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Info:
Au fond du trou ,Andréa et Hecthor se retrouvent. Pour un mauvais coup, forcément.

[RP] Inspirés, mais pas pour le titre.*

Andrea_
* : Ce titre est éphémère, nous allons trouver. Un jour. Normalement. On espère.



    [ Rouergue, mi Février 1470. ]


Colombe racée, engoncée dans une robe rouge sang descend du coche. Un sourire à son époux, le bien nommé Adam, Baron de Mouillerac. Adam est bon, Adam est blond, Adam, dans une autre vie était bûcheron.
Le sourire est large alors qu'elle lui prend la main pour fouler, enfin le sol du Duc du coin. L'acier percute la Prusse sans faire de dommage, tout est maîtrisé. L'inclinaison de la tête alors que Jean referme la porte, le signe de main à Mercotte qui remet un peu d'ordre dans le taffetas. Tout est sous contrôle, depuis des heures déjà, et aussi bizarre que cela puisse paraître, aucun poil n'a l'air de vouloir se poser sur le potage, même les cheveux semblent obéir : ça sera chignon, de ceux que l'on porte bas pour cacher un peu cette nuque que le col évasé de la robe dévoile. Un chignon bas, comme une marque de pudeur supplémentaire à celle dont Charlotte s'est enrobée sitôt le château du Duc visible.
Le port de tête est altier, et met en valeur la gorge imposante de la nouvelle Baronne, elle s'avance pour poser deux paumes sur les épaules du Blond, arrange son col et esquisse un sourire alors qu'elle délace un peu son pourpoint. Et si d'un point de vue extérieur elle semble poser un baiser sous son oreille, la réalité est ailleurs, dans les quelques mots qu'elle déverse à proximité.


- " Déos que tu as l'air con..."

Ce n'était pas tout à fait vrai, mais il fallait bien me venger de ce corset bien trop serré.


    [ Pré- préface ]


J'aimerais bien vous enrober l'histoire d'une bonne couche de caramel, histoire d'adoucir un peu l'amertume de tout ce qu'il y a en dessous, mais ça serait mentir que de dire qu'avant d'être amants, nous avions été amis.
J'avais eu envie de Lui à la seconde même où je l'avais vu. Je me souviens parfaitement de cette soirée au bord de la Vienne, à Limoges. Il y avait plusieurs personnes qui causaient d'un fameux Hecthor qui tardait à arriver, c'est qu'ils se bagarraient pour savoir qui lui ferait passer un message. Car si l'humain lambda se fiche totalement d'un message de cet ordre, ceux qui m'accompagnaient ce soir y voyaient une importance capitale. Et je me souviens n'avoir pas dit grand chose, mais avoir pensé très fort que "Putain quelle vie de merde", nan mais c'est vrai mettre autant d'énergie pour annoncer une nouvelle aussi merdique c'était... Passons.
Et un blond est arrivé, il semblait un peu paumé et pourtant sûr de Lui, avant même de savoir ce qu'il venait foutre là j'avais explosé "Oui, ON sait, c'est Machin qui a la mandoline d'Hecthor". Silence. Ils me regardaient tous avec des yeux de merlan frit : le blond était Hecthor et j'avais mis fin à l'insoutenable suspens : qui allait lui dire en premier? Comme dirait l'autre, j'avais tué l'game en moins de deux, mais moi, j'en avais strictement rien à faire parce que : premièrement je ne jouais pas avec eux, deuxièmement je me demandais comment j'allais pouvoir continuer ma vie comme s'il ne se passait rien lorsqu'on se regardait.



    [ Préface ]


On s'est aimé -sous une toile et même sans oreiller, sur un muret et dans un vieux grenier**-. On s'est séparé. On s'est retrouvé. On s'est sauvé la vie. Et puis on s'est éloigné.
Mais faut croire que dans l'adversité on était voué à toujours se retrouver, quand l'un flanchait l'autre était là, toujours prêt à lui sortir les doigts du cul pour le voir rebondir -façon de parler, on peut aussi rebondir avec des doigts dans le cul hein, essayez et dites moi!-.
J'avais ouvert la porte un soir de tempête, mon mariage s'était envolé et j'étais paumée -ceci est un résumé, je vous jure que c'est bien plus compliqué que ça-, Hecthor avait dit qu'il serait toujours là, alors il était temps de vérifier. Il se trouve que cette fois ci, on était deux à flancher, et qu'à force de tenter de relever l'un, c'est l'autre qui s'élevait. Je ne sais pas, à dire vrai, lequel de nous a tiré le plus fort, toujours est-il qu'au bout de quelques jours, le goût de vivre effaçait celui de la mort.
Après quelques jours à vivoter, il y avait eu cet avis de recherche posé devant Hec'. J'vais pas vous mentir, mon premier reflexe a été de faire glisser le papier sur mon côté de la table, comprenez bien, c'est pas parce que je suis en pleine déprime que j'ai perdu toute ma curiosité : déception. - C'est que j'avais imaginé que peut être le Blond m'avait peint pendant mon sommeil, ou qu'il avait reçu une lettre d'admiratrice secrète et que j'aurais pu me moquer de lui, faut savoir que se moquer des gens aide à aller mieux dans mon cas-, mais queue d'Nini, c'était juste un avis de recherche. Mon second réflexe donc a été de regarder Hecthor, de lui sourire en repoussant doucement l'avis vers Lui en sortant un "Même pas en rêve", que l'on peut traduire par un "no way" pour les d'jeuns ou par un "va te faire foutre" en robe de soirée pour les plus coincés.
J'avais juste oublié un détail : ma bière. Je sais, je vous entends "oh mon Dieu mais que vient faire sa bière ici, on en a rien à foutre de sa bière, on veut savoir si elle va y aller, chercher la nana", alors déjà : on se calme hein, vous allez le savoir, c'est pas la peine de me mettre la pression. Et ensuite MA bière a une importance : pendant que je repoussais l'avis de recherche vers le blond, la conn*** de serveuse a posé MA bière PILE sur le front de la nana dessinée sur le papier. Comme si ma bière clouait le machin, bim.

Et j'y ai vu un signe.

Bon peut être qu'au même moment Hecthor m'avait indiqué que la récompense était énorme, mais j'ai décidé que ma bière avait son importance.



    [ Post -face ]


Taverne : Est-ce que tu veux? By Hecthor
Réponse : Oui, mais non, enfin je sais pas, je suis pas sûre, mais tu peux y aller tout seul si t'écoutes mes conseils parce que je suis toujours de bons conseils quand même tu sais c'est mon domaine attends bouge pas je vais venir mais je fais rien comment ça je suis pas cap bien sûr que je suis cap d'accord je viens. *reprise de respiration* By Andréa, une femme, on l'aura compris.

Chambre 5, étage de la dite taverne : Bouge pas, je m'occupe de ta barbe ? By Andréa
Réponse : Heu t'es sûr? Je te préviens tu rases pas à blanc ! Par Hecthor.
Réponse féminine : "Si t'entretiens tes poils intimes aussi bien que ta barbe je plains la femme de chambre", autant être honnête, il avait laissé sa barbe à l'abandon depuis un bon moment, on ne saura pas ce qu'il en est de l'intimité -ça ne nous regarde pas.
Le plan était lancé, nous serons Charlotte et Adam, Barons de Mouillerac, d'un domaine perdu à Saint Jean pied de port -oui, Mouille et port dans le même titre, il a osé-.


Chambre 6 : il nous faut des fringues + discrétion + audition
En résumé et sans image, nous avons :
- Piqué les fringues d'un couple que nous ne connaissons pas,
- Assommé, attaché, fait rouler sous le lit l'homme qui dormait dans cette piaule,
- Hurlé -discrètement- par la fenêtre qu'on filerait cent écus à qui voudrait bosser pour nous -oui, nous avons besoin de petit personnel pour nous faire passer pour des barons-,
- Hurlé à nouveau pour dire que je doublerai la mise s'ils étaient au moins deux -parce qu'Hecthor a dit que si j'en trouvais deux en plus d'un bain qu'il me ferait couler il m'offrirait un massage-
- fait quelque chose dans un domaine où nous excellons : moi une sieste, pendant qu'Hecthor nous faisait de faux papiers qui ressemblaient à des vrais.
Et je me désolidarise de la suite : Hecthor a voulu faire passer des auditions -oui oui, des auditions- pour le petit personnel qui voulait bosser pour nous, faut dire que deux cents écus c'est super bien payé dans cette bourgade où tout le monde ressemble à des bouseux. Ils ont donc fait des claquettes et poussé la chansonnette.
Non je déconne, ils ont ciré mes bottes et nous ont servi à boire. J'ai viré une blonde à forte poitrine bien trop jeune et bien trop belle pour être efficace -on ne peut pas tout avoir, c'est mathématique, et pas du tout de la jalousie!-, et l'autre qui avait un coup dans le râtelier, Hecthor a viré ce qui sentait mauvais, qui était mal habillé et la blonde fil de fer qui se sentait l'âme d'une rebelle.
Nos nouveaux valets : Jean et Mercotte savaient ce qu'ils devaient faire.
Nous étions prêts à devenir riche ,- encore plus riche quoi-, mais plus que tout nous étions prêts à vivre.



** "On va s'aimer", de Gilbert Montagné, reformulation honteuse mais si vous pouviez vous aussi l'avoir dans la tête la prochaine heure alors j'aurais tout gagné.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[Contexte]



Il faut bien quelques explications car vous allez vous demander comment j'ai atterri là alors qu'il y a quelques jours je revenais d'un long périple avec notre ancienne comtesse limougeaude. Ou peut être que vous vous le demanderez pas, mais j'aime bien remettre les choses dans l'ordre.

Il y eut cette séparation, de celles qui vous fait cogiter de longues heures, de celles qui rend votre choix incertain. Je ne pensais pas m'être trompé, je m'étais à nouveau ouvert et encore une fois, je tombais de mon petit piédestal. Les termes n'avaient pas été énoncés de manière claire mais plutôt de manière implicite. J'ai interprété ses actes et ses mots comme un gage de fidélité mais c'était une erreur. Les sentiments étaient sincères de pars et d'autre mais les "façons" d'aimer divergeaient. Je connaissais son penchant libertin mais je pensais que dans son état actuel et après tout ce que nous avions vécu, elle pourrait changer, mais il n'aura pas fallut grand chose pour faire basculer les choses. Alors oui, j'ai remis en cause la véracité de ses sentiments, oui je me lamentais devant ce mur écroulé que l'on avait construit et que je pensais naïvement indéboulonnable, ce n'était pas une vérité mais mon ressenti. Je n'étais pas celui qui ferait tomber toutes ses défenses, je les ai tout au plus fait vibrer, amer constat.

Les jours qui suivirent ne méritent pas d'être mentionnés. Ils étaient d'une morosité absolue et les remises en question ne cessaient de converger et obstruaient toute source de motivation. Et puis, il y eut cette lettre, comme un appel à l'aide. Je n'avais pas mis longtemps à réfléchir, si elle avait besoin de moi j'avais tout autant besoin d'elle. La vie vous joue de drôles de tours et si nos chemins se sont croisés, conjugués puis séparés, il semble qu'ils sont destinés à toujours se retrouver. Je ne savais comment interpréter cela, une multitude de sentiments affluaient et il m'étaient impossible de les démêler.


[Auberge]



Je contemplais l'affiche avec la prime d'un air lointain. Nous venions de quitter un groupe de ménestrel que j'accompagnais. Une terrible machination dû certainement avoir raison du pauvre couple à cette heure ci. Nous avions choisi de ne pas nous en mêler. On aurait pu certainement les sauver mais on connaissait que trop bien les conséquences qui auraient pu en découler. De l'égoïsme ? peut être, j'appellerais ça de la survie cependant. Sur ce point, nous étions parfaitement raccord.

Si j'étais dénué de motivation, si plus rien n'avait de goût avant que je la retrouve, l'altercation que nous avons eu dans la forêt avec les comploteurs eut le mérite de faire vibrer mon sang noir. Des os brisés, des roubignoles en miettes et du sang chaud étaient les ingrédients de cette recette. Nous en étions qu'aux prémices et si le volcan grondait, il n'avait pas encore explosé. Ce qu'elle avait vécu récemment l'avait complètement miné et je sentais bien qu'elle n'avait pas retrouvé son mordant. J'avais besoin de ce dernier pour me mettre à rugir. C'est pourquoi j'avais noté les noms qu'elle m'avait dicté mais au fond de moi je savais que je n'écrirais aucune lettre tant que le "nous" n'aura pas fait son retour tonitruant. C'est la raison de la présence de cette affiche.

Je lui avais énuméré ce que je savais sur l'histoire. Je lui avais conté le coup monté réalisé par la recherchée pour faire main basse sur une partie du butin du Duc après s'être mariée avec lui. Les rumeurs disaient que le père de la vilaine aurait été à l'origine de ce méfait car il avait un grief contre le Duc. Nous finîmes par conclure qu'il fallait interroger les suivantes de la duchesse en cavale.



[Chambre 5]



Après un nouveau coup d'éclat, nous avions investigué la chambre comme décrit ci dessus. J'avais "emprunté" les atours de notre malheureuse victime et me sentait affreusement ridicule dans cette tenue. Le type avait des goûts douteux en matière de mode mais je pouvais m'estimer heureux de rentrer dans ses fringues avec ma carrure, j'étais certes un peu étriqué mais on ne va pas faire le difficile. Je laisse ça à Andréa.

L'essayage m'avait laissé quelque peu démuni, cette étreinte spontanée avait remué de vieilles reliques mais nous étions tous les deux confrontés à un présent compliqué. J'essayais d'apprendre de mes erreurs et j'estimais que pour l'heure, ni elle ni moi avions la tête à autre chose qu'à nos méfaits. Ils avaient le mérite de nous occuper l'esprit et de souffler sur des braises froides destinées à alimenter le brasier de nos âmes.
Je la laissais passer la lame sur ma gorge pour me raser, si ça pouvait sembler anodin pour elle, c'était un gage sincère de confiance que je lui accordais car il est rare que je laisse à quelqu'un ce potentiel pouvoir létal. J'avais appris à éviter à tout prix le moindre embryon de risque qui pourrait attenter à ma vie.
je pensais à ce pauvre Duc sans héritier qui venait de se faire berner. Sa crédibilité aux yeux du peuple venait de prendre un coup et nous allons tenter d'accentuer la duperie. Il est fort probable que des révoltes éclatent suite à cela mais nous serons déjà loin.



[Chemin ducal]



Après le casting, nous nous dirigeâmes vers un couturier et après les directives d'essayages distillées avec expertise par je payai les livrées de nos néo valets avec l'argent emprunté au type qui faisait dodo dans une sale position sous le lit. Je ne pus m'empêcher d'imaginer l'inconfort du pauvre type et un sourire sadique sortit de nulle part.
Le chemin fut chaotique et les nids de poule ne cessaient de faire sauter notre carriole. J'arborais mon masque de baron sévère avec aisance et ne manquais pas de foudroyer du regards nos valets s'ils bronchaient.
Nous nous présentâmes tous quatre, baron et baronne de Mouillerac et nos valets Jean et Mercotte face aux gardes du château.
Les mots soufflés à mon oreille furent un écrin doux et drôle auquel je m'efforçais de ne pas sourire pour rester dans mon rôle. Au fond, la situation me réjouissait réellement et c'était la première fois que je parvenais à retrouver du palpitant à cette vie de chien depuis quelques jours. Je laissais couler dans mes veines le trac, l'adrénaline, l'amusement et la cupidité avec délectation.
Le faux acte de propriété fut présenté aux gardes tandis que je m'adressais à eux avec une voix imposante :

- Veuillez signaler à monsieur le Duc que nous requérons son hospitalité pour la nuit. Nous avons essuyé une terrible tentative de vol sur vos routes. La sécurité est déplorable et nous pouvons remercier Deos qu'ils n'en voulaient qu'à notre or et non pas à nos vies. Je peux décrire nos agresseurs, une jeune femme à la chevelure de feu était à leur tête.

Ce dernier point, c'était de l'impro mais je savais que cette petite précision aurait le don de susciter un intérêt supplémentaire chez le Duc qui devait maudire nuit et jour son usurpatrice d'épouse. Un regard complice à sa femme et quelques minutes plus tard, un valet les somma de le suivre. Il nous précéda jusqu'à la salle du trône. Nous nous avançâmes vers le Duc et je pus remarquer la fatigue qui parcheminait son visage. Le buste fut ployé et je jetais un coup d'œil vers nos valets pour m'assurer qu'ils ne fassent pas de gaffe.




PS : je réfléchis au titre, juré !
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Andrea_
    [ Chemin Ducal ]


Dire que les routes sont affreuses est un euphémisme. Je vous promets qu'en temps normal j'aurais pu dormir et ne pas m'en rendre compte, une bonne bouteille devant pour anticiper le voyage et ça passait crème. Mais là, rien n'allait, il n'a pas tort mon complice quand il dit qu'il me laisse le soin de me plaindre, et croyez bien que si je reste silencieuse en dehors, il peut imaginer à mon regard posé sur Lui tout ce que je pense de l'état de la chaussée. Ce regard balancé en biais quand un nid de poule plus gros que les autres me fait sauter sur la banquette, cette main posée sur ma poitrine pour éviter que les jujus ballotent trop, c'est qu'à cette allure et avec la force dont il a serré mon corset, il y a fort à parier que j'arrive chez notre pauvre Duc avec les nibards à l'air. Et Hecthor qui gardait ce sourire satisfait sur le visage...


    [ Salle du trône ]


C'est arrivée dans la grande salle du trône que je prenais une énorme claque, comme si jusqu'à maintenant je jouais sans prendre la mesure de mes actes. C'est ainsi depuis quelques jours maintenant, j'avance un pas après l'autre sans réellement me soucier des conséquences, un battement d'ailes de papillon ne pouvait pas faire grand mal, si?
Un regard à Hecthor, il est mon seul repère au milieu de tout ce marasme, et il n'a probablement aucune idée de l'importance de l'avoir eu à mes côtés lorsque tout le reste se cassait la gueule. Il ne sait pas, et ne saura sûrement jamais, qu'en lui écrivant j'avais juste besoin de me rassurer sur le fait que non, je ne gâchais pas toujours tout. Qu'on pouvait avoir vécu de belles choses et rester en bons termes. Et que si aujourd'hui je trouve ça ridicule, j'avais espéré, à l'époque, ne jamais survivre à mon passage à Rodez.
J'avais pris sa main, pas par tendresse ni par amour, mais j'avais pris sa main comme on s'accroche à une bouée lorsqu'on se rend compte qu'on n'a pas pied. C'est contre ses doigts que je trouvais la force d'avancer jusqu'au Duc.
D'un certain âge et les tempes dégarnies, il arborait dans la barbe des poils blancs au milieu des gris. Il n'était pas sans me rappeler celui que j'avais laissé dans une auberge de Bordeaux, avec probablement la même peine à l'âme et le même poids sur le cœur. Je tentais par tous les moyens de repousser Andréa pour incarner Charlotte à la perfection mais rien ne venait, rien, sinon une sorte d'écran qui venait voiler le regard que je lui lançais, la bouche s'était ouverte, puis refermée sans que je ne sois capable de prononcer un seul mot, je lançais alors des SOS vers mon époux du jour mais ce fût finalement Mercotte qui surprit tout le monde en se décalant un peu pour apparaitre à ma droite.


- " Madame la Baronne est encore toute retournée de l'attaque que nous avons subi, et il serait bon ton, si vous le permettez, qu'elle puisse se reposer"

Sauvée par Mercotte.



    [ Chambre éphémère ]


Une petite brune à peine sortie de l'adolescence nous présentait la chambre que nous occuperions cette nuit, la pièce était immense et le mobilier luxueux. Les lourds rideaux furent tirés et Mercotte, accompagnée de la jeune fille s'acharnaient à allumer un feu. Je ne me posais pas de questions sur les mots qu'elles échangeaient à voix basses, une femme de chambre qui en rencontre une autre ont forcément des choses à se dire : des choses de femmes de chambre. J'essayais de retrouver mes esprits et espérais que le Duc permettrait à Hecthor de me rejoindre rapidement, un regard sur le lit m'arracha une moue perplexe : un lit pour deux, il fallait espérer que nous ne restions pas réellement pour la nuit.

- "C'était la chambre de Madame, sa femme de chambre est partie avec elle, Eline est arrivée hier, je vais aider en cuisine, nous viendrons vous chercher pour le dîner dans une heure.

Une heure? Mais punaise les gens font combien de repas par jour? Nous avions déjeuné il y a quoi, trois, quatre heures? J'avais encore sur l'estomac la moitié du ragoût ingurgité à ce moment là. Les demoiselles sorties j'ouvrais quelques tiroirs à la recherche de je ne sais quoi qui pourrait nous mettre sur une piste.



    [ Couloir ]


- "As-tu des nouvelles?
- Pour l'heure elle se terre, son père est furieux, tu es bien traitée?
- Il est anéanti, tu sais
- Ne t'apitoies pas sur son sort, pense à l'Angleterre "

Avant d'entrer à la cuisine les deux suivantes feront une petite révérence à l'homme au large col qui s'avance, et Mercotte se demandait comment il était possible qu'il soit aussi naïf. Déjouer les plans des vénaux du coin était décidément un jeu d'enfant.



Un jour on a dit, on ne sait juste pas lequel

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[Salle du trône]


Si j'étais sa bouée, je devais dégager une aura d'assurance inébranlable. J'étais doué pour maîtriser mes émotions et de l'extérieur, on ne verrait que le visage d'un homme sévère au regard impitoyable qui menait sa femme d'une main tendre vers le Duc. Une main de fer dans un gant de velours.
Un moment de doute, une volute quasiment imperceptible d'hésitation caressait le silence qui suivait nos révérences. Pour ceux qui connaissaient vraiment Andréa il était aisé de deviner que quelque chose la troublait et qu'elle n'était pas au sommet de son art. Pour les autres, ça pouvait simplement passer pour de l'intimidation face à un personnage éminent. J'allais prendre la parole mais je fus devancé par l'audace de Mercotte. Son intervention me laissa perplexe. J'avais pourtant bien appuyé pendant leur formation expresse sur le fait qu'ils ne devaient en aucun cas intervenir sans qu'on leur demande. La jeune femme dévouée et réservée se montra étonnement entreprenante et sans peur. J'appuyais ses dires d'un signe de tête pour ne pas montrer un signe de faiblesse et Andréa me fut soutirée. Une étreinte terrifiante me cingla les côtes lorsque je la vis disparaître et l'air commençait à me manquer. Les stigmates de mon enlèvement à Limoges firent surface au pire moment possible. Le Duc se leva et sa voix résonna dans la vaste salle dans laquelle on se trouvait :


- Baron de Mouillerac, veuillez me suivre je vous prie. Vous ne semblez pas en forme.

Aucun mot ne sortit de ma bouche tremblante et je me mis sagement à emboiter son pas.


[Salon privé]


En tête de la marche, le Duc Elissandre, suivi par moi même, et fermant la marche, Jean et un valet du duc. Ce dernier nous dépassa pour s'empresser d'ouvrir la porte au Duc. Nous pénétrâmes dans une pièce avec de nombreux fauteuils en velours mauve réunis près d'une grande cheminée en pierre blanche. Sur les murs, de vastes portraits du Duc et de sa famille composaient le décor de la pièce chaleureuse. Je pris place dans un fauteuil à la demande du Duc et les valets firent le pied de grue près de la porte. Le Duc pris la parole :

- Je suis navré d'apprendre que vous ayez subis une attaque sur nos terres. Mon garde a fait mention d'une femme, pouvez vous me la décrire ?

Je reprenais un peu mes esprits et, bien que sonné, je réussis à faire un peu le tri dans ma tête. Mes prochains mots pourraient s'avérer cruciaux alors je pris quelques secondes pour bien les formuler :


- Veuillez m'excuser, je suis encore un peu chamboulé par tout ceci. J'ai eu très peur pour ma femme, elle attend un enfant et ça aurait été dramatique si elle l'avait perdu. La femme donnait des ordres, je n'ai eu le temps d'apercevoir que sa longue chevelure flamboyante qui tombait sur ses fines épaules. Elle semblait jeune.

Je savais que le sujet de la lignée était sensible pour le Duc et l'évocation de la grossesse l'avait fait ciller. Un point. La description de la femme que j'avais vu sur l'affiche continuait dans cette lancée. Deux points. Elissandre se leva et fit signe à son valet de leur servir de quoi boire. Un spiritueux puissant fut répandu dans deux coupes en argent. Le duc me tournait le dos, mains liées derrière lui, regard porté par delà la fenêtre.

- Vous avez certainement entendu les rumeurs qui courent.
- Je les ai entendu mais je n'y porte que peu d'intérêt ayant été moi même au cœur d'une tempête chez moi. Les gens de pouvoirs suscitent l'attention des petites gens, c'est le revers de la médaille.


Je devais le mettre en confiance, lui montrer qu'il n'est pas le seul à souffrir de telles situations et de ce fait, m'associer indirectement à ses déboires. Il revint s'asseoir, nous trinquâmes et avalâmes le spiritueux puissant. Par la suite, j'esquivais précautionneusement ses questions sur mon domaine. Moins j'en disais, moins je risquais de m'empêtrer dans mon mensonge. Je dirigeais souvent la conversation sur lui et ça semblait lui plaire, il est imbu de sa personne le petit père. Après plusieurs coupes d'alcool, la clarté de mes idées fut menacée mais le Duc devenait de plus en plus bavard. Il évoqua ses noces et ne manquait pas d'appuyer à quel point elles ont été grandioses. Le rire se mêlait de plus en plus souvent aux mots et, vacillant un peu dans son fauteuil, il lâcha cette information :

- Et ce batard d'Aelfred qui ne cess*hips* de foutre son nez crochuUuU dans les affaires d'sa fille. J'aimais pas l'voir dans ma cour, j'vous le dis, mais elle avait insisté pour qu'son père reste ici. J'le sentais pas c'foutu saxon déchu, il puait la pisse de putois. J'aime pas ces bouffeurs de roses.
- J'ai un jour rencontré une saxonne, elle avait un accent insupportable mais elle avait une paire !* hips*
- Vous êtes un p'ti veinard, vot' femme n'est pas en reste !


Des rires d'ivrognes suivirent bien qu'une étrange amertume me gagna. Ce n'est pas femme. A cet instant je voulu lui dire toute la vérité, l'alcool m'avait rendu mélancolique et j'éprouvais une sorte de pitié pour cet homme car je m'identifiais à lui sur certains points. Nous étions tous les deux malheureux en amour. Par chance, le Duc se leva tituba vers la pièce attenante :

- Je vais...m'reposer. On se voit au dîner Adam.

[ Les cuisines]


Dans le couloir, un bruit éclaboussa les murs. Le spiritueux passait mal pour notre brave Duc. Jean m'aida à marcher, m'évitant ainsi de me prendre constamment les murs. Nous nous perdîmes dans le dédale du château et une effusion de bruits nous attira. Nous fûmes à l'angle des cuisines lorsqu'une femme d'un certain âge, bien portante et les cheveux rangés sous un fichu blanc, nous invectiva. Jean pris le soin de lui préciser qu'elle s'adressait au baron Adam de Mouillerac, invité au chateau par le Duc Elissandre. Il avait fait mouche le brave gamin, la petite dinde dodue vira au rouge pivoine et s'excusa maladroitement. Elle nous invita à nous asseoir sur un banc près du mur le temps qu'elle nous cherche de quoi nous restaurer. Je me laissais lourdement tomber sur le banc et ouvrit un peu plus mon col afin de mieux supporter le mélange de chaleur venant de mon ébriété et des fours.

La chef de cuisine m'offrit un verre d'eau salvateur. La pièce tournait affreusement et je dus me concentrer sur rien d'autre que ma respiration pour gérer la situation. Je surpris parfois des regards insistants des jeunes femmes et j'interrogeais Jean qui fut promu conseiller pour l'occasion :


- J'ai un truc qui cloche ?
- Nous m'sieur c'est juste que...vous êtes un peu débraillé et vos cicatrices vous donne un air...


Dans un éclair de lucidité, je me souvins du pourquoi nous étions là. Non pas pour manger et boire à l'oeil (bien qu'au fond ça me plairait bien) mais bien pour retrouver l'usurpatrice. Je me souvins alors aussi de mon rôle, celui de soutirer des informations des femmes de chambre. Sauf que j'avais pas prévu d'être bourré MAIS j'étais baron. Mon statut me permettait d'exiger la présence de...

- Toi là, approche.

L'échange de regards dans le petit groupe de femmes m'agaça. Je louche ou quoi ? je sais, ça ne se fait pas mais je montrai du doigt celle que je visais. Elle s'approcha timidement lorsqu'elle fut stoppée dans son élan par...Mercotte. Cette dernière se planta devant moi et ne manqua pas d'audace encore une fois :

- Madame n'aimerait pas vous voir dans cet état. Je vais l'avertir que vous êtes ici.

J'allais me lever et élever la voix contre cette petite insolente mais Jean me retint par la manche. Ce petit faisait décidément preuve de beaucoup de sagesse et bien qu'une gifle vibrante lui cingla la joue pour le punir de m'avoir touché contre mon insu, je savais qu'il avait raison. Mon ivresse m'ôtait toute crédibilité et si j'avais menacé Mercotte, je craignais qu'elle soit capable de faire tout capoter. Je ne la sens pas cette fille.

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Andrea_
    [ Chambre éphémère ]


L'avantage des hommes en deuil, c'est qu'aussi en colère soit il, et qu'importe la raison du deuil, ils ne touchent rien aux affaires du disparu. Bien sûr la jeune Duchesse avait emporté des affaires personnelles mais il était facile de deviner qu'elle ne courrait qu'après l'argent. J'aurais bien aimé mettre main basse sur le collier de rubis qu'elle portait sur cette peinture d'elle au dessus de la cheminée, mais j'avais beau ouvrir tiroirs et placards je ne trouvais que des correspondances, et j'avoue que ça me touchait une boule sans faire bouger l'autre de savoir qu'elle avait un amant et que cet idiot de Gontrand était fou d'elle. Je trouvais également quelques reconnaissances de dettes signées de son nom d'épouse.
Je ne savais pas ce que je cherchais et le fait qu'Hecthor n'arrivait pas renforçait mes angoisses, j'essayais de repousser les souvenirs de Lui à la merci de l'autre enfoiré, mais les images étaient puissantes et ne faisait qu'accentuer la brusquerie de mes gestes.

Il serait difficile d'expliquer à quel point j'étais paumée en étant seule dans cette pièce, tout me semblait être un signe, un souvenir ou pire, une menace, et j'étais pris dans une sorte de tourbillons que j'étais incapable de gérer. Assise face à la coiffeuse je tirais d'un coup sec sur le tiroir à ma droite, car, je l'avais enseigné à Hec', il y a TOUJOURS une brosse à cet endroit. Et la brosse était bien là, elle s'écrasa sur sol avec son écrin


- "Que faites-vous?"La voix de Mercotte me prit de cours, le ton était un peu sec et je la regardais sans trop comprendre.
- "Je voulais me coiffer" Je levais la brosse pour qu'elle s'en imprègne, vois tu Mercotte, ceci est une brosse, et c'est fait pour coiffer, il y a donc beaucoup de chances pour que je me coiffe avec. Je ne saurais dire en quoi ce simple geste avait réussi à redonner à ma dame de chambre son sourire et son air sympathique, mais j'en oubliais aussi son saut d'humeur.

- "Monsieur vous attend aux cuisines, il est rond comme une queue de pelle!"
- "QUOI ?!"

Et si Mercotte prend ma question pour une simple demande de reformulation, c'était en réalité bien plus : j'allais le buter. Le temps de rejoindre la porte et je regardais la brosse, le manche était en bois, trop léger pour être plein, pas assez travaillé pour appartenir à une femme de ce rang. Je secouais un peu la tête, vraiment, je devenais parano.



    [ Cuisine ]


Il n'était plus question de Titre ou d'Argent quand une femme devait engueuler son époux, c'est universel : les mains sur les hanches, les yeux plissés, un regard bien accusateur, de ceux qui pèsent bien bien lourd, et bien même si Hecthor n'était pas mon époux, il n'allait pas y louper, j'étais furieuse. Parce que je m'étais inquiétée, parce que je ne sais pas comment on va se sortir de ce pétrin s'il est bourré comme un coin, et qu'en plus on allait devoir manger et que j'ai une chance sur deux de faire péter les coutures de ma robe à cause de Lui : je t'avais DIT de pas serrer autant! Je te l'avais dit ou j'te l'avais pas dit? SI. Bien sûr que si mais tu ne m'écoutes jamais!
Mais j'avais besoin de m'assurer que malgré tout mon coéquipier était en état de continuer la mission, alors sitôt le "vous avez trop bu" énoncé un peu fort, je posais un genou à terre, posais une main sur le sien avant de lever les yeux vers Lui.
Et j'espérais qu'il restait un bout de cerveau qui fonctionnait encore à l'eau, et qu'il comprendrait toute la subtilité de la chose.


- "Souvenez vous que la dernière fois ça s'est mal terminé, certes notre fille était partie avec son cousin se cacher dans les bois car vous l'aviez fâché mais... Vous devriez aller dans la chambre que le bon Duc nous a prêté et vous recoiffer."

Spoiler:
* Et si le message est passé, il se peut qu'en dévissant le manche de la brosse il trouve le dessin d'un moulin sous une pleine lune, du chiffre 15, le tout signé d'un G


Il n'y avait qu'à espérer que ça passe, pour se donner une chance supplémentaire elle ajouta en levant

- "Oh comme j'espère retrouver mon or... "

Un dernier regard à Hecthor alors que déjà Mercotte semble s'impatienter, celui qui dit "fais attention" et "putain t'abuses" en même temps, et déjà j'entrais dans la grande salle à manger.



    [ Salle à manger ]


Ils font toujours dans la démesure. Que tu sois deux ou quinze à table, il y a toujours autant de plats, et j'en avais des hauts le coeur. En temps normal, croyez bien que j'aurais démonté le buffet, à commencer par ces petites crevettes donc les pinces sont piqués dans la queue, est ce de la sauce tartare? Mon dieu.
Un sourire poli au Duc qui ne semble guère en meilleur état que mon acolyte et déjà il engageait la conversation. De longues minutes de conversations où je me contentais de répondre par oui, non ou de rire en disant un "c'est évident" pour lequel je me serais attribué sans conteste le César de la meilleure actrice. Je ruminais de ne pas voir Hecthor arriver, et s'il s'était endormi?


- "Prenez des crépinettes, elles sont diviiiiiiiiiiines !
- Je n'ai plus très faim, veuillez m'excuser.
- Vous ne cessez de regarder la porte, vous savez... il m'a tout dit. Et je sentais le sang partir au fond de mes chausses. Je prends une gorgée de vin en le regardant, essayant de garder un sourire amusé sur le visage.
- Tout... Tout?
- Oui, et je suis complètement pour, il est vrai que je n'ai pas votre expérience en la matière mais ne serait-ce pas la fois de trop?
- Oh, je ne suis pas sûre qu'il y ait vraiment une fois de trop, seulement parfois on manque de chance c'est tout, mais... pas cette fois. Enfin, s'il désaoule
- Ah il était saoule quand...
- Oui, très souvent, au début, mais petit à petit...
- Enfin ça se voit que vous êtes faites pour ça
- Oh merci, je pensais qu'avec la robe ça... ça passerait mais...
- Oh non, vous ne m'auriez pas dupé bien longtemps avec une si grosse paire de..
- Pardon?
- Et bien pour le lait pour... l'enfant, votre époux m'a dit inutile de vous offenser !
- Mon mari vous a dit? Vraiment?

Et je prenais une gorgée pour effacer l'amertume de mon rire. Et bien vivement qu'il se radine, le mari, je vais lui passer l'envie de se reproduire pour plusieurs années.
Quel con !

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[Les cuisines]


Je chavirai comme un foncet en haute mer. Une personne non identifiée posa genou au sol et une paire de meules me décrocha la mâchoire du bas. J'aurais pu les reconnaître entre mille pour avoir déjà joué avec tiens ! Les Prusse imbibées scrutaient les aciers froids. Elle n'était pas contente la madame. J'allais ouvrir la bouche pour lui dire que c'était pour la bonne cause, que j'avais soutiré quelques informations à mon nouveau copain le Duc mais elle me coupa l'herbe sous le pied. L'incompréhension fusilla ma lucidité. Je pris un temps fou à analyser sa phrase qui n'avait ni queue ni tête et lorsque je passais ma main dans ma tignasse, nous étions déjà dans le couloir. J'étais pas si mal coiffé oh !

[La chambre]



Le temps et l'espace se distordaient et l'instant d'après, pouf, j'étais allongé sur le lit, la joue contre la couverture. Soudain, une chape de plomb tomba sur mon corps et l'empêcha de bouger. Alors, vaincu, je m'abandonnais à mes songes enivrés.

Je me réveillais en sentant un filet de bave s'échapper du coin de ma lèvre. Deux voix féminines s'élevaient dans la chambre et leur chuchots troublaient le bon déroulement de mon sommeil.


- Elle a du partir en vitesse, elle n'a pas pu emmener ses affaires j'te dis, ça doit être forcément là, elle m'assure qu'on lui a laissé un message ici.
- Et moi je te dis que j'ai déjà fouillé cette chambre de fond en comble et que je n'ai rien trouvé.

Je n'avais pas tous les tenants et aboutissants de cette histoire mais Mercotte connaissait l'autre femme de chambre et ils étaient à la recherche de quelque chose étant destiné à notre fuyarde, un message en l'occurrence. Je savais que cette Mercotte cachait quelque chose ! je le sentais ! Je me demandais où était Jean, mais vu que Mercotte n'était pas au dîner, je suppose qu'elle a du lui demander de la remplacer auprès d'Andréa.

Je recouvrais mes esprits et tentais de faire un tri dans les dernières minutes, heures ? passées. A partir de la cuisine tout était flou. Je buvais de l'eau avec Jean, Mercotte a fait sa forte tête puis Andréa m'a sorti un truc venu de l'espace en parlant de notre fille, on a pas de fille, et de bois, et de se recoiffer et d'or. Tout ceci n'avait aucun sens.

Lorsque je me retournais sur la couche les deux jeunes femmes sursautèrent. Elles avaient clairement la tête de quelqu'un qui avait fait une connerie et qu'on avait chopé la main dans le sac. Je décidai de jouer l'ignorance, j'avais besoin d'en savoir plus sur l'implication de ces femmes dans la fuite de la voleuse recherchée. Pendant un bref instant, je remarquais à quel point elles se ressemblaient toutes les deux.


- Mercotte, tu as intérêt à revoir ton attitude et tu as tout autant intérêt à rester à ta place à l'avenir, c'est bien clair ?
- Comme si j'allais obéi...
Coup de coude de sa voisine qui lui fit de gros yeux.
- Oui pardon.
- Coiffe moi. Tout de suite.

Je m'installai sur la chaise en face du miroir et observait Mercotte et ses joues rougies de colère me brosser les cheveux. Son attitude restait un mystère pour moi. Elle me brossait avec une telle véhémence que je risquais d'être chauve à la fin de la séance mais fierté oblige, je ne lui ferai pas le plaisir de chouiner. Le manche de la brosse céda et tomba au sol. L'autre femme de chambre mit sa main devant sa bouche et Mercotte s'empressa de ramasser quelque chose. Je me relevai subitement et lui barrai la sortie.

- Donne moi ce que tu as pris.
- Je n'ai rien...
- Ne me MENT PAS !

Le rejeton démoniaque pris connaissance du mot et en un éclair le mis en bouche et l'avala. La fureur me gagna et je comptais bien faire payer cette emmerdeuse de première pour l'ensemble de son œuvre. La pitié s'envola comme un nuage de fumée et mon instinct de tueur apparut. Je me mis à étrangler notre valet de location avec aucune once empathie. J'étais bien présent, ce n'était pas un autre qui était là mais bien moi, le vrai moi. Je vis son teint virer au pale, ses yeux larmoyants me supplier, sa bouche se tordre pour essayer vainement de chercher de l'air mais je restai impassible face à la mort. L'autre fille intervint et m'écrasa quelque chose sur le crâne. L'objet vola en morceau et me sonna un peu mais je ne lâchais pas prise.

- Laisse ma sœur tranquille !

Mes mains desserraient la gorge de ma victime qui s'effrondra sur le sol en se tenant la gorge, haletante.

- Bien, si tu ne veux pas qu'il arrive de mal à ta soeur, va chercher ma femme et dis lui mot pour mot "Adam se sent mal et il vous demande. Ses cheveux sont impeccables." Si je vois un garde ou que sais je, t'iras rendre visite à ta sœur sur sa tombe tous les 7 du mois avec un bouquet de fleur.

Je pris place dans un fauteuil en gardant à l'œil la petite teigne prostrée dans le coin de la pièce, genoux rapprochés contre sa frêle poitrine, regard assassin m'étant destiné.
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Andrea_
    [ Salle à manger ]



Je prenais la mesure de la diversité humaine en pleine face.
Surtout en ce qui concernait l'alcool. Le Duc, lui, faisait partie de ceux qui n'en avaient jamais assez, il se faisait servir et buvait en alternant vin rouge et vin blanc -bonjour le mal de crâne demain!-. J'aurais aimé qu'il fasse partie de la catégorie que le vin assommait mais ce ne fût pas le cas, non, notre Duc était pris d'une diarrhée verbale : je connaissais en détail l'histoire de sa rencontre avec celle qu'il nommait affectueusement "ma tendre épouse" en début de repas, "ma seconde épouse" au moment du plat principal, et "l'autre salope" une fois le dessert servi.
J'avais pu apprécier le fait de ne pas avoir à faire autre chose qu'hocher la tête puisque de toutes façons je ne pouvais pas en placer une, ce qui m'arrangeait puisque je n'aurais pas su quoi lui dire. Il faut dire que je partais avec un certain handicap : j'étais une femme qui aimait l'argent, et je commençais sérieusement à compatir avec la pauvre Duchesse qui avait du se coltiner le plumard de cet homme pendant les deux semaines qu'avaient duré leurs épousailles. Bien qu'avec le recul le plus dur était peut être de partager sa table.
Toujours est-il que le dessert fût servi et qu'Hecthor ne nous avait pas rejoint : pas de doute, le blond décuvait dans un coin, et entre deux histoires dont je n'avais rien à carrer, j'imaginais déjà la manière dont j'allais lui faire payer son absence.


- Et donc vous n'y allez pas?
- Non, c'est pas trop mon habitude, mais ça pourrait le devenir
- ... C'est... Que c'est la place d'une épouse...

Claque. Allez et retour. J'étais en train de trier les amandes effilées sur la tarte aux poires, je n'avais bien évidemment rien écouté de ce qu'il racontait et j'étais tellement loin dans mes idées de tortures envers Hecthor que je ne savais plus vraiment où j'étais... Merde, j'avais visiblement loupé quelque chose d'important.

- Je... Pardonnez-moi, vous disiez?
- Eline a dit que votre époux se sentait mal et qu'il vous demandait.

Mon sang ne fit qu'un tour, les idées reprenaient place doucement mais sûrement et je me levait soudainement en faisant racler ma chaise sur la table, je ne saurais dire lequel d'entre nous fût le plus surpris de cette réaction -moi compris- alors que je regardais Eline en espérant une suite.

- Il a ajouté " ses cheveux sont impeccables"

Quatre mots, quatre mots et je me détendais, la main sur le coeur n'était pas feinte, ce dernier semblait retenu prisonnier et frappait fort dans ma poitrine, je m'esclaffais en posant la serviette sur la table avant de rejoindre le couloir.

- Ah les hommes, il faut toujours qu'ils en rajoutent... Nous nous verrons demain, merci encore pour votre hospitalité
J'entendis le Duc dire à la cuisinière de faire porter un repas à Monsieur le Baron par l'intermédiaire de Jean dans une petite heure et n'eut pas la force de dire quoique ce soit, faut dire que j'imaginais Hecthor ivre mort et qu'en effet il serait bon ton d'éponger un peu ce qu'il avait picolé.



    [ Couloirs ]


Je suivais Eline dans les dédales du château, elle restait silencieuse et j'étais encore perdue dans mes pensées. A dire vrai, je me demandais ce qui ne tournait pas rond chez nous, nous ne manquions pas d'argent et nous pourrions couler une vie tranquille. Hecthor avait son échoppe de Charpentier et n'avait jamais manqué de clients, j'avais amassé suffisamment d'argent pour ne jamais avoir à m'inquiéter ni pour mon avenir ni pour celui de mes enfants. Certes nous traversions tous les deux une tempête mais tout le monde passait par là et ne mettait pas pour autant sa vie en danger.
Pourquoi n'avions nous pas simplement pris une murge dans une auberge quelconque, provoqué une bagarre de saoulons ? On aurait mis trois heures pour faire trois cents mètres et on aurait chanté bras dessus bras dessous avant de s'émerveiller d'une souris en train de faire les poubelles. Et puis on se serait réveillé au petit matin en faisant comme s'il ne s'était rien passé la veille, chacun serait rentré chez lui et on aurait repris nos vies.
Qu'est ce qu'on est, bordel, pour avoir besoin de "ça" pour exister? Pourquoi est ce que sans "ça", on a l'impression de vivre une demi vie?
Je sentais la colère monter soudainement, et par delà mes incompréhensions je sentais l'envie d'aller encore plus loin dans ce méfait, ce paradoxe m'agaçait au plus haut point et j'avais hâte de...
Bordel, est-ce qu'elle pleurait?


- Nan mais c'est inutile de pleurer, il a pris une cuite avec le Duc, il va faire un gros dodo et une fois qu'il aura bavé sur l'oreiller et ronflé toute la nuit, je vous promets qu'il ira très b... M'enfin Eline relevez vous!
Nan mais c'est vrai c'est quoi cette manie de se mettre à genoux sur le sol pour chialer sur mes chausses, une nouvelle technique de lavage? Je devrais peut être lui dire que ça marche très bien avec de la salive...
- Il va la tuer, il va la tuer vous comprenez !


    [ Chambre ]


Toc toc, regardez qui voilà? Le cul de Madame la Baronne. Pourquoi son cul? Parce qu'elle traine un corps. Un corps qui fait dodo. Un corps qu'a pas compris grand chose quand il s'est pris une mandale dans la tempe. Un corps qui s'est pris une mandale dans la tempe parce qu'il chialait un peu fort et que ce putain de château a la même caisse de résonnance qu'un chiotte de chantier. Un corps qui.. Eline quoi.
La porte est refermée à clé alors qu'elle jette un regard circulaire à la pièce, oh coucou Mercotte! Elle souffle un peu pour remettre une mèche de son chignon -il a tenu huit heures, c'est un record pour un chignon bas- et regarde finalement Hecthor.


- C'est vrai que tes cheveux sont impeccables.

L'acier s'attarda un peu sur Mercotte qui pleurait en silence avec cet air renfrogné, la petite était en colère et je devinais aisément qui en était la cause.
L'index pointa mon corset puis Hecthor alors que je m'avançais pour finalement lui présenter mon dos.


- Dans une heure, Jean frappera pour t'apporter un plateau, j'espère que tu as profité de ta petite sieste pour réfléchir à la suite, je viens de me farcir le Duc et ses crépinettes pendant deux heures et... Tu pourrais y aller plus doucement?

Ouais, t'as cru que j'étais un rôti? J'ai juste envie d'enfiler une chemise, y en a plein les placards, et puis j'ai vu que t'avais dormi, t'as encore la marque de l'oreiller sur la joue et les coussins sont défaits.
Punaise, on avait pas le cul sorti des ronces.
Mais je savais que nous nous étions sorti de bien pire situation alors... Je prenais "ça" comme un cadeau.



Toujours rien pour le titre?

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[The chamber]
c'est toujours un peu plus classe en anglais

Elles se sont perdues dans les couloirs ou c'est le Duc qui leur tient la jambe ? j'ai moi même fait les frais de son épuisante capacité à entretenir cette logorrhée et je sais à quel point il est difficile de s'émanciper du type. A bien y réfléchir, j'ai eu un coup de chance. Au lieu de vomir un flot de mots, il a préféré vomir ses propres tripes et m'a laissé une fenêtre de sortie. Non mais sincèrement, le type me fait de la peine. Il est vraiment lourd comme pas deux mais c'est un pauvre homme qui se fait constamment duper et les seules femmes qu'il a connu en avaient après son pognon. La rançon de la gloire. C'est quand même vachement vénale une femme non ? Enfin, je dis ça alors que j'ai lancé les débats avec cette prime...

Et puis, c'est quoi cet attrait soudain pour l'argent ? j'ai toujours affirmé que j'en avais rien à cirer alors pourquoi courir après une prime ? pour nous occuper ? pour passer le temps ? oui. Simplement oui. Il est vrai qu'elle aurait pu faire des points de croix près d'une cheminée pendant que je fendrais du bois dans le jardin, on se serait retrouvé autour d'un repas, on aurait échangé nos journées et on aurait été heureux. Ce n'était pas dans nos gênes, ce n'est pas ce qui nous rendait heureux et ça fait longtemps que je ne chie plus de cailloux en faisant l'autruche à ce sujet. Je sais qui je suis, je sais que je place les pavés sur mon chemin vers l'enfer jour après jour mais je préfère cent fois me sentir vivant en côtoyant les dangers qu'errer sans but comme une coquille vide en évitant les ennuis.

Je commençais lentement à décuver et j'avais une terrible envie de boire. De l'eau, il me faut de l'eau. Rapide analyse de la chambre. Je me tâte à boire l'eau des fleurs. Je ne peux quitter cet endroit et il va sans dire que je ne peux pas compter sur ma domestique louée. D'ailleurs, elle ne cessait de me caresser d'un regard voluptueux, ça en deviendrait presque gênant. Quelques marques rouges apparaissaient à son cou là où j'avais délicatement posé mes mains. Je profitai de l'éclairci de la météo de mon cerveau pour faire un point sur la situation.

Nous allons devoir conjuguer avec la petite teigne prostrée dans le coin de la pièce si on voulait arriver à nos fins vu qu'elle a eu la somptueuse idée d'avaler ce foutu message caché. Je ne vous cache pas que ça ne me réjouit pas !

La porte s'ouvrit et j'eu le droit à un merveilleux ballet de fessard qui remue pour progresser dans la pièce. Andréa l'avant gardiste du twerk ? Je répondis un simple "merci merci je sais" à la remarque sur mes cheveux et mon sourire s'élargit. J'étais ô combien satisfait de voir que la sœur assommée dans les mains de Déa fit réagir Mercotte. Cette dernière abandonna son regard assassin et couru vers l'endormie. Je lui barrais la route avec mon bras et la renvoyai sèchement à l'envoyeur.


- Tu ne bouges pas !

Si le ton était appuyé, le regard l'était d'autant plus et pour la première fois je vis la peur s'insinuer sur le visage de Mercotte. Parfait, ça l'aidera à bavarder. Et oui ma p'tite, tu réalises qu'on est pas des enfants de chœur ?

Mon regard fut forcément aspiré, que dis je, englouti par ce qui débordait du balcon voisin. C'est vrai que j'y étais allé un peu fort. Je partis dans une intense réflexion en me demandant si ces obus moelleux respiraient. Evidemment que non mais alors j'essayais de m'approprier la sensation en imaginant mes bijoux de famille compressés. C'était douloureux pour sûr oui mais non, ce n'est pas la même texture. Une boule c'est dur, un sein c'est mou. Tant de questions sans réponses !


- Je pourrais organiser l'évasion des jumeaux...

Oh oui, oui oui oui. C'était vraiment le moment d'avoir les idées mal placées hein, on a deux sœurs en panique sous les bras, enfin l'une est silencieuse c'est déjà ça, un Jean à qui on va devoir expliquer le tableau dans une heure visiblement et aucun moyen de sortir d'ici en toute sécurité mais mes premières idées allaient vers le corps de ma femme du jour et je vous passe les détails des scènes qui se jouent dans ma tête. Self control, je passe dans son dos et je délace lentement les liens de sa robe, pas bander pas bander, le corsage est enfin dénoué, je retourne m'asseoir sur la chaise de bureau et pose ma cheville sur mon genou. Comme ça, compression suffisante du paquet pour l'empêcher de grossir.

Je pris une profonde inspiration pour me focaliser sur autre chose que mes pensées lubriques ( pas de ma faute si elle m'attire cette nana !) et lui expliquai ce que je savais. C'est le moment de faire un brainstorming chérie :


- Mercotte et l'autre par terre sont sœurs. Elles cherchaient un message destiné à notre proie. Cette dernière a un père saxon qui a arrangé le mariage avec le Duc. Notre fugitive a du quitter le château prestement. Mercotte a trouvé le message dans le manche de la brosse et l'a bouffé cette sotte. On va devoir la faire parler mais pas ici, c'est trop risqué, ça va être délicat pour sortir d'ici sans se faire voir, on s'attend à ce qu'on passe la nuit ici. J'ai peut être une solution mais on devra compter sur Jean.

Je posais mes fesses sur le bord de la couche, bras tendus vers l'arrière prêt à écouter la version de la baronne mais j'oubliais un point important :


- Ah et autre chose...il me faut de l'eau. Question de vie ou de mort.

Essai de regard mystérieux visant à lui faire croire que j'avais un plan rudement bien élaboré qui nécessitait la présence aqueuse mais en réalité, ma gorge c'était le désert de Gobi.




*Le titre dont on ne doit pas prononcer le nom ?


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Andrea_
    [ In da piaule ]

Vu que t'es pas fichu de trouver un titre correct, je passe en allemand.


On nous ment. On nous a toujours menti. Qui a dit qu'un homme ne pouvait pas faire deux choses à la fois?
Hecthor réussit le pari d'être à la fois saoul et clairvoyant. Je sais qu'il a dit que sa petite siestasse l'avait fait décuver m'enfin quel homme normalement constitué pouvait dire une telle phrase ? "Je pourrais organiser l'évasion des jumeaux". Dites vous que dans un premier temps j'ai pensé "Nannnn y a aussi une paire de juju' dans le château?", ce qui serait bien possible hein, c'est vous dire si je suis à mille lieues d'avoir les pensées lubriques, MOI. Et puis j'ai compris qu'il parlait de ma paire de nibards, je .... Je crois que j'aurais préféré ne pas comprendre, mais putain que ça fût compliqué une fois qu'il eu ses mains dans mon dos !
Les mains sur le devant du corset, je monopolisais mon cerveau sur une tâche simple -la seule chose qu'il est capable de faire en cet instant- : Tenir la robe pour éviter de se retrouver à poils.
Ah on aurait l'air malin tiens!

Le soulagement fût instantané, c'est comme passer la journée avec une paires de bottes en trente huit alors que tu fais du quarante trois, quand tu libères la paire c'est tout serré et les coutures sont imprimées sur la peau, j'en soupirais d'aise avant de me racler la gorge. Oui, non, enfin pas pour... Merci Hec', vraiment, tu m'en veux pas si je dis rien? Je vais dire une connerie sinon.

Je me laissais tomber sur le fauteuil qu'il abandonnait en prenant une pause de poupée désarticulée et envoyais valser mes chausses par la même occasion. C'était du pur bonheur. Je pris le temps de poser ma tête sur le dossier en écoutant attentivement mon comparse. L'écouter sans le regarder, c'était ça la clé.


- Ah et autre chose...il me faut de l'eau. Question de vie ou de mort.

Redressement de la caboche, elle l'observe, un instant, c'est que dans sa tête beaucoup de réponse lui viennent : du "bien fait pour ta jeuuuule" un peu piquant, au "comme c'est étonnant!" ironique, en passant par le "bien sûr je vais te trouver ça mon chaton" parfaitement faux-cul.
Mais à la place je lui offrais un large sourire et me redressait, toujours en tenant la robe, et me dirigeais vers la grosse armoire avant d'en ouvrir les portes. Je vous prie de ne pas me prendre pour une débutante, bien sûr que je sais ce que je fais, et je ne suis pas sans coeur non plus, j'ai entendu qu'il avait soif, m'enfin je vais rendre l'utile à l'agréable -je crois-.
L'allure est maitrisé, les hanches chaloupent un peu et la main libre abandonne le bois de la porte pour effleurer les tissus rangés au cordeau, les étoffes sont superbes mais bien loin de ce que je rêve d'enfiler en cet instant -je parle bien de vêtements, sagouins!-, je ne quitte pas une prise dorée pour m'enfermer dans une autre, non j'ai simplement besoin de l'ancêtre du legging détendu et du tee shirt trop grand, si en prime je pouvais trouver une paire de chaussettes doudous neuves, je serais refaite.


- Je crois que tu vas devoir prendre ton mal en patience, je ne suis pas une fontaine.

Première étape de mon plan pour dessécher le désert de Gobi, parler de fontaine -pas celle de Jouvence, ni celle de Cristaline, mais plutôt... Enfin vous avez compris.
Ensuite le traitement est simple, pour un patient normal, suivre la posologie suivante : Oscillation des hanches toutes les quatre secondes, pas plus de quatre fois d'affilé, pour la cinquième fois, attendre un peu plus pour susciter l'impatience. Faire des feintes, laisser parfois le tissu de la robe froisser le sol, et le remonter un peu genre "oh mon Dieu elle va retirer sa robe", mais en fait non.
Je vous jure que ça fait saliver un peu.

Enchainons avec la seconde étape : Effectivement retirer cette robe, parce que c'est mathématique, pour pouvoir retirer une robe, il faut... la retirer, c'est ainsi, même avec la meilleure volonté du monde je n'ai pas encore trouvé comment me déshabiller sans le faire, ni comment faire disparaitre de manière instantané mes fringues. Laisser glisser le tissu, d'un coup sec, scratch, comme on retire un pansement, voilà t'façon fallait le faire Hecthor, rends toi à l'évidence, on va probablement passer la nuit ici, j'allais forcément virer cette robe à un moment, tu vois un paravent? Non, y a pas de paravent alors quoi, j'allais quand même pas te demander de... Oh, pardon.


- Tu devrais fermer les yeux.

Tu devrais. Vois, je te conseille. J'aurais pu dire "tu peux?" mais t'aurais encore trouver un truc pour me faire chier -il excelle dans le domaine-, alors je te conseille, tu fais ce que tu veux, mais t'auras été prévenu. Je garde les yeux bien droits, avec dans le viseur la petite chemise en soie que je vais enfiler dans approximativement six secondes -avec un peu de chance le Blond aura bavé l'équivalent d'une demi litre et n'aura plus soif-, en attendant j'enfile une paire de braies -en faisant attention à me baisser avec subtilité -le but n'étant pas de dévoiler la pleine lune-
Tout est sous contrôle j'ai dit, jusqu'à ce que la main sur la chemise quelqu'un frappe à la porte. Un coup lourd, et un second encore plus lourd.



- Alors Baron de... de.. Mouiillle..rac. Et bin le Duc semblait bien imbibé... Vous n'venez pas pour un ramp...ppppp....onneau?, Alleeeeeeeeeeeeez, c'est le derrrrrrnier soaaar, les Anglais repartent de...deu...main soir !

Les yeux écarquillés je regardais Hecthor, j'hésitais entre éclater de rire et le long soupir... Je me jetais sur Mercotte pour la bâillonner -avec de la soie putain, j'en aurais chialé- Je soufflais entre mes dents serrées

- Et bien démerdes toi maintenant, toi et ton grand copain... fais chier!


Et voyais bien quelque chose de sadique dans le regard de Mercotte. Et ce n'était pas dû à la soie, qu'avait pu dire le Duc qui la rendait ainsi? Ou peut être juste sa présence...
Ah la prochaine fois j'te préviens Hec', on n'embauche PERSONNE.


- AAaaaaaaaaaaaaaah Chaaarles
- Jean Mon Seigneur
- Jeaaaaaaaaannn, donnez moi cette part de tarte et... ADAScruntch scruntch, Kesvoufète?


Ou alors juste Jean.
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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[La casa]


je sais, ça ne veut pas dire chambre mais je parle pas spansih ! On fait c'qu'on peut avec c'qu'on a

Les restes de vapeurs d'alcool enrobaient mon esprit et me poussaient à rebondir sur :

- Je crois que tu vas devoir prendre ton mal en patience, je ne suis pas une fontaine.

J'aurais eu tellement de choses à rétorquer ! j'aurais très bien pu imager le mâle que je dois PRENDRE en patience mais l'avenir me redonnera cette opportunité, j'en suis sûr, des fois qu'un soir à Mende...je dis ça...je ne suis pas voyant. Je ne vous fait pas le topo sur la fontaine. C'est gros comme une barrique dans un terrier de musaraigne, c'est un appel de phare (à On. Vous le connaissez ?), c'est un plongeon dans quelques souvenirs communs où les draps s'en souviennent. Alors oui, même sans être alcoolisé j'y aurais pensé mais l'alcool a bon dos.

J'ouvrais la bouche, à retardement car je ne suis pas très vif dans l'état actuel des choses, pour justement répondre mais la sécheresse buccale eut raison de moi. En vérité, j'observais son petit manège d'un œil avisé. Elle jouait avec moi. Alors, pour vous expliquer ma psychologie retors, j'ai une fâcheuse tendance à vouloir gagner, contredire, avoir le dessus. Si l'instant d'avant notre proximité m'avait émoustillé, désormais je prenais cela sous l'angle du défi. Tu veux jouer ? jouons. Je jetais un regard vers Mercotte qui se demandait avec quels tarés elle s'était engagée.

Je suivis son conseil. Peut être voulait elle me mettre au défi d'y arriver, peut être voulait que je la vois, toujours est il que je fermais les yeux et laissais les froissements de vêtements bercer mon imagination. Sauf QUE, je fus bercé tout court et en un clin d'œil, je tombais dans un trou noir.

Le coup à la porte me fit sursauter.

- Je n'ai pas touché à ses pommes ! moment d'incrédulité générale. Hein...quoi ? oui...

Il me fallut quelques secondes pour réaliser que le Duc se trouvait à notre porte. Le Duc se trouve à notre porte ?!
Deuxième coup de massue, Andréa presque à poil. J'étais pas prêt ! puis je bloquais sur Mercotte...mais j'avais dormi combien de temps merde ? Je ne me privais pas de reluquer sa poitrine enfin libérée délivrée mais je m'avançai vers elle froidement, fini de jouer il fallait agir. Et par agir je ne pensais pas à la culbuter ! enfin si...j'y pensais fortement...mais rien ne filtrait sur mon visage.
Sans paniquer, je me parai d'une cape polaire et descendis en pression. On se calme. La respiration est mesurée, le regard est tranchant comme des lames de rasoir et la posture se raidit. Les mouvements sont souples et mesurés, je m'approche de son oreille pour murmurer à Andréa.


- Sois prête à partir à mon signal. Essaie de tirer les vers du nez des jeunes pendant ce temps. Merci Darling.

Un sourire conspirateur et la clé tourne dans la serrure. J'avais bien désaoulé et mes idées étaient plus limpides que l'eau d'une rivière au printemps. Pourtant, je feignais l'ivresse lorsque je me faufilais dans le couloir pour rattraper le Duc et Jean qui rebroussaient chemin.

- 'Tendez moa...*hips*, de la bière ! me faut d'la bière ! festoyons !

[Salon privé]


Je profitais d'un détour par les cuisines pour faire un topo rapide à Jean en lui glissant dans la main un petit sachet avec une poudre à l'intérieur.

- Prends ça, tu en mettras dans la cruche de vin que tu iras rapporter aux gardes en disant que ça vient du Duc. Attends mon signal pour le faire et ensuite tu fileras chercher An...ma femme.

Pas le temps de vérifier qu'il ait bien saisi. Prions pour qu'il soit vif le garçon mais jusqu'à maintenant il m'a semblé dévoué, espérons que je ne faisais pas fausse route et qu'il ne soit pas dans la même combine que Mercotte. Le Duc réapparut avec un plateau de biscuits que Jean s'empressa de porter avant qu'un drame culinaire ne tâche le sol.

Je tanguais avec le nouveau poto, je riais grassement et supportais son haleine fétide jusqu'à une pièce qu'il me fit découvrir. Les armoiries tapissaient les murs et d'imposantes statues de chevalier se trouvaient aux quatre coins de la pièce. Au centre de celle ci, une énorme table avec une carte dépliée. Nous n'étions malheureusement pas seuls. Quatre hommes discutaient dans une langue étrangère. Des anglais. Je me sentais pris au piège et au centre d'une intrigue politique que me dépassait. Je voulais juste trouver la duchesse merde !
Un des saxons s'avança vers nous et je m'efforçai encore de jouer l'ivrogne, je ne dois pas leur apparaître comme une menace mais un simple alcoolique sans intérêt :

- Et l'eau ! how douyoudou ?

En parlant d'eau ! j'ordonnai à Jean de me chercher un carafon plein ! il était plus que temps d'irriguer le désert de Gobi foutredieu. Les trois saxons continuaient de parler entre eux et le quatrième tenait la jambe à notre cher Duc qui lui racontait l'histoire d'une fresque. Comme si l'autre pigeait quelque chose.

Je m'affalais dans un fauteuil sans aucune grâce et tendais l'oreille en me désaltérant. Les anglais m'ignoraient royalement, grossière erreur. Je saisis quelques mots, ils parlaient de l'ancienne Duchesse, celle qui est morte. Scoop ! Elle était anglaise. Ils évoquaient à plusieurs reprises un waubeut, probablement un "Robert" du coup. Le fameux waubeut aurait manigancé le mariage notre fuyarde...donc attendez ...waubeut est le père de la fuyarde et les diplomates présents seraient ici pour ... terminer ce qui a été commencé ?

L'histoire me tenait en haleine...sauf que la foutue haleine de notre Duc pourrit mon espace vitale. Casse toi merde tu ne vois pas que j'étais sur le point de découvrir ce que manigancent tes invités ? quel boulet mais quel boulet.


- Adam ! de la bière brassée ! cheers !
- Cheers

Je levai mon godet et surpris un des anglais en train de verser quelque chose dans la carafe de vin restée sur la table. Cette histoire commençait à sentir le sapin, il fallait que je me tire d'ici et vite !

- Je vais aller me coucher, j'ai un mal de crâne effroyable.
- Mais restez encore un peuuu ! la soirée n'fait que commencer

Je me levai approximativement, titubais vers la table et renversai malencontreusement la carafe empoisonnée. Le Duc sortit de ses gonds et piqua une colère en appuyant sur le fait que c'était une cuvée spéciale. J'essuyais aussi les regards noirs des anglais et m'excusai maladroitement. A leur réaction je devinais qu'ils me suspectaient. Je dois sortir de ce guêpier et vite. Je tire Jean par la manche et lui murmure un "maintenant" pendant que les autres sont occupés à tergiverser. Le valet sortit discrètement de la pièce où les fourmis commençaient à s'agiter. Je ne pouvais pas fuir maintenant, il fallait attendre que le poison somnifère face effet sur les gardes, je ne pouvais prendre le risque d'éveiller d'autres soupçons alors je retournai dans l'œil du cyclone en m'excusant encore une fois de ma maladresse et promis au Duc que je lui ferai parvenir une cuvée de ma résèrve personnelle.

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Andrea_
    [ In da piaule ]

Je ne parle pas allemand non plus, si ça se trouve ça veut dire grenier et on a changé de pièce dans le savoir.




J'vais vous dire, heureusement que je lui tournais le dos, si j'avais vu qu'il dormait il l'aurait eu son verre d'eau, dans la tronche! Nan mais c'est vexant quand même, enfin c'est pas comme si c'était notre problème le plus important. C'est vrai que je me suis demandée d'où sortait son "je n'ai pas touché à ses pommes", mais là encore on avait un autre problème, un problème hautement aviné qui cognait à notre porte en bouffant le plateau repas.
Alors je dois avouer que quand j'ai vu le Blond s'approcher je me suis dit "oh mon Dieu je vais passer à la casserole", mais j'avais à peine le temps de chercher une excuse pour ne pas m'envoyer en l'air que déjà il murmurait à mon oreille.

J'hochais la tête, oui d'accord, je suis prête à partir à ton signal, oui, d'accord, j'essaye de tirer les vers du nez des jeunes et merci ma Darling, j'allais demander si Darling était une race de chien que déjà il ouvrait la porte pour courir après ses nouveaux amis.
C'est en me redressant pour refermer la porte à clé que quelque chose fît tilt dans mon esprit...
Le signal? Mais quel signal putain?!

Nan parce que des signaux on en voit à tous les coins de rue hein, moi personnellement si j'ai envie je peux décider qu'une feuille qui tombe d'un arbre est un signal et si vraiment j'ai envie de voir un signe je suis capable d'interpréter n'importe quoi dans n'importe quoi, j'peux te dire que si j'ai décidé qu'au fond de mon écuelle je verrais une carte au trésor, sois assuré que je VERRAIS une carte au trésor, et que j'arriverais même à le faire croire à tous les pecnos que je voudrais comme escorte!

Un signal, j't'en foutrais moi du signal!


Debout dos à la porte j'observais les jeunes femmes. Eline, qui piquait la meilleure sieste de sa vie sur un parquet en chêne, et Mercotte, bec farci de soie rouge tentait de se découvrir un nouveau pouvoir : celui de me buter rien qu'en me regardant. Croyez le ou non, j'avais presque de la pitié pour Elle.

Je tirais donc Eline jusqu'à sa soeur et tentait de la faire tenir à peu près assise, c'est dingue cette absence de dignité qu'ont les gens une fois qu'on les assomme, tout avachi, la bouche qui dégueule d'un côté, les cheveux en bataille, je rêve d'un monde où les gens seraient beaux en étant inertes, mais c'était visiblement pas pour demain, je décidais pour l'heure de ne pas débâillonner la plus revêche des deux et allait plutôt renifler un bouquet posé sur la commode. J'aurais bien aimé vous dire quelles sortes de fleurs s'épanouissait dans ce vase, mais je ne suis pas jardinière vous devrez donc vous contenter de cette description rapide mais efficace : des fleurs à pétales rouges mais sans piquant sur les tiges.

Je déposais les fleurs sur la commode et ramenait le vase d'une main, avant de faire racler une chaise sur le sol pour m'asseoir à environ un mètre de nos deux conn...femmes de chambre. D'un coup sec l'eau jaillit du vase pour réveiller la belle au bois dormant -qui avait une sale tête mais maintenant c'était justifié. Après avoir posé le vase sur le sol et mon cul sur la chaise, je lissais mes braies pour les regarder. Vrai que je manquais de crédibilité sans chemise, mais je viens seulement de me souvenir que j'en avais pas mis alors on va faire avec, oh tiens, un plaid sur le dossier de la chaise, très pratique ça! J'en repliais les pans sur ma poitrine et les regardais.


- Alors Toi, déjà, tu as de la chance, tu as eu droit à l'eau que quémandait He..Adam avait véhémence, tu le remercieras. Et pardon pour ... Enfin quand même quand tu pleures essaye d'être un poil plus digne, j'dis ça pour toi!
Quand à toi. t'es une petite filoute toi, mais t'es tombé sur plus têtue que toi, et plus ambitieuse. Et plus expérimentée, et plus ... Oh tu veux parler?


Oui, elle veut parler, ça se voit elle humhumhum dans la chemise Je tirais d'un coup sec sur le tissu pour laisser la parole à Miss Mercotte la boulotte

- Et plus vieille aussi

Ouh. Le petit revers est mérité, et oups, il est parti tout seul, ouais mais nan, si tu saignes dès qu'on te touche aussi, je t'ai à peine effleuré l'arcade, allez, remange cette chemise !

- Et voilà, t'as perdu le droit de parler, c'est dommage, j'ai été trop bonne, donc nous disions, nous sommes désolés d'avoir déjoué tes plans, et d'apparaitre comme un petit grain de sable dans ton engrenage d'enfoirée, CEPENDANT, et puisque vous êtes jeunes et que nous, ce qu'on veut, c'est uniquement du pognon et pas du sang sur les mains, enfin j'veux dire pas plus que celui que tu viens de laisser sur ma main, je disais donc, on va jouer à un jeu.

Et le sourire de s'élargir, bien sadique le sourire, bien bien bien sadique, visiblement le jeu n'allait amuser qu'une seule personne sur les trois.

- Je vais poser des questions à celle qui peut pas causer, exemple : est-ce que ta soeur sait comment s'appelle l'ancienne Duchesse? et faudra hocher la tête de haut en bas pour oui, de droite à gauche pour non. De là, on passe à la soeur suivante, et si elle répond, c'est gagné.
Enfin si la réponse me plait. Et si.. passons.
Oui, oui, passons seulement à la punition : une mauvaise réponse : un ongle en moins. deux mauvaises réponses, deux., trois trois et ainsi de suite jusqu'à cinq. A cinq je change de soeur. A dix je change de mains. A quinze encore. Et ensuite je vous arrache les yeux.

Sinon on peut faire simple, rapide et presque propre : Mercotte tu nous fais un petit caca, Eline fouille jusqu'à trouver le message, et on prie pour qu'on puisse savoir ce qu'il disait.

Allez, on commence!


Bin j'sais pas de quel signal il s'agit mais j'espère que ça tombera pas pendant une mauvaise réponse!
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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[Salon des rosbeef]


La situation devenait compliquée. Le Duc ne possédait plus ses capacités intellectuelles, furent elles présentes un jour. Les quatre diplomates saxons me dévisageaient et ne parlaient plus entre eux, signe qu'ils redoutaient que je comprenne leur langage. Je peinais à gérer la situation et des mimiques naturelles firent irruptions en brisant mon masque de mec totalement pété. Je pouvais aisément passer d'un "j'm'excuse...mille fois*hips*, pour ma maladresse légen*hips*daireu." à un "La situation est peu convenable pour notre Duc, je pense qu'une bonne nuit de sommeil permettrait d'éclaircir son esprit." En résumé, j'ai grillé ma couverture aux yeux des rosbeef et je ne sais pas comment je vais pouvoir m'extirper des leurs serres.

Le Duc venait de trouver une solution, qui aurait cru qu'elle aurait pu venir de lui ? Il nous convia tous à aller dans le salle de bal, tenez vous bien, pour danser. Car jusqu'à preuve du contraire, dans une salle de bal on y danse, on y danse tous en rond. Je me mis directement à la suite du Duc en restant sur mes gardes, sait on jamais que ces messieurs cacheraient un objet tranchant dans leur manche. J'avais horreur de n'avoir aucune arme sur moi, je me sentais à poil et à cet instant, plus que jamais.


[Salle de bal]


Le Duc donna un coup d'épaule, non non non, on reprend. Le Duc se vautra lamentablement dans les énormes portes en chênes qui s'ouvrirent sur l'immense salle de bal. Il s'accrocha désespérément à la poignée pour ne pas embrasser le sol en pierre et se redressa laborieusement. Willy sauvé, je ne pus m'empêcher d'admirer la grandeur de cette pièce. Les grandes bannières descendaient du plafond majestueusement, les vitraux filtraient la lumière de l'astre argenté dans un kaléidoscope bariolé et quelques gens du château balayaient le sol. Ces derniers furent évidemment surpris d'avoir de la visite et je ne vous raconte pas la tête déconfite d'une jeune servante lorsque le duc l'attrapa par le poignet pour l'emmener sur l'estrade. Le rouge para ses joues lorsqu'il lui demanda de chanter. Vrai que c'est important la musique. Vous avez déjà essayé de danser sans musique ? essayez de boire sans godet, verrez, c'est vachement chouette vu de l'extérieur.

La voix timorée de rougeotte était aussi puissante qu'un hululement d'une chouette dans une nuit d'orages grondants. Le Duc la sermonna, pauvre hère, et elle se mit à chanter plus fort. Je n'ai pas l'oreille musicale mais elle semblait chanter plutôt convenablement, sans trop de faussetés. Malgré le ridicule de la situation, les anglais entrèrent dans la danse. Ils semblaient déterminés à ne pas lâcher le Duc d'une semelle.
J'invitais une autre servante, la forçant à abandonner son balais, à danser avec moi. J'en profitais pour lui murmurer "allez réveiller un conseiller. Le Duc ne tient presque plus debout et fait mauvaise figure devant ses invités". Je la relâchais l'instant d'après et fit entrer dans une ronde les protagonistes masculins. Les regards des saxons étaient tout sauf enjoués pourtant je leur montrai mon meilleur jeu de jambes. Andréa tu loupes quelque chose ! La scène devait friser le ridicule et j'espérais qu'au dehors, Jean ait réussi à distribuer le vin somnifère aux gardes.

Un conseiller déboula par une porte adjacente. On l'avait sorti du lit et ça se voyait. Marque de l'oreiller sur la joue, cheveux grisonnants en pagaille et vêtements dépareillés enfilés à l'arrache. Le conseiller s'approcha du Duc et lui murmura quelques mots magiques et suite à cela, il annonça la fin de la petite sauterie. Les anglais semblaient désorientés et celui qui parlait notre langue tenta une discussion avec le Duc mais ce dernier n'était plus en capacité de comprendre quoique ce soit. Il s'éclipsa avec son conseiller, je m'apprêtais à faire de même en saluant d'un signe de tête les saxons lorsque Jean me rentra dans le buffet. Il sort d'où lui ?


- C'est fait m'sieur.

Je pense que si mes yeux avaient pu sortir de leurs orbites, il l'auraient fait. Il est brave ce gamin mais qu'il est con ! va crier sur les toits que j'ai empoisonné les gardes aussi ! Voyant les anglais s'approcher, je lui donnai une dernière directive à voix basse.

- Va prévenir la baronne qu'il faut partir sur le champs. Je vous rejoins.

Le nigaud eut tout juste le temps de filer à l'anglaise (aha) que deux types me barrèrent le chemin de sortie et visiblement, ils étaient peu enclins à me laisser passer. Le francophone s'adressa à moi derrière des sourcils broussailleux et pas content content :

- Nous devons vous parler.

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Andrea_
    [ Dans la chambre. ]




J'étais contrariée, vraiment. Nan parce que les ongles c'est super important et Mercotte venait d'en perdre trois, alors je sais ce que vous allez dire "oui mais toi il t'en manque deux et on n'en fait pas un fromage!", ah mais m'sieurs dames, il me manque les doigts complets, pas juste les ongles! Là, j'ai beau lui avoir moi même arraché j'suis prise de regrets, on dirait une oeuvre pas terminée. Soupirs...


- Vous auriez du prendre la dernière option, vous savez c'est physiologique, tout ce qui entre sort. Tu bois, tu pisses. Tu avales, tu craches. Tu te fais engrosser, ça met neuf mois MAIS ça finit par sortir, donc si tu manges, tu chies, ou tu vomis.

C'est vrai que j'aurais pu penser à cette option d'abord, on aurait gagné du temps, du sang et des larmes mais j'y avais pas pensé, et vu que ça faisait plus d'une heure qu'on jouait à "parle ou pleure", j'imaginais sans mal que le message serait bien descendu.
Ouais, j'aurais pu lâcher le morceau, mais j'y peux rien si j'ai du mal à tourner les pages !
J'entamais la phase deux, et revenait m'asseoir avec les fameuses lettres enflammées de la Duchesse et son amant. Je sais que vous vous posez la question alors oui, j'ai mis une chemise, elle est un peu étriquée mais elle est là, elle couvre tout ce qu'il y a à couvrir, et j'ai même enfilé une sorte de gilet en peau de mouton qui me donnait des airs de bergère, ce qui tombait bien car les deux soeurs ressemblaient maintenant à des petits agneaux apeurés.


- Donc, le Gontrand, qui le connait ?
Aaaaaah.... Quel bonheur de voir ces petites mains en l'air, fais un effort Mercotte t'as perdu des ongles pas le bras entier, allez, plus haut ! C'est bien !


Et j'avais finalement ma réponse. Entre deux sanglots. Entre deux "pitié Baronne, pitié". Entre deux sourires -les miens-. Et je n'avais pas eu besoin de poser d'autres questions, Eline s'était d'un seul coup découvert une passion pour les discours, elle gerbait les mots en formant des phrases construites, comme si elle avait... peur? Ahah -pardon-. Mercotte, elle, avait finalement fait copain copain avec la chemise en soie et morvait généreusement dessus, c'était fascinant.
Et quand je pensais qu'elle avait terminé, je la regardais et elle en rajoutait, encore et encore, c'était comme mettre une petite pièce dans une machine infernale et obtenir un petit jouet. J'avais visiblement une bourse illimitée.
Je mettais tout en ordre dans mon esprit, histoire de faire le tri sur ce qui était vraiment important et dont je pourrais me resservir, et ce qui n'était que broderies -anglaises ahah-. Et je n'avais personne à qui le dire.


Le temps passait et aucun signe d'Hecthor. C'était plus fort que moi, les récents évènements avec Archibalde, Arsinoé, Johannes et Nethel m'avaient enfermé dans une peur panique de l'abandon que j'avais du mal à gérer, couplez à ça la paranoïa de les voir disparaitre à mon insu et vous obtiendrez, une petite chose qui, lorsqu'elle se met trop à penser est complètement paralysée.
Eline fût bâillonnée à son tour, le jeu, en temps normal aurait continué jusqu'au petit matin mais je sentais une boule d'angoisse monter sans que je ne puisse la maîtriser. Les liens furent resserrés et je leur promettais qu'il ne leur arriverait plus rien.

Et puis vint l'attente. Bien loin d'imaginer Hecthor en train de danser, je rongeais mes ongles que dis-je! Je sacrifiais mes ongles à la simple pensée qu'il puisse lui être arrivé quelque chose. En tournant en rond. J'enfilais une paire de bottes, regardais par la fenêtre, tirais ma chemise, ajustais la paire de braies. Je tentais même l'auto persuasion "il est en train de jouer aux cartes, forcément tout va bien!"


- Il faut partir sur le champs !

Je sursautais. Je sais que c'est évident que c'est ça, le signe, mais c'est tellement évident que j'en viens à me dire que ce n'est pas le signe. Nonnnn, nonnnnnononn, JAMAIS, Hecthor n'aurait fait ce genre de signe : déjà parce que c'était pas assez classe, le blond est plutôt du genre à balancer un tout petit caillou sur un carreau ou à imiter le chant d'un oiseau dont lui seul connait le nom, et puis c'était pas sa voix, ensuite parce qu'il faut être sacrément con pour beugler derrière une porte, est-ce qu'il était là quand on lui expliquait son rôle dans l'histoire? Est-ce que quelqu'un peut expliquer à ce gamin ce qu'est la discrétion? Est-ce que Déos lui même peut se rendre compte de l'erreur d'avoir donné la vie à un être aussi con et le foudroyer sur le champs?
J'ouvrais la porte, incrédule le regardais, le chopais par le col pour le faire entrer et, sitôt fait vérifiais que personne n'arrivait en courant, ce qui ne devrait pas tarder vu le boucan du jeune.
Le temps de rassembler ce qui pourrait ressembler à des armes -Gentille la Duchesse, mais son truc c'était clairement pas la baston- : un coupe papier, un bâton -pour ma panoplie de berger-, et un besace dans laquelle je fourrais deux trois trucs lourds -comme un chandelier, une statuette en bronze, des trucs lourds quoi- tout en lançant des regards en biais à notre bon jean -notre Jean Bon, ahah, pardon-


- Mais alors toi, toi t'es pas la moitié d'un con, ah si on dit de certains qu'ils ne sont pas finis, c'est pas ton cas, ça a du limer sévère pour arriver à un tel niveau de ... de CON
T'es con, con, vraiment con!
Oui, quand je suis énervée parfois je manque de vocabulaire
Le con de compet' hein, ah le con triple champion! Vraiment, mais vraiment en haut du cheptel hein, le roi des cons! Putain tu s'rais un pingouin tu s'rais pas 'lui qui glisse le plus loin !
Bon, il est où, le Blond?

- Il... Il a dit qu'il nous rejoint...
- Et tu pouvais PAS le dire AVANT, mais vraiment, vraiment qu'est ce que t'es CON !


    [ Dehors, avec les gardes qui font dodo. ]


Et le con m'avait indiqué où aller. J'étais soulagée de voir que l'on sortait par des petites issues, que les gardes faisaient un gros dodo et que les chevaux étaient déjà sellés, c'est que notre Jean Con n'étant pas très fûté j'imaginais qu'il aurait pu nous amener au milieu d'un champs pour coller parfaitement à la demande du blond : "Il faut partir sur le champs".

Mais Hecthor n'arrivait toujours pas. Et il ne le savait pas encore mais il fallait se bouger si on voulait récupérer notre petite voleuse de Duchesse


- Tu sais te battre? Bien. Prends ce qu'il te faut sur un garde.
Tu sais où il est?
Comment ça qui qui! Le Baron, nigaud!
Il quoi?
Articule!

- il ... il danse Madame.
Je soufflais en me pinçant le nez, avant de demander
-Où. Où est-il?
-Dans... Dans la salle de bal.


Alors le petit gémissement que vous avez entendu de ma bouche, c'est pas un pleur non. Nais... Une plainte, ça se traduit par "mais qu'est ce que j'ai fait au bon Dieu BERDOL!"

J'estimais qu'avec une dague en plus je pourrais parer à l'attaque, si attaque qu'il y avait -on ne sait jamais des fois que nos petits rats de l'opéra soient violents ahah -ah.ah.ah.- -parce que oui, Jean est con mais il a eu un éclair d'intelligence et s'est dit que ça pouvait être sympa de dire qu'ils dansaient à plusieurs, sans pouvoir dire combien-. Je suivais donc Jean avec mon bâton de pèlerin, et, faut l'avouer, un air un peu vénère.

Je te jure Hecthor, tu vas tellement manger chaud !

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Hecthor.
[En attendant Godot]


Godot c'est moi, car je me doute fortement qu'on m'attende avec impatience là dehors. J'imagine d'ailleurs aisément ma chère femme faire les cents pas, je l'imagine en train de ruminer, râler et s'en prendre aux malheureux qui se trouvent dans son sillage. J'imagine tout cela avec la face de rosbeef, accompagnement poireau sur le tarin, juste à quelques centimètres de moi. Il voulait discuter et j'aurais aimé m'esquiver mais c'est déjà allé trop loin. J'acceptai de les suivre, avais je d'autres choix ? Nous rebroussâmes chemin et nous installâmes autour d'une vaste table ronde au fond de la salle de bal. Me voici promu chevalier, appelez moi Perceval. Godot. Adam. Hecthor. Vouzêteplusieurs. Les trois types s'assirent en face de moi.

J'avais désormais l'impression de passer un entretien d'embauche devant un jury. Moment choisi pour porter la réflexion sur mon accoutrement. Chemise en soie violette brodée de filaments dorés, bouffante aux manches, col évasé et largement ouvert. Braies de la même couleur criarde un peu trop courtes, bas blanc en coton et chausses rouges écarlates. Quand Déa disait que j'avais l'air con elle ne mentait pas.

Je ne m'attendais pas à ce qu'ils me demandent "nom, prénom, âge, adresse, loisirs, profession, expérience personnelle". Le temps pressait pour eux aussi et je représentais une menace. Je m'attendais aussi à ce qu'ils veulent m'évincer du tableau mais leur méthode semblait requérir de la discrétion.


[Pourparlers]


- Je k'wois que nous pou'ions t'wouver un accord.
- Et qu'est ce qui vous fait dire ça ?
- Sir, wou n'êtes pas bawon. Le Diouk est quelqu'un de naïf, pas nous, ne faites pas l'e'w'eu'w de nous sous estimer.
- Allons droit au but messieurs, vous avez mis quelque chose dans son vin. Qu'est ce qui m'empêcherait de vous dénoncer ?

Les types se mirent à se concerter, l'un semblait concupiscent à souhait, l'autre hochait la tête sans promulguer son avis et enfin le dernier argumentait avec le f'wancophone. Je me moque , c'est pas bien. J'avais soudainement envie d'un verre d'eau. Désert de Gobi, le retour. A mon grand désarroi, plus aucune servante n'était dans la pièce, ce qui ne fit qu'augmenter mon niveau de vigilance envers mes interlocuteurs.

- Nous vous off'wons le double de la somme de la p'wime.
- Et qu'est ce qui me dit que vous tiendrez parole ?
- Sir, cette histoi'we va bien au delà de vot' wang. Estimez vous heu'weux qu'on vous laisse so'tir en vie. Sir Goodwyn veut ret'wouver sa nièce avant le Diouk, et nous pa'lons en son nom.
- Comment puis je vous contacter ?
- P'wenez ceci, en gage de not'e confiance. Il suffi'wa de la mont'wer à la Dame du Castel de Vouvoisie.

Je faisais tourner la chevalière entre mon pouce et mon index. Je digérais les nouvelles informations. Ainsi il y avait trois clans. La duchesse et les deux sœurs. Le Duc. Les Anglais et Sir Goodwyn. Je partais du principe que ce dernier était la même personne qui avait organisé le coup monté du mariage. Je me demandais ce que ce Duc avait fait à nos amis saxons pour s'attirer de tels représailles. Quand je vous disais que j'avais une sainte horreur de la politique...

Nous éluderons la fin de l'entrevue pour garder le mystère pour la suite des évènements.

[Sortie des artistes]


Je sortis de la salle de bal et m'emparais d'un flambeau mural pour progresser dans la pénombre glaciale du dédale de couloirs. La démarche était assurée mais lente, je cogitais encore longuement aux derniers échanges et je failli ne pas reconnaître ma comparse dans ce nouveau déguisement. Car oui, appelons ça un déguisement, il vaut mieux, pour son honneur. Ne comptez pas sur moi pour ne rien dire à ce sujet :

- Je te préférais vêtue, ou dévêtue comme dans notre chambre nuptiale.

Le sourire est doux mais taquin et les pas continuent à descendre les marches qui donnent sur la cour du château. En ces murs, je ne dirai pas un mot sur ce qui s'est passé là haut. Je lui fais un signe de tête, le fameux "viens suis moi" tout en continuant mon chemin jusqu'au pont levis que nous traversâmes en silence.

Je m'arrêtais à un angle de rue, la château nous surplombait désormais et ces péripéties semblaient désormais loin et me donnaient l'étrange sentiment que tout ceci fut irréel. L'éclat de la lune faisait scintiller l'argent de la chevalière à mon majeur et je sortis une bourse fraîchement acquise dans la salle de bal pour la donner à Jean en remerciement de ses précieux services. Une fois le Jean bon disparut, je pus parler plus librement :

- Nous avons pas mal d'informations à échanger je crois bien. Rentrons. Nous ne sommes plus loin de notre auberge. Je tiens à rattraper la séance effeuillage que j'ai loupé.

Voilà, la vérité éclate au grand jour. Tu sais désormais que j'ai dormi comme un misérable loir plein comme un cochon tout à l'heure.
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Andrea_
    [ Sur la route oui, il y a du move oui. ]



Je n'avais rien dit. Rien. Pas un seul mot. Qu'il me préfère vêtue ou dévêtue, qu'il ait dormi pendant que j'étais à moitié à poils, il aurait pu tout aussi se foutre ouvertement de ma gueule en bêlant sur ses quatre pattes tout le long du trajet que je n'aurais pas desserré les dents.
Mais si une femme ne dit rien mon pote, dis toi qu'elle pense. Qu'elle pense à tout ce qu'elle va te balancer à la gueule une fois que ça aura eu le temps de bien mûrir dans sa caboche. On ne se rend pas compte de tout ce qu'on peut faire dans sa tête : on peut prendre le temps de BIEN choisir les mots, on peut essayer différentes intonations, on peut revenir en arrière si on juge qu'on est allé trop loin sans que ça n'ai aucune conséquence. On peut même bafouiller -mais soyons honnête, qui bafouille dans sa tête?-.
Et je peux vous dire que ça part en cacahuète sous la chevelure de la châtain, si on entrait tout de suite à l'intérieur voyons ce que ça donnerait "mAis c'est PAS PossiBLe d'être aussi CON", ah, ah bah peut-être qu'en fait elle est encore sur l'histoire avec Jean et sa misérable discrétion. Ou pas.
Ou pas.

Silence donc. En le retrouvant dans les couloirs. Silence encore en passant le pont levis. Silence à l'angle de la rue, et quand Jean récupère sa bourse, c'est à peine s'il a droit à un signe de tête celui-ci. Silence dans les ruelles, silence en passant devant notre auberge et aucune explication quand l'auberge est dépassée.
Silence toujours en poussant la porte d'une autre auberge, bien plus minable encore que la première. Signe de tête pour qu'il paye la chambrée, silence en récupérant la clé. Le tenancier a du croire qu'elle était muette car il ne semblait pas offusqué.
Moi je crois surtout que le tenancier était un puceau qui vit sous la coupe d'un père célibataire. Parce qu'il aurait pu comprendre au premier regard que loin d'être muette, la Colombe était en plein boudin. Du gros boudin, du boudin de compétition, du boudin de grandes occasions, celui qu'on sort juste avant d'exploser, appelons donc ça "du boudin sous pression". Hey tenancier! Quand la nana a les mâchoires tendues et jette des regards en biais, quand ça a l'air de ruminer -au premier degré, comme si elle bouffait un chouime gomme-, et que ça te regarde avec des yeux pas commode, ça devrait faire tilt. Je veux dire n'importe quel homme normalement constitué se dirait que ça va péter. Et les plus aguerris pourraient même donner une heure approximative, tiens par exemple là, Hecthor, tu penses qu'on est plus prêt du trois minutes ou une demi heure seconde?




    [ Auberge, le retour. ]



On en était où?

Ah oui : montée des marches, en silence.
Ouverture de la porte en couinant -mais c'étaient les charnières, pas moi-.
Et puisqu'il voulait parler et que j'ai pas encore tourné ma langue trois milles sept cent fois dans ma bouche, je prends un fauteuil pour m'y asseoir. D'un petit signe de tête je l'encourage à commencer, et...

Et puis c'est là que je commets une erreur, rha putain la petite erreur de débutant. J'sais pas s'il a commencé à parler vous voyez, parce que la petite voix dans ma tête parle très très fort et qu'en plus le temps y est orageux, donc quoiqu'il dise de toutes manières je n'aurais pas entendu, et pire que ça, "je m'en CARRE le coquillage " parce que je ne suis plus dans la simple boude, je suis dans une colère monstrueuse. Et c'est un cercle vicieux que de chercher pourquoi j'ai atteint ce niveau de... de rage. C'était monté crescendo, et c'était maintenant hors de contrôle. Rassurez vous, une fois que l'orage est passé il est passé, mais faut encore être certain qu'il ne fasse pas dégât.
L'erreur donc, c'est là qu'on en était : essayer de retirer mes bottes. Ça aurait pu être anodin, mais quand ça va pas ça va pas, alors forcément la lanière se coince dans le truc, tu veux retirer ton talon mais c'est encore trop serré, alors tu recommences, une fois, deux fois, trois fois et puis...
Et puis ça explose, comme si après avoir vu les nuages et espéré la pluie tu finissais par te dire "oh bah ça va passer!", et qu'en fait un coup de foudre déglingue ton cerisier, qui déglingue ta maison, qui bute ta famille, qui fait brûler ton atelier, et la ville, créé une vague de panique et...
Bref, c'est le corps qui se lève d'un bond, le fauteuil qui recule un peu, c'est la satanée botte qui est balancé vers la porte, le visage déformé par les sentiments et l'index qui vient -pas- gentiment viser le tarbouif de notre Baron, aka Perceval, Godot, Adam, ou Hecthor -vache ils sont beaucoup !-



- NE me dis PAS que tu me feras un SIGNE, SANS dire quel est ce putain de SIGNE ! ET quand tu dis à JEAn, JE VOUS REJOINS, parce qu'il faut PARTIR MAINTENANT, ça veut dire que TU DOIS être à l'endroit du rendez vous, MAINTENANT. Pas DIX minutes après, pas UNE HEURE après, tu dois y être MAINTENANT.
TU ne PEUX PAS partir comme ça sans donner une APPROXIMATION de ton heure de RETOUR, tu COMPRENDS, c'est PAS possible, ça se fait PAS, c'est DEGUEULASSE !


Désolée pour les voisins de chambrée, c'est vrai qu'on au milieu de la nuit et tout, mais... Fallait que ça sorte!
Et la main qui vient cingler la joue du blond n'était pas prévue au scénario, mais elle part, c'est un fait, et semble surprendre la Brune elle même.

Nous allons voir ensemble s'il a le décodeur Andréesque. Sinon bah... ça va être compliqué. C'est vrai que ça aurait été plus simple d'exposer le pourquoi du comment, mais entre fierté et pudeur, la Colombe avait toujours du mal à dire ce qui la mâchait réellement.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
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