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Info:
Hecthor vole gentiment des outils à Andrea, une chasse au trésor est lancé, la surprise finale n'est pas forcément celle attendue.

[RP] Concurrence déloyale ?

Hecthor.
[Quelques jours plus tôt ]

    J'avais déposé un avis de vente au marché concernant la livraison de mon bois. Mon activité principale, quand je n'ai pas le coude cassé évidemment, consistait à abattre, cuber et fendre du bois. Simple, pour une fois que quelque chose l'est, il faut le souligner. J'abattais le matin, je mettais le tronc à nu puis débardai avec Ondo jusque sur le chemin. De là je sciais sur un mètre puis chargeais la charrette. Le trajet jusqu'à chez moi était court, ma maison se trouvant non loin de la lisière de la forêt, ainsi Ondo se fatiguait moins. Je déchargeais dans mon jardin et l'après midi venue, je fendais et empilais soigneusement sur un tas contre la façade nord de ma maison.

    Quelques coups frappaient sur le vantail de ma porte d'entrée. Je me levais en râlant car j'avais la sainte horreur qu'on interrompe mon repas. Une tranche de lard mastiquée et je fis face au petit homme qui me refila une adresse pour livrer...TOUT le bois que j'avais proposé au marché. C'était une bonne affaire pour sûr, le marché en manquait en ce moment et les prix s'étaient élevés. J'allais cependant devoir passer une bonne partie de l'après midi à faire des allers retours, je terminai mon repas sur le pouce et laissai la vaisselle pour plus tard.

    Après plusieurs minutes, la première charrette fut chargée. Par chance, j'avais fait renforcer les essieux par un forgeron qualifié, ce qui me permettait de la remplir plus que d'ordinaire. Je marchais à côté d'Ondo afin de le soulager d'un poids supplémentaire, longe à la main, billet de livraison avec l'adresse dans l'autre. Je fini par trouver aisément, les rues de Limoges étaient devenues bien familières depuis le temps. Un type m'aida à tout décharger et l'après midi touchait à sa fin après moultes voyages. Nous étions tous les deux rincés, les muscles endoloris et le dos en vrac. Nous nous accordâmes une cervoise bien méritée, perchés tous deux sur la charrette, les pieds dans le vide. Je fis plus ample connaissance avec ce brave homme et je découvris au fil de la discussion que ce n'était pas son atelier mais celui d'une connaissance en commun. Un sourire indélébile se figea sur mon visage lorsque une idée débile justement me vint à l'esprit.

    Je laissais l'ouvrier faire le tour de l'atelier pour couvrir le tas de bois, prétextant que j'allais chercher à boire pour Ondo mais à vrai dire, j'en profitais pour me faufiler à l'intérieur et faire main basse sur un rabot, une doloire, une bisaigüe une plane et une équerre. Je me pressais à fourguer tout ça dans la charrette. Quelques secondes plus tard, je faisais le tour de la bâtisse, saluais l'ouvrier et lui remis un ruban vert, un blanc, un bleu et un rose en lui assurant que la concernée comprendra. Je tournai les talons et montai sur le dos d'Ondo.

    Je n'avais pas l'intention d'affaiblir la concurrence, non, je voulais lancer un petit jeu avec la propriétaire des lieux.

    Arrivé chez moi, le matériel volé fut planqué dans mon coffre que je scellai à double tour. En main, le rabot. Je le tournai sous toutes les coutures et fini par souffler dessus pour chasser les derniers copeaux de bois. L'instant d'après, mes bottes foulèrent le sol sablonneux et me guidèrent ensuite entre les épis de blé. Plus loin, le champs de céréales laissa place à une terre meuble où des bovins broutaient paisiblement. L'enclos fut franchit et le parc traversé, jusqu'à l'étable semi ouverte. Après vérification je me hissai sur la poutre transversale et y plaçai le rabot.


[Trois jours plus tard]

    Sur ma table à manger, avec un bras valide en moins par rapport à la dernière fois, la plume fut trempée dans l'encrier et les mots alignés sur le papier.


Citation:

Andréa,

Je tiens à ce que tes jambes gardent leur galbe délicieux et pour ce faire, je me porte garant.
Tu vas un petit peu marcher et faire travailler tes méninges.
Je sais, cette dernière tâche est inhabituelle mais justement, bousculons la routine !
N'est ce pas ?
Ton rabot se trouve en hauteur, mais le panorama est quelque peu entaché par la descente de toit. Si tu ne te presses pas à le retrouver je crains qu'une odeur très forte l'accompagnera jusqu'à ton atelier.
Tu sais à quel point ton regard bovin m'émoustille ?

PS : à la fin du jeu, si tu retrouves tout tes outils, une récompense digne de ce nom t'attendra.


    Je n'avais pas encore idée de la récompense mais j'étais à peu près certain que son esprit fertile trouvera lui même la motivation pour accomplir cette quête et obtenir un mystérieux graal.
    Je ne signai pas, nul besoin, les rubans étaient ma signature, un simple retour à l'envoyeur. Je la remerciais à ma façon d'avoir pris soin de moi et je riais déjà de la voir pester, râler et m'attendais même à avoir une visite surprise à ce sujet.
    Tu sais très bien que tu n'obtiendras aucun indice de ma part, alors, jouons Déa !
Andrea_
    [Quelques jours plus tôt ]


J'avais acheté tout son bois. Tout. C'est à dire que le marché en ce moment ressemblait un peu à la bouche d'un octogénaire : vide, puant et super sec. -Bon appétit-, du coup quand je trouvais de quoi me mettre sous la dent, j'y allais franco.
Quatre écus et vingt deniers ça passait encore. Quatre soixante ça commençait à piquer un peu. Pour tout vous dire, la première commande que j'ai passée à ce prix, c'était simplement pour voir qui pouvait voler les gens à ce point. Je m'étais dit "ma petite Déa, regarde qui vend, et ridiculise le en place publique", évidemment j'aurais eu envie de lui faire manger ses dents en prime, MAIS...
Mais c'était Hecthor, du coup ça changeait la donne, je n'avais plus envie de lui casser les ratiches -du moins pas autant envie-, mais plutôt de le faire chier. Et comment tu peux faire chier un bûcheron?
En commandant du bois. Beaucoup de bois. Oh ça j'peux vous l'assurer, il serait riche en fin de journée, mais il allait en chier des ronds de chapeau toute la journée. Vingt deux stères qu'il a débité. J'avais passé quelques dizaines de minutes à le regarder s'affairer à sa tâche, parce qu'on ne va pas mentir, un bûcheron en plein travail c'est... C'est... Aaaaaah lala, c'est tellement.... Non, j'ai pas de mot. Un peu de sueur, quelques muscles bandés, une chemise un peu ouverte, de la puissance dans le geste et... Nan mais je suis sûre que rien qu'à l'imaginer vous êtes dans le même état que moi. C'est d'ailleurs pour ça que je ne m'étais pas attardée, j'avais vraiment besoin de mon bois, et avec ces conneries je risquais de vriller.

Travaille mon petit, et fais ça bien.



    [Trois jours plus tard]


- Alors Octave, on est à combien de charrettes ?
- Deux toujours.
- Oh merveilleux, deux en trois jours !
- Ah ça non Madame, c't'à dire que les deux ont déjà été vendues en début de semaine, là comme vous voyez j'suis à l'arrêt.
- Ah. Oui d'accord vous êtes à l'arrêt, vous avez des revendications? Encore une histoire de salaire que j'oublie de vous payer, de menaces un peu insistante sur la possibilité de vous mettre mon pied au cul si vous n'allez pas plus vite?
- Non... Non, ça ça va encore.
- Merveilleux, alors dites !
- Bin on s'est fait livrer du bois, y a trois jours.
- Hm... Là tout de suite ça me semble plutôt primordial, c't'à dire que vous êtes charpentier et que donc, peut être, éventuellement, le bois serait... important, non?
- Oui mais sans outils, j'peux pas faire grand chose Madame.
- C'est à dire que jusqu'à maintenant vous fermiez les yeux et la charrette se montait toute seule? Vous attaquiez les bûches avec les dents, les ongles ou le bout de votre
- NON ! Non, on avait un rabot, on avait une bisaigüe, on avait une plane, une doloire, une équerre, ce genre de choses.
- Hm. Autant vous dire que tout ça était très abstrait. Je gère la boutique moi, je ne m'y suis jamais vraiment intéressée, je prenais quand même un air vraiment embêtée, sourcils froncés, index tapotant mon menton, un bon air de "oulalaaaa mince, mais comment qu'on va faire? On est mal on est mal on est mal !" Alors que dans ma tête c'était plutôt "Mais qu'est ce que j'en ai à foutre?
- Oui, je comprends bien votre embêtement...

Qu'on soit bien d'accord, la seule chose qui m'ennuyait c'est que ce couillon d'Octave n'avait pas eu l'idée de me prévenir avant et que je venais de payer quelqu'un pour rien pendant TROIS putains de jours. J'allais justement lui dire -je prenais de l'élan- quand on m'apporta un courrier, j'eu même pas le temps de le déplier qu'Octave eu un sursaut de lucidité

-Ah mais moi aussi j'ai quelque chose pour vous!
- Ah? Des excuses? Cent écus en pièces de un? Un soin au lait d'ânesse? Une mine de.
- Non, des rubans!
- Bordel Octave, qu'est ce que j'en ai à battre de
- Des rubans !

Et ce couillon qui soulevait les rubans. Pas DES rubans, LES rubans. J'avais pas fait Saint Cyr mais je comprenais rapidement le lien -lien, ruban, tout ça-. J'esquissais un sourire en coin et fourrais les rubans dans ma poche avant d'ouvrir le courrier

- Et du coup, qu'est ce que je fais?
- Bah prenez des congés, vous avez l'air fatigué, t'façon vu l'état du marché on trouvera pas vos outils avant un moment. Vous s'rez payé moitié prix par contre.
- J's'rai... payé?
- Oui, moitié prix
- Mais.. payé, vraiment?
- Oui non vous avez raison. J'viendrais vous chercher quand j'aurai de nouveau le... Comment vous avez dit là? Le nom de.. vos outils.
- Rabot. Bisaigüe. Plane. Doloire. Equerre. L'équerre c't'un truc un peu..
- Nan mais je sais. Crétin.

L'équerre, c'est le seul truc dont j'imaginais à peu près l'allure. Je terminais la lecture de ma lettre avec un étrange sourire au bec, Hecthor voulait jouer, et même si là tout de suite, j'avais une furieuse envie d'aller le trouver pour lui rappeler que le jeu, c'est MOI qui le décide, je réprimais cette envie pour retrouver mon rabot.
Ma vie pour un rabot.
Non je déconne, mais quand même.

Premier arrêt : L'université. Je sais ce que vous vous dites " mais qu'est ce qu'elle va fiche à l'université alors qu'elle doit trouver son rabot?" et vous avez raison. Mais autant je n'aurais aucun mal à trouver des bovins -c'est bien de ça qu'on parle- autant un rabot... Pour te donner une idée, trouver une aiguille dans une botte de foin ça serait plus simple, parce que je SAIS à quoi ressemble une aiguille, tu piges?
Rabot donc. Ah. Franchement ça a l'air sympa. Limite on pourrait s'en servir en cuisine, j'suis sûre que pour les gratins dauphinois ça doit être pratique. Faudrait que j'en parle à Charlo... Oh. Pardon, j'me suis perdue. Donc, rabot.

Deuxième arrêt : Ferme de Blanchard.

-Mais Madame Alzo, qu'est ce que... vous faites Diantre René viens voir y a Madame Alzo dans l'étable!
- Faites comme si je n'étais pas là, je cherche un truc.
- Mais! Votre robe?
- Collection Automne hiver Paris-Milan, un petit bijou, velours torsadé, teinture grenat et... Vous n'avez pas les moyens, laissez tomber.
- Non mais y a de ... la... Bouse.
RRRRRHAAAAAAAAAAAA HECTHOOOOOOOOOOOR

J'ai eu envie de le tuer. J'ai eu envie de le tuer chez les Blanchard, chez les Delaroche, chez les Dubois, les Duport et même chez les Delagrange. J'ai eu envie de le tuer, de l'éventrer, de le noyer, de le pendre, et aussi de l'égorger. J'ai eu envie de lui arracher les mains, les ongles, les dents et même les yeux. Et j'ai même pensé lui arracher le service trois pièces avec les dents, SES dents.
J'ai fait une dizaine de fermes, et je me suis demandée comment on pouvait manquer de viandes avec autant d'éleveurs. et puis soudain.


- Madame ?
- Je vous préviens tout de suite, je suis pas d'humeur. JE SAIS que j'ai du foin dans les cheveux. De la bouse sur la robe. Je SAIS que je ne devrais pas être là, que j'ai fait peur à vos gosses. Non j'ai pas soif, non j'ai pas faim, non j'ai pas besoin d'argent, NAon !
- Non c'est juste que...
- Que QUOI ?
- J'ai trouvé un rabot ce matin, il a du tomber de la poutre et...
- Ah. Hm. Merci René, Déos vous le rendra si j'y pense plus.

J'avais tenté de ne pas lui arracher le rabot des mains et j'avais pris la route pour rejoindre la maison d'Hecthor. J'aurais dû réfléchir d'ailleurs, il suffisait de couper à travers les blés et faire quelques pas dans le sable pour le trouver. Ce con avait pris la ferme la plus proche.

J'ai pris le temps de tirer un ruban, grenat, assorti à ma robe -ma robe avant cette virée-, je gravais un double A sur l'outil, écrivais un petit mot et balançais le tout à travers le carreau de sa fenêtre.


Citation:
Que cette odeur te rappelle ton affront.
La récompense a intérêt d'être à la hauteur de ce dernier.
Je ne perds jamais.
Jamais.


M'enfin là je vais prendre un bain.
'foiré va!

_________________
Hecthor.
    Mon humeur était au beau fixe. Mon bassin épousait les roulis du dos d'Ondo. Ce dernier arborait fièrement les nouveaux fers que le maréchal ferrant venait de lui poser. Mon esprit vagabonda à la peinture que je me faisais de la scène suivante “ La furie et le rabot “. Elle devait être magistralement agacée à l’heure qu’il était.
    Je saluai d’un signe de tête les visages connus des manants de Limoges lorsque je m’écriai en direction du poissonnier :


    - Regarde moi ça Bernard, une greluche qui a du se vautrer dans la boue
    - Vrai qu’sa belle robe tire la gueule, elle aussi d’ailleurs
    - Je crois qu’on va devoir s'écarter, elle a l’air furibarde la…

    Ma mauvaise langue finit de claquer des insanités et pour cause, je reconnus ma chère participante. Un sourire intarissable en guise d’accueil et je la saluais en vantant sa beauté. Je ne manquais pas de piquer là où ça faisait mal et n’avais de cesse d’augmenter sa colère en la provoquant. Elle ne fit pas étal de sa discrétion légendaire et m’invectivait sans se soucier des regards posés sur nous.
    Je descendis alors d’Ondo pour lui faire face et elle profita de mon handicap (que c’est moche !) pour me foutre dans une situation inconfortable, chemise sur le crâne. Quelques rires du peuple et contorsions plus tard, j’intensifiai la provocation en allant sur un terrain bien glissant, glissant comme la substance visqueuse et odorante qu’elle m’étala tendrement sur la joue. Je rétorquai en perdant mon sang-froid tour en jouant sur le chaud. Technique payante étant donné l’invitation qui suivit. Invitation que je lui refusai en attisant la convoitise de sa récompense.

    Je grimpai rapidement sur le dos d’Ondo et après un dernier regard dans sa direction, je plantai mes talons dans les flancs de la bête. Sur le chemin, je me questionnais sur ses dernières paroles “Je t’offre le rabot, au fait”. J’avais senti une pointe de malice et j’allai découvrir pourquoi. J’eus beaucoup de mal à descendre en température mais notre arrivée, à Ondo et à moi, devant mon carreau brisé réussi à jeter un seau d’eau froide sur l’incendie.


    - Enfoirée !

    Je dus tout de même rire car j’en attendais pas moins. Cependant, j’allais devoir rapidement trouver un artisan capable de me réparer ça rapidement. Nous étions en automne et j’envisageais mal de dormir avec un carreau ouvert. Je tournais le rabot dans ma main et vis sa gravure qui m’infligea une pointe de douceur. Motivé pour la suite des évènements, je m’emparais de l’équerre en me disant que je trouverai bien un endroit pour la planquer en cherchant un artisan.

    Quelques minutes plus tard, équerre en main menaçant de la pointe l’artisan et sur un ton belliqueux :


    - Ne te fous pas de moi, je te vois glander toute la journée !
    - J’ai un tas d’client m’sieur je n’arrive plus à suivre.
    - Ne me mens pas, je passe souvent par ici en allant au marché et je n’y vois que ta tronche en train de buller sur ton fauteuil
    - Vous m’offensez ! et puis de toute manière nous sommes en pénurie
    - Pénurie de quoi ? de motivation ouais ! t’as tout ce qui te faut ici
    - On doit honorer une grosse commande, j’ai pas le temps j’te dis !

    Foutue mondialisation et commerce équitable de mes burnes ouais.
    Je n’allais tout de même pas choper la mort cette nuit à cause d’un courant d’air. merde ! Et puis, en passant devant un établissement, un doux souvenir me revint.

    Je poussais le vantail en pénétrant dans la pièce principale, un tour d’horizon, personne. Une jeune femme nettoyait le comptoir et je lui fis quelques ronds de jambe pour lui faire comprendre que la propriétaire m’a dit de laisser son équerre dans la réserve.
    Dans le caveau, j’écrasai l’équerre sur un tas d'œufs. CRAC . Ils vont être beaux les coquillards !

    Je gratifiais la donzelle d’un ravissant sourire en ne me privant pas de lorgner sur ses hanches, c’est que l’exercice de toute à l’heure m’avait quelque peu échauffé. Je lui demandai un service, juste un petit quelque chose pour écrire. Je me posais à une table et rédigeai le mot suivant


Citation:
A
Te souviens- tu de notre toute première rencontre ?
Mandoline en main, fleur à la bouche ?
C’est certainement à cet endroit que tout à commencé et aujourd’hui,
Je tenais à faire honneur à la spécialité maison de ton auberge.
Tu pourras te faire un soin pour les cheveux avec, il parait que ça les fortifie.

Je t’embrasse
H.


    Profitant de l’absence en cuisine de la jeunette, je me hâtai en haut des escaliers et glissai le mot sous la porte. A l’heure qu’il est, elle devait prendre son bain, espérons que c’est le cas car il vaudrait mieux que je sois loin lorsqu’elle découvrira son outil.
    Je laissai quelques pièces près du matériel à écrire et un petit mot pour le personnel

Citation:
Le virage de vos hanches,
La douceur de votre visage,
L'éclat de vos yeux vont hanter mes nuits
Hector


    Et de filer comme un voleur dans les rues.
Andrea_
    [En quittant Hecthor, pleine de bouse.]


- Pardonnez Madame Alzo, mais je vous prie de... C'est vraiment de la bouse?
- Quand ça a l'odeur de la merde, la couleur de la merde et la consistance de la merde, y a de forte chance que ça soit de la merde.Chplaf la bourse conséquente posée sur la table.
- Que puis-je...Oh... Tout ce que vous voudrez.
- Redites le juste pour voir?
- Tout ce que vous voudrez.
- Hm... Encore?
- Tout ce que vous voudrez.
- Ouh... Encore !
- Tout. Ce que. Vous. Voudrez.
- Une petite dernière
- C'est à dire que j'ai un peu de travail, comme vous savez je suis le seul artisan de cette spécialité et...
- Hm. Oui pardon. Donc, justement. Quelqu'un va venir. Blond. Une petite queue de cheval sur le haut, les bras musclés, les yeux d'un bleu profond, mais pas le bleu bleu vous voyez, ni le bleu nuit, ni le... prusse, voilà, le bleu prusse. Plein de malice.
- Et quelque chose qui puisse me permettre de ne pas me tromper?
- Il a une cicatrice près du nombril et un tatouage sur l'épaule, je ne suis pas sûre mais je dirais que c'est un crabe. Mort. Depuis longtemps. Qu'on aurait écrasé sans faire exprès. C'est très étrange d'ailleurs, m'enfin c'est pas la question.
- Non mais... J'entends bien, mais y aurait-il un détail qui pourrait me permettre de vraiment ne pas me tromper?
- Il a une paire de fesses... Je pourrais vous faire un dessin, mais s'il change de braies ça donnera pas pareil
- Madame?
-Ouiii?
- VRAIMENT pas me tromper.
- Ah. Il a ... le bras en écharpe.
- Ah, Hecthor? Le bûcheron?
- HEu....oui. Bien, s'il vient, vous n'avez pas de temps. Genre pas un pet de temps libre. Vous croulez sous les commandes. Des commandes des commandes des commandes.
-D'accord mais c'est faux.
- Oui je sais bien mais vous me l'avez sortie cette excuse et j'y ai possiblement cru. Et puis y a la pénurie
- Ah non, j'ai aucune plaie aux ongles, mois les pénuries j'aime pas ça!
Je me pinçais l'arrête du nez. Ce mec était capable de faire des vitraux à tomber tout en étant bête à bouffer du fion, le genre humain m'étonnera toujours. Je n'avais pas le temps pour un cours d'orthographe, je devais prendre un bain. Et vite, sinon cette odeur allait devenir la mienne.
- Non mais j'ai compris, s'il demande quelque chose, j'peux point!
Et puis parfois ce mec m'étonnait, traversé par un éclair de lucidité. Ou un léger besoin d'argent. C'est dingue, on peut vraiment TOUT acheter avec de l'oseille, tout, et même les prochaines nuits d'Hecthor avec le cul au frais. Karma.



    [Taverne "Aux œufs Coquillards", Chambre de la proprio, dans le baquet.]


Je sais que j'ai une maison, une grande, magnifique, belle et très bien habitée. Mais s'il y avait bien une chose que je refusais c'était de me présenter comme une souillon devant Archibalde. J'avais un certain standing à tenir, une certaine étincelle à entretenir -Enfin pour l'heure c'était plus un incendie dans un champ de blé, ça crâmait, ça crâmait, ça ravageait tout et y avait pas besoin d'entretenir- et il était hors de question qu'il me renifle et garde cette image en tête.

- Un jouuuur mon Prince viendraaa, un jour, il me diraaaaa que t'es bellllleeeeeeeeeeeuh, épousee moiiiiiii, mon amour, du mooooooonde entieeeer

Oui, je suis dans mon bain et je chante, ça pose un problème? Mon répertoire dérange peut être? Est-ce que je n'ai pas le droit, moi aussi d'être rafinée parfois?

- Ah putain...

Parfois j'ai dit. C'est que ça fait déjà une demie heure que je me racle la peau avec une éponge en poils d'hérisson et l'odeur est là. Elle résiste. Elle prouve qu'elle existe. Les cheveux ça allait, mais la... Oups, pardon, au temps pour moi, j'avais juste pas bien frotté sous les ongles. Là... Là, tout est parfait.
J'étais sortie en me demandant combien de temps Hecthor mettrait à venir déposer les outils manquants. Pour moi c'était clair il avait compris la leçon et cesserait son jeu. Oui, je sais, je suis naïve parfois. Une nouvelle robe, un peu de parfum derrière les oreilles et aux poignets, des bottes propres, une longue tresse qui descend sur l'épaule, une main sur le collier de perles et un sourire pour celui qui lui avait offert et j'étais prête à aller... J'en sais rien, mais j'étais prête. Un dernier -centième- regard à moi même et voilà que j'ouvrais la porte.
Rapidement déplié je le roulais en boule et serrais les poings. Putain. De. Merde. Je résistais à l'envie de beugler un énième "HECTHOOOOOOOOR", mais les gens allaient finir par me penser folle et je ne suis pas sûre que mon "tendre" époux apprécie la blague.
Je descendais rapidement à la réserve et restais un moment devant la porte. La main sur la poignée, le temps de prendre une profonde inspiration. Je sais ce que je vais y trouver, vraiment je sais. Je sais que ma taverne s'appelle les Oeufs coquillards et je pense ne pas me tromper en disant que tout de suite on sait qu'on n'y sert pas des sangliers à la broche hein. Sauf qu'un sanglier ça aurait été plus difficile à abîmer. Pour tout vous dire c'est à ça que je pense en cet instant : ouvrir une taverne qu'on appellerait "le sanglier chaleureux" et y laisser l'animal en liberté en priant pour qu'il fonce sur Hecthor et lui plante une grosse dent dans les roubignoles. Oh oui.

Je restais bizarrement stoïque en regardant le désastre. Là, des dizaines de petits oeufs innocents, tués -dans l'œuf, ahah-. Des omelettes qu'on ne vendra pas, des sous qui ne rentreront pas, des taxes qu'on ne..oui non, on ne les paye jamais les taxes. Enfin bref, un manque à gagner. *soupir*. A cause d'Hecthor *soupir*. Encore *soupir*. Je ne sais pas pourquoi je dis encore parce que c'est la première fois mais ça me semblait pas mal. *soupir*. Ah si c'est vrai, y a le fait qu'il vende son bois bien trop cher.*soupir.*
Je tendais le bras pour sortir l'équerre de l'omelette crue et remontais les marches en la tenant du bout des doigts. Oui ça gouttait partout. Et non, j'en n'avais rien à foutre. Il m'exaspérait, et voulait me voir gueuler, ça ne prendrait pas. Je tendais finalement l'équerre à la jeunette pour qu'elle la nettoie. Je viens de prendre un bain, j'allais pas ENCORE me salir.
Et je soupirais. Longtemps. Plusieurs fois. histoire que le monde entier sache combien j'étais lasse. Lasse, mais que je ne répondrais pas, je ne m'abaisserai PAS à répondre.


- Qu'est-ce?
- Oh...
Oh ouais. Oh punaise elle rougit.
- Un admirateur secret, Ludmi je ne savais pas !
- Je viens de le rencontrer! Ce fût un coup de foudre immédiat
- Oh c'est merveilleux, vous verrez l'Amour est un sentiment puissant ! Attendez avant de faire un gosse cependant, j'ai besoin de vous.
- Enfin Madame, je ne connais même pas son nom !
- Mais on s'en fiche, c'est quoi un nom hein? Une étiquette ! Il a bien du signer
- Oh oui !
- AAAAAaaah!
- Hector.

Tu savais qu'on pouvait s'étouffer avec sa salive? Qu'on pouvait tousser à en avoir les yeux qui pleurent ET en même temps arracher un mot des mains de ton employée? Bah maintenant tu sais.
Quelques secondes -minutes, mais je peux pas l'avouer, fierté oblige-, j'enchainais le plus naturellement du monde.


- Ah oui non mais Hecthor. Ahah. AHAH!
- Mais.. Mais il est charmant !
- Mais oui il est charmant, m'enfin ce sont les pires! Regardez le, un bagarreur, toujours un pet de travers, hier c'était la tête, aujourd'hui c'est l'épaule et demain ça sera quoi hein? Nan Ludmi, vraiment...
- Oh mais quand m.... Mais vous allez où?

Où j'allais?
A la réserve. Quatre par quatre que je descendais les marches. Je cherchais mon petit pot -tu verras c'est sympathique ce truc- et prenais la route pour la maison d'Hecthor.
Il n'est pas chez lui à cet instant, je le sais, il a du bois à livrer, ENCORE, parce que j'ai acheté dix huit stères, à quatre écus et soixante deniers, ENCORE -voleur-, mais faut pas me chercher.
Je trouvais rapidement mes marques dans sa petite maison et m'en donnais à coeur joie. Je pris un malin plaisir à balancer une hache -un bûcheron sans hache toussa- dans son coffre avant de revenir en cuisine. S'il me pensait incapable de cuisiner des oeufs il avait raison, je laissais donc dans un grand saladier quelques oeufs cassés -sans les coquilles- avec un soupçon de mon petit pot. On dirait des herbes de provence, ou du basilique séché, mais c'est un fait un puissant laxatif, l'effet ne dure pas mais cloue sur place juste le temps de te mettre l'anus en chouf' -chou fleur-. A côté du saladier, l'équerre, propre, et un petit mot parfumé à l'eau de rose.


Citation:
Un pas de plus vers ma récompense,
Je te l'ai dit, je ne perds jamais,
Bon appétit,
D.


Et pour ne pas que ça fasse trop gentil, j'écrasais un oeuf dans son plumard avant de recouvrir d'une peau, et, puisqu'il m'en restait cinq, j'attendais d'être à l'extérieur de la maison pour canarder la façade.
Là.
AAAAaaah, ça soulage!

_________________
Hecthor.
    Aussitôt l'auberge délaissée, un grouillot s'empressa de me trouver en agitant un mot à bout de bras.

- Calme toi petit, qu'y a t'il ?
- Ordre de commande m'sieur.

    Je lui tendais une pièce, non deux car j'étais généreux. J'avais fait des profits sur le marché grâce à quelques pigeons, je pris donc connaissance de l'ordre de commande. Tiens, en parlant de pigeon, voici ma pigeonne préférée.
    Ni une ni deux, je retournai chez moi. La première chose était de se passer un coup d'eau sur le visage pour enlever tous les stigmates qui restaient de l'abominable attaque crottée sur ma joue.
    J'allais avoir du travail, et même deux fois plus car j'ai deux fois moins de bras, le calcul est simple et j'ai toujours été bon en maths. Alors je chargeais à une main les morceaux coupés sur trente trois centimètres dans la charrette. C'était long, c'était laborieux et mon dos commençait à me faire souffrir, réminiscence de la chute avec Alice. Quand je pense qu'on a fumé le calumet de la paix l'autre jour, la vie est parfois faite de surprise...

    Ondo s'arrêta devant l'atelier, je sautai à terre et saluai l'ouvrier. Je ne sais pas s'il était au courant de mes "emprunts" mais s'il l'était, il ne fit aucune remarque. Elle a trouvé un bon type, pas un mot sur ce qui ne le regardait pas. Nous déchargeâmes le bois en le lançant dans la cour, il m'assurait qu'il l'empilerait lui même le temps que je cherche la seconde charrette. C'était une bonne idée pour rentabiliser le temps qu'il nous restait. En effet, en cette saison, les journées s'amenuisaient et je ne pense pas être en capacité de livrer tous les stères avant la nuit tombée.

    Je laissais boire Ondo le temps que moi aussi je fasse un petit tour à l'intérieur pour me désaltérer. Stupeur ! à coté de ma cruche d'eau, un saladier. Je n'ai pas la phobie des saladiers non... Je braquai un regard circonspect sur le mélange jaunâtre, des oeufs, et comme par hasard je venais d'en broyer.
    Dans l'humeur actuelle je me méfiais de tout venant d'elle, rappelons qu'elle m'a pété un carreau ! d'ailleurs il fallait que je trouve une solution à ce problème avant la fin de journée...mais j'avais encore des stères à livrer...impasse ! Revenons à nous oeufs, de UN elle ne sait pas cuisiner, elle m'a déconseillé elle même d'éviter tout ce qui était préparé par ses soins, de DEUX je la voyais mal rester sans rien faire après mon affront, elle aime trop la vengeance, de TROIS...une hache ? qu'est ce que fout cette hache plantée dans le coffre ? A t'elle essayé de l'ouvrir pour récupérer ses outils ? gare à la tricherie !
    Après vérification, tout était encore en place, j'en profitais d'ailleurs pour sortir la plane. Je fis tourner la hache en le détaillant d'un oeil expert. Elle était mal balancée, la lame était émoussée et elle commençait à se desceller du manche. Tu m'as habitué à mieux avec "reste en vie".

    Je mis quelques buches dans ma cheminée et posai une poêle sur un râtelier de cuisson. La substance du saladier fut vite cuite. Je laissai la poêle quelques mètres plus loin au bord du chemin. Espérons que la cuisine d'Andréa plaise au moins aux cabots du quartier. En revenant vers ma maison, que vis-je ! une nouvelle peinture ! bien jaune, bien dégoulinante, bien collante ! je râlais copieusement et fit quelques aller retours au puits pour tenter d'effacer la scène de crime à coup de seau d'eau. Là c'était sûr, j'étais pas prêt de livrer toute la commande en une journée.

    Lorsque j'apparus à nouveau devant l'ouvrier, ce dernier avait eu évidemment le temps de tout empiler. Il ne me fit encore aucune remarque là où moi je n'aurais pas manqué de jouer de grivoiserie.
    Nous aurons tout juste le temps de faire un troisième chargement pour aujourd'hui, sauf si je venais encore à découvrir une infâmie. Par précaution et début de paranoïa surement, je vérifiais que rien n'avait changé de place chez moi. Le carreau brisé, la fente dans le couvercle/porte du coffre. Tout semblait en place, sauf qu'une drôle d'odeur vint chatouiller mes narines. C'était dérangeant et ça piquait les naseaux. Je passais le rideau de séparation des deux pièces et reniflais l'odeur comme un limier. Je m'approchais du baquet, furetais dans l'armoire, soulevai le tapis et enfin la peau sur mon lit. Une vague de dégoût me submergea. Je tins l'extrémité de la peau entre le pouce et l'index et m'empressai de la foutre dehors, j'en fis de même avec les draps. Désormais c'était clair, je ne dormirai pas chez moi ce soir.

    Un dernier chargement pour l'atelier et la nuit se mit à chasser le jour. L'air s'était rafraichi et le vent levé. Je laissai Ondo attelé car j'avais en tête une dernière livraison. Je remarquai le glapissement des chiens dans la rue et me di que la cuisine de Déa devait vraiment être à "chier", pauvre bêtes. L'expression malade comme un chien prenait tout son sens.
    Mon atelier jouxtait la stalle d'Ondo. Il était plus petit que celui d'Andréa mais tout de même fonctionnel. J'avais fini il y a peu de temps un baquet "spécial" et comptais le charger sur la charrette...problème, le transport et mon maudit "non bras".
    La luminosité faiblissait rapidement, c'est pourquoi je traversai à la hâte le champs de blé pour retrouver mon voisin, vous savez celui qui a les vaches. Il accepta de me filer un coup de main et le baquet fut embarqué et livré, toujours avec son aide, aux oeufs coquillards. Nous avons quelque peu galéré...beaucoup certes, à le faire passer par la porte mais désormais, il était posé en PLEIN MILIEU de la pièce principale. Ondo fut désattelé et la charrette garée derrière l'auberge.

    Me vint alors une idée, cocasse et qui je le savais, ne manquerait pas de plaire à la joueuse. Je saluai Georges et le remerciai du service. Nous fonctionnons comme ça, un coup de main en vaut un autre. Mon attention se portai désormais sur la jeune derrière le comptoir qui s'efforçait à astiquer une chope avec vigueur et obstination. Je tairai la remarque sur son coup de poignet.

- Je pense qu'elle est propre la non ?
- Euh...oui m'sieur...
- Dis moi il te plait ce baquet ?
Mes paroles eurent l'effet escompté car les joues s'empourpraient. Elle se contenta de hocher la tête.
- Il me faudrait une chambre aussi.
- Quoi, ici ?!
- C'est une auberge ici, non ?
- Euh...oui, bien sûr ! je me presse de vous trouver une clé.
Ce qu'elle fit un brin maladroitement, la clé tomba au sol à deux reprises.
- Merci...
- Ludmilla.
- Ludmilla, je suis donc à la chambre 2.
Mon regard appuyé et fort de sous-entendus finirent par achever l'émoi de la jeune femme.

    Je disparu donc dans ma nouvelle chambre et pris le temps d'écrire un petit mot que je vins déposer dans le baquet hyper voyant de la salle principale. La baignoire avait une forme ovale, évasée au niveau de son centre pour offrir plus de place aux jambes qui en encadreraient d'autres. Le bois est arrondi de manière convexe au niveau de la tête pour un confort amélioré. Des reliures dorés parcheminent le revêtement extérieur et une calligraphie "A.A" est visible sur la paroi intérieure. Des linges rouges cotonneux sont reposés sur les bords pour rehausser la teinte du bois et lui donner un côté "passion". Une planche rabattable est aussi disponible si d'aventure on voudrait y déposer quelques boissons ou encas. De plus, petite touche du chef, j'ai laissé une fiole au parfum de rose à l'intérieur. Le mot est laissé au fond de la cuve :


Citation:
A.

En attendant d'honorer un jour ta proposition,
Voici une réplique de celui qu'il y a chez moi
J'espère qu'il te plaira
Pour la plane, les choses sont parfois plus proches que ce que l'on croit.

H.


    Et pour cause, l'heure était avancée et je n'avais plus le coeur à parcourir la ville pour cacher l'outil. La journée fut haute en couleur et éreintante. J'avais trouvé la solution à mon carreau pété et à ma couche salie, du moins pour cette nuit.
    Lorsque je réapparu dans ma chambre, je manquai de renverser Ludmi avec ses seaux à la main. Elle resta un moment figée, la bouche ourlée , elle venait tout juste de finir de préparer le bain que je lui avais demandé. Je lui lançais un dernier regard langoureux avant qu'elle ne prenne les jambes à son cou et retourne dans la pièce principale du bas. De longues minutes passèrent et je jouissais d'un exquis moment de relâchement. Mes yeux se portaient sur le lit et pour cause, j'y avais dissimulé la plane(c'est pas une station de ski) entre le sommier et le matelas.
Andrea_
J'avais passé le reste de la journée au domaine Alzo. Les enfants étaient en pleine santé selon les organisateurs, révoltés selon la police, avec un ressenti de douze pour une réalité de quatre. C'est dans ces moments là que je remerciais le ciel d'avoir une nourrice. J'avais donc passé l'après midi à passer d'une chambre à l'autre, tantôt pour séparer les garçons, tantôt pour m'assurer que Siegfried ne manquait de rien. Son état semblait s'améliorer et il pouvait désormais se tenir assis au bord du lit. C'était bon de le voir ainsi.

Le soir venu et alors qu'Archibalde et ses lunettes en demi-lunes étaient encore penché sur un dossier important, j'avais fait sceller mon cheval pour rejoindre la ville. Ludmilla travaillait ici depuis quelques jours et je ne voulais pas qu'elle fasse de conneries, un bon patron est un patron qui parfois met le nez dans ses affaires. La lourde fût poussée comme on le fait lorsqu'on a eu une dure journée et qu'on attend avec impatience de se poser au coin du feu en regardant d'autres travailler pour nous.
Sauf qu'il y avait un couac.
Ou plutôt un baquet. Gigantesque. Ovale, posé là, en plein milieu d'une taverne. Si je ne savais pas qu'ils étaient la spécialité d'Hecthor, j'aurais pu imaginer m'être trompée d'endroit mais... Bin je savais qu'Hecthor fabriquait ces baquets, j'en avais vu un de près en allant lui rendre visite.
J'avais souri, de ces sourires que l'on esquisse lorsqu'on reçoit un cadeau. Quand on oublie qu'il faudra à un moment porter ce truc aussi lourd qu'un âne mort pour le mettre ailleurs, parce que bien sûr il ne restera pas au milieu d'une taverne -ça fait désordre même pendant une soirée mousse-. La main avait caressé le bois et son essence, déplié et replié la planche en penchant la tête. La vérité, c'est que s'il n'y avait pas eu Ludmilla dans les parages à cet instant, je me serais calée dans le baquet pour m'assurer de son confort. J'avais pris la fiole de parfum, l'avais humé, et j'avais de nouveau souri, un petit sourire parce qu'il marquait un point. Décidément les hommes en ce moment mettaient un point d'honneur à me gâter.
J'en venais presque à regretter d'avoir voulu lui filer la courante! Presque j'ai dit, quand même, j'avais senti la bouse pendant un moment et c'est le genre de trucs qui me rend rancunière.
Je sortais mes rêveries rapidement cependant, Ludmilla descendait les marches avec des seaux vides et ne semblait pas surprise par la présence du baquet -truc qu'on ne pouvait pas louper-.


- Hecthor est passé. Petit sondage rapide, elle rougit, merde.
- Oui. Oui oui. Oui, enfin je veux dire oui, c'est lui qui a amené ça ici avec Georges. Et puis il est parti.
- Oh. Je comprends il a eu une dure journée. Autre chose?
- Est-ce... Pourrais-je... Avez-vous autre chose à me faire faire avant que je pose le tablier, il est tard et j'aimerais...
- Oui bien sûr, vous pouvez monter vous coucher, je fermerai.
- Merci, à demain.
- Une dernière chose Ludmi, Georges a t-il dit à quelle heure il quitterait la chambre demain?
- Mais... C'est à dire que... Ce n'est pas Georges qui...Et... C'est à dire que...
C'est à dire que la saligote comptait le rejoindre dans sa piaule. Quelle enflure. Quel enflure! Quels enflures! T'as déjà retourné ta veste? Attends j'te montre!
- Oh Ludmilla... Quelle idiote, je viens seulement d'y penser... Oh mince, ça m'ennuie tellement de vous demander ça.. Parce que vous venez juste de prendre le poste et vous n'oserez pas refuser... Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'abuse déjà de vous, non vraiment... La main sur le coeur Déa, allezzzz! -Mais il y a eu un accident en bas, près des coffres d'oeufs et ... Enfin il faudrait nettoyer, vous savez comme moi combien cette odeur est.. désagréable... Et tenace. Et... Oh... Bien. il semblerait que vous en ayez encore pour quoi, deux, trois heures? Vous pourrez venir plus tard demain matin. Bien, bon courage!
- Mais... Maintenant?
- Oui maintenant. Maintenant maintenant, tout de suite, plus vite vous commencez, plus vite c'est terminé!

Et hop le sourire. bien laaaaarge, voilà comme çaaaaa, tu es désolée mais pas trop quand même.
Je m'étais relevée en claquant les mains sur mes cuisses pour bien lui faire comprendre que moi aussi j'allais y aller. Et aussitôt la porte de la cave fermée, j'avais regardé vers l'étage.
A nous deux mon Coco.

Les linges rouges cotonneux posés sur le bras je montais les marches en silence. Aux ronflements de la porte une, j'avais compris que ça ne pouvait pas être Lui. Ou alors c'était le cas et ça venait de tuer toute libido. Le silence de la porte deux me laissait plus de chance. Je tournais doucement la poignée et glissais la tête dans la porte : "Oh pardon madame, monsieur", non je déconne, c'était Lui.
Je refermais doucement la porte.


- Venez Ludmilla.

Je l'aurais buté. Encore. Cet homme, je l'ai tué mentalement au moins sept cent soixante douze fois depuis que je le connais, chaque fois d'une manière différente. Cette fois par exemple je lui aurais enfoncé mes doigts dans les narines et tenu la tête sous l'eau.
J'avais, je pense, réussi à ne pas montrer mon agacement à l'idée qu'il l'attendait vraiment, et fichais directement mes mains dans le bain. Sans. Aucune. Douceur. T'as déjà vu des mains fouiller dans un bac de merde à la recherche d'une paire de lunettes? Bah pareil. Et vas-y que je te brasse tout ça à gros bouillons et qu'en plus ce couillon en profite pour dire que c'est plus à gauche -et en effet, j'y trouvais une cuisse, que je pinçais-.
Et puis..
J'ai retourné la piaule. C'est vrai que j'aurais pu me dire " c'est ton auberge Andréa, vas-y molo", mais j'avais une sorte de rage qui... RHA
De.. Rage qui a fait que sans le vouloir -hahin- je balançais fringues et bottes au feu. Et croyez moi ça soulage.


Andréa...je vais devoir solliciter ton charmant personnel pour aller me chercher des fringues désormais. Je suis le client te souviens tu ?
Pas besoin de fringues pour la sauter, si?
Je compte sortir un jour d'ici. D'ailleurs tu pourras lui demander qu'elle me rejoigne à la fin de son service
Merci
Et penche toi un peu plus...que je puisse au moins me rincer l'oeil


Je lève la tête le temps de lui souffler un baiser, et en profite pour souffler sur une de ses mèches avant de virer les peaux du lit, et les draps
Je ne vais sûrement pas t'exciter pour qu'une autre en profite.

Un large sourire et je chiais des ronds de chapeau pour soulever le matelas qui s'écrasait contre le mur, et devinez qui dormait là tout contre le sommier?
La...Le... truc... L'outil que je cherchais, oui j'ai mangé son nom, la... mongie? -bah quoi c'était pas une station de ski?-


-Bien joué. Il en reste plus que deux...ça sera pour demain j'ai d'autres plans ce soir.

Je soulevais le..truc, et le présentais à Hecthor, toujours dans son jus. Regarde moi. Regarde moi bien. Tu vois ce... PLANE -punaise c'était plane le mot!-, il tombe dans ton bain -j'espère sans te sectionner quoique ce soit ça serait vraiment dommage-.
Levée en silence elle rejoint la porte et lâche dans un large sourire.


- Voilà de quoi te tenir compagnie... Ludmilla a des projets pour ce soir.

Et paf, un baiser soufflé.
Bon, j'aurais aimé vous taire ce qui va suivre parce que j'en suis pas super super fière mais... Allons-y.


- Ludmilla? Nan mais laissez les oeufs en fait on s'en tape, vous le ferez demain, venez j'ai d'autres projets!

Et c'est comme ça qu'une paire de draps sous le bras, je la déposais chez Hecthor, en étant claire, nette et précise : "Faites comme chez vous, faut juste changer les draps, et puis dormez là, il y a de quoi manger dans les placards. Allumer un feu? Bien sûr et..

- Mais pourquoi?
- Parce que je vous le demande?


Oh Hecthor, tu la voulais la Ludmi, et moi, je ne veux pas que quiconque partage ta piaule. Ni à l'auberge, ni chez toi. J'espère que t'auras bien le seum de voir quelques cheveux à elle, bien en évidence sur l'oreiller, et si en prime, un de tes maitresses pouvait les voir avant toi, j'aurais décidément tout gagner.

Un sourire satisfait et je rejoignais le domaine familial, Alzo devait avoir terminé ses affaires, et j'en avais d'autres à lui confier.

_________________
Hecthor.
[Dans mon bain]

    J’avais observé d’un œil curieux le remue- ménage que la furie avait fait chez elle. Autant dire que je m’en cognais pas mal car ce n’était pas moi qui allais ranger tout ce bazar. J’eus tout de même une pensée pour la pauvre Ludmilla qui devrait s’y coller. Je prenais certes un malin plaisir à la faire enrager mais je savais pertinemment que c’était de bonne guerre car, au fond, elle ne se prêterait pas au jeu si nous étions de parfaits inconnus. Je pense même que si j’avais été un type lambda ça ferait bien longtemps que mon bras droit aurait rejoint l’état de mon bras gauche.
    Dans un second temps, une intense réflexion embruma mon esprit, celle de savoir comment j’allais remettre le matelas en place à une main. Je dis dans un second temps car ma préoccupation principale n’était pas de me trouver des fringues non, j’étais bien trop occupé à la reluquer. Mes yeux dessinaient le contours de ses hanches, épousaient la rondeur de ses fesses, je...me prenais la plane sur les cuisses. Putain, c’est dangereux ça ! quelques centimètres plus haut et c’était été le drame.

    Elle disparut dans l’instant qui suivit, me laissant dans mon baquet, au milieu de ce chaos.

[En dehors de mon bain]

    Serviette enroulée autour de la taille, j’avais dégagé le sol du bordel et désormais, j’usais de mon épaule valide pour faire tomber le matelas sur le parquet. Il restera là, par terre, entre la chaise renversée et le pot de fleur cassé. Plus loin dans l’âtre, seul le cuir de mes bottes semblait se montrer récalcitrant et opposait une farouche résistance aux flammes.

    L’heure était avancée. Je passais mon outre d’eau aux lèvres lorsque je m’enquis d’aller trouver Ludmilla. Elle devait avoir terminé son service. Je passais la tête par la porte et tendais l’oreille. Il ne semblait y avoir personne en bas. Vêtu de ma simple serviette, je descendis les escaliers en quatimini mais mes recherches furent vaines. Plus de petite Ludmi. Chier. J’étais loin de m’imaginer que Andréa était derrière tout ça à ce moment-là.
    Allongé dans ma piaule, je fis turbiner mes méninges pour savoir comment diable j’allais pouvoir me trouver des vêtements. Le sommeil eut raison de moi et aucune solution ne vint.


[Au petit matin]

    Les premières lueurs de l’aube me réveillèrent. Derrière les carreaux, le soleil ne pointait pas encore le bout de son nez mais nimbait l’horizon d’un halo de lumière. Toutes les nuits, c’était la même rengaine; les douleurs dans mon bras me réveillaient toujours à cet instant précis, allez savoir pourquoi. Je quittais mon matelas et fit quelques mouvements pendulaires avec mon épaule histoire de la décrasser. Je savais par expérience que je ne parviendrais pas à retrouver Morphée dans l'immédiat.

    Rassuré par le calme nocturne, je déambulais avec ma petite serviette dans la pièce principale et piochais allègrement dans les réserves personnelles d’alcool de la propriétaire. Je débouchonnais une bouteille d’un grand cru, il a du couter un bras, et m’en enfilai la moitié, ce qui eut le don d’atténuer les douleurs lancinantes de mon membre. Les heures passèrent et j’entendis des pas au plafond. Une idée me “vin”. Je savais qu’elle était mauvaise, mais l’alcool me faisait prendre des mauvaises décisions. Un rapide détour par ma chambre pour ramasser un pied de meuble fracassé la veille . Les coups furent portés à la porte de la chambre 1, précisément là d'où j’avais entendu émaner des ronflements la veille. La porte fut ouverte et le pied en bois abattu sur le crâne de l’innocent.

    Désolé vieux mais je dois me fringuer.

    Ni une ni deux, je fis le tour de sa chambre et trouvai quelques vêtements à m’enfiler. Ils étaient pas à ma taille et me serraient le corps, mais ça fera l’affaire le temps de rentrer chez moi. J’enjambais le corps du pauvre type qui n’avait rien demandé et partis chercher mes affaires restantes dans la chambre 2.

    Les rues furent englouties à la hâte et les quelques rares passants m’avaient dévisagé de la tête aux pieds, je devais ressembler à un drôle de gigolo vêtu de la sorte. J'avais croisé un agent de la maréchaussée et lui avait signalé qu'il se passait des choses louches aux oeufs coquillards. Tu vas avoir de la visite ma belle brune.

    Chez moi, tandis que je m’empressais d’ôter ces vêtements de malheur, je sursautai en voyant quelqu’un dans mon pieu.

    - Ah !

    C’était un “Ah” de surprise, d’étonnement, incontrôlé, le "AH" de Denis Brogniart.
    Le minois de la femme se tourna vers moi, effaré. Ses cheveux étaient en bataille et elle avait la marque de l’oreiller sur sa joue. Son regard exorbité trahit son trouble et me tira un sourire.


    - Ludmilla que diable foutez vous chez moi ? je vous attendais à la chambre 2 pas ici.
    - C’est...je suis tellement confuse...je croyais que vous étiez au courant...Hector vous êtes…
    La couverture l’ensevelit et j’eus tout juste le temps d’apercevoir le cramoisi de ses joues.
    - Nu c’est vrai.

    Je me glissais sous la couette dans l’optique de lui donner une bonne raison de rougir. La suite sera passée sous silence par pudeur. Je ne manquerai pas de remercier Andréa pour ce cadeau.


[Plus tard, dans les rues]

    Des vêtements adéquats épousaient mon corps et me laissaient enfin déambuler sans prendre une démarche de cul serré. La bisaiguë en main, je me dirigeai vers l’église. La prochaine tâche, si je réussissais mon coup, risquait de se révéler ardue pour Elle. Nous approchions de la fin et je ne comptais pas la laisser gagner si facilement.

    Je gravis les marches du parvis de l’église et poussait la lourde porte en chêne. En entrant j’eus un réflexe déplacé de chanter “ta ta tata”. Vous avez pas reconnu l’air du mariage là ? Quelques regards furibonds me fustigèrent et je me fis petit. Je n’empruntai non pas la nef mais l’allée latérale, longeant les murs, bisaiguë cachée dans le dos. Si quelqu’un voyait ça, je passerai pour un fou furieux et au pire, on me prendrait pour un assassin. Imaginez le scandale en ville, “l’assassin vertueux à la bisaiguë”.

    Je me faufilais à l’intérieur du confessionnal. Drôle d’endroit cette cage, j’y avais mis les pieds qu’à mon enfance, alors que mes parents m’obligeaient à suivre le dogme. Vague souvenirs. Ils me rappelaient à l’époque où j’avais demandé la main à Clémence. Mon esprit se perdit dans les limbes et fort heureusement, la voix du prêtre m’extirpa de là :


    - Bonjour mon enfant.
    - Mon père. Enfin non, textuellement parlant vous êtes pas mon père, lui est de Dax et à l’heure d’aujourd’hui il gît dans la crypte familiale avec nos ancêtres.

    Je fus étonné du silence du type après les conneries que je venais de déblatérer. Il faisait preuve d’une belle patience. En d’autres circonstances j’aurais aimé la tester mais là, j’avais d’autres projets en tête. Je lui étalais donc mon histoire rocambolesque. Paraît que plus c’est gros, plus ça passe. Sauf les culs dans les baignoires….bref. C'est parti pour le monologue :

    - Je crois que j’aimerais faire don à l’église de cet objet. C’est un outil de charpentier et il paraîtrait qu’il ait servi à la confection des urnes reliquaires du Très-Haut. Je sais, vous allez me prendre pour un fou mais écoutez mon histoire.
    Brève pause respiration et on prend une voix grave et sérieuse.
    Lors d’une balade en forêt, je suis tombé sur des types peu scrupuleux qui se battaient à propos de cet objet. Ils prétendaient en tirer une excellente somme et se vantaient d’avoir pu le soutirer d’un convoi de l’Inquisition. J’ai alors pris mon courage à deux mains et ai risqué ma vie en me faufilant dans leur camp à la tombée de la nuit.
    Dans une tente sommeillait un fabuleux butin et une aura sainte en émanait. Je l’ai senti sous ma peau mon père, c’était si puissant, si apaisant. Il y avait un nombre incalculable d’objets bénits, de croix, de calices, de coffres ornementés, d'étoffes et au sommet de tout ça, trônait cette bisaiguë. Elle était enveloppée dans une soie immaculée aux borderies dorée que j’ai malheureusement perdu lors de ma fuite.
    En ce jour, en tant que fervent défenseur de la Foi, je me sens engagé dans cette mission sacrée, je suis le messager de la bisaiguë. Alors mon père, même si après tout ceci vous avez encore un doute, je vous pris de garder cette relique savamment cachée jusqu’à ce qu’elle fasse l’objet d’une analyse sacrée, ça pourrait être un tournant dans l’histoire du culte.


    J’étais capable d’être un fin manipulateur quand la situation le requérait et si d’aventure mon histoire ne l’avait pas convaincu, j’étais au moins persuadé qu’elle lui mettrait un doute et qu’il garderait l’outil précieusement jusqu’à ce qu’il soit soumis à examen divin ou je sais qu'elle autre connerie.

    Ma petite Andréa, tu vas devoir te surpasser.

    Je fis un détour par une petite auberge non loin de l’établissement et en profitai pour écrire une petite lettre d’amour à la belle :




A.

Cette fois-ci, c’est simple.
Pas de mystère, pas d’énigme.
La bisaiguë est dans les mains du prêtre.

PS : salue Ludmilla de ma part.

H.


    Un grouillot fut dépêché.
    J’espérais au fond de moins que d’une manière ou d’une autre elle apprenne pour son employée même si je savais que la pauvre risquait de prendre sur son grade. Quoique, c’est sa patronne qui l’avait envoyée chez moi, elle était quelque part responsable.

    Je voulais être aux premières loges de l’arrivée triomphale ou non de ma furie. Alors je négociais une pèlerine bon marché en tissu brun. J’avais l’air d’un beau mendiant désormais et je retournais dans le lieu de culte, à genoux entre les bancs, mains jointes en psalmodiant.
Andrea___
    [Taverne des oeufs Coquillards, petit matin]


Les doigts tapotent la table comme s'ils jouaient du piano. Tagada. Tagada. Tagada. Colombe a posé un bout de fesse sur un coin de table. Les bleus fixent la porte, l'acier glacé a mangé le bleu douceur depuis plus d'une heure. Si la bonne humeur régnait aux premières lueurs de l'aube, elle s'était altérée en voyant la chambre deux vide. Elle s'était creusée un peu plus en voyant le client de la première chambre mécontent. La bouteille hors de prix posée sur le comptoir. Les gros bras venus prendre la baignoire gravée de deux A étaient arrivés plein comme des barriques. Absence de mots. Rires gras des gros bras. Poussières sur le comptoir. Silence. Vaisselle non faite. Silence. Employée en retard. Silence. Elle va vriller.
Et la bonne humeur s'envole.
Et l'énervement monte.
Et la colère gronde.
Elle aurait pu débarrasser, ranger, nettoyer. Elle voulait balancer des chaises, retourner des tables. Et elle restait là, posée, visage tourné vers la porte. Figée. Tendue. Sang qui cogne contre les temps. Bouts des doigts battant la mesure. Une heure. Ludmilla a une heure de retard. Elle vrille.
Ludmillla n'a JAMAIS eu une seule MINUTE de retard. Ludmilla est consciencieuse. Sérieuse. Soignée. Torchon abandonné sur le dossier d'une chaise. Poussières. Rideaux tirés. Porte close. Une heure et demi. Silence. Les mâchoires se serrent. Les paupières semblent figées, collées, ouvertes, incapable de se fermer ne serait-ce qu'une seconde. Elle la verra entrer. Elle l'entendra. Elle l'entendra poser sa main sur la fichue poignée de l'auberge. Et elle tombera nez à nez avec sa patronne. Elle sait que rien ne pourra la calmer.
Deux heures. Les trapèzes sont faits de pierre. Le coeur bat au bout des doigts sans que la cadence n'ait faiblie. Tagada. Tagada. Tagada. Plus rien ne compte. Ludmilla viendra. Sans savoir que c'est trop tard. Que dans la caboche de la Colombe, deux heures auront suffit pour tout détruire. Plus de croyances, plus de Déos. Plus de pardons, plus d'excuses. Plus rien d'humain.
Cette colère, elle détruit tout. Elle est irrationnelle. Irraisonnée. Mais l'irrationnel, l'irraisonné, n'est-ce pas ce qui t'a amené à cette colère?



    [Taverne des oeufs Coquillards, arrivée de Ludmilla.]


Si la toute puissance pouvait s'incarner, c'est en Elle qu'elle le ferait. En Elle, lorsque la porte s'ouvre. Elle ne bouge pas d'un cil, elle observe. Inutile de se lever, elle pourrait être au fond d'un trou que ça ne retirerait rien à l'intensité de son regard. C'est le froid et la glace, c'est le pouvoir et la force. C'est réduire l'autre à néant, en plantant seulement une paire de gris dans son regard. C'est une centaine de mots dégueulés sans ouvrir la bouche, c'est toute une vie qui défile en quelques secondes, JUSTE en la fixant.
Et peu importe que l'employée reste pétrifiée, peu importe qu'elle se confonde en excuses. Qu'elle sanglote et qu'elle supplie. Tout ce qu'elle fait, et le simple fait qu'elle existe suffit à nourrir la Colombe.
"Et moi je te rappelle ton côté sombre". Oui. Sans même être là, il fait naître ce qu'elle a enfoui.
Impossible de mesurer le temps, tout est éteint, tout est suspendu, il n'y que l'acier qui fond sur les épaules de Ludmilla et l'enfonce un peu plus.
Pourtant lorsqu'enfin Colombe ouvre la bouche, la voix reste basse. Quasi rauque. Tout est parfaitement articulé, les syllabes séparées, les mots espacés, Ludmi ne lui fera pas l'affront de répéter.


- Est-ce qu'il vous a touchée.
- ...
- Est-ce qu'il. Vous a. Touchée.
- ...

Elle se lève et s'approche de l'employée. La démarche est féline, silencieuse. Elle ne la quitte pas des yeux. Face à l'employée la Colombe baisse l'index. En ouvrant la porte un mot s'est posé là, et elle sait qui en est l'auteur. Au hochement de tête Ludmi comprend, se baisse et lui tend le courrier.
Aucun merci. Le mot est déplié, lu.
Un étrange sourire naît sur ses lèvres, et il ne présage rien de bon.
Un dernier regard à Ludmilla avant de lâcher, en posant dix écus sur le comptoir.


Hecthor vous salue. Merci pour la passe.



    [Taverne des oeufs Coquillards, Piaule de la proprio.]



J'avais toujours eu une chambre dans cet Auberge. Après l'incendie de mon appartement c'est là que j'aimais me retrouver quand il me fallait être seule. Nul besoin de confort ou de décoration. Seulement de quoi survivre quelques jours et se changer. C'est une pièce où il fait bon bon survivre. La porte avait été fermée sans brusquerie. Le corps sait ce qu'il faut faire, c'est l'instinct qui parle, il est en mode automatique, l'esprit est dévorée, incandescent, et croyez bien que ce n'est pas la bisaigüe qui la met dans cet état.
La robe glisse sur le sol. La paire de braies est mise. La chemise est passée, lacée, les manches sont ourlées, relevées à la pliure du coude. Les bottes sont enfilées. Les lacets tirés sèchement, noués. Le tiroir de la commode est tirée, la main passée en dessous pour récupérer deux dagues. L'une est à la ceinture, l'autre glissée dans la botte. Les cheveux sont tressés, méthodiquement. Ruban rouge. Rouge passion. Rouge sang. Les anneaux sont posés dans la table de chevet, le large bracelet de cuir aussi. Qui, peut se vanter de l'avoir déjà vu sans? Un regard à toutes les marques qu'il cachait, la peau semble lacérée, boursoufflée par endroit.
Le col est remontée jusqu'aux yeux, la cape déposée sur ses épaules.
La capuche est relevée.
Andréa est adorée.
Colombe est crainte.
Et personne ne peut la reconnaitre.



    [Eglise : rendez-moi ma bis...mon... C'est à MOI !]


Personne n'interpelle les gens dont le visage est couvert. Inutile de faire deux mètres. Aucune hésitation dans la démarche, regard fixé droit devant. Les cloches sonnent et les moutons sortent. Ça babille, ça se souhaite une belle journée, ça ne remarque même pas l'ombre qui se glisse à l'arrière de l'église.
Le prête. Occupé sur son autel. Balayant les miettes du pain. Rangeant le verre de vin. Organisation. Adoration. Mouton. Gros c.on. Pardon.
Un regard au mendiant qui n'est pas une menace. Seulement un pauvre hère qui perd son temps. Dieu ne t'a pas aidé avant, pourquoi le ferait-il maintenant?
Les mains claquent, une fois. Deux fois. Trois avant qu'ils ne comprennent qu'elle applaudit, au ralenti. Au ralenti, comme ses pas qui les mènent au curé.


- Vous avez quelque chose m'appartenant. Je vous laisse une minute.

La dague est sortie et vient battre la mesure sur l'autel. Le col est baissé.
Un verre de vin.
Un bout de pain.
La messe est dite.



    [Assise sur l'autel.]


Elles te regardent les Idoles. Celles qui cassent le métronome du fer contre la pierre. Tagada. Taga. Da. Ta. Ga. Da. Elles semblent s'animer, crisper leur visage, pas de colère non, de... tristesse? Déception?
Qui es-tu en cet instant? Le sais-tu seulement?
Un an bientôt que tu pries. Chaque jour. Que tu te mêles à ces moutons. Chaque semaine. Que tu trimbales dans ta besace cet ouvrage, chaque instant. Vois.
Vois comme tu vrilles, tu te perds et redeviens celle qui a mené tes amis à la mort. Vois. Ouvre les yeux. Regarde la ferveur de ce prêtre, qui depuis plusieurs minutes prie, à genoux et mains jointes. Une minute, tu avais dit une minute, mais combien de temps s'est il passé maintenant ?

Tu fermes les yeux, inspire doucement. Bien sûr que la colère est là, bien sûr qu'elle t'a dépassée, pourquoi?


- Tournez-vous?
- Pitié.
- Tu ne mourras pas aujourd'hui.

La ceinture de sa soutane est arrachée, les mains du curé attachées, qu'il prie, qu'il continue de prier. Il est bâillonné, yeux bandés.
L'acier n'est plus si gris, il est bleu de mer. bleu amer. Dans la petite pièce attenante je cherchais. Sans ne rien déranger. Chercher. Encore. Et Encore. Jusqu'à trouver. En vain. Revenir, menacer encore, lame contre sa gorge. Avec moins de conviction, et plus de croyances. Andréa dévore la Colombe, et ça aussi c'est douloureux. Colombe se débat. Où. Où est le putain d'outil ? Où?
J'écoutais avec attention l'histoire de cette bisaigüe qui n'avait jamais rien fait d'autre qu'aider à faire des charrettes et des seaux. C'était putainement ingénieux. Manipulateur à souhaits. C'était du grand Hecthor.
Je me relevais et observais le prêtre. Regard en plongé sans intention de le noyer. C'est à chacun de trouver où est sa force, et chaque source doit être respectée. Une mère pour son enfant, un mari pour son épouse, la mort d'un ami, la compagnie d'un animal fidèle, la foi. Aussi insignifiant un détail peut être pour vous, qu'il peut être le monde d'un autre.

Le prêtre est détaché alors qu'à son oreille est murmuré


- Personne, jamais, ne viendra vous le voler.

C'est par la grande allée que je sortais, les portes ouvertes à la volée, capuche baissée j'inspirais tout l'air qu'il m'était possible de loger à l'intérieur du double A.

Citation:
Chaque acte, chaque geste, chaque parole ont des conséquences.
On ne vend pas du rêve impunément.
Ai-je vraiment perdu?

A.


Bisaigüe ou Ludmilla, double A, double sens.
Hecthor.
[Amen]

Un applaudissement, lent, saccadé et je devinais aisément le manège qui se tramait. Raison pour laquelle je gardais la tête baissée, regard levé vers la silhouette qui avançait vers l'autel. Sa démarche avait changé, plus d'assurance, son aura aussi, menaçante même ses cheveux liés dénotaient le changement de personnalité. Tout était méticuleux et le reflet argenté d'une lame m'insuffla une étrange sensation. J'avais cherché à voir la vraie Andréa et je risquais de ne pas être déçu mais je redoutais un acte déplacé, irréfléchi et sanguinaire. En était-elle capable ? c'était le moment de vérité. Jusqu'où pousserait-elle la déraison pour un jeu ? Je te teste ma belle, vois-tu ?

Les menaces se mirent à voler, froides comme l'acier qui est brandit vers l'agneau suppliant. Je dus me forcer à rester à genoux pour continuer ma fausse prière et ne pas intervenir. Je ne souhaitais pas qu'elle franchisse le pas. Ce n'est pas l'endroit le soucis, je ne suis pas une grenouille de bénitier mais je devais savoir si elle maîtrisait ses colères où si elle se laissait emporter comme une tornade dévastatrice. Je l'avais vu énervée, j'avais entendu des choses se briser, vu des matelas retournés mais je ne connaissais pas réellement sa limite.

Quelques instants plus tard, elle libéra l'homme de foi. Ce retournement de situation me laissa coi, d'autant qu'elle n'avait pu mettre la main sur l'outil. Je t'ai tenu en échec et je ne manquerais pas de te le faire remarquer. Je ne m'attendais pas à cela à vrai dire. A tout, mais pas à ça. Elle me prit de court et je restai quelques minutes encore entre les bancs à méditer sur ce qui venait de se passer. Aucune réponse concrète ne fut trouvée alors je fis un dernier signe saint sur mon front et m'en allai quitter ce lieu.

[Ludmilla]

La tête en fusion, je déambulai entre les gens sans prêter attention à ce qui m'entourait. Quelques coups d'épaules à mon bras gauche intimaient une grimace menaçante envers les importuns. Pourquoi étais-je irrité ? elle n'avait pas franchi la limite que je redoutais mais d'un autre côté elle avait abandonné. Elle plaçait ses principes avant ce jeu, ce qui en soit est une chose raisonnable. Alors pourquoi suis-je agacé ? Je farfouillais dans mon âme et l'esprit éthéré que j'étais devenu renversa une demoiselle à un coin de rue.

Je m'accroupis à son chevet et m'enquis de son état. Les boucles et le regard pur me fustigèrent. Ludmilla. Quelque chose au fond de ses prunelles avait changé. Elle semblait écorchée et amer. Sans savoir la raison précise de son état, je devinais qu'Elle n'y était pas pour rien. Un silex griffa mon cœur lorsqu'elle me remit un mot avec un regard caustique et dédaigneux. Je m'étais douté qu'elle allait être un dommage collatéral et pourtant, je n'avais rien fait pour empêcher ceci de se produire. J'entendais souvent ces derniers temps que j'étais un homme bon mais nous avons là la preuve que c'était faux. J'aurais pu la retenir, lui présenter des excuses mais je n'en fis rien. Je la laissai repartir d'où elle venait en accompagnant son départ d'un sourire mauvais destiné à mon égard.

Je relu le mot trois fois. Il était court mais prêtait à réflexion. Avait-elle perdu ? je n'en savais rien. Jouons nous encore où étions nous au-delà ? Il était temps de finaliser ce jeu avec le dernier outil et mettre un point d'orgue à cette symphonie.


[Dernière épreuve : la doloire]

L'outil ressemblait à une petite hache. La boucle serait elle bouclée ? depuis "reste en vie" jusqu'à cet outil que je tiens dans ma main, un monde semblait s'être écoulé. Si j'étais nostalgique ? non. Le présent était bien plus fort que le passé et offrait plein de promesses d'avenir. Je ne pouvais assurer qu'il serait resplendissant tant les ténèbres semblaient nous guetter mais il je pouvais affirmer que ces dernières nous siphonnaient irrémédiablement.

Il était temps que je prenne moi aussi des risques. Je n'étais pas du genre à observer depuis un siège en velours. Alors, doloire à la hanche gauche, "Reste en vie" à la droite, je me présentai à nouveau dans ce bordel limougeaud où j'eus quelques ennuis avec Myulan. Mon regard devint acéré et un shoot d'adrénaline pulsa dans mes veines. C'était grisant. Cette sensation de danger imminent n'avait de cesse de m'extasier. Je choisis volontairement mon passage entre les tables. Certains visages m'étaient connus et il était préférable que d'autres ne me reconnaissent pas. Mon regard se braqua sur le décolleté avantageux d'une fille de joie dont je repoussais les avances. Pas aujourd'hui Saphyr.

Je choisis une table libre, juste à côté de trois types qui ne prêtèrent pas attention à ma venue. La pélerine de mendiant était restée sur mes épaules et cette fois ci la capuche était tirée sur ma tête. Mon bras invalide était caché sous l'ample tissu brun, il était important de ne pas montrer de signes de faiblesse. J'étais persuadé qu'un des types me connaissait et pour cause, il y a quelques jours, en compagnie de mon assassin préférée, je lui étais tombé dessus et l'avais émasculé. Parmi ses deux congénères, je ne reconnus point celui à qui elle avait planté la dague dans le dos. Il a du succomber à ses blessures .

Je gardais l'oreille à l'affût de leurs conversations. De temps à autre, des éclats de voix couvrirent le son des leurs et m'empêchaient de distinguer tous leurs mots. Deux bières plus tard, ils finirent par quitter les lieux. Je terminais mon verre de rouge et me mis à leur suite. Ils avaient parlé d'un entrepôt à quelques lieues de la ville. Je m'y rendis à pied et finit par trouver l'endroit. Une bâtisse rectangulaire classique. En haut de la grande porte principale, une ouverture qui devait mener à une grenier. Une brève halte le temps d'écrire les indications suivantes à ma partenaire :


Citation:
A.

Entrepôt au sud-ouest de la ville. Espérons que tu sois bonne en orientation.
Une demi lieue après avoir passé les champs des Dubois par le chemin carrossable.
Un type d'une tête de moins que moi, cheveux poivre et sel clairsemés. Barbe de trois jours. Yeux marrons. Démarche arquée. Silhouette menue.
Il a violé une donzelle il y a quelques jours, source sûre.
C'est lui qui a la doloire.

H.


Le mot fut laissé à un marchand ambulant qui passait par là avec son convoi de curiosités. Destination la propriétaire des oeufs coquillards.
Un seul garde faisait la ronde autour de l'entrepôt. Soit il était démuni de marchandise de valeur, soit ils n'avaient pas les moyens pour le protéger.
Je me hissais à une main sur l'échelle qui menait au grenier. Une fois à l'intérieur, je me trouvais au milieu de deux tas de foins. D'ici, rien ne semblait suspect. Je les avais pourtant entendu parler d'une réunion ici même ce soir. La plateforme où je me trouvais surplombait une vaste pièce où sommeillaient tonneaux et caisses en bois. Tapis dans le silence et l'observation, j'attendais.

Il n'était plus question de réussite, d'échec ou de jeu. On était dans le vrai et on allait apprendre à se connaître toi et moi Andréa.
Andrea___
    [ Descente et repentance. ]



Rien n'est jamais tracé. On ne vient pas à la vie avec un destin tout tracé. Aucune fée ne se penche sur le berceau d'un nouveau né pour lui esquisser les grandes lignes d'une vie qu'il subira. Tu nais, tu meurs, ce sont les seules certitudes de ton passage sur terre.
Il y a plusieurs vies dans une seule, et elle ne le sait que trop bien. D'une vie bien rangée à la naissance de la Colombe. D'une première amourette qui façonne doucement son sombre dessein. D'une gifle à un corps laissé pour mort. De la bonté à la colère qui efface tout sur son passage. D'une rancœur qui s'installe à une promesse faite à elle même. Le contrôle, de soi et des autres. Le chaos, semé de ses mains, récolté d'un étrange sourire. La paix, un temps, celui de porter la vie, et de la donner. De nouveau le chaos, choisi, comme s'il se réveillait après un trop long sommeil. Chaque fois plus vif, chaque fois plus fort.
Jusqu'à se réveiller dans une armure que rien ne peut faire céder, la soif de vivre, au dessus des autres, en les écrasant. Ruiner, des coffres et des âmes pour exister. Renforcer l'armure, encore et toujours. Jusqu'à...
Jusqu'à ce que le corps lâche, que la guerre emporte des âmes bien trop précieuses. Aertan, l'amour. Tafar, l'ami.

J'ai déposé les armes parce qu'elles devenaient trop lourdes. J'ai tenté de reconnaitre ce corps mis à nu, tenté de dompter ce qu'il restait pour en faire quelque chose de viable, quelque chose qui pourrait vivre, sans chercher à se détruire.
Je savais ce nouveau moi fragile, je n'avais pas encore idée de combien j'avais raison.
Une hache, et je remettais l'armure.
Je me battais contre bien des choses et personne ne pouvait ne serait-ce que l'imaginer. Le chaos, encore, à l'intérieur. "Je vais te réveiller", et sans prévenir il l'avait fait.

Je tournais en rond dans cette piaule. J'aurais voulu tout détruire mais il faudrait bien plus qu'un verre brisé pour apaiser ce que je ressentais.
Du dégoût? Probablement.
De la tristesse? Sûrement.
De la colère? Apparemment.
De l'incompréhension.
Réveillée, mais encore embuée.

La main se pose sur le dossier de la chaise, la soulève et la pose brusquement au milieu de la pièce. Je ne vrillerais pas. J'ai récupéré le contrôle et je compte le garder. Les genoux rejoignent le sol, les coudes l'assise de la chaise. Les mains sont jointes et le front se pose contre Elle.
C'est vers la religion que je m'étais tournée après tout ça, c'est Elle qui me sauvera.
Pardon pour la chaise.
Pardon pour le prêtre.
Ludmilla.
Pardon pour Archibalde.
Pardon.




    [ Fin du jeu. Ou pas. ]



Le soleil entamait sa descente et aucun mot n'était venu. J'avais perdu, c'était ainsi. Est-ce que je l'avais mauvaise? Evidemment. Mais je n'avais rien à renverser, ni pions ni plateau de jeu. Il était temps de rentrer à la maison. Les bijoux et ornement sont remis en place. J'inspectais rapidement les chambres pour m'assurer que celle qu'Hecthor avait occupé avait été correctement rangée. Dans la grande salle tout était silencieux, c'est à peine si l'on entendait Ludmilla préparer les couverts du soir.

- Le vin a été livré il y a une heure Madame. Le marchand a descendu les caisses, Madame. La commande est complète, Mad
- Cesse.
- J'ai transmis le message comme vous le vouliez. Il est venu à moi sur le chemin, je suis tomb...
- Amoureuse? Ahah.Ah. Ah.
- Sur lui dans la rue.
- Je ne veux rien savoir.
- Rien ?
- Rien. Fais ce pour quoi tu es payée.
- Pour vérifier les commandes. Et la commande est complète.
- J'ai entendu la première fois.
- Complète, et plus encore. Vous avez retrouvé votre doloire?

Dix huit marches et je trouvais, trônant sur les caisses de vin le mot d'Hecthor. La tête se penchait un peu alors qu'elle comprenait doucement où il voulait la mener. Et ce n'est pas l'entrepôt qui l'interpelait mais bien l'homme à abattre, car c'est de ça qu'il était question. Ils avaient passé de longues heures à se jauger, à tenter de se comprendre, à lire entre les lignes. Il sentait, il savait qu'elle en était capable. Elle l'était hier, mais l'était elle encore aujourd'hui?
Un long frisson parcourait son échine. C'est Elle qui revient. Qui fait penche sa tête à droite, puis à gauche, comme on le fait quand on doit dérouiller quelques articulations -le cou c'est une plaie quand c'est rouillé-.


- Prévenez au domaine que j'aurais du retard, un souci d'outils à la Charpenterie.

Ce n'était pas vraiment mentir que de l'évoquer, le reste, les explications viendraient en temps et en heure.



    [ Entrepôt Sud Ouest de la ville : ça va swinguer. ]



Les Dubois étaient encore au champs, ces gens sont vraiment des bosseurs, c'est juste dommage qu'avec un nom pareil ils ne soient pas bûcherons ou charpentiers. Les Duport sont bien poissonniers!
L'endroit indiqué n'était qu'à quelques dizaines de minutes de marche, j'avais eu tout le temps de réfléchir à ce que j'allais y trouver. Je n'avais pas cru une seconde à cette histoire de violeur. J'aurais pu, en d'autres circonstances, mais Hecthor et moi jouions, non? Je n'imaginais pas non plus un dîner aux chandelles dans un cadre idyllique, soyons bien d'accord. J'avais encore en mémoire son incartade avec Ludmilla et j'avais du mal à la digérer, ça serait donc inconscient de me mettre face à lui avec des couverts.

J'étais d'abord passé devant l'entrepôt comme je l'aurais fait en balade, un arrêt, le temps de ramasser quelques noix que j'ouvrais d'un coup de talon. J'observais les lieux avec attention, la configuration, les ouvertures, la végétation alentours, les aller et venus. Aucun visiteur, l'entrepôt était loin de la ville et semblait abandonné, jusqu'à...


- Vous êtes sur un terrain privé. Dégagez.
Oh tiens, un garde. Ni une tête de moins qu'Hecthor, les cheveux bien noirs, pas de barbe et des yeux... aux pupilles bien trop dilatées pour qu'on en devine la couleur, visiblement on a bien fumé la moquette par ici.
- Oh, Ah, mince ! Suis-je bête ! Mais... Tout ce qui est au sol est à tout le monde, non?
- Pas si c'est le sol de quelqu'un ma petite Dame. N'avez pas de la popote à préparer pour papa?

Stop. Sourire qui se fige. Nous sommes donc en présence d'un énorme conn'ard ascendant enfoiré, c'est le pire des signes astrologiques, nés un soir de lune en forme d'anus, vraiment à chier.
Papa. Et bien papa serait là il te mettrait la fessée, rien que pour avoir imaginé manger ce que j'ai préparé.


- Si mais... Là, tu la vois la petite moue boudeuse pendant que je joue avec mon collier de perles?
- Ah non... Encore une de ses nobliotes qui veut du frisson... Hein quoi, quelqu'un lui a déjà fait le coup? Mais merde, je suis si vieille? Et le sourire en coin, on te l'a déjà fait? La lèvre mordue? Et la hanche qui vient se poser contre toi? Et le petit regard qui crie braguette?
-J'ai promis que je rentrerais avec un petit cadeau... Et la lame qui se glisse sous ta gorge?
- On me l'avait jamais faite celle ci ! Ahahah AHAHAH

Ce rire, je le reconnaitrais. Pas celui ci en particuliers, mais l'intonation. Clairement moqueur. Clairement dégueulasse. Celui du type qui ne craint pas la personne qu'il a en face de lui quand bien même le fer doucement s'enfonce. Après la stupéfaction et l'orgueil blessé vint autre chose. Tout revient, une renaissance, c'est comme être possédée, laisser revenir quelque chose qu'on avait enterré, le laisser remonter, doucement, jusqu'à entendre son rire s'éteindre et la pomme d'Adam faire bouger la lame. Un simple regard, un bleu devenu froid et déterminé.
Son rire s'étouffe et le mien naît. Un souffle sur son cou puisqu'il reste légèrement plus grand que moi, qu'il puisse entendre la voix doucereuse.


- Allons voir ce qu'il y a dans cet entrepôt. Plus qu'une envie de visiter, celle de gagner cette dernière manche, et la guerre qu'Hecthor a commencée.

Quelques mètres rapidement avalés et la porte se referme. C'est l'instinct qui parle quand il tente de la désarmer. Ce sont des automatismes un peu rouillés qui reviennent. A cette main qui vient tirer sa tresse elle réplique d'un coup de genou dans les roupettes. A ce coup de poing qu'elle esquive à moitié et prend dans l'épaule elle offre un revers de lame sur son bras. il semble étonné sans l'être vraiment, il a clairement le dessus. Je peste, j'suis pas venue là pour souffrir ! Et pas non plus pour tuer. Pas pour une doloire.
Le combat dure un moment jusqu'à ce que le souffle court les écarte un moment. Pourtant jamais la lame n'aura quitté sa main droite, et le reflexe est telle que la lame à sa botte est prise par senestre. Même à terre, je reste debout.
La voix est grave, sourde.


- Il n'y a rien ici.
- Alors pars.

Et il est parti. Je sais, moi même j'ai du mal à m'en remettre, mais le gars est VRAIMENT parti. Si j'ai trouvé ça louche? Pas du tout.
Est-ce que je devrais le faire? Clairement.
Mais j'avais une doloire à trouver. La nuit bientôt serait là et je n'avais pas pris de quoi allumer un feu. Les caisses furent retournées. Une à une. Vide. Les tonneaux ouverts. Vide. Des boites s'empilaient dans un coin, vide. Le coffre qui trônait là ne contenaient que des papiers sans importance, des noms, des lieux, des commandes. Pas de doloire.
Tout était vide.
Désespérément vide.
Je montais à l'échelle pour passer au grenier et c'est au milieu des bottes de foin que je le voyais. J'éclatais de rire en le regardant. Quel coquinou! L'index pointait la doloire à sa ceinture


- Trouvé !
Ainsi donc c'était ça la surprise de taille? Se rouler dans le...


Des voix s'approchaient, dehors quelques lanternes faisaient naitre des ombres. Un regard à Hecthor alors que je glissais les armes à ma ceinture, c'est dans le plan ça aussi?
Combien étaient-ils? Ce qu'ils venaient foutre ici?


- Elle était seule?
- Oui, un petit modèle en plus, mais un peu hargneuse.
-Qu'est ce qu'elle foutait ici?
- Elle... cueillait des noix?
- T'es vraiment con au point de croire qu'elle cherchait vraiment des noix?
- Le coffre. PUTAIN LE COFFRE, elle a ouvert LE COFFRE
- Ah bin elle cherchait pas des noix...

Un plissage d'yeux plus tard je regardais mon comparse.
Bravo Hecthor, je ne serais jamais à l'heure pour le dîner.
Hecthor.
[Dans le grenier à foin et plus si affinités]

    Je me posais mille et unes questions. Est ce que le marchand allait directement livrer le mot ? comptait il décharger ses marchandises ailleurs avant cela ? et si Elle arrivait après les autres ? quels sont les vrais risques encourus ? avais je suffisamment d'informations dans ma manche pour intervenir en évitant les surprises ? et puis, qu'est ce que je foutais là dans mon état ? si les choses venaient à dégénérer il va de soi que je serai un fardeau. J'ai essayé de faire quelques passes d'armes avec un bras en écharpe et le résultat fut le même à chaque tentative. Echec total et douleurs accrues. L'équilibre n'était plus le même, les appuis même histoire et l'obsession qui visait à protéger la partie blessée me rendait particulièrement vulnérable et prévisible.

    J'avais un temps d'avance alors je devais en profiter pour établir une stratégie, poser des pièges et préparer notre sortie. Le tout en faisant le moins de bruit possible pour ne pas éveiller les soupçons du garde.

    .
    .
    .
    .
    Des bruits au loin, le fer contre le fer, des râles, des respirations rauques...ils semblent si loin et soudain, une main m'agrippa et me sortit la tête de cet océan de coton. Je me redressai subitement, comme si on venait de me prendre la main dans le sac lors d'un délit, je clignai des yeux et crachai le foin que j'avais dans la bouche. Mon attention se porta désormais sur ce qui se passait en contrebas. Tiens tiens, une chatte voleuse. Elle croit que j'ai planqué l'eunuque dans une caisse avec la doloire où quoi ? quelle idée scabreuse ma belle Andréa.

    Lorsque je la vis grimper, je m'empressai de reculer et de prendre une posture décontractée, l'air de rien. Tout était normal, sous contrôle. Je venais de faire une bonne grosse sieste dans la gueule du loup, oui j'ai pas mal de sommeil à rattraper. Je n'ai préparé aucun piège et je n'ai pas la moindre idée d'une quelconque stratégie. Le sourire que je lui adressais n'avait rien de calculé, il était frais, sincère et radieux. Si je sombrais dans les ténèbres, j'étais persuadé que sa présence rendrait ce déclin savoureux.

    Elle n'eut pas le temps de jouer d'humour que nos retrouvailles furent honteusement interrompues par d'inopinés personnages. Je zieutai discrètement au dehors et tentais de distinguer les ombres dessinées dans le manteau de la nuit. Un type plus petit que les autres, je suis presque certain que c'était lui. Au moment où il s'agitèrent, je reconnus sa démarche et le pointai du doigt en lançant un regard entendu à Andréa. Elle comprendra.

    Je me déplaçais en catimini sur la plateforme afin de suivre du regard le petit groupe qui semblait affolé en s'approchant d'un coffre. Les choses prenaient une tournure que je n'avais pas prévu. Pourquoi fallait-il toujours que mes plans se cassent la gueule ? peut-être parce que je n'avais jamais de PLAN ! si encore j'étais le roi de l'impro ça contrebalancerait...mais...non. Je lançais un long regard à ma partenaire. C'est vrai que je n'avais même pas eu le temps de placer la doloire là où je l'espérais avant qu'elle vienne me rejoindre. Tu parles d'une épreuve finale aboutie..

    Un bref coup d'œil autour de moi mais je n’y vis que du foin. L'affrontement était déséquilibré bien que je ne sache pas ce que vaille Andréa au corps à corps...armé. Le jeu était en quelque sorte arrivé à son terme. Elle avait trouvé la doloire. Il nous suffisait d'attendre qu’ils s’en aillent et on pourra s’échapper. Mais, lorsque que mon regard croisa le sien, je sus que nous n’allions pas en rester là.

    J’essayais alors de voir les choses sous un autre angle et me glissai progressivement sous les draps duveteux de l’obscurité à ses côtés. Nous n’avions jamais parlé de ça, après tout, ce ne sont pas des choses desquelles on parle sans bonne raison mais de mon côté, j’avais rarement ôté la vie à un autre. J’avais une approche particulière face à la colère. Lorsqu’elle me consumait, elle ajoutait systématiquement un carburant pour parfaire la flambaison : la honte. La seule fois où j’aurais dû laisser exploser ma rage et déverser ma haine je ne l’avais pas fait. J’aurais dû le faire pour elle, j’aurais dû me battre pour Clémence et je n’avais rien fait. Lâche. Ma vision se troubla et j’eus l’impression de perdre pied.


    -Ils n’ont rien pris...qu’est ce que ça veut dire ?
    -P’tet qu’ils voulaient faire passer un message
    -Tu crois que ça vient de la concurrence ?
    -J’sais pas...surement qu’est ce qu’on fait chef ?
    -On leur répond ! vous deux, restez ici et ne lâchez pas ce coffre d’une semelle. Je vais rassembler le groupe.

    Parmi les deux surveillants, il y avait le type au service une pièce. J’en déduisis que ce n’était pas lui le cerveau de la bande et ça ne m’étonnait pas plus que ça. Je lançai un regard à ma congénère du mal et arborais un sourire étrange, nuancé de tendresse, de folie et de noirceur. Sans crier gare, mes lèvres se plaquèrent sur les siennes. C’était violent et revigorant à la fois. Je lui indiquais de me suivre, le troisième type devait être loin à présent. J’avais le choix entre la vie et la mort, à ma gauche la doloire, moins létale, à ma droite “Reste en vie” , fatale.

    Les deux types nous tournaient le dos, je descendis de l’échelle le plus discrètement possible et les remerciait intérieurement de parler aussi fort. Ce n’étaient pas des professionnels, ils portaient une veste en cuir découpée aux épaules et une longue chemise beige par dessous. Ils avaient un fourreau de taille moyenne à la cuisse et il semblait mal ajusté, ce qui nous laisserait quelques fractions de secondes supplémentaires pour les prendre par surprise. Ils donnaient l'impression de roturier qu'on avait équipé pour l'occasion. Espérons que les apparences ne soient pas trompeuses.

    Le palpitant au bord des lèvres, l’adrénaline me gonflait de courage et d’excitation. Un dernier signe de tête et la doloire fut arrachée de ma ceinture. L’instant d’après , le dos non tranchant de l’outil s’abattit férocement entre les omoplates d’un gardien du coffre. Il s’écroula sur le ventre sur son trésor gardé, le souffle coupé, tandis que l’eunuque encore debout se para d’effroi. Il m’avait reconnu, j’en étais persuadé, je pouvais presque visualiser l’éclat de ses yeux qui s'éteignait.

    Regarde moi bien en face sale enfoiré. Ce que je n’ai pas eu la force de faire dans le passé, je le fais aujourd’hui.




Andrea___
    [ Même jour, même heure, même grenier à foin]


La vérité, c'est que je n'avais jamais eu idée de trouver l'eunuque. Croyez bien que moi, j'étais restée sur le fait de retrouver la doloire, idée rapidement abandonnée quand j'ai vu Hecthor dans le foin. Pour vous donner une idée de ce que ça me fait c'est comme... Imagine manger du canard, tu adores le canard. Mais là, le canard est servi sur un lit de pommes de terre persillées et personne ne t'oblige à le partager. Et bin voilà : Hecthor dans le foin, et moi j'allais pouvoir tout bouffer.
Enfin c'était le plan jusqu'à ce que les voix se fassent entendre. J'avais dit adieu au canard laqué qui m'attendait sur la table du domaine Alzo et adieu au canard haché qui gisait dans le foin.
Un regard à Hecthor, entendu, nous nous n'allions pas en rester là.

Je n'avais aucune idée de ce que lui pensait de tout ça, mais j'étais parcourue d'étranges fourmillements, des réminiscences du passé qui revenaient au grand galop. Le frisson, le vrai, venait de me gicler à la gueule comme une évidence. Tout en lui m'indiquait que je tombais dans mes travers, de son regard au sourire étrange qui animait ses lèvres à la lueur de son regard.
Oh je n'étais pas tombé en pamoison lorsqu'il m'avait embrassé, ce n'était le lieu, ni l'endroit, et toute mon attention était happée par les grouillots au rez de chaussée. Un choc électrique, voilà ce que j'avais ressenti en écrasant ses lèvres contre les miennes.



    [ Même jour, même heure, même entrepôt, rez de chaussée.]


Clairement, Andréa aurait attendu que ça se passe. La galipette foinée aurait attendu quelques heures et au petit matin, quand les gus du bas auraient quitté l'endroit, on aurait refait le kama-sufoin avant de rentrer tranquillement dans nos pénates. Moi dans la maison familiale surchauffée, lui dans sa cabane glaciale.
Mais la Colombe avait aussi très envie de descendre, oui, elle l'avait bien reconnu le gus en question et elle lui aurait bien fait manger son service trois pièces -elle ne sait pas que quelqu'un s'en ai déjà chargé v'voyez?-.
Alors que fait-elle?
Elle regarde Hecthor descendre en silence en ouvrant de grands yeux. Il est sérieux? Le bûcheron aurait-il oublié qu'il n'avait qu'un bras? Je crois qu'il m'achève définitivement lorsqu'il envoie la doloire dans le dos du mec, pour deux raisons : C'est MA doloire déjà, ce truc est à moi, j'en ai besoin pour mon métier tout ça, mais en plus il balance MA doloire du côté non tranchant? Mais putain Hecthor, qu'est ce qui ne va pas chez toi?

Faut voir le bon côté de la chose, le gus s'écroule sur son coffre. Mais il vivant si j'en crois le souffle de boeuf qui sort de ses lèvres, Hecthor, petit Hecthor, tu es un débutant. La langue claque au palais alors qu'elle rejoint elle aussi la scène du mi-crime.
Elle se plante à côté d'Hecthor pour aviser le violeur et lui fait un petit signe de main accompagné d'un sourire légèrement salace qui signifie poliment "et coucou bel enfoiré, moi aussi je suis là", histoire qu'il comprenne bien qu'il est fait comme un rat mort.

Alors oui, ça aurait été super simple de s'approcher du gus au coffre et de le saigner, se farcir le petit grisonnant aurait été une formalité, on est deux -enfin un et demi- et lui est tout seul mais...

Mais la dague est saisie et pointée vers Hecthor a qui Colombe balance un regard un peu blasé.


- Nan mais tu savais? Tu savais qu'il y aurait du monde?
Est-ce que c'est le moment de faire une scène de ménage? Non.
Est-ce que la Colombe s'en tape le coquillage? Oui, reprenons.

Un rire s'échappe d'entre ses lèvres alors qu'elle secoue la tête, elle ne capte pas le regard d'Hecthor, c'est à peine si elle se demande pourquoi le petit grisonnant est en train de se pisser dessus. Elle s'approche du gus au coffret et lui choppe fermement la tignasse pour le regarder dans les yeux.
Il y a quelque chose de beau dans les yeux de ceux qui comprennent. On pourrait presque voir le moment exacte où les neurones se touchent, synapses en pleines transmissions. Et puis c'est l'étincelle. Quelle que soit la nouvelle, CE moment précis est beau. Quand ils apprennent qu'ils vont devenir père, quand ils comprennent que la maladie gagne du terrain, quand les illusions s'envolent et laissent place à des certitudes.
Cet instant dure quelques dixièmes de secondes, c'est fugace, un tout petit "clic" avant qu'une émotion prenne toute la place. Du bonheur, de la tristesse, de la colère, les sentiments mangeront tout et on oubliera jusqu'à l'existence de cet instant. Moi, je vis pour ces moments, pour ces instants volés au temps, une seconde, suspendue, qui n'appartient ni à hier ni à demain, il n'y a rien de plus "présent" que cette seconde là.

Et de celle-ci je me repais, il sait. J'ai la certitude qu'il sait que tout est terminé. J'ai pris la décision il y a des années de ne plus JAMAIS laisser quelqu'un qui en savait trop en vie, motivée par l'idée de ne plus jamais revivre ce que j'avais vécu avec Aertan.
Je jetais un coup d'oeil fugace à Hecthor pour appuyer ma pensée, il avait ce je ne sais quoi que je ne lui connaissais pas. Une étrange lueur qui me fît froncer les yeux. J'avais jeté un oeil à Hec', et ce fût ma seule erreur.
Gus se levait et tapait mon poignet pour me faire lâcher la lame, un coup de genou à son visage et je m'accrochais à sa nuque le temps de prendre la seconde dague. Je mangeais un coup de tête dans l'arcade, reculais en essuyant le sang qui déjà perlait. L'adrénaline, celle qu'on espère et qu'on déteste prenait possession de moi. J'espérais qu'Hecthor s'en sortirait, au moins le temps que je m'occupe de celui ci. Le gus se dressait face à moi, un fléchissement et la main libre lui balançait du sable dans les yeux, c'est informel, ce n'est aps très catholique comme manière de faire et vraiment pas loyal, mais qu'y a t il de loyal ici?
Tuer, ou ne pas tuer, il y a toujours des gens capables de réfléchir dans l'urgence et ce n'était pas mon cas, surtout après plusieurs mois loin des combats, la dague s'enfonçait plusieurs fois dans le flanc de mon adversaire. Le fer entre et sort dans le poumon du Gus, il en dégueule du sang mais peu importe, ce n'est pas ça qui la dérange, ni le fait que ça soit elle qui tienne la dague mais bien... Le fait d'y prendre plaisir.


- Ils sont là, bougez-vous!

Un regard à Hecthor pour voir où il en est et un second, plus long, plus...bleu. Acier dans les Prusses. Parce qu'il va falloir agir, et si possible, le faire ensemble.
Hecthor.
[Vers l'infini et l'au delà]

    Le temps se suspendit et la fureur, la tristesse, la rancœur, la honte et la culpabilité se déversèrent en un flot démentiel dans le regard du violeur. Mes pires pensées semblaient vouloir jaillir des pores de ma peau et venir transpercer les siens. Je revoyais cette image du passé, la géhenne que ses cris m’infligeaient, et seule la rage dépassait le sentiment de dégoût vis-à-vis de mes actes de lâcheté. Ma folie me criait vengeance, la raison savait qu’elle ne me la ramènerait pas.

    Il n’aura pas fallu longtemps pour que le combat entre Elle et lui ne dégénère. Tu pourrais pas faire les choses proprement dit ? Il fallait vraiment faire tout ce raffut ? et quoi ? tu te noies quelques secondes dans mes magnifiques azurs et tu as les cuisses humides ? Tout se passa très vite, j’aurais voulu te venir en aide mais il fallait que tu te décrasses ma vieille. Tu t’en sortais plutôt bien, je plussoie le coup du sable, c’est perfide mais rudement efficace. Je suis ton premier fan, allez met lui une branlée !

    Je gardais évidemment l’autre type avachi sur le coffre à l’oeil. Il lança une tentative de redressement mais cette fois-ci, j’abattis la doloire à l’arrière de son crâne. DONG ! Un filet de sang s’échappa de ses cheveux poisseux, y serais-je allé un peu fort ? Je me souvins alors de mon propre crâne ouvert suite à une lamentable chute dans la Vienne.
    Je dégageais son corps en le poussant du plat de la botte et me penchai par-dessus le coffre. Je ne comprenais pas pourquoi ces types tenaient tant à ce truc, il était vide. Je tapais le fond du bout du manche de la hache et ça sonna creux. Un double fond. La curiosité me poussait à vouloir découvrir ce qu’il renfermait mais les renforts rappliquaient. Adieu mon trésor !

    J’observai longuement l’auréole ensanglantée qui se mêla à la terre sous le cadavre aux pieds de Déa. Je partis dans une intense réflexion, tué ou autre tué. Être ou ne pas être. Qui suis-je pour ôter la vie d’un autre ? quelle prétention de donner la mort, moi, simple mortel. Me prenais-je pour un Dieu ? au lit peut être...tiens demandons à Andréa...Non mais comme si j’avais pris le temps de penser à ça ! Vous m’avez pris pour un "philosophe sanguinaire” ? Pas le temps de rêvasser, ni une ni deux, j’avais pris le poignet de la brune afin de prendre la poudre d’escampette par l’arrière.

    La porte du fond fut défoncée à grand coup de savate, ça servait d’avoir le physique d’un bûcheron parfois. La serrure sauta et le vantail se fracassa sur le mur extérieur. J’entendis les bruits de pas derrière nous, à leur voix j’en devinais trois.


    - Ils passent par l’arrière !

    Bande de petits coquins...
    Je sautai par-dessus un buisson, c’est surement à partir de cet instant qu’est né le 110 mètres haie, et dévalai à grandes enjambées la pente qui s’enfonçait dans la forêt de feuillus jusqu’à atteindre un ruisseau. Le souffle court, le bras rendu douloureux par les chocs, je tournais la tête vers Andréa qui se ramenait. Si tu as une idée c’est maintenant :


Andrea___
La seule chose que je fais proprement, c'est la cuisine. Faut dire qu'en ne touchant à rien c'est plutôt simple. En même temps à moins d'utiliser une arme qui se lance et se plante entre les deux yeux de mon adversaire, je ne vois aucune manière de l'abattre proprement. Et je suis nulle en lancer. Vraiment très nulle. La seule fois que j'ai tenté de me servir d'une arbalète -sans la lancer hein, mais le carreau oui-, j'ai malencontreusement embroché DEUX hommes qui m'en veulent encore, alors ne m'en veux pas si je préfère le corps à corps, de toutes façons tu es bien placé pour le savoir. Aaaah, je t'aurais lancé un baiser dans les airs si j'avais pas été occupée avec ce pauvre type.

Après la folie j'avais posé mes yeux sur Hecthor, il semblait absorbé par la tâche de sang qui maculait la terre. Il avait ce je ne sais quoi qui le rendait soudain vulnérable, comme s'il prenait soudain conscience que oui, nous venions d'abattre ces deux là. Je ne saurais dire s'il était soulagé ou simplement coupable, il semblait se poser tout un tas de question auxquelles je ne pourrais pas répondre -parce que je les entends pas, CQFD, m'enfin j'aurais bien aimé vous dire ce que je pensais de lui niveau plumard... Mais je suis bien incapable de répondre à ça aussi, parce que je n'ai JAMAIS eu droit de vérifier ses performances dans un lit. Est-ce que ça me gênait? Bien sûr que


-Ils passent par l'arrière !

Que vous ne le saurez pas, parce qu'on est sauvé par le gang !
C'est ensuite que je vis la plus merveilleuse invention : le saut de haie. Bon, heureusement pour nous l'histoire n'a retenu que le fait que le mec part en courant et saute par dessus une haie. Parce que si toute l'histoire avait été gravée, y a des athlètes qui auraient eu l'air bien bien con à courir avec un bras en écharpe!
Non je ne me moque pas. Je dis juste que parfois y a du bon dans le fait de ne pas pouvoir voir le ralenti Jean-Pierre. Et heureusement parce que sinon on devrait s'étaler sur le fait que l'homme, petit animal bûcheron à la patte brisée, se barre... en solo. Oui m'sieur Dame, il se barre faire son épreuve TOUT SEUL. Ah avant d'ouvrir la porte il me cramponne la menotte y a pas de soucis, mais une fois la porte ouverte -très belle ouverture, 10/10- il se barre.
Et si j'me suis dérouillée en claquant la gueule de mon gus un peu plus tôt, j'ai un peu plus de mal niveau endurance. Crois bien Hec' que si j'avais tenté de sauter par dessus la haie, moi j'me la serais mangée en pleine poire, et je n'ai pas prévu de mourir ni ici, ni comme ça.
Pourtant je sens bien que ça me chauffe au cul, j'entends bien les pas de ceux qui nous ont surpris et surtout je sais qu'ils ne mettront pas longtemps à nous rattraper. Hecthor parce qu'après sa prestation devrait douiller sévère, et moi parce que si j'ai des poumons de taille plus qu'honorable, ils ne tiennent pas la distance.
J'arrivais près d'Hecthor quelques secondes après, la main sur la hanche pour apaiser un point de côté en le fusillant du regard.


- Tu l'savais qu'on aurait de la visite?

Nan parce que je t'ai posé plusieurs fois la question mais tu ne m'as toujours pas répondu. Alors oui, je sais, que ce n'est toujours pas le moment et que tu n'auras probablement pas le temps de me répondre parce que j'entends bien les autres approcher MAIS tu dois comprendre que je ne suis pas du genre à lâcher l'affaire.
J'ai pas d'idée. J'ai aucune idée. Je sais juste qu'on s'est mis dans de beaux draps et qu'on ne pourra pas vraiment en profiter comme j'aurais voulu. Quelques instants plus tard et alors que je regarde l'Un et les autres, je comprends qu'en fait je n'ai pas à avoir d'idées. Parce que je SAIS qu'il n'y a plus d'autres alternatives. Ils m'ont vu, moi. Ils me retrouveront un jour ou l'autre. Limoges est petit et il n'y a pas cinquante brune capable de tuer. Et s'il y a bien une chose que la vie m'a apprise, de la plus dure des manières, c'est que je ne laisserai plus la vengeance diriger ma vie.

Alors le temps se suspend le temps d'un baiser. D'une paire de lèvres qui en écrase une autre. C'est dur, c'est ferme mais tu comprendras probablement tout ce que ça signifie. Un regard lourd se pose sur Lui alors qu'elle se redresse, dagues en mains.

-Pars.

Tu es blessé, pars va chercher de l'aide, éloigne toi de tout ça. Reste en vie. Mais moi je ne fuirais pas. Je ne suis pas de celles qui fuient contre le danger. Je fuis déjà bien des choses.

- Bah alors mes petits poulets, on cherche quelqu'un?

J'aurais bien ajouté " moi peut être?" mais ça aurait été un peu prétentieux. Bon, ils sont deux, pas très costaud. Le troisième semble en retrait, bien plus jeunes que ceux qui se sont arrêtés à quelques mètres de moi. Je n'ai pas le temps d'analyser plus que ça, déjà le premier s'avance et semble fondre sur moi comme s'il voulait m'écrabouiller. Erreur, je suis agile comme une Colombe -comment ça ça ne se dit pas?-, un coup de dague vient se planter contre son cou. C'est propre, c'est net. Et je ne sais pas si je l'avouerais un jour mais c'est un putain de coup de chance.
Au suivant!
Hecthor.
    Je ne pus m'empêcher de tirailler un sourire moqueur en la voyant se carapater à bout de souffler. Il fallait vraiment que je te décrasse mémère, que je passe le plumeau sur la couche de poussière qui t'étouffe, que je te retire l'édredon chaud et douillet qui te plonge dans une stase onirique. Tu n'étais pas vivante bien que tu sois en vie. Tu le sais.

    Je ne répondrai pas à sa question pour deux raisons. Trois. De un, la réponse me semblait évidente. J'avais prévu qu'ils soient deux ou trois tout au plus, qu'on règle le compte de violeur, qu'elle récupère la doloire, que le jeu prenne fin et que je puisse glisser mon corps chaud entre ses cuisses. De deux, j'avais envie de la faire mijoter, par simple trait d'emmerdeur. De trois, plus tu me poses une question et moins j'ai envie d'y répondre.

    Mes lèvres entrèrent en contact avec les siennes violemment. L'échange n'avait rien de suave ou de langoureux mais il appuyait une force de conviction qu'elle souhaitait me transmettre par ce biais. C'était évident. Certains communiquent par ultrasons, d'autres par mots, d'autres par signes et bien figurez vous Notre espèce communiquait par baisers visiblement. Heureusement que je n'étais pas présent à leur mariage, la communication se serait avérée cocasse et pas au goût de tous.

    "Pars" ? tu me demandes de partir ? est-ce que tu as complètement perdu la tête ? est-ce que l'adrénaline du combat te fait pousser des ailes au point de te sentir surpuissante ? je ne crois pas. Tu veux m'épargner mais sois pas idiote, tu ne serais pas partie toi non plus car tu détestes autant que moi ces sentiments de lâcheté et de culpabilité. J'ai été lâche, j'ai fuis à de nombreuses occasions. La première et la plus violente remontait à l'incident Clémence, une plus récente remontait à la fois où j'avais quitté la ville, comme tu le feras dans quelques jours. Dépassé par ce qui me tombait sur le coin de la gueule, j'avais pris la poudre d'escampette en pensant que l'éloignement m'aiderait. Ce n'était pas tout à fait faux, même si je devais aussi une part de ma guérison à Candice. J'étais revenu, prêt à affronter ce que je pensais insurmontable, j'ai à nouveau pris des coups mais je tiens encore debout, avec un bras invalide certes.

    En parlant de celui-ci, il était évident qu'il était un handicap de taille. Je m'étais entraîné bien des fois au rocher du loup à manier ma lourde hache. Il était très difficile de ne pas se faire emporter par l'inertie des coups et je partais souvent en déséquilibre. J'avais essayé de renforcer les muscles de mon avant bras, de rigidifier mon corps en m'entraînant comme un acharné sur un malheureux tronc fissuré de multiples entailles à ce jour. Les courbatures étaient devenues mon quotidien mais je ne parvins malheureusement pas à maîtriser mon arme de prédilection avec une seule main. J'avais bien des fois crié ma frustration et entretenu la légende du loup qui hurle sur ce rocher. Conscient de mes faiblesses, je savais que je n'aurais qu'une petite fenêtre pour agir et le droit qu'à un seul coup.

    J'acquiesçai vers Andréa et pris les jambes à mon cou. Juste le temps de sortir du champ de vision des deux types qui fondaient sur elle. Un grognement guttural étouffé dans un gargouillis me hérissa les poils mais je me convainc que ce n'était pas elle qui était tombée. Je n'avais pas le droit de douter. Je fis un demi tour serré derrière un tronc centenaire et me propulsai aveuglement vers le coeur de la bataille. S'il en restait deux, j'étais cuit. C'était quitte ou double.

    Je m'élançai comme un forcené vers eux et je n'eus que quelques secondes pour analyser la situation. Un type à ses pieds (c'est monnaie courante ça), et l'autre qui se jetait sur elle. "Reste en vie" fut dégainée et je lançai tout mon corps dans cette attaque. Je me jetai littéralement en avant dans un mouvement circulaire, le tranchant de la lame vint sectionner la jambe de l'agresseur et, emporté par la violence du coup, je réceptionnai mon plongeon sur mon épaule valide. Après quelques roulés boulés, je me trouvai face contre terre à bouffer les feuilles. Mon coude avait pris quelques chocs mais rien de bien douloureux, ou alors c'était l'adrénaline qui couvrait le tout. Je me redressai vivement et les cris stridents venus d'un autre monde rompit le chant paisible de la nature.
    Le pauvre type se tenait le moignon et on pouvait lire toute sa terreur dans ses yeux. Plus loin, gisait l'autre partie de sa jambe sanguinolente. Un travail net et sans bavure. Je n'ai jamais aimé faire ça et ça ne m'apportait rien de jouissif, au contraire, une boule âpre se forma au fond de ma gorge. Par pitié faites le taire.

    Le troisième type s'arrêta net. Les cartes étaient redistribués. Il était seul contre nous deux et il dut capter le regard que je fondis dans celui d'Andréa. Une complicité naturelle et immuable se dessinait entre nous. Un sourire malsain naquit au bord de mes lèvres lorsque mes azurs foudroyèrent l'assaillant qui prit les jambes à son cou. Je barrai la route à Andréa en tendant mon bras.


    - Laisse le, ce n'est qu'un gamin. Tout est fini., le sang a assez coulé.

    Si je savais à cet instant l'erreur que je venais de commettre...
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