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Info:
Au soir de l'assaut genevois du 22 novembre 1468, la Bourgmestresse enfant est tombée.

[RP] La nuit où j'ai rencontré la Mort

Dewan
Mama ?

La nuit noire s'était abattue sur le petit corps sans vie de la fillette aux cheveux blonds. Au milieu des cris dans la nuit, du choc métallique des épées qui s'engagent, elle était installée, là, près de ses murailles bien aimées qu'elle avait garni de ses coquillages au grand damne des constructeurs de la capitale. Mais c'était si joli, des coquillages incrustés dans les pierres qui formaient la muraille. Diane avait trouvé ça joli, elle aussi ...

Dans la boue, la petite fille passait presque inaperçu, si ce n'est qu'elle avait toujours sa jolie tunique jaune qui attirait le regard car c'était une couleur vive. Et à la lueur d'une torche, le bout de tissus pouvait être facilement repéré. Etait-ce cela qui l'avait perdue ? Où simplement son manque d'expérience ? A côté d'elle, une pelle brisée en mille morceaux. Les helvètes ne faisaient pas de différence. Enfant ou adulte, ce fut du pareil au même. Au moins personne n'aura pu la traiter de lâche ...

Est-ce que au moins son père serait fier d'elle ? Elle avait défendu du mieux qu'elle avait pu face à cinquante soldats acharnés. Dans son esprit, la mort n'avait pas prise. Seul son petit corps refusait de bouger. La peur avait pris le dessus quand la déferlante se présenta aux portes de la ville. La ville était-elle sauve ? La mairie encore savoyarde ? Est-ce que les armées tenaient bons ? Même dans son inconscience, elle se faisait du soucis ... pour les autres.

Son coeur se soulevait encore légèrement. John. Est-ce qu'il allait bien ? Avait-il survécu ? Et Maitre Rollin ? Maia ? Ewald ? Maitre Augis ? Raphael ? Valph ? Cyriella et Brockanteur ? Et tous leurs amis et familles ? Et même son terrible parrain ... Comme elle aurait souhaité que Papy Phaco soit là. Qu'il la prenne dans ses bras comme il le faisait souvent pour la réconforter. Comme il lui manquait. Depuis son départ, il semblait que la Savoie n'était plus pareille. Il manquait ce quelqu'un qui avait su lui offrir son coeur et son écoute. Même son père ne lui manquait pas autant. Peut-être parce que le baron de Castellar n'avait pas tant d'amour pour sa propre fille, ou alors il ne savait décidément pas le lui montrer.

L'aube se levait sur le carnage. Mais ses prunelles couleur du ciel ne pouvaient voir ce qu'il s'était passé. Il s'agissait maintenant pour elle de résister à l'appel de la Mort qui rôdait tout autour.


23/11/1468 04:06 : Votre arme a été détruite.
23/11/1468 04:06 : Andrew_largs vous a frappé Vous êtes mort au combat.

Jouons le jeu. Dewan évidemment ne sera pas morte mais sévèrement blessée et elle ne répondra pas aux courriers du jour. Ouverte à tout RP qui sera dans l'ordre des évènements. Possibilité par les helvètes de récupérer le corps de Dewan comme on en a parlé en taverne pour un "enlèvement" ^^

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Rollin
Le corps las, mais l'âme toujours bouillonnante des combats de la nuit, Rollin, comme sonné par le contrecoup des efforts consentis, restait là, assis sur ce qui restait d'une charrette hachée menu par l'explosion d'une couleuvrine savoyarde qui avait semé la mort au milieu de ses servants, plutôt que de la porter loin, au-dedans des lignes ennemies.

Le Mestre entendait une sorte de sifflement continu à dextre. Sans doute s'était-il trouvé trop près de la déflagration lorsqu'une boule de feu et une pluie d'échardes de métal et de bois avaient emporté l'équipage du canon. Il se souvenait avoir entendu distinctement le cliquetis des impacts de mitraille sur son harnois.... mais depuis lors, il avait l'impression d'avoir une nuée de moustiques calée dans son esgourde du côté où la couleuvrine avait explosé.

Le Chambérien finit par se départir des restes de son écu, fendu du chef à la pointe, constatant au passage qu'une douleur sourde se répandait dans tout le bras qui le portait. Ayant vidé les gantelets, il passa la dextre sur son visage et vit du sang sur ses doigts. Un sang qui n'était pas le sien. Il se redressa sur ses jambes solides et commença à chercher ses compagnons d'armes. Morts ou vifs.

Les échanges avaient été rudes et plusieurs fois, à la faveur des mouvements de le presse, il s'était retrouvé séparé de Mestre Augis... jusqu'à ce qu'il ne l'aperçoive plus du tout. Au-dessus du tumulte, il avait entendu fuser des cris de guerre familiers, mais en cette heure, il se trouvait esseulé et sans nouvelles des autres défenseurs de renom. Quelques Citains éteignaient les feux et empilaient des corps sur des tombereaux, mettant un terme à la nuit sanglante... la première d'une longue série, sans nul doute.

L'avant-veille, il avait appris que Challand était tombé, et nombre d'autres combattants venus au secours de la capitale.... mais le résultat de cette nuit... il l'ignorait. Il avait vu Sallanches mener sa lance comme une terrible louve. Les années avaient passé, mais il était toujours aussi heureux de se trouver dans le même camp qu'elle, tant elle était une adversaire redoutable.

Se remémorant la confusion du combat, il fut soudain frappé de stupeur... comme si la foudre l'avait cloué sur place...

- Dewan...

Au sommet du rempart, il se souvenait avoir vu la bannière du Duc de Nice rejoindre la lance de Maia, et avec le Duc, sa filleule... la Bourgmestresse-enfant...

Une onde de chaleur déferla dans ses veines. Depuis qu'il avait été repoussé sur la courtine, il avait perdu la lance de vue.

En proie à un soudain regain d'énergie, il rejoignit l'escalier qui montait au chemin de ronde et gravit les marches quatre à quatre. Un signe, il lui fallait un signe.

Dans un recoin de sa cervelle, une sensation de picotements désagréable naquit, une vague d'inquiétude l'assaillit, comme un certain matin au Verney, lorsqu'il avait assisté au spectacle inimaginable du supplice de Colinet, son fils.

Le cœur battant, il déboucha sur la bande pavée qui desservait les hourds. Rien. Nulle trace de la lance de Maia. N'y tenant plus, sa voix forte et puissante éclata comme le tonnerre:

- Sallanches? Leostilla?

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Valph
Il avait fait ce qu'il avait pu, mais les gruyères en surnombre avaient fait mal aux défenses savoyardes cette nuit.
Mal certes mais ils n'étaient pas parvenus à leur fin.
C'est en se trainant à sa demeure pour se soigner, titubant, s'appuyant à quelques murs pour faire une pause que Valph la vit.
La gamine était là, gisant au sol, sa tenue jaune couverte de boue, son visage couvert de sang.


Dewan ???

Il s'approcha du corps étendu, se pencha sur elle, mettant sa joue au plus près de ses lèvres espérant sentir le souffle de la vie. Oui !!! elle respirait !

Venez m'aider !!! cria-t-il
Nous ne pouvons laisser notre jeune mairesse à la merci de l'ennemi !!!

De son bras valide, il récupéra une toile qui recouvrait du bois. Il la posa au sol près de la gamine qu'il fit rouler dessus.
Il saisit les coins et les attacha ensemble, grimaçant de douleur à chaque mouvement de son épaule gauche.
Doucement, il lui cala la tête avec son écharpe et prit d'une main ferme la toile à hauteur de la tête blonde.
S'arc boutant il commença à la trainer hors de la boue, cherchant du regard de l'aide.
Après quelques mètres, il fut pris de vertiges et s'écroula inconscient.

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Lo Puèg per totjorn !
Rollin
Les minutes avaient passé, inexorablement.

Nulle réponse, si ce n'est l'air surpris ou ignorant des Citains qui faisaient place nette et tentaient d'effacer les stigmates de la nuit.

Le Mestre allait de dextre à senestre, hurlant comme un beau diable, jusqu'à ce que, au pied du rempart, il aperçoive son messager attitré, celui qu'il payait grassement pour porter ses ordres au marché ou à la Corporation des cueilleurs.

Rollin pila net et héla le garçon.

- Va donc porter nouvelle à la Damoiselle Bourgmestresse. Dis-lui que je m'inquiète pour elle. Cherche partout où elle peut-être. Va! File comme le vent et tu recevras cinquante écus pour ta peine!

Le messager, habitué aux missions parfois un peu étranges que lui confiait le Mestre, hocha de la tête et détalla sans un mot, courant ventre à terre en direction de la Maison commune.

Le Chambérien ne le regarda pas s'en aller. L'âme en proie à un trouble grandissant, il porta le regard au loin par-delà la muraille, cherchant un signe dans les campements genevois au-delà du Bourg Montmélian, se remémorant les menaces entendues la veille dans la bouche des Helvètes.

Un murmure sifflant passa ses dents serrées et ses lèvres à peine entrouvertes.

- Si vous avez touché un seul cheveux de sa tête...

Le Mestre ne prononça pas la suite, gardant pour lui la rétribution qu'il réservait aux Genevois, s'ils avaient porté la main sur la jeune Bourgmestresse, tant le châtiment qui lui venait était terrible.



* * *




- Comme j'y dis, Mestre... ni à la Maison commune, ni en l'Hostel di Leostilla, pas plus que chez les gens de Sa Grâce Maia.

Le jeune messager, le souffle court, tentait de maîtriser le point de côté qui lui perçait le gaster. Il lui avait fallu moins d'une demi-heure pour faire le tour de toutes les chapelles où il trouvait d'ordinaire la Bourgmestresse.

- Aucun de ceux que j'y ai vu ne sait où elle se trouve.

Rollin lui lança une bourse replète, pour prix de son service. Son esprit fonctionnait à toute vitesse, faisant des liens, cherchant des solutions... et ce fut là qu'il l'entendit:


Valph a écrit:
Venez m'aider !!!
Nous ne pouvons laisser notre jeune mairesse à la merci de l'ennemi !!!


Le Mestre leva la tête. Cette voix... il la connaissait... mais qui, qui donc?

Le visage fermé, Mestre Rollin, Baron d'Arvillard se mit en route au pas de course, comme l'Aigle de ses armoiries, déployant ses ailes d'azur... avec lui venaient les montagnes et la neige de Savoie.

Tremble, Genevois! Tremble, parce que ton châtiment s'en vient.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Dewan
Sallanches ? Leostilla ? ...

Dewan ? ...

Dewan ?


L'appel semblait lointain, porté par des voix qui vaguement étaient connues. Dans l'inconscience, la fillette n'arrivait pas à réagir. Pourtant, dans son fort intérieur, elle aurait voulu répondre Je suis là !! mais rien. Silence.
Le froid engourdissait de plus en plus les membres endoloris de la petite mairesse. Depuis combien de temps était-elle là sur le sol mou ? Elle avait perdu toute notion du temps.

Ce dont elle se souvenait, c'était elle, au côté de Maya, de Ewald et de son parrain, ainsi que d'autres. Armée de sa petite pelle, elle n'avait pas d'autres armes. Elle avait regardé la vague des helvètes foncer droit sur eux et son coeur avait cessé de battre. Une peur panique l'avait envahie, voir paralysée. C'était la première fois qu'elle assistait à un combat.

Maia lui avait recommandé de rester derrière elle, ce qu'elle fit sans se faire prier. Ils avaient été rapidement aux prises avec des assaillants. Son parrain prit à parti d'autres brigands mais très vite, elle ne distingua plus rien de ce qu'il se passait. Tout allait bien trop vite et elle recula jusqu'à ce qu'elle fut dos au mur.

C'est là que le furieux émergea subitement, fondant sur la gamine comme un bouler de canon. Son épée massacra sa pauvre pelle qu'elle avait brandi pour se protéger. Trop fluette, l'enfant ne put rien faire. L'épée lui arracha un cri d'agonie et elle tomba sur le sol sans avoir pu faire quoi que ce soit. Ecroulée sur le sol, la neige avait fait son apparition. Ses yeux s'étaient fermés en regardant le ciel rempli de flocons. C'est si beau, la neige.

Depuis un moment, la neige avait cédé la place à la boue, le sol foulé par les combattants. Quelque chose ou quelqu'un la bougeait et un gémissement de douleur échappa à ses lèvres. Est-ce qu'on souffrait encore quand on rejoignait le paradis ?
Son esprit perdu dans des limbes de vieux souvenirs, un mot s'échappa à nouveau entre ses lèvres.


Mama ...
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Rollin
Rollin avait suivi l'appel, mais la voix s'était tue.

Une parcelle de son esprit essayait de le convaincre froidement qu'il avait dû imaginer cela, mais dans l'état mental inflexible où il se trouvait, le Chambérien savait, au fond de son cœur, que la moindre intuition devait être suivie... c'était ce qui lui avait valu de survivre à toutes ses batailles, de déjouer les plans ourdis contre lui... c'était ce qui faisait qu'il comprenait sa Mie sans qu'elle ait besoin de formuler des mots autrement que par les perles grises et précieuses de son regard.

Au pied d'une redoute, dans une encoignure dissimulée à la simple vue, Rollin aperçut du haut du rempart une forme étendue sur le sol, serrant d'une main une toile pareille à un linceul qu'on avait tenté de traîner sur le sol. Nul signe de vie, que la boue, la neige et... le sang. Le Mestre se précipita par l'escalier de la courtine, survolant presque les marches dans une descente qui eût pu lui être mortelle.

- Valph!...

Il s'agenouilla près du corps étendu du vaillant boucher... l'homme était inanimé, mais sa carnation et la couleur de ses lèvres disaient que la vie était encore présente, du moins ne ressemblait-il pas tout à fait aux trépassés. Il appela son messager au secours.

Le Mestre essayait de comprendre, de faire le lien entre les cris entendus et ce qu'il voyait... et une idée se fit jour dans son esprit, une pensée si terrible qu'il sentit son cœur comme cesser de battre dans sa large poitrine. La bile lui monta dans la gorge.

Lentement, comme dans le souffle suspendu du vent qui pousse un nuage paresseux dans le ciel d'été, il tourna les prunelles noires de ses yeux vers le... linceul... un tremblement agita sa dextre rougie du sang genevois alors qu'il tendit fébrilement les doigts vers la toile souillée.

Écartant les pans rassemblés, ses pupilles s'agrandirent et sa bouche s'ouvrit, dans un cri silencieux.

Des milliers de souvenirs défilèrent dans sa mémoire et se superposèrent à ce qu'il voyait de ses yeux. Le visage de Colinet, sorti mort de la Leysse, les lèvres fines bleuies les taches livides autour des yeux caves... le masque de la mort... celui que nul enfançon ne devrait jamais porter. Les pensées se bousculèrent dans l'esprit de Rollin, il avait l'impression de perdre la raison, il sentait son âme chavirer et ses yeux brûler de larmes qui ne venaient pas. Devant lui, Dewan di Leostilla, le Bourgmestresse enfant, gisait...

Un hurlement déchira la gorge du Chambérien, un cri à faire trembler le Paradis solaire, un cri à faire s'effondrer les murailles de l'Enfer lunaire:

- Dewaaaaaaaan!

L'homme était désemparé. Ses mains tremblantes effleurèrent le petit visage meurtri, écartant les mèches blondes maculées de sang.

Une larme perla sur la joue du Mestre, une seule larme... pure et cristalline, qui traça un sillon immaculé dans la crasse du combat qui recouvrait son visage.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Raminagrobis
Ah, les humains et la guerre, leur passe-temps favori... J'aurai préféré faire le dos rond et laisser passer la tempête, bien au chaud à ronronner au coin de l'âtre, mais le vieux m'avait transmis un message à faire passer à la gamine la nuit dernière, aussi m'exécutai-je.

Je n'eus aucun mal à retrouver sa trace, malgré la multitude d'effluves de sang qui coloraient la cité, et je suivis la sienne jusqu'à sa source. Elle gisait là, près du corps de Valph le boucher, inconscient, et du bon maître Rollin, trop conscient quant à lui, qui pleurait sa douleur. Je grimpai alors sur le petit corps amorphe et me roulai en boule sur sa poitrine, indifférent à la douleur des hommes, et par un de ces dons que nous seuls félidés sommes à même de comprendre, j'insufflai dans ses rêves tourmentés le message du vieux:


Zette, mon petit tout,
Ne pleure pas et dors,
Petit caillou sait tout.
Petit caillou te dit :
"La tempête passée,
À l'ombre d'un goulot,
Grâce à la gnôle magique,
Ton vieux retrouveras,
Quand tu seras plus forte,
Mais fais dodo d'abord".
Zette, ma toute petite,
Petit caillou sait tout.


Le message transmis, j'observai la larme perler de l’œil de Rollin qui gela aussitôt dans le froid de la nuit, pour tomber sur le petit corps. Et c'est sur cette gemme de glace roulant dans le cou de la fillette, unique cristal parmi tous les cristaux de l'univers, que rompit son essieu la lourde roue du Destin.
Valph
Elle ... est ... vivante ...

Il était toujours étendu, et son corps lui faisait encore mal. Grimaçant de douleur, il se redressa, se maintenant tant bien que mal assis.
Il posa une main sur l'épaule du charpentier et lui dit :

Rollin, merci d'être là ... elle vit encore, faut la mettre à l'abri ...

En lui parlant il remarqua le chat couché sur elle. A son attitude, il semblait lui dire quelque chose. Un signe du Très Haut ?
Si Dewan survivait, peut-être verrait-il les félins différemment avant de les tuer pour les manger.

Il s'appuya sur Rollin pour se relever.


Allez aide moi, on bouge

Valph saisit la toile qui lui servait de civière de son bras valide. La gamine avait un bel avenir devant elle, il fallait la sauver.

Faut panser ses plaies, le froid conserve mais dans son cas, j'en suis pas sur. Je ne veux pas que mon brancard de fortune se transforme en linceul.

Valph regarda autour de lui : une vraie zone de combat, de la fumée, du sang, le froid ... les Chambériens se défendaient comme ils pouvaient mais pour le moment ils tenaient ... pour le moment...
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Lo Puèg per totjorn !
Mini.
Avant l'évènement funeste, Maia s'était préparé. Une lice aller-retour contre Erin et c'était parti ! Elle était chaude ! Euh ... échauffée, hein ! Bref ... Elle avait troqué sa robe contre sa cote de maille, par dessus un pourpoint aux armes de Sallanches, histoire qu'on la reconnaisse bien sur les murailles. Quitte à être une cible. Autant être une cible de choix hein !

*C'est la Maia's touch !*

Elle avait affûté ses armes et lustrer son bouclier qui ne lui avait pas servi depuis longtemps. L'hiver dernier était loin déjà pour elle ! La soirée en taverne fut animée et les révélations allaient bon train. Les joutes étaient amicales pour celui qui en était témoin, et pourtant pleines de sous-entendus. Ils se jaugeaient tous mais dans un profond respect, ce qui semblait paradoxal quand on savait la suite des évènements.

La duchesse avait donné rendez-vous à son groupe sur les remparts. Dewan avait les clés de la cité solidement attachées autour d'elle. Ce qu'elle était mignonne, cheveux au vent sous son bonnet de père noël, dans sa belle houppelande jaune, qu'Ewald lui avait tissé avec passion. Maia se mit à sa hauteur :

N'aie pas peur, Zette.

Que pouvait-elle dire de plus ? La lumière fut ...

Pense à ce que t'as appris Papy Phaco. Tu vises les ... euh ... Tu n'es pas très haute alors ... Hésite pas. Tu prends la pelle et Bam, en dessous de l'estomac, là où se rejoignent les jambes, tu vois ?

Autant ne pas choquer la gamine avec des termes un peu salés, du genre "Tape dans les roubignolles". Elle avait déjà la frousse, la blondinette alors inutile de l'effrayer davantage. Autant faire appel à son esprit de combattante, en termes appropriés pour son jeune âge.

Surtout, tu restes derrière moi. Compris ?

Conseils prodigués, Maia ajusta son barda et prit place sur les remparts. La nuit promettait d'être longue. Elle s'était auto-proclamé garde du corps de la mini-mairesse et elle tiendrait parole, nom de Zeus !


[*]


Lorsque l'assaut commença, elle entendit les louanges à Deos, à droite, à gauche, au milieu et fut un instant d'égarement, derrière elle. Diantre, ces satanés genevois étaient omniprésents ! Mais il fallait qu'elle se souvienne.

*Poucelinette ne devait pas tombée.*

Elle était si jeune. Et tant de choses encore à vivre ... Elle avait promis à John de veiller sur la petite. Il avait d'ailleurs pris la direction des murailles opposées avec son groupe et Maia pria pour que son vassal, sa soeur et Elric s'en tirent à bon compte, ce soir. Il n'en fut rien, évidemment !

Elle combattit telle une lionne, parant à droite, puis à gauche, se préservant à l'aide de son bouclier où son adversaire assena un coup qui la fit chanceler un peu. Mais elle tint bon. Avait-elle le choix de toute manière ? Et puis, son esprit focalisé sur le combat qui l'emmenait à l'opposer du lieu du drame, occulta complètement la présence des autres combattants aussi jeunes et inexpérimentés furent-ils.

Lorsqu'au matin, on dénombra les blessés et les ... presque morts ... Dew manquait à l'appel. Mais pas seulement ! John, Elina, Liam manquaient aussi. Et qu'était-il advenu de Maître Rollin et d'Elric ? De Valph et du vieux Lion de Nice ? Etaient-ils morts ou vivants ? Où était Maître Augis et le Vicomte de la Frasse ? Les miliciens et les maréchaux ? Diantre.

C'était l'apocalypse.

C'est avec l'énergie du désespoir qu'elle courut le chemin de ronde à la recherche de ceux qui formaient sa famille, de près ou de loin. Son regard scrutant les rues de la cité chambérienne avec précision. Jaune ... Elle était jaune. Un petit poussin jaune, cela ne passait pas inaperçu tout de même !

Le taudis avait son utilité. L'on y installa lits de fortune et les vivants même presque morts étaient rapatriés. Maia courut à travers les rues, aussi vite qu'elle le put. Les nerfs la tenaient. Elle fut horrifiée de voir son fils et sa dulcinée parmi les victimes. Elle posa une main sur celles des amoureux et leur promit de les venger, la nuit suivante.

Plus loin, gisait John. Son loyal vassal, qui jamais ne l'avait laissé tomber. Elle s'approcha du lit de fortune, tremblant comme une feuille et apposa ses lèvres sur son front, tout en lui murmurant :

Soyez assuré que je vous vengerai. Mais ne trépassez pas, voulez-vous ? Nous avons encore tant de belles choses à vivre.

Elle posa sa main sur la sienne et lui promit de revenir très vite. Puis elle laissa les siens aux bons soins des habitants qui s'étaient improvisés soignants. Elle repartit dans les rues à la recherche de Dewan.

Zeeeeeeeeeeeeeette !! Où te caches-tu, nom de Zeus ! C'est fini. Les vilains sont rendus dans leur campement, tu peux sor ...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle trouva Valph et Maître Rollin, tirant une petite chose inerte dans un drap maculé. Sa lèvre inférieure trembla lorsqu'elle aperçut le tissu couleur poussin, maculé de sang, dépassant du linceul de fortune. Impossible. Ce n'était pas possible !

Pas elle.

Pas Dewan.

Pas cette fillette à la joie de vivre chevillée au corps qui commençait toujours ses courriers par "Coucou" parce qu'elle avait la naïveté de croire que chacun de ses administrés, était un ami.

Maia se précipita pour les aider, tirant le linge de toutes les forces qu'il lui restait.

Le taudis a été aménagé en hopital de fortune. Elle y sera en sécurité et nous pourrons la soigner. Je tenterai de mettre à profit mes connaissances médicales.

Limitées les connaissances, il fallait bien le souligner. Bordel, ça faisait huit ans qu'elle avait commencé ses études et elle n'avait pas encore trouvé le temps de les finir ...

Qu'allait donc devenir Dewan alors que John, lui aussi, était entre la vie et la mort et que Victoria n'était pas là, pour veiller au grain ?

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Rollin
Ἀποκαθήλωσις - XIIIe station du chemin de croix


Les trois compagnons, exténués et perclus de blessures, allaient en claudiquant, l'échine courbée sous le poids de la douleur, les mains désespérément agrippées à la toile grossière qui enveloppait le corps ensanglanté de la fillette.

Humbles orants qui, l'âme déchirée et la face blême et tirée, cheminaient tels Mariah, Jósep d'Arimathie et Nicodemus accomplissant les gestes cent fois saints et bénis... éloignant Christos du lieu de son supplice.

L'esprit de Rollin semblait avoir quitté sa demeure. Il avançait comme un mort sorti du caveau. Pour la deuxième fois en dix ans, il retenait un enfant de ses mains pour ne pas qu'il verse dans la tombe. Pour la deuxième fois en dix ans, il voyait le sang innocent maculer ses mains.

Une sensation insupportable de vide et de dégoût lui défonçait la poitrine.

Lentement, la nuit avait cédé aux assauts du jour et l'astre de lumière, dans son éternel lever, enflamma le firmament limpide... rendant irréel l'azur de la voûte céleste.

AZUR IRRÉEL


Une petite voix résonna dans la tête de Rollin... la voix de son propre fils qui, fidèle à ce qu'elle était dans ses lointains souvenirs, lui parvenait par bribes:

- Les usages anciens se meurent, mais ils vivront tant que tu vivras. Ce sont tes mots.
Tu m'as fait jurer, Rollin...
Fais ce que dois, Papa...
Plonge! Plonge, Chabod!


Dans la nuit noire de son esprit, une flamme vacillante naquit, et la puissances des serments d'autrefois se déversa, irrésistible, indomptable.

Le Mestre affermit sa prise sur la toile et regarda la fillette. Sa voix profonde, éraillée par tant de cris, souffla en un murmure:

- Accroche-toi, petit lutin des Alpes... accroche toi.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Dewan
Un poids sur sa poitrine, du mouvement, un ronron apaisant, sans s'en rendre compte, la fillette était emportée vers un lieu plus adéquat. Le froid se faisait sentir et avec elle un engourdissement progressif. Il lui semblait que grâce à la chaleur de l'animal sur son corps, quelque chose l'appelait bien au-delà des frontières de la nuit. Les voix se faisaient plus nettes, plus perceptibles. Au lieu d'un vague sifflement, il s'agissait de mots. Ce fut plutôt rassurant.

Ses paupières se faisaient lourdes mais elle put émettre un autre gémissement et sa petite main tentait de se lever vers les voix. Il fallait qu'elle leur dise qu'elle était là. Elle était encore vivante même si elle souffrait partout.

Pourtant, il était tellement tentant pour la petite blonde de céder à l'appel de l'au-delà. Elle voyait sa mère auréolée d'une douce brume lumineuse. Elle lui tendait les bras comme elle le faisait si souvent quand elle était toute petite. Ses lèvres remuaient mais Dewan ne l'entendait pas. Sa frustration aurait pu la pousser à ne plus se battre et à se laisser partir. Elle voulait tellement sa mère et son amour. Elle lui manquait tellement.

Mais dans le coeur de la petite fille, il y avait bien d'autres personnes qu'elle aimait tout autant. Et ceux-là, elle ne voulait pas les abandonner. Elle avait promis. Elle serait forte et elle grandirait encore pour leur apporter tout ce qu'elle pouvait encore donner. Avide d'aimer, avide de vivre, la demoiselle Leostilla n'en avait pas encore fini avec cette vie qui n'en était qu'à une ébauche. Elle devait encore connaitre tant de choses !

Finalement, ses paupières s'ouvrirent un peu, lorsque la chaleur des mains envahit son petit corps meurtri. Ses grands yeux bleus cherchèrent les visages inquiets qui accompagnaient les voix qu'elle avait entendues. Elle trouva ceux qui furent familiers avant tout.


Rol... Rollin ? Valph ... ? Maia ... ?

Ils étaient vivants. Une sorte de soulagement la toucha. Puis elle remarqua le matou qui dardait sur elle un de ses regards perçants. La fillette se contenta d'esquisser un tout petit sourire à son intention. Elle n'essaya plus de bouger et referma les yeux, un peu apaisée.
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Rollin
Tristis est anima mea usque ad mortem :
sustinete hic, et vigilate mecum


(Mon âme est triste jusqu'à la mort ;
Restez ici et veillez avec moi.)

Office des Ténèbres pour le Jeudi saint,
second répons du premier nocturne (Mt 26:38)


On éteint le troisième cierge.

Les trois compagnons étaient restés là, malgré leurs blessures. Ils avaient veillés en priant, ne sachant si c'était pour la guérison d'un malade... ou pour le repos d'une âme à l'agonie.

Rollin s'était assis près du grabat où l'on avait déposé la fillette, et pendant que Maia faisait au mieux pour la soulager, il avait fait prévenir le vieux lion de Nice, le parrain de l'enfant. Le Mestre et lui avaient été adversaires, mais toujours dans le respect de l'autre. Conscient que s'ils ne partageaient pas leurs idées et leurs vues, ils reconnaissaient à l'autre sa valeur. Les années avaient passé et, bien qu'il s'évitassent royalement depuis son retour, le Chambérien gardait à l'esprit le souvenir de l'homme ardent et inflexible, exigeant envers les autres, mais sans doute plus encore envers lui-même. Rollin ne pouvait s'empêcher de trouver cela tellement... humain... et triste... qu'il souriait parfois intérieurement en se disant que Nice le trouverait sans doute mielleux et propre à vomir, s'il apprenait un jour cela.

Quoi qu'il en soit, et quels que furent ses démêlés avec la Mesnie di Leostilla, Rollin n'était pas homme à croire à la fatalité du sang et du lignage. Aussi avait-il suivi ce que son cœur lui dictait en demandant audience à Dewan, lorsqu'elle fut élue Bourgmestresse, la plus jeune que la Savoie ait jamais élue. Le Mestre avait trouvé naturel de proposer son aide, mais non pas pour qu'on lui rende une charge en la Maison commune, non... ce qui l'animait, c'était l'inquiétude du père qu'il était. Sachant combien les âmes jeunes et délaissées pouvaient être influençables ou malmenées par la rudesse qui va de pair avec les responsabilités.

Tout à ses réflexions, le Mestre regardait les gestes de Maia. La louve se montrait tellement douce, si pleine de compassion, tentant de juguler ce qui devait l'être, posant la charpie trempée de vin dans les plaies, jouant de l'aiguille passée d'un fil de soie pour tenter de suturer ce qui ne pouvait cicatriser seul. En l'observant, il reconnut des gestes, la position délicate des doigts qui soutiennent un membre abandonné, les mains qui posaient des actes, mais ne se départissaient pas d'une certaine tendresse. Les gestes d'une mère confrontée au malheur d'un enfant, fut-il celui d'une autre, et qui lave les plaies et le sang qui dénaturent et salissent la pureté et l'innoncence. Rollin voyait tout cela, et les souvenirs faisaient un parallèle évident. Le Chambérien ferma les yeux et porta la dextre à son front profitant des ténèbres qui régnaient en lui pour se saisir de la moindre bribe du passé que sa mémoire lui voulait bien rendre... mais aussi pour cacher le trouble que tout cela éveillait en lui.



* * *



Miserere mei, Deus,
secundum magnam misericordiam tuam


(Ô Dieu ! aie pitié de moi,
dans ta grande miséricorde.)

Office des Ténèbres pour le Jeudi saint,
premier chant des Laudes (Ps 50:1)


On éteint le dixième cierge.

La Duchesse de Sallanches n'avait pas ménagé sa peine, et bien qu'elle fut elle-même meurtrie dans ses chairs, elle avait d'abord mis tout son art et sa volonté à tenter de sauver la Bourgmestresse-enfant.

La fillette reposait, mortellement pâle, telle un gisant de marbre, et Rollin restait là, priant de toute son âme et scrutant que le moindre signe de vie qu'il voyait, si faible soit-il, ne cesse pas brutalement. Le plissement d'une paupière, l'imperceptible mouvement de la poitrine, le plus infime battement d'une veine au creux du poignet ou du cou. Il savait ces signes, ils les avaient guettés auparavant. L'enfant vivait... mais pour combien de temps encore?

Il avait été impossible de déloger le matou qui était venu se lover contre son cœur, aussi avaient-ils tous abandonné l'idée. Le félin mystérieux restait là, à dormir, imperturbablement.

Dans le secret de son âme, le Mestre récitait la longue litanie des imprécations et des suppliques au Très-Haut. Lui qui n'avait jamais demandé grâce, pas même sous le fouet ou le fer rougi, lui qui n'avait jamais demandé mercy à l'ennemi... il implorait pour qu'on épargne une vie. Un murmure étrange lui vint à l'oreille.


- Une vie pour une vie, j'en fais le serment...



Inconsciemment, Rollin hochait la tête. C'était bien de cela qu'il s'agissait, mais pouvait-il donner deux fois sa vie pour les innocents?



* * *



Et tu puer, propheta Altissimi vocaberis :
præibis enim ante faciem Domini parare vias ejus


(Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut :
tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins.)

Office des Ténèbres pour le Jeudi saint,
sixième chant des Laudes, cantique de Zacharie, Benedictus (Lc 1:76)


On cache le quatorzième et dernier cierge.

- Ténèbres, tout n'est que ténèbres... le corps se meurt, mais dans l'âme immortelle, un feu inextinguible dévore tout.


Le Mestre sursauta. Vaincu par les épreuves de la nuit et, sans doute plus encore par la douleur des nouvelles de l'aube, il s'était assoupi. Dans l'inconscience d'un songe, il lui semblait avoir entendu la voix aimante d'Yzalba... la Perle d'Armavir. Elle dont l'âme semblait avoir abandonné le temple de son corps.



* * *



ignem veni mittere in terram
et quid volo si accendatur


(Je suis venu apporter un feu sur la terre,
et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé!)

Vigile pascale,
bénédiction du feu (Lc 1:49)


On se prépare à allumer le cierge pascal.

Décontenancé par ce qu'il avait cru entendre, son premier réflexe fut de regarder Dewan. Le Mestre crut discerner un mouvement. Il se leva d'un bond et s'approcha. Le petit visage bougea, les lèvres ensanglantées remuèrent... laissant échapper sa toute petite voix flûtée qui disait leurs noms à tous les trois alors qu'ils se penchaient sur elle.

Vivante! Elle était vivante... Le Mestre laissa échapper un soupir et ferma les yeux un instant. Remerciant le Très-Haut.

La fillette s'endormit.




Ambiance musicale suggérée: Miserere mei · Edward Higginbottom, Agnus Dei Volumes 1 & 2, ℗ 1996 Erato Disques S.A

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

Valph
Il arriva en courant, un peu comme il pouvait car toujours dans sa tenue de guerre, ses genoux cognaient un peu contre le bois mais il avançait à un bon rythme.
Il sortit de son tonneau et s'approcha de Rollin resté auprès de la mairesse.
Valph s'agenouilla, posant un main sur l'épaule du tisserand, l'autre sur celle de Dewan allongée près de lui, et murmura pour ne pas affoler la gamine :


Ils sont partis ... on les a vaincus ...
Ne pensez plus qu'à vous remettre sur pieds, le reste on va s'en occuper.


Il se releva doucement regardant la mairesse en souriant, il lui tarder de la revoir prendre ses fonctions et relancer Chambéry, sacré bout de femme la gamine !
Il ressauta dans son tonneau et retourna prendre son poste de soldat, dès fois que, faut quand même se méfier des gruyères.

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Lo Puèg per totjorn !
Rollin
Ce fut donc au matin du vingt-septième jour de novembre que le fidèle Valph, le vaillant boucher, était venu annoncer à la fillette, toujours inconsciente, que l'engeance genevoise avait quitté la place... pas encore la victoire, mais un pas dans la bonne direction.

Trois jours durant, Rollin avait veillé la fillette du matin au soir et, ne prenant de repos que par brefs à-coups, il était retourné chaque nuit au rempart prêt à faire payer le prix de leur infamie aux Genevois - et tous les défenseurs de Chambéry avec lui.

Il n'avait guère fait plus que prier ou manifester sa présence bienveillante à l'enfant, tenant parfois une des menottes délicates dans ses larges mains, déplaçant avec une douceur infinie une mèche des cheveux d'or qui montait à l'assaut de sa face, épongeant le petit visage fiévreux et figé, ou chantonnant doucement quelques rondeaux ou virelais comme il l'avait fait pour ses propres enfants lorsqu'ils étaient alités, mais il savait que ces choses si simples aident parfois l'âme souffrante, ou à tout le moins, qu'elles ne lui nuisent pas.

Au fil des jours, à la faveur des heures angoisseuses qui s'égrenaient aux clochers, le Mestre, toujours inquiet, avait vu refluer du marbre de la peau les teintes froides veinées de bleu et de gris pour laisser la place à la chaleur rosée de l'albâtre diaphane. Dewan restait inconsciente, abandonnée au sommeil réparateur propre à ceux qui luttent pour guérir et non plus figée dans la roideur immobile du moribond attendant que vienne l'heure du trépas.

C'est à ces signes que l'on jugea la fillette transportable, et Saint-Julien, flanqué du carabin du vieux Lion de Nice, vint faire diligence. Là où l'on menait l'enfant, Rollin savait qu'il ne pourrait plus aller... ou du moins, plus aussi assidument.

Dans la paix retrouvée de son esprit, il regarda l'arroi quitter lentement le refuge chambérien pour le confortable Hostel di Leostilla.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard

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