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[RP] La vie est faite de marbre et de boue.*

Samsa
    "Le ciel est cassé,
    Tout abîmé,
    Des nuages noirs
    Roulent en avalanche,
    Y'a d'l'eau qui tombe ;
    C'est plus étanche."
    (Bénabar - Psychopathe)


Fin juin, et l'été s'invitait doucement sur la France, le ciel encore souvent parsemé de pluie et zébré d'éclairs. Les nuits devenaient moins fraîches et plus lourdes, les journées plus chaudes avec un soleil intermittent du spectacle mais plus fort. Les serfs commençaient à apprécier de nouveau à travailler dehors, tant que les températures restaient clémentes ; bientôt, les canicules leur feraient suer grâce. Samsa, elle, cuirait dans sa cotte de mailles mais persisterait à dire "on ne sait jamais" pour la garder. Pour peu qu'il y ait une guerre, les nuits ne seraient peut-être même pas assez douces pour rendre une bataille supportable plus d'une heure ou deux. Mais -las !- pas de guerre et -heureusement !- guère plus de canicules encore. Au contraire, il avait beaucoup plu la veille et, pour quelques heures, la Vicomtesse avait gracieusement accepté de surveiller la porcherie d'un jeune manant débutant qui avait oublié la ration de maïs de ses cochons à la ferme de ses parents.

Assise sur une barrière de l'enclos, tournée vers l'intérieur, Samsa regardait les animaux se rouler dans la boue fraîche, patientant leur pitance par des grognements aigus. Elle remuait doucement sa main droite, dans son gantelet de combat, posée sur sa cuisse. La guérison avait été longue, après qu'elle se soit fracturée plusieurs métacarpes et phalanges contre le mur, quand Shawie était repartie. La plaie au cœur, elle, palpitait encore vivement, comme une brûlure. Quatre ans de vie commune, après toutes les épreuves qu'elles avaient traversé, ça ne passait pas comme ça. Ce n'était pas fait pour passer. Ça ne devait pas passer, même. Cinq mois, que l'Espagnole avait mis fin à leur relation la première, et il semblait à Samsa que c'était encore hier. Elle n'avait pas retiré l'alliance rose incarnadin à son doigt ; sans doute ne le ferait-elle jamais. Shawie était sa femme, et Cerbère était la sienne. Peu importait le reste. Ça n'avait rien d'étonnant quand on connaissait la Vicomtesse : ses braies blanches, qu'elle ne retirait jamais -moins encore que sa cotte de mailles-, venaient aussi du passé. Samsa vivait avec le passé, elle ne pouvait pas avancer sans. Pourtant, les braies blanches et cette alliance avaient quelque chose de fondamentalement différent : Zyg n'était jamais revenue. Shawie, si. Et Cerbère peinait à sortir de ce bourbier. Le soir, quand Meroé venait se blottir contre elle, quand elle l'embrassait et s'endormait la première, Samsa la regardait et se demandait si elle avait suivi le droit chemin. Pas le bon, le droit. Toujours en elle, ces deux-là s'affrontaient : avait-elle été assez loyale ? En avait-elle fait assez ? S'était-elle assez sacrifiée ? Elle était vivante, probablement que non, du coup -logique de Samsa. Avait-elle mis à terre tous ses efforts effectués pendant quatre ans pour offrir à Shawie et elle leur équilibre ? Était-elle la responsable ? Bien sûr, on lui rabâchait que non, on saluait qu'elle ait enfin pensé à elle, comme si retourner avec Shawie aurait été une erreur de l'ordre de la torture, on se réjouissait, parfois, et Samsa portait alors un regard consterné et profondément blessé. Ils ne savaient pas, tous, la force du lien qui l'unissait à l'Espagnole. Ils parlaient comme si ça ne blessait pas Samsa mais, non seulement ça la blessait parce que Shawie avait une place indétrônable dans son cœur -et inversement-, mais en plus ça ne répondait pas à ses questions. Elle était heureuse avec Meroé, c'était un fait, comme elle avait été heureuse avec Shawie, peut-être d'une façon différente -ou pas. Peu importait. Mais ce sentiment de culpabilité d'avoir pensé à elle, qui aurait les mots pour le lui retirer ? Maximilien les avait eu, un peu. Mais le fardeau était lourd pour quelqu'un qui ne vivait que par et pour les autres. Il n'y avait qu'à lui, et qu'à Chiméra, qu'elle en avait parlé. Ils étaient les deux à avoir le cœur assez léger, les épaules assez larges et la tête assez froide pour qu'elle s'en soit ouverte. A Meroé, elle n'en parlait pas. Jamais. Elle ne voulait pas. Meroé aussi avait à gérer un lien délicat de son côté. Il aurait fallu des mots plus complexes, des mots que la Slave n'aurait pas compris, qui n'auraient pas pu glisser sur son cœur sans l'égratigner, sans égratigner le début de ce qu'elles construisaient, sans l'égratigner elle, la Bordelaise, d'une façon plus douloureuse encore. Il n'était de toute façon pas connu que la Combattante parlât de ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle-même quand c'était douloureux. "Plus c'est enfoui, mieux c'est, pour les autres mais surtout -surtout- pour moi".

Samsa agita le pied devant un jeune cochon venu renifler sa botte, qui détala immédiatement, apeuré et regrettant sa curiosité. L'esquisse d'un sourire amusé se dessina sur les lèvres bordelaises, furtivement. Sourire devant des cochons, ce n'était pas son passe-temps favoris. Relevant ses petits yeux sombres, enfoncés sous des arcades sourcilières prononcées dont la gauche était marquée d'une estafilade un peu plus sombre que sa peau -merci Shawie !-, Samsa se prit à penser à Meroé : que faisait-elle, en ce moment ? Où travaillait-elle ? Faisait-elle une sieste sous un arbre, quelque part ? Il lui tardait de finir cette surveillance de pacotille pour aller vaquer à d'autres occupations. Il y avait entre les deux femmes une alchimie rare que Samsa ne définissait pas. Ce n'était pas meilleur ou moins bien que Shawie ; ça ne se comparait pas, d'aucune façon. C'était différent. Petit à petit, Cerbère pourrait apprendre que cette différence était profondément douce et bénéfique ; peut-être la libérerait-elle, un peu. C'était si bon, si vertigineux, d'être dans les bras de Meroé ; était-ce ça, la luxure ? Pour l'instant, la réflexion était étouffée par la psychorigidité de Samsa, la faisant se sentir, uniquement, turpide d'avoir pensé à elle, orgueilleuse de s'être plongée dans l'inconnu. Si Shawie savait à quel point elle avait peur, elle se fouterait bien d'elle -et elle aurait raison. Passer au-dessus de ça, Samsa en faisait l'effort. Un jour, elle cesserait, mais pour l'instant, c'était le début de tout.



* = Nathaniel Hawthorne

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Shawie
Affreuse.

Elle était devenue quelque chose de chiant et de terriblement impressivible. Tout le monde s'en plaignait d'ailleurs. Surtout Astoria en fait, qui passait la majeur partie de son temps en taverne avec l'imbuvable Espagnole. L'on pourrait la renommer ainsi : l'imbuvable. Ça fait moins classe que la Marquise mais c'était plus réaliste. Une tête de con comme jamais. Le niveau de connerie avait atteint son paroxysme en ce début de mois d'été où une idée lui était apparue comme une évidence : déménager. Mais desuite. Pas dans 2 mois. Maintenant.

Embarquant son petit monde pour l'aider, l'image de la veuve déplorée avait laissé place à une harpie aux ongles beaucoup trop longs pour être vrai. La rage la bouffait littéralement de l'intérieur. Lui prenant les tripes et boyaux, elle aurait pu bouffer n'importe qui n'allant pas dans son sens et dieu sait que ses idées laissaient à débattre. C'était comme ça et pas autrement. Que ceux qui ne sont pas d'accord sont gracieusement payés.

5 mois sans sexe aussi. Incapable de défaire le lien profond avec Sam, incapable de relever le nez et de passer à autre chose. Comme Anakin Skywalker, planqué sous un foulard qu'elle ne retirait plus. Juste pour bouffer, faut pas pousser. Elle avait perdu beaucoup de poids d'ailleurs, trouvant que c'était une perte de temps remarquable. Ses yeux reflétaient cette colère qu'elle ne cherchait plus à cacher. Irascible. Une vraie salope !

En attendant, elle était juste derrière Sam. L'objet de toussa. Celle qui dans son esprit l'avait brisé, os après os. Lentement, chaque partie de son corps lâchait et parfois, lorsqu'elle trouvait un peu de sommeil bien trop rare, elle finissait en larme. Le contour de ses yeux était devenu bleuâtre comme si la mort lui tendait la paluche. Son bras était enfin rétabli et pourtant, elle avait mal.

Juste derrière Sam donc. La vue était merveilleuse et reposante. Elle l'aurait bien embrassé sans demander son dû, ou simplement regouter à son odeur. Quelques secondes à peine qu'elle se trouvait la. Parfois, elle l'observait de loin, cela suffisair à la calmer mais aujourd'hui, elle avait besoin de plus.

Les yeux fermés, la douce odeur des gorets dans le pif, elle resserra sa main droite sur la buche de bois qu'elle tenait. Encore incapable d'user de force avec la gauche, tant mieux pour Samy.

"POKE" ... c'est le bruit de la buche sur le crâne vide de Samy. Le coup n'était pas trop fort, juste assez pour la faire réagir. Le tout fût conclu par une poussette digne de ce nom dans le dos de la Cerbere.

Sans un mot, l'Espagnole passa la barricade, les deux bottes dans la merde. Point de départ de sa vie.

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Samsa
    "Je suis encore en train de te perdre,
    Je suis en train de m'enfermer,
    J'avais l'habitude de t'élever,
    Maintenant je t'accable."*


Cerbère était loin de se douter que, quelque part, souvent, Shawie l’observait et se repaissait de sa vue. C'était difficile d'imaginer Shawie maintenant : elle avait dû retrouver la vie de brigande qu'elle n'avait jamais vraiment quitté. Était-elle toujours aussi condescendante ? Parlait-elle toujours avec cette supériorité, ce je m'en foutisme, que Samsa aimait ? Ce détachement qui était le sien, avant, l'était-il encore ? Était-elle encore celle dont Samsa était tombée amoureuse ? C'était difficile d'imaginer l'Espagnole autrement qu'ainsi, que ce qu'elle avait toujours été, et pourtant, quand elle l'avait vue, Samsa avait su que quelque chose en elle s'était brisé. En elles deux, quelque chose s'était brisé.
Shawie, d'ailleurs, aurait eu tout loisir de lui briser le crâne avec sa bûche. Elle aurait pu lui éclater la tête, la détruire concrètement, et Samsa qui aurait dû mourir reine serait morte le nez dans la boue d'un enclos à cochons. Quelle douce vengeance que Shawie vient de manquer ! Cerbère commence à se retourner en portant main à son crâne -aïeuh !- mais elle est poussée tout aussi subitement et, déséquilibrée, s'échoue sur le flanc dans la boue.


-Merde !

Tu l'as dit Cerby !
Elle relève les yeux, sur un coude. Shawie. Cerbère la reconnaît, derrière son foulard ; elle l'a tant vu avec, elle l'a tant de fois abaissé pour l'embrasser avec un sourire, se foutant complètement de sa morale de royaliste bien-pensante. Elle la reconnaît, même amaigrie de la sorte, même avec des yeux cernés à l'extrême qu'elle n'a jamais vu, même avec cette colère -folie ?- dans la pupille. Le coup de bûche, à côté du poignard qui traverse son être de part en part, ce n'est rien, parce que Samsa sait qu'elle est la cause de celle qui se tient aujourd'hui devant elle. Elle pourrait croire que Shawie va la tuer. Elle n'en pense rien, sans pour autant savoir ce qui l'attend.


-Shawie pardi... ?

Elle ne sait pas trop pourquoi elle pose la question : sa femme pouvait être partout, elle ne s'étonnait même pas de la voir là, pas plus qu'elle ne s'étonne de s'être pris un coup de bûche sur la tête -elle lui avait bien shooté dans la gueule !- ou d'avoir été poussée dans la boue. Elle la reconnaît, aussi, ça se voit. Peut-être pose-t-elle la question comme ces perdus du désert à la vue d'une oasis, ceux qui se demandent si ce qu'ils voient est réel.
La Vicomtesse se relève lentement pour se tenir face à l'amaigrie. Elle ne lui veut pas de mal. Elle ne lui en a jamais voulu. Elle s'est brisée -la main-, pour elle, de douleur de l'avoir fait souffrir, comme si, elle, elle n'avait pas souffert du départ de Shawie. Samsa avait transformé sa douleur en culpabilité, forme poussée d'auto-mutilation, pour oublier que celle qu'elle aimait aussi l'avait brisée.

    "Oui, ce sentiment pour elle perdure, il me semble qu'il ne cessera pas.
    Oui aussi, je sais ce lien qui nous lie, comme celui qui te lie à ta femme.
    Pourtant, je pars, comme tu as toi-même laissé partir Shawie.
    Bien sûr aussi que cela me déchire, et que j'y laisse une part de moi-même.
    Évidemment que la voir si seule, si mal, me lacère l'âme. Sentir cette attente, ce désir d'elle... me broie.
    Sans doute que, ne t'ayant pas connue, je serais restée.
    Mais tu es là, et bien là, en moi."


Les mots écrits de Meroé, ceux qui avaient été douloureux à Cerbère, sont aujourd'hui inversés à sa propre situation. "Pardon, Meroé". Samsa s'en veut, de ressentir ce qu'elle ressent pour Shawie, cette forme d'amour qui ne mourra jamais. Peut-être que Meroé aussi s'en veut du sien ? Ou l'a-t-elle accepté ? Ce serait tellement facile de juste accepter que c'est comme ça. Un jour, Samsa lui demandera mais, pour l'instant, elle est trop occupée à ne pas se trouver assez dure avec elle-même. Cupidon avait dû se pinter la gueule un peu trop pour les mettre chacune en cette situation, ou bien le Très-Haut s'était trompé entre le mode simulation où Il pouvait déconner tranquillement et le mode réel où ça n'avait rien d'un jeu.


-Shawie...

Samsa a mal de la voir ainsi, par sa faute pense-t-elle. La réalité est plus complexe, bien sûr. Elles ont chacune leur part de responsabilité. Elle tend une main lente et douce vers le foulard pour l'abaisser, sans savoir si l'Espagnole la laissera faire. "Je ne te veux pas de mal" murmurent chacun de ses gestes et de ses regards. L'inverse n'est sans doute pas vrai mais Samsa y est préparée ; elle s'était brisée seule la main il y a plusieurs mois de douleur parce que sa femme n'avait pas eu cette violence envers elle. L'Espagnole pouvait donc s'en donner à cœur joie ; la proie n'attendait que son châtiment.


* = paroles traduites de Archives - Again

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Shawie
La tuer.

Ça commence par repousser la main de Sam qui s'en vient abaisser son foulard. Personne ne prend cette liberté désormais parce que personne ne la touche. Son regard est noir, prêt à la fusiller sur place, sa mâchoire serrée et sa main fermée sur la buche qu'elle garde empoignée, comme un chien sur un bout de viande, incapable de relâcher. Les phalanges virent au blanc et le cœur palpitant, prêt à sortir de sa poitrine. L'adrénaline, point de départ de la folie où plus rien n'est maitrisé.


Le second coup de buche est plus violent, enragé même. Il percute le visage de sa femme de plein fouet, puis un troisième coup s'en vient terminer en plein dans sa mâchoire. Samy s'écroule au sol mais l'Espagnole n'en a pas finit. Toute cette rage doit être extériorisée d'une manière ou d'une autre. Cerbère est au sol, le visage ensanglanté, agonisant peut être même. Sha lui tourne autour, comme un prédateur en manque de sang, et la buche reprend son carnage : tout y passe. Tête, visage, ventre à plusieurs reprises, encore et encore jusqu'à ce que la folie lui passe. Essoufflée mais chaude, elle finit par la terminer à coup de botte, écrasant la main de sa femme avec force. Sous sa botte, elle peut entendre chaque os craquer dans un large sourire. Jetant sa buche plus loin, elle attrape à la gorge sa femme, la serrant de plus en plus, prenant le temps de garder son regard dans le sien. Elle se devait de voir la vie quitter le corps de Samy. Chose qui arriva quelques secondes après. Fin.


Ça c'est ce qu'elle aurait voulu faire et qu'elle ne fait pas. Elle se retrouve comme nue devant elle, incapable de lever la main sur elle alors qu'elle en rêvait. Chaque nuit, elle s'imagine en train de la tuer mais finalement en la voyant là, elle se rend compte qu'elle est toujours amoureuse. Le seul obstacle c'est cette nouvelle femme : Méroé.

La main est quand même repoussée et la buche jetée. Sans aucune parole, Sha la regarde simplement, observe tout ce qu'elle a perdu en la laissant partir et se rappelle fermement une parole bien vrai :"tu veux toujours ce que tu ne peux pas avoir". Cette femme qu'elle aimait sincèrement mais où l'Espagnole avait été incapable de lui prouver, préférant largement faire ce qu'elle faisait de mieux : ce qu'elle voulait sans se soucier des autres. Un soupire sous son foulard et toujours ce regard enragé. Enragé mais amoureux, au point même qu'elle finit par lâcher une larme rapidement dissimulée.

La gorge nouée, elle finit par lâcher une phrase.



¡ El verdadero amante en toda parte ama y siempre se acuerda del amado ! *

Tirar la toalla **



Démerde toi avec ça Samy. T'auras pas plus. Avant de commencer à repartir comme ça ouai comme une une boss qu'elle n'est pas.




* Un véritable amant aime en toutes circonstances et se rappelle toujours de l'aimé
**Laisse tomber

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Samsa
    "Trois tours d'périph, fenêtre ouverte,
    J'vois passer c'qu'on aurait pu être.
    Oui, je t'en veux, mais moins qu'à moi."
    (Patrick Bruel - Tout s'efface)



La main repoussée donne le ton. Cerbère a-t-elle cru, à un moment, qu'elle pourrait la toucher et abaisser son foulard ? Non. Le rejet est franc ; les choses sont en ordre. Shawie lui en veut à mort, ne lui laisse aucun espoir de rédemption -quelle rédemption ?- et Samsa la reconnait là. Ça la rassure presque. Presque. Parce que la tension dans le corps de sa femme, la Vicomtesse la sent, sans pour autant craindre la bûche dans la main droite. Elle s'imagine bien que, dans sa tête, l'Espagnole doit être en train de lui envoyer le bois dans la tête mais elle ne se doute pas du déchainement de violence qui l'anime silencieusement. Pourtant, elle est à sa merci. Elle ne se défendrait pas, Shawie le sait : hors jeu dans la lice, et hors folie de "Cerbère" qui lui avait déjà mis une baffe, jamais Samsa n'avait levé la main sur sa femme. Consciemment, elle préférerait mourir sous ses coups que de lui faire du mal. Ç’avait toujours été ainsi, c'était encore ainsi, et ça serait toujours ainsi.

Plus loin, la bûche est jetée. Samsa connait ce geste, ce sentiment qui doit habiter Shawie en ce moment. Elle l'avait eu, aussi, dans d'autres circonstances, quand, de haine, elle avait mit l'Anjou à genoux. Et après quoi ? Qu'est-ce qui se passe, ensuite ? Qu'est-ce qu'on fait, quand on a enfin eu ce qu'on voulait ? Qu'est-ce qu'on fait de toute cette haine qui reste ? Elle devient feu sans bois. Enfin, ça met un temps à mourir, quand même, les yeux verts luisant de haine le lui rappellent bien. Le geste pour dissimuler la larme traîtresse, elle le voit bien et son cœur se serre. Elle avait tellement cru que ce serait Shawie qui aurait le fin mot d'elles-deux, tellement cru qu'elle serait la seule à pleurer, comme ça avait été le cas jusqu'ici. Ses hypothèses s'étaient vérifiées, avant le retour au visage. Les mots sont jetés sans rien attendre et Samsa rentre un peu le menton, interloquée : quoi ? De toutes les phrases que Shawie peut lui dire en cet instant, c'est celle-ci qu'elle choisit ? Après des années où Cerbère l'avait suivie et soutenue quand d'autres bras tentaient l'Espagnole, c'est aujourd'hui celle-ci qui lui parle de mémoire et d'amour ? Ah !


-Recuerdo, pardi. No olvido. *

Des voyages en Espagne, et quatre ans aux côtés de Shawie, ont appris à Samsa à comprendre et parler la langue, suffisamment pour en comprendre l'essentiel. L'expression lâchée, elle ne la comprend pas, et ça la perturbe. Mais Cerbère se rappelle. Elle se souvient. Elle n'oublie pas. Elle aime Meroé, c'est un fait indéniable, elle-même commence juste à commencer à se l'avouer, mais il lui arrive de se souvenir malgré elle des étreintes de Shawie, des nuits à ses côtés, de leur fougue et de leur tendresse. Non pas qu'elle veuille les oublier mais quand Meroé est à ses côtés, il ne devrait n'y avoir qu'elle dans ses pensées. Son cœur, Samsa a déjà accepté la fatalité de l'avoir divisé, au moins assez pour que Shawie soit indétrônable tout en aimant sincèrement l'Errante.
La Vicomtesse n'a pas les moyens de répondre en espagnol. Répondre quoi, d'ailleurs ? Elle ne veut pas faire semblant, pas attaquer non plus. C'est difficile, de trouver les bons mots. Il faut essayer.


-Déjà ? C'est tout pardi ?

La Combattante ne prend même pas la peine d'essuyer la boue qui la macule. Ce n'est pas bon, que Shawie s'en aille comme ça, avec sa colère. Cerbère sait combien ça détruit de l'intérieur plus sûrement que n'importe quel épisode de la vie. Elle s'était détruite, à cause de la colère. Elle avait tué des innocents par colère. Elle avait failli mourir, de colère. Pas question que Shawie suive la même voie. Et s'il faut que Samsa incarne la coupable, celle sur qui l'Espagnole pourrait se décharger, elle le fera.
Elle se tient droite, épaules carrées, menton relevé, un air de "allez, viens frapper, tu attends quoi ?" ou de "tu crois que je ne sais pas que je le mérite ?" La justesse de la réflexion est peut-être à revoir mais il faut ce qu'il faut.


* = je me souviens. Je n'oublie pas.

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Shawie
De toutes les passions, c'est la colère qui a le plus souvent retenu les anciens. En maints ouvrages, ils ont pesé et dénoncé ses funestes effets. Ils lancent que la colère l’emporte sur tous les vices ; que nul fléau n’a accablé davantage le genre humain ; qu’elle n’est jamais d’aucune utilité ; qu'en conséquence, il faut non point la tempérer, mais la bannir tout à fait. Bien entendu que non. Malgré cette douleur incessante qu'elle ressentait, elle se sentait vivante. Chaque journée lui rappelait son erreur d'avoir quitté Samy. Chaque jour était un supplice, et une croix à porter. Le trajet était long, interminable et douloureux. L'on avait eu le culot de lui dire que ce n'était rien. Tout le monde passe par cette phase un jour. Une de perdue, dix de retrouvée. Blablabla.

De dos à Cerbère, elle reste immobile un petit moment, le temps que la pression redescende. Inspirer. Expirer. Souffler. Respirer. Les yeux fermés, elle sait pertinemment que Samy ne lèvera pas la main sur elle, alors, elle prend le temps de peser le pour et le contre quant à la confrontation qui doit avoir lieu. C'est une certitude mais de qu'elle manière aborder la chose ? Lui rentrer dans le lard et laisser échapper toute cette rage, ou simplement faire quelque chose qu'elle n'a jamais fait et prendre le risque d'échouer ?

En deuil chez Keltica, Sha avait prit le temps de songer. Elle n'avait eu que cela à faire après sa déroute presque volontaire en Orléans. Si seulement elle avait pu mourir la bas, tout aurait été bien plus simple. Gérer autant de sentiment n'était pas fait pour elle. Incapable de gérer une simple crise, elle se sentait noyée, agonissant au plus profond d'elle. Tout ce qu'elle voulait dire été véritablement méchant envers sa femme. Profondément piquant et mauvais. Alors autant fermer sa grande gueule pour le moment.

Retirant son foulard qu'elle laisse tomber dans la boue, doucement, l'Espagnole se retourne et s'en vient face à Samy. Laissant apparaître des traits totalement inédits pour Shawie qui, abusant ouvertement d'une nouvelle drogue, tombe petit à petit dans la maladie. Joues totalement creusés par le manque de nourriture, yeux aux contours bleutés marquant bien un état de santé défaillant, lèvres totalement asséchées et fissurées. A croire que la mocheté intérieure de la femme avait finit par déteindre sur son apparence. Désormais, tout le monde pouvait se rendre compte de la toxicité de la femme.

Le visage quasiment collé à celui de la Cerbère, elle la regarde, l'observe, la juge. Des visions de scène déplaisantes entre Samy et Méroé lui arrivent en pleine tronche, lui rappelant le pourquoi de tout ça. Surtout ne pas recommencer à pleurer, pas ici et pas devant elle. Les lèvres hispaniques se tendent légèrement et viennent effleurer leur voisine, sans appuyer, juste par provocation puis, elles glissent vers son oreille.

D'une voix glaciale, elle finit par lui lâcher :



3 mois Samsa. 3 mois.
T'as été incapable de garder tes braies plus dé trois mois. Même si je t'ai dis dé refaire ta vie, même si toussa, on avait dit qu'on devrait tout se dire, juste par respect pour Nous. Oubliée et remplacée.
Tu l'as baise dans notre lit ?
J'espère qué tu prends ton pied.

Protège ta nouvelle femme. Jé n'aurai aucune pitié envers elle.



Hein quoi c'est exagéré ? Juste un peu. Mais elle le pensait tellement. Et foi de Shawie, personne en ce royaume ne lui échappait !
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Samsa
    "J'ai la chemise noire,
    Aujourd'hui mon amour est en deuil,
    Aujourd'hui j'ai dans l'âme une peine,
    Et c'est à cause du sort que tu m'as jetée."*



Alors que le foulard tombe à terre lentement, Cerbère érige pour elle une barricade ridicule. C'était comme se préparer à un assaut de machines de sièges, de cavaliers lourds et d'incendiaires avec des barrières de paille, aussi hautes soient-elles. L'orage gronde, le vent se lève, la mer enfle et Samsa est seule face à tous ces éléments qui vont se déchainer sur elle. Et elle doit en sortir non seulement vivante, mais en plus en capacité de se relever de ce qui va la mettre à terre. Elle a peur. Elle a peur de ne pas y parvenir, elle a peur en voyant Shawie, peur pour sa femme. Même défoncée, jamais l'Espagnole n'avait été ainsi. Pourtant, elle n'effrayait pas la Vicomtesse. Jamais Samsa n'avait eu peur des ténèbres, moins encore de sa propre femme.
Il y a quatre ans, leur histoire avait commencé comme ça, côté Empire : un visage trop près, un baiser provocant que Samsa avait repoussé avant de faire demi-tour. Les petits yeux sombres ne se baissent pas sous le jugement de leurs homologues verts, pas par défi mais parce que Samsa a toujours admiré Shawie et ce temps-là n'est pas près d'être révolu. Elle cherche, dans ses yeux, le châtiment que l'Espagnole lui réserve, prend ses premières claques. Les paupières royales s'abaissent quand les lèvres viennent effleurer les siennes. Elle se souvient, de leurs baisers, de leurs temps ensemble, et ces visions l'envahissent. Le murmure seul la tire de ces flash, antinomique avec l'esprit bordelais. Lentement, Cerbère rouvre les yeux et attend de retrouver le visage de Shawie face au sien pour répondre.


-Il me semble pourtant que ton voyage en Valachie a duré plus de trois mois... tu sais très bien ce dont je suis capable pardi.
Je voulais partager ma vie avec toi, je voulais tout partager, avec toi. Tu n'en as pas voulu té... Tu ne m'as pas dit que tu allais en Orléans, ce que tu allais faire... tu m'as quittée pour "ça"... Tu n'as pas écouté ma souffrance, tu m'as rejetée pendant ces trois mois, tu te foutais bien de savoir si j'étais pas en train de crever dans un fossé de désespoir, puant l'alcool à dix lieues à la ronde pardi... tu ne voulais plus entendre parler de moi.

Je t'ai attendu, Shawie. J'ai fait... tout ce que j'ai pu, avant ces trois mois et pendant ces trois mois, pour que tu reviennes, pour que tu te sentes bien...


Efforts insuffisants. Aurait-elle pu faire plus ? On se posait toujours la question après coup, quand on ressortait vivante d'une épreuve : aurait-on pu rester une seconde de plus dans la situation sans mourir ? La question restait à jamais sans réponse. Ou peut-être était-ce une bataille qu'elle n'aurait jamais pu gagner. Pas toute seule.

-Meroé n'est pas ma nouvelle femme... TU es ma femme... tu te souviens, toi ? "Tu restes quand même ma femme". Tu crois que c'est facile pour moi, aussi ? Quand tu es revenue, je ne refaisais pas ma vie. J'essayais de me reconstruire. J'essaye toujours té. Et tu sais quoi ? C'est putain de dur, de ne plus être celle qui se bourrait la gueule pour tomber dans le noir pendant dix heures, et avoir si mal partout que pendant deux jours je ne pensais qu'à ça, et qu'au moment où je pourrais recommencer la boucle. C'est putain de dur, de ne plus savoir ce que tu fais, de ne plus t'entendre parler. Parce que t'es ma femme pardi. Parce qu'en trois mois, on ne construit rien, on oublie encore moins. Quand je commencerais à refaire ma vie -si je me plie à l'exercice-, ainsi que je te l'ai promis, je te le dirais. Mais là, il n'y a pas une journée où je ne me demande pas où j'en ai pas fait assez, où j'aurais pu donner un rein pour nous sortir de là, pas une journée où je ne pense pas à toi, où je ne me demande pas si je ne suis pas un monstre, si ma vie a encore un sens pardi. T'appelles ça refaire sa vie, toi... ?

Tu as fait un choix, celui de partir, de ne pas m'écouter, de me laisser derrière en te moquant totalement de l'état dans lequel je pouvais être, de me rejeter pardi.
Et j'ai fait un choix, celui de ne pas revenir. Cette histoire est entre toi et moi... Meroé n'a eu aucun choix. Alors si c'est après moi que tu en as, prends-en toi à moi té. Si tu veux frapper quelqu'un, frappe-moi. Si tu veux buter quelqu'un, bute-moi.


Elles parlaient doucement chacune, comme des aveux, des demandes couvertes. La tension rampait comme un serpent, comme deux chiens se reniflant sans bouger, l'air de rien, avant que soudainement, tout ne dégénère. Elles s'en voulaient chacune et savaient pourtant, chacune, qu'elles étaient aussi responsables envers l'autre. Samsa parle sans haine ni colère, fatalité peut-être, tout au plus, en défense mais pas en attaque, prête à se sacrifier pour que sa femme y trouve un peu de soulagement. Que les coups pleuvent, que les éléments se déchainent, transforment Cerbère en un fétu de paille ! Les dés sont prêts à être jetés, pour le meilleur et pour le pire.

* = paroles traduites de Juanes - La camisa negra

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Shawie
Elle leva sa main, non pas pour frapper comme à son habitude mais bien pour caresser les cheveux de Samy, tendrement, presque trop. Mon dieu que ce temps là lui manquait. Apaisée alors qu'il y a quelques secondes, elle aurait été capable de lui transpercer le ventre. Et même quand elle écoutait les paroles de sa femme, elle resta calme parce que c'était le moment où jamais de montrer quelque chose de différent.

Elle baissa un peu le regard parce que les dires de Samy lui arrivèrent en plein cœur. De plein fouet. Oui, elle était partie. Elle le regrettait. Ça fait mal mais c'est peut être le début de la guérison.



Jé suis revenue vers toi. Je suis revenue et tu m'as rejeté tout simplement. Jé té demandais de revenir avec moi, qué j'étais prête à faire tout pour toi. Quand je suis partie, tu savais porqué, tu savais que jé voulais té protéger de ma bêtise. Tu dois devenir Reine un jour alors, jé trouvais ça normal dé te laisser le chemin libre. Tu comprends ? Sauf qué ... je n'y arrivais pas. je n'arrive pas à t'imaginer avec une autre qué moi. Jé ne sais pas comment tu fais pour toucher une autre personne.

Je pense à toi tout l'temps. C'est pas qu'à un moment, c'tout lé temps. J'vois un truc et ça m'fait penser à toi. Ces putains dé pigne dé pin par exemple. La technique du lombric, les carottes, putain mais tout.

La seule fois dé ma vie où je n'agis pas par égotisme, jé me le reçois dans la gueule. Tu m'as renvoyé dans mon camps comme une merde et ça, jé le digère pas. Jé ne digère pas cette autre femme et jé peux t'assurer qué je ne pourrai pas lever la main sur toi. En revanche, sur elle, j'en ai rien à foutre.



Elle se recula légèrement.


J'en ai rien à foutre d'elle. Jé ne vais pas t'apprendre la folie, tu sais bien qu'elle arrive n'importe quand et qu'on né peut pas la contrôler. Et là pour moi, c'est elle mon souci. C'est elle qui est entre nous. Jé me débarrasse de l'encombrant et tout redeviendra comme avant.

J'vais pas té buter. Pas toi. Elle.

Dis moi qué tu né m'aimes plus et nous en reparlerons.



Comment ça, c'est pas si simple ? Elle en a rien à foutre et la seule idée relativement concrète qu'elle a, c'est d'égorger Méroé. Elle ne la connaissait pas, simplement le temps n'était plus au jeu. Il fallait reprendre son dû et ne plus jamais le laisser partir. Une erreur, ça peut se réparer non ? Il était hors de question qu'elle reste loin de Samy. La folie parlait et la folie gagnerait.

Elle leva les bras comme un signe de paix et puis montra son alliance :



Sur cette bague, j'te jure dé l'anéantir.
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Samsa
    "Tu te demandes si tu es une bête féroce ou bien un saint,
    Mais tu es l'un et l'autre. Et tellement de choses encore.
    Tu es infiniment nombreux :
    Celui qui méprise, celui qui blesse, celui qui aime, celui qui cherche,
    Et tous les autres ensembles."
    (Fauve - Blizzard)



La main espagnole se lève, prête à frapper pense Samsa. Pas un mouvement de recul ne l'anime, pas une once de crainte, pas plus de courage quelconque. La caresse est posée sur les cheveux semi-roux légèrement ondulés et Cerbère ferme les yeux, vulnérable. Shawie pourrait lui faire n'importe quoi, maintenant qu'elle ne voit plus. La vue. C'était LE sens de Samsa, celui qu'elle détestait ne plus avoir ; aveugle, elle était à la merci de tout. Aveugle, elle devait être en confiance absolue. Elle l'était. Shawie n'en abusera pas et, plongeon dans l'océan de leurs souvenirs achevé pour la ramener à la surface où souffle un vent trop fort pour des vagues trop hautes, la Vicomtesse rouvre les yeux. Face à toute forme d'agressivité, Cerbère se montrait forte, en opposition, capable de tout encaisser -pour s'écrouler plus tard. Mais face à la tendresse, à la douceur, Samsa était sans défense. Shawie s'approche de nouveau, baisse les yeux sur elle et la Vicomtesse y plonge son regard. Les mots aussi la secouent, la heurtent. "Tu m'as jetée, je t'ai rejetée. Pourquoi c'est moi qui dois employer le verbe "rejeter", comme "jeter de nouveau" ? Ce n'est pas juste."

-Je m'en foutais, de tes actes... et tu le savais pardi... mais si ça n'avait été qu'une histoire de cette armée en Orléans, on aurait pu s'arranger... pourquoi... pourquoi t'as juste pas décrété, je sais pas, une période d'essai sans Nous ? Pourquoi tu m'as rejetée, quand j'ai voulu revenir té... ? Je ne te manquais pas ? Pourquoi c'est moi la responsable... ? Pourquoi faut une responsable pardi... ?
Je t'ai pas renvoyée dans ton camp comme une merde...
"je me suis pétée la main de douleur" ... t'es pas une merde... j'ai pas épousé une merde pardi...

"Et toi, mon Espagnole ?"

Les menaces envers Meroé sont proférées, explicites, et pourtant aucune colère n'anime le regard bordelais. Pas de Cerbère à l'horizon qui montrerait les dents pour défendre son Errante. Croit-elle que Shawie n'est pas sérieuse ? Oh si, elle l'est, c'est certain. Et pourtant, quelque part en elle, Samsa ne veut pas y croire. La folie, oui, bien sûr, elle connaît : la mort de Zyg, "Cerbère". Shawie est-elle folle, là ? "Je me débarrasse de l’encombrant et tout redeviendra comme avant". Ce sont un peu des mots fous, tout de même. Naïve, Samsa s'imagine qu'elle peut et pourra faire tampon entre les deux comme elle en a l'habitude avec de nombreuses personnes. Égoïstement, aussi, il y a cette petite voix qui la soulage : "ce n'est pas après toi qu'elle en veut", sans se rendre compte que c'est Meroé qui est désormais dans le viseur. Le fardeau, Samsa l'aurait porté, mais elle le savait particulièrement lourd. Ça ne l'embête donc pas de ne pas l'avoir ; elle sait combien son dos aurait ployé. Ce fardeau restera-là, par terre, à personne.

"Dis-moi que tu ne m'aimes plus et nous en reparlerons."

Hé beh té. Si c'était si simple, du côté de Shawie comme de celui de Samsa. "Je ne t'aime plus, merci, au revoir, bon vent", mentir ainsi, effrontément, de façon si puante et fausse, et tout couper, terminé. S'il suffisait, aussi -sinon-, de tout effacer, de tout recommencer, de tout oublier, faire comme si tout ça n'avait jamais existé, faire comme si tout ça ne s'était pas passé. Oui, ç'aurait été si simple, pour elles deux. Chemin de la facilité. Mais même si ç'avait été possible, Cerbère n'aurait pas voulu. C'était trop tard, pour elle. Meroé s'était infiltrée dans son esprit, dans son cœur, dans des mécanismes que Samsa ne comprenait même pas -"pourquoi cet engrenage tourne et pas celui-là ? Avec Shawie, c'était l'inverse". Elle ne pouvait plus l'oublier, faire comme si elle n'existait pas. "Je me fais oublier du monde" lui avait dit Meroé. "Je n'ai jamais pu t'oublier, moi" avait pensé Samsa. Ce ne fut pas dit. "On ne construit rien en trois mois".
La Vicomtesse observa calmement Shawie écarter les bras en signe d'apaisement avant de jurer sur sa bague -un anneau de sa cotte de mailles, aplati de l'intérieur, recouvert d'une infime couche d'argent sur la face extérieure et où figurait une inscription à l'intérieur : "Dog Royal". Oui, écrit comme ça ; ce n'était pas rien- l'anéantissement prochain de Meroé. Ça ne percute pas dans l'esprit royal. Ou bien ce dernier a bugué. On ne sait pas trop. "Ça s'peut, une réalité sans Meroé ? Il existe, pour de vrai, le scénario où Shawie bute Meroé ?"


-Je peux pas te dire ça pardi... tu le sais...

La douleur étreint de nouveau la voix de Samsa qui parle bas, toujours, comme un souffle. C'est dur, putain, d'être entre deux femmes qu'on aime. C'est dur, de devoir suivre un chemin sans l'autre qu'on a connu depuis des années. C'est dur, de se sentir coupable et responsable, et de devoir vivre avec quand même. C'est dur, de vivre.

"Pourquoi tu m'as pas dit tout ça, toi, au lieu de partir ?"


-Pourquoi tu t'es pas battue pour Nous... ? Pourquoi tu Nous as abandonné pardi ? Pourquoi tu Nous as tourné le dos ?
Et moi, pourquoi j'ai pas su te retenir cette fois-là pardi ? Pourquoi je t'ai pas mis cette baffe pour te dire que tu déconnais ! HEIN ! Pourquoi tu me colles pas dans la boue bordel de merde pardi ! Pourquoi tu le fais pas... ?


Le chagrin se meut en colère et désespoir, elle redirige toute la rancœur de Shawie vers elle, sans le vouloir ; c'est sa propre culpabilité qui parle. Samsa n'est pas taillée pour supporter de telles charges émotionnelles ; "Cerbère", si. Mais "il" n'est pas là, comme la dernière fois. "Pourquoi c'est à moi de supporter ça ? Pourquoi tu ne m'aides pas ? Je vais pas survivre à tout ça" pense Samsa, persuadée. Son gardien peut-il partir, lui aussi ? Tout un côté maculé de boue, la Vicomtesse se racle un flan, attrape une main de Shawie -pas celle avec l'alliance- et pose le petit tas de boue dans sa main. Elle porte ensuite la sienne à la joue espagnole, à la fois ferme et caressante. Une larme trace un sillon moitié propre à celle de Samsa. Période des aveux, des questions.

-Pourquoi on a pas réussi pardi... ?

Avec des "si" des deux côtés, elles n'en seraient pas là. Elles étaient chacune responsables, l'une pas plus que l'autre, et la question s'adressait plutôt au néant. Peut-être parce qu'il n'y avait pas de réponse. Ou trop.
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Shawie
Alors que la mains Cerbertienne parcoure sa joue, l'Espagnole en profite pour lui embrasser les doigts. Rien n'était à laisser, bien au contraire. Elle en était arrivée au stade de se contenter d'une simple caresse. C'est bien triste.


J'me suis battue pour nous mais pas comme toi. Pas comme tu le penses. J'me suis battue pour toi chaque jour de ma putain de vie. T'imagine même pas les conneries qué j'ai pu entendre sur Nous, t'sais les gens parlent des deux côtés. Et notre relation était arrivée aux oreilles de certains. C'comme ça. A croire qu'on est pas fait pour être ensemble. Ça m'brise de le dire à voix haute.

Juste l'autre fois, quand on t'a emmerdé parce qué tu voyageais avec moi. Ben voila, ça résume juste notre souci.



Si elle avait pu s'étrangler en disant cela, elle l'aurait fait. Le dire à voix haute lui faisait bien plus de mal qu'une armée sur la tronche. Même si l'armée de Coleen pouvait faire mal ! D'ailleurs, si elle l'avait l'occasion de lui mettre le bordel quelque part, elle prendrait bien soin de le faire avec tout son cœur. Un peu comme sa rancune envers le Béarn ou envers Yo alias la Hache. Une revanche qu'elle pouvait attendre des années avant de la mener à bien, elle n'était pas pressée. Sha sera capable de faire la morte pendant des mois et des mois avant de poignarder dans le dos sans aucune empathie.

Elle reporta son attention sur Samy, la colère semblait être partie pour le moment.



Tu me manques tout lé temps. Pas qu'un peu, tout lé temps. J'écris pas mais ça veut pas dire qué j'pense pas à toi. J'ai jamais écris dé toute façon. Notre dernière rencontre, tu m'avais dis être une autre. Porqué jé t'aurais écris alors qué tu commences autre chose avec une autre femme hein ? Porqué j'aurais fais ça ? Pour qué tu mé dises qué c'était pas possible ?

M'enfin dépuis qué tu m'as dis être avec elle, c'est vraiment finis entre nous. Tu vois ? J'aurai du venir té voir et constater ton nouveau bonhueur avec un autre ? J'suis fêlée mais putain pas à c'point.



Elle n'avait pas encore passé le cap de voir Samy heureuse avec une autre. Les deux femmes étaient faites pour être ensemble, c'était une certitude. L'idée de buter Meroé était toujours présente et encore plus maintenant qu'elle venait de lui avouer tout ça. C'était donc le mal incarné pour une non croyante comme elle. Ou alors, devenir amie avec elle pour qu'elle ne se méfie pas ? Et bim, un coup de couteau sous la gorge un peu soir d'été. c'est plus agréable quand il fait chaud.

Puis elle regarda sa main remplie de boue.



Porqué tu mé fou cette merde dans la paluche bordel ?


Boue qui termina son chemin dans la tronche de Samy. Faut pas pousser !
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Samsa
    "J'voudrais qu'ça dure cent ans,
    Que jamais la raison n'atteigne
    Cet aveu, cette envie de rêver tous les deux quand même,
    Jusqu'à ce qu'un jour nos deux yeux s'éteignent."
    (Amir - Longtemps)



-C'est peut-être ce qu'il y avait de plus beau pardi... ?

Samsa, royaliste reconnue, droiture incarnée, mariée à Shawie, brigande éternelle, arrangeante avec la morale. Rien ne les avait prédestinées à être ensemble, à tisser un tel lien entre elles, à vivre aux côtés de l'autre pendant quatre ans, à tant souffrir de leur séparation. C'est parce qu'elles n'avaient jamais été faites pour être ensemble que leur histoire était belle. C'est parce qu'elles avaient réussi à dépasser leurs clivages et à vivre sans l'autorisation de personne que leur histoire était vraie.
Divagation qui suit sur les lettres, Cerbère ne lui en ayant jamais parlé ni fait reproche. Bien sûr qu'elle n'en veut pas à Shawie de ne pas avoir écrit, comment, peut-être, l'Espagnole peut comprendre pourquoi Samsa ne l'a pas fait non plus. "Bonjour Shawie, comment tu vas ? Moi ça va, je suis bien avec Meroé. Bisous".


-Je ne t'en veux pas, de ne pas écrire pardi. Comme c'est... compliqué, aussi, pour moi, de t'écrire... mais... ça ne m'empêche pas de... tu sais... de penser à toi té.

Quoi de plus normal ? Cerbère se sentait responsable de l'état de Shawie et n'avait pas vocation à l'oublier ou à renier leur passé commun. Mais force était de constater que ce n'était pas facile de lui écrire sans empirer les choses.

Plaf !

La boue que Samsa avait posé dans la main de Shawie lui finit dans la tronche, comme demandé. La Vicomtesse laisse la crasse lui dégouliner sur la moitié de visage touchée, en réflexion. C'est bon, elle l'a eu sa boue, sa punition, sa merde à la gueule. "T'es qu'une merde, Cerbère". Et quelque chose en elle se rebiffe, se cabre comme un cheval sauvage qu'on pensait jusque-là avoir dompté ; y'a pas qu'elle qui a merdé. Elle se penche pour ramasser de la boue, se redresse et regarde Shawie fixement. Et bim ! Bou(e)lette est envoyée au buste de l'Espangole, la Vicomtesse relevant le menton avec une petite moue fière typique chez elle. Na.

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Shawie
Elle ricana. Pour la première fois depuis des semaines, voir des mois. Elle lâcha un vrai rire de connerie. Elle se surprise elle même mais bon sang, que ça fait du bien. Il était impensable d'en vouloir à Samy même si .. l'Espagnole plissa les yeux et leva le doigt, menaçant bien sur.


Si tu fais ça j'té ... PUTAING !


Évidement, cela lui termina sur la tronche, bien aplatit sinon ce n'est pas drôle. Même avec un pas de recul, elle en avala. En bonne comédienne qu'elle est, elle se pencha pour tousser quitte à se faire vomir. Est ce que son chapeau avait été touché ?? Foutredieu, bien sur. Elle toussa encore plus fort, se tâtant à se mettre les doigts au fond de la gorge pour tout ressortir.

La vie de paysan lui était totalement. Par contre, la vie dans la merde, ça elle connaissait. Combien de fois, elle avait squatter une étable pour roupiller en paix. Sauf quand un gamin lui tombait dessus mais ça, c'était tout autre chose. Nettoyer les enclos des animaux, torcher le culot des gorets où traire une vache, jamais ! Jamais se salir les mains. Au sens propre comme au figuré. Enfin, elle essayait.



J'vais té foutre un goret sur la gueule !


Le tout en attrapant une bonne poignée de boue/caca/urine/microbes microbes !/ et emplâtra Samy en la poussant fermement. Elle aurait été capable d'attraper un porcelet mais la maman la regardait d'un œil mauvais donc ... survie naturelle, elle se rabat sur la facilité.

Puis, une autre munition en main, elle attendit sagement que Samy ouvre le bec d'étonnement à son annonce choc :



T'es papa Samy. J'ai eu un enfant. C'toi lé père.


Bah quoi ?
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Samsa
    "Y'a peut-être plus malin que moi ailleurs, plus fort, plus puissant aussi,
    Mais je suis sûr que personne t'aimeras comme je le fais.
    Toi et moi, plus les années passent, plus on est solidaires ;
    C'est peut-être ça notre destinée."
    (Charlélie Couture - Je suis ton ami)


Du coin de l’œil, à la fois étonnée et ravie, Samsa observe Shawie, entend ce rire qui avait disparu. Comme un coup de soufflet dans une forge simplement braisée, une douce chaleur enrobe le coeur de Cerbère. Ce rire, c'est un baume, un baume sur elles, sur leur relation. Samsa n'a pas résisté, bien sûr, à lui envoyer la boue, un sourire innocent étalé sur le visage. C'était un jeu entre elles, un jeu auquel elles adoraient jouer, même si leur tempérament respectif nécessitait de trouver un équilibre pour éviter de heurter l'égo et donc que le jeu initial ne parte vraiment en pugilat. Comme leurs bagarres en lice par exemple. La boulette de boue lancée de nouveau à Samsa reste bon enfant, et même ce moment où l'Espagnole lui rentre presque dedans pour la pousser. La Vicomtesse tente de résister à la charge mais glisse dans la boue et chute, postérieur en piètre amortisseur. Elle n'a plus qu'un flanc de propre, déjà. Et elle la voit, sa femme qui refait des munitions.

-Noooon... Shawiiiiie... ! Pose ce... pose ça té ! dit-elle en même temps qu'elle recule, sans se relever -pas le temps. Tant pis pour son derrière, de toute façon il est déjà foutu. Hé bah super, me voilà mère ET père pardi ! Heureusement, il me ressemblera, hinhin... ! ... oups.

La boue vole, Samsa la voit bien, et lève un bras pour se protéger le visage. C'est ce moment que choisit un cochon pour passer devant elle, tranquille. PLAF ! GROUIIIIK ! Enchaînement de bruits qui rend les événements à la fois très clairs et totalement insolites. L'animal détalle et Cerbère abaisse doucement son bras : elle est propre ? Enfin, propre... Tout est relatif. Elle se regarde, regarde Shawie, comprend que ces animaux sont son salut et plonge derrière un porc qui, indifférent encore à tout, dort dans la boue. La paluche royale se saisit d'une pleine poignée de boue et Samsa se redresse pour viser sa femme, envoyant peut-être trop précipitamment sa munition vers celle encore à découvert.

-Tiens ! T'es encore trop propre pour une coupeuse de bois té !

Et peu importe, semble-t-il, les blessures qui saignent dans leur cœur et dans leur âme en ce moment. Comme deux enfants séparés par un mur construit par plus grands qu'elles, elles mettent le reste de côté pour, simplement, se retrouver, se rallier à un temps aimé et trop peu, peut-être, considéré. Dans leur douleur respective, elles trouvent en baume ce moment, parenthèse à tout ce qui se rappellera bien assez vite à elles.
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