Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Tour et détour pour recoller une Danoise et un Normand (été 1466)

[RP] Réunion de famille

Lison_bruyere
Nuit du 16 juillet 1466
Salle commune del lupo e l'uccellino


TOC ! SCHOLK !

- OUIIIIIIIIIIIIIINNNNN !

Fanette sursauta sur sa chaise, resserrant par réflexe ses bras autour d'Astr...

- Astrée !

Et le temps qu'elle s'agenouille aux côtés de la fillette qui hurlait, sa mère s'était précipitée. L'enfançonne, joues noyées de larmes, avait le regard hagard. A sa bouche hurlante perlait un peu de sang, et déjà, son front s'enflait d'une bosse qui devait bien faire pas loin d'un pouce de diamètre. La blonde ne parvenait à détacher un regard tout aussi hagard du bébé que sa mère tentait de consoler.

- Qu'est-ce qui s'est passé ! Fanette !

A l'énoncée de son prénom, la fauvette reprit un peu ses esprits, détachant de l'enfant ses noisettes déjà chargées de larmes pour les glisser sur la Danoise.

- Je sais pas, je ... je ... bredouillait-elle, trop engoncée dans la peur, la confusion, l'incompréhension et la culpabilité. J'aurais pu la tuer. Elle va bien ? J'aurais pu la tuer...

Elle tendit ses doigts tremblant jusqu'à effleurer la joue d'Astrée qui semblait inconsolable.

- Je crois que je me suis endormie, elle a glissé.

Et à son propre aveu, les larmes passaient la barrière de ces cils, inondant les joues pâles et creusées.

La nuit était déjà bien avancée, et les quelques chandelles déchiraient d'un faible éclat l'obscurité qui régnait dans la salle commune. Svan et Mary enterraient autour de quelques bières cette journée du seize juillet. Le seize juillet. Un mois jour pour jour qu'on était venu voler Milo à son berceau, qu'on l'avait arraché à ses parents. Un mois que Fanette dormait mal, mangeait encore moins bien. Mais ses tourments s’allégeaient un peu, à chaque fois qu'elle serrait contre elle la fille de la Danoise, à chaque fois qu'elle berçait ses sommeils, ou faisait naître à sa bouche un sourire.

L'enfançonne ne pleurait jamais, et quand elle ne dormait pas, elle pouvait passer des heures à mordiller son poing, tout en tenant de grandes conversations baveuses. Même Huan, le grand dogue de Yohanna, était sous le charme de cet adorable bébé. Il ne se lassait jamais de l'écouter. Quand on la posait au sol, assise dans le panier de Milo, il passait des heures à côté d'elle, ses yeux de velours plongé dans le beau regard d'océan de l'enfançonne, à écouter sans doute tous les secrets qu'elle lui partageait dans une langue secrète.

Fanette aimait Astrée, après tout, n'était-elle pas sa presque nièce ? Mais là, elle venait de commettre l'irréparable.
_________________
Victoire.
Pragmatisme.
Sang-froid.
Efficacité.


Tu vas chercher les onguents de Roman et tu m'en trouves avec de la fleur d'arnica dedans. Allez, dépêche-toi !

Svan hausse le ton pour sortir Fanette de sa torpeur. Pour le moment, elle ne peut pas s'inquiéter et pour sa fille et pour les états d'âme de sa soeur. Elle prend Astrée dans ses bras et l'ausculte comme elle peut. Une bosse énorme pointe déjà le bout de son nez sur la tête et du sang coule de sa bouche. Le temps que Fanette revienne, elle inspecte les petites lèvres de l'enfant et découvre un petit bout de dent en moins qui a dû couper sa lèvre. Rien de grave. La bosse l'inquiète plus.

Fanette revient en panique, tremblante, fouille, cherche, tire le pot demandé et le tend à Svan.


Mais ouvre-le moi !

La pauvre fauvette se fait houspiller mais le temps presse, plus vite massée, plus vite guérie la vilaine bosse qui tend déjà vers le bleu. Une fois, le pot ouvert, la danoise y plonge deux doigts, en ressort une énorme noisette et frotte énergiquement le front de sa fille qui hurle à la mort quand elle la touche. Normal vu le choc, elle doit souffrir la bichette mais il faut frotter et ne pas se laisser attendrir par les pleurs. Cette petite, elle l'a entendue pleurer seulement deux fois. Et surtout, elle ne l'a jamais entendue pleurer, hurler même de douleur. Les larmes roulent sur les petites joues rondes, elle gigote, elle veut s'échapper des bras de sa mère mais la danoise ne lâche pas. Le moment n'est pas à l'affect. Svan lance des coups d'œil à Fanette. Pas noir le coup d'œil. Juste elle la regarde parce qu'elle par contre, elle est dans un état ...

Armel arrive. Vieux chieur parmi les chieurs, c'est clairement pas le moment. Mais aller savoir pourquoi comment, il se retrouve avec une Tartine dans les bras. Il a eu des enfants, il a pris des cours de médecine et malgré le fait qu'il insupporte Svan, il est d'une douceur sans égale envers l'enfant qu'il ausculte longuement. Elle finit par se calmer dans ses bras, reniflant son malheur, hoquetant sa douleur. Il leur donne des conseils à la mère et à la tante. Bien la surveiller, veiller à ce qu'elle ne vomisse pas, qu'elle ne dorme pas plus qu'à son habitude, ne pas la laisser au soleil pendant quelques jours et tout devrait rentrer dans l'ordre.


Enfin, de toute façon, on ne saura que dans quelques mois, si le coup ne l'a pas rendue simplette.

Et là ... c'est le drame. Fanette s'écroule. Svan pas mieux.

Zilo va me défoncer ...

Elles se regardent. Le nom est lâché. Zilo. Zilo le papa. Zilo le grand absent. Zilo va juste les buter et les donner à manger au chien de Fanette. Svan a toujours fait en sorte de bien s'occuper de sa fille, de faire en sorte qu'il ne lui reproche rien. Parce que si elle a toujours été persuadée qu'il ne l'avait jamais aimée, un jour, il lui a écrit qu'elle était une bonne mère. Et ça ... ça ... Putain ça quoi ! Elle aurait pu lui sauter au cou de bonheur en lisant ça. Enfin il reconnaissait la difficulté d'élever leur fille, seule. Et il le lui écrivait. Elle en avait chialé, putain ! Parce que si sa vie est un marasme dans lequel elle semble se complaire d'après lui, il reconnaissait qu'elle faisait en sorte que leur fille n'en pâtisse pas. Et quand on voyait Tartine, elle était le bonheur incarné. Toujours souriante, elle allait avec tout le monde, parlait aux papillons, aux chiens et même au vieil Armel. Quand elle ne vivait pas sa petite vie, elle dormait sagement. Elle mangeait toujours goulûment. Un amour. Elle avait hérité de la plus belle part des deux.

Alors Svan pour se calmer sort vanne sur vanne.
Ce qui ne fait pas du tout rire Fanette.
Qui imagine déjà une petite Astrée, handicapée sociale comme la petite soeur de Roman ou handicapée mentale comme la fille d'Alienor. Et si ça arrivait, elle ne se le pardonnerait jamais.


J'écris à Zilo pour le prévenir.
Lison_bruyere
Quand Svan avait évoqué l'idée de prévenir le père de Tartine, Fanette s'était effondrée un peu plus. Quoi que non, ce n'était sans doute pas possible, vu qu'elle était déjà au fond du trou. Peut-être s'était-elle tout bonnement liquéfiée.

- C'est une obligation ? Avait-elle demandé d'une voix chevrotante, à peine audible.

Et la Danoise avait beau la rassurer en affirmant qu'elle tairait son nom, et n'informerait que de l'accident, la petite dent cassée, la bosse et surtout le risque abominable, tragique, redoutable, dramatique, effroyable, dantesque que l'enfançonne ait perdu dans la chute tout ou partie de ses facultés mentales, la fauvette imaginait déjà la colère du Normand s'abattre sur elle.

Elle acquiesça d'un soupir un peu apeuré, et s'inquiéta encore davantage quand, une fois le vieil Armel sortit, Svan plaça de nouveau la petite Astrée dans ses bras. Elle glissa de grands yeux un peu affolés sur la mère imprudente.

- Si tu ne la reprends pas maintenant, tu ne la reprendras plus jamais ! C'est comme quand on tombe de cheval !

Elle en avait de bonnes ! Fanette n'était pas une cavalière émérite, mais jamais elle n'était tombée de cheval. Malgré tout, et avec beaucoup d'appréhension, elle cala la petite au creux de ses bras, en se rencognant au plus profond de son dossier. Le regard rivé au visage rougeaud de l'enfançonne, elle guettait un signe d'inconfort, un froncement de sourcils. Astrée se tenait tranquille, presque molle, mais elle chouinait. Avec plus ou moins d'intensité, semblant parfois presque s'endormir, avant, dans un léger sursaut, de repartir de plus belle. Et la fauvette ne la quittait pas des yeux, inquiète, mal à l'aise, coupable, la berçant en effleurant d'un index caressant la petite joue rebondie, l'arrête du nez retroussé.

La nuit serait longue, et les jours suivants bien plus encore, mais Fanette avait promis. Si Astrée devait être simplette, elle s'en occuperait, aussi bien et aussi longtemps que si elle fut sa propre enfant.
_________________
Victoire.
Il sait que c'est toi ...
Comment ça ? Tu lui as dit ? Tu avais promis !
Je te jure que je n'ai rien dit ...
Mais comment il sait alors ?


Bah peut-être qu'il connait sa femme, enfin son ex-femme. Peut-être qu'il sait qu'elle ne laisserait pas n'importe qui prendre leur fille? Peut-être qu'il sait que quand ça va mal, c'est vers Fanette qu'elle se tourne. Peut-être que Svan est tout bêtement prévisible contrairement à lui ? Parce que là, elle s'était dit que ça y est, elles sont mortes. Elle se voyait déjà dépecée dans une forêt pour être mangée par les loups à avoir laissé leur bébé tomber des bras de Fanette. Et lui ? Bah ... il ne s'énerve pas. Il est même carrément zen. Il plaisante. Et Svan, elle voit là le Zilo qu'elle déteste. Celui qui prend tout à la rigolade, celui qui n'a jamais compris qu'elle avait peur à quelques jours d'accoucher, celui qui n'a jamais vu qu'elle avait juste ... besoin de lui, de bras rassurants, d'un mari protecteur. Pour lui, tout est prétexte à rire. Pour elle aussi ... sauf cette petite fille. Elle n'a pas dormi de la nuit à bercer leur fille qui chouinait alors les vannes pourries du daron ... merci bien ! Peut-être que pour lui, c'est pour évacuer sa peur, ses craintes, peut-être qu'il plaisante pour ne pas montrer son inquiétude et ne pas l'inquiéter elle encore plus.

Mais elle ne voit rien.
Elle est mal, fatiguée.
Elle a peur pour son enfant.
Elle craint que Zilo lui retire son titre de bonne mère.
Elle est mal, si mal qu'elle lui réécrit pour lui dire que puisqu'il s'en fout, bah ... il n'aura pas de nouvelles, voilà !

Putain mais rassure la ta danoise, Zilo, t'es trop con ou quoi ? Tu le sens bien qu'elle est flippée, qu'elle a besoin de toi, que tu dois être là pour elle, pour elle et votre fille. Que pour une fois, tu ne plaisantes pas et que tu assumes ton rôle. Elle est morte de peur, la petite ne cesse de chouiner, elle pleure quand on la touche, elle ne rit même plus que sa mère t'imite. Elle aurait dû ne jamais t'avertir, c'est ça que tu veux ? Ne plus jamais avoir de leurs nouvelles ? Ne plus jamais savoir ce que devient ta fille ? Tu t'en fous ou quoi ? Et toi tu fais quoi ?


Il m'a répondu ...
Il dit quoi ?
"Va chier".


Fanette regarde Svan, interloquée. Et là ...
Lison_bruyere
Limoges, le 20 juillet 1466
Salle commune del lupo e l'uccellino


- Hein ?

Comment quelques courriers avaient pu conduire à une fin de non-recevoir ? Bien sûr, ça n'étonnait guère Svan mais pour Fanette, il en allait autrement. Elle avait des raisons de détester et de craindre le Normand, mais elle avait toujours affirmé qu'il aimait sa fille et qu'il ne voulait pas être spolié de sa place de père. Si on lui annonçait que son fils était souffrant, et même à un millier de lieues, c'est dans l'instant qu'elle partirait. Zilofus ne connaissait pas sa chance, avoir une fille à chérir, savoir où elle se trouve. Et pourtant, elle n'avait pas particulièrement envie qu'il débarque pour la voir, pas après ce qu'elle avait fait, et surtout pas si la petite Astrée devait finir simplette par sa faute. Mais paradoxalement, elle était déçue pour cette enfant qu'elle aimait comme si elle était de sa propre famille.
Etait-ce la rancœur accumulée contre le mercenaire pour tous les événements déroulés depuis le début de l'an, l'inquiétude et sa culpabilité pour Tartine, ou juste le chagrin et la colère de s'être fait enlever son fils. Qui pouvait savoir ce qui s'était joué exactement, mais le cœur de la fauvette s'était empli de colère.

- Il va venir Svan, il va venir, il ne peut pas laisser sa fille ainsi !
- Bah oui, mais il m'a envoyé chier, il viendra pas.
- Je vais lui écrire, il faut qu'il m'écoute.


Non, elle n'avait pas envie de le voir débarquer là où elle resterait avec Svan et Astrée. En vérité, bien d'autres envies la taraudaient à cet instant précis. Mais pour l'instant, une seule chose importait.




Zilofus,

Si je me décide à vous écrire, c'est à cause d'Astrée. Je suis un peu démunie. Je sais que vous êtes au courant de la chute qu'elle a faite. Svan n'est pas bien, elle n'osait plus vous écrire. Elle dit que vous l'avez envoyé chier, et que, de toute façon, vous moquez bien de votre fille et que vous n'en avez rien à faire. Moi, je ne parviens pas à le croire.
Je ne vous apprécie pas Zilofus, pour toute les vilenies que vous m'avez faites, mais, pour l'amour que vous portez à Astrée, comme pour celui que vous avez porté à Svan, je vous ai toujours cru sincère.

Astrée est tombée, et nous avons eu très peur. Elle s'est cassé un bout de l'une de ses petites dents, et a une énorme bosse sur le front qui commence à virer au mauve. Sur le coup, elle a pleuré beaucoup, puis chouiné souvent, et vous savez combien c'est étonnant pour une enfant qui ne dit jamais rien d'ordinaire. Mais au lendemain, c'était un peu rassurant, car elle semblait aller bien. Mais depuis peu, il lui arrive encore de chouiner, et elle manque d'appétit. Puis elle vomit parfois le peu qu'elle mange, d'ailleurs je crois qu'elle a déjà un peu maigri. Elle dort toujours autant, peut-être même un peu plus. Je suis si inquiète, et je m'en veux.

Zilofus, ne vous fâchez pas mais, un homme a dit que, parfois, un coup sur la tête d'un jeune enfant peut rendre simplet. Roman dit qu'il faut attendre un peu pour le savoir mais que c'est possible. Il connaît la médecine mais il a rarement eu l'habitude de soigner des enfants et un médecin de Limoges nous a conseillé de prendre contact avec d'autres médecins dans le comté, ou même plus loin s'il le faut, un qui aurait davantage vu d'enfant, pour la faire examiner.

Zilo, je crois que ce serait bien si je pouvais vous l'amener, ou au moins si vous pouviez venir voir avec moi ce médecin. J'attends des réponses. Je ne sais pas ce que fera Svan. Elle est étrange depuis votre dernier courrier. Je crois qu'elle n'a jamais su remonter la pente après que Lucus lui a brisé le cœur et votre dernier courrier a eu l'effet de l'abandon de trop. Elle recommence à dire des choses qui m'effraie, comme ce qu'elle m'écrivait avant de disparaître. J'ai peur qu'elle ne fasse encore une bêtise. Je veux bien garder encore Astrée, mais, avec Milo qu'on n'a toujours pas retrouvé, et puis, je crois qu'elle devrait voir son père aussi, si sa mère s'en désintéresse. Elles sont votre famille. Où êtes-vous Zilo ? Peut-être qu'en cherchant ce médecin, si vous n'êtes pas très loin, je pourrais venir jusqu'à vous, et si Svan ne fait rien, ou ne veut rien faire, on décidera. Je ne dois pas oublier mon fils pour autant, nous le cherchons toujours.

Je vous en prie, oublions nos rancœurs, pour elle.
Répondez-moi.

Fanette

_________________
Victoire.
Svan lit la lettre de Fanette avant qu'elle ne parte vers son destinataire.

Euh ... Non mais quand je disais d'exagérer un peu pour l'inquiéter ...

Bah déjà, elle n'avait pas vraiment envie que Fanette parle de son mal-être à son ex-mari. Si elle se confiait à elle, c'était pour sortir le trop plein de faux semblants qu'elle offrait aux autres toute la journée. Qui passait chez Fanette était toujours reçu par un sourire, une petite attention, ça riait, ça dansait, ça s'amusait. Mais une fois les portes closes, la danoise vidait son sac. Elle lâchait tout et ne se cachait même plus. Fanette ne pourrait bientôt que constater amèrement qu'elle avait en face d'elle une personne vide. Elle avait souvent eu ce sentiment d'être morte à l'intérieur, comme si on lui avait arraché le cœur pour ne jamais le remplacer. Et puis ça repartait. Elle rencontrait des gens pour la faire rire, la faire vivre quelques semaines puis ... tout retombait. Sa famille brisée, son cœur en miettes, des confiances mal placées, son avenir plus qu'incertain ne lui laisse guère de grands espoirs. Et peu à peu ... confession après aveu, le constat sans appel : jamais, elle ne pourrait promettre à Fanette de ne pas en finir.

Mais tu y vas fort là ...

Et là, la fauvette qui avait certainement mangé trop de Corleone au petit-dej, leva les yeux vers sa presque sœur. Svan aurait pu jurer que des flammes y dansaient. Elle prit alors sa carte et se mit à parler plus bas, comploteuse, reine de mauvais coups. Enfin apprentie reine parce que là ... ce devait bien être la première fois qu'elle pensait à faire ce genre de choses.

D'après les dernières lettres reçues, il te disait être où ?
Nevers.


Le doigt de Fanette tourne autour d'un point avant de s'y abattre.

On va donc l'inquiéter plus qu'il ne faut et l'attendre sur la route.

Un sourire narquois se dessina sur les lèvres de la vagabonde, présage du mauvais coup qu'elle prépare dans sa petite tête. Svan la regarde avec des yeux ronds comme des soucoupes. Bah elle aura tout vu avant son grand saut depuis la falaise de Blaye : Fanette en chef de gang ! Elle parle pour elle-même la fauvette, se disant qu'elle va lui écrire pour lui demander où il est, sait-on jamais qu'il ait bougé entre temps, pour l'inquiéter sur la santé mentale de son ex-femme -bon là, y avait de quoi dire et Fanette n'aurait pas trop à broder- et la santé physique de la future simplette.

Mais tu ne peux pas utiliser sa propre fille contre lui ?

Oh que si elle allait le faire ! Et plutôt deux fois qu'une. Il lui avait bien fait du mal tant de fois, ce n'était qu'un juste retour des choses. Et Svan est partagée entre l'envie de l'humilier sur la route pour les coups reçus et l'envie de ne rien envenimer. De faire de lui un père à part entière, qu'il comprenne qu'il a sa place avec elles, qu'elles ont besoin de lui. Mais aussi de le ficeler tout nu à un arbre et de graver son prénom dans sa chair de la pointe de sa dague. De le supplier de faire attention à lui sur la route et d'être son bourreau en fait. Oui mais il l'a envoyée chier, il s'en fout d'elle et de leur fille. Non mais ... il a dit qu'il serait toujours là pour elles. Mais fallait pas la frapper ... mais ne l'avait-elle pas cherché ?

Sauf qu'il manque quelque chose pour que Svan adhère totalement au plan de Fanette : la colère. Elle n'est plus en colère. Les arbres ne subissent plus ses coups de hache, les gens ne courbent plus l'échine sous ses tempêtes. Quand elle pense à Zilo, elle ne voit que gâchis et peine partagée. Elle ne le hait même plus pour ses coups, ses infidélités, ses méchancetés. Qui pourrait croire qu'elle serait celle qui empêcherait tout ça de se faire à la dernière minute aidée par un coup de pouce bourguignon ? Dernier sursaut d'amour pour un ex-mari. Ou était-ce seulement parce qu'elle était vide, réellement vide.

Juste vide.

Mais Fanette est vivante pour deux et elle bouillonne d'idées plus tordues les unes que les autres. Alors, elle ne lui dit rien et la laisse faire, lui donnant même d'autres idées de torture au passage. Fallait jouer le jeu.
Lison_bruyere
Quelques jours plus tard, peu en vérité, et le poisson était ferré. Fanette faisait lecture de chaque courrier reçu, et lisait également à la Danoise, ceux qui partaient. Parfois la Brune corrigeait un mot, ou jouait si bien le jeu qu'elle lui faisait ajouter une phrase pour inquiéter davantage le Normand. Elles s'étaient réjouis à la lecture du second.

- Ecoute ça Svan, écoute bien !




Fanette,
Je ne savais rien hormis le fait que vous l'aviez fait tomber ... Vous êtes en train d'essayer de me faire croire que ma fille va devenir une licorne parce qu'une bosse se forme sur son front ? Voyons ... Je ne pensais pas que vous croyez à vos contes et surtout à de pareilles créatures, c'est absurde ! Puis non, ma fille ne sera ni simplette, ni licorne, ni quoi que ce soit d'autre, cessez donc d'essayer de trouver des excuses et de dramatiser son sort, c'est une petite Tartine !

Je sais Fanette que vous avez toujours fait en sorte de rester neutre entre Svan et moi, ce malgré tout ce qui a pu se passer et tout ce qui a pu se dire, et je vous remercie ... Comme vous dites, maintenant il y a la petite et elle n'a pas à subir les querelles intempestives de ses parents, surtout dans l'état où elle est ... Pour le linge chaud, je ne sais pas si ça peut encore être efficace mais ça ne coûte rien d'essayer, même si ça ne la guérit pas ça aura au moins l'avantage de la soulager. Après je ne m'y connais pas en plantes, mais il doit bien y avoir une infusion de quelque chose à lui faire boire pour amoindrir la douleur, je sais pas ...

Oui je suis encore en procès ... Pour pas grand-chose en plus. Que voulez-vous ... Les Bourguignons ne se sentent plus pisser dès qu'ils ont un petit peu de pouvoir. Enfin à défaut de contacter le juge j'ai écrit à un ami là-bas pour qu'il me dise où en était mon procès et par chance celui-ci n'a toujours pas avancé d'un poil, ça va donc me permettre de ne pas faire de détour et revenir directement vers Limoges.

Je ne puis hélas rien vous conseillez ma pauvre Fanette ... Du moins pour Astrée ... A part veiller sur elle jour et nuit comme si c'était votre propre enfant, vous ne pouvez rien faire de plus ... Par contre, pour Svan, si vous craigniez qu'elle ne fasse une connerie, vous pouvez toujours l'enfermer dans la cave de votre taverne, au moins vous êtes sûre qu'elle n'ira pas faire quelque chose qu'elle regrettera ensuite. D'ailleurs, celle qui vous avait soigné suite à votre kidnapping, elle n'est pas à Limoges ? Parce que si elle a fait pondre plein de femmes, elle doit en connaitre un rayon en bébés, non ?

Normalement si tout se passe bien il me faudra une semaine et demie pour rentrer à Limoges, en espérant que la route se passe bien et qu'il n'y ait pas de changement du coté du tribunal bourguignon mais tous les cas, oui, tenez moi informé de l'évolution des choses pour qu'on puisse aviser au besoin. Je croise les doigts de mon coté pour trouver un médecin mais jusque-là je ne suis passé dans des villes qui en avaient très peu et surtout des non disponibles pour quelconque consultation. Même si je devais faire un détour par la Bourgogne ça ne me rallongerait pas tant que ça, deux ou trois jours tout au plus. Enfin j'espère ne pas avoir à le faire, même si ce n'est que quelques jours de plus je préférerais les passer auprès de ma fille ...

Ne doutez pas Fanette, vous êtes capable de bien des choses.
Z.



- Tu entends ?

Dans une première lettre, il avait dit être en Orléanais ... Elle avait repris sa carte pour calculer les trajets possibles du mercenaire, et le meilleur endroit pour lui tendre une embuscade. Elle pointa un nœud sur la route de Châteauroux. Elle connaissait un peu le coin, pour l'avoir emprunté un an plus tôt, quand les deux aînés Corleone avaient organisé une prise de mairie berrichonne pour venger leur padre d'une armée veryconne.

- Normalement, si on se poste ici, on devrait le voir passer.

Elle comptait et recomptait les jours de voyage, pour lui autant que pour eux.

- Si on part mardi soir, on devrait être bon ! Tu sais, il est presque trop gentil dans ce courrier, pour un peu ...

La brune s'était exclamée en riant :

- Mais ma parole, t'es amoureuse !!
- Oh ! Non ! Non ! Non ! Il peut être un peu gentil, je n'oublie pas tout ce qu'il m'a fait, et il n'y a pas si longtemps encore.


Et heureusement, les courriers des jours suivants étaient bien plus menaçants qu'aimables et ravivaient davantage la colère de la fauvette, au détriment du remord.




Les amis,

Nous partons ce soir. Surtout rappelez-vous de bien prendre tout ce dont vous avez besoin. Nous ne pourrons pas revenir en arrière pour un oubli quelconque, et nous ne pourrons attendre personne. Finalement, nous ne passerons dans aucune cité, pas même Bourganeuf, donc n'oubliez pas de prendre de quoi manger. Si vous êtes juste financièrement, dites-le-moi, je peux dépanner, j'ai des stocks à la cave.
Une fois sur place, rappelez-vous, on ne tue pas Zilofus, on lui marave juste sa vilaine trogne. Comme ça, Svan arrêtera de me faire croire qu'il est plus beau que Roman, ce qui en plus, est une parfaite hérésie.
Voilà, cette fois-ci, c'est la bonne, alors reposez-vous, ne buvez pas trop, et rendez-vous ce soir, à l'auberge, ou pour le départ, près de la porte-Panet.
A très vite
Fanette (remontée triplement, Svan devrait savoir pourquoi)



Alors, au vingt-quatrième jour de juillet, le groupe passait la porte-Panet. Deux hommes, trois femmes, un bébé, et cinq chevaux. Au-devant gambadaient joyeusement Huan et Molosse, fouillant les buissons qui bordaient la route, disparaissant parfois quelques instants pour réapparaître un peu plus loin, essoufflés d'une chasse infructueuse.
Fanette le temps du voyage, avait remisé à contre-cœur ses jupes dans les sacoches de sa selle, au profit d'une tenue plus masculine. Elle n'avait pas sa faveur, laissant bien trop deviner ses formes, mais elle avait l'avantage d'être bien plus commode pour les longues chevauchées. Ses bottes lui tenaient chaud, l'épée pesait dans le baudrier de cuir qui entaillait sa hanche, et le bouclier, offert par son oncle plus de deux ans plus tôt l'encombrait. Si elle n'avait pas prévu d'en coller un coup sur le front du mercenaire Normand, elle l'aurait laissé chez elle, mais il lui serait utile.

- Pour le transformer en licorne comme sa fille, disait-elle en caressant la bosse presque estompée de la petite Astrée.
- Pour lui faire les mêmes cornes qu'il m'a faite, surenchérissait Svan, ainsi toute la famille se ressemblera.

Les chevaux, vaillants, avalaient les lieues avec courage et célérité, mais la frontière berrichonne était trop loin pour espérer l'atteindre d'une seule traite. Le premier bivouac s'était fait sous le couvert d'un petit bois, qui s'ouvrait sur une clairière. Hommes et chevaux pouvaient se désaltérer dans un ruisseau qui coulait un peu plus bas, non loin du chemin. Au soir, autour du feu, alors qu'une partie de la troupe se reposait, Fanette, une fois de plus, recueillait les larmes de la Danoise, s'efforçant d'oublier ses propres déchirures pour apporter un peu de réconfort et d'apaisement aux chagrins de la brune. Astrée, allongée dans l'herbe à leurs côtés, s'endormait doucement. Parfois, la fauvette caressait d'un regard sa silhouette, si calme, si parfaite, se demandant s'il était réellement possible de ne pas savoir s'attacher à cette enfant au seul motif que son regard rappelait celui de son père. Mais Fanette ne jugeait guère, et surtout pas ceux qu'elle aimait. Et pour l'heure, elle avait bien trop de motif d'inquiétude pour Svan. Parfois même, elle semblait tant perdue dans ses propres sentiments pour Zilo, qu'on pouvait se demander si elle avait encore envie d'aller l'humilier. Si elle paraissait enthousiaste quand l'idée avait germé dans la tête de la fauvette, pour la première fois à présent, elle donnait l'impression de vouloir faire machine arrière.

- Tu sais Svan, tu n'es pas obligée. Si tu préfères rester en retrait, je comprends.
- Non, non, on va lui tomber dessus, et je lui graverai mon prénom sur la peau.


Elle arrivait encore à montrer la pointe de sa dague en étirant un sourire convaincant.

- A Svan pour la vie ! Et tu feras un cœur autour !
_________________
Victoire.
On est carrément dans la quatrième dimension depuis quelques jours.

Fanette fomente des plans pour dépouiller Zilo de son argent et de son honneur. Elle n'est que colère et rancœur. Svan tente de la modérer. Elle n'a pas envie d'y aller, elle ne veut pas détruire la moindre chance de pouvoir vivre avec lui cette vie de famille dont elle rêve. Elle pleure sans même se cacher à présent, sans faire semblant, le vernis n'a pas seulement craqué. La carapace a explosé, elle n'est plus que remords et détresse. Elle ne regrette pas l'époux car à ce moment-là, elle reste persuadée qu'il ne l'a jamais aimée. Elle veut le père de sa fille, elle veut pouvoir compter sur lui à n'importe quel moment, elle veut le savoir à quelques pas pour s'occuper de leur fille. Elle veut mais elle n'a pas. Elle n'exige rien, elle a tant attendu qu'il ... et lui pense qu'elle ne veut pas lui offrir cette place. Sont un peu cons. Mais s'ils avaient su se parler, ça se saurait et ils seraient sûrement encore ensemble. Elle ne lui aurait pas brisé le cœur en partant, il n'aurait pas tenté de tuer Fanette pour la faire revenir.

Pourtant, Svan joue le jeu de la surenchère jusqu'à la dernière minute. Elle va lui graver Svan et Tartine de la pointe de sa dague dans sa chair pour lui rappeler chaque jour que quoiqu'il arrive, elles sont sa famille. Qu'elles doivent être sa priorité et que s'il l'oublie encore une seule fois, elles ... bah rien mais ça l'amuse cette idée. Les réparties amusantes et les phrases drôles fusent mais le cœur n'y est pas. Surtout quand il finit par écrire à Fanette que Svan peut bien crever, il s'en fout. Qu'elle aille demander à ses nombreux amants de lui tendre la main, lui il a donné. Sauf que c'est de lui dont elle a besoin, pas d'un de ses prétendus amants. C'est lui le père de sa fille, pas un autre. C'est lui qui a été son seul époux. Oh elle a bien épousé Robin mais un mariage non consommé, une relation qui n'a jamais été plus loin que la simple camaraderie ... A croire qu'elle l'a épousé pour ne pas avoir à se donner à un homme, pour faire entendre aux autres qu'elle est prise mais elle ... Elle sait. Elle sait que rien ne se passe, que ce mariage est factice. Et ça l'arrange dans le fond.

Alors, ce soir, juste avant que chacun se poste à sa place pour attendre le normand, elle prend Fanette dans ses bras. Elle la serre si fort. Comme si c'était la dernière fois. Son cœur en miettes arrive encore à trouver quelques morceaux assez gros pour en faire de la poussière et elle serre les dents. Ce soir, la danoise ne participera pas, elle ne peut pas lui faire ça. Elle ne peut pas lui faire de mal. Pas plus qu'elle ne l'a déjà fait. De toute façon, elle lui avait brisé le cœur, les coups ne seraient que l'expression physique de cette douleur lancinante que chacun éprouve à l'évocation de leur nom. Ils ont une fille ensemble ... leur enfant unique. Que pouvaient-ils se faire de pire ? Parce qu'un enfant est un lien indéfectible. Ils allaient soit apprendre à s'aimer différemment soit se détester pour de bon. Mais l'entre deux n'était plus acceptable. Svan relâche Fanette et s'en va sans un mot, sans un sourire, sans même un regard. Elle s'arrache littéralement à elle, dernier rempart à la fin qu'elle se programme depuis des semaines.

Sauf que demain, Zilo lui écrira. Si lui pense lui avoir souvent tendu des perches, là, il fera mieux.
Il lui offrira une lueur d'espoir. Une étincelle de vie. Une porte sur une vie dont ils rêvent ensemble et depuis seize mois déjà ... A un détail près.

Mais pour l'instant, l'obscurité presque aussi noire et opaque que son âme vide l'absorbe lentement.
Elle ne peut pas lui faire du mal. Pas à lui.
Zilofus
[Il y a quelques jours ...]

Les nouvelles étaient tombées. Pas que les nouvelles d'ailleurs ...
Au début il n'avait pas su comment prendre cela, assez mitigé il se demandait si c'était une blague de très mauvais goût ou tout simplement si ça s'était réellement passé tel qu'on le lui décrivait, enfin plus ou moins, hormis les faits il ne savait rien d'autre, il faut dire que la tournure ironique du courrier laissait à croire que même s'il y avait eu un accident ça ne devait pas être bien grave sinon les mots choisis auraient été bien différents, le ton aurait été beaucoup plus dramatique et la danoise lui aurait dit de rappliquer pour maraver la tronche à celui ou celle qui avait osé défiguré leur enfant. Enfin la connaissant, elle s'en serait chargée elle même et lui serait arrivé plus tard pour en remettre une couche pour bien faire comprendre l'erreur monumental que venait de faire le coupable. Cependant il n'y avait rien de cela dans les deux courriers échangés, ce n'était que des piques et des moqueries distillées habillement pour lui rappeler son absence dans la vie de son enfant et une fois de plus lui inventer le désintérêt qu'il pouvait avoir pour ce petit être innocent. C'est vil, c'est moche mais il tourne court en envoyant paitre la danoise, las de ce petit jeu mesquin durant depuis des mois.

Il avait fallu qu'il reçoive une lettre de la fauvette trois jours plus tard pour comprendre que ce n'était pas qu'une blague, du moins qu'il s'était vraiment passé quelque chose et que c'était assez grave. Même si à l'inverse de sa presque soeur il la savait très dramaturge à amplifier les tout petits riens, elle n'était pas du genre à plaisanter sur les enfants, surtout après que le sien ait disparu. Et puis après ce qu'il lui avait fait subir, ce n'était surement pas pour plaisanter qu'elle lui écrivait, surtout un pareil courrier où les lignes se succédaient les unes après les autres. Là il avait eu droit à tout les détails, comment Tartine était tombée, ce qu'elle avait comme symptômes, son état de santé physique et mental mais surtout le truc sur lequel il était resté bloqué pendant plusieurs minutes, n'en revenant pas qu'elle ait pu écrire ça, sa fille si parfaite devenir simplette, non mais n'importe quoi !
Alors qu'il avait fait en sorte d'apaiser les tensions qui régnaient entre eux depuis ces derniers mois, voila qu'elle cherchait encore à le contrarier en lui sortant de pareilles conneries tout bonnement inconcevables pour lui, elle perdait des points dans son estime et c'était des taquets à la pelle qui allaient être distribués, si ce n'était que la faire rouler dans l'escalier menant tout droit à sa cave pour voir si elle aussi pouvait avoir non pas un mais des bosses disséminés de part et d'autres sur le corps.


J'aurais p't'être dû lui taper plus fort sur la tête moi aussi ... pensa t-il tout haut alors qu'il battait la campagne orléanaise, songeant au fait qu'elle aussi aurait pu finir simplette, ça l'aurait peut être rendu plus sympathique plutôt qu'à l'entendre se plaindre en permanence. Seul sur sa charriote, il approuva l'idée et la garda dans un coin de sa tête pour si jamais un jour ...

Rapidement les courriers s'enchainent, les nouvelles sont données, des conseils sont échangés, les faits incompris expliqués et il rajoute même à la fin de son courrier que si le cas de sa fille s'aggrave que Fanette n'hésite à aucun instant à faire appel à un druide breton, c'est pour dire à quel point il s'inquiète quand même !

Le point de rendez-vous est donné. Limoges.
Déjà paré au départ, il n'a qu'à réorienter sa route pour rentrer au plus vite ...
Lison_bruyere
Quelque part en Berry, matin du 27 juillet 1466

Epée et bouclier étaient remisés près de sa selle, avec sa tenue de voyage. Même ses bottes gisaient là au même endroit. La fauvette, jupes relevées sur les chevilles, s'était assise sur un talus en surplomb du ruisseau, battant doucement des pieds dans le courant, sans trop se soucier des rafraîchissantes éclaboussures.
C'est là qu'un pigeon était venu se poser à côté d'elle, picorant quelques graminées en attendant qu'elle saisisse le pli à sa patte. Un pigeon, animal surprenant dont le flair n'avait d'égal que la célérité, et qui restait un mystère pour Fanette.




Bonjour
Vous nous avez attaqués durant le voyage. D’après votre collègue nous n'étions pas les cibles. Est-ce qu'on pourrait récupérer nos biens. Pouvons-nous trouver un moyen de le faire ?
Merci
Masamune


Masamune, étrange nom. Elle se repassait un peu amère l'enchaînement des événements de la nuit précédente. Comment avaient-ils pu se tromper à ce point ?
D'abord, il y avait eu le chagrin de Svan, et cette étreinte, bien trop chargée d'émotion, à y repenser. Mais Fanette n'avait pas voulu y accorder trop d'importance. Puis son oncle, parti chercher pitance faute d'avoir suivi les consignes. Malgré tout, chacun s'était préparé, se postant dans les fourrés. La faible lueur d'une lune voilée de nuages n'avait pas aidé, et si l'ombre des grands arbres leur offrait un refuge parfait, elle ajoutait à la noirceur du chemin.

Quand les deux silhouettes parurent, marchant en silence sous le couvert de la nuit, il était bien difficile d'apercevoir leurs traits. Fanette était-elle trop nerveuse ? Peut-être. Trop inexpérimentée ? Sans aucun doute. Portait-elle trop de colère contenue, contre Zilo ainsi que contre ceux qui avait enlevé son enfant, ou même contre quelques Limougeauds ? Assurément, et son besoin de vengeance amplifié de la peur qui lui serrait le cœur en cet instant, l'avait précipitée sur les deux voyageurs, persuadée qu'elle était d'avoir reconnu le Normand sous l'esclavine de toile grossière et l'ample capuchon qui cachait son visage autant que ses cheveux. Evidemment, les autres l'avaient suivi, se ruant eux aussi dans la cohue. Sauf que, quand les deux voyageurs avaient dégainé leurs armes pour se défendre, adrénaline aidant, aucun des agresseurs n'avait eu l'idée de déposer les leurs. Et pourtant, même dans l'obscurité, ils auraient dû rapidement se rendre compte de leur méprise. La femme portait ventre gros, mais pendant plusieurs longues minutes, ça ne lui avait point lever de vivacité, et si elle cherchait une échappatoire, dans le chemin derrière elle, elle aurait sans doute taillé en pièces qui aurait voulu l'en empêcher.

Mais le plus rude combattant était sans nul doute l'homme, dont le visage, dans l'action, s'était découvert, arborant une chevelure noire comme le jais. L'un de ses yeux était dissimulé derrière un bandeau, et l'autre semblait étrangement étiré, ne laissant apercevoir aucun éclat, qu'une prunelle aussi sombre que l'obscurité qui enveloppait les combattants. Il brandissait une sorte de sabre, à la lame courbe et effilée qui semblait n'avoir qu'un seul tranchant. L'arme, qu'il tenait fermement à deux mains, auraient pu se briser sur l'épée de Roman, enfin, c'est l'impression qu'elle donnait par sa finesse, car jusque-là, le voyageur n'avait pas cédé un pouce de terrain à l'Italien qui se démenait comme un beau diable.

Le fracas assourdissant des aciers résonnait dans tout le bois et les hennissements affolés des chevaux à l'attache un peu plus loin s'en étaient fait l'écho. Fanette n'était pas en reste, et si elle ne savait guère manier l'épée, au point de l'avoir lâchée par mégarde dès le premier assaut de la femme, elle usait à présent de son bouclier comme d'une arme d'estoc, tentant d'aider l'un ou l'autre de ses compagnons. Quand la femme au ventre empesé sembla donner des signes de fatigue, Mary s'en détourna, la jugeant sans doute moins menaçante, et face à l'ardeur déployée par son compagnon de route, elle choisit d'aller aider Roman. Fanette ne tarda pas à l'imiter. Sous-estimer la brune fut une grossière erreur. Elle avait feint un étourdissement pour se laisser tomber dans la poussière du chemin, et, sans que personne n'y prenne trop garde, elle sortit d'une de leurs besaces abandonnées au sol, un pochon contenant un mélange finement moulu de souffre, de salpêtre et de charbon. Le Corleone en connaissait l'existence, sans doute était-il bien le seul car l'usage de cette poudre noire n'était guère répandu. La femme eut vite fait d'en vider le contenu au plus près de l’échauffourée et de l'embraser d'une étincelle née de la pointe d'un petit couteau qu'elle heurta sur un silex. Le résultat fut une assourdissante explosion, suivit d'une fumée qui masqua la fuite des deux ingénieuses et non moins courageuses victimes.

Sur le coup, Fanette avait cru à un acte de sorcellerie, rapidement expliqué par son diable quand toute tension était retombée. L'heure était venue alors de faire les comptes. On ne déplorait aucune blessure de leur côté, et en examinant d'un peu plus près les objets laissés par les deux fugitifs, le doute n'était plus permis. Ce n'était pas zilofus. Comble d'ironie, l'oiseau du Normand était venu le confirmer. Non seulement il ne passerait pas sur cette route, mais en plus, il était retardé. Fanette s'échina les yeux pour déchiffrer ce que sa cible avait gratté au bas du parchemin ... je suis encore à Nevers ... Pfff !
Chacun tenta jusqu'à l'aube de trouver un peu de sommeil, assurant à tour de rôle les gardes, et quand le soleil se lèverait, il serait temps de décider.

Pour Fanette, c'était tout vu. Sauf si son époux s'y opposait farouchement, elle comptait tout rendre, et aller attendre Zilofus sur une autre route, en Bourbonnais. De nouveau elle avait calculé l'itinéraire, ne restait plus qu'à savoir ce qu'en diraient Svan et son diable. Et justement, alors qu'elle sortait ses pieds de l'eau, il venait la rejoindre. Et sa question, teinté de malice et d'un peu de provocation avait mis la jeune femme dans l'embarras.

- On reste ici, et on amasse quelques autres richesses ?

Elle lui avait retourné un regard surpris, tandis qu'il continuait.

- A toi de voir. Ne veux-tu pas enfin devenir une vraie Corleone et te conduire comme telle ?
- Je veux aller attendre Zilofus pour le rosser, mais sur une autre route.
- Soit !
- Mais avant, je voudrais qu'on rende tout ce qu'on a pris, l'homme qu'on a agressé, il a envoyé un message.


Elle lui tendit le pli, qu'il saisit en grognant.

- Je n'ai jamais rendu quoi que ce soit.

Mais pour cette fois-ci, l'Italien consentait, pour plaire à son épouse. Et de nouveau, son regard s'anima d'une lueur grivoise tandis qu'il la poussait au sol. Une main rabattait ses jupons sur sa tête, quand déjà, une bouche experte s'appropriait ses méandres les plus intimes. Il y consentait certes, mais il prendrait son tribut autrement.

Si elle s'offrit sans rechigner, ne dissimulant guère son plaisir, rien de ce qu'elle avait prévu par la suite n'allait se dérouler comme elle le souhaitait. Car elle dû se rendre à l'évidence, Svan ne s'était pas simplement éloignée, elle était partie en catimini, bel et bien, emportant la petite Astrée avec elle. Et l’inquiétude qui s'emparerait dès lors du cœur de la fauvette annihilerait toute colère et toute envie de vengeance. Une seule chose compterait alors, rattraper la Danoise avant qu'elle ne commette l’irréparable.
_________________
Lison_bruyere
Limoges, quelques jours plus tard

Sentiments mêlés de déception, de chagrin, de colère, de regrets, dissimulés le plus souvent sous un masque de rire et de légèreté. Cette même légèreté qui pousse aux excès, aux fautes, aux faiblesses, et qui font naître plus encore de déception, de chagrin, de colère et de regrets...

Elle avait laissé Zilo sur les chemins, quelque part entre Bourgogne et Limousin, renonçant à assouvir sa vengeance et sa colère pour accourir à Limoges, bien certaine de ne plus y trouver la Danoise désespérée, craignant plus que tout de devoir la pleurer. Mais la vie avait repris son cours, et si la brune était rentrée plus tôt, elle avait troqué elle aussi son désespoir pour quelques rires partagés avec son nouveau passe-temps, un brun barbu, comme elle les appréciait.

Entre deux sentiments, Fanette avait hésité entre colère et soulagement, et avait finalement opté pour le second. Si la brune trouvait un semblant de bonheur, n'était-ce pas là le plus important ?
C'était sans compter sur Zilofus. Les courriers pour l'attirer dans une embuscade avaient eu l'effet escompté, et il avait pris la route pour Limoges, pensant y trouver une enfant amochée et une Danoise suicidaire. Et vu qu'il n'y avait plus personne pour le rosser au coin d'un bois, il avait fini par débarquer un beau matin, aux portes de la ville.
_________________
Zilofus
[Sur les routes ...]


Sauf qu'en réalité le Zilo ne s'était jamais fait rosser, il n'avait même jamais vu l'ombre d'une fauvette sur son chemin, ni celle de qui que se soit d'autre d'ailleurs, les routes étaient désertes, dépourvues d'une quelconque âme voyageuse, sans doute à cause de la chaleur cuisante qui brulait la peau des quelques personnes aventureuses qui avaient décidé de voyager malgré tout. Pour cause, il avait dû faire un détour par Nevers, non pas par plaisir mais par nécessité pour aller obtenir auprès de la cour de justice quelques jours de répit pour revenir à Limoges en toute sérénité afin de ne pas finir en geôle alors qu'il était de passage dans une ville. De cette manière, non seulement ça lui avait préservé son honneur qui n'allait pas en prendre un coup des suites d’une humiliation par une fauvette rancunière mais en plus ça lui avait permis de kidnapper la jeune neveroise qui n'avait pas voulu lui offrir son oie quelques jours plus tôt, et de fait, comme les kidnapping ça le connaissait un peu, du moins qu'il avait su tirer leçon de ses expériences passées, il l'avait collé au pilotage de la charrette pour être sûr qu'elle ne tente rien de stupide pour qu'ils puissent dévaler les routes à toute allure et ainsi rattraper les quelques jours de retard. Par ailleurs c'est parce qu'il avait libre choix au pilote de choisir la route à emprunter qu'ils étaient passés par le Berry, parce qu'à vrai dire ils auraient aussi très bien pu passer par l'autre coté, certes moins réputé pour être sûr mais tout aussi rapide, alors pour lui tant qu'au final ils arrivaient à Limoges c'était tout ce qui lui importait ...


[L'arrivée à Limoges]


En une petite poignée de jours la route avait été tracés pour finalement laisser apparaitre Limoges, toujours aussi somptueuse, vu de l'extérieur ... Un petit détour par chez lui s'était imposé, déjà pour se débarrasser de tout le barda qu'il se trimballait depuis des jours mais aussi pour se prendre un bon bain, il le méritait bien, enfin c'était surtout pour préserver l'odorat des autres parce que bonjour l'odeur du bonhomme, avec les lieux parcourus il empestait la crasse et la sueur, si bien que même les bestioles avaient cessé de lui tourner autour. Une fois arrangé, il pouvait - enfin - aller retrouver sa petite famille qui devait l'attendre quelque part en ville, il ne savait pas où aller puisqu'ils ne s'étaient pas fixés de rendez-vous mais par déduction il supprima toutes les possibilités pour ne laisser que celle de la taverne de la fauvette, lieu de réunion familiale.

Le normand était resté quelques instants derrière la porte sans l'ouvrir, il ne savait pas trop à quoi s'attendre, il appréhendait, non pas à l'idée de retrouver les deux femmes de sa vie mais plutôt de savoir comment ça allait se terminer cette fois, encore en un feu de joie ou bien allaient-ils enfin trouver la paix pour s'apaiser tout deux. Ça lui torturait l'esprit et la seule façon de savoir était de franchir cette porte pour être fixer, alors c'est qu'il fit ...

Point d'entrée fracassante cette fois, ni même triomphante ou quoi que se soit d'autre, une arrivée simple et quelconque comme l'aurait été celle de n'importe qui, juste un simple sourire pour saluer l'assemblée avant de se frayer un chemin au travers des tables et chaises disséminées dans la pièce pour aller s'installer. Un rapide coup d’œil balaya les lieux pour distinguer les visages présents et aucun parmi eux ne semblaient être celui de la danoise, un léger et discret soupir de soulagement lui échappa des lippes, il avait un peu de répit pour revoir son texte dans sa tête, bien évidemment comme il n'en avait pas il fallait qu'il improvise pour le moment où elles débouleraient. A ce moment là, il se tourna vers la tenancière des lieux, assez indécis du sort qu'il lui réservait après qu'elle ait maltraité son enfant et pourtant malgré l'envie qui ne lui manquait pas il était resté assez passif, ne voulant pas déjà semer le trouble icelieu alors qu'il venait à peine de rentrer en ville, préférant rester courtois en prenant les dernières nouvelles du coin.

Il n'avait pas fallut bien longtemps pour que la danoise rapplique, sans doute l'odeur du normand propre qui l'avait attiré ou bien était-ce l’irrépressible attraction qu'ils avaient l'un de l'autre qui l'avait fait arrivé, il ne saurait dire et s'en fichait pas mal tant qu'elle était là. Un sourire vint ravir son visage à la voir débouler, elle tout autant que la Tartine dodue qu'elle tenait dans les bras , Svan n'avait eu qu'à demander un câlin familiale pour qu'il ouvre les bras afin de les accueillir toute deux contre lui afin de les étreindre tendrement, refermant ainsi ses bras paternels et maritaux autour des deux femmes qu'il chérissait le plus en ce bas monde, moment de niaiserie totale, ils s'enfermaient tout trois dans leur petite bulle pour ignorer tout ceux qui les entourait, le passé tumultueux qu'ils avaient vécu et ce qui les attendait, profitant seulement du bonheur que leur prodiguait l'instant présent. Il en avait même profité pour discrètement tâter la fille puis la mère afin de déterminer laquelle des deux étaient la plus dodue, parce qu'il ne fallait pas se leurrer, si le bébé avait beaucoup de rembourrage pour amortir les chûtes malencontreuses que sa tante lui faisait subir, la mère semblait elle aussi avoir prit le même chemin pour amoindrir les coups de pied au cul qui l'attendaient.

Puis l'inévitable arriva ... La joie n'était que temporaire avant que les choses ne dégénèrent encore une fois. Des mensonges, des non-dits, des incompréhensions, tant de choses qui s'étaient enchainé sans que qui se soit n'eut le temps de se rendre compte de ce qu'il se passait vraiment, les mots doux avaient fusé, des coups avaient été porté et ce d'un coté comme de l'autre, chacun était à bout de ces mois passés et ne menant à rien d'autre que des déchirures supplémentaires. C'est ainsi qu'une fois de plus ils s'étaient quittés sans obtenir l'ombre de ce qu'ils avaient prévu si ce n'était qu'un cœur un peu plus meurtrit de savoir qu'ils voulaient la même chose sans vraiment être capables de l'obtenir.

Alors les jours qui suivirent il était allé rejoindre celle qui avait su trouver les mots justes, malgré le fait que tout les séparait, qu'ils passaient leur temps à se venger l'un de l'autre de la dernière altercation qu'ils avaient eu, qui ne pouvaient pas se voir plus de cinq minutes sans que lui n'ait envie de la saucissonner avec ses cheveux et qu'elle ne veuille le saigner comme un cochon, tout les opposait et pourtant, malgré le temps qui s'écoulait inexorablement, ils étaient restés étroitement liés. Zilo le lui avait fait savoir la deuxième fois que leurs chemins s'étaient croisés avec la fameuse phrase qu'il se faisait un plaisir de lui rappeler quand elle tendait à l'oublier.


Nos destins seront étroitement liés Fanette.

Et le destin n'y manqua pas ...

Une fois de plus l'un et l'autre s'était conjointement embarqué dans la même aventure, des objectifs différents mais pourtant une seule et même destination, chacun partait avec l'idée en tête de retrouver des êtres qui leurs étaient chers et ils avaient la ferme intention de les retrouver. Puis qui sait si l'un n'avait pas envie de faire un coup fourré à l'autre ...
Victoire.
[De toute façon, il t'aime toujours. T'es pas mieux.
Vous finirez par vous remettre ensemble.

De à peu près tout le monde]


Sauf que personne ne sait. Personne ne sait hormis elle ce qu'elle lui a fait subir. Elle n'a pas juste empêché un père de voir sa fille en partant. Elle n'a pas juste brisé son mariage en s'en allant. Elle n'a pas juste détruit une famille en fuyant. Non. Elle lui avait fait tout ça et ça avait fini par lui briser le coeur. En mars, quand ils s'étaient pour la première fois retrouvés, il lui avait asséné la triste réalité : elle n'était qu'une connasse qui avait brisé son coeur. Toutes les histoires qu'il vivrait à partir de là auraient une fin annoncée car il ne vivrait plus dans l'espoir que ça dure. Il prendrait ce qu'on lui offre mais ne s'investirait plus. Et quand ils s'étaient battus, quand les doigts longs et fins de la danoise avaient enserré son cou, elle avait lu dans les yeux normands le défi qu'il lui lançait : qu'elle l'achève pour de bon, que tout cesse enfin, qu'il ne souffre plus. Sauf qu'elle n'avait pas pu. Elle n'avait jamais cherché à lui faire du mal. Elle avait des torts, des centaines de torts, menteuse, manipulatrice, excessive, jalouse, peu sûre d'elle, toutes ses qualités mixées avaient fait d'elle la pire des épouses. Mais la naissance de leur fille avait tout changé. Certes, elle restait encore maladroite avec lui, elle ne savait pas comment s'y prendre pour que ça se passe bien, elle avait de gros coups de mou mais jamais elle n'avait voulu lui faire du mal. Pas plus en mars que ce soir de juillet. Pas plus maintenant que plus tard. Pas à lui. Jamais.

Alors sur les routes, seule avec Tartine/Astrée/Astrid/cettegamineatantdeprénomsquellevafinirschizocommesamère, elle ne savait pas quoi faire. Vraiment. Mourir. C'était là son seul but en fait. Elle ne voyait pas de fins différentes. Son ex-mari la hait. Elle enchaine les déceptions avec Fanette pour qui elle fait tout pourtant pour être la meilleure amie possible. Elle ne sait pas aimer parce qu'elle ne s'aime pas. Elle ne peut pas aimer parce que Zilo est toujours là, chaque jour, chaque conversation, il s'immisce sans même le savoir. Chaque homme lui est comparé. Chaque homme se sent diminué car elle ne parle que de lui. Il y a eu quatre jours de répit depuis huit mois. Quatre jours avec le meilleur ami de Zilo où ils se sont rapprochés. Quatre jours où elle a été si heureuse parce que pour la première fois on ne parlait pas de Zilo. Silence tacite car comment avouer qu'ex-femme et meilleur ami pouvaient roucouler dans son dos ? Quatre jours où enfin, elle ne vivait plus pour Zilo, par Zilo. Où elle n'était pas l'ex-femme de Zilo à qui on venait raconter ses frasques. Mais le bonheur ne dure pas. Et Zilo était réapparu encore plus en forme, encore plus lui, encore plus revendicateur de sa place de père, écrasant sous son doigt toute forme de bonheur pour elle.

Il ne sait pas lui non plus tout ce qu'elle vit. Mais ce soir de juillet, il lui envoie un courrier qui lui demande pour qu'ils se voient. Sincère. Du moins, elle veut le croire. Elle l'attendra à Limoges, ville qui les détruit mais ville-étape. Elle les avait réunis pourtant. Deux fois. Jamais deux sans trois dit-on non ? La ville avait vu naître les premiers émois danois pour le normand en avril. Puis en novembre, leurs retrouvailles. Mains immenses sur ventre rond. Alors Svan avait attendu. Attendu ... Patiemment. En tentant de se réjouir mais elle appréhendait. Et il était là. Toujours aussi beau. Son sourire narquois. Son nez parfait. Ses yeux d'un bleu profond. Putain. C'est moche de sentir son cœur s'accélérer parce qu'elle ne sait pas ce qui va se passer et parce que quoiqu'il arrive, il reste son mari. Elle y va détendue. D'apparence. Car le palpitant va lâcher. Elle ose. Elle réclame son dû. Ce qu'elle n'a jamais osé demander en huit mois.

Peut-on mourir de bonheur ? Assurément. Elle aurait pu mourir là quand les bras s'ouvrent. Quand ils se referment sur elles dans un élan protecteur, dans un amour paternel et marital. Quand il les touche voir si elles vont bien. Quand il leur sourit.

Mais on l'a vu, le bonheur ne dure pas. Elle merde. Persuadée pourtant d'avoir tout bien fait. Ils se sont mal compris, pas compris. Est-ce qu'ils sauront un jour, une seule putain de journée se comprendre ? Il lui en veut. De quoi ? Elle ne sait pas. Elle ne sait plus rien. Elle ne le comprend plus. Il ne lui parle même plus et ses silences sont toujours plus durs à encaisser que ses colères. Et il le sait, il en joue, il sait exactement appuyer là où ça fait mal. Il la connait par cœur et le revendique alors il lui vrille le cœur et écrase ses derniers espoirs de les voir réunis. Il veut juste sa fille. Il n'a jamais voulu de sa famille. Elle ne lui a jamais demandé de l'épouser à nouveau, de retenter quelque chose entre eux, il la hait tant. On ne confie pas les miettes de son cœur à la personne qui l'a brisé. Mais Svan voulait cette famille, elle y croyait tellement. Il veut juste sa fille. Menaces, cris, coups bas, il finit avec un carreau d'arbalète dans le bras, elle pourrait crever de le voir avoir mal. Parce qu'il ne le sait pas mais elle souffre quand il souffre, elle est heureuse de le voir rire, elle revit quand il s'occupe d'elles. Mère et fille. Qu'il soit père, elle ne demande que ça ... Mais lui, il la veut loin de leur fille et surtout de lui. Elle a pourtant tant changé, elle fait tout bien ou du moins, elle essaie et encore une fois, ce n'est pas assez. Ce n'est juste jamais assez ...

Elle part.
Avec leur fille.
Pour aider Fanette.
A retrouver son fils.
Fanette a le mari, pas l'enfant.
Svan a l'enfant, plus le mari.
Un jour, peut-être seront-elles heureuses en même temps ?

Et demain, Svan abandonnera.
A bout. Elle ne peut plus. Ne veut plus.
Elle élèvera seule cette enfant.
C'est fini.

Et après-demain, il lui écrira.
Il lui demandera pardon.
"Svan, pardonne-moi."
Il lui demandera une nouvelle chance.
Il lui écrira même qu'il l'aime.
L'amour est vaste, il peut bien l'aimer seulement comme la mère de sa fille, ça lui suffit.
Et cette connasse de danoise va céder. Elle va leur offrir une nouvelle chance.

Si une personne extérieure lisait leurs lettres, elle leur dirait qu'ils sont complètement crétins de ne pas voir cet amour qui transparait dans chaque mot, cette même envie de se voir réunis, que c'est juste trop fort pour pouvoir le vivre sereinement et que c'est pour ça que tout explose à chaque fois. Mais eux ne voient rien ou ne veulent pas le voir.

Est-ce qu'elle se fera avoir ?
Est-ce que Zilo écrit seulement ce qu'elle veut lire ?
L'avenir lui dira.
Mais comme il le lui a écrit, il lui manque une chose pour avoir leur famille.
La confiance.
Alors elle va tenter ...
Puisqu'elle n'a plus rien à perdre de toute façon.
Lison_bruyere
Aurillac, le 14 août 1466

Trois jours déjà d'un étrange voyage, une sorte d'accord tacite entre un mercenaire et une fauvette qui couraient finalement après le même rêve de familles réunies. Quelques piques peut-être se distillaient encore çà et là, au gré d'une conversation avec les autres. Mais étrangement, quand ils se retrouvaient face à face, éloignés du groupe, plus aucune animosité n'émanait de leurs échanges. Et si Fanette ne pouvait pas s'en plaindre, elle ne comprenait pas cette soudaine … gentillesse ? Etait-ce le mot approprié ? L'attitude de Zilofus à son égard s'en rapprochait sans doute. Elle voulait croire que ça durerait au moins jusqu'au terme de leur route, mais une partie d'elle s'attendait toujours à ce qu'il lui tombe dessus à un moment ou à un autre. Elle se ravisait alors en se persuadant que la présence d'Arthur et de Stefanio suffisait à dissuader le Normand. A moins qu'il ne soit réellement devenu gentil, mais ça, ce serait bien trop étrange en vérité.
Et puis, elle était aux prises avec bien d'autres tourments que les relations qu'elle entretenait avec lui.

Et ce matin, l'ombre des hautes courtines préservait la fraîcheur de l'herbe qui poussait le long des pierres de taille, et la jument s'en repaissait goulûment, le temps d'une halte improvisée à Aurillac. Fanette s'attelait à faire disparaître sur la robe de la baie les traces de sueur et de terre. D'un bouchon improvisé d'herbes jaunies pliées, enchevêtrée et torsadées, elle frottait le poil cerise, insistant sur les parties où le cuir du harnais avait laissé des traces d'écume séchée. L'animal se laissait faire, habitué depuis bien longtemps à la jeune femme, offrant parfois le contact de son front à la main caressante avant de se remettre à brouter.
Plus qu'un soin nécessaire, le pansage était une échappatoire. Ses pensées étaient entièrement dévouées à ce que faisaient ses mains, et aux paroles douces dont elle berçait sa jument. Et le temps de cette pause amicale, Zilo comme son époux étaient oubliés. Ses craintes la rattraperaient bien assez tôt, quand elle attendrait les autres pour reprendre la route, assise dans la salle commune de l'auberge municipale.

Cette nuit, ils avaient passé la frontière du Limousin. Et à présent, chaque lieue qui la rapprochait un peu plus du Languedoc et de son diable, entaillait la pérennité de son mariage. Pourtant, elle n'était pas décidée à faire demi-tour, bien incapable de se résoudre pour cette fois à sa volonté. Roman était un homme dur aux sentiments, et terriblement orgueilleux. Et s'il avait bien d'autres qualités dont elle était follement éprise, elle s'attendait au pire quand il se rendrait compte de sa désobéissance. Et s'il n'était question que de leur fils, mais c'était là le second affront qu'elle lui faisait en moins de dix jours.

Pas une fois, l'idée d'en vouloir à l'Angevin à qui elle avait offert ses lèvres ne l'avait effleurée. Les apparences étaient trompeuses, et s'il pouvait avoir l'air d'un séducteur au discours bien rodé, elle savait bien qu'il n'avait en rien profité délibérément de sa fragilité. Il s'était juste trouvé, le temps de quelques soirs, tout aussi perdu qu'elle. Elle ne pouvait blâmer personne d'autre qu'elle seule. Elle avait gâché le bonheur que l'Italien lui avait offert. Elle avait laissé prendre leur enfant, lui avait infligé la plus cruelle des blessures, et à présent elle lui désobéissait.

Alors, pourquoi donc devrait-il lui accorder son pardon, alors qu'elle-même s'en sentait si indigne ?
_________________
Lison_bruyere
Rodez, le 15 août 1466

Quatre jours de voyage, d'abord les reliefs doux des monts d'Auvergne avaient succédé aux vertes collines du Limousin. Et cette nuit, le groupe avait franchi les frontières du Rouergue. Elle se réjouissait que leur route traverse ce comté. Elle trouverait réconfort dans ces paysages sauvages qu'elle aimait, oubliant un temps ce qui l'attendait au-devant. Les vallées profondes du Tarn et de la Dourbie céderaient bientôt la place à de hauts plateaux calcaires, arides et âpres. Peut-être, à l'occasion d'une étape, échapperait-elle à la compagnie du groupe, pour aller encore s'allonger dans les dolines asséchées par l'été, pour chercher dans le ciel des formes merveilleuses, comme lorsqu'elle n'était encore qu'une vagabonde insouciante, cette première fois où elle s'était éprise de ces paysages en voyageant avec un oncle qu'elle connaissait alors si peu.

Hélas, le rêve, l'oubli et la contemplation n'étaient pas pour ce jourd'hui, ou peut-être juste dans la compagnie apaisante d'une brune retrouvée au hasard de la route. Mais Zilo la mettait en garde pour qu'elle ne s'éloigne guère et n'aille pas faire de bêtise, car une armée dissidente traînait aux abords de la ville. La guerre grondait en Rouergue, et si ça ne suffisait pas pour les mauvaises nouvelles de la journée, Kaghan était là. Il n'avait même pas cherché à l'éviter, lui rappelant la douleur d'une amitié qu'il avait foulé aux pieds, dès lors qu'elle était tombée amoureuse du Corleone. Et comble d'ironie, il cajolait un enfançon du même âge que Milo, lui rappelant plus encore combien son fils lui manquait.

Finalement, le but de ce voyage se rappela à elle. La Danoise venait de lui faire savoir qu'elle était rendue dans le Sud. Elle ne disait pas grand chose, même pas la cité où elle se trouvait, mais, Montparnasse était signalé à Nîmes. La brune s'était pour le moment contentée d'un nom glissé dans les registres de la ville. Elle comptait vérifier qu'il y soit toujours réellement. Il leur faudrait encore passer le Rouergue avant d'arriver aux portes du Languedoc. Elle n'avait aucune idée de l'avancée de Roman, mais ils devaient arriver avant que Svan ne perde sa trace.

Elle hâta une réponse qu'elle confia au grouillot postal, charge à lui de la faire parvenir dans la ville antique, en espérant y trouver la brune.




Svan,
Tu ne me précises pas, mais ...

_________________
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)