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[RP] Vran

Vran
Eveil.

La torpeur avait duré un moment, mais il en était désormais sorti. Il se se réveillait, sans avoir vraiment sommeillé. Cela avait dû durer deux, trois semaines? Il ne s'en souvenait pas vraiment. Il fut bien trop occupé à subir le tsunami implacable de ses émotions. La tristesse de voir de nouveau ce même aspect de son existence imploser malgré tous les efforts qu'il avait fourni. La déception d'être de nouveau trahi, pas si différemment de la précédente fois. L'humiliation aussi, de s'être fait avoir, encore, par la même personne.
Un deuil à faire.
C'était une expérience qu'il avait déjà vécu. Pourtant, ça n'avait rien changé. Il ne s'était pas senti préparé. Peut-être à cause d'éléments qui n'existaient pas dans la première occurrence.

Il avait donc eu besoin de temps pour digérer le tout. Un bon gros sandwich à la merde.
Durant cette période, il avait cessé d'exister, d'une certaine manière. Loque frôlant l'immobilisme total, dont les actions se limitaient à boire, et à manger parfois. Enfermé dans un petit navire bloquant le port, épine dans le pied du chef de port du coin. Bercé par un léger roulis ainsi que par les sombres pensées qu'il ruminait inlassablement.
Jusqu'à ce que un à un, ces sentiments s'estompent comme s'ils n'avaient jamais existé, comme une étoile filante qui n'apparaît que le temps de laisser une trace éphémère dans le ciel.
Effacée, la tristesse. Disparue, la déception. Terminée, l'humiliation. Tout ça s'était éteint.

Enfin pas vraiment.

Au contraire, même.
Tout ça avait plutôt fusionné. Concentré en un carburant, du pur gazole destiné à alimenter sa rage qui s'était justement allumée pour remplacer tout ce qui n'était plus là. Il n'y avait plus rien d'autre. Juste une colère sourde qui le poussait à se mouvoir de nouveau. Qui lui consumait le cœur, lui brûlait les poumons. Il avait fait le second choix.

La première fois, une fois son deuil plus ou moins fait, il s'était posé une simple question: Est-ce que je dois me tuer, ou est-ce que je dois tuer tous les autres?

Il était mort mais en était revenu. Première solution testée, il n'en restait plus qu'une.

Il avait passé un certain temps dans sa cabine, sur son navire, à hurler sa furie tel une bête sauvage. Puis le silence avait retrouvé ses droits. A partir de cet instant, il avait sa mission. Un objectif, simple: tuer Andréa.
Car c'était elle la cause de son tourment.

Trahison.

Ils avaient douillé, tous les deux. Mais au fil du temps, et des efforts communs, ils étaient parvenus à reconstruire quelque chose. Ils s'étaient débrouillés pour repartir du bon pied, et ça n'avait pas été une tâche aisée. Ça n'avait pas été facile, non. Il y eut quelques disputes, des accrocs. Mais tout ça les rendaient plus forts. Du moins il le pensait.
Ils s'étaient remariés. Mais surtout, ils s'étaient enfin mis d'accord sur un point central: avoir un enfant. Enfin, comme un miracle inespéré, il en ressentait le désir. Les affaires terminées, ils avaient pu s'y mettre et furent rapidement exaucés. Malgré quelques points noirs sur le tableau, il était heureux.

Puis soudainement, simplement par écris, elle avait annoncé vouloir s'éloigné, probablement pour une semaine. Il avait détesté la chose. Mais il finit par accepter, et avait demandé à son épouse de lui revenir sauve.
Elle lui avait promis de revenir. Elle lui avait promis qu'elle ne le quittait pas. Elle lui avait promis de tout faire pour garder l'enfant dans son ventre en sécurité.
Puis elle n'est pas revenue. Puis elle l'a quitté. Puis elle lui a proposé, comble de l'insulte, un crachat à la gueule, d'enterrer les restes de ce qui devait être leur fierté.

Avec toujours les même excuses. Ces fantasmes d'une liberté idéalisée. Avec toujours la même raison par dessous. Se faire horizontaliser par qui elle le voulait, Archibalde le premier.

Vengeance.

Voilà la seule chose qu'il avait en tête. Tuer Andréa. Détruire tout ce qu'elle aimait au passage, si possible. Et éliminer le moindre obstacle qui se dresserait devant lui, quel qu'il soit. Peu importe le coût. Peu importe les méthodes. Le reste n'avait aucune espèce d'importance à ses yeux. Car personne n'a le droit de vivre après s'être foutu de lui de cette manière par deux fois, et encore moins après avoir assassiné son enfant.

Alors, il était sorti de la cabine, et avait remis le pied sur la terre ferme. Il avait besoin d'indices, pour le moment, et elle lui en avait laissé peu. Mais il avait eu de la chance. Un coup de pousse inattendu, comme un signe des dieux, que c'était bien là sa destinée que de porter son courroux au plus haut et de mener sa vengeance à bien.
Johannes, ami et confident de la Colombe, ainsi que son épouse enceinte et leur fille, se trouvaient au même endroit que lui.
Il avait fini par coincer l'archiviste seul dans une taverne, armé d'un Mog qui s'approchait dangereusement de la taille adulte, lourde peluche capable de broyer un os de ses mâchoires puissantes, sur un simple sifflement de son maître.
Au début, il s'était montré avenant, espérant obtenir les informations qu'il voulait sans devoir dévoiler son animosité. Il avait rapidement compris que ça n'arriverait pas. Il avait donc envoyer son mâtin s'attaquer à la cheville du blond, en assaisonnant la chose d'une bonne avoine dans la tempe, le tout entrecoupé d'horribles menaces, qu'il comptait bien mettre à exécution s'il le considérait nécessaire.

Mais sa famille arriva avant qu'il ne puisse lui arracher ce qu'il voulait, et il avait fini par les laisser s'éclipser. Astana, même enceinte de quelques mois, pouvait se révéler être un adversaire dangereux. Mais surtout, il avait de nouvelles idées en tête.
Andréa lui envoya ensuite un courrier. Johannes l'avait prévenue, comme il s'y attendait. Elle lui donnait sa localisation, et lui demandait de les laisser en dehors de cette histoire. Il décida d'ignorer l'aveu, au cas où il fut faux, et finit par y répondre.





Non


Il préférait s'assurer de la véracité de la chose en vérifiant l'information directement auprès de l'archiviste. Quitte à offrir sa fille en pâture à son chien en le forçant à regarder. Et puis, si la brune s'inquiétait de son arrivée et de ce qu'il pouvait faire sur la route, c'était tant mieux. Mais il laissait l'occasion à une autre méthode de fonctionner, avant. C'est pour cette raison que tous les jours, tous les soirs, il pistait la petite famille. Ils finiraient par partir, et il pressentait que ça serait pour retrouver sa cible. C'est pour cette raison qu'il déambulait dans les rues sombres de Bordeaux en cette belle soirée d'été, faussement hasardeux. Presque invisible dans le paysage, observant Johannes, Astana et Hazel. Le privilège de ceux qui ont été criminels dès l'enfance.

Petit pas après petit pas, Andréa, je me rapprocherai de toi. Puis je te trouverai. Et je te tuerai de mes propres mains. Je te le promets.

Car on ne réveille pas la colère de Vran sans en pâtir.

_________________
Jhoannes
Hier, c'était hier, et hier, c'était déjà loin. Alors une semaine passée depuis son, charmant, et instructif, tête-à-tête avec Vran, pour Jhoannes, c'était comme si ça datait d'un siècle. Oh sa cheville s'en souvenait encore, surtout sur les rues en pente, et les menaces glacées avaient laissé leur marque dans son cœur. Mais personne n'était venu en murmurer le rappel à son oreille, et leur poids se dissolvait comme du sel dans l'eau des pâtes. Il croyait à la rage passagère, qui fait jacter des choses horribles, et n'envisageait pas qu'on puisse vouloir mettre en acte ses pulsions les plus crades. Pourtant, il avait déjà croisé le chemin d'un fou, qui avait vrillé dans l'impensable. Mais s'inquiéter pour du vent, il aimait pas ça. Alors il avait relégué l'angoisse dans les fonds de tiroir, et laissait Caillou, son intendant mental, s'occuper de trier les affaires qui puent.

Est-ce qu'il avait eu raison de réagir comme il l'avait fait ? Après coup, il pensait que non, c'était plutôt moyen, question instinct de survie. Mais sur le vif, il avait été guidé par son flair. Et il aurait pu le regretter, sincèrement, mais c'était comme se ronger les sangs pour du passé. Y a des trucs, qui se gomment pas, alors autant se laisser porter par la sainte brise. Bref, il était un peu couillon. Là, dans la rue, en ce moment-même, alors qu'il déconne avec sa fille, ignorant qu'ils sont en filature, il a l'air bien couillon, par exemple. Par nature, le blond, c'est un type plutôt arrangeant avec les autres. Avec sa femme, c'est encore une autre affaire, parce qu'elle le rend vite chèvre, et avec sa gosse, il est bien relou, parce qu'il espère en faire un être humain correct. Mais le reste du temps, il fait pas trop trop chier quand il faut filer des coups de pouce.

Dis Jhoannes, tu gardes mon nourrisson pendant deux mois ?
Vaz.
Hé, t'aurais pas des tunes pour me payer mon divorce ?
Bah ouais, combien tu veux ?
Tu m'escortes gratos jusqu'au prochain bled ?
Sûr, j'adore gambader.

Au fait, elle est où Andréa ?
Qui la demande ?

Vran. Vran, il le connaît pas tant. Un peu sur les contours, et un peu, pour avoir picolé dans la même pièce que lui certains jours. Et des bribes de réputations, que son oreille a récoltées sans le vouloir, et des confidences d'Andréa. Et rien ne va ensemble. Un portrait difforme, avec des couleurs rigolotes et des angles qu'on devine, plus flippants. Vran, c'est le gars avec qui il peut déconner, mais de loin, et avec un rire toujours un peu jauni dans le fond. C'est comme ça, quand t'échanges des vannes avec celui qui a tranché les doigts de ta pote. La conscience d'un pendant moins sympathique est tapie dans un coin. C'est un du genre qui peut basculer, aussi, dans la zone de l'impensable. Alors il quand le brun lui avait demandé de lâcher la destination vers l'Andréa promise, méfiance avait été de rigueur. Lorsqu'il avait reniflé que ses plans envers son ancienne dulcinée étaient animés par une intention pas bienveillante, il avait décidé de la boucler. Malgré lui. Au pif du garde-fou.

La nuit venue, bien pinté, après une séance d'encrage rituelle avec sa blonde, il avait prévenu son amie de l'affaire. La réponse d'Andréa avait été claire : casse-toi. Casse-toi de Bordeaux. Et il l'avait fait. Enfin il allait le faire. Si, il allait l'écouter. Quelques jours plus tard. Cette nuit, même. T'inquiète, Croûton, on se taille, on rentre au bercail, même qu'on a pas revu l'ombre du loup, ni même l'ombre de la queue du chien du loup. Tout baigne. Les rages se passent. Puis moi, à Vran, je lui ai rien fait, au fond, il doit bien le sentir. Non ? Non, il basculera pas. C'est ça qu'il faut se dire, avec les humains, sinon c'est noir, y a plus d'espoir. Non, il va passer à autre chose. Aller mater les rapports de la prévôté, au pire, comme l'a suggéré la danoise. Se calmer en route et faire son deuil. C'est l'erreur tactique. Blondin il sait pas, que Vran, il a déjà basculé, des deux pieds, sur la route de la vengeance et que pas d'bol, son derche est sur le chemin.

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En noir c'est Jhoannes. En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil. Et gros merci à JD Griselidis pour la ban.
Vran
Un loup. Ça correspond bien, au final, même si lui-même se voit plutôt à la base comme un corbeau qui se moque du monde du haut de sa branche. Un loup solitaire, au pelage sombre. Et comme le dit fort bien l'adage, quand vous êtes face à un loup chassé par sa meute, la prudence est à l'ordre du jour*.

Pour le moment, le loup flaire et suit la piste. La petite famille semble vivre sa vie, sans avoir l'air de même se souvenir de leur rencontre violente avec Vran. Tant mieux. Il sera plus facile de tomber sur une cible peu méfiante. Surtout avec Astana dans le coin. Il ne pense pas être capable de vaincre la danoise au sommet de sa forme, dans un combat à la loyal. Mais enceinte, avec une fille à protéger dans les parages, et un gros chien dans le camp adverse, le tout saupoudré de la fourberie dont il sait faire preuve, il suppose qu'il peut s'en débarrasser. Mais dans l'absolu, il préfèrerait qu'elle n'entre pas dans la danse. En s'en prenant à Johannes en son absence, idéalement, ou en la mettant hors d'état de nuire avant qu'elle ne se rende même compte de sa présence.
L'archiviste, il sait qu'il peu le neutraliser sans trop de difficulté. L'homme n'est manifestement pas un adepte du combat, ni de la violence en général. Peut-être peut-il se montrer dangereux une fois poussé dans ses derniers retranchements, mais face à un adversaire aussi imprévisible, sans pitié et résistant tel que Vran, cela risque fort de ne pas suffire. Le gars ne paye pas vraiment de mine, même si en le côtoyant on peut se douter, et on aura vite tendance à le placer dans le panier des "pas dangereux".

Mais pour le moment, il se contente d'observer de loin. Il verra bien comment les choses se déroulent. C'est l'une de ses forces, il sait s'adapter. Ça lui a sauvé la peau un paquet de fois.
Enfin, un soir, le départ. De son abri d'obscurité, des yeux contemplent le couple qui rassemble leurs affaires. Lorsqu'ils sortirent de la ville, Vran se mit à les suivre, d'un peu plus loin qu'il ne l'était en ville. De loin, il était invisible. De moins loin, il ressemblait à un voyageur au pas tranquille, accompagné d'une grosse bête. C'est une fois en face de lui et à la lueur d'une flamme qu'on pouvait discerner la lueur étrange dans son regard.

Il ne fallut pas bien longtemps pour que le truand se rende compte que la route qu'ils prenaient n'était pas celle de Limoges. Là où Andréa devait se trouver, selon la lettre qu'elle a envoyé. Du moins, ce n'était pas la plus courte. Mais il s'adapte. Dans le doute, il ne peut pas prendre le risque de les suivre loin, vers une destination hasardeuse. Si il n'était pas certain un peu plus tôt, il venait de prendre sa décision: il enlèvera Johannes et le forcera à parler.
Ne restait plus qu'à attendre l'occasion idéale.
Celle-ci ne tarda pas à arriver. Le petit groupe s'arrêta au bord de la route, près des bois. D'un geste, il ordonna à son chien de l'attendre là. Si le besoin s'en faisait sentir, il suffirait d'un sifflement sonore pour que l'animal ne se jette dans la mêlée. Puis tranquillement, il avança vers la famille, en passant par les bois.
Ah. Une pause pipi. Quel manque de prudence. Andréa ne l'avait-elle pas prévenu qu'il faut toujours se méfier de Vran?

L'archiviste se soulage sereinement, isolé de son épouse qui est probablement sa seule chance de salut. Il ne se rend pas compte de l'ombre qui se glisse derrière lui en silence. Quand le pommeau d'épée s'abat sur son crâne, il n'a probablement toujours rien remarqué.
Vran accueil le corps inerte de sa victime avant qu'elle ne s'écrase bruyamment au sol et le hisse sur son dos. Plus tard, quand il sera assez loin, il se contentera de le traîner derrière lui. Mais c'est ainsi qu'il rejoindra son chien, avant de rebrousser chemin vers Blaye. Il a remarqué une petite maison qui semble abandonnée, hors de la ville.

Quand Johannes ouvrira les yeux, il se trouvera solidement attaché à une chaise et nu, dans une pièce aux meubles rares et en mauvais état, abandonnés aux assauts du temps. Il n'y aura aucune fenêtre, aucune lumière venant de l'extérieur ne passera. Seules quelque torches éclaireront la pièce. Et devant lui, assis sur un tabouret en face d'une table, il verra Vran, les cheveux raccourcis au dessus des yeux et occupé à se raser de près.
Il ignorera ce que le blond pourra bien dire, et ne s'intéressera à lui que quand sa tâche aura été terminée. Il ne répondra à aucune des questions qu'il pourra bien poser, se contentant d'énoncer le déroulement des événements d'un ton monocorde, en articulant bien.


Je vais te torturer, Johannes.
Tu as des informations que je veux, et tu vas me les donner. Et ça va prendre du temps. Parce que même si tu parles tout de suite, j'écouterai pas. Je te fais pas confiance. Alors je vais te faire du mal, même si tu me supplies d'arrêter en échange de réponses à mes questions. C'est seulement plus tard, passé un certain seuil de douleur atteint, que je te ferai confiance. Et là seulement, je recueillerai tes confessions.

Bien. Commençons.


Sur la table, Vran déposa une grosse pochette de cuire avant de l'ouvrir, dévoilant de multiples outils peu rassurants. Lames, pinces et autres aiguilles.

Tu sais que généralement, ceux qui pratiquent la torture ont une zone préférée sur laquelle travailler? Moi, je suis plus versatile. Je suis un peu un touche à tout.

Il ne le regardait même pas, alors qu'il parlait. Il examinait simplement ses outils, un à un, semblant indécis sur la manière de commencer.
Finalement, il s'arrêta sur une banale lame.


Je veux savoir tout ce que tu sais des actions d'Andréa durant le mois d'août.

Puis la lame commença à tracer des sillons rouges sur le corps de l'archiviste.

Et surtout, je veux savoir où elle est.

Depuis la cave de cette petite maison reculée, il était bien difficile d'entendre les cris de Johannes.


*Description de la carte "Louveteau dément", du jeu Magic the Gathering.

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Jhoannes
Blondin n'était jamais revenu au petit camp qu'ils étaient en train d'installer au bord de la rivière. On l'avait assommé pendant qu'il soulageait sa vessie, même qu'il en avait lâché la pipe au coin de son bec. Lâchée, mais pas cassée. Il avait rouvert les yeux dans une pièce pas très engageante, de base, un petit courant d'air frais dans les burnes et un Vran en guise d'hôte. Depuis quand qu'il était là et où qu'on était ? L'autre lui répondait pas. Cause toujours, je suis occupé à faire ma toilette. Sa première grosse trouille, c'était pour Astana et la gosse. Le rappel des menaces glaçantes sonnait le tocsin. Il la boucla juste avant de demander. Ses yeux furetaient dans la pièce. Elles étaient à côté ? Et si oui, surveillées par qui ? Vran avait bien vu, qu'elles savaient rien, les deux blondeurs. Puis ça se garde, une Astana. Faut des gens, pour ça. Et de ce qu'il en sait, Vran est seul. On devient pas aussi timbré, sinon. Al-

- « Je vais te torturer, Johannes. »

La nuque est renversée vers l'arrière. Il y a des mots, qui portent en eux un sens puissant. Torture, par exemple, c'est le genre de mot qui informe directement que les moments à venir ne pas être agréables. La marge de doute est inexistante.

Putain, mais faut toujours que ça me tombe dessus…

- « Tu as des informations que je veux, et tu vas me les donner. Et ça va prendre du temps. Parce que même si tu parles tout de suite, j'écouterai pas. »

Donc autant la fermer…
Attends, une zone de parole libre ça m'intéresse…
Dégage Caillou…

- « Je te fais pas confiance. »

Sympa...
Non mais sur le coup il a pas tort.

- « Alors je vais te faire du mal, même si tu me supplies d'arrêter en échange de réponses à mes questions. C'est seulement plus tard, passé un certain seuil de douleur atteint, que je te ferai confiance. Et là seulement, je recueillerai tes confessions. »

Merde, un papiste.
Non mais tu vois, Astan… Astana. Elle est en train de croire que je suis parti faire une balade champêtre ? J'suis là depuis combien de temps ? Ou que je l'ai abandonnée ? Putain, elle va penser que je lui ai refait une Bruges…
Non non… garde espoir, agenouille-toi devant la Tour du nord, et accroche-toi au chant d'Astana. Je vais…
Tu vas quoi ?

- « Bien. Commençons. »

Le regard parcourt les outils au menu, la gorge se noue. L'odieux pouvoir de l'imaginaire entre en action. C'est la première suée. Froide. Le champ des possibles de merde, dans une simple pochette.

C'est pour moi tout ça ? Bah fallait pas connard.

Tu vas quoi, Caillou ? Parce que Blondin, lui, il veut bien causer. Il est pas venu ici pour souffrir, ok. Et puis il pèse, les choses, entre elles. L'intégrité de sa carne contre des mots, c'est pas tant cher payé. Surtout qu'il a une famille, derrière. Et qu'Andréa a été prévenue.

- « Tu sais que généralement, ceux qui pratiquent la torture ont une zone préférée sur laquelle travailler? Moi, je suis plus versatile. Je suis un peu un touche à tout. »

Oh bordel. Pas ma bite. Elle est chouette et ma femme y tient. Tout mais pas ma bite.

- « Je veux savoir tout ce que tu sais des actions d'Andréa durant le mois d'août. »
- « Mais je vais tout te d… Humpf... »


Et puis Vran a commencé les festivités. Attaché à une chaise, t'as encore le droit de tenir les barreaux quand on te quadrille les côtes. Voilà, c'est la seule bonne nouvelle. Dans le crâne de Jhoannes, dans son château mental, un serviteur vert, a décidé de prendre les choses en main, et a bâillonné son maître. Le pont-levis se referme lentement. On sort quelques armes. Celles qu'on a sous la main, quand on est pas une montagne de muscles. Enfin celle.

Tu vas quoi putain Caillou ?
Te tenir la main, sur la route de Douleur.
C'est moi que j'entends crier ?
Oui. Tu viens de lui demander d'arrêter.

Et que vienne la colère.

- « J'ai r'çu trois pauvres lettres pendant l'mois d'août, j'étais, aahahaaaa... 'culé d'ta mère. Tu crois qu'elle m'a raconté ses parties de jambes en l'air avec le vieux ? Non, on s'évite les détails, Vran, mais j'peux les inventer… avec un chouille d'imagination... Hein là, sans doute qu'ils sont en train de faire la bête à deux dos, là maintenant, et sans doute qu'elle pense pas à toi pendant qu'il la fourre sec, et qu'elle est en train de gueuler son plaisir… »

Ta gueule… Ouh ça douille...

- « … alors que toi, pauvre minable de chiure de... AAAAAAH MAIS VA TE FAIRE CUIRE LE CUL, VRAN ! PAUVRE MERDE ! Krkrkrkr… t'auras pas été foutu de l'aimer libre, tu l'étouffes… Krkrkr, tu l'étouffes depuis des mois. Même qu'elle me l'a murmuré à l'oreille, un soir. Vran m'étouffe… Vran… Elle pouvait tellement plus supporter ta gueule qu'elle a fait passer votre gosse… D'après toi, elle est où, là ? »

Il renifle. Son corps tremble. Il a déjà cheminé loin sur la route de Douleur, il y a des années de ça. Des lieues plus loin. Mais on ne s'y fait jamais. Oui, qu'il a mal. Il sue comme un veau. Mais tu la voulais, non, ta vérité ? Toute crue, toute nue. Sans ambages et sans emballage.
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En noir c'est Jhoannes. En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil. Et gros merci à JD Griselidis pour la ban.
Astana
~ Environs proches ou lointains de Blaye ~
10 septembre


Bout de route. Coin de forêt.

Des plans simples de vie, un horizon proche et défini : un lapin pour quatre et demi, un bout de salade qu'a connu plus grande fraîcheur pour les escargots, un camp de fortune et roupillon à la belle étoile. Et zou. Ils sont pépouze, Sørensen et les autres. Sereins ou presque. Même sous les injonctions lointaines d'Andréa à se tirer fissa de Bordeaux, et que ça saute, ils avaient traînassé. On a bien le temps de s'encrer des talismans en pleine chair avant, non ? De se chuchoter des horreurs au clair de lune. De dévoiler au fruit de nos entrailles communes que non, j'ai pas gonflé parce que j'ai mangé trop de pains au lait, mais parce que j'attends une seconde version de Johannes + Astana = ? Sans doute que s'ils avaient eu la carafe sortie de pause estivale, ils auraient adopté la mine grave de ceux qui se sentent en danger. Qu'ils auraient plié bagage et détalé. Mais l'autre fracassé du bulbe, là, s'était fait oublier et avec lui, la promesse glaçante d'un déluge. Le gros nuage gris s'était fait la malle. Qu'ils croyaient. Les idiots.

Le périmètre du camp établi, chevaux mis au repos, feu allumé et lapin calé à chauffer, tous vaquent à leurs occupations. Ils ont encore une poignée d'heures de jour devant eux. Athelstan chantonne ses conneries habituelles et familières, Johannes part en échappée dans les bois, mère et fille construisent un enclos pour Myrtille et Groseù. Les limaces qu'ont une maison sur leur dos. A qui il faut quand même un enclos fait de brindilles, des remparts, qu'on les perde pas ni les confonde avec ceux du dehors. D'ici leur retour à Limoges, la danoise en est sûre : ce troupeau baveux se sera agrandi de quelques paires d'antennes supplémentaires. Enfin si eux, les darons foireux et magnifiques, parvenaient à pas écraser les protégés de leur fille. Le temps passe, le ciel de fin de journée perd une teinte. Le roussâtre en a fini de pousser la chansonnette, Hazel vient à peine de déclarer qu'elle cédait ses légumes aux mollusques, et puis ouais quoi, c'est cuit. On a la dalle, par ici. T'es où, Blondin ?

Les appels à Johannes se succèdent et ne se voient rien répondre.


- « Mangez tranquilles. J'vais le chercher », balance la blonde sur un ton léger en arrachant un bout de chair cuite qu'elle se fourre dans le bec.

Clin d’œil pour Hazel. Tu connais ton père. Il a dû suivre un papillon, ou taper la discute avec une grenouille au bord d'un cours d'eau et il aura pas vu le temps passer.

La ferrailleuse mère disparaît entre les arbres et fatalement, s'éloigne du campement. Un peu au pif, à l'instinct, vers l'endroit où elle a vu son époux se diriger pour la dernière fois. Pister pour quoi faire ? Tu dois pas être bien loin. Elle garde l'esgourde à l'affut d'un écho de voix, mais ne distingue au loin que l'accent chantant de l'anglais, le rire clair de sa fille et l'eau qui court dans son lit. Par réflexe, Astana se marre aussi. Parce qu'elle pense, bêtement, à une partie de cache-cache improvisée. Va pour le jeu. Elle est persuadée qu'il l'observe et qu'il va surgir de derrière un tronc incessamment sous peu pour la surprendre et lui lancer une vielle vanne pourrave. Bien leur genre.


- « Juste pas les doigts dans les côt- »

Crac.

Oula, elle a un relief chelou c'te branche. La grisaille s'abaisse à niveau de ce qu'elle vient d'écraser et tique. Fort. Pourquoi ta pipe est par terre, Blondin ? Et pourquoi il y a des restes de chaleur, dans le foyer ? Tu l'as laissée tomber de ta bouche ?


- « Johannes ? Marjo. Arrête. »

Elle recule, doucement, à mesure que la réalité fait son petit chemin dans son cerveau. Blaye n'est pas Bruges. Évoquer Marjo n'a fait apparaître personne. Ceci n'est pas une blague, ni un exercice. Hazel. J'ai pété ta pi- Une terreur sourde, froide, s'installe. Lorsqu'elle se repointe aux abords du camp, Astana est pâle. Pâlement résignée. Il faut un battement à Athelstan pour la rejoindre près du bosquet. C'est pas long. A sa mine, il pige que les vacances sont finies.

- « Qu'est-ce qui s'passe ? »
- « Tu laisses tout en plan, tu l'emmènes à la prochaine ville. »
- « Johannes il est où ? »
- « Il a... Je crois qu'il a été pris. Il est pas là. Nulle part. »
- « T'es sûre ? »


Pipe montrée en guise de réponse. Il pince les lèvres d'un air entendu.

- « T'devrais p- il ne finit pas sa phrase, il sait, au fond, que rien ne sert de batailler. J'lui dis quoi ? », qu'il demande en désignant Hazel, insouciante.

Rien. Tu dis rien. Tu rassureras plus tard. C'est moi, qui... Oh putain. Inspiration. Je vais encore devoir casser ma fille. Rien que cette pensée-là lui fout la gerbe, ça lui vrille les tripes. C'est dégueulasse, de faire ça à son enfant. Mais j'ai pas le choix. Je peux pas mentir encore. Si on revient pas, autant que tu saches pourquoi. Qu'on t'a pas abandonnée. Qu'un connard a décidé de se la jouer rapt de Perséphon. Viens-là, mon chat, que je te recale une mèche derrière l'oreille et que j'te serre fort. Pardon. Pardon d'avance, de devoir être rude et expéditive. On a pas le temps pour les explications détaillées. Il faut que je profite des restes de jour pour retrouver sa trace. Le récit est bourré de mots moches, mais le plus moche d'entre eux reste un prénom : Vran. Et comme elle boucle l'épisode en haussant sa gamine sur le canasson monté par Athelstan, y'a une promesse qui sort avant qu'ils ne filent à petit galop.

- « Je te promets de tout faire pour le ramener. Jeg elsker dig. »

Je peux pas faire mieux. Pardon.

Rideau.

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Vran
Vran ne connaissait pas bien l'archiviste. Il avait bien une certaine image mentale de l'homme, faite des impressions qu'il en a eu en le côtoyant un peu, et des indices laissés par Astana ou Andréa. Mais somme toute, il l'appréciait. Selon le truand, ils avaient une chose en commun: le talent pour puiser dans leurs forces, afin de compenser leurs faiblesses. Alors dans le fond, il espérait que le blond parle, et vite. Il souhaitait rendre un Johannes pas trop en mauvais état à sa famille. C'est pour cette raison qu'il avait rapidement choisi de réserver les supplices les plus handicapants pour la fin, en dernier recours.
Mais il ne comptait pas arrêter tant qu'il n'avait pas ce qu'il voulait. De même qu'il savait que pour la danoise, il était probablement déjà trop tard. Il s'attendait à ce que cette dernière souhaite se venger, et n'hésiterait pas à éliminer la menace si il le devait. Et s'il le pouvait, si on reste honnête.

Il coupait, donc. Une entaille par ci. Une autre par là. Lentes, histoire que le blond ressente chaque instant de la séance.
Quant aux provocations, Vran n'y prêta pas vraiment attention, bien qu'elles finirent par lui arracher un petit sourire. Jusqu'à ce que finalement, il réponde enfin.


Je sais déjà tout ça, Johannes. Peu m'importe ce qu'elle fait avec l'italien.

L'italien. Il regrettait de l'avoir laissé en vie. Quand il avait interrompu le premier mariage des deux piafs pour embrasser la mariée, il s'était contenté de lui briser le genou, par égards pour l'amitié qu'il entretenait avec elle. L'amitié. Tout ce qu'il avait fait, c'était laissé l'homme qui contribuerait à briser leurs liens. Oh, il savait que le tuer aurait probablement mit un terme à leur mariage avant même la fin de la cérémonie. Mais pour ce que ledit mariage lui avait apporté, ça aurait probablement été une meilleure issue.
Corvidé comptait bien corriger cette erreur. Archibalde était également sur sa liste. Pour corriger une erreur, donc, mais aussi par vengeance. Mais surtout, pour faire souffrir la Colombe. Il souhaitait qu'elle perde tout. Qu'elle se retrouve sans rien, dépossédée par ses choix. Désormais, il sera dangereux de croiser la route de Vran pour tout ceux qui aiment ou sont aimés par Andréa.


Qu'elle baise tout son soûl. Qu'elle hurle son plaisir, même, ça m'aidera à la retrouver. Tu peux à peine imaginer comme j'aimerai les retrouver au lit ensemble. Pour leur offrir la mort, après la petite.

Les mots de Johannes, fut un temps, auraient pu le mettre dans une rage insensée. Sa conscience aurait été jetée dans une cage au fond de son être, et la bête aurait pris le contrôle. Et le blond serait mort, violemment. Mais maintenant, Vran ne ressentait plus le moindre sentiment pour la brune. Uniquement un brûlant désir de vengeance. Et sans un reste de sentiment pour le motiver, aigrefin n'avait plus de raison de perdre le contrôle. En fait, ça ne faisait que renforcer sa détermination.

Ce que je veux savoir, c'est si elle a eu de l'aide pour assassiner mon enfant, et si oui, par qui. Je veux savoir si je dois m'attendre à la retrouver entourée. Je veux savoir si elle compte voyager, et pour aller où. Je veux connaître ses projets.

Voilà, ce qu'il voulait. Il n'était pas là pour se trouver de nouvelles raisons de haïr son ex épouse. Il était là pour obtenir des informations stratégiques, pour mener ses projets de revanche à bien. Et pour savoir s'il devait ajouter des gens à sa liste de futures victimes.

Et encore et toujours, je veux savoir où elle est.

Sur ces mots, Vran se redressa pour reposer sa lame sur la table.

Peu importe où elle se trouve d'après moi. Ça ne me suffit pas. Je veux une information concrète.

Je suis lassé, archiviste. Je vais sauter quelques étapes du processus.


De la collection d'outils étalée devant lui, petit corbeau préleva une longue aiguille de métal. Il revint vers sa victime et s'accroupis devant, le regardant d'un air presque compatissant.

Ce que je vais te faire maintenant, c'est l'un des pires trucs qui existent dans les sévices qui handicapent pas. Je vais enfoncer cette aiguille dans tes doigts, en passant par les bouts. Comme je t'aime bien, je vais commencer par les moignons.

Et les hurlements reprirent.

Dans sa manière de procéder, il faisait mine d'avoir tout le temps du monde devant lui. Mais il savait qu'Astana saurait remonter la piste, et qu'il n'avait pas emmené son époux assez loin. Grisette, quelque part à la surface, les recherchait, et s'approchait déjà probablement.

Vran était prêt.

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Hazel_
    - "Et on disait que tu étais la boulangère et que tu avais mis des cerises dans le pain alors que c'était du pain avec du saucisson que j'avais demandé
    - Mais non c'est pas comme ça les boulangères ! Athel !"


Et ton rire qui lézarde cette partie de jeu, cet air ahuri devant un Athelstan qui donne ce qu'il peut pour gonfler son ventre en courbant l'échine. Ce rire, celui d'un enfant, d'une enfant, qui ne sait pas encore qu'à quelques pas d'ici, sa mère comprend que non, ton père ne sera pas à l'heure pour le dîner.

Et ce pli entre tes yeux lorsque la boulangère disparait pour laisser place à l'homme de main. Le regard aux aguets. La pâleur sur le visage maternel. Ces messes basses que tu devines alors qu'ils s'éloignent. Ces messes basses dont tu n'entends rien sinon que tu n'auras jamais le loisir, Hazel, de fâcher cette boulangère avec l'entrain qu'on peut avoir quand on a huit ans et trois cent vingt huit jours et qu'on a la chance d'avoir un adulte pour partenaire de jeu.
Ton insouciance, tu vas la garder encore, quelques secondes, quelques minutes. Il y a ce lapin qui n'attend qu'à être mangé et ce père qui se fait attendre. Rien ne peut arriver. Rien ne peut arriver quand on est ensemble.

Pourtant quand elle s'approche, tu comprends rapidement que ton insouciance, que ton impatience et ta naïveté vont en prendre un coup. Tu le sais, car dans le regard de ta mère il y a ce petit quelque chose qui relègue tous les soucis du monde au second plan. Elle va droit au but, elle touche là où ça fait mal, elle plante un couteau aussi délicatement qu'elle le peut, elle plante, elle tourne, elle retire pour mieux le remettre, là, juste là où ça fait mal.
Tu es née sans père Hazel, tu as grandi sans, tu t'es élevée sans, mais depuis que dans ses billes noires tu as reconnu les tiennes, il est, au même titre que ta mère, le socle de ta vie. Une vie bien rangée, aussi bien rangée que la maison de ta mère. Une vie où on rit beaucoup. Une vie de secrets scellés, doigts sur les lèvres. Une vie de rêves, de promesses, une vie de voyages, de calins, de baisers. Une vie où parfois les démons refont surfaces, Truffandec au sommet, Truffandec que tu oublies vite, quand sur ton corps ensommeillé les bras de tes parents se referment.
Elle remet une mèche derrière ton oreille, te serre contre son corps et tu sais. Par delà les mots il y a les gestes, et tu comprends l'urgence. Nul parent, ne devrait avoir à dire ce genre de choses à son enfant. Nul parent ne devrait avoir à lui promettre de ramener celui qui manque à l'appel. Et par dessus tout, nul enfant, ne devrait comprendre tout ce que cela implique.

Tu ne lui as rien dit à ta mère, parce qu'il n'y avait pas le temps. Pourtant tu en avais des choses à lui chuchoter à l'oreille. A lui dire quand son corps s'écarte du tien. A lui crier, quand Athelstan aura sifflé un départ précoce. Trop précoce. Mais tu n'as pas eu le temps. Elle sait que tu l'aimes, va. Elle sait que tu aimes ton père. Que tu as peur. Elle sait tout au fond d'elle même que lorsque vos regards ne pourront plus se croiser, tu vas serrer plus fort la taille du roux. Elle va préférer ne pas penser à ces larmes sur tes joues, et au silence des prochaines heures. Parce qu'elle a une mission, ta mère, et qu'elle ne faillira pas parce qu'elle te l'a promis : elle ramènera ton père.

Ton père, tu essayeras de ne pas y penser, pourtant quand tu tenteras de chasser les perles salées qui brûleront tes yeux c'est lui que tu verras. Sa blondeur parsemée de blanc. Le noir de ses yeux. Tu imagineras que c'est lui, que tu serres et il le sentira, l'homme de main, parce qu'il posera sa main sur la tienne, sans rien dire en espérant que tu comprennes qu'il est là, lui, et que tout ira bien.
Ton père, tu lui as dit des horreurs. Des mots que tu ne pensais pas, dans le seul but de lui faire du mal. Ce n'était pas grave, hier soir, quand tu les as soufflé avant d'aller te coucher. " T'es pas gentil. Mais je ne t'aime pas, quand t'es pas gentil. Gerfaut, il était jamais méchant avec moi !". Ce n'était pas grave, aujourd'hui, d'avoir cultivé ton boudin, parce que tu les voyais, les sourires de ton père et puis tu attendais ce soir, pour lui dire que tu l'aimes, en plus tu avais un cadeau pour lui. Un sceau, un nouveau sceau, que tu gardes depuis plus de dix jours dans ta capuche d'ours.
Rien n'est jamais grave quand on a le temps.
Mais tu auras bientôt neuf ans Hazel, et c'est bien trop tôt pour comprendre qu'il n'y aura peut être jamais plus de demain pour s'excuser.
Jhoannes
Le barbu expire bruyamment. Un rire, condensé en un souffle — un de ces derniers ? Il n'en sait rien. Quelqu'un d'autre a prise sur son propre corps, quelqu'un qui ne lui veut pas du bien, et qui pourrait être en train de mentir sur ses plans. Pour la minute, il n'a pas d'autre choix que de le croire, son bourreau d'un soir : il va lui en faire voir des raides et si le mot de mort n'a pas encore résonné dans le paysage, pas de carrefour à l'horizon pour éviter le supplice. C'est tout droit, et c'est imminent. Pas la peine de reculer la main gauche comme un taré, elle est solidement attachée ; mais sa patte s'agite malgré lui. Avec un peu de veine, le lien est lâche, ou usé, et je vais détacher miraculeusement mon poing pour te le foutre pleine gueule. Ou je peux grappiller du temps, quelques miettes à peine, juste assez que ma blonde débarque — parce qu'elle me retrouvera — pour mettre un terme à notre petit quart d'heure amical. C'est pas elle, que je viens t'entendre ? Non. C'est juste vilain tour dans ma tête.

Il en rit Blondin, d'être fait pire qu'un rat sur un navire en sale tempête, lorsqu'il entend que Vran a faim de savoir tant de choses et qu'il n'a que trois syllabes à lui refourguer en guise de repas. Il rit, sans joie et surtout sans espoir, parce qu'il n'a pas les réponses. Il a passé l'été à aimer sa femme entre deux orages et à faire le guignol avec sa gosse. La vie d'Andréa, il l'a décryptée entre les lignes des rares lettres qu'ils se sont envoyées. J'ai qu'un nom de ville à te donner, espèce de malade, et je suis même pas certain que tu la trouverais encore là-bas aujourd'hui, ta fugueuse. J'ai pas de quoi rassasier correctement ta foncedalle de vendetta, dans mon sac aux infos. Et même si j'avais un bouquet de noms à t'offrir, ça t'empêcherait pas de me faire payer ma part de folle enchère. Je dois ressembler à un crapaud tellement j'ai la gerbe. Les tremblements reprennent, et ses muscles se bandent alors que Vran entame le travail. Jhoannes n'a qu'une seule carte dans son jeu, et ça lui coûte rien de conscience de l'abattre à cet instant.


- « Lim… og... »

Mais déjà la pointe en métal s'enfonce à l'intérieur du moignon, et puis il ne parvient pas à articuler le mot jusqu'au bout, Blondin, car de sa bouche ne sort plus qu'un son. Une sorte de cri, qui accompagne la souffrance dans sa lente marche jusqu'au point culminant, et se casse lorsqu'elle redescend après plusieurs secondes longues comme c'est pas permis.

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Sur la route de Douleur


Caillou avance, en se rongeant les ongles. Au tour du petit doigt. Dans son dos, il sent encore la présence d'un château, et de la silhouette d'une tour s'échappe un chant triste qui remplit l'air. Le chant de la tour est grave et beau. Caillou l'écoute, en remuant sa pelote de tracas, au son de sa culotte d'émeraude, et puis soudain il se roule par terre en hurlant. Le Blanc est arrivé. Le serviteur s'arrache des touffes de cheveux. Le Blanc est venu. Comme il y a neuf ans, quand on enfonçait des clous d'église dans la main de son maître, le Blanc mange l'air, et le chant de la tour, et le château dans son dos, pendant quelques instants. Il est partout, et Caillou ne peut plus penser. Il en hurle de fureur, à s'en tordre les jambes. Peu à peu, il retrouve ses esprits. Il envoie une babouche de velours vert pomme valser en l'air, en poussant des jurons salés vers le ciel à nouveau cramoisi. Clopin-clopant, Caillou fait demi-tour sur la route de Douleur, mais le Blanc monte à nouveau et submerge son monde. Il s'effondre encore, avant de reprendre son chemin.

Il lui faut se rendre à temps dans la salle des archives. Les parchemins sont vierges, mais il peut bien les noircir de quelques foutaises, pour chasser ce grand malheur. Des mensonges bien tournés, contre une part de répit, sinon la liberté. Après tout, son maître est doué pour raconter des histoires, paraît-il, et la torture cueille rarement les fruits de vérité. Le contraire se saurait.


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Les yeux rouges et la voix blanche.

- « … Limoges, je sais pas, Limoges peut-être, peut-être plus… J'ai pas d'autres noms... C'est pas dans les… les lettres… »
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En noir c'est Jhoannes. En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil. Et gros merci à JD Griselidis pour la ban.
Andrea_
[ Sur les chemins, entre Limoges et Bordeaux]

Johannes n'avait pas répondu.
Astana n'avait pas répondu.
Vran, Lui, l'avait fait, un "non" quand j'avais demandé de laisser mes amis en dehors de ça.

Et des amis j'en ai perdu, beaucoup, beaucoup trop pour pouvoir ne serait-ce qu'imaginer en perdre encore. Dans la balance, il y a Archibalde et la vie qui doucement se dessine. Des desseins qu'il traçait à l'encre d'un index sur le bas de mes reins. Des desseins qui m'arrachaient un sourire, un futur qui jamais n'est venu, qui jamais ne viendrait.

Cette décision s'est insinuée dans ma tête comme la seule plausible. Il y a d'abord eu la colère, puis la peur, et enfin l'acceptation.
La colère. Après moi, si je ne doutais pas de mes choix je discutais la manière. Ce moment mal choisi, cette discussion, face à face, que nous n'avons pas eu, les mots choisis, laissés par écrit quand ils auraient du être dits. Après Lui, de m'avoir laissé toucher du doigt ce bonheur ci avant de me faire comprendre que tout n'était qu'illusion. Il n'y aurait ni mariage, ni enfant, ni lac dans ce jardin. Il n'y aurait plus jamais de discussion sur le canapé, de verres partagés pour accompagner un repas. Il n'y aurait plus de "as tu pris ta tisane?", de "vous m'emmerdez Archibalde", parce que la fierté d'un homme a été froissée, qu'on l'a trop longtemps pris pour un con et que la descente est douloureuse.

La peur. Pas de mourir, mais de voir un à un, toutes les personnes que j'aimais souffrir par ma faute. L'épée de Damoclès sous forme humaine, Vran, au sommet de sa haine, écrasant tout sur son passage. Tout, jusqu'à me tuer, Moi, comme on abat un monstre final, le boss des boss "tiens t'as vu ce dont je suis capable, j'ai ruiné ta vie, tué tes amis, je t'ai dépossédé de tout ce que tu avais, tu as pleuré, supplié, et maintenant qu'il ne te reste plus rien, tu vas mourir".

L'acceptation. Je vais mourir. Peu importe quand, comment, où et par la main de qui, je vais mourir. Mais pas de chagrin, ça c'est certain. Je ne vivrais pas dans la survie qu'il m'imposera. J'aurais aimé continuer de voir Eléanor au milieu des coussins, Amélia s'endormir sous le grand chêne. J'aurais aimé dire à Helvie "à tout à l'heure alors!" quand elle partira au marché. Saluer l'Italien d'un sourire alors qu'il va sur la colline, laisser une pièce sur le comptoir du Nid. J'aurais voulu assister au mariage de Susi, apprendre à connaître Aldéric. J'aurais voulu porter son nom, j'aurais troqué le mien sans le moindre remord, abandonner l'Andorre, la mer et la moindre de mes possessions.
Mais il n'en sera rien, et je l'ai compris il y a quelques heures.
Moi, j'aurais embauché une armée d'inconnus. J'aurais remué ciel et terre, et dépensé jusqu'au moindre denier pour qu'ils te traquent, te tuent, et te démembrent pour m'assurer que tu ne reviendrais pas me prendre ce que j'avais.
Mais je n'avais pas le temps.
Pas la force.
Et pas l'envie de me battre contre toi.
Vois, tu avais gagné Vran.
Car je ne t'aurais laissé pas leur faire du mal. Je ne t'aurais pas laissé régenter ma vie, la suspendre, la noircir, je ne t'aurais pas laissé être une épée de Damoclès au dessus de ma tête, ni le plaisir de me déposséder de ce qui aujourd'hui, plus que jamais, me rend heureuse, fière et vivante.

Je sais que tu n'arrêteras pas. Je te connais, j'ai été ton amie, ton ennemie, ta femme et ton adversaire. J'ai été ton Amour, et ton Dégoût. J'ai été ton Tout, et je ne suis plus Rien.
Tu as voulu la guerre et tu l'as obtenue.
Tu veux de la souffrance, tu veux du sang, tu auras ton spectacle.
Et tu regretteras de ne pas avoir écrit les actes.

Je t'ai tout pris en partant, sans regret, aucun.
Je me suis jurée de ne rien te laisser moi aussi, et puisqu'il ne te reste que ta vengeance, je vais te la prendre, elle aussi.

J'ai pensé mourir pour toi. Contre toi. Pour les protéger. Pour me protéger. J'ai imaginé t'envoyer ma tête pour que tout s'arrête.
Et au milieu de ce brouillard, j'ai cessé de repousser les mains tendues pour m'y amarrer. Du plus profond de mon âme j'ai découvert qu'on pouvait demander de l'aide, sans crever de honte. Qu'on pouvait s'allier, et abattre des montagnes.

Des montagnes, quand tu n'es qu'un vulgaire gravier.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Astana
Est-ce qu’elle a vomi ? Si fait.

Elle a craché sa bile chargée de colère et de douleur en plein sur une pierre. Un, deux, trois. Elle hyper ventile. Quatre, cinq. Une larme, si ce n’est plusieurs, rendent flous ses environs immédiats. Six, sept, huit. Un hoquet. Neuf, dix. Là, c’est ravalé. Onze, douze. Essuyé. Une poignée de secondes paniques. Laisser sortir en préventif pour pas être submergée plus tard et se transformer en flaque, plus tard, sur la route. Ou arrivée. Mais arrivée où ? Ça elle sait pas. Il y a une pelletée de trucs qu’elle sait pas, là, présentement, et qui vient s’ajouter à la montagne de son ignorance. A présent que le calme en elle est revenu, la danoise prépare. Rapidement. Elle récupère un nécessaire sommaire. La trousse de voyage 1469 : besace déjà chargée de choses et d’autres, gourde, fil, aiguille, lame courte, arbalète. Bouteille. Lanterne. Cheval.

Tes ovaires et ton couteau, quoi.

Et le reste ? Quoi le reste ? Les charrettes, les souvenirs d'été, votre bardas. C'est pas grave, on s'en fout. L'anglais songera bien à dépêcher quelqu’un dans le coin pour le rapatriement des affaires. Et puis au pire ça fera le bonheur des prochains voyageurs. Voilà. Je m'en fous. Elle écrit pas aux gens, Astana, pour dire ciel mon époux a disparu. Elle ne se radine pas non plus au premier bled venu pour quémander l’aide, rémunérée ou non, d’inconnus. Elle ne cherche pas non plus de signes mystiques dans les cieux, elle, la fille de la terre. Pas même elle jette une prière au feu. Elle trace. Juste. Et droit.

Dans le bois, avec son cheval qu’elle tire à la longe, Astana marque des arrêts, se penche, lance des regards désemparés aux tapis de feuilles et doute à certains endroits. T’as déjà perdu du temps,
Sa Blondeur, faut pas trainasser. Ouais. T’as déjà essayé de te dépêcher tout en faisant gaffe à tout ? Non ? Bah c’est sacrément chiant. Et Vran, cette crevure, n’a pas laissé d’itinéraire ni de mot pour fixer un rendez-vous. Alors je fais c’que j’peux. Tu permets. Le temps passé dans la forêt lui paraît interminable et comme elle s’approche de la route, qu’elle devine à la percée à travers les feuillages moins denses, elle se dit que les traces de passage feront bientôt place à celle des sabots. Et que ça sera chiant, oui, mais pas pire que d’être noyée sous le trop plein de la forêt. Mieux, même, en un sens. Terrain neutre ?

Et maintenant qu’elle est en pleine cambrousse, la mercenaire, elle se heurte au néant de sabots. Vran n’a pas calé son époux sur la croupe de son canasson et crié « taïaut ! ». Ou peut-être qu’il l’a fait. Mais à pattes, comme un connard. Les marques sur lesquelles elle finit par tomber forment comme un gros « plaf », un truc - ou quelqu’un - qu’on aurait déposé par terre pour le traîner ensuite. Johannes, c’est toi ? Ça lui noue le bide, à la danoise, de se dire qu’il a été largué là comme un moins que rien, que peut-être il s’est cogné le crâne contre une pierre, qu’il est blessé. Elle cherche machinalement des traces de sang, en vain, et quelque part ça la rassure un brin. Le coup de fouet bienvenu qui la met suffisamment en confiance pour monter sur Fleuron. Parce qu’une traînée pareille, ça peut se suivre en ayant pris un peu de hauteur sur le monde qui se fout bien de ce qui se trame ici bas. Un corps qu’on traîne derrière soi, ça laisse des marques nettes, et puis ça crève. Alors tu dois pas être loin, Vran, parce que mon époux, celui que j’ai choisi, n’est pas si léger. Même si c’est un signe de l’air.

Combien de temps est-ce qu’elle suit ça ? Aucune idée. Pas plus loin que le début de la nuit. Mais tout du long, les questions sans réponse emplissent sa tête. Pourquoi les gens sont-ils fous ? Pourquoi des drames, toujours des drames, les guerres c’est pas assez ? Faut en plus venir niquer nos vacances avec vos crises de folie, vos enlèvements de mes deux alors que la seule chose dont on est coupables c’est d’avoir des potes ? Pourquoi il peut juste pas crever la bouche ouverte dans un coin sans emmerder personne ? Qu’est-ce qu’il est en train de lui faire, à Johannes ? Et puis pourquoi j’ai tendu une main à ce sale type ? Pourquoi toujours essayer de réparer ce qui ne l’est pas ? Ta mère était pas couturière, Astana.

Non, mais moi je fais de jolis points.
Peut-être que j’en ferai de moches à Vran ce soir. Laids comme son âme.

Là. Une maison. De la lumière.
Blondeur s’approche en ayant laissé sa monture plus loin, besace épaulée, arbalète chargée d’un seul et unique carreau. A pas décidés. Et arrivée devant la porte, elle appelle :


« Vran ! »
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Vran
Une question. Comme un retour. Vague, discret.
Alors que Johannes douille bien comme il faut attaché sur sa chaise, Vran perd son regard dans le vide, un très court instant.

Mais qu'est-ce que tu fous?

Cette question est écartée, effacée d'un mouvement de main imaginaire, comme on enlève la buée d'une fenêtre.
Il sait, ce qu'il fout. La réponse est putain de simple. Il fait la seule chose qu'il lui reste à faire. Il s'en bat les genoux des conséquences et des dommages collatéraux, parce que c'est ça ou le Grand Vide. Il fait avec le peu qu'il lui reste. Et pour le moment, le seul regret qu'il a, c'est celui d'avoir changé. Il se dit qu'il a probablement fait la pire connerie de sa vie le jour où il a accepté de sortir de son isolement mental, pour découvrir que peut-être, certaines personnes méritent qu'on s'y attarde. Mais comme quelqu'un le dira un jour, ou l'a même peut-être déjà dis, aimer quelqu'un c'est lui donner le pouvoir de te détruire. Des amis, des amours. Tout ça l'a rendu faible. C'était une erreur.

Par ses actes, Andréa a sonné le retour d'un Vran qui fut un jour altéré. Un Vran qui ne ressent rien pour personne d'autre que lui-même. Qui prend ce qu'il veut et disparaît. Qui voit chaque congénère comme une proie potentielle, et rien d'autre. C'est elle qui avait entamé le premier changement, pourtant. Quelle ironie.
Le premier à payer le retour des mauvais jours, c'est Johannes. Pas de bol. Vraiment pas de bol. Evénement aléatoire, jette un dé. Echec critique, t'es dans la merde. Certains diront que tout ça n'a rien à voir avec la chance, que Vran n'est pas un événement aléatoire qui se produit et qui aurait simplement pu ne pas se produire. C'est un homme, doué d'une conscience, qui a choisi de faire cracher des infos à un autre qui ne les possède peut-être même pas. Un choix. Mais là où la chance entre bel et bien en jeu, c'est sur le fait que la petite famille de blonds auraient pu s'arrêter n'importe où, mais qu'ils l'ont fait à Bordeaux, et surtout dans le fait que sans autres indices, il aurait été à... Limoges, oui.
C'est con.

Franchement, Vran a été très étonné de l'enchaînement des événements. Il trouve ça tout bonnement invraisemblable que la Colombe ait pensé que son pendant au plumage noir la laisserait en paix après ce qu'elle lui avait fait. Incroyable, qu'elle n'ait pas averti ses amis de ce qui se tapissait à Bordeaux. Maintenant, son meilleur ami se trouve dans cette cave, attaché, à subir divers supplices, probablement un peu par sa faute. Peut-être parce qu'elle le considérait déjà comme un vulgaire gravier qu'on écarte de sa route d'un simple coup de botte. T'as mal visé, ma belle. Maintenant, le petit gravillon est dans la machine que tu pensais bien huilée et que t'appelles "bonheur". C'est bien le pire. C'est le genre de trucs qui te ruine tes projets plus sûrement que n'importe quelle montagne. Abats les, ces montagnes. Ça n'empêchera pas les rouages de se gripper.

Finalement, des mots sortent enfin de la bouche de l'archiviste.
Limoges.
Tout ça pour ça. Mais il manque le reste. il a posé d'autres questions, le corbeau. Dit-il la vérité? Ses connaissances sont-elles si limitées? Il trouve que sa victime a l'air sincère. C'est que ce qu'il vient de lui infliger est particulièrement douloureux, aussi. Ça embrouille les choses, il faut savoir lire les visages, les regards. Finalement, ce n'est pas la douleur qui fait parler. C'est la peur d'en recevoir plus. La douleur brise l'esprit, détruit les convictions. Parce que certaines douleurs sont si vives, qu'on donnerait n'importe quoi pour que ça s'arrête. On dirait n'importe quoi, aussi.
Le regard bleu sombre est posé sur celui de Johannes, perçant, sondeur. L'aiguille ensanglantée se pose sur un autre doigt encore intact.


Johannes... Tu n'oserais pas me mentir, n'est-ce pas?

Réfléchis bien, Johannes. Parce que si Vran voit le moindre éclat malhonnête dans tes yeux, il poursuivra son office. Alors que si tu dis la vérité, tu vivras. C'est la vérité. Corvidé n'a rien dit, car il sait bien que les promesses du genre "Si tu parles tu vivras", on les croit jamais. Pourtant, il a bien l'intention de la respecter, celle-là, même si il ne se l'est faite qu'à lui-même, à l'intérieur.
Mais pas le temps de s'enquérir de la moindre réponse, car Mog se met à aboyer en haut.


Ah, la voilà enfin.

Comme précisé plus tôt, il savait bien qu'elle finirait par les trouver, et par ces mots il le fait savoir. Ce qu'il se garde bien de faire sortir de son esprit, par contre, c'est qu'il ne l'attendait pas aussi tôt.
Tant pis, il faut faire avec.
Ses armes sont rééquipées et l'arbalète chargée -on pourra bientôt faire une convention de fans d'arbalètes- avant qu'il ne quitte la cave pour rejoindre son chien, et lui ordonner de rester silencieux. Un chien comme Mog, c'est un peu à double tranchants. C'est intelligent, ça apprend vite et bien, c'est d'une loyauté inébranlable, et ça grandit pour devenir un foutu colosse. Le problème, c'est que ça demande qu'on s'en occupe dès le plus jeune âge, et longtemps. Et donc, qu'on s'y attache. Du coup, on se retrouve avec une arme dangereuse, mais on se demande toujours si ça vaut le coup de l'utiliser, par peur de la perdre définitivement, cette arme qui n'en est plus une.
Mog, c'est le meilleur ami de Vran. Le seul en qui il a une confiance totale, aveugle. Il lui confierait sa vie sans une seconde d'hésitation, car il sait que ce chien, c'est le seul dont la fidélité envers lui est éternelle. Il mourra pour son maître. C'est un peu chiant, même, par moment. Mog, c'est sa dernière faiblesse.
Alors il reste proche, aux pieds du truand.


Entre, Grisette, entre!

Non loin des escaliers qui mènent à Johannes, arbalète pointée direction la porte, Vran attend. Est-ce que ça servirait à quelque chose de lui dire qu'il préfèrerait éviter de lui faire du mal? Non, probablement pas.
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Jhoannes
C'est encore la Tour qui chante ?
Non, c'est la voix d'Astana.
Putain ! Elle est forte quand même.
Oui enfin, si elle était arrivée un chouille plus tôt…
Non mais tu déconnes ? Elle est enceinte !
Oui, oui… On invente rien du coup ?
Non il se taille.
Ouf.
Putain il prend des armes…
TCH ! GUEULE PAS ! GUEULE PAS TU VAS TE PRENDRE UN CARREAU !
Non mais faut qu'je gueule un truc… T'entends le chien ?
Ah MERDE, le chien…

Blondin, c'était un ami des animaux. Sauf quand le clébard avait décidé de prendre sa cheville en tenailles entre ses crocs, il y a quelques jours, là il lui avait filé une tatane dans la truffe, au Mog. Ensuite il s'en était pris une.

C'est du deux contre deux qui va se jouer là-haut. Vran, le toutou de Vran, la danoise et l'enfant en son sein. Il voit pas bien ce que ce dernier pourrait bien faire pour renverser la balance vers la victoire. Lui non plus, d'ailleurs, attaché comme la mousse à son tronc. Mais il peut toujours l'ouvrir. Un sonore, appuyé :


- « MAAAAAAAAAR ! »

Et un sec, le menton haut :

- « JOOO. »

T'as entendu sa Blondeur ? Marjo. Pas Marjorie, pas margerelle, non, Mar-jo. Marjo, comme : on est entrés en DEFCON 5, je ne déconne pas, ceci est une situation de daube maximale, alerte, alerte, je répète, je te promets, je ne connais aucune Marjorie.

Le signal lancé comme un vœu vers les escaliers, il commence à se tortiller sur sa chaise, le blond, pour en tester l'efficacité des liens. Chercher une faille. Supersonique, il sait pas ce que ça veut dire, mais il aimerait que son ouïe devienne comme ça à cet instant. Une ouïe supersonique pour percevoir tout ce qui passe là-haut.

Il fait l'asticot, là. Peut-être s'il agite la patte gauche suffis.. Ah non. Elle vient d'être rebaptisée Boule de Douleur Suprême. Ses doigts se sont mis en grève, y a plus personne au bout du fil. Merci de recontacter ce membre ultérieurement. Génial.

Sa main droite, nommée Maison Secondaire de la Douille, recule d'un centimètre dans les nœuds de corde histoire de s'y bloquer davantage. C'est le sang qui a permis ça. Le raisiné, la meilleure vaseline au monde. Le résultat sale d'un travail propre.


Au moins, il a pas touché à ta bite.

D'un coup de boule mental, il est plus à ça près, Jhoannes envoie bouler Caillou dans les coins reculés de son château intérieur. D'une, parce que Caillou est une voix intérieure pas forcément très à-propos, de deux, parce qu'il vient d'entendre un bruit là-haut.

Un bruit inquiétant comme un départ de feu. Ce truc incontrôlable qui peut cramer ta vie. Surtout quand t'es obligé d'y assister, sans pouvoir rien faire, parce que ton tortionnaire a appris l'art de la corde qui point ne se délie.

Et s'il recule pour taper dans le mur, est-ce qu'il peut péter la chaise ? Son dos, plus probablement. Sauf qu'au point où il en est, il peut bien risquer de s'encastrer les lombaires. Une seconde, il présente d'avance ses excuses aux Saintes Chaises, qu'il a défendues toute sa vie, contre les bottes crottées et les furieux qui les brisent.


Pardon, les Chaises, mais là je suis comme un aveugle, j'ai peur pour ma femme, et faut que je me tire d'ici.

Il est en train de reculer, à petites poussées de talons, d'un élan difficilement contenu, mais contenu tout de même, parce que ça serait dommage de se rétamer vers l'arrière avant d'avoir atteint le mur, ça serait comme d'offrir son cul au plus salaud des hasards, et il a déjà assez eu de veine comme ça pour aujourd'hui.

Et toujours, la feuille dirigée vers le haut. Vers l'issue qui peut se transformer en condamnation d'un claquement de doigts, à envoyer longue prière pour Astana. Viens me sauver princesse. Tu vas encore bien rire. S'il a une pensée pour l'enfant, c'est encore pour sa femme qu'elle s'adresse. C'est toi qui portes tout, là.

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En noir c'est Jhoannes. En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil. Et gros merci à JD Griselidis pour la ban.
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