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Info:
Sept 66, disparition de Milo di Medici Corleone, enquête à l'orphelinat sainte Catherine

[RP] Quand fauvette veut se faire fouinette...

Lison_bruyere
Paris, cour des Miracles,
Derniers jours de septembre


Elle avait remisé arbalète et épée dans la chambre de l'auberge, trouvant sans doute ces armes bien trop ostentatoires, surtout au vu du peu d'usage qu'elle savait en faire. Au lieu de cela, elle gardait contre elle, dissimulé dans une poche de son paletot un petit couteau, dont la lame ne dépassait pas une paume de long. Le manche de corne était patiné par les années, mais le fourbisseur de Limoges avait rendu le tranchant à son fil. Elle s'était échappée au petit matin, vêtue comme un homme, même si l'idée ne lui plaisait guère. Les braies sombres remplaçaient avantageusement des jupes trop encombrantes pour ce qu'elle avait à faire. Le beau ruban de soie orange que lui avait fait parvenir Svan à l'hiver nouait sa chevelure bien trop voyante qu'elle dissimulait sous son capuchon. Si la Danoise égocentrique l'avait privée de son soutien, elle se réconfortait à l'idée de ce précieux souvenir d'elle, tout comme la petite rune de bouleau qui ne la quittait plus.

Promesse était faite à Amarante de ne prendre aucun risque, et de ne pénétrer sous aucun prétexte dans l'orphelinat. Elle se faufilait le long des façades, luttant contre les nausées de ce début de grossesse, ignorant la fatigue qui parfois soudainement l'accablait. Elle lutait aussi vent debout contre la peur qui lui prenait les tripes à chaque fois qu'elle croisait un regard, ou qu'on la frôlait. Mais la fauvette déterminée poursuivait son chemin, silencieuse et discrète, arpentant ruelle après ruelle, revenant sur ses pas, se perdant parfois, tournant souvent en rond, mais, peu avant sexte, elle avait fini par trouver ce qu'elle cherchait, au fond d'une impasse qui débouchait dans la rue Réaumur. Les lettres rouillées, suspendues au-dessus d'une grille brinquebalante indiquaient « Orph linat Sainte-Cathe ine. »

Elle s'approcha doucement, abritée par l'ombre d'une façade. Au-delà du portail, la cour pavée semblait à l'abandon, autant que la façade vétuste, mangée d'une vigne vierge qui commençait à se teinter de rouge. La mauvaise herbe, revigorée par les premières pluies d'automne s'étalait tapageusement dans l'allée, et de part et d'autre était un foisonnement de buissons désordonnés qui pouvait presque donner à l'endroit un charme bucolique qui contrastait avec la crasse des Miracles.

Elle prit une profonde inspiration, pour tenter de calmer le fracas de son cœur. La peur en l'instant se mêlait à l'espoir fou de revoir son fils. Si Montparnasse disait vrai, il n'était plus là, mais, pourtant, elle se sentait plus proche de lui qu'elle ne l'avait été depuis ce funeste jour de juin où on était venu lui arracher. Il était passé là, par ces murs, par cette allée, il avait franchi cette grille. Elle réprima un sanglot en essuyant une larme qui s'accrochait à ses cils. Et, d'une main tremblante, fit tourner la poignée de la grille, en surveillant les fenêtres de la bâtisse. Le fer grinça mais ne céda pas, témoignant d'une serrure verrouillée.

Elle observa un instant les alentours, évaluant la hauteur du mur qui reliait le portail aux façades aveugles des maisons adjacentes et en formait la clôture. Elle jeta un dernier regard inquiet à la demeure, et ravalant son hésitation, posa ses pieds dans les anfractuosités du mur pour se hisser par-dessus. Elle retomba souplement de l'autre côté et courut pour s'accroupir à couvert le long du mur. Le sang cognait presque douloureusement à ses tempes. Elle réprima un haut-le-cœur, adossée aux pierres humides du soubassement, et laissa passer un instant, pour reprendre contenance, ou se faire prendre. Cette dernière possibilité lui rendit suffisamment de courage pour se relever lentement. Elle se glissa le long de la façade, se baissant sous chaque fenêtre, pour ensuite observer à la dérobée à travers les carreaux. En contournant la bâtisse, elle perçut des voix et osa toujours aussi discrètement un regard par l'une des deux croisées grandes ouvertes. A l'intérieur, plusieurs enfants étaient regroupés dans ce qui semblait être un réfectoire, sous la surveillance d'une femme au visage parcheminé et à l'air revêche. Elle dévisagea rapidement les gamins attablés avant de se couler de nouveau le long des pierres. Un voile de tristesse vint brouiller ses traits. Chacun d'eux était né des hanches d'une femme, quelles disgrâces les avaient donc privé de leur amour ? Courbée le long du mur, elle poursuivit sa progression, s'attardant davantage sur la pièce suivante. De taille modeste, un immense bureau de bois sombre semblait en occuper tout l'espace. Quelques vélins s'empilaient négligemment sur le cuir patiné, frappé d'un liseré doré, qui en recouvrait la surface. Le reste du mobilier se résumait à trois chaises et une étagère, sur laquelle quelques livres jouxtaient d'autres piles de parchemins parfaitement alignées. Elle passa sa main sur la fenêtre, et le vantail grinça en pivotant sur les paumelles.

De nouveau son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle jeta un œil autour d'elle. Personne. L'occasion de cette fenêtre ouverte se représenterait-elle ? Combien de temps pour l'enjamber, fouiller dans les papiers, ouvrir les tiroirs du bureau, trouver quelques indications du passage de son fils à l'été, et surtout, de la personne qui l'avait acheté ? Elle s'accroupit de nouveau, jambes tremblantes. Elle avait promis de ne pas entrer seule dans l'orphelinat, elle devait juste repérer la rue où il se trouvait. Si elle se faisait prendre, Amarante ne s'en rendrait pas compte avant le soir. Elle devait s'en tenir à ce qu'elles avaient prévu. A contre-cœur, elle se résolut à quitter les lieux, avant que sa présence ne soit remarquée. Quelques toises à découvert séparaient la vieille bâtisse de la clôture. Elle couvrit la distance en courant, et escalada le mur aussi prestement qu'à l'aller, pour poursuivre sa course dans l'impasse. Débouchant essoufflée dans la rue Réaumur, elle réajusta son capuchon sur ses boucles et ralentit le pas, pour se fondre dans la populace, jetant parfois un coup d’œil inquiet par-dessus son épaule pour s'assurer qu'on ne la suivait pas.

L'impatience se lisait sans doute dans l'empressement de ses pas, dans la tension de son expression. Les nausées tenaient toujours son ventre, mais elle était parvenue à mettre de côté sa fatigue pour se hâter vers l'auberge des cinq sens. Y trouver refuge plus sûr en l'instant lui importait moins encore que d'informer la Bretonne de sa trouvaille. Non seulement, elle avait localisé l'orphelinat dans le dédale de rues qui tissaient cette cour des Miracles aussi crasseuse que dangereuse, mais s'il était là-bas des traces de son fils, elle savait dans quelle pièce les trouver. Rien ne comptait plus à présent que d'y retourner.
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Amarante.
Surtout, pas, d'imprudence Fanette, vous ne rentrez pas dans l'orphelinat toute seule, c'est bien trop dangereux.

Voilà ce qu'avait dit la Bretonne à sa comparse quand, elle lui avait dit, qu'elle partait en repérage. Elle serait bien allée avec elle, mais elle devait retourner aux écuries, pour récupérer ses vêtements. Elle ne pouvait pas se présenter vêtue comme cela, à la grille. Elle n'aurait pas été crédible du tout. Il fallait montrer qu'elle pouvait élever un enfant sans-souci, si elle voulait que cela fonctionne. Elle avait donc laissé Fanette après lui avoir arrachée cette promesse. Elle savait que pour elle, c'était difficile, mais il ne fallait pas agir trop précipitamment et sous le couvert des émotions.

La brune avait donc fait l'allé retour sans réel problème. Il fallait dire qu'elle ne s'attardait pas à regarder ce qui l'entourait, sinon son cœur se serait déchiré à voir tant de misère. Elle avait marché d'un pas rapide, en regardant droit devant et en faisant la sourde oreille quand elle entendait un mendiant demander une pièce, ou une femme qui pleurait parce qu'elle n'avait rien à manger ... Elle devait faire abstraction de tout cela pour le moment. Elle n'avait qu'un seul objectif et elle devait s'y tenir ... Ses pas avaient retrouvé le chemin jusqu'aux écuries, elle avait pris la sacoche dans laquelle, elle avait rangé ses vêtements puis, après avoir vérifié que les chevaux étaient toujours là et bien traité, elle était revenu à l'auberge pour attendre son amie.

Elle faisait les cent pas, comme un lion en cage à attendre comme ça, dans cette pièce étriquée. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Encore une fois, elle avait ouvert la fenêtre pour regarder dans la rue si elle ne la voyait pas arriver. Le pire dans tout ça, c'était qu'elle ne savait même pas où était ce fichu orphelinat. Fanette avait encore un peu de marge, elles avaient dit, jusqu'au soir, mais cela n'empêchait pas la brune de s'inquiéter. Fanette avait intérêt à respecter sa promesse sinon ... Sinon quoi ? Elle ne savait même pas ...

Après avoir rongé tous les ongles de sa main, la porte s'ouvrit enfin sur la petite rousette et le soupir qu'elle poussa bruyamment, montra qu'elle était plus que soulagé de la voir arriver. Son teint pâle avait fait place à un peu de couleur sûrement dû à la course qu'elle venait de faire ou aussi à l'adrénaline de ce qu'elle venait de faire ... La petite Fauvette lui raconta tout et elles décidèrent de passer à l'action dès le lendemain ... Pour l'heure, il fallait surtout se calmer et bien se préparer. Ne rien laisser au hasard. Si cet homme, ce Montparnasse, s'apercevait de quoi que ce soit, elles allaient morfler ...

Le sommeil fut dur à trouver et surtout, il fut très court. La Bretonne avait tourné et retourné tout cela dans sa tête. Elle angoissait aussi beaucoup. Elle avait dit qu'elle connaissait parfaitement les risques, mais le dire et en prendre réellement conscience quand il fallait passer à l'acte était autre chose ... Mais elle avait promis et puis elle était là pour aider sa filleule, alors elle n'allait pas flancher maintenant. Non, elle allait se calmer et retrouver son air impassible. Après tout, il n'était qu'un homme comme les autres. Juste un peu plus fou, ingérable et plus dangereux que les autres, d'après ce que Fanette lui avait raconté sur lui ...




[ ... ]



Le lendemain, comme prévu, la brune, c'était vêtu de la robe qu'elle avait apporté. Une belle robe d'un bleu profond en velours, brodé de fils d'argent sur le corsage. La brune n'avait peut-être plus de titres, mais il n'en restait pas moins qu'elle avait de l'argent et plusieurs bien immobilier. Sa robe reflétait donc, ce qu'elle était en réalité ... Une bourgeoise ... À sa taille, elle portait son inséparable sacoche où était rangé sa dague. Son gant de cuir à la main gauche, cachait une brûlure et le bandage de son poignet droit était caché par la manche du corsage. Le tout était surmonté, par une grande cape noire, dont elle avait remonté la capuche sur ses cheveux corbeaux.

Elles avaient quitté l'auberge ensemble, Fanette lui montrant le chemin pour aller jusqu'à l'orphelinat. Elle se souvint de celui que dirigeait Rodrielle ... Sainte-Clothilde ... Tout cela remontait à tellement loin ... Quand elles arrivèrent devant la grille, elle sentait son cœur battre tellement fort dans sa poitrine, qu'elle en avait des voiles noir devant les yeux. Elle devait se raisonner et ne surtout pas, se laisser submerger par la peur. Elle allait simplement distraire le directeur d'un orphelinat, le temps nécessaire pour que Fanette puisse fouiner. Rien de plus, rien de moins.
Elle regarda sa comparse, ferma les yeux et soupira grandement pour se calmer un peu.


C'est bon, je suis prête, vous pouvez y aller. Soyez prudente surtout.

Elle regarda Fanette passer par-dessus le mur, elle l'observa se faufiler dans l'ombre et quand elle la perdit de vue, elle chercha du regard s'il y avait une cloche quelque part. Celle qu'elle vit, semblait rouillée et ne tenait plus que par le Saint-Esprit. Elle la fit cependant tinter en la bougeant un peu, priant pour qu'elle ne s'effondrât pas sur le sol. Un simple " Ding " se fit alors entendre. Elle ne voulait pas crier pour dire qu'elle était là. Un minimum de discrétion était quand même préférable, alors elle attendit, en espérant que quelqu'un ait entendu la cloche ...

Alors qu'elle se tenait là, devant cette grille brinquebalante et abîmée, elle osa tourner doucement son visage à la recherche du grand nordique et de son chien. Elle ne le vit pas, mais elle sentait sa présence quelque part. Comment un homme aussi grand que lui, arrivait à se cacher sans qu'on puisse le voir ?
Elle soupira, en reprenant sa position initiale, le regard fixé sur le bâtiment qui se profilait devant elle ...






Edit pour intégration d'un autre personnage.

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Lison_bruyere
A tierce, ce vingt-huitième jour de septembre, la grande carcasse du blond était attablée dans la salle commune. Les traits pâles de la fauvette imprimèrent une petite moue rassurée. Elle se tourna vers Amarante, qui descendait l'escalier derrière elle et lui indiqua l'homme d'un signe de tête.
Sa tenue contrastait avec celle, superbe, de sa marraine. A la riche robe de velours bleu nuit, brochée d'argent, elle opposait encore ses braies sombres, et des heuses d'un même ton. Le paletot de fourrure la protégeait du froid et la cape de laine grossière dissimulait les contours de sa silhouette. Comme la veille, elle avait renoncé à prendre épée et arbalète, bien trop encombrantes pour l'usage qu'elle savait en faire. Sa seule arme consistait en un petit couteau qui se dissimulait facilement dans une poche ou dans le creux de la paume.

Ils sortirent, les deux femmes ouvrant la marche. Pour l'occasion, Huan, d'aucune utilité, était consigné dans l'écurie attenante à l'auberge, et Metsa l'avait remplacé, suivant avec son maître suffisamment loin derrière pour se fondre dans la foule et les veiller à distance. C'était à se demander qui inspirait le plus de crainte, de l'homme à l'allure roide, accentué par un regard de glace planté sur un visage broussailleux et sévère, ou du chien colossal, à la fourrure aussi épaisse que la gueule, qui parfois découvrait des crocs acérés et des molaires puissantes, propres à déchiqueter un bras ou une cheville en une seule bouchée.

Fanette ne parlait pas. D'une longue foulée en dépit de sa petite taille, elle les menait à bonne allure dans le dédale des venelles, jusqu'au bout de l'impasse qui croisait la rue Réamur. Ses tempes moites trahissaient sans doute les nausées matinales qu'elle tentait de contenir, autant que la peur qui commençait à lui serrer le ventre.

Trop tard pour renoncer. Cinq mois plus tôt, jour pour jour, elle sombrait dans l'inconscience en se vidant de son sang, pendant qu'une matrone experte s'appliquait à rendre le souffle à un enfançon cyanosé, et que son Corleone d'époux suturait ses chairs déchirées. Milo comme sa mère avait réussi à survivre. Voilà ce qui lui revint à l'esprit quand elle étreignit sa marraine. Elle n'était peut-être qu'une fauvette craintive, mais sa détermination était à la hauteur de la morsure cruelle qu'elle ressentait, à chaque fois qu'elle songeait à ce jour du juin, où on lui avait arraché son enfant. Il n'avait alors que sept semaines, à peine un battement de cils dans une vie.

Elle s'écarta de l'étreinte chaleureuse de la Bretonne, acquiesça à sa recommandation. Son regard se heurta au blond, qui venait de surgir, toujours flanqué de son molosse. Elle l'incita à la suivre d'un mouvement du menton, quand elle agrippait les pierres du mur pour se hisser par-dessus. Elle ignorait comment Metsa pourrait passer de l'autre côté, mais déjà, la simple présence de son propriétaire était rassurante. Elle gagna rapidement la vieille bâtisse, se glissa dans l'ombre de la façade en attendant que son comparse l'imite. L'air frais de ce matin d'automne vibra du tintement de la cloche. Elle se figea, s'efforçant à de longues inspirations pour calmer l'affolement de son cœur, et, à pas précautionneux, progressa le long de la façade, en contourna l'angle pour se rapprocher de la fenêtre qui l’intéressait. L'oreille aux aguets, elle attendait d'entendre le claquement d'une porte, et la voix de la Bretonne, espérant que sa diversion éloignerait suffisamment longtemps le directeur de son bureau. Mais la curiosité trop forte la poussa à risquer un œil par le carreau. La pièce était vide. Elle coula un regard hésitant dans les yeux de glace du nordique. Que faire, profiter de l'instant, ou attendre d'être sûre que le maître des lieux soit occupé ailleurs ?
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Eirik_gjermund


Joukahainen avait patienté deux jours dans l'immonde auberge. Son cuir chevelu très chevelu le grattait... Il avait dû choper des poux ou des puces à dormir sur un lit de paille.
Il avait rencontré deux femmes étranges et mystérieuses. L'amorce de leur rencontre avait été un type inopportun qu'il avait fait déguerpir. Sans doute Amarante aurait-elle réussi, mais moins vite que lui. La brune était moins impressionnante face à un ivrogne en quête de sexe.
Il y avait aussi Fanette, qu'il avait du mal à cerner. Elle semblait malade et déterminée. Peut-être était-elle condamnée à mourir, fauchée par une étrange maladie qui la forçait à rendre tripes et boyaux... Ou bien... Non, ce n'était pas son problème.

Son problème, c'était que tout se passe bien. Le Nordique avait été à l'heure. Il avait remisé son lourd manteau en fourrure de loup blanc, trop voyant, et sa lourde hache de guerre ouvragée, très encombrante. Il aimait cette arme forgée en ses terres, dont le manche et la lame étaient gravés de symboles et de runes.
Il s'en servait à son arrivée en France lorsqu'il combattait pour se faire un peu d'argent. Des combats à mort. Il rehaussait alors son apparence d'effrayant Viking par deux traits noirs sur chaque joue, et beuglait dans sa langue maternelle pour attirer hourras ou sifflements.
Aujourd'hui, bottes sombres, braies sombres, long manteau sombre. A son avant-bras était fixé un couteau de vingt centimètres, aiguisé. Au poignet opposé, un modèle plus petit qui relevait plus de la pique que de la dague. Cachée dans son dos mais très accessible, Jouk avait une hachette, modèle réduit de sa favorite. Plus courte, plus légère, plus maniable et si elle ne pouvait trancher une tête d'un seul coup, elle n'en demeurait pas moins meurtrière.
Autre arme, et non des moindres ; son chien. Un Berger du Caucase, grand et gros même pour un chien de sa race. L'animal aux poils faits pour résister à des températures largement négatives aimait peu le climat français mais ne pipait mot, comme à son habitude.

Fanette était vêtue comme un homme. Ou plutôt, comme un frêle garçonnet. Il ne dit rien. Amarante était... riche. Il eut un léger sourire en voyant sa tenue qui aurait fait pâlir d'envie toutes les femmes du Royaume. Si elle pouvait s'habiller ainsi, elle aurait de quoi le payer.
Son job consistait, à ce qu'il sache, à faire le guet, aux aguets, et à intervenir en cas de problème. L'homme tenant l'Orphelinat n'était pas un bon samaritain à ce qu'il semblait.
Fanette allait s'introduire discrètement et Amarante se présenter franchement, afin de déjouer l'attention. Avant qu'ils se séparent, il lui glissa :

Vous semblez trop inquiète. Détendez-vous... Je veille.
Il se voulait rassurant. L'anxiété se lisait trop bien sur les jolis traits de la brune.

Fanette disparut par une fenêtre. Que voulaient donc ces deux femmes dans cet orphelinat..?
Jouk se posta dans un coin d'ombre, son chien derrière lui. "Kiltti" lui avait-il dit, soit "reste sage". Metsa avait été élevé par des Russes et dressé par un Finnois. Pour le moment, il y avait juste à attendre, mais il se tenait prêt à toutes les éventualités.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
La chance avait-elle tourné ? Aucun pas dans l'allée ne faisait écho au tintement de la cloche. Elle attendit un moment, mais l'impatience fourmillait dans tous ses membres. Elle risqua encore un coup d’œil à l’intérieur du bureau. Toujours personne, mais la croisée entrouverte hier, était fermée ce jourd'hui. Tant pis. Elle n'allait pas poireauter indéfiniment. Après tout, peut-être que Montparnasse n'était pas là. Il avait bien d'autres occupations que cette vieille baraque, et ce n'est pas sûrement pas lui qui s'occupait des enfants. Les doigts fins saisirent une pierre de bonne taille pour sa paume, et elle cogna de toutes ses forces dans la vitre. Une volée de moineaux se dispersa au son cristallin du verre qui se brise. Elle s’aplatit aussitôt contre les pierres du soubassement, craignant d'avoir ameuté quelque occupant, mais rapidement, le silence retomba sur le jardin. Alors précautionneusement, elle se redressa, épiant l'intérieur. De l'autre côté de la bâtisse, la cloche de nouveau tintait, un peu plus résolue, signant l'empressement inquiet de la Bretonne.

Au même moment, Fanette escaladait le mur et se glissait à l'intérieur du bureau. Le verre crissa sous ses pieds. Son cœur se fracassait contre ses côtes, cherchait assurément à s'en échapper, pulsant douloureusement le sang à ses tempes, tant qu'il en occultait le reste de ses membres. Ses jambes se seraient volontiers dérobées sous elle, aussi elle s'efforça de se reprendre, d'oublier où elle se trouvait et ce qu'elle y risquait.
Les joues veloutées de Milo, ses grands yeux d'ardoise, ourlés de longs cils bruns, ses petits poings s'agitant nerveusement quand ses lèvres délicates s'ouvraient, cherchant le sein gorgé de lait, sa respiration paisible, son sommeil bienheureux de nourrisson aimé, elle ferma les yeux sur ces images d'un bonheur fugace, sacrifié sur l'autel d'une vengeance.

Il n'était pas temps de flancher, elle était là pour Milo. Elle releva le menton, balaya la pièce d'un regard et se dirigea vers l'étagère. Il ne fallait pas s'éterniser. Elle attrapa les livres et les ramena sur le bureau, puis, s'installant sur une chaise, les feuilleta rapidement.
Le premier semblait être un registre signalant les achats réalisés pour l'orphelinat. Mobilier, vêture, vivres, mais aussi bois, sans doute pour chauffer les nombreuses cheminées que devait compter la maison … Tout était soigneusement reporté, daté, mentionnant parfois dans la marge une annotation, augmentation de tarif, ou adresse d'un commerçant. Elle ne s'attarda guère, passant au suivant, qui ne semblait pas présenter plus d'intérêt. Le troisième cependant attira son attention, trop sans doute, car absorbée par la lecture de ce qu'elle découvrait, elle en oubliait d'être attentive aux bruits qui pourraient trahir l'ouverture imminente de la porte du bureau. Chaque ligne comportait une date, des noms et des adresses, la mention d'un enfant, et invariablement, elle s'achevait d'une somme en écus, ou en or.

Fébrilement, elle tourna les pages jusqu'au début du second semestre … Une date lui sauta au visage, 1466, le 16 de juin. Son sang se figea, glaçant son échine, arrondissant sa bouche sur une exclamation qu'elle s'efforça de garder silencieuse. Comtesse Monclar de Quercy et son époux. Une annotation dans la marge évoquait le « colis » qui serait conduit directement aux frais de l'orphelinat. Milo aurait-il pu être vendu sitôt son enlèvement ? Elle ragea de ne trouver aucune indication sur l'enfant, quand tant d'autres lignes indiquaient au moins un âge approximatif, le sexe, parfois un prénom. Etait-ce auprès de ces gens que vivait à présent son fils, où le trouverait-elle plus loin, dans les pages suivantes ?

Elle corna le feuillet et tendit l'oreille. Quelqu'un avait-il ouvert à Amarante ? Avait-elle encore le temps de fouiner ? Il le fallait. Elle saisit une chemise de cuir, renfermant visiblement plusieurs parchemins, et, dans sa précipitation, en flanqua la moitié par terre. Elle maugréa, se baissant pour les rassembler quand des pas résonnèrent dans la pièce voisine. Son cœur s'emballa de nouveau, tandis que le regard affolé courait de la porte encore close à la fenêtre. Elle se releva, saisit le dernier livre inspecté et regagna la croisée, mais les pas semblaient faire demi-tour. De nouveau aux aguets, elle hésita sur la conduite à tenir. Finalement, elle se ravisa, reposa le registre de compte et ramassa les documents dispersés au sol. Chacun était en réalité des lettres, des correspondances. Elle en parcourut quelques-unes rapidement. Nombreuses étaient des demandes de rendez-vous, de renseignements, certaines relataient de vifs désirs d'enfant, dans des déliés d'encre laissant deviner le désarroi que quelque mère se lamentant d'un ventre désespérément vide. D'autres semblaient plus équivoques, parlaient plus crûment d'usage, proposaient d'importantes sommes pour s'affranchir de questions de morales et de convenance. Fanette réprima un haut-le-cœur, refusant d'imaginer le sort des enfants qui pouvaient répondre à ces exigences.

Elle laissa de côté les courriers pour ouvrir le dernier registre, le plus lourd de tous. De nombreuses pages étaient encore vierges, mais une bonne soixantaine offrait déjà, d'une écriture fine et serrée, des descriptions d'enfants, noms, réels ou fictifs, dates de naissance au mieux, le plus souvent un âge approximatif, quelques traits physiques, et parfois même, une phrase déplaisante pour décrire un trait de caractère, un défaut, ou au contraire, une particularité qui saurait attirer quelque clientèle.

Elle ne savait plus où donner de la tête à vrai dire. Jamais elle n'aurait le temps d'étudier ligne après ligne chaque registre, chaque lettre. Pourtant, parmi tout ce fatras de documents, d'encre, de correspondance, il était peut-être un courrier d'une noble dame, demandant à adopter un enfançon jeune. Dans le registre des enfants, peut-être décrivait-on un nourrisson mâle, approchant les deux mois et qui serait venu à l'été. Trace était sûrement consignée de cette transaction dans le livre de comptes, et avec de la chance, elle mentionnerait l'adresse des adoptants. Elle se demanda si le Nordique savait lire, un bref instant, hésita à l'appeler, n'osa finalement pas, et s'installa sur une chaise. Les registres seraient sans doute plus faciles à emporter, alors, elle fit sa priorité des lettres consignées dans la chemise. Objectif : mettre de côté toutes celles réclamant un jeune enfant, écrite à compter de l'année 66.
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Amarante.
Se détendre ... Ses mots prononcés par le nordique, juste avant de disparaître, résonnaient encore dans sa tête. Oui, elle devait se détendre. Elle prit encore une fois, une bonne inspiration et se força à afficher un sourire, le plus naturel possible, sur ses lèvres.

Cela faisait déjà quelques minutes que la cloche avait tinté et toujours personne ne vue. Elle la fit sonner une deuxième et cette fois, et l'on pouvait entendre deux tintements bien plus distincts et sonores. Cette fois, ça allait bien attirer l'attention de quelqu'un ? Non ? L'impatience commençait à la gagner. Elle secoua un peu le portail, longea un peu le mur pour voir s'il n'y avait pas une brèche quelque part, puis revint se placer devant le portail.

Elle commençait à se poser des questions. Cet orphelinat, était-il seulement réel ? Où n'était-ce qu'une façade ? Quand le bruit de verre cassé se fit entendre, son cœur se mit à battre comme jamais. Qu'est-ce que c'était ? Elle secoua un peu plus violemment ce portail rouillé. Avec sa robe, elle ne pouvait pas escalader le mur. Enfin, avant d'en arriver au point de relever ses jupons pour passer ce mur, parce qu'elle le ferait si elle n'avait pas le choix, elle allait secouer encore ce portail qui lui résistait. Un vieux machin rouillé comme ça, allait bien finir par céder !

Elle sortit sa dague et en même temps qu'elle poussait la jonction, elle glissa la lame, et poussa aussi fort qu'elle le pu pour déverrouiller le loquet, en même temps qu'elle donnait un coup d'épaule sur le battant. La lame se brisa, mais le loquet s'était dégagé ...
Sans vraiment réaliser, qu'elle n'avait plus qu'un bout de dague, elle se glissa à l'intérieur de la cour et se précipita vers la porte.

Essoufflée, elle remit ses cheveux en place, rajusta sa cape, rangea son bout de dague en pestant contre la qualité médiocre de l'objet. Si elle avait eu celle, qu'elle avait donné à sa nièce, elle n'aurait pas cédé comme ça ... Et enfin, elle frappa à la porte en espérant que cette fois, quelqu'un allait ouvrir ...


Il y a quelqu'un ? S'il vous plaît, j'aimerais voir le directeur ...

Son cœur allait finir par exploser dans sa poitrine ... Mais, en attendant, elle recula un peu et observa le lieu, cherchant du regard, d'où avait bien pu provenir, le bruit de verre brisé. Si personne ne venait, elle se mettrait à la recherche de Fanette ...
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Eirik_gjermund


Le Barbare laissa la riche brune aller toquer, seule. Il aurait fait tache. Sa place était au plus près de Fanette, la Fanée. L'homme devinait une grande beauté en cette femme. Bien trop fragile, faible et malade pour être véritablement belle. Et Jouk n'avait aucun goût pour les biches blessées. En réalité, il était peu concupiscent. Il voyait les beautés, les admirait, mais n'était attiré sexuellement que par un certain type de femme. Une aura. Joukahainen avait besoin de plus qu'une beauté, qu'un érotisme. Ce qui ne l'empêchait pas d'assouvir ses besoins bassement humains avec des filles-de-joie... Mis à part le soir même où il visitait les bordels, son esprit était clair, dénué d'envies malsaines.
Même si ces femmes étaient jeunes et... belle, pour l'une, malade pour l'autre. On pouvait reprocher au Nordique beaucoup de choses, mais pas sa façon de se tenir avec les femmes. Car il pensait toujours à sa jeune sœur et à sa mère. Qu'il oubliait volontairement en s'engouffrant dans un bordel.


Quand il dit à Amarante de se détendre, celle-ci parut l'écouter, inspira et se fit plus fluide malgré son appréhension. Il la quitta en longeant le mur pour se poster sous la fenêtre ou Fanette entrait. Il entendit le verre se casser et attendit, sans respirer, un bruit. Rien, sauf celui de la petite Fanette fouineuse.
Une fenêtre que la jeune-femme avait du escalader.... Mais lui, sur la pointe des pieds, il pouvait voir à l'intérieur. Son chien, Metsa, était caché derrière lui comme si ses genoux avaient été une énorme boule de fourrure.

Le boulot de Jouk, c'était ne se mêler de rien. Attendre. Intervenir si besoin.
Mais le grand Scandinave s'ennuyait ferme. Il regarda à droite. A gauche. Rien. Il se haussa sur la pointe des pieds et vit Fanette fouiller tiroirs et bureaux.
Une cloche tinta. Le Blond repris sa place de vigile, ses yeux d'acier aux aguets. Rien. Sauf le bruits des tiroirs que l'on retourne.

Il se foutait de ce que ces femmes cherchaient. Il voulait juste quitter les lieux avec elles deux en vies et être payé.
Nouveau tintement de cloche. Amarante se faisait plus pressante, hors de sa vue. Il l'entendit forcer le portail sans ménager le bruit. Alors Jouk se hissa avec facilité dans le bureau retourné où Fanette cherchait.
Le voyant, il lui fit signe de se calmer - ce n'était que lui.
Jouk vit des dossier éparpillés. Il était en Royaume de France depuis un certain temps, avait appris à parler et à lire, à et quasiment à écrire. Ecrire, c'était le plus dur.

Dans la semi ombre, il croisa le regard de son employeuse. Ainsi illuminés, yeux noisettes et yeux bleus avaient le même éclat.


Je peux vous aider ? Un nom ? Je connais les lettres.
" Je connais les lettres"... Une phrase d'enfant en apprentissage. Mais le Nordique l'ignorait. Ses phrases possédaient rarement des sous-entendus. Il disait connaître les lettres ? C'était le cas. Si Fanette cherchait un Raymond, une Gilberte ou autre, il saurait le reconnaître. Certes, il écrivait comme un coq norvégien mais lisait bien mieux !
Vite. Personne ne réponds à votre amie.
Quoi que les deux femmes cherchent, elles devaient le faire vite. Metsa attendait sous la fenêtre. Jouk regardait la jeune-femme, attendant ses instructions.
Il n'était qu'employé. Et il ne comptait pas sur celle-là pour le payer. Non, ce serai Amarante. Si richement vêtue. Fanette était fadette. Les deux femmes devaient, avec lui, quitter les lieux ensemble.

Alors ?

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Elle feuilletait un peu nerveusement les vélins, incommodée par le parfum particulier d'humidité et de poussière qui se dégageaient des peaux fines grattées d'encre et empilées depuis bien trop longtemps, quand un léger bruit se fit entendre dans son dos. Son cœur fit un bond dans sa poitrine, à l'instant où elle se retournait, mais le geste apaisant du blond l'assura qu'il n'y avait rien à craindre. Du moins pour l'instant, car il avait raison sur un point, plus vite ils seraient sortis de cette souricière, moins ils prendraient de risques.

Elle acquiesça brièvement à l'information, se troublant un peu de ne pas savoir où se trouvait Montparnasse, puisqu'il n'était pas au portail avec Amy. L'aide de Jouk fut accueillie par un sourire, ébauché rapidement sur les lèvres un peu trop pâles. D'un geste leste, elle scinda la pile de documents qu'elle étudiait et en posant une partie devant l'homme.

- On cherche plutôt des chiffres. Ce sont les courriers de tous ceux qui ont demandé une entrevue ici pour adopter un enfant. Je veux trouver tous ceux qui ont été écrits entre le début de l'an et le mois d'août, et qui concernent des demandes de nourrissons. Parfois il y a des annotations, regardez.

L'index pointa un prénom rajouté dans la marge, par endroit, il était complété d'un chiffre. Elle l'énonça à haute voix à l'attention du Nordique.

- Baptistine, deux ans. Vous voyez, je suppose que ce sont des orphelins qui ont été confié à ces gens. Le livre de comptes et le registre des enfants le confirmeront sans doute. On les emportera, je les étudierai ailleurs. Ce courrier-ci n'est pas utile, juste les nourrissons mâles, d'accord ?


Elle hésita un instant, puis ajouta :

- Si vous trouviez quelque part mention du nom de Corleone, c'est celui-là que je cherche. Mais dans le doute, n'importe quel nom correspondant à un enfançon pourrait être lui, et si rien n'est précisé, ça offre malgré tout une possibilité que ce soit lui, donc, on garde aussi.

Elle espérait sans trop y croire que Claquesous ait pu faire mention du véritable nom de l'enfant qu'il était venu lui prendre au seizième jour de juin. Elle avisa le géant d'un regard et se remit à chercher, avec la même fébrile urgence. Si ses yeux restaient concentrés sur les écritures, l'oreille guettait les bruits de pas, les voix, et espérait qu'Amarante saurait faire diversion sans prendre de risques. Avec un peu de chance, Montparnasse n'était pas aux Miracles. Peut-être même était-il encore en Languedoc où , un mois plus tôt, il avait brisé Roman, et d'une certaine manière, elle tout autant que lui.

Noisettes furent attirées par un nom qui ne lui était pas inconnu, Alaynna Valassi. Son visage imprima une petite moue interrogatrice, tandis qu'elle parcourait rapidement le texte. L'Italienne voulait un fils, un nourrisson à qui elle pourrait raconter de belles histoires sur sa naissance. Aucune mention d'enfant n'était fait sur le courrier, mais on avait reporté une date, premier jour de mars mille quatre cent soixante six. Elle était presque sûre d'avoir déjà entendu ce nom. Si elle ne se trompait pas, il s'agissait de la femme que Roman avait épousée en premières noces, celle qu'il accusait d'avoir tué leurs deux bébés. Elle retourna le vélin sans trouver d'autres indications, qu'une adresse à Argentan, dans l'Alençonnais. Soudain, elle sentit une main lui étreindre le cœur, refoulant le sang si loin qu'un froid intense l'envahit, le souffle lui manqua. Elle chercha l'appui d'une chaise avant que ses jambes ne se dérobent. Rien ne certifiait que la femme avait eu satisfaction, mais rien n'indiquait non plus le contraire, c'était la première piste tangible qu'elle trouvait. Se pouvait-il que Milo vive près de celle qui avait porté ses deux demi-frères ? Pour la première fois depuis mi-juin, l'image de son fils se fit moins floue, elle l'imagina bercé dans les bras d'une femme. Cette vision était à la fois rassurante et si cruelle qu'elle en étouffa un sanglot. Elle ferma les yeux un instant, cherchant à dissiper son trouble en se concentrant sur son souffle. Le vélin fut remisé avec les livres à emporter, il en restait encore quelques-uns à étudier, offrant peut-être d'autres pistes, d'autres espoirs moins ténus que celui-ci.
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Lison_bruyere
Un second courrier attira son attention. L'écriture offrait peu de détails, des noms, ceux d'un couple sans doute, un domaine dans le sud. Le titre de Monclar apparaissait encore, comme sur la page du carnet. Il s'agissait assurément d'une famille riche et Montparnasse avait évoqué une noble dame. Rien n'était précisé de plus, hormis une date en avril, et une autre en juin, aucune mention d'enfant, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'y en avait pas eu, et Milo avait justement été enlevé au mois de juin. De nouveau, son cœur manqua un battement, et aussitôt un autre quand elle entendit un chuchotis grossir et s'amplifier du bruit de plusieurs pas qui dégringolaient l'escalier.
Elle se tourna un peu affolée vers Jouk, qui avait relevé la tête lui aussi, attentif aux sons provenant de l'intérieur. Doucement, il avait glissé la main dans son dos, effleurant le manche de la courte hache qu'il y dissimulait. La vague sembla se rapprocher, pour s'éparpiller dans la pièce voisine.

Fanette se souvint de son repérage la veille. Les fenêtres du bureau jouxtaient celles du réfectoire. Les enfants devaient y être. Le blond la pressa, s'éterniser devenait bien trop dangereux, surtout sans avoir l'assurance qu'Amarante ait pu faire diversion.

Elle rassembla les courriers qu'elle n'avait pas encore étudiés et les fourra prestement dans la besace de cuir qu'elle portait en bandoulière, puis, rapprocha le registre où étaient consignées les identités et descriptions des petits pensionnaires. Avant de signifier à Jouk son accord pour lever le camp, elle s'assura qu'elle n'avait omis aucun détail. C'est là qu'elle aperçut un discret tiroir, niché sous le plateau du bureau. Un verrou lui interdit de l'ouvrir, attisant plus encore sa curiosité. Que pouvait-on mettre sous clefs ? Avant qu'elle ne sorte le petit couteau pour en forcer la serrure, son acolyte avait pris le devant, et d'un geste franc la fracturait. Le tiroir fut rapidement délogé de sa niche et vidé sur le bureau. Constat décevant, il ne contenait que quelques babioles, deux ou trois plumes, un encrier qui ne manqua pas de se déverser, tachant largement le cuir qui tapissait le dessus du meuble et une chevalière. Elle l'examina rapidement, dessus étaient entrelacés gracieusement un E et un L. Elle la déroba sans ressentir le moindre scrupule. Montparnasse n'en avait eu aucun à chaque fois qu'il s'en était pris à la famille Corleone, et une bague de cette taille pouvait valoir de l'argent, elle serait utile quand il faudrait payer les taxes comtales de l'auberge. La fauvette l'ignorait mais en temps normal, c'est dans ce tiroir que le directeur rangeait précieusement le petit cahier de comptes à la reliure noire. Ce n'est que par chance qu'on l'avait, pour cette fois, oublié sur l'étagère.

Plus le temps de traîner à présent. Elle glissa le carnet noir dans sa besace au milieu des courriers froissés et saisit le lourd registre des enfants.

- Décampons !

Elle laissa filer le Viking devant elle, craignant l'accueil du gros chien sous la fenêtre si elle sautait la première, puis enjamba à son tour le muret pour s'asseoir sur le rebord, perché à cinq pieds du sol. Le registre serré contre elle, l'autre main plaquant fermement la besace sur son flanc, elle sauta, manquant de se rétamer en foulant l'herbe.
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Amarante.
Bon sang ! Pourquoi personne ne sortait de ce fichu orphelinat ? Quand le directeur n'était pas là, ils avaient consigne de n'ouvrir à personne ? C'était quand même un comble de ne pas avoir un intendant, ou même un second ... La brune commença alors, à aller coller son nez sur les carreaux des fenêtres ... Peut-être verrait-elle quelqu'un ? Ne serait-ce qu'une cuisinière ...

Elle entendait bien du bruit, mais les carreaux ne laissaient pas vraiment voir ce qu'il y avait à l'intérieur et cela agaça franchement notre Bretonne ... Relevant un peu le bas de sa robe, elle se mit à faire le tour de la bâtisse, jusqu'à ce qu'elle puisse enfin trouver la fenêtre brisée ... Elle s'approcha cependant précautionneusement, parce que l'énorme chien de Jouk se trouvait là. Il avait bien dit qu'il n'attaquait que sur commande, mais elle se méfiait quand même ...

Elle se pencha pour voir, en faisant attention au chien, juste au moment, ou le tiroir rendit l'âme. Il y avait un tel foutoir dans ce bureau, qu'il ne faisait aucun doute sur la visite. Il y en avait un qui allait être furieux et cela fit plisser le nez de la brune. Fanette aurait au moins pu être un peu moins saccageuse. Ça sentait les représailles ce genre de chose ... Mais en même temps, elle n'avait pas trop le temps de fouiner tranquillement non plus ...

Elle eut à peine le temps de souffler, un, " vous avez trouvé quelque chose ? ", quand Fanette sonna la retraite et les voilà partant tous les trois en direction du portail laissé ouvert. La capuche de sa cape, ne cachait plus ses cheveux de jais et quiconque à l'intérieur, aurait pu la décrire ... Elle ne pensait plus vraiment à sa cacher pour l'heure, tout ce qu'elle voulait maintenant, c'était retourner à l'auberge ...
Il était pourtant de notoriété publique que dans la précipitation, les erreurs étaient commises ...

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Eirik_gjermund


Fanette le vit, et la lumière de la rue en contre-jour éclairait les cheveux de la jeune-femme. Jouk était entré avec prudence, sachant qu'elle attendait plutôt quelqu'un de mal intentionné, et qu'un coup de frayeur pouvait déclencher une attaque rapide. Aussi le nordique se tint-il loin le temps qu'elle le reconnaisse. Si dans la peur elle saisissait son couteau, il n'aurait le temps de la bloquer. Les deux femmes étranges n'avaient pas besoin d'un homme se vidant de son sang sur la paperasse tant recherchée.
Le fin sourire de reconnaissance le fit s'approcher.

Fanette lui posa alors un lourd registre sous le nez, son doigt pointant une ligne pour exemple.

On cherche plutôt des chiffres. (...) Parfois il y a des annotations, regardez.
Joukahainen regarda et lut avec attention, moins vite que les paroles et les instructions. Il lisait beaucoup moins vite qu'un homme lettré de son âge. Du moins savait-il lire, et pour un étranger, c'était déjà un luxe énorme. Il avait appris les nombres avant les lettres.
Un "enfançon"... C'était la première fois qu'il entendait ce mot mais le comprit et le trouvât beau et innocent. Jouk apprenait souvent de nouveaux mots en français, se délectant autant des insultes que des douceurs.

Il hocha la tête en signe de compréhension et éplucha lui aussi les registres, moins vite que Fanette mais avec attention. Était-elle malade suite à la perte d'un "enfançon" ? Probable. Pour une mère, se faire arracher son bébé était comme si on la vidait de ses entrailles. Mais à vrai dire, l'attention du Scandinave était divisée entre deux choses seulement ; les registres et un éventuel bruit suspect.

Il fronçait ses sourcils broussailleux. Qui donc écrivait ?! On avait pas idée d'écrire aussi ma...
Bruit.
Comme un félin aux aguets, la tête virile se redressa, limite si ses oreilles n'oscillèrent pas. Ses doigts et ses avant-bras se contractèrent et il fit un pas en avant, tout silence, vers la porte, cachant de sa stature Fanette.
Rien.
Il attendit. Rien.
Fanette enfourna des papier dans sa besace et glissa un
"décampons" mais à ce moment, un intrus se glissa par la fenêtre. L'éclat du long couteau du Barbu se montra, et ne scintilla pas, sa lame recouverte volontairement de suie.
Amarante. Jouk rengaina.

Vous avez trouvé quelque chose ?
Les deux femmes verraient cela ensemble. Il était temps de s'en aller.

S'assurant d'être suivi, il descendit le premier, ses longues jambes n'ayant pas beaucoup de centimètres à parcourir jusqu'au sol. Les deux jeune-femmes descendant de dos, il leur offrit ses deux mains comme marchepied. Peut-être par égard, peut-être dans le souci d'être silencieux.

Metsa attendait à sa place, comme une peluche démesurée.
La suite appartenait à Fanette et Amarante. Son aide avait été quasi superflue. Du coup, il serait payé moindre. Dommage. Pour lui.


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