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[RP] Damoclès

Vran
    "Il fait sombre. Très sombre. Tu peux à peine discerner la porte au bout de ce couloir dans lequel tu te tiens. Tu ne sais pas ce qui se trouve derrière toi, et à vrai dire tu n'y as même pas pensé. Tout ce que tu sais, c'est que cette porte, c'est là que tu dois aller. Tu ne sais pas pourquoi, mais il te faut la franchir. D'ailleurs, sans la moindre hésitation, tu fais ton premier pas vers ton but."


L'attente, encore. Mais si celle du Rouergue fut forcée et pénible, celle ci, à Limoges, est moins désagréable. Pour Vran, du moins. Les gens avec qui il voyageait dernièrement semblaient tous détester cette ville à l'unisson. Le truand en comprenait les défauts, mais ce n'était simplement pas le genre d'environnement dans lequel il avait du mal à évoluer. Et puis, on y trouvait souvent des connaissances. En fait, quand quelqu'un en France veut voir quelqu'un sans savoir où ce quelqu'un est, souvent le meilleur moyen de commencer, c'est d'aller à Limoges.

Durant ce second passage à vide, il avait pu voir des gens. Des amis parfois, des connaissances souvent. Il en avait rencontré d'autres, aussi. Il a eu droit à quelques discussions surprenantes, d'ailleurs.
L'attente à Limoges est plus simple parce qu'avec le monde qu'elle abrite constamment, c'est plus facile de ne pas s'ennuyer. Sans compter les informations que l'on peut, de fait, recueillir. Et dès les premiers jours suivant son arrivée -si ce n'était le premier- il avait eu ce qu'il voulait. On lui avait dit qu'Andréa était à Dole. Visite de belle-sœur, apparemment. Intéressant.

Au vu de la personne qui l'avait informé, il ne pensait pas à un piège. Désormais, il fallait confirmer. Parce que l'information n'avait pas l'air très sûre, et que ça serait con d'aller à Dole pour apprendre qu'en fait, non, pas du tout, et là tu l'as manquée de nouveau à Limoges. Oui, non, le Vran en a un peu marre de courir. Plusieurs mois qu'il la traquait. Ça n'aurait pas dû prendre tant de temps.
Il n'aurait pas dû torturer Johannes. Après avoir laissé exploser sa rage dans la cabine de son navire -un tas de bois dans la flotte désormais-, il avait directement croisé l'archiviste. Et encore trop mené par la colère, il avait voulu lui prendre le plus d'informations possibles, sans trop réfléchir à la suite. Résultat, en faisant cela, il s'était retrouvé avec Astana en ennemie -plus tôt que prévu quoi-, il avait probablement fait grandir la liste des soutiens de la Colombe, et il avait annoncé son arrivée et ses intentions en fanfare. Tout ça pour n'apprendre que peu, et rien qu'il ne savait pas déjà ou n'aurait pu deviner seul, en plus. Il avait bien conscience du fait qu'Andréa serait probablement déjà morte, s'il n'avait pas fait ça. Mais c'était fait, et il composait avec. Tire ta leçon et avance.

Ces derniers temps, il perdait la notion du temps. Il ne savait pas combien de jours étaient passés depuis qu'il était revenu à Limoges. Il attendait, juste. Ne parvenant pas à confirmer avec certitude la position d'Andréa, il avait décidé de simplement l'attendre. Elle finirait par revenir.
En attendant, on discute, on fait le bilan des nouveaux ennemis, et surtout, on reste prudent. Toujours. Il avait manqué de prudence lors de son dernier passage et il détestait ça. En même temps, comment aurait-il pu deviner qu'un mercenaire parviendrait à sortir de son lit malgré son pronostique vital engagé, le trouver dans une taverne complètement improbable, et jouer de l'arbalète à une main pendant une heure? Du coup maintenant il se méfiait encore plus. Sait on jamais qu'un Son Goku se pointe de nulle part pour lui latter les burnes.

Durant ce séjour, Vran avait peu vu ses camarades de voyage. Il avait rapidement croisé Rael et Anaëlle -ça rime- et c'est tout. Aussi, il n'avait pas fait attention au fait que l'encapuchonné avait quitté la ville.
Mais bientôt, il en saurait plus.
Car plus loin, mais pas si loin que ça, il se passait des choses importantes.

_________________
Andrea_
"Tout est clair. Très clair. Pas de mur. Pas de porte. Le ciel pour toit, la nature pour horizon. Peu importe le froid, la neige et le brouillard, tu n'as jamais vu aussi clair : tu rentres à la maison. Aussi plus rien n'a d'importance sinon cette petite fille qui dort à l'arrière de la charrette. Il n'y a plus ni jour, ni nuit, seulement des arrêts pour se câliner, pour la nourrir, la langer. Là bas, c'est là bas que tu vas."



C'était l'idée la plus débile de la décennie, mais pour ma défense elle vient juste de commencer. J'aurais donc mis moins de trois semaines pour faire de la merde, je pense que c'est un nouveau record pour super Déa. Pour bien comprendre, il faut venir à la pire idée de la décennie précédente, qui a donc eu lieu fin décembre : prendre la route, enceinte jusqu'aux yeux. Pas pour traverser la ville, naaaaan, pour aller à l'autre bout du Royaume. Limoges - Dôle, qui s'est finalement transformé en Limoges - Luxeuil, mais on n'est pas à deux jours près.
Passons 1470 tranquille -je parle de la nuit exacte du passage à 1470 hein-, puis quelques jours plus tard : mettre bas. Accoucher. Donner naissance. Aka se fendre en deux pour faire sortir une petite chose fripée, gluante et hurlante : Bienvenue au monde Arsinoé.
Attendre que cette petite chose ait quatre jours -ou cinq-, et annoncer clairement à son père : "je vais rentrer à la maison, j'ai des choses à faire". Des choses oui, sans entrer dans les détails qui se résumeraient à : je dois vendre mon bateau, saluer un bûcheron, acheter de la soie, chialer dans les bras de mon ami -celui même que Vran a défoncé-, revoir mon amant. Surtout ce dernier point.
Attendre encore, balancez quelques petits éclats de voix, soupoudrez d'incompréhensions, ajoutez quelques menaces, et un soupçon de miel pour obtenir de l'époux un : "oui, vous serez prudente?".
Répondre "oui". De toutes façons quand ton mari te donne quelque chose qui va dans ton sens, tu la fermes, tu hoches la tête, et si vraiment t'as envie de dire un truc dis "oui". Tu peux même ajouter "chéri", ça passe.

Et nous arrivons donc à la connerie de cette décennie, peut être même du siècle -mais je ne le sais pas encore, regardez moi, je suis sur mon petit nuage de Son Goku- : youhou je vais prendre la route.
En ayant accouché y a quatre -ou cinq- jours.
Avec un nouveau né de quatre -ou cinq- jours. -oui parce que c'est le mien le gosse, j'ai pas pris celui du voisin sous prétexte qu'il était plus vieux-.
Le tout sans escorte -youhou, bravoooooo-
Et puisque ça ne suffit pas -quoi y en a encore? Oui! Mais oui on vous dit que c'est l'idée du siècle- : En plein hiver.
Là, un petit Luxeuil- Limoges les doigts dans le pif, sans cheval de secours. Hip hip? Houra !

Les premiers jours, nickel, on s'arrête quand ça chiale, on fait une petite halte dans un bordel le temps de recharger les batteries en s'assurant que quelqu'un puisse nourrir la gosse.

Puis Chalon.
Première ville depuis le départ. Auberge, bain, décrassage en règles. Balade au marché, gamine sous la cape, sourire au bec, bientôt la maison, les portes de Limoges.
Stop arrêt sur images. T'as pas l'air de comprendre que c'est le panard. Oui, y a le manque d'Archibalde, de Charles, des jumelles. Mais y a Limoges, dans cinq jours. Y a Nethel. Y a Johannes, y a Hazel. Y a tout un tas de petites choses qui vont m'énerver en moins de trois jours mais qui me filent le smile, là tout de suite.

Mais ça ne dure jamais longtemps. Je pensais pas qu'un pigeon pourrait changer la donne. Oh pas grand chose, juste quelques mots. Une confirmation. LA confirmation de quelques autres mots que j'avais mis de côté. "Vran est en ville".
Dès lors c'est l'obsession. Si Archibalde est loin, hors de portée, ce n'est pas le cas de Johannes, mais il saura se mettre à l'abri, il sait, Lui, de quoi il est capable. L'obsession deviendra maladive auprès de Nethel, des "Reste loin", "ne t'approche pas", pour le protéger, plus que pour l'éloigner véritablement.
Des yeux de plus en plus froncés, un enfant de plus en plus caché. Des sorties, plus que limitées, les chambres les plus miteuses devenant alors une antre qu'elle pense inviolable. Elle ne donnera plus son nom, se présentant sous un pseudo, baptisant Arsinoé Vittorio, pour brouiller les pistes.
A Montpensier, elle ira jusqu'à poser sa fille chez une famille, afin de passer quelques heures en taverne. Elle le voit, partout. Des Vran boulangers, des bouchers, des mendiants. L'obsession toujours, donnant naissance à de véritables tocs, vérifiant plusieurs fois par heure la présence de ses dagues. Botte droite, cuisse, ceinture. Peigne en métal, broche. Tout devient une arme potentielle.
Alors quand l'encapuché est entré en taverne, elle ne fût pas vraiment surprise de reconnaitre un ennemi.

Rael.
Celui qui sillonne le royaume aux côtés de Vran.
Et la dague de rejoindre la table sans qu'elle ne quitte l'homme des yeux.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Rael
Ennemi, ennemi… c’est vite dit.
Il s’en fout, le Rael. En réalité, si la rencontre fortuite est à compter dans ces trop rares hasards qu’on peut qualifier de bienvenus, toute cette histoire lui passe au-dessus de la capuche, au Taciturne. Mais, puisque la tendance semble être aux rétrospectives, plions nous nous aussi à cet exercice.



Limoges, il y a quelques mois.


Citation:
_ Ils vont s’entretuer. S’il vous plait, il faut intervenir.


C’est de là que tout était parti. Une Corleone impuissante, une fratrie plongée dans l’ennui, et une capitale limousine sans dessus-dessous. Et ils étaient intervenus. Pour tirer Vran des griffes de l’immortel, invincible et tout puissant lansquenet. Ca n’avait pas été l’objet de la demande, mais que voulez vous, quand Rael et Drusi s’ennuient, le chaos est de plus tentateurs. Obscurs grains de sable dans un engrenage, ils avaient rabattu les cartes, et permis au truand de survivre et de reprendre sa traque. Et c’est là que Rael a merdé. Il a proposé son aide.


Deux mois plus tard. Ou peut être trois ?



Passons le Rouergue, ce Comté fera l’objet d’un chapitre à part. La troupe que Rael s’était trouvé à mener avait sillonné le Royaume d’Ouest en Est, en passant par Montpellier, à la poursuite d’une Colombe qui ne cessait de contrarier leurs plans. Le pire, c’est qu’elle ne faisait très probablement même pas exprès. Retour à Limoges, donc. Rebelote ? Pas vraiment. Cette fois, ça n’était pas l’ennui qui minait l’Encapuchonné. Les évènements passés, sa responsabilité, les émotions, aussi fugaces que violentes, qui le traversaient, les réminiscences d’une vie passée, la perdition, la frustration, la déception, la colère, la lassitude, ensemble détonnant qui a poussé Rael à mettre la clé sous la porte et fausser compagnie au groupe de larves qui le suivait. Il a besoin de solitude. La vraie solitude. Celle des chemins arpentés seul, des nuits sans autre compagnie que les lambeaux d’une âme qu’il ne sait plus comment rassembler. Il est donc parti, décidé à errer en solitaire jusqu’à ce qu’il se retrouve. Au moins un peu. Assez pour continuer de faire illusion.

Et, encore une fois, Andréa contrarie ses plans. Remarquer sa silhouette dans une anonyme taverne montpensieroise l’a surpris, et aussitôt ramené au monde duquel il veut pourtant s’isoler. Eh bien, pauvre Rael, c’est pas pour cette fois. Tu ne seras jamais tranquille, semblerait. A la vue de la dague, il ne réagit pas. Faut dire que le réflexe est compréhensible. Il la traque depuis de longs mois, et ils n’ont jamais eu l’occasion de discuter. Proie et chasseur embourbés dans une danse dont aucun n’a voulu, et sans même se connaître. Mais, visiblement, le flegme et l’impassibilité du chasseur ont raison des principales méfiances de la proie, et tous deux finissent par, c’est pas trop tôt, faire connaissance. En réalité, Rael n’a jamais rien eu contre celle qu’il est censé aider à tuer. Au contraire, même. Le personnage l’intrigue, et ce qu’il découvre, au fil de la discussion, n’est pas pour lui déplaire. Ils finissent même par tomber d’accord. Cette histoire a trop duré. Il est temps d’y mettre un terme.


Retour au présent.


Les voilà donc tous deux en route vers Limoges. L’une va vers son destin. L’autre tient sa parole. Bientôt, l'épée tombera.
Vran
    "Ce couloir te paraît beaucoup plus long qu'il ne le semblait au premier abord. Plus long n'est pas vraiment le mot, en vérité. C'est comme si tes pas te font traverser une distance plus courte qu'ils ne le devraient. Un couloir dont les règles sont différentes, dans lequel l'équilibre entre le temps et l'espace chavire. Peut-être que c'est toi qui fait contrepoids. Tu finis par enfin arriver. Tu ne te souviens pas avoir jamais vu cette porte. Pourtant, lorsque ta main saisi la poignée, c'est l'impression de répéter un geste mille fois exécuté qui t'envahit."


C'est lorsqu'il reçut le courrier de l'encapuchonné que Vran sut qu'il était parti. L'assassin avait été concis dans ses écrits. Un endroit, un moment. Ce dernier avait trouvé Andréa, et désormais, Corvidé savait où et quand elle serait, et aussi qu'elle serait seule. Seule. Si il savait.
Car de la grossesse de la Colombe, il ne savait rien. Encore moins de l'accouchement, logiquement. Ça aurait changé la donne.

Tout ça fut soudain, mais il était prêt. Son armement fut vérifié. Il avait décidé de ne pas prendre l'arbalète. Il n'aurait trop su dire pourquoi. Son instinct lui disait qu'il n'en aurait pas besoin, et c'est tout naturellement qu'il l'avait déposée dans un coin. Mais surtout, il n'emmenait pas Mog. Sa force et sa faiblesse. Il ne pouvait se résoudre à l'exposer au danger. Ainsi, une bonne partie de la journée fut consacrée à des jeux avec le chien. L'animal n'aimait pas être séparé de son maître, car il savait que plus il était loin, moins il pouvait le protéger. C'était bien pour ça qu'il serait laissé à Limoges. Un courrier serait envoyé, quelqu'un avait promis de s'occuper de lui s'il devait arriver quelque chose à Vran.

Prêt, oui. Pas préparé, vraiment. Mais prêt. Il aurait pu vérifier son arme, l'affuter au cas où, s'assurer qu'il ne manquerait pas de couteaux, que sa dague soit bien en place. Mais il savait que l'épée tranchait ce qu'il fallait. Il avait délaissé les couteaux, considérant que ceux-ci le gêneraient plus qu'autre chose. Sa dague ne le quittait pour ainsi dire jamais. A l'exception de l'arbalète et du chien, cela ressemblait à un départ comme un autre.
Prêt.
Confiant.
Serein.

Là, déambulant dans Limoges lors d'une dernière promenade avec Mog, c'était comme si il connaissait son destin. Il ne se voyait pas mourir prochainement. Pragmatique, dans les faits il savait que c'était une possibilité. Personne n'échappe indéfiniment à la mort. Il ne pensait simplement pas que ça allait arriver sur cette route, face à la Colombe. Il en était presque à ne pas prendre en compte l'éventualité. Il avait même hésité à prendre des provisions, se demandant si après avoir fait ce qu'il avait à faire, il ne partirait pas directement autre part. Il décida que quoi qu'il ferait ensuite, il repasserait par Limoges.
Un dernier petit tour, qui lui permit de discuter un peu.
"Je reviendrai"
Ce n'était pas une promesse. C'était sa certitude qu'il annonçait. Comme on décrit un fait. Il aurait pu dire que le soleil se lève tous les matins de la même façon.

Limoges, sortie ouest. C'est par là qu'elle devait arriver. Il était en avance de quelques petites heures. Pas par hâte, bien que ça serait mentir que de dire qu'il ne la ressentait pas, au moins un peu. Mais par prudence. Parce qu'il savait le nombre de chevaliers blancs sur le retour et autres pseudo justiciers qui traînaient dans la capitale. Il savait aussi qu'il y avait quelques ennemis. C'est donc un peu plus loin sur la route qu'il la retrouverait. Il ne voulait pas être interrompu.
Maintenant, il marchait. Il ne s'arrêterait que quand il pourrait enfin apercevoir la silhouette de la brune. Il savait qu'il la reconnaîtrait de loin. Si l'attente rouergate l'avait amené à voir le moment où il retrouverait sa cible comme quelque chose de presque insaisissable, là, il pouvait presque la sentir d'où il était. Il avait l'impression de flairer son odeur, glissant sur le vent et entre les arbres jusque dans les narines du louveteau solitaire à la crinière sombre. Et rien, rien ne l'arrêtera.
Quand on est face à un loup chassé par sa meute, la prudence est à l'ordre du jour.*

La nuit de la chasse fut longue. Bien plus que prévu. Elle allait bientôt s'achever.

Le soleil se lèvera-t-il sur le chasseur, ou la proie?



*Magic, the gathering - Louveteau dément
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Andrea_
T'as déjà eu cette petit pensée qui sort soudainement de nulle part, le truc qui dure une seconde, et qui, au lieu de repartir, se colle dans un coin de ta tête, et y reste. Et elle ne se contente pas d'y rester sans rien faire hein, nooooooon, naaaan ! Elle se gave. On ne sait pas de quoi mais elle se gave comme un cadavre laissé en plein soleil, elle gonfle, elle prend ses aises, elle pousse tout sur son passage, tant et si bien que ton cerveau se retrouve incapable de fonctionner correctement.
Ta petite pensée est devenue une grosse pensée qui bouffe TOUT.
Et c'est comme ça que tu te retrouves à faire demi tour après trois jours de voyage, juste pour vérifier si t'as bien fermé ta porte à clé. Ou, qu'après avoir tourné et boulé dans ton plumard pendant QUATRE putain d'heures, tu te lèves pisser à peine trente deux minutes avant l'heure de ton réveil, et qu'en plus t'es tellement énervé que tu peux pas te rendormir -mais que tu te rendors quand même trois minutes avant le dit réveil, en te détestant--ce qui ne t'empêchera pas de recommencer dans les prochains jours nuits.
Et c'est comme ça, que moi je me retrouve à ne penser qu'à une chose : boire.
Honnêtement, c'est le genre de trucs dont je pourrais me passer tant que j'y pense pas. Mais là, mon cerveau s'est mis en mode "gamin de trois ans" en me balançant des infos "t'as la bouche sèche quand même", "et puis tu boiras pas avant un moment", "oh, ça serait pas un bruit de cours d'eau?", "nan mais t'as vraiment soif là", "oh mon dieu ta gorge est sèche", "et ta langue aussi", "tu te rappelles ce mec qu'avait la langue rôtie ?", "c'est vraiment dégueulasse ça, la langue rôtie, on dirait que c'est du carton", "peut être que ça tombe après", "tu crois qu'on peut perdre sa langue d'avoir trop soif?", et je peux vous dire que mon ceraveau a une voix SUPER énervante.
Si bien qu'au bout d'une heure - ressenti deux cent quarante six heures et vingt sept minutes-, j'avais cédé, arrêté la charrette, embrassé Arsinoé, recouvert son couffin et je m'étais éloignée. Oh j'ai pas oublié Rael, mais pour une raison qui m'échappait, je lui faisais suffisamment confiance pour laisser MA gosse, pas trop loin de Lui. Et j'étais finalement partie, pas trop loin, en direction de ce qui faisait le bruit d'un torrent mais qui n'était en fait qu'un cours d'eau minuscule, une lanterne dans une main, une outre dans l'autre, pour sauver ma langue d'une mort certaine.

Et bin tu sais quoi?
Même tout près du but -de l'eau quoi-, mon cerveau continuait de m'assommer avec ses idées à la con. " Tu entends les pas là? c'est la faucheuse, la faucheuse de langue, elle vient chercher ta langue".
Et j'avais gloussé.
J'avais gloussé putain !

De là à dire que ma soif avait annihiler mon instinct de survie, y avait qu'un pas, un pas, que quelqu'un allait franchir pour moi.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Vran
    "Devant toi la porte s'ouvre. Dès que tu fais ton premier pas dans cette pièce majoritairement plongée dans l'obscurité, tu l'entends. Un écho, discret. Les pleurs d'un bébé résonnent et semblent venir d'on ne sait où, mais de loin. Trop loin pour que ça soit naturel dans une pièce, en intérieur. Cela n'a pas l'air de te perturber le moins du monde. Tu commences à avancer. L'obscurité doit encore te révéler ce qui se trouve au fond de cette pièce."


Un pas.
L'héritier de toute une lignée qui commença hors du Dragon Noir, en Guyenne, et s'étendait maintenant sur la route quittant Limoges, jusqu'à arriver au dernier né qui entérinait un fait bien réel: il suffit parfois de si peu pour que l'on bascule dans une situation dramatique.
Un pas, par exemple. Un tout petit pas.
Effectivement, Vran allait le franchir sous peu.

Mais on n'y est pas encore. Presque, rassurez vous. Pour le moment, Vran agrandit encore la collection de pas sur le chemin. Des pas solides, déterminés, le genre qui claqueraient sur le pavé avec autorité, s'il n'y avait pas de neige pour recouvrir la route. Et s'il y avait des pavés aussi, personne n'a encore trouvé que ça serait une bonne idée d'en coller sur les routes de campagne, histoire d'éviter qu'à la moindre tombée de pluie ça soit la merde pour tout le monde. Enfin je dis ça mais Vran s'en fout. Au contraire, c'est plus facile de dépouiller des gens quand ils sont occupés à dégager leur charrette embourbée.
D'ailleurs, en voyant ses bottes s'enfoncer dans la neige, il se dit qu'il a été bien trop pressé, et qu'il aurait dû prendre le temps d'effacer ses traces. Qu'importe, elles seront bien vite recouvertes, et de toutes façons, personne n'arrivera assez vite pour empêcher quoi que ce soit. Enfin, ce n'est peut-être pas une raison pour se relâcher. Après tout, Goku il se téléporte, non? Ouais hein. Merde.

Il approche. Il le sent. Bientôt, Vran atteindra sa cible, il le sait. Il franchira bientôt ce dernier pas qui fera tout basculer, d'une manière ou d'une autre. Ça ne tient pas à grand chose, souvent. La vie est une succession de jets de dés. Et nous ne sommes jamais qu'à un échec critique de la mort.
Là, ce pas grand chose, ça sera un besoin soudainement insoutenable d'eau. Ou peut-être que ça remonte au courrier que la Colombe a reçu. Peut-être qu'elle aurait simplement dû rebrousser chemin. Faire preuve de prudence. Mais allez savoir pourquoi, des gens qui savent pourtant bien de quoi Corvidé est capable semblent encore le considérer comme un danger moyen. Un risque acceptable. Si bien que malgré le nombre conséquent d'alliés dont Andréa s'était trouvée entourée, peu étaient ceux qui avaient vraiment tenté de mettre fin à la chasse de manière prématurée. Et ces derniers avaient échoué. Le seul qui semblait considérer réellement la dangerosité du truand était Johannes -la torture ça marque les esprits- qui changeait de couleur et fuyait à la simple vue de la silhouette accompagnée du chien. C'était probablement le plus malin du tas, il avait payé son imprudence et avait retenu la leçon.
Qu'importe. Tant mieux pour lui, ça lui facilite la tâche.
Tant pis pour elle. Car au loin, Vran aperçoit une silhouette qui sort des sentiers battus.
Il la reconnait. Il la reconnaitrait entre mille.

Un petit sourire carnassier apparait sur le visage de l'aigrefin, qui part se faufiler hors de la route à son tour. Elle n'avait pas l'air de l'avoir remarquer, mais de loin c'était difficile à dire, ainsi il continua à faire preuve de prudence. Tranquillement, on évite de faire trop craquer la neige. Un pas après l'autre. Doucement.
Andréa est en vue. Pas si loin. Accroupie devant un petit cours d'eau. Tant qu'il n'était pas encore trop près, il pouvait profiter du bruit de l'eau pour masquer son approche.
Enfin! Elle était là, seule. Elle était même désarmée. C'était presque trop facile. Il n'avait plus qu'à la cueillir. Sa vengeance, juste là, à portée. Il avait tant attendu. Plus qu'il ne l'avait prévu ou voulu. Mais cette fois, après une analyse des alentours lui confirme que rien ne devrait pouvoir l'arrêter. Quel genre d'imprévu pourrait bien lui tomber dessus?
Puis, à une distance qu'il trouvait raisonnable, Vran s'arrêta. Il pourrait simplement sortir son épée et la tuer sans rien dire. C'est ce qu'il comptait faire à la base. Mais la voir sans arme -du moins sans arme qui pourrait rivaliser avec une épée dans un combat en zone ouverte- le poussait d'ouvrir la bouche avant de lui prendre la vie. Oh, pas longtemps. Après ça, il n'avait pas l'intention de tergiversé trop longtemps, et encore moins d'écouter ce qu'elle avait à dire.


Petit oiseau s'est perdu?

La voix résonna au milieu des sons produits par la nature. Elle sembla un instant tous les réduire au silence.
Nul doute qu'elle comprendra rapidement sa situation. Bien avant de se retourner.

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Andrea_
Un pas. Différent du sien, mais qu'elle avait franchi, elle aussi en quittant le dragon noir. Un pas vers "la liberté" dirons certains, elle, elle savait que c'était un pas vers la fin. La vraie, c'était quelques jours de répits avant que Vran ne vienne la faucher. Elle le savait.
La faucher, pas la chercher. L'aigrefin n'était pas du genre à tenter de tergiverser quand il se sentait trahi, alors imaginez quand il l'est vraiment. La vérité c'est que si dans un premier temps elle avait tenté, pour de vrai, d'oublier son entrevue avec Archibalde en Franche Comté, les lettres qu'ils échangeaient l'empêchait d'y parvenir. Oh ce n'étaient pas des lettres d'amour, ils y échangeaient des banalités, des relans du passé qui évitaient soigneusement ce "nous" qu'ils avaient été, jadis. Elle lui avait annoncé porter la vie, et lui sa rencontre avec une gourgandine. Il lui avait souhaité tout le bonheur du monde, et elle de se remettre rapidement. Des courriers d'amis, qui sans le vouloir vraiment agissaient comme un fil d'Ariane.

Alors ce pas, même s'il était franchi, ne l'était pas pour aller rejoindre quelqu'un, il était pour en quitter un autre. Parce que quand l'esprit n'est plus là, le coeur s'éloigne un peu, et un enfant n'a jamais suffit à recoller les morceaux d'un couple.

Ce gosse, elle l'a voulu oui. Et s'il n'est plus là aujourd'hui ce n'est la faute de personne sinon la sienne. Lui, il l'aurait accepté, il l'aurait aimé, il l'a dit, il l'a écrit, et il l'a supplié de ne pas agir. Mais Colombe savait bien que ça serait plus fort que Lui. Que partager son quotidien avec un enfant qui inévitablement ressemblerait à un autre serait difficile, que dans les yeux de cet enfant il y aurait ceux de son père, et que ça aurait été un mur qui aurait entaché leur histoire, quand bien même elle n'aurait pas duré. Alors enfermée dans cet appartement Limougeaud, elle avait donné la mort, plutôt que la vie. Des heures de douleurs, dans le sang et les larmes, à prier, parfois pour qu'elle parte avec, parfois pour qu'on lui laisse ensuite, le bonheur d'être mère à nouveau. Elle le referait, elle le referait mille fois si elle avait la certitude que tout ensuite, serait comme c'est aujourd'hui. Mais oui, elle savait qu'au delà de ses pérégrinations égoïstes, Vran se vengerait. Qu'il n'était pas à homme à se dire "oui, bon, c'est pas grave, passons", et qui était-elle pour le juger alors qu'elle aurait agi de la même manière ?


Pourtant alors que l'outre se remplit, aucune de ses pensées ne la ramène à cet évènement. Bien sûr il y a Rael, pas loin, mais il y a surtout cette petite chose, fruit de son Amour avec Archibalde et c'est là que vont toutes ses pensées une fois que la soif est étanchée. Et c'est étrange car la châtain depuis des jours n'avaient eu de cesse de regarder en arrière, de ralentir le pas pour tendre l'oreille, de changer subitement de ruelles pour s'assurer de ne pas être suivie, mais là, là, rien. Drapée dans une sorte d'apaisement qui n'avait rien de rationnel, mais qui soulageait l'esprit, et le corps.


Petit oiseau s'est perdu?

Mais qui la quittait en une fraction de seconde. Et même la nature semble savoir que cette voix n'amène rien de bon. Inutile, pour la Colombe de se retourner, elle sait. Qui. Pourquoi. Et ici. Et maintenant. Le sang se glace un instant, les gestes sont lents : l'outre rejoint le sol, le museau se redresse, et enfin le corps se déplie.

Elle imagine parfaitement la jouissance qu'il peut ressentir en cet instant, et elle, elle rirait bien si la situation n'était pas si dramatique. Comme une bleue. Elle se fait avoir comme une bleue. Elle devine son sourire satisfait et même sa posture. Elle sait qu'il prend son pied, là, à la savoir fait comme un rat, bien sûr qu'il prend son pied. La traque a assez duré, et nous voilà au moment que nous attendions, même si faut être honnête, je m'imaginais plus armée. Elle se retourne, lentement, en s'attendant à recevoir un carreau d'arbalète, une dague de lancer, ou un coup d'épée. Mais rien ne se passe. A dire vrai, elle n'a pas souvenir de l'avoir vu attaquer de dos, non Vran est un frontal, de ceux qui se repaissent du regard de leurs gibiers.
Et tu vois Vran, je n'ai rien à dire, rien de plus que ce que tu veux entendre.


Combien de temps à se regarder? Une seconde? Une minute? Trois?
La fierté est plus forte que la peur, et je ne t'offrirais aucun regard d'effroi, de haine ou de colère. Rien pour te courroucer, rien non plus pour t'apaiser.
Allons-y, puisqu'on a tant attendu.

_________________

*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Vran
    "Quelques pas, encore. Une nouvelle fois, le trajet semble prendre une éternité qui ne devrait pas être. Finalement, le fond de la pièce arrive, et se dessine dans l'ombre une forme que tu ne parviens pas à discerner assez pour en deviner la nature. Tu plisses les yeux, mais rien n'y fait, il faut encore avancer. Un pas, deux, puis trois. Et tu t'arrêtes. Cette forme, c'est celle d'un berceau."


Dans tout cela, il y avait une nuance. Peut-être que certains considéreront que c'est sans importance, mais pour Vran, ça compte.
Ce n'est pas exactement le fait d'être partie pour un autre -ou autre chose- qu'il reprochait à Andréa. Non, c'était la manière dont ça s'était passé. Ou plutôt le moment. Ils s'étaient séparés déjà, une fois. Ça avait été violent à bien des égards, mais finalement, rien qui ne soit allé trop loin. Enfin, si on omet le fait que le truand aura fini par se suicider. Mais la mort n'a pas voulu de lui et il est ressorti de sa tombe, alors ça compte pas. Bref, l'une des raisons qui ont amené cette première séparation, c'est le fait que Vran ne se voyait pas engendrer un enfant, et que la Colombe voulait enfanter.
Quand, plus tard, ils se sont remis ensemble, il avait changé d'avis. Ce fut un processus dont les racines plongeaient plus loin dans le temps, mais ç'en était le résultat. Alors quand elle a décidé de se tirer et de se débarrasser du fœtus au passage, ça avait le goût amer du foutage de gueule. D'autant qu'elle avait pris le soin de faire sa traîtrise par courrier. Un courrier qui transformait toutes les paroles rassurantes d'Andréa en odieux mensonges.
Ce qu'il reproche à Déa, mis à part le fait d'avoir tué l'enfant, c'est d'avoir attendu ce moment là pour se barrer. Elle aurait pu le laisser tranquille. Vaquer à ses coucheries, ou même aller directement se marier avec Archibalde, qui la courtisait déjà depuis un moment, avant même que Corvidé n'entre dans cette équation. Mais non, il avait fallu qu'elle l'entraîne dans un nouveau mariage et qu'elle tombe enceinte avant de se dire qu'en fait c'est l'italien qu'elle voulait. C'est ça qui poussait Vran à vouloir tuer. De son point de vue, elle a joué avec lui, et a tué son enfant.

Et là, au milieu de nulle part, il tient sa proie. Il tient sa vengeance. Colombe contre Corbeau. Un peu comme le pommeau de cette miséricorde, cachée sous une fine protection de cuir dans son dos. Il comptait la lui rendre. Directement dans le corps, hein, pour ceux qui ont pas compris l'idée. D'ailleurs, au poignée gauche, il portait toujours ce bracelet de cuir, symbole de leur second mariage, remplaçant l'alliance qui n'avait pas d'annulaire gauche auquel se greffer. Il compte l'abandonner sur son cadavre. Il y a une symbolique là-dessous. Celle de la rupture officielle au moment critique, oui, mais surtout, celle de la quête à accomplir, du fardeau à enlever. Tant qu'il n'aurait pas tué sa cible, il garderait ce bracelet accroché, pour ne jamais oublier la trahison qu'il avait subie et la mission qui en découlait.
Mais on en est toujours à ce petit ruisseau.
Toujours accroupie et dos à lui, elle imagine des choses. Pourtant, elle a tort.
Il aurait pu, hein. Exulter, lui balancer des fions, écouter ce qu'elle pourrait dire et faire durer, comme un chat joue avec une souris. Mais il n'en était rien. Là, il était étrangement monolithique. Bien sûr, la voir ici, même de dos, réveillait sa colère. Mais cette dernière était maîtrisée. Cette première phrase, cette introduction, sera probablement la seule chose qu'il dira à Déa avant de l'achever. En partant du principe qu'il y parvienne. S'il échoue comme un con et meurt il trouvera bien moyen de lui lâcher une insulte ou une connerie avant de calancher.

La vérité, c'est qu'il voulait juste qu'elle meure. La faire souffrir, blesser ses proches, ou même l'oppression qu'elle avait pu ressentir en se sachant chassée, tout cela n'était qu'un bonus dont Vran n'hésitait pas à se passer. Parce que la seule chose qui l'intéressait vraiment, c'était tuer son ex femme. Il n'attendait aucune réaction de sa part non plus. Il n'espérait pas la voir terrifiée, et ne s'y attendait pas trop de toutes façons. Il n'avait aucun intérêt pour ce qu'elle pouvait bien avoir à dire ou non, et ne voulait rien entendre. La satisfaction, c'est après seulement qu'il en profitera.
Alors quand, après s'être retourner, Andréa se trouve face à Vran, elle voit un homme droit, dont la posture laisse entrevoir un homme prêt à se battre. Elle voit un visage fermé inspirant une détermination implacable, un regard sombre duquel transparaît un brin de sa colère, planté sur elle.

Une seconde? Une minute? Trois? Probablement quelque chose qui se rapproche plus de la première option.
La main droite saisit la poignée de l'épée et... Rien. Vous vous souvenez quand je disais que le truand s'était pas vraiment préparé? Ben il aurait peut-être dû, un peu au moins, car le gel avait scellé l'épée dans son fourreau. Surprise. Ah bah voilà qui va rééquilibrer les chances, hein!
Un souffle agacé sort de ses narines et s'échappe sous forme de vapeur. C'est con, mais ce petit tracas, ça nourrit un peu sa rage, qui se trouve désormais un peu plus visible sur son visage. C'est toujours maîtrisé, mais... ça déborde un peu. Pas beaucoup. Juste assez pour qu'à cet instant, il juge que les lames, ces traîtresses qui servent jamais quand on a besoin, méritent même pas d'être utilisées -vous inquiétez pas ça va passer- et qu'il décide de s'en débarrasser. Toutes, oui.
L'épée pour le moment inutilisable est décrochée avec son fourreau -pas comme si il a le choix- et jetée au sol. Puis la dague la rejoint, et même les couteaux de lancer. Pourquoi? Parce qu'il vient de décider qu'il allait accomplir sa quête à grands coups de patates de forain dans les dents, et que outre le fait qu'il a momentanément la haine contre les lames, ça serait con que Colombe en profite pour s'armer directement sur lui.

Les poings se ferment, la nuque craque un petit coup. Puis il bondit.
Ah, il a une force modérée, le Vran. Mais il est rapide. Vif. Et la distance qui le séparait d'Andréa, distance qui semblait assez respectable, est dévorée en un instant bien bref.

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Andrea_
J'avais eu des mois pour me préparer à ce moment. Des mois, à me rappeler chacun des moments que nous avions vécu, virer les bons moments pour ne garder que ceux où je l'avais vu se battre. Je le savais redoutable, sinon comprenez bien que je n'en aurais fait qu'une bouchée, que je l'aurais envoyé dans une tombe d'où cette fois, il ne serait pas sorti. J'aurais inventé je ne sais quelle matière, enfermé son corps dans une cage de fer et balancé le tout en mer. Peut être que j'aurais découpé chacun de ses membres et parcouru le monde entier pour que jamais, jamais personne ne puisse faire le rapprochement.
Mais il était redoutable, et c'est pour cela que je le craignais.

Mais il était temps de mettre fin à tout ça, et j'aurais donné tout ce que j'avais pour me retrouver seule avec Lui, seule sans avoir à penser à ce nouveau né qui dormait paisiblement à quelques mètres de moi. Tout est faussé, quand on a quelqu'un à protéger, et il partait avec cette force supplémentaire, cette folie qui caractérisait les gens qui n'ont rien à perdre. Je n'avais pas peur de mourir, j'avais simplement peur de ce qu'il adviendrait de ma fille si je venais à le faire. Oui, la chose aurait été bien plus aisée, si Arsinoé était avec son père en cet instant.

Oh j'aurais probablement ricané si l'épée gelée était intervenue lors de nos escapades d'antan, j'aurais même balancé un fion bien senti, ou un simple "bravo la prépa' Corbac!" entre deux éclats de rire, et puis... Et puis nous aurions réglé ça en faisant rougir nos lames du sang de nos ennemis. Mais aujourd'hui, c'était l'un contre l'autre, et c'était simplement quelques secondes gagnées. Assez, pour me relever, pas assez pour saisir la lame qui dormait dans ma botte, alors voilà, voilà ça sera à mains nues. Est-ce que c'est plus équitable, est-ce que c'est mieux, pire, moins bien, on le saura bien assez tôt.

S'il est rapide, ce n'est pas son cas, je vous dirais bien qu'elle vient de se taper des jours à marcher dans la neige et que c'est la cause de cette manchoterie - qui montre un aspect manchot flagrant-, mais on sait tous -et surtout lui- que ce n'est pas le cas. Non, Colombe n'a jamais été rapide, elle, elle est du genre à taper fort contre ce qui se présente et à prier pour que ça tape au bon endroit, Vran le lui a assez reproché, à l'époque.

Elle a la force des désespérés, de ceux qui ont tout à perdre, et la Colombe se transforme en louve, car il lui est impossible d'oublier cet enfant qui n'a qu'elle en cet instant. Alors oui, c'est désordonné, d'un poing écrasé contre ses côtes à un front balancé en direction de son front. Oh, ça fait probablement mal mais pour l'heure tout est bon pour le garder loin de sa fille. Elle n'aura aucun véritable souvenir de ce qui se trame en cet instant, comme possédée, muée d'une force nouvelle. Est-ce vraiment elle d'ailleurs? Elle gronde, grogne, encaisse. Elle morfle, en silence, elle tend l'autre joue.
Elle trouve la force nécessaire de continuer encore alors qu'elle est aux portes de l'inconscience. Un pas en arrière, et l'envie de le supplier, de lui cracher un "Tues moi maintenant", de lui servir un regard des plus noirs et une voix tremblant de colère. A deux doigts, déjà la bouche s'ouvre laissant glisser un filet carmin, l'esprit est au clair avec ce qui suivra. Il la tuera.
Il me tuera, et tout sera terminé.
Et c'est étrange que d'être en paix avec cette pensée. C'est une seconde hors du temps, où l'esprit comme un algorithme super puissant te renvoie des images apaisées, des bouffées d'amour et d'amitié, des bribes de calme, pour te signifier que tu fais le bon choix, ou pour te rappeler une dernière fois à quoi tu dis...
    Adieu.

Jhoannes, qu'avait laissé son coeur sur la table, alors que c'était la pire idée qui soit, parce qu'il était bien plus protégé dans ce corps. A cette épaule que j'ai souillé, à tes mots qui sonnent toujours justes, et parfois un peu con.
    Adieu.

La petite maison à Montauban, les bords de Vienne. L'Encalminé. Les rires des enfants, le dos d'Archibalde en passant devant son atelier. Les montagnes de lettres, le ruban de soie. Les vagues sur mon poignet. Les baies sauvages.
    Adieu.

Les huiles. Ses mains sur ma peau. Ses yeux. Ce sourire sardonique. Cette petite main dans la sienne.

Adieu, je suis en paix.
L'acier s'éteint, il s'autorise le repos, Tout va bien. il seront là pour l'étreindre le moment venu. Elle respirera à travers eux, ils calment la tempête, et elle gardera les étoiles allumées.


Ouiiinnn

Et c'est injuste. C'est injuste de dire Adieu à tout cela et de se rendre compte que quelqu'un s'y oppose. Qu'il ne suffit pas de vouloir, pour pouvoir. Parce que si jusqu'à maintenant l'enfant s'était fait silencieux, il n'existait pas aux yeux de Vran.

Un dernier sursaut alors qu'elle ouvre soudain un bleu plein de terreur vers Lui.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Rael
Citation:
Ouiiinnn.



Et merde. Pour un type qui aime n’être ni vu ni entendu, le B.A.-BA est de ne pas s’encombrer d’un machin bruyant qu’on ne maîtrise pas. Et dans la catégorie, un mioche, en bas-âge qui plus est, est à placer en tête de liste. Il le sait, pourtant, le Rael. Ex-assassin professionnel, théoriquement à la retraite, aux dizaines de contrats menés à bien, la discrétion, c’est son truc. Surtout quand on se la joue grand et mystérieux ténébreux au passé douloureux pour impressionner les minettes et faire peur aux simples d’esprit. Non mais mattez le, le Sombre, à faire le pet près d’une charrette et de son contenu de chair miniature, comme un vulgaire homme de main. C’est ça, de rendre service. On donne ça, et ils prennent ça. Trop, bien trop gentil, l’Encapuchonné. Monde cruel où les généreux et altruistes se font avoir et marcher dessus.

Bref, alors qu’une énième pause est imposée par une Colombe décidément bien assoiffée, l’ex-Ombre de l’Azur se tient droit, bras croisés, les sens en éveil. Il sait qu’ils se trouvent dangereusement près de la capitale limousine. De Vran, plutôt, parce qu’en soi, Limoges, on s’en tape. Et Rael connaît la soif – tiens, point commun ? pas pour rien qu’ils étaient ensemble – de vengeance du compagnon de route pluuuus ou moins forcé. Il viendra les chercher. Enfin, LA, chercher. Si ça se trouve, il est même…

Un frisson parcourt l’échine du guetteur. Habitué à danser avec la Mort, genre collé-serré, façon zouk endiablé, Capuche a depuis longtemps développé un sixième sens de type « radar à danger », et appris à s’y fier. Et là, ça sent mauvais, quelque chose de violent. Andréa met un sacré moment à boire. Et ils sont tout de même VRAIMENT proches de Limoges. Donc de Vran. Et le Vran, il a vraiment… bon, vous connaissez le refrain.

Et l’instinct de Rael vise juste, une nouvelle fois. Non loin, des bruits de combat s’élèvent. De lutte, plutôt. Le genre primal et sauvage, ce qui amène un grognement aux lèvres pâles. Quel amateurisme. Aucun style. Faudra songer à donner quelques cours à Vran. Un premier pas est amorcé pour rejoindre le duo qui s’entre-déchire. Et puis…


Citation:
Ouiiinnn



Le grognement se mue en grondement. Foutu mioche. Et là, il faut agir. Vite. Très vite. Ils l’ont sûrement entendu. D’un bond, le Ténébreux atteint la charrette, s’empare du paquet humain, et se hâte pour rejoindre le lieu du duel. Il y parvient rapidement, et s’avance entre deux arbres, grande silhouette toute d’ombres vêtue, telle la Mort incarnée… avec un machin, petit bout de Vie, dans les bras.

Qui braille.

Les billes sombres balaient la scène, analysent, et l’encéphale rompu aux situations d’urgence décide en moins de temps qu’il ne faut pour dire…


_ Vran.


Andréa semble plus que mal en point. A deux doigts de calencher, en réalité. Et il l’apprécie plutôt, le Rael. Il n’a pas vraiment envie de la voir crevée. Comme bon nombre d’autre, mais ça, il s’en fout. Alors, il faut la sauver. Quitte à se faire haïr. Car il est probable que Colombe le maudisse pour ce qu’il s’apprête à faire. Foutu pour foutu…
Et la voix rauque et caverneuse de s’élever de la capuche, une nouvelle fois.


_ Laisse la. Elle n’est plus rien. Sa vie est là – dit il en montrant l’innocente fille.


Citation:
Ouiiinnn
Vran
    «Lentement tu t’approches, sans trop comprendre ce qu’il se passe. Le temps se dilate, encore, mais cette fois ce sont bien tes mouvements qui sont lents. Et au fur et à mesure que la distance se réduit, les pleurs se font de plus en plus présents, mais semblent toujours venir d’autre part. Tu te penches, et tu découvres que le berceau est vide. Lorsque tu relèves la tête, tout brûle autour de toi.»


Lui, il savait que c’était un avantage. Lui aussi, il l’avait vue se battre. Et c’est à mains nues qu’il dominait. Un duel à l’épée aurait été bien plus dangereux pour lui. La bonne baston, le seul langage compris de tous, il en avait l’habitude. Ses phalanges ne souffraient plus d’avoir percuté le corps d’autrui. Ses poignées ne se foulaient plus sous le choc des impacts. Quant aux coups qu’il recevait, il en avait tellement reçu et depuis si longtemps qu’il en fallait un paquet, des puissants, pour le mettre hors jeu.
Aujourd’hui, il a ça dans le sang. C’est dans ce type de combat qu’il se sent le plus à l’aise. Alors si comprendre que son épée ne lui serait d’aucun secours l’avait agacé au premier abord, maintenant que les frappes s’échangent, il sait qu’il n’aurait pas voulu qu’il en soit autrement.
Il suffit de le voir se battre pour comprendre.
C’est probablement une bonne manière de connaître certains pans de sa personnalité.

Vran est désespérant à affronter. Parce qu’on passe du temps à taper du vide, déjà. Mais aussi parce que quand on parvient à l’atteindre, il revient, avec un air imperturbable. Voire satisfait.
Malgré son importance, ce combat est mené plus ou moins comme les autres. Corvidé est mobile, sa vivacité ne faiblit pas, il ne se contente que rarement d’un coup unique, préférant les enchaînements. Il choisit bien les moments où attaquer, envoie des séries de frappes venues d’angles différents, et s’écarte de la possible riposte.

Tout ça fait de lui un pugiliste redoutable. Mais ça ne l’empêche pas pour autant de subir des assauts également. Il est meilleur, oui. Mais Colombe aura vendu chèrement sa peau.
L’arcade sourcilière laisse s’échapper du sang qui lentement, commence à gêner sa vue du côté droit. Ce n’est pas visible, mais sa lèvre est fendue vers l’intérieur et le sang y coule également. Ses côtes ont résisté, mais il aura probablement quelques hématomes. Sa mâchoire, une fois l’adrénaline retombée, sera douloureuse.
Tout ça n’est rien. Ce sont des blessures que tu as déjà reçues par dizaines. Des douleurs que tu as déjà mille fois ressenties.

Andréa aura bien résisté. L’instinct maternel. Il paraît que c’est la force la plus redoutable qui existe. Vran a toujours pensé que ce n’était qu’un mythe. Ce genre de chose motive, certes. Mais ça s’arrête là. Dans le monde, partout et tout le temps des gens habités d’un puissant désir de protection se font quand même écraser. Quelque part, une mère voit son enfant mourir, et n’y peut rien. Un frère voit son sang s’éteindre, et n’y peut rien. Un père voit sa famille réduite en cendres, et n’y peut rien.
Andréa s’apprête à mourir en laissant un bébé sans défense dans la nature, et n’y peut rien.

Pourtant, la vie se fait parfois un plaisir de changer la donne. Comme un grand coup sur la table qui fait tomber les pièces sur l’échiquier. Et on doit faire avec.
Les aciers semblent regarder sans voir, et Vran attrape la brune par le col pour la soulever, alors que son poing droit se lève, prêt à terminer le travail. Mais ce geste restera en suspension. Car il se passe quelque chose.

Un écho, discret. Les pleurs d'un bébé résonnent et semblent venir d'on ne sait où, mais de loin.

Vran reste figé, statuesque, sans que le coup armé ne décide de tomber. Il aura à peine aperçu le regard épouvanté de son adversaire, sa tête s’étant redressée brusquement. Son regard écarquillé scrute l’horizon d’un air presque halluciné.
Parce que parfois, quand on se retrouve à replacer les pièces du mieux qu’on peut sur cet échiquier qui vient d’être renversé, on découvre soudainement un pion auquel on avait pas fait attention avant, voir même dont on n’avait pas connaissance.
Après un instant plutôt bref mais qui aura certainement eut l’air de durer une éternité pour nos protagonistes, aigrefin relâche sa prise et laisse la Colombe retomber sur le sol.

Les pupilles se fixent sur la silhouette qui approche. Le premier réflexe de Vran, c’est de penser que l’encapuchonné l’a trahi. Andréa aura réussi cet exploit qui est de le rendre encore plus méfiant du genre humain qu’il ne l’était déjà. Désormais, dans sa tête, tous sont des traîtres potentiels.
Rapidement, c’est le paquet que Rael transporte qui attire son attention. Le truand enjambe le corps de la Colombe, félin, et approche de l’origine du bruit.
Un bébé.
Bien sûr que c’est logique, qu’il n’y a pas trente six trucs qui chouinent de cette manière. Mais là, sur le coup, il est toujours surpris.
Un bébé.
S’il avait su avant… Il aurait probablement lâché l’idée de tuer Andréa pour s’en prendre à son enfant. Une vie pour une vie. Mais il ne savait pas, et diable que la surprise le sonne.
Un putain de bébé.
Il n’y est pas préparé du tout, à cette éventualité. Si bien que quand il réceptionne le paquet, il reste un moment immobile, à l’observer.
Bonjour Arsinoé, c’est tonton Vran, le mec qui était à deux doigts de buter ta mère y a trente seconde, ça biche?

Le temps semble se figer un bon coup. Il aura à peine entendu les paroles de l’assassin. Les iris bleu sombre ne peuvent se décrocher de la petite. Il sait ce qu’il doit faire. Il doit la tuer. Il doit l’égorger maintenant, et sa vengeance sera achevée. Parfaite. Encore mieux qu’en tuant la mère. Il y aurait une vendetta après ça, mais qu’importe? Vran a toujours eu beaucoup d’ennemis, ça le changera pas beaucoup.
Mais là, il n’y parvient pas. Si seulement il avait su avant.
Il ne peut pas la tuer. Pas maintenant, en tous cas. Alors il prend une décision. Enfin, dire qu’il a pris une décision c’est un peu fort. Il a agis, et il se demandera plus tard ce qu’il a foutu, c’est plus proche de la vérité.

Bout de chaire dans les bras, Vran fait brusquement demi-tour et va administrer un coup de talon dans la tempe d’Andréa. Il a besoin de temps, et pour ça il a besoin qu’elle reste inconsciente un moment.
Un dernier regard sur son corps inanimé, et Corvidé s’en va, précipitamment. Il n’a même pas récupéré ses armes. Il est pressé, et désorienté un peu, aussi.

Il doit repasser à Limoges, et partir loin, très loin d’ici.



[Plus tard]

Vran se demande ce qu’il a foutu.
Il est là, parcourant la route d’un pas cadencé. De temps en temps, il se retourne pour voir s’il est suivi et en profite pour effacer ses traces.
Mog suit, langue pendue, simplement content d’avoir rapidement retrouvé son maître.
A l’abri entre ses plumes, Arsinoé Alzo.
Le bébé lui aura offert le luxe de se taire jusque là, mais il sent bien que ça ne va pas durer, et qu’il faudra trouver quelqu’un pour la nourrir. Jusqu’à ce qu’il trouve la force de la tuer, qu’il se dit.

Vran se demande ce qu’il a foutu. Mais surtout, il se demande ce qu’il va foutre ensuite.

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Andrea_
J'accusais les coups sans discontinuer, ceux que je rendais ne manquaient pas de conviction mais de précision. Vous n'avez pas idée du regain de force qui m'avait assailli alors qu'Arsinoé annonçait son existence aux oreilles de Vran, mais tout était anarchique, les ongles s'enfonçaient dans la peau de Corvidé, et je me démenais comme je pouvais, aussi bien qu'on puisse le faire quand on doit protéger son gamin.
Le voyage m'avait usé, la naissance aussi, et il serait mentir de dire que ma force valait celle de Vran, et j'en prenais douloureusement conscience alors que je retombais lourdement sur le sol.

Je n'ai rien pour décrire ce que mon regard pouvait exprimer, même "épouvanté" me semble bien léger, je tentais de me relever en voyant l'encapuchonné tendre l'enfant à Vran sans pouvoir me remettre complètement debout, et si j'avais pu parler, croyez bien que les seuls mots qui seraient sorti de ma bouche l'auraient fait pour demander pitié. Mais la pitié, c'est bien la dernière chose que Vran était prêt à m'accorder.
Ils s'approchent sans que je ne puisse quitter des yeux la main de ma fille et puis...

Rien. Trou noir, tomber de rideau.

J'apprendrais plus tard qu'un marchand passant par là m'avait trouvé pour me ramener au domaine. Qu'Archibalde avait fait mandé un médecin, et qu'après quelques heures prisonnière d'un profond sommeil, je m'étais finalement éveillée le corps tuméfié. Il avait fallu quelques minutes avant de pouvoir émettre un son, et d'autres encore, plus nombreuses pour que les esprits se remettent en place, pas assez rapidement puisqu'Archibalde avait plissé les yeux quand j'avais demandé à ce qu'il m'amène notre fille.

La prise de conscience avait été douloureuse, chacun la pensait avec l'autre. Ils s'étaient envoyé des noms d'oiseaux et prirent la décision de partir dès l'aube à la recherche de la petite.

Et puis comme lors d'un deuil il avait fallu affronter différentes émotions. Si les premiers jours avaient été actifs, que les passants semblaient comprendre et reconnaitre la description fournie, ce ne fût rapidement plus le cas. Parfois une piste apparaissait comme sérieuse et les sourires à peine esquissés redonnaient l'espoir nécessaire pour continuer, en vain, l'enfant et son ravisseur restaient introuvables.

Après l'espoir était né le silence. Probablement l'étape la plus longue pour le couple Alzo, le fossé se creusait inévitablement et aucun des époux n'avait la force d'engager la conversation. Et comme on s'habitue à l'absence on s'habitue au silence. Après avoir passé la journée à chercher, interroger voir menacer, chacun se murait dans sa bulle. Lui picolait de plus en plus et fuyait son épouse qui n'avait rien à lui dire. Elle, noyée par la culpabilité était même incapable de croiser son regard. Le soir venu elle faisait semblant de dormir et lui, bouffé par le chagrin s'endormait d'épuisement.
Pourtant un soir, autour de la table, les mots avaient jailli, les larmes, aussi. C'était la première fois qu'elle le voyait pleurer, et elle prenait la mesure du chagrin de son époux. A trop s'enfermer ils en avaient oublié que l'autre aussi, avait perdu un enfant.

Alors à deux ils avaient repris la route, trouvant la force d'avancer main dans la main, et si l'Amour permettait tout, la force du leur, ils en étaient certains, leur permettrait de retrouver leur fille.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
Vran
Un homme, un gigantesque molosse, et un bébé.

Vran savait qu'il devrait faire preuve d'une méfiance exacerbée. Ne faire confiance à personne. Ne parler à personne. Ne croiser personne. Il avait effacé ses traces, quitté la route, longé des cours d'eau dès qu'il le put. Mais sa description sortait beaucoup trop du lot.
Ça doit pas courir les royaumes, un mec qui se trimballe un bébé et un gros clébard. Ainsi, quand il passait par une ville, il se faisait tout petit. Il les évitait le plus possible, mais avait dû se résoudre à s'arrêter à l'une d'elle. C'est que ce bébé, qu'il tenait dans ses bras, il fallait le nourrir. Et vite. Parce qu'à chaque fois que la petite hurlait sa faim, Vran avait l'impression que le monde entier pouvait l'entendre, et qu'il ne faudrait que quelques minutes pour que des gens ne sortent des bois pour lui reprendre la gosse, ainsi que sa vie. Si bien qu'il avait rapidement appris à repérer les signes avant coureurs. Dès qu'il sentait l'enfant gigoter contre lui, il savait qu'il fallait vite trouver quelqu'un pour offrir son sein à Arsinoé.

Généralement, il n'avait pas trop eu de mal à trouver de jeunes paysannes enceintes pour remplir le rôle de nourrice. Généralement trop pauvres pour poser de question, face aux écus qu'il offrait en échange du service, et tacitement, du silence. Si certains avaient peut-être hésité, ils avaient dû être convaincus par le regard sombre du truand, et par la vue du chien qui l'accompagnait.
Une fois, alors que dos contre un mur et bras croisés, il observait une gamine nourrir la petite d'un air fermé, il se maudissait de ne pas choisir la solution la plus simple, celle qui le débarrasserait de ce poids. Il savait ce qu'il devait faire, ça n'avait pas changé. Cette enfant devait mourir.
Il avait essayé, pourtant.
Son couteau en main, il n'était pas parvenu à l'enfoncer dans la peau de l'enfançon -j'en suis assez fier de celle là, dommage que ça parle de buter un bébé- qui gazouillait entre ses bras. Quand il l'avait laissée dans les bois en pâture aux loups, il n'avait pas fallu plus d'une minute pour qu'il rebrousse chemin et la récupère. Son observation du fond d'un puit n'était restée que ça: une observation, il avait repris la route, toujours avec le bébé.

Il avait une voie simple et efficace devant lui, mais se trouvait incapable d'y avancer.
Pourtant, l'idée qu'on tue un enfant ne l'avait jamais vraiment dérangé. Il ne l'avait jamais fait auparavant, malgré la quantité d'horreurs qu'il avait pu commettre. Il ne l'avait jamais fait, pour la simple et bonne raison que pour lui, la mort d'un enfant est rarement utile, et qu'il ne s'était jamais trouvé dans une position où la question se posait. Il avait, en revanche, déjà vu un petit mourir, et ça ne l'avait pas touché plus que ça. De plus, Arsinoé était toute petite. Est-ce si cruel de soustraire un être vivant de ce monde avant qu'il n'ait le temps de développer une véritable conscience? Si, si, ça l'est, et ceux qui ont hésité, tenez vous éloignés du taf de babysitter, pitié. Mais Vran se pose vraiment la question.

Ainsi, il avait repoussé l'échéance. Il la tuerait plus tard. Pour le moment, il fallait se contenter d'avancer. Loin. De continuer d'effacer la moindre de ses traces avec assiduité. Et d'éviter au mieux les rencontres.
Il avait fini par trouvé une destination. Mais il fit un petit détour, afin de rendre son trajet aléatoire et incohérent aux yeux d'un observateur extérieur. Juste au cas où on trouvait toujours le moyen de repérer une empreinte qu'il aurait oublié derrière lui.

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Andrea_
Pas une seule fois l'Italien n'avait baissé les bras, et jamais il ne m'avait permis de le faire. Sitôt le silence revenait et renflouait l'abcès que l'on avait percé, il était là. Sitôt un soupir trop appuyé, un regard un peu voilé, il était là. Il prenait les choses en main, organisait les recherches et les étapes, veillait à ce que la moindre étincelle soit un feu d'artifices, pour faire disparaître ceux qui ornaient mon visage.

Mais contrairement à Lui, je connaissais Vran, je savais ce qui l'animait, ce dont il était capable, et j'étais encore étonnée de ne pas avoir reçu la tête de notre fille sur le pas de la porte. Je repoussais cette idée mais c'est bien celle qui prenait le dessus, qui tournait en boucle dans mon esprit.
L'esprit, qui prenait l'eau de toute part, et qui se raccrochait au simple fait que si on ne retrouvait pas le corps de notre fille, alors elle vivait. Avec Vran, et je repartais dans un cercle sans fin où il n'y avait pas d'issue positive à tout cela.

Les aînés d'Archibalde avaient été envoyé auprès de Vittorina, en Franche Comté, si leur départ avait suscité une peur panique de ne plus jamais les revoir, j'avais du me rendre à l'évidence qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de les protéger, qu'ils y seraient plus en sécurité qu'à Limoges, et c'étaient la vie de toute une famille qui s'enfouissait face à la folie d'un seul homme.

Je chérissais l'espoir de le retrouver, et si dans un premier temps c'était uniquement pour l'enterrer, j'étais forcée de constater que plus le temps passait, plus cette pensée s'éloignait. Il n'y avait plus de rage, plus de ressentiment, plus rien d'autre que retrouver ma fille. Aussi, oui, je l'avoue, j'aurais été capable de me mettre à genoux pour qu'il la rende. J'aurais été capable de bien pire encore, tant qu'elle en sortait vivante et qu'elle puisse grandir auprès de son père.

Mais ils restaient introuvables et pire encore, Corvidé nous menait en bateau, nous faisant rebrousser chemin une fois sur deux, la fois suivante étant une piste tellement facile qu'elle sonnait faux dès le départ et nous forçait à avorter notre avancée.

Je ne saurais dire combien de temps la traque avait durée, n'ayant même plus la capacité de distinguer le jour et la nuit, mais après plusieurs semaines et alors que nous n'avions rien de plus, il fût décidé de rentrer au domaine avec la certitude que tant que Vran n'aurait pas décidé de se montrer alors nous le retrouverions pas. Et c'était affreux, que de s'avouer vaincue, d'avoir l'impression d'abandonner son enfant, mais on ne peut pas se battre contre le vent.

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*Phrase de "Larme fatale" J. Doré, E. De Pretto, Merci pour la bannière, vraiment.
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