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[RP] Conte à dormir debout

Jhoannes
Ceux qui ont eu une vie de merde et qui sont pas totalement abrutis ont vite appris à zigzaguer entre les bouses pour survivre. Leurs capacités se développent sur le tas pour appréhender les obstacles ; certaines personnes apprennent à se battre et à faire peur, d'autres à se fondre dans la masse, à esquiver ou à embrouiller les pistes. Le blond appartient plus nettement à la dernière catégorie, pas celle des requins, celle des poulpes ; ce n'est ni une fine lame et certainement pas un gars terrifiant, mais il est débrouillard pour inventer des histoires. C'est pas tant par goût du baratin, mais on fait ce qu'on peut avec les cartes qu'on a en main à la naissance pour garder sa couenne sauve. Et il avait pas un carré d'as. Au reste, c'est au propre porteur d'un savoir de décider comment il l'use et pourquoi ; c'est pas parce qu'on a t'a filé une épée de feu entre les mains que t'es obligé de cramer la chaumière avec. Toute médaille a un revers clair. Comme cette nuit, sur Limoges, songe le barbu en crachant une dernière taffe de lavande par le carreau. Revers clair. Les gosses chahutent encore un peu derrière mais c'est bientôt l'instant où il va raconter l'histoire la plus honnête au monde : un conte de fées.

Alors voilà, c'est la maison de la danoise qui est occupée pour la veillée, parce qu'elle est chaleureuse, et parce qu'il y a une chambre où on a pu entasser suffisamment de lits pour accueillir tout ce petit monde. Dans la pièce d'à côté, les autres adultes ont loisir de picoler pour ne pas se cogner le monologue tout en gardant un œil sur leur progéniture. Jhoannes glisse d'ailleurs les siens, d'yeux, sur sa fille, Hazel, occupée à jouer à il-ne-sait-pas-bien-quoi, arborant fièrement une tête d'ours sur son petit crâne. Ça fait quand même plusieurs semaines qu'elle porte ça. Depuis qu'ils lui ont planté sur la caboche en fait — son idée à lui, gros bravo — sauf que maintenant elle passe ses journées en dessous, que cette chose commence à renifler pas bon et que… ouais, faudra aborder le sujet lors du prochain comité parental. Y a pas urgence non plus, qu'il se dit, en avisant la bouille sous la fourrure. Au pire, ça pue, mais c'est pas dramatique, vu qu'elle sourit. Non ? Bon. Il toussote et dépose sa pipe sur le rebord côté jardin, on se retrouve tout à l'heure, avant de s'asseoir en tailleur dans le dos de l'enfant à tête d'ours et de tourner la tête vers la porte ouverte pour croiser le regard de son épouse. Oui, on a créé ça. Maintenant faut qu'on assume.

Gribouilles dans le dos de la gamine. Non je vais pas t'emmerder pendant que tu joues mais on s'est pas vus pendant une bonne quinzaine, donc toi t'es sans doute déjà passée à autre chose mais moi pas, alors tu permets.


- « Hé bouchon, tu veux bien faire peur aux autres enfants pour qu'ils se taisent ? C'est l'heure de l'histoire. »
_________________
En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Edenae
Les histoires c'est comme les chansons ou les poèmes. Un trafic ordonné, réfléchi et organisé de mots. Un agencement équilibré - en général - de phrases dans le but est de relater et non pas frelater, des faits, des aventures, des beautés ou des horreurs afin généralement d'émouvoir de faire plaisir ou d'offrir une belle leçon sous une forme vachement moins violente qu'un tête à tête entre quatre oreilles où une paire d'yeux fixant des pieds qui puent... ou ne puent pas, mais dans les deux cas c'est pas très sympatoche quand même. Donc l'heure de la dissertation touchant à sa fin, on en conclura que : les histoires c'était vachement beaucoup pluss mieux bien !

En bonne petite artiste qu'elle était, et vu le méandre émotionnel dans lequel elle baignait depuis la mort de son père, la gamine s'était fait une joie de cette soirée conte. D'autant - fallait-il encore l'avouer - qu'elle vouait une admiration toute adorable à la plume Jhoanienne, tant dans ses affiches, dans ses poésies, dans ses lettres, ou dans ses archives. Oui, oui même les archives ! Rien que le terme c'est vachement stylé nan ? ça mêle le côté scolaire et sérieux qu'elle aime tant aux histoires anciennes et donc à l'imagination. Oui bon, Edenaé est toute heureuse, et ça faisait quelques temps que ça n'était pas vraiment arrivé. On dit merci tonton Jhoanounet !

La joie débordante s'exprime d'ailleurs dans cette petite chambre, où prise d'un instant de folie enfantine, la vaillante et faiblarde chanteuse s'empare d'un coussin moelleux pour le balancer dans la tronche de sa grande soeur. S'en suit donc quelques échanges molletonnés dont évidemment elle sort perdante. Quelle idée de défier une combattante quand on est une peureuse faiblarde ? On se le demande toujours. Mais force est de constater que la gamine persévère dans ses tentatives d'assauts toujours foireuses. Un jour elle y arriv... arrêtera, peut-être.

C'est le cri d'ours affamé que pousse la fillette-amie-qui pue... mais de la tête pas des pieds - qui fait poussé un cri d'effroi à Eden, et la stoppe net dans ses vaines tentatives désespérées de s'échapper de la prise de lutte de sa grande soeur. Notre petite peureuse hypersensible qui manque totalement de contrôle, se calme donc, libérée par sa soeur. Une main sur la poitrine, elle tente de contrôler sa respiration qui s'est un poil emballée. L'effort physique de la bataille de polochon aidé par le petit coup de peur ridicule s'estompant lentement, à mesure que l'attention se refixe sur la trogne barbue.

Un sourire vient finalement s'installer sur le visage enfantin qui s'assoit face au conteur en tailleur, un coussin qu'elle sert fort dans ses bras - c'est pour dissimuler les émotions trop vives qu'elle pourrait ressentir pendant la narration en les enfouissant dans les plumes. ça amortit, les plumes. Eden est prête. Quoi qu'un petit doute, léger vient la saisir un bref instant, et de demander de sa petite voix fluette :


- ça va faire peur ?

Sans quitter des yeux le conteur - qui devra probablement s'habituer à être dévisagé pendant tout le temps de l'histoire - la môme décide de prendre une sécurité supplémentaire fait glisser ses fesses pour se rapprocher de sa grande soeur. C'est que dans l'esprit edenéen, Eloane est forte, courageuse, et incroyablement douée et puissante. Elle est donc l'incarnation parfaite du chevalier protecteur.

En tailleur, pyjama rose, coussin dans les bras qu'elle étreint, épaule et tête tout contre Eloane, un petit sourire d'impatience, de joie, et d'espérance flottant sur les lèvres, la gamine lance son fameux, son éternel clin d'oeil râté - c'est-à-dire qu'elle cligne des deux yeux en même temps mais de façon volontaire et très appuyé - pour signifier qu'elle est prête. Ce qu'elle ponctuera tout de même par un :


- Chuuut, ça commence ! ... On vous écoute !

Jhoannes
- « Grrww ! GRWW ! »
- « Hazel, tu fais peur aux autres... »
- « Mais tu m'as dit de faire peur ! »
- « Alors… Oui. »

Oui. En effet. Mais.

- « Mais... »
- « Ça va faire peur ? »
- « Il y aura un ours dans l'histoire ? »
- « Peut-être. »

Peut-être, la réponse deux-en-un qui peut dire à la fois, non, vous n'aurez aucun indice, ou bien : je n'en ai aucune idée et on va tous le découvrir ensemble. Blondin se positionne dans la seconde case. Son regard parcourt l'assemblée réduite, passe d'un minois à un autre minois, alors que le silence s'installe doucement dans la place. Non vraiment, il n'en a aucune d'idée, réalise-t-il, alors qu'il enferme sa fille dans une prison de bras paternels, fille qui a l'air de s'en battre religieusement puisqu'elle a déjà reporté son attention sur un petit cheval en bois. Il cale son menton au-dessus de la coiffe-tête-d'ours-qui-pue, pas grave, je me rincerai la barbe avant d'aller dormir à mon tour. D'en face, on dirait qu'ils forment un drôle de totem à trois visages.

Alors.
Par où qu'on commence.


- « Il était une fois... »

Bien ça.
Un marqueur fort.


- « … dans un pays très lointain, où le froid d'hiver gelait les oiseaux en train de picorer sur les branches, une petite fille qui s'appelait... »

Comment qu'elle s'appelait la petite fille ?

- « … Luciole. »

Pourquoi pas.

    - « … Luciole, ouais. C'était un pays où les gens se baptisaient de noms d'insectes. Et Luciole elle vivait dans une petite cabane, un peu en dehors du village, en bordure des bois, avec sa mère et son père. Sa mère, dame Libellule, elle était gentille et elle vendait des coussins brodés. Avant, elle avait été soldate, mais sa dernière guerre l'avait laissée avec une patte folle, alors elle s'était mise a point de croix pour arrondir leurs fins de mois. Son père, il s'appelait messire Lanneton. Luciole adorait son père. Chaque jour de la semaine, elle se réveillait au chant du coq pour aller le serrer dans ses bras avant qu'il ne parte le long du Sentier. Tous les habitants du coin connaissaient le Sentier, le Sentier c'était la longue route qu'empruntaient les travailleurs pour rejoindre les mines d'orichalque au matin, et rentrer chez eux le soir. Et leur besogne était tant louée que maudite. L'orichalque, c'était une denrée rare, qui se revendait au prix fort dans la région, et ce commerce préservait la communauté des temps de famine. Mais c'était aussi un travail dangereux. J'sais pas si vous êtes déjà descendus dans une mine, mais il peut se passer plein de choses affreuses là-dessous, des éboulements, des inondations, des rencontres avec des petits monstres, toutes sortes d'accidents dont on ne réchappe pas forcément. Tous les ans, le village payant le tribut de sa survie et perdait des âmes le long du Sentier. Luciole était consciente des risques que son père prenait. Elle avait quelques amis qui étaient devenus orphelins. Mais elle y songeait comme on songe souvent aux mal heurs tombés sur la tête des autres ; c'est-à-dire sans penser que ça lui arriverait, à elle. Sauf qu'un… »

- « C'EST QUOI L'ORIRALQUE ? »


- « L'orichalque ? C'est un métal j'crois, enfin non, j'en suis sûr, c'est tout doré, vraiment joli...

    ... sauf, qu'un matin, messire Lanneton s'éloigna sur le Sentier, et il n'en revint plus. Oh, dame Libellule et sa fille guettèrent longtemps son retour. Pendant presque une année. Les journées, elles scrutaient l'horizon malgré elles, dans l'espoir de voir apparaître sa silhouette. Les nuits, elles veillaient près de la fenêtre, à la lueur d'une chandelle. Sauf que les coussins brodés, déjà c'est fastidieux à faire, et puis ça rapporte pas des masses. Une fois toutes ses économies grillées, Dame Libellule ne gagnait plus assez de sous pour se nourrir, elle et Luciole, et acheter des bougies. Un soir de novembre, elle accepta finalement que le cercueil vide de messire Lanneton soit porté en terre, et se résigna, au printemps suivant, à prendre un nouveau mari. Et ce fut pas l'idée du siècle. Elle épousa un enculé. Enfin un vilain monsieur quoi. Messire Blatte, qu'il se nommait. Lui aussi, il travaillait dans la mine, mais ça aurait pas dérangé Luciole qu'il y disparaisse à son tour. Au début, Messire Blatte n'avait pas eu l'air d'un mauvais bougre. C'est souvent le cas avec les mauvaises âmes : elles cachent très bien leur jeu. Encore que la sienne n'était pas si noire par essence, d'âme, mais elle avait comme un vieux clou rouillé planté dans l'échine, qui l'avait gangrenée, un clou qui se nommait aussi : avoir le vin mauvais. Et lorsque Messire Blatte s'était remis à picoler, c'était pas la fête à la maison tous les soirs. Une nuit d'hiver, il s'est pris le chou avec dame Libellule, pour une histoire de sourires échangés avec le forgeron du village, et il a totalement déraillé. Luciole, qui s'était réfugiée dans sa chambre, a entendu des cris, et puis des bruits de vaisselle qu'on casse, et puis des coups, des bruits de pas, une porte qui claque, et puis plus rien.

    Un mauvais silence.

    L'angoisse au ventre, Luciole s'est faufilée à pas feutrés jusque dans la cuisine. Sa mère était étendue sur le carreau, la chevelure tachée de sang. Quand l'enfant la remua doucement par les épaules, elle parvint à peine à bouger les lèvres, juste de quoi lui murmurer d'aller se cacher, parce qu'elle entendait déjà les bottes de Messire Blatte qui s'enfonçaient dans la neige au-dehors. Luciole ne voulait pas abandonner sa mère, mais il finit par lui obéir, même si ça lui brisait le cœur… Hazel arrête de mettre la patte du cheval dans ta narine. Elle courut se cacher dans un placard. Messire Blatte s'engouffra dans la pièce et se mit à crier son nom. Elle sursauta. Il la cherchait. Par l'entrouverture de la petite porte, elle l'épia qui farfounait sous la nappe, puis s'éloigner en direction de sa chambre à grandes enjambées. Dès qu'il eut le dos tourné, elle se rua vers la porte pour s'enfuir dehors. Il faisait terriblement froid, et il faisait tellement noir qu'on y voyait comme dans les fesses d'une poule. Luciole aperçut la petite lanterne qui dansant dans le vent, pendue à une poutre de la remise. Derrière elle, la voix de Messire Blatte grondait de plus en plus près. Lorsqu'elle l'entendit qui la poursuivait, Luciole courut de toutes ses forces, pieds nus dans la neige, vers la petite lueur et poussa la porte de la remise. Quelques secondes plus tard, Messire Blatte entrerait à son tour. Paniquée, elle cherchait où se réfugier, quand son regard se posa sur un tonneau renversé... »

- « TONNEAU ! »

    - « ... oui, tonneau. C'était un vieux tonneau où son père faisait fermenter les récoltes de l'été, quand il était encore là, et qui était vide à présent. Elle se précipita à l'intérieur du tonneau alors Messire Blatte ouvrait la remise d'un grand coup de botte en hurlant, et recula pour se planquer au fond de la barrique. Et puis soudain, elle tomba en arrière, et perdit connaissance. »

- « OH ! »

    - « … et lorsqu'elle ouvrit les yeux, il faisait jour sur un grand ciel gris de nuages. Elle était allongée dans l'herbe verte, et elle avait un peu mal à l'arrière de la tête. Luciole s'asseya et regarda autour d'elle. Elle était au beau milieu d'une grande prairie, où broutaient des bêtes qu'elle n'avait jamais vues avant. On aurait dit que c'était des taureaux mélangés à des gros chats rayés. Le sol était tapissé de fleurs bariolées de rouge et de violet et il flottait une odeur de violette dans l'air. Luciole n'en croyait pas ses yeux et commença à se pincer le bras pour vérifier qu'elle ne rêvait pas, lorsqu'elle aperçut une petite silhouette qui se rapprochait d'elle en flottant. Elle se figea. C'était un monsieur minuscule, de la taille d'une main à peine, qui volait en faisant vibrer ses ailes transparentes dans l'air. Il était habillé comme tout le monde, sauf qu'il portait un grand chapeau à bord, qui plongeait dans l'ombre une paire de sourcils broussailleux. Un type pas si commun quoi. Le curieux bonhomme se mit à la hauteur du nez de Luciole, qui n'osait plus faire un geste, et tout à coup, il éclata de rire. Puis il lui dit :

    - Alors ça c'est drôle ! J'ai jamais vu une créature aussi moche que toi ! »


Oui, Blondin fait également les voix.
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En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
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