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[RP] D'un pli (in)attendu

Delta
Sous un olivier. Ou plutôt, contre son tronc. Elle dormait, profondément. Arrivée depuis deux jours à Toulon, elle appréciait le calme de la ville. Une ville peuplée de silence, les rues étaient désertes, les quelques rares habitants présents se cloitraient chez eux, profitant de la fraicheur de leurs murs. Certains, parfois venaient interrompre la partie de cartes solitaire qu’elle jouait en taverne. Interruption saluée par un sourire, bienvenue. Elle n’aimait guère rester en tête à tête avec ses pensées ses jours ci. Enfin, si, elle aimait ça. Mais le retour sur terre lui plaisait moins. Pour y pallier, elle buvait, pochtronne, l’alcool avait cela de bon qu’il la rendait joyeuse, insouciante.

Se changer les idées, sans pour autant oublier, une gageure qu'elle comptait bien soutenir. Elle s'oubliait, elle, mais la brûlure ne la quittait pas. Elle avait bien senti, avant son départ qu'Ira, son ami, essayait de l'aider un rien. Enfin, il essayait, beaucoup, y arrivait, un temps. Elle refusait de se laisser gagner par un quelconque sentiment mélancolique, fort proche, prêt à éclore, mais elle luttait. Elle prendrait les choses, naturellement, sans chercher plus loin, croquant dans des saveurs, plus fades, sans doute, sans aucun doute, mais gouteuses malgré tout. La demoiselle songeait.

Ses rêves la menaient dans des situations improbables, sur les routes, souvent. Elle allait reprendre bientôt sa marche, la cousine de son ami, le nobliau comme aurait dit Ira, l’attendait à quelques jours d’ici. Il serait de bon ton qu’elle trouve une bonne âme pour l’accompagner, mais pour l’instant elle n’était tombée que sur de pauvres hères incapables de quitter leur terre quelques jours. Cela l’amusait grandement d’ailleurs. Tout comme ce jeune homme qui faisait la cour à toutes les femmes qu’il croisait. Lui était charmant, mais proie trop aisée. Et elle n’avait guère faim.

Son sommeil était rythmé par des chutes plus ou moins régulières d’olives, un bercement apaisant. Chanson naturelle interrompue par un son pas moins naturel, mais bien moins végétal. Un bruissement d’ailes qui se stoppa alors qu’un "splotch" retentit à côté de son oreille. Les mirettes s’ouvrirent rondes telles des billes sur un roucoulant posé presque au dessus de la tête de la tout juste réveillée et s’arrêtèrent, les mirettes, sur un pli accroché à la patte du volatile.

Sans chercher plus loin - ni réfléchir sur le fait que les pigeons, animaux fabuleux, savaient vous retrouver où que vous soyez – la demoiselle se releva, sans poser la main sur le résultat du "splotch" précédemment cité. D’une main leste, elle libéra la bête de sa charge, reconnaissant son nom, tracé sur le courrier. Abandonnant là, l’oiseau, elle ouvrit précipitamment la lettre, cherchant du regard quelque signature que ses yeux accrochèrent bien vite au milieu de lettres dont elle ignorait même le nom. Son sourire s’étira tandis qu’elle abreuvait ses prunelles de ces signes incompréhensibles, avide d’en connaitre le sens.

Elle se dirigea alors vers le Bar à Thym, lieu où elle avait bien souvent croisé une jeune toulonnaise avec qui elle avait tissé quelque sympathie. A l’évocation du courrier attendu et de son illettrisme, celle-ci s’était spontanément proposée pour lui en faire lecture si jamais elle le recevait durant son séjour. Si. Delta avait bien entendu accepté, non par fainéantise de prendre leçons - son professeur étant des plus agréables - mais par envie d’avoir des nouvelles. Et le pli était arrivé. Et ils arrivaient, elle et son courrier, à la taverne où une jolie brunette l’accueillit avec un sourire des plus chaleureux.
Spadachocolat
Le museau dans sa chope, Spada sirotait avec délectation une bière fraîche, idéale par cette canicule. Elle entendit la porte s’ouvrir, se fermer, et vit une jeune femme entrer. C’était cette Marseillaise avec qui elle avait déjà discuté plusieurs fois. Delta, qu’elle s’appelait. Spada l’aimait bien ; elle se sentait curieusement proche d’elle, sûrement en raison de leurs déboires amoureux semblables. Comme elle, la demoiselle avait récemment connu un homme, différent des autres, et elle aussi avait souffert de son départ. Il lui avait promis de lui écrire, cependant Delta ne savait pas lire. Alors la lieutenante, ravie de l’aider, lui avait proposé de lui faire la lecture de la lettre qu’elle attendait.

Et visiblement, le pli était arrivé. Tout sourire, son heureuse propriétaire lui tendit le papier, et, avec le même air ravi, Spada le déplia pour en entamer le décryptage.


« Nouvelles d’Arles ».

Face à une Delta radieuse, Spada se sentit soudain blêmir. L’écriture lui était familière. Elle bloqua la phrase suivante dans sa gorge tandis que celle-ci se nouait. Ses yeux survolèrent le pli, pour arriver à la signature qui lui fit un coup au cœur.

Citation:
« Saens, marqué au poing ».


Ainsi donc le doute n’était plus permis. Elle tenta tant bien que mal de déglutir, cru entendre Delta s’inquiéter « les nouvelles sont mauvaises ? », l’ignora et parcourut à nouveau la lettre, s’arrêtant sur chaque mot, chaque lettre, chaque courbe de son écriture. Il avait retrouvé sa femme à Aix ? Laquelle, la blonde dont il lui avait parlé, celle de Narbonne ? Mais il n’y était pas marié… Hé ! Sa femme ? Le cher n’était jamais seul, qu’il semblait ! Toulon, Marseille, Aix, toujours une donzelle pour lui faire les yeux doux. La lettre lui glissa des doigts.

Quand Delta se baissa pour ramasser son précieux papier, Spada ne pu s’empêcher de fixer le point d’encre à son poignet. Que lui avait-elle dit à ce sujet ? L’homme lui avait demandé cette marque pour forcer sa mémoire. La mémoire… Douloureusement, la jeune femme se souvint d’autres paroles de la Marseillaise, celles qui l’avaient touchée quand elle était dans l’ignorance. Saens lui avait demandé de prendre son temps pour l’oublier. Et à elle, Spada, il lui avait demandé de rencontrer ce foutu pâtre blondin, pour le chasser de son esprit ! Pourquoi voulait-il qu’elle, Spada, l’oublie, mais que cette Delta le conserve longtemps dans sa mémoire et son cœur ? Et, autre question, se serait-il intéressé à elle s’il était passé par Marseille avant d’atterrir à Toulon ? Sûrement pas. Il n’avait eu en revanche aucun problème pour s’enticher d’une autre peu après leur rencontre.

Oui, il lui avait avoué dans sa dernière lettre qu’il avait déjà charmé –c’est un euphémisme- une femme. Mais qu’avait-il écrit ?
Citation:
« Sachez que les seules fois où je m'entiche d'une femme rien que pour l'affaire, la gaudriole et les heures volées, sont celles où l'évidence tombe au premier regard, sans qu'il y ait besoin d'aveux hypocrites et de circonvolutions naïves au préalable. Je viens d'en faire l'expérience durant la vingtaine d'heures qui vient de s'écouler, et bien que je sois un tantinet rompu, je ne pense pas moins à vous. »


Spada, cette stupide, imbécile, niaise et naïve Spada (on pourrait rajouter gourde, cruche, tarte, nigaude, et j’en passe, la liste est longue), y avait cru. Même qu’elle avait fait l’effort de ne pas lui en vouloir. Jamais il n’avait été question d’une quelconque fidélité entre eux, même la jalousie lui semblait interdite. Qui était-elle pour réclamer cela de ce vagabond, trimardeur et avide de liberté ? Sous prétexte qu’elle s’en était éprise, pouvait-elle lui demander de se souvenir d’elle ? Elle se disait que la réponse était non.

Cependant, en cet instant, la jalousie était terrible. Elle lui rongeait le ventre. Dans le ventre, elle comptait le cœur, le foie, l’estomac, bref, tout ce qui se serrait en elle. Même les poumons, tiens. Elle ne respirait plus.


Toulonnaise… Lieutenant ?

Elle reprit son souffle, saccadé et irrégulier. Ah, ça y était, Delta avait compris. Saens avait dû lui parler vaguement d’elle, mentionnant une lieutenante. Mais pas son nom. Après tout, il avait bien fait. Sinon, jamais elle aurait eu vent de cette histoire, bien plus qu’une simple aventure, d’une « gaudriole » ou « d’heures volées ». Evidemment qu’il la préférait à elle. Spada dévisagea cette jeune femme qu’elle avait appréciée. Sa beauté était plus grande, sa conversation plus intéressante. Son âge plus mûr, plus mûr qu’elle, la jeunette de dix-huit ridicules années, cette gamine inexpérimentée et sûrement un peu idiote. Qu’elle se détestait en cet instant…

Et donc Spada ne trouva rien à répondre. Elle se contenta de bafouiller quelques mots, de se lever comme elle put et de se diriger vers la sortie avec ce qui lui restait de dignité. Quoi, qu’est ce qu’elle disait, l’autre ? Ah, des excuses pour lui avoir fait lire cette lettre, ce qu’elle n’aurait jamais fait si elle avait su. Ah ! Quelles étaient belles ces excuses ! Elle s’en voulait de cela ? Mais pour rien d’autre, n’est ce pas ? Se trompait-elle ? Nullement. Oh, après tout pourquoi s’en voudrait-elle, hein ?

Elle articula quelque phrase vide, qui devait parler de ce que devraient être ses remords, enfin possible, elle ne se souvenait pas vraiment. Sa tête était toute embrouillée, ses idées aussi. Peut-être même qu’elle lui dit que c’était elle-même qui était plus à blâmer. Delta n’avait pas dû comprendre grand-chose. De toute façon, Spada non plus.

Elle disparut derrière la porte.

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Delta
Une gamine impatiente. Voilà ce qu’elle était. Un sourire lui fendait la figure d’une oreille à l’autre tandis qu’elle tendait le pli à la dévouée lectrice. A cet instant, c’était Spada qui paraissait plus posée, plus réfléchie qu’elle… quoique Delta ait rarement été posée ou réfléchie en fait. Empressée, elle ne prit pas le temps de s’offrir à boire avant de la laisser commencer la lecture. Pas le temps pour les rafraichissements. Cette précipitation juvénile amusa grandement la jeune lieutenante d’ailleurs, ce qui amena le rouge aux joues de l’illettrée.

Enfin, elle allait commencer la lecture ! Menton sur paume, coude sur la table, l’amante était littéralement suspendue aux lèvres de celle qui allait lui faire connaitre les nouvelles tant espérées.


Nouvelles d’Arles.


Arles ! Quelle nouvelle ! Avec un peu de chance, il y serait encore quand elle arriverait d’ici quelques jours… Elle devait s’y rendre justement, ils se croiseraient plus tôt ! Ainsi ses pensées la menèrent vers un avenir proche, elle qui n’avait jamais pensé qu’au présent vagabond. La lectrice s’était arrêtée à ces mots, son visage s’était décomposé, Delta, l’observa, attendant qu’elle reprenne.

Inquiète tout à coup, elle l’interrogea, plusieurs fois, se demandant pourquoi elle ne voulait pas lui lire le contenu de ce pli si attendu. Cela allait il si mal qu’elle n’osait le lui dire ? Pourquoi la relisait-elle encore pour elle seule ? A peine un regard et elle recommençait. Et rien, pas un son ne sortait de sa bouche. Ni même un souffle d’ailleurs… Delta lui posa la main sur l’épaule, la secouant quelque peu, préoccupée par cet air absent.

Tout à coup… Une pointe de lucidité. Un murmure à peine audible s’échappe de ses lèvres.
Toulonnaise… La jeune femme respirait à nouveau, relut encore la lettre et l’amante qui avait compris qu’elle n’aurait pas plus de nouvelles sur le contenu continua sur le même ton. Lieutenante ? Le regard vide que Spada posa sur elle lui fit baisser les yeux, première fois qu’elle baissait les yeux devant une femme, première fois que ce n’était pas un jeu, un air à se donner. Elle s’excusa, gênée, de lui avoir demandé de lire le pli, pli qu’elle ramassa précipitamment lorsqu’il chut au sol, froissé par la main de la jeune femme bafouée.

Elle releva les yeux sur elle quand elle se leva pour quitter la taverne, laissant là une croqueuse un rien désemparée. Elle se gardait bien de faire savoir aux compagnes de ses amants de passage qu’elle avait eu quelque aventure avec eux. D’ordinaire, elle s’entendait bien avec elles, et cela n’avait guère d’importance. Mais là, c’était raté. La jeune femme n’avait pas rencontré son pâtre blondin et était sérieusement entichée du même homme qu’elle. Elle aurait dû comprendre quand elles avaient parlé dudit pâtre justement, son esprit lui avait bien dit que l’expression ne lui était pas inconnue, mais rien ne l’avait réveillé à ce moment. Baste ! Si elle avait su…

Loin d’elle l’idée de faire du mal. Elle n’avait pas de remord pour ce qu’elle avait vécu, pourquoi en aurait elle eu d’ailleurs ? Ç’avait des jours de pur bonheur qu’elle ne pouvait regretter. Elle s’en voulait simplement de la peine qu’elle avait causée à la jeune femme. Elle aurait dû s’en douter. Une demoiselle aussi charmante, sympathique et avec de l’esprit. Une personne ouverte, souriante, et qui aimait bien lever le coude, ce n’aurait pu être qu’elle dans toutes les personnes qu’elle avait rencontrées en La Magnifique. Elle partirait le soir même. Pas question de lui imposer encore sa vue. Dommage, elles s’entendaient bien.

Elle la regarda disparaitre sans esquisser le moindre geste en sa direction. Elle doutait d’être la bienvenue pour la consoler de quelque façon que ce soit. Elle lissa machinalement la lettre froissée et la serra contre son sein, à défaut d’en connaitre le contenu, elle l’aurait proche d’elle. Presque un bout de lui. Elle aurait dû accepter de lui enlever la peau pour la garder, en faire un épouvantail, simulacre de présence. De sa besace, serrés entre deux fines planches de bois, elle sortit ses croquis faits la nuit de son départ. Elle s’emplit l’esprit de leur vision, caressant des yeux l’image de cet homme qui faisait couler le sel.

Elle sourit aux tracés, ce n’était pas qu’elle était indifférente à la douleur de celle qui venait de quitter la taverne. Non, juste que celle-ci ne la regardait pas. Elle en était en grande partie la cause mais n’y pouvait pas grand-chose, voire rien en fait. Elle rangea les dessins du tourteau frileux et se leva à son tour. Demain, Brignoles, ensuite Aix, là bas, elle prendrait leçon, peut être son professeur lui donnerait il lecture du courrier… Ou pas. Elle ne savait si elle lui demanderait à lui de le lire. Autant avec Ira la distance entre leur amitié et les moments qu’ils passaient ensemble était franchement établie, autant avec lui, elle le sentait possessif, parfois. Donc, non, elle ne lui en demanderait pas lecture. Elle apprendrait, plus vite. Ou trouverait une bonne âme. Quoique si elle tombait sur une autre de ses amantes délaissées… ce serait peut être mauvaise idée.

La tourtelle, tourterelle, dame oiselle aux ailes brûlées, marquée, prit la route, pressée d’arriver à son but. S’il n’était plus là, au moins verrait elle la ville de sa naissance. Elle se moqua d’elle-même - deviendrait elle sentimentale ? - en silence, jugeant inconvenant d’éclater de rire en cet instant. Le bâton rythmait ses pensées. Vagabonde.
Spadachocolat
[Délire intracrânien d’un esprit dément]


Un pied devant l’autre, regarde devant toi Spada ! Oui voilà, c’est bien, marche. Tu quittes cette taverne pourrie, qui te rappelle trop de choses, et où tu viens encore de vivre une drôle d’histoire. Drôle, c’est une façon de parler, tu le sais. Ca n’a rien de drôle. C’est même pathétique. Oui, tu es pathétique, Spada. C’est le mot. Allez pense à autre chose. Quoi ? Ah, tu n’y arrives pas. Bah, ça se comprend en même temps. Hé ! Mais qu’est ce que tu fais ? Tu cours ? Avec ta houppelande, imbécile ? Oui, bah fais ce que tu veux. Au point où t’en es.

Eh bien ! Mais ce que tu vas sacrément vite, là, ma grande. Ralentis un peu, tu veux ? Tu vas tomber. Ah, ça y est, tu es tombée. Rho, mais t’arrêtes de gémir ? Non ? Ah. D’accord. Tu t’es fait mal. A qui la faute, hein… Te plains pas. Je t’avais prévenue. Bon, regardons un peu ça. L’épaule ? Hum… Tu as trébuché, et bêtement tu as balancé ton bras en avant pour amortir la chute. Forcément, c’est l’épaule qui a morflé… Je te l’accorde, le crac n’était pas très rassurant. Mais t’es une grande fille, hein ? T’en as vu d’autres.

Oh ! Seraient-ce des larmes qui coulent sur ton visage ? Elles surgissent du coin de tes yeux, glissent le long de tes tempes et finissent dans tes oreilles, dans ton cou pour les plus vaillantes. Mais pourquoi pleures-tu ? Tu ne pleures jamais, d’habitude. C’est cette épaule ou cet homme ? Ou encore le sang dans ta bouche, celui, au goût métallique et fade, qui vient contrarier la blancheur de tes dents, après que tu t’es mordue la joue en tombant ? Les trois ? Bah vas-y pleure. C’est tout ce que tu peux faire à l’heure qu’il est.

Ah, Spada, Spada… Dans quel état tu te mets pour un homme ? Qui ne t’aime pas, en plus. Oui, mais toi tu l’aimes. Et alors ? Non, tu ne l’aimes pas. Si. Si, tu l’aimes. Imbécile. Quoi ! Tu y as cru à cette aventure ? Eh oui, c’est ça qui te fait du mal, le plus de mal. Tu lui en veux ? Tu en veux à la terre entière ? QUOI ? Même pas ? Eh bien. Tu me surprends moi-même. Et cette femme, cette Delta qui est si parfaite pour lui, tu ne lui reproches rien ? Tu dis que tu ne peux pas lui en vouloir d’aimer cet homme. T’as bien fait la même chose, toi. Et justement, cet homme ? Tu aurais toutes les raisons de le maudire. Alors pourquoi tu ne le fais pas ? Ah, j’oubliais : tu l’aimes. Tu crois que c’est une excuse ? Il t’a pris ton cœur, ta vertu, ton esprit. Non ? Tu lui as donné, tu dis. Ah ! Tu es vraiment incorrigible, toi. Alors, si tu n’en veux ni à l’un, ni à l’autre, à qui ? Qui détestes-tu en cet instant ou tu es couchée dans la poussière, une épaule probablement démise et un cœur brisé, à crever de chaud en plus, malgré la légère brise qui pourrait rendre supportable la canicule ? Ah oui, évidemment. Toi. Eh bien, Spada, tu es bien bête. Mais soit. Hais-toi. Ca te fera réfléchir.

En attendant, Spada, tu es bien bath vautrée comme ça sur le sol. Tes billes d’ambres, comme il se plaisait à les appeler, sont humides et rougies, ta caboche est poisseuse. Allez, tu vas te lever sans barguigner, et quand tu seras en équilibre sur tes deux jambes, tu reprendras ta marche. Ta marche, hein, pas ta course. Doucement, ne vas pas te démettre l’autre épaule. Voilà, comme ça, c’est bien. Bon, tu vas où, maintenant ? Il faudrait soigner cette épaule. Ah, vas-y, fais l’imprudente, rentre chez toi si tu y tiens. On verra demain pour ce petit désagrément. Tu sais, Spada, tu deviens maboule. Tu causes toute seule. Même si tu parles dans ta tête, tu converses comme si j’étais une autre personne, moi j’appelle ça avoir un grain. Mais on s’en fout, hein.



Tu ne le sais pas encore, mais demain tu vas recevoir un pli, non, deux. Le premier, de sa main. Pas de mensonges rapportés, juste quelques omissions. Enfin, tu parles. Le second, d’une toute autre personne, d’une amie presque sœur. Qui ne sera plus.

Eh bien, Spada. L’infortune n’en a pas fini avec toi.

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