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Fil RP concernant les faits et actions de la Mesnie de Lisyane des Sainctes-Eaux et de ses commensaux mis en place en gargote savoyarde.

[RP] La Mesnie des Sainctes-Eaux

Rollin
Cité de Liège, Capitale de la Principauté épiscopale de Liège – 3e jour de novembre de l'An de Pasques 1461, jour Saint-Hubert


*Assis dans la pénombre, Rollin noircissait de son écriture posée et souple la surface du parchemin réglé. Le chuintement à peine audible de sa courte plume d'oie, entrecoupé à intervalles réguliers de rapides visites au noir abreuvoir de l'encrier, était le seul bruit qu'on pouvait distinguer… si ce n'est son propre souffle, calme et régulier.*

*Les paupières fatiguées et le front plissé, le Chambérien d'adoption interrompit finalement le flot calligraphique, vol suspendu d'une plume ayant depuis longtemps oublié le souffle de Zéphyr… Il inspira profondément, se massa la tempe senestre, puis déposa la rémige taillée en travers de son ouvrage.*

*Combien de temps? Le compte des jours, des semaines et des mois n'avait plus cours dans son esprit. Depuis qu'il était revenu en sa Principauté natale, il avait perdu le fil. Dieu, que sa terre d'accueil lui manquait! Et sa mie, et les enfants, et tous ceux qui depuis de longues années maintenant donnaient un sens à sa vie.*

*Il se força à quitter son ouvrage des yeux pour darder leurs noires prunelles en direction de l'âtre démesuré où ronronnaient les restes de grosses bûches rougeoyantes. De derrière la grande cathèdre ouvragée qui lui tournait le dos, ballant par-dessus l'accotoir, il ne voyait de Colinet que le bras dextre abandonné, amolli, tout empesé de sommeil. Un sourire se dessina presqu'imperceptiblement sur son visage buriné.*

*À quelque distance, dans le silence de la nuit, la Bancloche tinta au clocher de la Cathédrale Saint-Lambert, juste sous le toit de l'immense flèche dorée qui montait à l'assaut du ciel, plus haut encore que ne le faisait celle de Cologne… plus haut que n'importe quel clocher jamais bâti sur les terres aristotéliciennes, en fait. Deux coups bien cognés, double note pure et claire sonnant la demie… mais la demie de quelle heure? Rollin tenta de se rappeler la dernière fois où la Côparèye avait sonné l'heure pleine… Impossible! En désespoir de cause, il avisa la chandelle claire posée derrière la boule de Saint-Crépin qui, par le jeu de l'eau qu'elle contenait, amplifiait la douce clarté de la flamme nue: il restait moins d'un pouce de cire… il devait donc être passé la deuxième heure après le mitan de la nuit.

*Rollin étira ses membres endoloris puis se leva lentement, le séant tout ankylosé par les longues heures passées à faire un coussin confortable à son propriétaire. Se saisissant du parchemin, il marcha jusqu'à la gueule béante de l'âtre et parcourut de ses yeux sombres la missive au bas de laquelle il venait d'apposer son seing.*

*Satisfait de son ouvrage, il revint à l'écritoire, cacheta la missive d'un scel de cire, y pressant son anneau sigillaire, puis il ouvrit une porte dérobée derrière laquelle un varlet rompu de fatigue avait fini par s'endormir, assis en équilibre instable sur un escabeau solide… Le gaillard sursauta et failli tomber bas de son siège. Il se leva en bredouillant, rectifiant sa mise et lissant gauchement les faux-plis de sa livrée armoriées.*

- Mon… Moncheû, vos-avé mesåve di mi?**
- Åye, Linå! D'ji vôreus qu'vos trové-ve vos' mèyeûr messèdjî èt k'vos-l'èvôyîve amon Coûrmaïeur.
- À-s'teûr? S'cusé-ve, Moncheû, min… nos-estans å mitan dèl' nûte!
- D'ji l-sé bin, Linå, mais vos savé qui d'ji so-st-on oûhè d'nûte, adons, valèt? Allè, bizé-ve foû di-d-t'chal èt allé-ve tot råte quwèrî èt dispièrter vos d'jins!
- Åye, Moncheû!


*Le varlet s'en fut en courant accomplir la mission confiée par son maître tandis que Rollin portait Colinet jusqu'à sa couche. Enfin, il revint une dernière fois à l'écritoire pour souffler la chandelle avant que s'effondrer de fatigue sur son propre lit.*

**- Mess… Messire, vous avez besoin de moi?
- Oui, Léonard! Je voudrais que vous alliez trouver votre meilleur messager et que vous l'envoyiez auprès de la Courmayeur.
- À cette heure? Faites excuses, Messire, mais… nous sommes au beau milieu de la nuit!
- Je sais, Léonard, mais vous savez bien que je suis un oiseau de nuit, n'est-ce pas mon garçon? Allons, filez d'ici et empressez-vous d'aller quérir et réveiller vos gens!
- Si fait, Messire!


******

Chambéry, Capitale du Duché de Savoie – 26e jour de novembre de l'An de Pasques 1461, jour Saint-Alipe le Stylite et Saint-Amateur


*La chevelure hirsute et la mise crottée, maculée de boue et détrempée par les premières neiges rencontrées en chemin, le messager observait la masse agglutinée des maisons du bourg Maché qui créait un contraste étonnant avec les solides remparts entourant la capitale savoyarde. À quelque distance, il pouvait voir le fort châtelet qui défendait la porte Sainte-Barbe et, derrière les murs, les toits des tours du Chateau des Ducs et de quelques clochers épars. Ici Saint-Léger, là Sainte-Nitouche... dans l'esprit de ce messager venu d'une Cité dix fois plus vaste et plus peuplée où l'on trouvait une église toutes les cinquante toises, il naquit une étrange sensation de... vide.*

*À senestre de Maché, les eaux partiellement gelées du torrent de la Leysse étaient rejointes par le flot nonchalant de l'Albanne qui, après avoir parcouru les multiples canaux de la Ville et abreuvé ses remparts, venait s'y jeter avant que, unies à jamais, leurs eaux ne longent les grands allées du Jardin du Verney pour filer en direction du lac du Bourget.

*Le jeune homme talonna les flancs de sa monture et s'avança vers le faubourg grouillant d'activité. Il faut dire que c'était là l'endroit de la Cité où se trouvaient la majorité des relais, hostelleries, gargotes et bordiaux de Chambéry. Allant au pas au long des ruelles étroites et bourbeuses, le messager avait pris pour repère une grosse bâtisse sise sur une légère élévation de terrain… Son maître lui avait indiqué ce point de repère, chez la Rose de Saron, car il était aisé à partir de là de trouver sa voie jusqu’à la Bâtie, demeure de la Baronne de Courmayeur à Chambéry.*

*Le messager se fraya un passage et, quelques instants plus tard, il fit halte devant un hostel de modeste dimension : la Bâtie… enfin ! L’homme mit pied à terre, se débarrassa de son mantel de voyage, dévoilant une cotte d’armes brodée, portant d’or à deux fasces de gueules. S’avançant vers l’huis, il cogna plusieurs fois le heurtoir contre la solide porte ferrée.*

******

Chambéry, Capitale du Duché de Savoie – Le même jour, quelques instants plus tard


- Oui, Dame... et voici son pli.

*Le messager actionna le fermoir de son lourd coffret fretté de fer et en extirpa un pli cacheté qu’il tendit avec déférence à la Dame des Sainctes-Eaux.*



De Rollin Chabod, fidèle amy de Courmayeur,
À la Dame Lisyane des Sainctes-Eaux, Baronne de Courmayeur, Dame de Morgex & Pré-saint-Didier,

À Dieu,

Doulce Dame, très chère Amie, c'est à grant-joye que je prends plume cetuy jour -icelle nuit, plustant- pour me recommander à vous & vous dire & adressier mes plus chaleureuses salutations.

Voicy bien trop long temps que, comme vous êtes assavoir, mes affaires personnelles en la Principauté me tiennent éloigné des doux herbages & verts praëls de Savoy. Les rumeurs que j'en ai oÿ d'icy ne font qu'accroistre encore les angoisseuses pensées que je nourris depuis mon départ. On m'a rapporté les périls & douloureux assauts de la peste alexandrine -puisse le Très-Haut nous délivrer de ce mal- & les errements, & moultes marvillieuses aventures survenues au-dedans le Duché.

Je prie à chaque jour qu'Aristote me veut accorder de vivre, pour le salut des Estats de Savoy & plus encore pour le vostre & iceluy de vos gens, là-haut, à l'ombre du Mont Maudit.

Déjà je ressens dans mon corps moultes fois rompu & blessié -souvenirs par trop loquaces des horions reçus en ma belle jeunesse- le retour de la male saison. Ce bientost, je le sais, mes missives auront grant-peine à franchir les cols & les passes qui mènent à la Doire Baltée. Adonc, c'est en vostre Bastie du bourg Maché à Chambéry que je vous fais porter lettre. Mon messager a pour ordre de vous remettre ce pli en main propre. Si vous n'estes point au logis, il ira là où on lui dit que vous demeurez.

Je me doins de faire amende & dire présentement mes excuses pour n'avoir pas jà présenté vos livres de comptes pour l'an écoulé. Ceste vilanie sera réparée incontinent! Mais que vostre cœur soit sans nulle peine car de prime lecture, les rôles & frais transmis à moy par vos gens & Mesnie ne me font craindre nul péril pour l'hiver. Les ouvrages prescrits sont en bonne voye & l'été fust clément. Le doulz temps a fait regaignier beaucoup & rempli à suffisance greniers, gardes-manger & resserres d'Entrèves à La Ruine.

Vous aurez sans doubte souvenance que pour l'affaire de la ferrière du Val-Sapin j'avais adressié lettre au Mestre des Tailles & des Fosses en le bon Métier des Houilleurs en icelle Cité mienne?

Mestre Odon du Rèwe, icel aimi si cher à cœur n'y avait mie donné réponse, & pour cause, puisqu'il a plu au Très-Haut, nostre Seigneur, de le rappeler à lui & faire place en son Paradis solaire. Sa succession en la mestrise dudict Bon Métier n'étant point réglée, je garde bon espoir que son hoir & successeur se voudra bien prester oreille attentive à ma requeste. De ceci comme du reste je vous tiendrai au fait.

Cy clos-je ceste lettre en vous adressant encore, Dame, doulce Amie, mes plus amicales pensées. Puisse le Très-Haut vous vouloir bien garder, vous & vostre Mesnie.

À grand Honneur & belle Grasce de vous servir, vostre obligé,

Toujours Fidèle & Dévoué,

+R+

_________________
Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Lisyane

La Bastie en Chambéry, Duché de Savoy
Trentième jour de novembre de l'An de Pasques 1461


Algonde, Mathilde, Josette.......

La voix résonna contre les murs de la Bâstie.

Nous avons une missive de Mestre Rollin!

La Baronne toute a sa joye, commença à lire pour elle la belle escriture de l'Intendant des Terres, durant que Josette remercia le messager d'une belle pièce.

Cependant Lisyane releva les yeux un instant et intima l'ordre au gaillard de revenir au lendemain pour porter réponse au plus vite.

Les trois femmes attendaient avec impatience, Lisyane leur sourit, il va bien, pas de peste en sa cité!
Un soupire de soulagement se fit entendre de Josette




Premier jour de Décembre de l'An de Pasques 1461 La Bastie en Chambéry, Duché de Savoy




A toi Mestre Intendant des Terres de Courmayeur, Morgex et Pré-saint-Didier,

Mon grand Ami, qu'il me faict joye et bonheur de te trouver en bonne santé et d'avoir nouvelles, le Très Haut gardant sur toi sa Bienveillance et son Amour.

Ton périple en ta principauté et ta citée avec le doux Colinet, nous laisse dans la souffrance de ton absence.

Pourtant à l'instant quand ma plume noircie de sa sève sombre le vélin qui te parviendra et que grandes nouvelles j'ai à a t'annoncer, il en est une qui me peine au plus haut point et qui devrait te laisser toi mesme dans la douleur.

La Dame du Bourget nostre grande Amie, c'est vu destituée de ses Terres après un procès pour Haute Trahison et jeter dans les geôles du Castel qu'elle a tant défendu.
Elle s'est vue grandement affaiblie par le déshonneur et la confiance bafouée en la Savoy et ses dirigeants.
Elle n'a plus accès eu Castel et a l'ost qu'elle chérissait tant, la laissant dans la noirceur du trouble de la trahison qui lui fut faicte par un procès qui semblât être une comedia.

Mon doux Ami, comment pourrions nous laisser dans le besoin une Amie de la Mesnie tombée en disgrâce, toi mesme aurais tu pu me pardonner cet acte de lâcheté devant le malheur qui la frappe ?

Avec le Duc d'Aoste qui de moult projets et desseins en ses Terres voulait s'entourer des genstes de confiance, nous avons décidé de lui offrir a nouveau une Terre qu'elle puisse chérir et des occupations agréables.
L' Ennoblissement aura donc lieu au Castel Saint Pierre afin de redonner sourire a la Dame et projet qui semble lui tenir a cœur.

L'infâme nouvelle te parviendra bien avant la cérémonie qui devrait se tenir dans deux lunes pleines.

Cher Ami serait ce un signe du Très haut alors que tu gères de ta citée les comptes de la Mesnie et que nouvelles du tardement de la Ferriere tu me donnes pour revenir en la belle Savoy ?

Tu pourrais y connaître la jeune Anastasia Yzalba de Sainctes Eaux von Valendras qui est venue égayer la Mesnie depuis nostre retour sur nos Terres qui nous ont tant manquées, mesme si il devenait indispensable que je m'éloigne de La Savoy quelques années pour faire recherche de mon sombre passé.
Et si le Très Haut me preste vie alors assister aux épousailles qui ferait d'elle la légitime fille du Duc d'Aoste.

L'héritier de Miolans quand à lui m’inquiète fort, il sombre peut a peut dans une mélancolie qui me chagrine et sert mon cœur, il me laisse impuissante devant son désespoir de ne pas connaître son père et sa famille décimée.

La peste Alexandrine est a nos portes et je pries chaque jour que la maladie épargne genstes de la Mesnie et des Terres, pourtant dejà quelques cas assombrissent mon espoir. Prend grands soins de toi et de l'Attachant si par Amour de la Savoy et de la Mesnie tu décidais a nous revenir, car la peste a vu bon nombre d'enfant du Très Haut rappelé par le Créateur.

Je clos a mon tour missive et « maux », pour te faire parvenir nouvelles au plus vite.

Que mes prières te garde en santé et en joye
Dict a l'Attachant qu'il est dans mon cœur

Fidèle et dévouée Amie
Lisyane des Sainctes Eaux Baronne de Courmayeur,
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_________________
Rollin
Cité de Liège, Capitale de la Principauté épiscopale de Liège – 24e jour de décembre de l'An de Pasques 1461, jour Sainte-Adèle, veille de la Nativité


*Les sourcils froncés et la mine grave, Rollin relisait pour la millième fois les mots de Lisyane. Sans cesse, ses yeux sombres revenaient au passage concernant la Dame du Bourget.*

*Colinet, observant son bienfaiteur du coin de l'œil voyait distinctement les muscles jouer nerveusement sous la peau de la mâchoire carrée. Le jeune garçon tâchait de rester sagement sur sa sellette, triturant la vervelle émaillée qui pendait à son cou. Le Vaurien des Chavonnettes -l'Attachant, comme se plaisait à l'appeler la Baronne- savait que dans ces moments-là, mieux valait ne pas interrompre Rollin...*

*Côparèye sonna neuf coups au clocher. L'Intendant leva les yeux et porta son regard vers la fenêtre. Les choses qu’il voyait au travers paraissaient irréelles, grotesques même, tant elles étaient déformées par la surface inégale des petites vitres frettées de plomb. La Place du Marché s'étendait au dehors avec son Perron, symbole fièrement dressé -et outrageusement turgescent- des Libertés et de la puissance de la Bonne Ville et de sa Principauté; et de l’autre côté, il pouvait voir la grande façade chaulée de la Violette, l'immense Maison commune où se trouvaient accrochés les armes des trente-deux Bons Métiers. Rollin soupira.*

*Dieu qu'il aimait ce lieu, cette Cité qui l’avait porté aux nues puis jeté bas, cette ville qui l’avait adulé puis conspué, cet endroit où il lui avait été interdit d’entrer, d’où il avait été banni… sa terre natale où l’acharnement de ses derniers fidèles avait obtenu que, finalement, son honneur soit restauré, que l’infamie soit lavée… il avait fallu attendre dix longues années et la mort du Prince-Évêque… mais il était libre désormais!*

*L’Intendant s’arracha à ses rêveries et tourna les yeux vers Colinet.*

- Debout, Damoiseau… j’ai un serment à honorer.

*Le Vaurien des Chavonnettes dévisagea Rollin, incrédule. Sa voix profonde avait fait vibrer l'air alentour comme le tonnerre d'un orage lointain. Le jeune garçon lui avait déjà vu cette mine résolue et cela le fit frissonner… à moins que ce ne fut l’excitation contenue, bâillonnée si longuement? Qu'importe! Il poussa une sorte de cri étranglé et se redressa d’un bond.*

- Tayaut !


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Cité de Liège, Capitale de la Principauté épiscopale de Liège – 25e jour de décembre de l'An de Pasques 1461, jour de la Nativité


*Engoncé dans son armure allemande que recouvrait une huque armoriée portant d’or à deux fasces de gueules, le jeune Comte de Berloz, roide et immobile, regardait Rollin d’un air grave. Il avança d’un pas et tendit les mains vers Rollin.*


- (…) aldus bevrijd ik u van uw eed… Sta nu op, trouwe metgezel! **

** - (…) ainsi, je vous délivre de votre parole… Relevez-vous, fidèle compagnon!


*Le Chambérien d'adoption, genou en terre, s'exécuta, redressant sa solide carcasse pour se tenir fièrement campé devant Guillaume. Le Comte lui fit l'accolade, comme il est d'usage en pareil cas, puis il fit un signe de tête à sa mère, dame au port altier qui se trouvait près de Rollin. Âgée d'une quarantaine d'année et parée comme seule le peut être une personne de haute extraction, cette dernière tendit un coffret ouvragé au plus chambérien des Liégeois.*

- Hier is iets wat belangrijk voor u, denk ik. Een ding wij zouden moeten hebben teruggeven lang geleden, lieve vriend.**
- Dank u, Dame.


** - Voici quelque chose d'important à vos yeux, je pense. Une chose que nous aurions dû vous retourner il y a bien longtemps, cher ami.
- Merci, Dame.


*D'une main légèrement tremblante, l'Intendant de Courmayeur prit le coffret des mains de Jeanne de Berloz, sa vieille amie, et en souleva lentement le couvercle, dévoilant le trésor qu'il recelait en son sein… ses yeux s'ouvrirent grand sous l'effet de la surprise*

- Godverdomme!**

**-Damne!


*Il fit basculer le couvercle, dévoilant une paire d'éperons ciselés et dorés à la feuille… ses éperons de jadis.*


******


Cité de Liège, Capitale de la Principauté épiscopale de Liège – 26e jour de décembre de l'An de Pasques 1461, jour Saint-Étienne


*Loin d'un grand arroi, c'est avec une petite charrette, simple mais solide, tirée par un roncin que nos deux compères franchirent ce matin-là le Pont des Arches, les canaux de D'ju-d'là puis la Porte d'Amercoeur et son puissant pont pour emprunter la route de Marche et la voie des Ardennes.*

*Deux coffres, quelques sacs et un tonnelet de vin des coteaux composaient, entre autres menues choses, leur bagage. Vêtus simplement, pour ne pas attirer l'œil et l'envie, Rollin et Colinet devisaient gaiement, se retournant de temps à autre comme pour dire adieu à la flèche de Saint-Lambert que l'on pouvait encore entrapercevoir à une grande distance.*

- Rollin, tu crois qu'Yzalba me reconnaîtra?
- Je suis certain qu'elle va se demander qui est l'homme qui s'en revient avec moi… et qu'elle me fera une scène parce que je t'ai abandonné au long de la route, Damoiseau! Haha!


*L'air faussement vexé, Colinet tira la langue à Rollin puis éclata de rire.*
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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Rollin
Cité de Bastogne, Duché de Luxembourg – 28e jour de décembre de l'An de Pasques 1461, jour Saint-Evroult et Trophime


*Assis sur la ridelle dextre de la charrette, Colinet gardait un œil sur leur bagage. Pour tuer le temps, il jouait aux osselets en attendant que Rollin revienne avec des vivres et quelques informations sur la praticabilité de la route et la possible présence de détrousseurs.*

*Le soleil de midi des derniers jours de décembre peinait à réchauffer l'air ambiant et, bien que protégé du vent par la masse imposante de la Porte Haute, le jeune garçon se les gelait sévère.*

*Quelques instants plus tard, il soupira d'aise en voyant revenir Rollin des environs de la Maison Forte, près de laquelle se tenait marché après la messe.*

- Bien, il semble qu'aucun péril ne menace pour l'heure. Avec un peu de chance nous pourrons faire halte à l'orée du bois de Tantimont ce soir. Viens, j'ai trouvé un endroit où l'on ne lésine pas sur la quantité de pain pour la soupe.
_________________
Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Rollin
En vue de la Cité de Lausanne, Capitale du Canton de Vaud - 12e jour de janvier 1462, jour Saint-Arcade


*Mâchonnant énergiquement sa ration de boeuf séché, Colinet observait de ses yeux azur la grisaille qui assaillait les monts lointains au-delà du Léman. Rollin lui avait dit qu'ils passeraient par la voie des hautes vallées, celle qui les forcerait à doubler Martigny, à se laisser glisser entre les pics du Génépi et du Catogne pour dépasser Champex avant que de remonter la combe encaissée où coulaient le Darbellay et l'Issert, sous les frondaisons empesées de neige des forêts de Montatuay, Montgiroud et des Suplis. Enfin, le Liégeois avait dans l'idée de suivre le Prayon et remonter à sa source, pour traverser La Fouly et tenter d'emprunter la gorge escarpée qui sépare le Mont Dolent et le Grand Goliat, celle qui longe les Grandes Jorasses pour déboucher sur La Palud, le plus septentrional des hameaux de Courmayeur. Une broutille, quoi!*

*Le jeune garçon s'enfila une rasade de vin rouge et s'essuya la bouche du revers de la main. Il battit des paupières puis soupira. Portant le regard vers Rollin, il tenta de briser le silence pesant qui s'installait chaque jour plus durablement à mesure que le voyage se poursuivait.*

Tu me rappelles pourquoi on s'est mis en route en plein hiver? À croire qu'en Aoste on a oublié ce que c'est la neige!

*Rollin, qui resserrait la ventrière qui passait sous la panse du roncin, interrompit son geste. Il adressa un regard étrange au Vaurien des Chavonnettes.*

Pour l'amour de la Mesnie, Damoiseau... tu comprendras cela s'il plaît au Très-Haut de t'accorder de faire allégeance.
_________________
Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Rollin
Courmayeur, Baronnie de Courmayeur - 18e jour de janvier 1462, jour Saint-Méleusippe


*La nuit confortable passée en la Maison forte de Courmayeur, demeure des Sainctes-Eaux sise près la Tour Malluquin, n'avait pas eu raison de la fatigue accumulée lors de ce périple invraissemblale. C'est au point du jour que Rollin et Colinet, ivres de fatigue, les membres rompus et les extrémités toujours endolories de froid, atelèrent une dernière fois le roncin. Le visage marqué mais rasé de frais, l'Intendant avait donné le signal du départ sous le regard réprobateur de Lydie, la matrone qui régnait sur les fourneaux de la demeure noble.*

Comme si c'était un temps à promener un enfançon... Tsss!

*Elle regarda un long moment le petit équipage qui s'en allait vers Saint-Pierre sur la route enneigée qui longe la Doire Baltée.*
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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Garde_noire
Citation:


Douzième jour de Mars de l' An de Pasques 1462

Qu'il soit su de tous qu'en ce jour maudit le Duc Eudes von Valendras de Rhodes dict Raishar, Duc d'Aoste, Vicomte de Saint Pierre et Seigneur de Maulan a expiré, après dix jours de souffrance.
Tombé avec son armée dans la nuit du premier au deux de ce Mars, sous les coups de l'infamie et l'ignominie, il a rejoint le Très Haut durant la nuit.

Une messe sera donnée en la cathédrale de Chambéry afin que nostre époux, père et beau père puisse recevoir les derniers sacrement comme il se doit.

Nous demandons aux Terres d'Aostes, de Saint Pierre et de Courmayeur de mettre dès ce jour les drapeaux en berne.

Que Fénis, nostre capitale prépare les funérailles pour que nostre époux , père et beau père puisse reposer en paix aux costés des siens.

Que nos prières et nostre Amour éternel accompagnent nostre époux, père et beau père dans son dernier voyage et que le Très Haut l'accueil avec toute sa bienveillance.




Lisyane des Sainctes Eaux von Valendras



Anastasia von Valendras


Téséo-Alpi de Sainctes Eaux de Miolans
--Alinoe.de.chenot
La Duchesse était sur les routes d'Allemagne quand elle avait appris la catastrophe qui c'était déroulée sur les routes de Chambéry et qui détruisant l'armée du duc d'Aoste l'avait laissé blessé à mort sur la route. Alinoë avait prié longuement pour qu'il puisse survivre. Elle avait espéré. Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. La jeune femme s'était accrochée à cet infime espoir. Là, elle lisait ce pli.

Citation:


Douzième jour de Mars de l' An de Pasques 1462

Qu'il soit su de tous qu'en ce jour maudit le Duc Eudes von Valendras de Rhodes dict Raishar, Duc d'Aoste, Vicomte de Saint Pierre et Seigneur de Maulan a expiré, après dix jours de souffrance.
Tombé avec son armée dans la nuit du premier au deux de ce Mars, sous les coups de l'infamie et l'ignominie, il a rejoint le Très Haut durant la nuit.

Une messe sera donnée en la cathédrale de Chambéry afin que nostre époux, père et beau père puisse recevoir les derniers sacrement comme il se doit.

Nous demandons aux  Terres d'Aostes, de Saint Pierre et de Courmayeur de mettre dès ce jour les drapeaux en berne.

Que Fénis, nostre capitale prépare les funérailles pour que nostre époux , père et beau père puisse reposer en paix aux costés des siens.

Que nos prières et nostre Amour éternel accompagnent nostre époux, père et beau père dans son dernier voyage et que le Très Haut l'accueil avec toute sa bienveillance.




Lisyane des Sainctes Eaux von Valendras



Anastasia von Valendras


Téséo-Alpi de Sainctes Eaux de Miolans


L'espoir était mort, il fallait accepter la réalité, la jeune duchesse s'éloigna du camp. Il lui fallait être seule pour pleurer. Comme si les cavaliers qui l'accompagnaient avaient compris quelque chose, personne ne la suivit sauf un soldat qui resta à distance respectable, il était chargé de sa protection. Alinoë put pleurer de tout son saoul et quand on se cœur se fut raffermi, elle revint au camp prit son écritoire et écrivit deux lettres. La première fit pour la famille du Duc d'Aoste.

Citation:


Da la duchesse de Chenot à la famille von Valendras et de Sainctes Eaux

    En ce sinistre jour, Veuillez recevoir toutes nos condoléances.
    Nous n'avons pas de mots pour exprimer la tristesse que nous ressentons. Nous ne pouvons savoir l'immense douleur que vous ressentez mais nous la comprenons et la partageons. Le Duc d'Aoste était un grand duc de Savoie et bien plus que cela encore.
    C'est un joyau que nous avons perdu.
    Bien que loin de la Savoie, sachez que je suis auprès de vous par la pensée.

    Que le Très Haut l'accueille comme il le mérite et que l'infini bonté du Très Haut vous aide à supporter cette douloureuse perte.





Un pigeon s'envola rapidement vers la Savoie.
Rethun_von_valendras


La Nuit de la Saincte Trahison


Attente de deux ou trois jours afin d'octroyer a ses gens qui partent en missions pour la Savoy en lance quelques vivres..et départ avec sa seule épouse a ses costes..le temps est bon..il laisse de costés sa méfiance, décide qu'une fois arrivée en Chambéry il dépose quelques biens, avant de repartir participer seul aux fameux exercice proposé par le vicomte white en qui malgré tout il conservait quelques confiance..
Nul réponse du maire de Chambéry quand à son courrier..ils arrivent au matin sur Chambéry..l'Aostois demande a son épouse d'entrer en ville, puis de son costés décide d'entrer avec son armée certains que le maire si il n'avait été d'accord lui aurait répondu surtout qu'ils ont été en contact sur une discussion visant a établir un contrat entre Chambéry et la garde noire..il laisse son épouse..attend la nuit et entre dans la ville..

Ils croisent quelques patrouilles, passe les portes de la ville et là une pluie de coups s'abat sur lui et le peu d'hommes qui l'accompagne..ils ne sont véritablement armés, confiant, heureux de rentrer enfin chez eux..
Le duc n'a le temps de dégainer son épée qu'il chute suite a un maudit coup de baston..bigre se faire ruiner par un simple coup de baston..et là une pluie de coups s'abat sur lui..un gout de sang en sa bouche, il ne peut faire geste, ils s'acharnent plongeant la pointe de leurs épées en entrailles du Loup offrant corps sans armure aux assassins... visiblement il ne doit se relever...et il ne se relèvera ..les donneurs d'ordres ont bien travaillé...

La patrouille de Chambery le laisse là à mesme le sol..lui Duc en savoy, abandonné comme un vulgaire brigand, un vulgaire gueux baignant dans son sang..nuls mots, nuls regards, comment ne peut il imaginer un instant leur ravissement, le plaisir qui furent leur de se payer un Duc en guise de trophée.
Dernier regard, malgré la brume qui semble envelopper la scène du crime, des armoiries, l’armée des septs, armoiries de quelques nobles..dernières images qu'il n’emmènera avec lui en l'au delà..les Rhosdes n'oublie jamais la trahison, la vilenie..
Et ce gout fade qui lui emplit la bouche, tandis qu'il se sent soulever, trainer précipitamment et que voix de son fidèle ami Sandor lui parvient comme dans un réve..il ferme enfin les yeux comme soulagé s'abandonnant en toute confiance en celui qui tente de l'emmener loin de cette image que la Savoy vient d'offrir.
On l’assassine comme un vil chien sans honneur, sans lui offrir une mort convenable épée en main.

Combien de jours est il rester inconscient, il ne sait, tente simplement de se souvenir, grimace sous la douleur..sent cette odeur fade qui l'entoure, cette odeur de putréfaction qui ne laisse doute sur son avenir..odeur nauséabonde des plaies infectées qui malgré les baumes, le curage ne font que aggravées.
Cataplasme afin de faire suppurer les plaies, décoctions ou infusions de plantes utilisées en compresse pour diminuer la douleur et assainir les plaies sans résultat tant la douleur est présente..
Il doit toute fois se redresser afin de s'entretenir une ultime fois avec son jeune parent héritier de la famille de Rhosdes, fait un léger geste en direction d'une épee suspendu au mur de la chambre..épée que Sandor s'empresse de décrocher et ramener au Duc d'Aoste.

Le fidèle garde dépose l’épée en main du Loup et lui murmure .
Le sieur Gamalinas a été le seul a exprimer quelques regrets Duc Raishar...nuls mots de vos assassins, à croire que trophée leur sied et qu’écus ou titres a venir ont fait leur office..
Le Loup Astois la prend en main, la serre un instant tout contre lui, incline comme si souvent par le passé la teste simplement aux mots prononcés par Sandor..puis prend la parole difficilement.
Tenez...Jeune Rhosdes..l'épée de feu mon frère rethun ..du..du temps où nous etions encore des Rhosdes...Agissez comme il l'aurait fait ..Il n'y a qu'en Empire qu'on assassine des vassaux directs de l'empereur sans avoir à se justifier...Pourquoi n'en serait il pas ainsi vu que les Empereurs eux mêmes tentent d’assassiner, exiler, depuis des années les Ducs Savoyards..Que les Francophones se démerdent entre eux ..

Le jeune Rhosdes genou a terre prend l’épée que lui tend le Loup Mourant..
Protégez ma fille et sa mère ma tendre épouse si la nouvelle duchesse d'aoste accepte..je...
il n'en dit de plus sa teste retombe doucement dur le costés..sa peine de n'avoir été chasser avec sa fille mais quelque part heureux qu'elle soit resté si longtemps a ses costés.

Le loup rejoignait ceux que sa famille avait si longtemps combattu et qui paradoxalement restaient ces jours les seuls et derniers defenseurs d'une Savoy purement Savoyarde de grace à leurs héritiers en sabaudia..Simplicité, veracité..la Savoy simplement..

Je vous en fait la promesse Raishar de Rhosdes..sur ma vie

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Lisyane
Citation:


Vingt quatrième jour de Mars de l' An de Pasques 1462

Qu'il soit su de tous.

Qu'avant toutes choses nous remercions nostre Mesnie, Mestre Rollin,Yzalba,et leurs enfants, Luliana, Algonde, Josette et Mathilde.
Que nous remercions la garde noire et son générale et sa famille.
Que nous remercions vivement Messire Yvaniès Daktom et Ellesya Princesse de France et sa suite.
Que nous remercions les personnes présentes aux funérailles sans Clercs.
Que nous remercions tout ceux qui ont portés le deuil suite a la mort de nostre époux, père et beau-père.
Que nous remercions ceux qui nous ont fait porter leurs condoléances privées.
Que nous remercions les personnes qui se sont fait connaitre dans les liens que le Très Haut octrois au delà des humeurs.
Que nous ne remercions pas les hypocrites qui s'imaginent que tout cela est secondaire, et les sois disants amis et bien pensant qui se font mousser sans ne jamais apparaitre ou prendre leur responsabilité de leurs rangs et alourdir le cercueil de l'épée de l'infamie!
Si maintenant la force nous manque,elle n'est nulle contre nos amis qui se reconnaitront.

Que nos prières et nostre Amour éternel accompagnent nostre époux, père et beau père dans son dernier voyage et que le Très Haut l'accueil avec toute sa bienveillance.




Lisyane des Sainctes Eaux von Valendras



Anastasia von Valendras


Téséo-Alpi de Sainctes Eaux de Miolans

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Rollin
La Bastie, hostel de la Dame des Saintes-Eaux dans le Bourg Maché de la cité de Chambéry, capitale du Duché de Savoie – 15e jour de septembre de l'An de Pasques 1468, jour Mater Dolorosa et Sainte Mélitine


La mine résolue, le visage fermé, Rollin posait un regard dur sur le bois fatigué de la lourde porte cochère bardée de fer et de clous de la Bastie. De ses iris sombres, il scrutait chaque détail des veines du bois devenu gris avec le temps, il s'emplissait les yeux et la tête, jusqu'au vertige.

Sous ses doigts solides, il avait caressé le relief usé des puissantes traverses tirées de chênes vénérables, les pentures brunies larges comme sa paume.

Il avait frappé du pesant heurtoir de fer sur l'huis, plusieurs fois, en recevant pour toute réponse un silence si lourd qu'il lui faisait une boule au ventre et lui donnait comme un goût de sang dans la bouche.

Personne...

La Bastie était close. La maîtresse des lieux ne s'y trouvait pas, ni aucun des gens de sa Mesnie.

Le Mestre posa le front contre l'immense porte et ferma les paupières un instant, gravant à jamais dans sa mémoire les sentiments qui l'assaillaient en cet instant. Il ne pouvait dire s'il avait plus envie de ruer et rompre tout ou simplement de se laisser tomber au sol et de verser toutes les larmes que son corps avait retenues pendant toutes ces années passées loin des siens.

Il inspira profondément, rouvrit les yeux et serra les mâchoires à s'en péter les dents.

- Allons, rien ne sert d'insister...

Sa voix profonde n'était plus qu'un souffle en cet instant, comme la brise lugubre qui susurre parfois, là-haut, près de la butte de La Ruine dans la vallée de Courmayeur.

Rollin sortit de sous son doublet un pli scellé qu'il glissa dans un interstice du judas, puis il tourna le dos à La Bastie en se jurant qu'il n'abandonnerait jamais. Sa volonté vacillait, mais il tiendrait bon... il le fallait.


Spoiler:


De Rollin Chabod, Intendant des Terres pour la Dame des Sainctes-Eaux, Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry & Citain d'icelle;
À la Mesnie de la Dame des Sainctes-Eaux, Parents ou Commensaux qui liront ou se feront lire;

Adieu,

Je rends grasce au Très-Haut qui m'a bien voulu entendre & libérer après tant d'années. J'ai pris mes quartiers en la Ruelle-Derrière-les-Murs. Faites-vous connoistre sitost au logys.

Le Très-Haut vous fasse bonne garde;

Toujours Fidèle & Dévoué
+R+

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Rollin
"Merito vocatur locus ille de Desertis, quia est."*

*C'est à juste titre qu'on appelle l'endroit Les Déserts

in Procès-verbal de la visite pastorale de Savoie
An de Pasques 1414





Rollin vérifia une dernière fois l'équilibre de son paquetage, resserrant les lanières qui maintenaient le cadre de portage arrimé à son dos et sur lequel il avait attaché le sac de toile rêche frottée à la cire où étaient rangés son petit matériel de voyage et des vivres pour deux jours. Il avait fixé sous le cadre sa grande couverture de camp roulée serré et préparé son fidèle bourdon ferré ainsi qu'une outre de vin clairet.

Après sa mésaventure comtoise, le Mestre cueilleur s'était bien juré de ne plus jamais quitter Chambéry sans laisser d'instructions pour sa Mesnie, les autorités ou ses voisins, car - comme il en avait fait l'amère expérience - quitter son logis était souvent source de surprise et ce n'en était que plus vrai en ce mois d'octobre, annonciateur du retour de la malesaison, là où la pluie rend tout glissant et le brouillard cache les ravines à la vue.

Aussi, lorsqu'il eut refermé l'huis du Moulin Neuf, où il était venu déposer le pli scellé, il démarra son périple d'un bons pas, profitant de la froideur de l'aube pour avaler les quelques lieues qu'il s'était mis en tête de parcourir avant le mitan du jour. Le faubourg était calme, et il y flottait des parfums d'humus et de fumier que les quelques feux des lève-tôt soulignaient d'un âcre trait de fumée. Parcourant les rues du Bourg Montmélian, il se dirigea vers le Septentrion et le puissant massif des Bauges, puis il traversa le Bourg Nezin en direction de la route du Nivolet, pour longer le flanc oriental du gardien de Chambéry et remonter haut la dense forêt jusqu'aux Déserts, du côté de Féclaz.

Le cueilleur goûta l'air, but chaque senteur qui se présentait à lui, ivre de liberté à enfin pouvoir mettre un pied devant l'autre autant de fois à la suite qu'il le souhaitait. Son long engeôlement avait diminué sa force et sa résistance, mais il comptait bien en retrouver la pleine mesure en s'astreignant à sortir de chez lui plus souvent qu'à l'accoutumée.

Plus tard dans la matinée, alors que le soleil avait passé les cols et réchauffait les merveilleux paysages de Savoie, il s'était engagé sous les frondaisons serrées au pied du Pas de l'Échelle, à senestre du col de la Doriaz. Ses cuisses regimbaient un peu sous l'effort et il dut se faire violence pour maintenir son souffle, aussi décida-t-il de faire halte. Le Mestre se posa entre les racines d'un immense feuillu et mangea un peu de pain, de viande séchée et quelques noix, puis il but un peu de vin et laissa son regard vagabonder. Un petit écureuil roux détala non lui de lui, et le Mestre trouva que c'était là un bon signe et qu'il était temps de reprendre sa route. Il se leva et étira les bras, puis endossa son bardas et se remit en chemin.

Le bruit lancinant de ses pieds inlassablement posés sur les feuilles mortes qui faisaient le tapis du bois lui fit peu à eu perdre la notion du temps. Sans discontinuer ni faiblir, il marcha, marcha, un pied devant l'autre, un pas après l'autre.

C'est au mitan du jour qu'il déboucha sur les grandes friches des Déserts. Il entendit une cloche appeler au loin, trois fois trois coups, puis une pleine volée... c'était l'angélus qu'on sonnait ainsi, mais le Chambérien fut bien incapable de savoir quelle paroisse avertissait ainsi ses fidèles. Le soleil de midi dardait ses maigres rayons, mais le plateau était situé haut dans la montagne, certainement bien 500 toises au-dessus de Chambéry, aussi peinait-il à réchauffer quoi ce se soit. Rollin porta le regard vers le lointain, il essaya de repérer des endroits connus, plus bas dans les combes, mais il eut des difficultés à distinguer les hameaux semés sur les pentes. Il avançait en âge, et sa vue commençait sans doute à faiblir un peu, mais il se persuada surtout que cette faiblesse était due à la pénombre de la geôle comtoise où il avait croupi des années durant.

De l'autre côté de la grand étendue de végétation rabougrie qui s'étalait devant lui, le cueilleur distingua malgré tout une langue de terre étroite qui pénétrait profond dans la forêt. Cela ne devait être guère à plus d'une petite lieue de là, à une paume à destre du Mont Revard. De la lisière du bois, il vit surgir une grand harde de cinquante têtes... des daguets, des hères, des biches, des bichettes et des faons de l'an dernier.

- Je n'espérais pas en voir tant...

Rollin s'était parlé à lui-même et sa voix profonde sonna étrangement à ses oreilles, éraillée qu'elle était par le silence qu'il avait observé depuis son départ. De ses yeux sombres, le Chambérien essaya de trouver un chemin qui le mènerait au plus près avant le crépuscule. L'approche lente et prudente dura longtemps, mais il avait fini par trouver un lieu propice à l'opposé de la harde. Dans un endroit abrité du vent, le Mestre prépara un petit feu tout en se gardant bien de l'allumer avant la nuit. Il se restaura et attendit, observant le manège des bêtes farouches qui avaient rejoint la pénombre du sous-bois.

Le temps passa et vint le crépuscule et avec lui le froid cru descendit des sommets.

À la faveur du soir qui venait, les bêtes s'étaient avancées plus à découvert. Et ce fut là qui le vit... le grand cerf, le maître de ces lieux. Langue pendante et flanc ruisselant, muscles bandés, crinière drue, dague de chair palpitante sortie de son fourreau. Exhibant son extraordinaire ramure fièrement dressée sur sa tête, le dix-huit cors paradait au milieu de son harem. Tout dans son attitude exprimait la force et la soif inextinguible de répondre aux impératifs de la nature. Il allait de destre et de senestre, rassemblant les biches par trop éloignées à son goût, mordillant un jarret, poussant une croupe de son puissant poitrail. Sa face grise, presque argentée luisait dans l'obscurité grandissante... soudain, il bascula le chef, couchant ses bois le long de son échine et arrondissant la gueule... il lança vers le ciel son brame guttural et puissant. Un son qui prenait aux tripes et faisait tout vibrer autour de lui. L'appel sauvage du seigneur de ces lieux. Une fois, deux fois, trois fois.

Le vieux cerf allongea le pas et devint fébrile, humant l'air et battant la langue, il rassembla ses biches au plus près. Au loin, un autre mâle répondit... sans doute ces deux-là s'affronteraient-ils dans la nuit, mais pour l'heure, le magnifique dix-huit cors montra sa vigueur et sa force en couvrant une biche, offrant par ce geste plein d'ardeur un avenir à sa harde.



EDIT: traduction libre de la citation latine.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Rollin
La brume crue de l'aube flottait encore dans la clairière et accrochait ses doigts arachnéens aux branches fuligineuses des grands arbres qui se dressaient en lisière de la forêt.

Toute la nuit durant, Rollin avait observé les combats à la faveur du clair de lune et s'était empli les oreilles et l'âme des poursuites furieuses et du brame guttural des grands mâles affrontés. Le seigneur de la clairière, le dix-huit cors admiré la veille au soir, avait remporté la lutte. À la faveur des astres nocturnes, il avait mis en déroute ses adversaires un à un et maintenu sa suprématie sur la harde pour une année de plus.

Rompu de fatigue, mais le cœur content, le Mestre cueilleur se réchauffait les mains à la maigre flamme de son petit feu de camp et, d'entre les arbres où il avait établi son bivouac, il contemplait la clairière désormais vide et paisible. Le Chambérien se redressa et étira ses membres ankylosés, puis se restaura d'un peu de pain, de fromage et de vin.

Lorsque le premier coup de Laudes sonna faiblement au clocher d'une église, loin dans la vallée en contrebas, il dispersa les braises et effaça toute trace de son passage, puis se remit en route en direction du Levant. Émergeant du couvert des arbres, il entama la longue descente vers la vallée de La Combe où coulait la Leysse - une Leysse toute jeune et encore vigoureuse.

Redoublant de prudence, tant la fine bruine matinale avait détrempé le paysage, Rollin s'appuya plus que d'ordinaire sur son lourd bâton ferré pour assurer son pas alors qu'il empruntait la sente sinueuse ondulant au long de la pente. Il laissa derrière lui La Féclaz des Déserts pour les bosquets touffus des Gérards et les champs gras de La Combe, en contrebas de son but de la matinée: Les Chavonettes-sur-Thoiry.

* * *


Au mitan de la descente, et alors que le balancement familier de la marche chassait toute pensée de son esprit, l'attention de Rollin fut attirée par des mouvements sur l'autre versant de la petite vallée. Le Mestre fit halte et, la main étendue au-dessus des yeux, il observa longuement une harde d'étagnes et de cabris divaguer en sautillant au long de la pente opposée. Point n'était besoin d'avoir encore la vue perçante pour apercevoir qu'il n'y avait là aucun mâle aux cornes impressionnantes. Un sourire un peu inquiet se dessina imperceptiblement sur son visage fermé. Les bouquetins redescendaient déjà vers les vallées.... l'hiver serait rude, à n'en pas douter.

Le soleil timide de la veille ne daigna pas montrer le moindre rayon et, bien qu'il fut désormais arrivé à plus de deux-cents toises sous la plateau des Déserts, la froideur de la montagne restait mordante. En son fort intérieur, le Mestre eut l'intuition que c'était sans doute là sa dernière escapade avant l'arrivée de l'hiver.

* * *


Agenouillé devant les deux modestes tombes de cailloux empilés entièrement bouffées par l'herbe drue et la mousse, Rollin termina de réciter une prière pour le repos de l'âme du Dian et de la Mélie, les parents naturels de Colinet... Le Mestre avait mis longtemps à créer un climat de confiance propice à ce genre de confidences entre son fils adoptif et lui, et il était heureux de pouvoir enfin de se recueillir sur le lieu de leur dernier repos, de leur adresser des pensées rassurantes là-bas dans le Paradis Solaire, et de réaffirmer le serment qu'il fit à l'enfançon, près de dix années plus tôt devant le Moulin d'Armavyr dévasté par les flammes.

Le Chambérien se releva et posa les yeux une dernière fois sur le paysage alentours, puis sur les ruines du logis natal de son fils. Il reviendrait ici, il en était certain, mais pour l'heure, il était temps de retrouver la capitale de Savoie.

Le sac chargé de plusieurs plats de bois tourné, de quelques pôches, et un boteillon en bandoullière, tous ces trésors faits de main d'homme par les habiles artisans forestiers des Chavonettes qu'il leur avait acheté un peu plus tôt - l'argenterie des Bauges, comme avait dit l'Évêque de Genève, par moquerie -, il prit le chemin du retour. Ce soir, il logerait chez lui, à Chambéry.




En hommage à Jean-Paul Rossi et Jean-Paul Pernet, du hameau des Chavonettes à Thoiry et de celui de La Magne à Saint-François-de-Sales, Maîtres tourneurs et derniers Maîtres jattiers à produire et transmettre l'art de l'argenterie des Bauges.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

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