant du pied ce qui envoie l'assaillant croupir dans un tas de ronces sis non loin. Nouvelle attaque, parade encore plus efficace, si son épée barre la route à la lance d'un fantassin, le soldat aux cheveux de jais se sert de son poignard pour lui transpercer le flanc, deuxième duel remporté. Grisé, rendu fou, îvre de victoire la lutte se poursuit tant et si bien que ce sont deux angevins qui voient notre héros leur trancher tantôt le bras, tantôt la cuisse. Et puis le grand combat, le vrai, celui qu'on ne dispute qu'une fois dans une carrière, devant lui un Goliath, celui sur les épaules de qui reposent tous les espoirs angevins... Théo, en bon David s'élance, de sa fronde lui fracasse le crâne pour le voir tomber à genoux avant de lui perforer le coeur d'un coup d'épée plus rectiligne que le serait un coup de scalpel chirurgical...

On sonne le tocsin... retraite, il s'effondre épuisé. La pluie tombe, dru, il laisse l'eau fondre sur son visage, un sourire béat sur les lèvres. Et puis, le clou du spectacle, Lolie, sa compagne lui vient, se penche sur lui, des larmes aux yeux, un sourire radieux sur les lèvres, les visages s'approchent, le temps d'un souffle et c'est un baiser qui s'échange, douce rançon bien méritée... Mais voici que contre toute attente, Lolie vient sur sa joue, d'une langue avide elle lèche, lèche tant et si bien qu'elle parvient jusqu'à son oreille. Théo surpris, pourtant bercé d'une douce joie... que cela fait du bien, mis à part la bave qui maintenant lui sert de fixant pour sa coiffe...

Un oeil s'ouvre, puis l'autre. Il sursaute et puis se rend compte que les honneurs ne sont ni plus ni moins qu'un attroupement de soldats cherchant à le réveiller, l'eau d'un seau n'ayant pas suffit à le sortir de son rêve, on a fait venir ce chien qui lui, a trouvé de quoi lui murmurer à l'oreille...

La battaille va commencer, et il faudra se montrer vaillant car s'il avait terrassé l'ennemi dans un rêve, la réalité en serait peut être toute autre.


[Des heures sombres]

Bien après que chaque camp se soit accordé pour une trève sanitaire, quand les premiers bilans dressés, le glas du retour à Saumur sonne. Toute l'armée fait retraite afin d'aller soigner ou enterrer les victimes et se réaprovisionner. Théo bien qu'épuisé par l'effort se fait une joie de retrouver son amie Fanette et Lolie qui elle, est arrivée à Saumur et l'y attend avant de ralier l'armée.

Seulement, voici que tout le monde rentré en ville, chacun pouvant pleurer de joie, ou à défaut de peine, on ne retrouv pas Théodémar.

Lorsque Fanette adressse un courrier, un page se charge de la commission mais, bredouille, il lui revient avec le plis qui n'a pas été ouvert... Mauvais présage ? Peut être pas...
Theodemar
[Saumur et alentours : grande battue]

Après avoir regagné les foyers, tous ceux qui sont encore en état de se battre restaurés et reposés se présentent au centre du village, sur la grand place où l'on dresse la liste de ceux qui ne sont pas rentrés.

Là où certains pleurent, d'autres se battent intérieurement, se rongeant les ongles ou retenant leur souffle. C'est que l'on à pas retrouvé toutes les dépouilles. On se dit qu'il faut chercher encore avant de confier aux bons soins d'un prêtre les âmes en questions, alors des cavaliers arborant un drapeau blanc prennent la direction du champ de battaille...


[Sur les chemins, captif parmi les libres].

Un mouvement à droite et une douleur aigue, pareil à gauche où un pic lui rentre dans le creux des reins, pas possible de poser les mains au sol pour se relever et se courber reviendrait aussi à s'empâler, il ne reste qu'une solution : ramper. Maugréant, maudissant ces ronces et surtout le bas côté sur lequel plus haut il marchait allègrement avant de chuter après avoir posé le pied sur un galet mal ancré dans la terre, chose qui le fit dévaler une pente abrupte sur plusieurs mètres de dénivelé. Sa tête avait buté sur un les restes d'un arbre centenaire tout craquelé des suite des vents d'un autre temps.

La faim, le froid et une étrange sensation au niveau du genoux lui font se souvenir que même au pays des plus forts il n'est qu'un homme fait d'os et de chair, voué à une incessante douleur.

Comment s'était - il retrouvé là ? Qu'importe, ce qu'il fallait c'était s'extirper au plus vite pour regagner la ville et rassurer les proches, Fanette mais aussi Lolie. Il rampe un long moment avant de faire face à un grand plateau près duquel court un guet, le temps idéal pour se rafraîchir et tel un animal sauvage, boire un peu sur le compte de Mère Nature.

A genoux, dans l'eau limpide son reflet le fait reculer. Il est tout sauf beau à voir, outre les contusions sur le front et les yeux il est rempli d'un mélange de terre et de sang. Théodémar se penche, de ses mains tremblante prend de cette eau si pure qu'il porte la bouche, avide. La froideur du liquide lui fait d'abord mal à l'intérieur puis le soulage peu à peu, alors il se rince le visage mais ce labeur est vain, le sang et la terre sont si tenaces qu'il lui faudrait une éponge à récurer.

L'hiver est un contraste entre la richesse de ses paysages et la pauvreté de ce qu'il propose à manger, point de fruits secs et encore moins de champignons, pas un poisson dans le ruisseau et bien sur, ni auberge ni commerce à la ronde. Il se lève, s'étire, glousse quelque peu de douleur avant de se mettre en marche...


[Retrouvailles]

"Hue, hue cavalier, une mélodie dans le vent, hue hue cavalier mon coeur ne battra plus longtemps".

Le quatro de cavalier est à l'arrêt, le capitaine prend sa longue vue et scrute au loin, les paysages s'ils sont restés les mêmes auront peut être à coeur de dévoiler quelques récents secrets... Il semble que là, plus avant, marche un homme dans un piteux état. On s'élance, on trotte jusqu'à trouver la monnaie de se quête.

- Halte là ! Qui êtes vous ?!

Surpris, les mains déjà en l'air et dubitatif quant aux étendards blancs qui devraient traduire une cordialité neutre plutôt qu'un ton martial Théo se plie à l'interrogatoire. Au garde à vous, il salue :

- Théodémar, soldat dans la Diva pour le compte du royaume de France.

Un silence, les cavaliers se regardent et puis l'un, qui le toise le questionne encore :

- Etes vous seul ?

- Je crois, je ne sais pas, j'ai glissé alors que nous faisions retraite et je n'ai croisé personne...

- Montez donc, nous allons rentrer.

Le cortège s'en retourne, les portes de la ville semblent à notre homme comme celles du paradis dans lequel au moins, il pourra se laver et se reposer quelques heures... L'auberge du village où il tient une chambre n'est plus très éloignée et c'est sans autre forme de procès que notre ami se rue vers les bains une fois arrivé...
Lison_bruyere
Salle commune de l'angevin défunt, lendemain du retour des armées.

Les ongles de Lolizy courraient nerveusement sur la table, Fanette couvrit sa main de la sienne.

Ils vont le ramener Lolie, on ne peut croire ce que disait le panneau. Tu sais bien qu'il a déjà fait mille combats et jamais la camarde n'est venue le faucher.

Elle ne disait cela que pour rassurer la femme à ses côtés, car en vérité, elle était tout aussi inquiète qu'elle. Depuis le retour du messager le jour précédent, elle s'était rongée les sangs, imaginant sa tristesse si on ne retrouvait pas le mercenaire vivant, ainsi que les épreuves qui seraient siennes pour tenir la promesse qu'elle lui avait faite. Zalome et Samsha s'était installés tout près d'elles quand la porte s'était finalement ouverte, balayant l'inquiétude à l'instant même ou les quatre amis avait vu entrer Théo, le visage tuméfié, l'œil à demi fermé, et la démarche incertaine.

Lolizy s'était précipitée, l'aidant à s'installer, le couvant d'un regard amoureux, mesurant la tendresse de son élan, de peur de lui faire mal, mais le sourire s'était résolument glissé sur son visage. Et Zalome, avec son invariable optimisme, avait lancé les hostilités ce soir là. Il faut avouer qu'il était manière plus glorieuse de gagner quelques cicatrices qu'en jouant à "il court il court le furet". Quand un autre arbore fièrement le coup de lame d'un perfide angevin, assurant qu'il ne se relèvera point de celui qu'il a donné en retour, Théo s'était battu avec un arbre, auquel d'inextricables ronces avaient prêté main forte. Ils avaient ri, et de bon cœur. Au soir venu, Lolie l'avait emmené, promettant d'exercer sur lui quelque médecine qu'elle avait commencer à étudier, et sans doute d'autres soins qui allègent l'esprit tout autant que le corps.

Au surlendemain, l'homme était ragaillardi, Lolie s'était enrôlée et la diva pouvait se remettre en ordre de marche, pour une courte mission de ravitaillement dans la plus proche ville poitevine. Fanette avait attendu leur retour, occupant ses nuits à surveiller obstinément la porte du bureau du bourgmestre, comme le lui avait soufflé l'époux de la Reyne. La dernière tentative d'effraction remontait à quelque jours, et les lames expertes de Shaomye, et des deux autres gardes avait suffit à éloigner le danger. Ces temps-ci, tout était calme et les saumurois n'opposaient guère de résistance. Grand bien leur en prenait, car si la jeune fille s'était sentie obligée d'accepter la mission, elle n'était guère convaincue de pouvoir être d'une quelconque efficacité.


Saumur, le 29 novembre 1464

La diva était revenue, Saumur résonnait du pas des soldats. Les tavernes partisanes ne désemplissaient pas. Chacun le verbe haut allait de son anecdote, mimant parfois avec force enthousiasme un duel dont il était sorti vainqueur. Une nouvelle offensive ne manquerait pas d'être mise en branle, mais, les informations sur ce sujet ne circulaient guère, car personne ne souhaitait dévoiler les plans des armées aux oreilles indiscrètes. Fanette s'était résolue à profiter de ses amis quand ils étaient là, sachant pertinemment chaque soir en les quittant qu'elle ne les reverrait peu être pas au lendemain. Triste évidence pour ceux qui restaient à l'arrière, mais, la situation était malgré tout bien moins dangereuse à Saumur, qu'aux portes d'Angers.

Le ciel était blanc ce jour là, et l'air glacial annonçait les premiers flocons qui marqueraient bientôt la fin de l'automne. Mais le froid n'était rien comparé à celui qui venait de saisir la jeune fille en cet instant précis où elle avait découvert ce pli que Nexan lui avait destiné. Elle était pétrifiée. Viendrait peut-être l'heure d'une colère salvatrice, mais dans l'instant, c'était juste le chagrin qui l'avait envahi, coulant dans son sang, s'appropriant son cœur qui tombait en morceaux pour se répandre dans sa chair, jusqu'au bout de plus petit de ses ongles. Il brouillait son regard, baignait ses joues, ses lèvres, emplissait son nez, sa gorge, faisant trembler tout entière la frêle silhouette.

Une nuit de plus n'avait pas suffit à épancher ses larmes. Au campement royaliste, les bannières des poitevins et de leurs alliés flottaient encore au vent. La diva était toujours là, mais Fanette ce matin n'avait rien fait d'autre que de rester prisonnière de sa peine, la tête affalée dans ses bras, sur la table d'une taverne déserte.
Des bruits de pas avaient fini par la tirer de sa torpeur. Elle avait relevé son visage chiffonné par les larmes, tenté d'essuyer maladroitement ses yeux d'un revers de manche, reniflant bruyamment. Peine perdue, Lolie et Théo s'étaient posé à côté d'elle, l'interrogeant d'un regard inquiet. La gorge nouée de la jeune fille n'avait su répondre que trois mots, avant d'étouffer un nouveau sanglot.

Il épouse Eléo !


Elle avait glissé d'une main tremblante le courrier vers le couple incrédule et s'était remise à pleurer.
Theodemar
(Quelle qualité d'écriture, très beau travail jd Fanette).

[Saumur - salle commune d'une taverne partisane].

Ils s'étaient enfin retrouvés. Théodémar remis de ses blessures avait pu profiter de la présence de sa bien aimée pour se revigorer et donner à d'autres parties de lui même l'occasion de mimer les élans de son coeur. Mais si la joie lui était revenue, une autre blessure allait surgir, sournoise celle là, terrible quand on sait qu'il déteste voir Fanette pleurer à cause d'un autre. Ce n'est pas qu'il ne veut pas de ses larmes, c'est que c'est son âme à lui qui pleure, solidaire, emplie de la compassion que seul un père puisse éprouver devant les yeux tristes d'une enfant pour l'amour de laquelle il n'est point assez d'heures dans le jour.

La nuit qui aura été courte voit se lever une journée peu ordinaire, un ciel bleu, un vent léger, un manteau de neige encore timide mais déjà limpide.

Ils se sont levés ensemble et décident d'aller déjeuner à l'auberge, car pourquoi faire autrement lorsqu'en temps de guerre, on n'a que rarement ce loisir.

Fanette est assoupie, sur une table au fond. Théo et Lolie la rejoignent mais quand ils la voient en sanglots, ils comprennent que ce n'est pas d'avoir fêté qu'elle y est restée. La jeune fille n'eut pas trouvé de mots qui soient plus à même de percer leurs coeurs, Théo pose la main sur elle et puis laisse s'exprimer Fanette qui de ses yeux rougis par la nuit dans laquelle son âme toute entière semble plongée n'a pas besoin de s'étendre sur les circonstances qui ont poussé son promis à un tel outrage.

La colère, l'incompréhension, l'envie de meurtre sur l'un ou sur l'autre et puis les mots de l'enfant, la paix qui revient mais déjà à nouveau, de sombres serments. Une litanie de verbes et de pleurs, un cérémonial dont tous se seraient bien passés en ces temps difficiles où l'on ne sait plus à quel saint se vouer. Une chose est pourtant sûre c'est qu'au delà des consolations, de la compréhension et de l'aide apportée à Fanette s'il leur faut perdurer et travailler chaque jour à ce qu'elle sente mieux, ça sera fait. Hors de question même d'aller encore se battre sans être sur que tout lui va bien.

Dans l'attente d'ordres nouveaux les journées se passent à tenter de consoler Fanette, comprendre pourquoi car c'est chose bien étrange que de revoir l'avis de son coeur en si peu de temps... A moins d'avoir vendu son âme, d'être devenu un sous être... Les temps viendront assurément où des regrets se feront jour mais en ces temps là, il suffira de rappeler avec quelle indifférence ceux qui n'ont plus que les lamentations pour compagne se seront réjouis de noces en papier dont la ferveur aura été peau de chagrin. Qu'importe après tout, la rançon qui se pourra prêter au manque de loyauté des uns pourvu que cesse de saigner les coeurs nobles ?
Theodemar
[Les chemins - En marche vers la gloire].

Les armées se sont remises en marche, le son des tambours qui rythment le pas des hommes dans une litanie qui ne cesse pas, on implore, on invoque, le rosaire dans la main de certains pour les uns, l'épée doublement serrée pour les autres. Les porte drapeaux en tête se font plus fiers que le serait la nation toute entière car on parle de la dernière des dernière, d'une nuit de bataille qui n'aura de mémorable que le fait d'avoir été plus grande, plus audacieuse, plus fervente, plus lourde en pertes humaines que l'auront été toutes les guerres du passé. On le sent, on le sait, on marche vers ce but commun, ce reflet lointain des aspirations de ceux qui depuis des semaines font et refont les navettes entre deux villes au sort tant incertain qu'il devient vital de le sceller une fois pour toutes.

Les étendues vertes qui avaient jauni puis viré au brun sont maintenant d'un blanc que seul les débuts de l'hiver ont le secret de si bien composer. Là un peu plus qu'ailleurs, ici juste ce qu'il faut, le manteau immaculé s'est déployé durant la nuit et quelques flocons tombent encore comme pour faire se souvenir que la neige, c'est une affaire sur laquelle nul homme n'aura jamais aucune emprise. Les pas marquent un sol indifférent de savoir qui c'est qui le foule et bientôt déjà, leur souvenir s'estompe au gré de neiges plus drues.


[Portes d'Angers - bataille].

Les hommes sont en place, en rang serrés selon qu'il sont à cheval où à pied, qu'ils sont armés lourdement ou léger. Dernière revue, l'assaut est proche. Le temps se suspend, les souffles se coupent.

Devant, des murs ! Et bien avant, à quelques encablures d'interminables colonnes qui toisent, défient du regard. Les oriflammes de la nation félonne font face à ceux de la nation France, les chevaux cabrent, on lève haut les sabres et les plus beaux uniformes hurlent à qui mieux mieux qu'il faut foncer, ne faire qu'un seul et même corps.

En même temps les trébuchets se détendent, les cordages claquent et le ciel s'obscurcit par endroits... des pierres plus ou moins grosses s'écrasent au sol avec ou sans soldat dessous elles tandis que les flèches balaient les premières rangées, celles qu'on avait disposé comme chair à canon, des rangs essentiellement constitués de condamnés à mort, de volontaires qui deviennent ainsi les premiers martyrs de cette bataille.

On introduit jusque la bouillie pour faire frire qui aurait l'audace de trop s'approcher des murs et on renverse les échelles après que plusieurs s'y soient cramponnés. Un tumulte, un charivari, pas un chat n'y retrouverait ses jeunes tant la mêlée se fait confuse.

Dans la plaine, deux phalanges se défient bouclier contre bouclier et si parfois un pic se fraie un chemin c'est en vain qu'il vient mourir contre les cuirasses et autre cotes de maille.

Repos.

On se cherche, on se réorganise et déjà les premiers bilans se dressent. L'un compte ses morts tandis que l'autre est encore affairé à les ramasser. Et quand les novices ne sont plus en nombre, quand la faucheuse à pu se repaître d'assez de jouvenceaux vient le tour des chevaliers, combattants émérites et autres orfèvres de guerre.

Combien de veuves, d'orphelins maintenant et quels espoirs de gloire s'effondrent avec ces jeunes et vieilles gens.

Nouvel assaut.

On crie, on hurle, les ordres fusent dans le feu d'une action qui reste indécise. Parfois les herses s'ouvrent pour permettre le rapatriement des blessés et quand ce n'est pas dans le but de porter secours aux faibles c'est pour lancer dans le combat de nouveaux renforts plus aguerris, plus farouches et décidés à en finir avec l'envahisseur.

Théo se lance l'épée ferme, la fougue de ses premiers combats retrouvée il se sent vivre à nouveau. Il attaque, pare des coups, trébuche et puis se relève, c'est un fort vaillant officier qui exprime ici, à Angers, ce que les nombreuses campagnes lui ont appris de mieux en matière de combat rapproché.

Mais toute gloire n'est elle pas vaine ? Toute gloire n'est elle pas éphémère ? Une salve de flèche dont on n'attendait pas une telle précision fend l'air et vient faire mouche. L'épaule, le bras et le genoux sont touchés simultanément dans ce début de mise à mort qui se veut imparable. Un angevin arrive rapidement suivi d'un autre et c'est à trois qu'ils se retrouvent à dépecer ce pauvre homme promis à de longues heures de tourmente.

On se saisit de lui, on l'emmène pour qu'il vive parmi les captifs. Trop entamé que pour pouvoir résister il se laisse donc faire, les yeux clos et une prière à fleur des lèvres, un dernier réquisitoire pour son aimée qui avait gagné la guerre avec et pour lui, celle à qui il jurait encore la veille protection et assistance en toute circonstance, peut être qu'avec cette captivité sonne le glas de leur vie commune, peut être alors qu'elle survivrait et trouverait autre homme plus à même que lui de pour réussir là où il vient d'échouer.


[Trois jours plus tard].

Ceux qui l'avaient cherché le trouvent gisant à même le sol. Il respire mal, on décide malgré tout de l'emmener et c'est sans ménagement qu'on l'enlève pour le disposer sur un chariot où d'autres corps le rejoignent, tous ont un point commun : ils sont tombés pour la France.
Lison_bruyere
Theodemar
[Saumur - Hospice des grands blessés].

Couché, endormi tel un gisant silencieux, amorphe Théodémar vient d'être opéré. Cela fait des heures qu'il aurait du se réveiller mais la surdose de douleur aura tôt fait de prolonger son sommeil, ça et les baumes, cataplasmes et autres mixtures qu'on donne à ceux qui à bout de nerf n'en peuvent plus d'hurler leur mal.

Défiguré, un bandeau lui tient lieu de suture pour ce qu'il reste de sa joue tranchée en deux, ce ne sont pas moins de douze points qui auront été nécessaires pour recoller l'ensemble et y rendre un semblant d'unité. Ses épaules comme le torse libéré des restes de flèches qu'on avait pas su lui arracher sur le champ de bataille et qu'il à fallu cautériser de même que sa jambe gauche qu'on a du mettre dans une atèle solidement harnachée au moyen de ceintures en cuir de vachette et le petit cache sur les deux yeux brûlés avec on ne sait quelle conséquences pour la vue, notre homme est enfin paré pour la convalescence... Dieu seul sait combien elle sera lourde, longue et difficile mais n'a t'il pas résisté à pire situation dans le passé ? Entre survivre à la nage hivernale en haute mer des suites d'un naufrage et la morsure d'un serpent aux Indes il en aura vu se suivre des occasion de faire danser la faucheuse avec toujours la promesse que la prochaine serait peut être la bonne...


[L'hospice - un réveil difficile].

Un jour, une nuit, un demi jour encore. Toujours aucun signe de vie, point d'éveil en vue et si l’aumônier s'attarde à son chevet ce n'est que pour s'en aller prier pour d'autres qui peut être sont eux, à la croisée des chemins. Quant aux médicastres qui passent prendre le pouls, le constat reste le même : il dort. Il dort du sommeil du juste, il dort d'être assommé, de n'en plus pouvoir et il faut seulement prier, espérer et croire.

Et quand, repu de médications qu'on lui glisse de force entre ses lèvres désèchées par la soif il remue, que l'infirmière se recule et joint ses deux mains pour dire au bon Dieu qu'il est temps de nous le rendre maintenant, que le blessé se relève, prend la station assise et qu'on se sent prêts à crier au miracle on déchante aussitôt devant la scène de terreur qui se joue alors... Théo, plus de trente cinq ans, toujours avide de découvertes, homme friand de tout ce que la nature peut donner de merveilleux à voir ne voit plus ici que du noir, on se demande s'il le pire n'est finalement pas à craindre. Un docteur, un autre et finalement quelque spécialiste en science occulaire se pressent à son chevet mais c'est d'abord de poigne qu'ils doivent user plus que de mots car dans un accès de peur, d'hystérie, l'homme hurle et remue tant et si bien qu'il tombe du lit, par terre il rampe, se tourne et se retourne, se met debout comme pour fuir le temps de quelques foulées parce que n'y voyant rien il trébuche dans quelque fauteuil posé là.

On l'apaise, il hurle sa douleur. On lui parle, il se débat voulant presque tuer tout ce qui vit alentour. La folie d'un homme malade est pire que celle de celui qui va bien car si une n'a point de limite l'autre paraît surnaturelle et c'est après un quart d'heure qu'il se reprend, le souffle saccadé et pose les questions dont les réponses font tout sauf rassurer. S'il ne voit plus c'est peut être du à sa chute, peut être à autre chose et c'est potentiellement irréversible...

On lui parle lentement, comme à un enfant à qui on dit que peut être, un jour, ça ira mieux quand persuader un irrépressible sceptique serait chose plus aisée.

Théodémar déglutit. Il veut bouger mais il a tellement mal, son corps n'est plus qu'une douleur, une incessante plainte, quelque chose dont il se sent perdre l'usage, peu à peu. Il se laisse donc prendre et mettre au lit, demande qu'on fasse parler de lui à ses amis et surtout sa compagne, que tous sachent qu'il vit encore mais déjà dans sa pensée il se dit que son état est peut être pire au fond...

Au lendemain, après avoir perdu le sens de la vue c'est autre chose qui le trouble, il se sent l'envie de vomir, pris de nausée comme jamais ça ne lui était arrivé, il se penche sur le côté et sans avoir eu le temps de quémander qu'on vienne lui porter un récipient se met à cracher, c'est consistant, granulé et ça goûte le sang. Son ventre si dur au toucher semble abriter un estomac dans lequel, des cailloux et du sable se sont retrouvés par on ne sait quel artifice et s'il remet abondement il n'en respire que moins aisément, ses conduits eux aussi obstrués par on ne sait quelle substance qui quand elle sort lui fait mal, horriblement mal.


[L'auberge - retrouvailles difficiles mais heureuses].

Quand Théo compte les jours ça en fait sept. Sept jours qu'il n'a point mangé solide, qu'il n'a plus senti non plus la lumière du jour sur son visage, qu'il ne voit toujours pas. S'il peut boire un peu d'eau et se faire un repas d'une bouillie qu'on lui sert il peut aussi marcher au moyen d'un déambulateur qu'on lui a généreusement offert le temps qu'il se porte assez bien pour le troquer contre une canne.

Vient donc le temps de se faire conduire à l'auberge et de pousser la porte d'un endroit dans lequel son fil d’Ariane est la voix qu'il reconnaît pour celle de Fanette.

Tant de choses à se dire, à raconter l'un comme l'autre et surtout des nouvelles à prendre, alors en tout premier lieu s'il demande si on a vu Lolie il laisse le temps à son amie de l'étudier, qu'elle se rende compte du point auquel une guerre sait vous changer dedans comme dehors... car ce doit être un choc pour la jeune de retrouver Théo que quelques jours avant elle taquinait encore, bien de s'imaginer l'état dans lequel ce dernier reviendrait...

Le temps de quelques pleurs, quelques mots, on se serre, on s'embrasse, on se dit que tout ira mieux maintenant que l'on est ensemble et pourtant, il reste tellement à faire et à refaire surtout...
Lison_bruyere
La nuit vient de tomber sur ce troisième jour de décembre. Dehors, quelques rais de lune irisent subtilement la neige de ses touches d'argent. A l'auberge du rempart, la pénombre du soir emplit la pièce autant que le léger fumet d'une cheminée qui refoule à peine. Les flammes jettent leurs ombres dansantes sur les murs, et le jour s'accroche au halo des chandelles tremblantes. Fanette rumine, mais pour l'heure elle ne sait plus si c'est son chagrin ou sa colère. Elle a failli aujourd'hui encore, n'a sans doute pas cherché Théo au bon endroit et n'a rien osé écrire à sa compagne, qui se bat vaillamment plus au nord, dans l'espoir de nouvelles meilleures. Nexan a retrouvé la jeune fille un peu plus tôt, jouant encore, si ce n'est pour elle, au moins pour le mercenaire, les preux chevaliers, en promettant de le chercher de son côté. Fi des promesses, alors qu'une fois de plus, il vient par son indifférence décomplexée de piétiner son cœur qu'il avait déjà brisé quatre jours plus tôt.

Fanette pose un regard distrait sur la silhouette qui pousse la porte. L'obscurité l'enveloppe encore, pourtant la stature et l'épaisse tignasse sombre, semble avoir quelque chose de familier. Elle l'examine et le sourire oublié des derniers jours vient étirer ses lèvres. Elle se lève, l'appelant, tout à la joie de son cœur qui s'emballe, tandis qu'elle marche vers lui, contournant les tables qui leur font obstacle, qu'elle imagine déjà le courrier rassurant qu'elle pourra écrire dans l'instant à Lolie, ses yeux se refusent à l'évidence. Le corps est courbé, les pas rendus mesurés et hésitants, par cette jambe enserrée dans son carcan de bois et de cuir. Ce visage, que Fanette découvre au fur et à mesure qu'elle s'avance vers lui, a perdu son air déterminé et fort. La souffrance et la faim l'ont creusé, les cernes violacées se font jour, même à la lueur faible des flammes, et la joue raccommodée prolonge un étrange rictus de la commissure des lèvres jusqu'à la pommette. Il ne la regarde pas. Sa main tâtonne, cherchant le passage que ses yeux ne peuvent voir. Elle comprend, mais il faut faire face, être forte, ainsi que l'a demandé Lolie. Elle s'efforce de chasser les larmes qui brouille sa vue, et s'approche tremblante, saisit sa main, s'assurant de la chaleur qui coule encore dans les veines, l'épaule, le guide et l'aide à s'installer.

Elle ne sait se réjouir de le voir ainsi, de l'entendre raconter le terrible récit, les supplices, les siens comme ceux de plus infortunés, tombés avec lui aux mains ennemies. Ses paroles sont dures mais ne la surprennent guère, faisant écho aux récits d'Eléonore, quand elle parlait du bourreau angevin qui occupait son cœur et ses pensées il y a peu de temps encore. Elle lutte, tandis qu'il parle, doucement, ménageant quelques pauses pour reprendre un souffle difficile, entrecoupé de douloureuses quintes de toux. Elle lutte et finit par la trouver, dans sa voix chevrotante, dans l'ébauche d'un projet, cette étincelle, cette envie qui l'habite encore, aussi ténue soit-elle. La camarde a raté son rendez-vous. Sa compagne doit savoir, au plus vite, alors, elle noircit rapidement d'encre ce vélin qu'un messager pourra peut-être lui faire parvenir. Elle rassure Théo sur le courage de sa dulcinée, décidée à n'épargner aucun des félons qui l'ont fait plier. Sa hargne la mettra à l'abri, elle sera bientôt là. Tout ira bien à présent.

Les jours suivants se passent au rythme des progrès infimes et des nouvelles qu'on envoie, espérant que Lolie les reçoivent. Fanette ne sait se substituer aux soigneurs, mais elle s'efforce d'être les yeux du mercenaire, et son appui quand il veut empêcher son corps de se rouiller dans l'immobilité d'une paillasse. Elle tamponne son visage d'eau fraîche, porte quelque boisson à ses lèvres quand ses mains tremblent trop pour tenir le gobelet de terre, prépare des bouillies, et veille régulièrement, à ce qu'il ne manque de rien. Elle ne peut guère plus, mais elle fait de son mieux, s'endormant parfois sur le fauteuil de bois qu'on a posé dans un coin de la chambre aménagée pour lui par un cabaretier compréhensif, au rez-de-chaussée de l'auberge. Mais Théo est vaillant, et le retour prochain de sa compagne le pousse sans doute à recouvrer ses forces plus vite, puisant dans ses ressources pour se donner meilleure allure. Les plaies sont là bien sûr, mais d'un jour à l'autre, il semble à Fanette qu'il se courbe un peu moins, qu'il pèse moins à son épaule quand elle l'aide à marcher. Un soir, elle l'abandonne l'espace d'un instant, croyant avoir aperçu Satyre et courant quelques pas pour la rattraper, et le mercenaire, loin de l'attendre, gagne seul la salle commune d'une taverne. Elle le cherche, presque amusée de le voir malgré sa cécité et ses blessures, lui fausser compagnie. Elle en aurait ri même, si elle ne l'avait retrouvé attablé avec Nexan aux royales divines.
Theodemar
[Saumur - rémission lente mais assurée].

Dans cette salle commune ils se sont retrouvés. La joie, la colère, l'inquiétude, la surprise, le regret et l'espoir. Tant d'émois, tant de contrastes. Robuste et fier qu'il était hier, faible et humble aujourd'hui. Tenace et à le chercher toujours qu'elle était, rassurée mais inquiète aujourd'hui. Si l'empressement des retrouvailles cède aussi facilement la place à l'effroi, au constat des stigmates on peut néanmoins se réjouir d'être à nouveau réunis, ici, une vie nouvelle est en suspens, une vie nouvelle prend le pas sur l'ancienne et les pugnacités du passé basculeront du terrain des conquêtes sur celui de la survivance d'abord, du maintient ensuite pour peut être voir éclore de nouvelles ambitions... Sait on jamais.

L'homme est si faible que l'aide donnée par Fanette lui est salutaire. Elle le guide, le porte, l'installe, doucement sans hâte. Promesse nouvelle qu'ils se font, lui d'être là auprès d'elle et elle d'être pour lui le bras, le pied, les yeux, l'appuis sur lequel il devra compter le temps qu'il se porte mieux, voire au delà...

Il se confie, lui explique et lui raconte dans le détail et si quelque fois il éructe du sang encore caillé, si les larmes lui viennent et coulent avec l'aisance d'un enfant il n'en perds pas le nord pour autant et se souvient qu'autant blessé qu'il puisse être, Fanette saigne dans son coeur. Alors il tente de donner le change, l'écouter quand elle a besoin de parler, la rassurer quand elle se montre incertaine mais qu'est ce qu'un vieil homme, boiteux, tremblant de part en part et aveugle de surcroît peut encore garantir à une femme en devenir ?


[Saumur - le temps qui passe jamais rien n'efface].

L'homme et la jeune femme se trouvent une sorte de routine. Elle l'aide dans les opérations de la vie quotidienne, lui donne le manger qui durcit et varie au gré des jours qui passent, fait pour lui le courrier et donne la lecture, elle préside à sa rémission au quotidien et jamais sans perdre aucune patience, s'amuse de le voir reprendre du poil de la bête,un peu de forme ici, un peu de corpulence là, l'hiver dispense ses bienfaits au dehors tandis qu'au dedans, c'est tout un été qui se déploie fidèlement dans ce petit bout de femme dont il sent plus que jamais le petit protégé.

Un soir vient comme Fanette l'avait promis où c'est Lolie, sa chère et tendre compagne qui se retrouve à la table "familiale". Si l'aimée montre toute la grandeur de son âme, toute la discipline d'une femme qui sait se tenir auprès de son amant elle n'en dévoile pas moins une certaine compassion qui le touche en son coeur. Et quand vient pour elle le temps de s'en retourner au front, pour Théo ce sont des inquiétudes qui germent aussitôt balayées par un élan de confiance, elle n'a jamais failli, pourquoi commencerait-elle ?

Vient aussi le temps de se faire des amis, de découvrir des gens, à défaut de visages quelques traits de caractère et des histoires qui n'ont en commun que le propre d'une situation toujours différente. Ainsi, vient un soir où alors que la jeune femme avait cru voir Satyre passer devant, ce même soir où elle se précipite après avoir pris congé, Théodémar peut lui faire toute la démonstration des bons soins reçus au jour le jour...

A force de rester au même endroit on s'en fait la carte. Il le démontre, lui qui est habile à décrypter le coeur des femmes sait aussi se retrouver dans une ville dont désormais pas un sentier n'a encore de secret. A force d'écouter, d'observer, de se laisser conduire et guider, se retrouver par le jeu des sons devient aussi clair qu'y voir en couleur...

Mais survient alors l'imprévu. De se trouver en la même ville que d'autres on en finit toujours par se croiser au détour d'un chemin, et ici c'est dans la même auberge, même salle, même table...

Nexan, l'homme à l'origine du malheur de Fanette, celui pour qui elle a déjà versé tant de pleurs que Théo s'est évertué à essuyer dans le seul silence d'une rancoeur si forte que c'est comme si lui même en avait souffert. Les deux hommes discutent mais très vite le semblant de paix s'ombrage et fait place aux reproches et leur lot de promesses. Le jouvenceau jure donc à Théo qu'il viendra un temps où c'est en lice, à la faveur d'un duel qu'il faudra s'expliquer... Quel homme peut on être pour défier un aveugle ? Et fier, peut être imbu de lui même, dans un air suffisant et rempli de mépris Théo accepte ce duel qui signera, en toute logique la mort de l'un ou l'autre...

Fanette qui de nouveau pleure, Théo qui tempère, Nexan qui jure. Décidément l'adage qui veut qu'eau et feu ne peuvent se conjuguer s'avère bien vrai.

La nuit, les jours prochains promettent d'être agités. Théo convalescent se fait ramener par la jeune fille à qui il ne manque pas de chercher à donner un peu de réconfort... Mais quels mots sont un baume efficace quand c'est d'amour que l'on se meurt ? Cette soirée devient une occasion de plus pour les deux amis d'évoquer ce Dieu dans lequel Théo semble avoir toute confiance et dont il se plait à parler à Fanette.
Theodemar
[Saumur - guérir pour mieux rebondir].

Du temps à passé. Des semaines, des jours, leurs heures et leurs minutes que l'on finit par compter quand il n'y a que ça à faire. Attendre, toujours patienter, autant qu'il est permis de le faire. Les soins donnés à l'hospice, à l'auberge, les baumes passés sur les plaies ont fait leur oeuvre, dès maintenant se lever et marcher seul, se montrer vivace n'est plus un rêve, c'est possible et mieux encore, porter l'épée, se protéger à l'aide du bouclier.

L'aveugle n'en démords pas il lui faut cette guerre, cette battaille, ce chemin vers la gloire car il a juré et promis. Mais il ne voit plus. S'il peut se battre en aveugle, comme on le lui avait appris avec un bandage sur les yeux et dans un lieu plus ou moins connu, du moins étudié par l'écho c'en serait autrement dans le tumulte du front.

Il sent l'effervescence dans les rangs, on se dit chaque jour que ce soir sera le bon, que la marche va reprendre. Et quand on se rend compte que le départ est reporté ce n'est que pour mieux préparer l'ultime assaut.

Théodémar ce matin là, demande à Fanette avec qui il partage le tabac de sa pipe en émail de l'aider à gagner la chapelle, ou mieux, l'église. La jeune femme obtempère, sans doute emportée par l'élan de foi de son vieil ami lui expliquant que c'est là le seul moyen de recouvrer la vue...


[Eglise de Saumur].

L'édifice plus que milénaire n'a rien à envier aux grandes et fort belles cathédrales d'Île de France, ah que néni ! Majesté, ferveur, amour du Très Haut se dénote à chaque pas, se dévoile et se lit dans ces fresques peintes ici et là, dans les coups de burin qu'un pieux sculpteur aura donné pour déclamer dans le roc sa plus intime, profession de foi...

Théo, biensur n'y peut rien voir. Il se laisse guider vers le choeur devant l'autel, là il se met à genoux et entre de ses yeux clos, de ses mains jointes en oraison.

Un temps passe, assez long, tout ce qu'on peut entendre des lèvres de théo, outre son souffle court n'est qu'une psalmodie... dans un latin presque scolaire, l'homme se confesse d'avoir tant péché, d'avoir tant omis, d'avoir si peu prié pour lui ou autrui. Et sexte sonne qu'il est encore occupé dans sa prière... Il ne se redresse qu'après avoir offert de son temps, de ce qu'il a en lui et pas avant que None ait tinté au carillon... La prière n'est elle pas avant tout oeuvre de persévérance ?..

Il ouvre les yeux, déjoint ses mains et cherche à se relever, un pas qui hésite, les pieds engourdis par la génuflexion qui s'est étendue dans la durée.

Mais voit il seulement ? Ah que néni... Sans perdre un once d'espoir, sans rien dire et dans la plus totale soumission à cette volonté divine qui lui a fait perdre un usage si précieux qu'est celui de ses yeux, l'homme se retourne sur Fanette, lui faisant comprendre qu'il est temps, si elle le désire, de s'en retourner...


[Dans sa chambre].

L'homme s'étant fait reconduire chez lui à l'auberge, non content de ce qu'il vient d'offrir sort alors le rosaire et le récite d'une voix à peine audible, à son côté Lolie dort du sommeil du juste mais lui sait qu'il y a encore fort à faire...

Après avoir prié encore, il s'endort là, à même le sol car il tombe de fatigue et ce n'est que lorsque du bruit en bas le fait sursauter qu"il se rend compte de la véracité que peuvent prendre aussitôt quelques paroles... "va, ta foi t'a sauvé" disent les textes...

A nous deux donc Fanette se dil il quand il débouche dans le couloir pour parvenir dans la salle... "c'est que je vois Fanette, je vois !" certes pas aussi bien qu'avant, il y a comme de l'ombre encore mais c'est déjà mieux que rien...
Lison_bruyere
Et voilà qu'elle venait de passer les trois plus chaudes heures de sa dernière journée dans une église. Le soir viendrait bien assez vite pour gaspiller ainsi son temps, mais Théo voulait qu'elle l'y conduise et elle ne savait rien lui refuser, surtout pas depuis ces dernières semaines qui l'avaient vu revenir blessé et amoindri. Alors, sagement assise sur un banc, elle l'avait écouté psalmodier d'une voix à peine audible des mots qu'elle ne comprenait pas. Elle entendait la foi inébranlable de Théo, comme celle de Cyrianna, mais tant de questions la bousculaient encore. Sa demande était pourtant sincère, mais le saint gravé sur la médaille qu'elle tenait dans sa main ne l'avait pas écoutée. A part Zalome et Azal, aucun de ceux qu'elle connaissait n'étaient revenus indemnes de ces assauts répétés. Pis encore, Samsha et Théo avaient failli y perdre la vie. Comment ne pas croire que le très haut se jouait d'eux, les regardant se débattre, au nom du libre arbitre, dans le froid et le désespoir.

Son ami s'était retiré dans sa chambre tandis que Fanette, grâce à une trentaine d'écus généreusement offerts par Zal, courait au marché acheter une paire de bottes fourrées. Puis elle s'était installée auprès de l'âtre à l'angevin défunt pour répondre au courrier de Kaghan, ce presque inconnu qui pourtant lui avait écrit quelques mots qu'elle aurait pu tracer de sa main, pour s'excuser de ne jamais plus revenir.
Et déjà la volée de la plus petite des cloches de l'église appelait les fidèles pour les vêpres, et la pénombre commençait à envahir la salle commune. Il était grandement temps d'allumer les chandelles qui accrocheraient encore quelques lambeaux de jour autour de leurs flammes graciles. C'est alors que la voix du mercenaire résonna à la porte de la salle commune. La jeune fille se tourna brusquement, écarquillât des yeux empreints d'incrédulité et de surprise. Elle peinait à en croire ses oreilles, mais déjà, un sourire étirait ses lèvres, éclairant son visage de bonheur et de soulagement.

Tu quoi Théo ? Tu vois ? Bien vrai ?

Elle s'était précipitée vers lui en riant avant de l'étreindre chaleureusement, bousculant dans son enthousiasme ses gestes parfois encore un peu mesurés, en l'entrainant dans une ronde joyeuse.

Tu vois ! Oh ! C'est merveilleux !

A ce moment précis, tout s'était évanoui, comme si ce regard recouvré pouvait à lui seul effacer les semaines écoulées en chagrin et inquiétude, comme s'il pouvait lui faire oublier les risques qu'elles s'apprêtait à prendre et la terreur qui l'empoignait un peu plus à chaque pas qui la rapprochait de la funeste échéance. Plus rien d'autre en l'instant ne comptait que cette guérison, ce miracle dirait Théo, cette intervention divine ou pas. Elle l'emmena près du feu, emplit deux chopes de cervoises et ne cessait de parler. Les questions fusaient, entrecoupées de rire ou de haussement de sourcils à chaque réponse. Les chopes vides se remplissaient de nouveau, elle ne tarissait plus, occupant tout à la fois l'espace de sa voix comme de ses gestes, ne laissant, pour quelques temps au moins, aucune place aux doutes et aux craintes sur ce qui venait au devant d'eux.
Theodemar
[Auberge du Poitou].

La jeune femme semble heureuse, elle vient à lui, l'accolade est deux fois plus forte, plus franche tant Théo est content d'avoir retrouvé la vue. Des baumes, des soins, des prières, beaucoup de temps et la patience du chirurgien auront eu raison des derniers stigmates de son récent combat...

Chopes, rires et victuailles, un dernier repas emprunt de joie de se retrouver, de se regarder de nouveau, certes tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes mais la joie risque peut être d'être écourtée vu les rumeurs de départ pour le soir...

Ne point trop manger, ne point trop boire, nous ferons bombance lorsque nous auront remporté la victoire... Fanette, heureuse petite boule de vie, fraiche et radieuse comme un bouton de rose s'en vient avec eux pour contrer l'Anjou qui ne démord pas... Serions nous partis pour le noël de sang ?

Aucune rumeur d'interdit papal, aucune rumeur de cessez le feu... l'Enfant va naître alors que des âmes s'en retourneront sans l'avoir même célèbré. Les lys n'auront pourtant jamais été aussi beaux sur les parures couverte de quelque flocons de neiges encore timides aux premiers pas des soldats qui s'élancent pétris d'un feu dans le coeur. Car malgré tout, comment encore croire la défaite possible ? Ce grand pays, ce royaume qui a Dieu avec lui ne peut faillir quand bien même il faiblirait.

Les sentiers s'ouvrent aux lueurs des torches qui déflorent ainsi les aphtes d'une nuit d'hiver et découvrent sous les yeux hagards des hordes de mercenaires et militaires raliés à la cause un ennemi qui n'est que déterminé.

Le tocsin sonne, on claironne ça et là, on hurle les ordres et on charge. Une mêlée, une de plus et des coups qui se perdent... Théo dans son élan ne perçoit que l'éclat d'une lame qui vient taper du plat contre sa joue mais la douleur d'une ancienne plaie à peine refermée monte dans les aigus et l'homme s'effondre tandis qu'un filet de sang colore le sol...

La guerre est de nouveau reportée pour le mercenaire qui a crie à Fanette, Lolie et les autres de ne pas perdre courage tandis que deux mains l'empoignent par le col et le traînent, dans le bon sens cette fois, vers les tentes du médicastre. Un jour de repos contraint et forcé et on verra ensuite...


[Saumur - Auberge du Bas Poitou].

Revenu du front à cheval avec les lettres et informations d'usage pour les cadres de la maison du Roy notre homme prend refuge dans la prière le temps que rentrent au bercail Fanette, Lolie et tous les autres qui lui sont chers. Chaque grain du rosaire est un gage de salut pour une âme qui viendrait à sombrer, un serment de fidélité à la Courronne pour laquelle, encore une fois, il vient de tomber et un voeu d'espérance dans cette paix qui à quelques jours de la Sainte nuit, tarde à venir...Ne dit-on pas par chez nous "Semper Fidelis..."
Lison_bruyere
Aux portes d'Angers, le 20 décembre 1464

Dans le froid dru de cette nuit de décembre, elles se mettent en route, chaque armée regroupant ses scoldats sous sa bannière. Mais ce soir là et pour la première fois, sous l'étendard rose, Fanette marche, le cœur emplit de crainte. L'amitié qu'elle porte à ses compagnons, voilà ce qui l'a poussé à s'enrôler. Elle a tant voulu voir plier les angevins, les embuscades, les dols, le procès, la geôle, ils devaient payer. Peut-elle vraiment continuer à rester à l'abri à Saumur, à regarder tomber les uns après les autres ceux qui prennent tous les risques pour assurer cette vengeance qu'elle espère ?

Devant elle marchent Théo et Lolie. La main du mercenaire effleure parfois celle de sa blonde compagne, et les regards confiants qu'ils échangent auraient pu suffire à tenir éloignés les doutes de la jeune fille. Si elle ne peut s'en satisfaire, restent toujours à saisir un sourire, un hochement de tête, car tous sont là, de Zalome à Nohman, Samsha et son entrain et la détermination de ses trois derniers maîtres d'armes. Mais rien de tout cela n'est suffisant. Alors, son teint a pâli même si, à la lueur opalescente du dernier quartier de lune, on ne le remarque guère. Ses lèvres se sont figées sur un sourire à peine esquissé, mais au dedans, tout son être tremble. Moins de deux mois avant, sous les coups d'un homme seul, elle a manqué de perdre la vie, comment survivrait-elle à une armée entière. Si Satyre avait raison ? L'angoisse suinte sur certains visages autour d'elle, autant que la soif d'en découdre sur d'autres.

Et là, dans cette plaine, alors qu'ils ont déjà marché plusieurs heures durant, son cœur s'est emballé au son des cors.
- Ton épée ! Lui souffle sa voisine, appuyant sa recommandation d'un coup de coude. Alors, Fanette dégaine son arme, fébrilement, et attend les consignes. Elle tente d'oublier la terreur de l'instant en se remémorant les conseils de Théo, et tout ce que lui a appris Nexan d'abord, puis Erwany, Oussri et Zacharys. Et surtout, elle se répète la devise gravée dans le fort de sa lame. A cœur vaillant rien d'impossible, mais son cœur est-il vaillant ? Rien n'est moins sûr à ce moment là.

Puis, un silence lourd s'abat sur cette plaine. Les halos jaunâtres des torches déchirent la brume pâle de cette nuit d'hiver, où chacun se toisent, où seuls quelques murmures parcourent les rangs des soldats, couvrant à peine les respirations qui s'accélèrent. Et soudain, comme un grand hurlement, le choc des deux camps qui s'élancent l'un contre l'autre, et dans la charge, les cris, le fracas des aciers, et le sang qui déjà se répand dans les ornières. Fanette dans ce tumulte a tout oublié, les conseils, la peur, ce qui l'a conduit là, sait-elle encore qui est elle ?

Elle pare, frappe autant qu'elle le peut, et il se trouve toujours une lame amie pour venir prendre celle qui s'abat et qu'elle s'épuise à repousser. Un œil furtif se pose parfois sur ceux qui la rassurent. Lolie, Théo, qui de l'un ou de l'autre est le plus audacieux, le plus ardent à combattre ceux qui les ont malmené l'été passé ? Tout n'est que vacarme et confusion, mais, elle perçoit l'éclat d'une épée qui tombe à deux toises d'elle. Pourquoi s'attarde-t-elle sur les détails ? La combattante est engoncée dans une armure rutilante. Une chevelure claire et raide encadre un visage qui a perdu toute douceur, malgré son air juvénile. Elle est de bonne taille, pas si grande que Théo, et pourtant, dans l'éclat prompt de cette lame, c'est le mercenaire qui chute de nouveau dans un cri, en se tenant la joue. Lolie se précipite, croise le fer avec l'ennemie, ses yeux brillent d'une rage que la jeune fille ne lui connait pas.

Mais la vague humaine qui jure, ferraille avec force et hargne l'engloutit, jusqu'à perdre de vue ceux qu'elle connait. Alors elle se reprend, pour ne pas mourir là, elle estoque, fend, sans jamais pourtant parvenir à tuer, ni même blesser. Et quand elle est à bout de force, il faut chercher encore cette étincelle au fond de ses entrailles, cette ardeur insoupçonnée qui fait tenir toujours, jusqu'à ce que les cors à nouveau résonnent, que les ennemis se replient derrière les murailles de leur capitale et que des clameurs joyeuses montent du champ de bataille. Il est temps alors de retrouver ses compagnons d'armes, de relever ceux qui sont à terre, d'essuyer le sang sur les lames. Fanette est toujours debout, l'œil hagard. Ses doigts desserrent leur étreinte et la lame glisse au sol. Ses jambes faiblissent, ses tripes se nouent, et son ventre tout entier s'échappe par ses lèvres blanches.

Plus tard, quand elle aura réalisé qu'elle a survécu à cette première bataille, quand elle aura des nouvelles rassurantes de Théo, quand elle aura retrouvé enfin ceux avec qui elle est venue se battre, elle prendra un peu de repos, elle passera avec ses compagnons d'armes quelques heures autour d'un feu de camp, à se laisser distraire de tout ce que l'on pourra faire après cette guerre. Peut-être il y aura-t-il quelques rires, pour oublier qu'au soir suivant, les armées s'affronteront de nouveau, dans une nuit de solstice, la plus longue de l'année.
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