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Laisser le choix, en apprendre plus sur soi - et sur ses descendantes.

[RP] Les embranchements du fleuve

Samsa
    "Je lui dirai d'être sage et prudent,
    D'aller frôler les glaces et les feux,
    Qu'il goûte à tout mais sans jamais dépendre ;
    Que trop peut être pire que trop peu
    Oh, bien pire que trop peu."
    (Céline Dion - Je lui dirai)


-Nolwenn, Gwenn ?

Le début de l'été avait tardé et semblait se rattraper en ces premiers jours de septembre. La famille Treiscan s'était éclipsée de la ville de Limoges pour se promener en bord de Vienne, là où les bruits des badauds et des ateliers s'effacent au profit des oiseaux et de l'eau. Les deux filles de Samsa s'étaient placées à l'avant de leur mère, alternant entre le jeu et de longs échanges dont seuls les enfants, et notamment les jumeaux, ont le secret. Plus loin derrière, Cerbère les observait sans pouvoir les comprendre, le cœur inquiet même : aimer demandait un courage indescriptible. On s'attachait, on bâtissait à deux, et le jour où l'un s'écroule pour ne jamais se relever, il faut réapprendre à marcher seul. C'était difficile pour tout le monde, mais les adultes ont eu le temps de se faire seuls ; Nolwenn et Gwenn ne savaient pas. Depuis leur naissance, Samsa avait parié sur leur lien sororal comme étant leur plus grande force. Elle ne s'était pas trompée, mais le revers de la médaille pourrait être dévastateur. C'était une problématique qu'elle avait longtemps réfléchie, pour trouver un moyen de la contrer un minimum. Plusieurs années auparavant, Cerbère avait conclu très facilement que ses filles emprunteraient des chemins différents, mais parallèles : Nolwenn aimait la solitude et Gwenn aimait les gens. Nolwenn aimait l'ombre et Gwenn aimait la lumière. Mère Treiscan avait alors manœuvré pour que les voiles de ses filles prennent le vent leur étant attribué par la destinée mais, si cela ne les avait rendues que d'autant plus complémentaires, ça n'avait pas travaillé l'autre pendant de sa problématique. Il fallait les travailler chacune sur leurs différences, mais des différences pas forcément complémentaires ; chacun avait son petit jardin secret, non ?

Chacune des deux sœurs avait taillé un bâton en pointe pour s'entrainer à la pêche dans la Vienne, sous l’œil attentif de Samsa. Nolwenn était d'une patience infinie, immobile, quand, plus loin, Gwenn se précipitait sur le moindre poisson passant à proximité. Il n'y avait pas de mauvaise technique, mais Samsa était curieuse de savoir laquelle pêcherait le premier animal. A l'issue d'un long moment, c'est Gwenn qui réussit finalement, exultant de joie sous le regard incompréhensif et curieux de Nolwenn, jusqu'alors persuadée d'avoir opté pour le meilleur choix stratégique. Cerbère les avait laissé échanger à ce propos avant de les rappeler. Les deux filles s'interrompirent et revinrent sur la terre sèche pour s'approcher de leur mère. Celle-ci leur fit signe de s'assoir et les rouquines s'assirent en tailleur, en silence. Habituées depuis leur naissance à écouter attentivement les paroles de Samsa, celle-ci était, à leurs yeux, une grande sage détentrice de la Vérité sur Terre. L'inconvénient ? Ce n'était pas vrai. L'avantage ? Cerbère n'avait aucun problème à les éduquer et à les cadrer.


-J'ai décidé qu'à l'âge de sept ans, tout enfant Treiscan recevrait un couteau afin de pouvoir se responsabiliser.
J'ai décidé qu'à l'âge de onze ans, tout enfant Treiscan recevrait un chapman horse descendant de Guerroyant en symbole de l'enfance qu'il quitte, sans toutefois devenir majeur té.
Cela, vous le saviez déjà pardi.

J'ai également décidé qu'à l'âge de neuf ans, les enfants Treiscan choisiraient une nouvelle matière à étudier. Celle qu'ils voudront.
-Celle qu'on veut ? Vraiment ?
demande Gwenn, enthousiaste.
-A l'exception des poisons, des armes de jet et de tous ces trucs-là pardi.

Évidemment. L'étude de ces matières n'est pas interdite au sein de la famille, mais elle l'est aux enfants. Il ne manquerait plus que l'un d'eux se découvre une vocation et devienne divergent ! Mais à part cela, Samsa n'avait rien prévu d'interdire. Les métiers d'artisanat, normalement réservés aux roturiers, pourraient être étudiés, comme les différentes activités paysannes. Ils ne pourraient être pratiquées en propre plus tard, vivre noblement oblige - à l'exception des Maîtres, comme Samsa à la forge -, mais le but était le passe-temps avant la pratique, la connaissance du déroulement plutôt que l'exécution par soi-même.

-Vous étudiez déjà les soins aux chevaux, l'équitation, l'escrime, la lutte, les enseignements de la guerre, la lecture et le calcul, l'Histoire, la géographie, l'astronomie, la diplomatie, la Morale et quelques bases de soin des blessures. Parfois, un petit peu de forge. Vous vous entrainez avec de bons maîtres d'armes et de bons cavaliers pardi.
Nolwenn, que veux-tu étudier en plus ?


Il y a préséance dans la famille Treiscan : on demande à l'aînée d'abord. Cerbère la regarde, le regard sérieux. Elle se demande ce que sa fille va choisir : les échecs, pour renforcer la stratégie qu'elle apprend déjà avec sa sœur ? La chasse, pourquoi pas ? La survie ? A moins que son séjour chez les Yeux d'Hadès ait pu réveiller une fibre de l'ombre ?
L'Héritière regarde sa mère en retour. Elle ne semble pas réfléchir ; elle semble plutôt hésiter. Il faut quelques secondes pour qu'elle rassemble son courage, et parle.


-J'hésite, Mère, entre deux matières.
-Je t'accorde de pouvoir prendre les deux, si tu le désires té.
-Me permettriez-vous d'étudier la botanique et la tapisserie ?


Si la tapisserie ne la surprend pas plus que cela, Nolwenn ayant la patience des dieux, c'est en revanche la stupeur chez Samsa qui se sent obligée de répéter, malgré elle :

-La botanique pardi ?
-Oui.
-Tu... aimes les fleurs té ?
-Oui, j'aime bien. Est-ce mal, Mère ?
s'inquiéta Nolwenn.
-... Non, non, pas du tout pardi ! Je ne savais pas, simplement. Tu étudieras donc la botanique et la tapisserie té.

La botanique. Les fleurs. La fille aînée de Samsa, qu'elle-même jugeait trop taciturne, parfois inquiétante, aimait les fleurs, comme sa suzeraine chérie, la regrettée Lucie. Elles n'avaient pourtant rien en commun pour laisser présager cet amour semblable. Pas question, cependant, que son héritière finisse en robe avec une couronne de fleurs sur la tête ! Mais quelque chose indique à Samsa que Nolwenn ne finira jamais ainsi. Alors, au fond, Cerbère Mère est heureuse : elle a cru, tant de fois, que Nolwenn n'avait qu'un cœur de pierre, qu'elle était taillée seulement pour et par un esprit critique et analytique. Quel cœur de pierre aime les fleurs ? Sa fille est sensible, et Samsa en pleurerait presque de joie.
Du côté de Nolwenn aussi, c'est le soulagement. La tapisserie l'a toujours intéressée : sa mère les adore et les utilise pour leur conter les plus grandes histoires. Nolwenn a envie de participer à la création de ces œuvres magistrales, de tisser une partie de l'Histoire à raconter - et la longueur de la tâche ne l'effraie pas du tout. Elle a grandi dans un monde sombre et brute, sans couleurs ni douceur, un monde "d'utilité" : apprendre l’astronomie pour se repérer, c'est utile. Apprendre à différencier une marguerite d'une pâquerette et à savoir quand pousse le coquelicot, ce n'est pas utile. Il lui aura fallu du courage pour demander à sa mère, inquiète de décevoir, d'être anormale, divergente et toutes ces choses redoutées. Ravie à l'idée de passer prochainement du temps avec des fleurs, Nolwenn sourit, un sourire pur et éclatant comme elle ne le fait que trop peu. Il fait sourire sa mère en retour, qui tend la main pour lui caresser la joue. Le geste est bref et finit en tapotement mais il est là. Il a existé. Et les gestes tendres de Samsa envers ses filles, ça aussi, c'est trop rare.

La Combattante tourne ensuite la tête vers Gwenn, qui a l'air - comme souvent - très enthousiaste. Samsa ne saurait dire si c'est à la perspective de dire sa propre matière, ou si c'est parce que Nolwenn a choisi l'étude des fleurs et de la tapisserie.


-Et toi, Gwenn ?

Dans ses paris mentaux, et bien que Nolwenn l'ait faite perdre à 100%, Samsa imagine pour sa fille une activité détonante : une intensification du maniement de la hache, par exemple ? L'élevage de chiens ? Fourbisseuse ? Gwenn est beaucoup plus manuelle, toujours emplie d'une énergie qu'il faut canaliser - dépenser, surtout.

-La musique ! Puis-je, Mère ?

Décidément, Cerbère va de surprise en surprise.

-La musique pardi ? Que... quel instrument ?
-Je ne sais pas... j'aimerais essayer ceux à cordes, et ceux dans lesquels il faut souffler !
-Ah.
Ça promettait quelques saignées de tympans rapidement, cette affaire.
-Non ?
-Si si pardi. Tu n'en veux pas une deuxième, comme Nolwenn ?
-Hmmmm...
Elle réfléchit un instant. Je voudrais bien passer plus de temps avec les chiens.
-Accordé té.


Contente - toujours -, Gwenn lève les bras avec un "oui !" de ravissement. Cerbère aura au moins eu une moitié de pari emporté avec les chiens chez Gwenn. Elle leur indique qu'elles peuvent retourner à leurs affaires et, une fois les gamines parties après remerciements à leur mère, Samsa se gratte la joue, perplexe malgré elle. Elle n'a jamais enseigné l'art à ses filles, d'aucune sorte. Elle a cru les orienter vers un type de chemin et, finalement, ses filles choisissent d'explorer l'inconnu plutôt que de creuser leurs compétences ou de poursuivre la voie en laquelle elles excellent, celle qui leur est vendue comme la meilleure. Elle a toujours su ses filles curieuses, mais n'ont-elles pas fait là preuve de courage ? Probablement que si. Et, en même temps, ce n'est pas qu'une idée d'exploration. Elles ont l'air d'aimer, déjà, les matières qu'elles vont étudier en plus. Serait-ce alors à dire que nul ne peut vivre sans une forme d'art ? Qu'est-il, pour elles ? Pourquoi le choisissent-elles ?
Samsa a encore beaucoup à apprendre, sur la vie et sur l'éducation. Elle n'est pas la grande sage que ses filles se figurent mais, à chaque découverte et à chaque question qu'elle se pose, elle s'en rapproche peut-être un petit peu plus.

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